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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 037 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(0910)

[Français]

    Bonjour à tous, nous allons commencer notre séance no37 du Comité permanent de la défense nationale.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par ce comité le lundi 23 février 2009, nous allons poursuivre l'étude sur la souveraineté canadienne dans l'Arctique.

[Traduction]

    Je suis très heureux d'accueillir des témoins de la Qikiqtani Inuit Association et de Nunavut Tunngavik Incorporated: John Amagoalik, George Eckalook et John Merritt.
    Merci infiniment d'être parmi nous.
    Je cède la parole. J'ai d'abord à M. Amagoalik. Je vous demande de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent. S'il vous plaît, allez-y.
    Je me nomme John Amagoalik. Je suis le conseiller exécutif en politiques de la Qikiqtani Inuit Association, l'une des trois organisations inuites désignées dans le Nunavut.
    D'après la carte, le Nunavut couvre environ 40 p. 100 de la superficie émergée totale du pays. De notre association relève environ 50 p. 100 de la superficie émergée du Nunavut, dont environ 52  p. 100 de la population vit dans notre région.
    Je suis accompagné de John Merritt, avocat de l'Inuit Tapiriit Kanatami. Il répondra à toutes vos questions de nature juridique ou constitutionnelle.
    George Eckalook est le président par intérim de notre organisation inuite. Il fera les déclarations préliminaires. Elizabeth Roberts se chargera de l'interprétation.
    George fera sa déclaration préliminaire en inuktitut.
    Merci.

[Français]

    M. Eckalook.

[Traduction]

    Je suis vraiment heureux d'être ici et de l'invitation qui a été faite à la Qikiqtani Inuit Association du Nunavut.
    Comme John Amagoalik l'a dit, je suis actuellement le président par intérim.
    Je m'exprimerai surtout en inuktitut. Je parle peu l'anglais et je le comprends également peu.
    Je vous suis reconnaissant de votre invitation. Vous avez déjà en main mon exposé en inuktitut et en anglais.
    Si, ce matin, le temps le permet, je parlerai davantage du haut Arctique. Je viens de Resolute Bay, dans cette région. Nous protégeons les îles de la Reine-Élisabeth depuis 1953 et 1955. Je suis originaire d'Inukjuak, dans le Nord du Québec. C'est ma ville natale.
    Mais, en 1955, le gouvernement fédéral nous a déplacés dans le haut Arctique. Mes parents s'y trouvent. C'est là que nous sommes, actuellement. J'y ai grandi. C'est là que se trouve la ville où j'habite. Actuellement, des familles entières sont dans le haut Arctique.
    J'aimerais vous donner plus de détails sur cette région où le gouvernement fédéral nous a déménagés, en 1953 et en 1955. Pour nous, il importe de dire les choses comme elles sont au gouvernement fédéral. C'est pourquoi, ce matin, j'aimerais expliquer à quel point la vie est difficile dans le haut Arctique. Nous vivons dans notre localité actuelle depuis un peu plus de 60 ans.
    Monsieur le président, je préférerais maintenant m'exprimer en inuktitut.
    Notre interprète ne s'est pas encore montrée. Elle ne devrait pas tarder.
(0915)
    Merci.
    Voulez-vous être l'interprète de George?
    Vous ferez l'interprétation? Oui?
    Bien.
M. George Eckalook [Interprétation]:
    Vivre dans le haut Arctique demande beaucoup de sacrifices. Ma jeunesse y a été très difficile. Uniquement pour venir témoigner ici, cela m'a coûté 5 000 $.
    Le fait d'avoir été déplacé dans le haut Arctique par le gouvernement fédéral, je parle en connaissance de cause, fait éprouver un sentiment d'impuissance. Cela coûte cher aussi. Devoir se déplacer d'une collectivité à l'autre dans cette région éloignée, c'est fatigant. Le combustible et l'essence, dont on a besoin pour survivre dans cette région, coûtent très cher.
    N'oubliez pas que, là-bas, nous sommes des êtres humains et que nous aimerions être reconnus en quelque sorte; que nous faisons partie du Canada. Ma jeunesse dans cette région n'a pas été une partie de plaisir.
    [Le témoin enchaîne en anglais.]
    Monsieur le président, notre vie est vraiment difficile. Prenons l'essence, par exemple. Son coût est vraiment élevé, à 1,2520 $ le litre, tandis que le carburant diesel nous coûte 1,1920 $ le litre. Faire fonctionner notre équipement coûte donc très cher.
    En outre, monsieur le président, pour vous donner quelques autres exemples, nous n'avons qu'un seul magasin, une coopérative, où faire son marché coûte vraiment cher. Par exemple, deux litres de lait coûtent 8,49 $, le pain 4,69 $. Les oeufs sont à 5,89 $. Ce sont des articles que nous consommons chaque jour. Il est vraiment difficile de vivre comme ça.
    Nos engins viennent également du Sud. Nos motoneiges ou nos motoquadriroues coûtent environ 10 000 $ et, en sus, le coût de leur transport s'élève à 3 000 ou 4 000 $. C'est vraiment difficile pour les chasseurs. C'est vraiment coûteux. Pour l'expédition, la route ne sert qu'au fret. Nous utilisons également le bateau et les avions de First Air. En fait, ce sont les deux seuls moyens de transport que nous utilisons. Ce n'est pas comme dans le Sud.
    [Le témoin enchaîne en inuktitut, et ses propos sont traduits par un interprète.]
    Actuellement, les gens de Resolute en arrachent...
    Désolé; je suis l'un des descendants.
    Là-bas, ils ne comprennent pas vraiment ce que leurs valeurs sont ni ce qu'ils y font.
    Nos parents, nos grands-parents sont inhumés dans le sol gelé. Nous les aimions beaucoup...
    [Le témoin enchaîne en anglais.]
    Je suis désolé, monsieur le président; nous formons vraiment une famille là-bas.
    Aujourd'hui, nous voulons que le gouvernement fédéral reconnaisse les gens qui vivent là-bas. Du groupe qui a été déplacé dans le haut Arctique en 1950, il n'y a que trois survivants. Un seul aîné vit encore. Nous demandons au gouvernement fédéral de lui faire des excuses. C'est tout ce que nous demandons et...
    Je suis désolé, mais cela nous attriste tellement. C'est vraiment difficile de vous l'expliquer. Nous en sommes désolés. Pour nous, qui vivons là-bas, dans le haut Arctique, c'est tellement triste. C'est difficile à expliquer.
    En outre, monsieur le président, notre petite famille est née là-bas et a été élevée là-bas. Elle va vivre là-bas pour toujours, c'est pourquoi nous devons être avec elle. Nous demandons au gouvernement fédéral de la reconnaître plus... [Note de la rédaction: inaudible] ... à Resolute. C'est tout ce que nous demandons.
    Comme je viens de le dire, la vie, là-bas, est vraiment chère. En outre, trois mois par année, il n'y a pas de nuit, tandis que la saison de l'obscurité dure de six à huit mois. La vie est donc vraiment difficile dans cette région.
(0925)
    Monsieur le président, si vous le permettez, je veux parler un peu de ce que nous tentons de faire là-bas. Comme George l'a expliqué, les familles qui vivent là-bas n'y sont pas par choix. Elles y ont été transplantées par le gouvernement du Canada en 1953 et en 1955. La plupart des adultes sont retournés dans le Nord du Québec ou sont morts. Les deuxième et troisième générations vivent encore là-bas. Elles se considèrent toujours comme les gardiennes des îles du haut Arctique. Pour nous, le passage du Nord-Ouest fait partie des eaux intérieures du Canada, et nous ne sommes pas prêts à abandonner ce poste.
    J'aimerais également mentionner une étude que nous avons effectuée en 1973 ou 1974, sous le titre d'Inuit Land Use and Occupancy Project. Elle a été réalisée par un professeur de Calgary et elle a montré à quel point les Inuits utilisaient les terres et les eaux de l'Arctique et les occupaient. Je pense que vous seriez tous très étonnés de l'intensité de l'utilisation et de l'occupation des sols de là-bas. D'après l'étude, les Inuits utilisent presque tous les kilomètres carrés de ce territoire, et il en est ainsi depuis de nombreux millénaires. Il est donc indéniable que nous utilisons l'Arctique quotidiennement.
    Je mentionnerai aussi trois ou quatre projets. Depuis deux ou trois ans, nous collaborons avec l'agence Parcs Canada à la rédaction d'un protocole d'entente pour une aire marine nationale de conservation dans le détroit de Lancaster. Ce détroit est le passage du Nord-Ouest, et nous essayons de réaliser une étude sur la création d'une aire marine nationale de conservation pour sa partie orientale.
    Nous avons également entamé des discussions avec l'agence Parcs Canada pour négocier la création d'un parc national dans le nord de l'île Bathurst. Cette région fait partie de la fameuse vallée Polar Bear.
    Nous avons également entamé des discussions avec le ministère des Pêches et des Océans sur d'éventuelles zones de protection marine, qui, je crois, relèvent de la Loi sur les océans.
    Nous faisons de notre mieux pour appliquer l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Malheureusement, Nunavut Tunngavik Inc. s'est adressé aux tribunaux. Il accuse le gouvernement du Canada de ne pas avoir convenablement mis en oeuvre l'accord.
    Comme je l'ai dit, le déménagement est une grosse affaire dans les deux collectivités situées dans le passage du Nord-Ouest — Resolute Bay et Grise Fiord. Dès les années 1990, nous avons négocié des conditions d'indemnisation avec le gouvernement du Canada. Nous avons également demandé qu'il fasse des excuses, lesquelles étaient pour nous plus importantes que l'indemnisation. Tant qu'elles se feront attendre, le dossier restera ouvert. Nous continuerons de les exiger tant qu'elles ne viendront pas.
    Je pense que nous avons probablement dépassé notre limite de cinq ou six minutes. Nous en resterons donc là pour le moment. Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Wilfert, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier d'être venus. Je sais que, pour chacun d'entre vous, cette situation très personnelle soulève beaucoup d'émotions. Un certain nombre de vos observations m'ont beaucoup frappé.
    En 1993, le Parlement du Canada a adopté la Loi concernant l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut. En 2006, sa mise en oeuvre étant un échec, on a intenté des poursuites. Pouvez-vous me préciser rapidement quels sont les principaux points sur lesquels repose ce constat d'échec?
    Bien sûr, s'adresser aux tribunaux est toujours la voie la plus chère et la plus longue. Il y a sûrement moyen de régler le cas d'une loi adoptée par le Parlement en 1993 et protégée par la Constitution. Ce serait ma première question.
    Ma deuxième porte sur le déplacement de personnes dans le Grand Nord; nous y reviendrons.
    Ensuite, je pense que Mme Neville a une question pour vous.
(0930)
    Merci, pour cette question.
    Uniquement pour vous remettre dans le contexte, les membres du comité peuvent se rappeler que j'étais ici, il y a quelques semaines, avec Mary Simon, présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK. Je partage mon temps entre l'ITK et NTI. Les Inuits appliquent une forme très efficace de fédéralisme, ce qui explique pourquoi je suis capable de travailler pour deux organismes en même temps et de remplir ces deux mandats.
    Pour répondre à votre question, oui, NTI a entamé une poursuite fouillée en 2006, selon laquelle, la Couronne, représentée par le gouvernement du Canada, a violé l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, plus précisément, sur 39 de ses points. Comme l'affaire est devant les tribunaux, vous comprendrez que je ne veux pas trop m'étendre sur les détails.
    En ce qui concerne les enjeux les plus importants de l'affaire, j'en porterai deux à votre attention.
    Le premier est celui de l'article 23 de l'accord, selon lequel la Couronne doit collaborer avec les Inuits pour s'assurer que, dans le Nunavut, les effectifs des employés reflètent la composition de la population, pour que la fonction publique en donne une image représentative. Bien sûr, en s'efforçant de respecter cette condition dans la fonction publique, on met en place des études et des compétences pour le secteur privé. D'après l'accord, le gouvernement fédéral devrait chercher à obtenir, dans le Nunavut, une main-d'oeuvre constituée à 85 p. 100 d'Inuits. Depuis 1999, le taux d'Inuits dans la fonction publique du Nunavut est inférieur à 50 p. 100. Fait encore plus troublant, il n'augmente pas.
    L'ancien juge Berger a rédigé un rapport de médiation. Au printemps de 2006, il a recommandé des mesures précises de formation et d'éducation, que toutes les parties devaient adopter. Dans les semaines qui ont suivi la publication du rapport, le Nunavut Tunngavik l'a avalisé. Malheureusement, la Couronne n'a pas réagi aussi rapidement. Nous ne savons pas si le gouvernement du Canada s'engagera à appliquer les recommandations du rapport Berger. Les poursuites intentées contre lui découlent de la frustration engendrée par son apathie.
    J'ajouterai seulement, si j'ai plus de temps, que le système de résolution des différends ne fonctionne pas dans l'accord. Il ne fonctionne pour aucun accord important sur les revendications territoriales. L'année dernière, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a produit un rapport dans lequel on lisait que la politique fédérale de mise en oeuvre des accords devait être révisée de fond en comble et qu'il devrait exister une façon objective de résoudre les différends, pour ne pas forcer les gens à s'adresser aux tribunaux.
    Dans le cas du Nunavut, NTI a saisi le gouvernement fédéral de 17 points qu'il entendait soumettre à l'arbitrage, et le gouvernement fédéral les a tous rejetés. Pour NTI, ce n'est pas un comportement très satisfaisant. D'autre part, lorsque les tribunaux sont la seule option accessible, c'est celle que les gens sont forcés d'utiliser.
    Donc les 17 points destinés à l'arbitrage ont tous été rejetés?
    Oui.
    Cela semble énorme.
    En général, pour quel motif ont-ils été rejetés?
    Il faudrait manifestement en demander l'explication à un représentant du gouvernement du Canada. Nous ne pouvons vraiment voir les choses que de notre point de vue. D'après nous, l'arbitre risquait de rendre une décision désagréable. Dans ce cas, pourquoi courir cette chance, quand le veto suffit?
    N'est-ce pas une drôle de façon de diriger un pays?
    Je serais d'accord avec vous.
    Monsieur le président, combien nous reste-t-il de temps?
    Deux minutes.
    Eh bien! je les cède à Mme Neville.
    Poursuivez, parce que je veux conserver entière ma période de cinq minutes.
    Bien.
    Quels moyens avez-vous pris pour obtenir des excuses pour avoir été déplacés et sur quoi avez-vous buté? Il semble que, au fil des ans, nous ayons présenté des excuses pour diverses raisons, et, manifestement, celles que vous exigez sont bien au centre de vos observations.
    Nous avons tout essayé pour recevoir les excuses du gouvernement du Canada. Nous nous sommes présentés devant divers comités parlementaires pour raconter notre histoire; il y a 10 ou 15 ans, nous l'avons racontée à la Commission royale sur les peuples autochtones; par l'entremise de nos députés, nous faisons pression sur le gouvernement depuis un certain nombre d'années.
    Comme je l'ai mentionné, nous sommes parvenus à nous entendre sur des conditions d'indemnisation, il y a 10 ou 15 ans, mais nous avons tout essayé pour obtenir ces excuses — les comités parlementaires, nos députés, les médias.
    Comme tous le savent, les gouvernements sont toujours très réticents à présenter des excuses. On dirait qu'ils ont peur des conséquences. Cependant, on ne nous a jamais bien expliqué pourquoi ces excuses se faisaient attendre.
(0935)
    Je suppose que vous vous attendriez à ce que les excuses soient présentées officiellement au Parlement, peut-être par le gouvernement, le premier ministre, comme dans le cas des pensionnats.
    Nous estimons que les excuses devraient être faites par le premier ministre du Canada. Que ce soit à la Chambre ou à l'occasion d'une manifestation spéciale organisée pour les personnes déplacées, nous estimons que les excuses doivent venir du premier ministre.
    D'accord.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Monsieur Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos amis inuits. Pour avoir été près de ce dossier pendant sept ans, je suis en mesure de dire que j'ai partagé un peu la révolte des premières nations et des Inuits. J'estime que les gouvernements, surtout le gouvernement canadien, sont rapides lorsqu'il s'agit de signer des ententes qu'ils s'empressent aussitôt de ne pas respecter.
    Pour ma part, je tenais ce genre de débat avec mes collègues à l'époque où les premières nations étaient obligées de s'adresser à la cour pour obtenir justice. Actuellement, les décisions de la Cour fédérale ou de la Cour suprême du Canada sont à environ 50 p. 100 favorables aux Autochtones et aux Inuits. Malgré cela, on a de la difficulté à faire appliquer la décision de la cour parce que le gouvernement ne l'applique pas. C'est donc un peu révoltant.
    Monsieur Amagoalik, j'ai lu une partie de votre livre, Changing the Face of Canada. Vous n'aviez que 5 ans lorsque vous avez été déporté. C'est ainsi qu'il faut appeler cela. Quand on est au Nunavik, à Inukjuak, et que l'on est déplacé à quelque 1 500 km, peut-être à 2 000 km dans le Nord, à Resolute Bay et à Grise Fiord, j'appelle cela « une déportation ». Un chapitre complet de la Commission Erasmus-Dussault a traité de cette injustice. Je suis d'accord avec vous pour dire que cela prend des excuses de la part des gouvernements conservateur et libéral, qui ne sont pas encore venues. Cet événement s'est passé en 1953. Ils ont donc eu le temps d'examiner la question et de procéder.
    Cependant, pourquoi selon vous, monsieur Amagoalik, cette déportation a-t-elle eu lieu? Qu'est-ce qui la justifiait? Je veux vous assurer que les députés du Bloc québécois pensent que la question de la souveraineté de l'Arctique passe par le peuple inuit. On ne peut pas régler quoi que ce soit dans l'Arctique, même avec des frégates, des destroyers, des satellites et l'armée. Nous pensons que cela doit passer par des ententes cordiales et correctes avec les Inuits.
    Vous aviez 5 ans à l'époque. J'aimerais que vous nous expliquiez quelle est votre perception, aujourd'hui, de cet événement? Pourquoi le Canada a-t-il fait cela? Est-ce uniquement pour une question de souveraineté? Je suis d'accord avec vous: cela va prendre des excuses de la part du premier ministre.
(0940)

[Traduction]

    Je pense que l'histoire du Canada est remplie d'exemples d'engagements reniés. Les relations du Canada avec les peuples autochtones, depuis qu'il est devenu une nation, sont une longue histoire de promesses, de traités et d'accords violées, d'engagements trahis. Nous espérons que ça finira un jour.
    En ce qui concerne notre déménagement, le gouvernement du Canada a reconnu, il y a longtemps, que l'opération avait notamment pour but d'affirmer la souveraineté du Canada sur cette région. On nous a choisis parce qu'il nous était impossible, ensuite, de simplement charger les traîneaux à chiens de nos affaires, puis de retourner chez nous, 2 000 kilomètres plus loin. Resolute Bay et Grise Fiord occupent un endroit stratégique sur le passage du Nord-Ouest, et c'est pourquoi on nous a installés là-bas.
    Le gouvernement du Canada a tenté de déplacer des Inuits des localités de Pond Inlet et d'Arctic Bay, qui sont proches du passage du Nord-Ouest. Si ces Inuits n'étaient pas contents de leur sort, il leur suffisait de retourner à la maison en kometik. Pour nous, c'était un voyage impossible, parce que nous étions à 2 000 kilomètres de la maison. Le gouvernement du Canada a maintenant admis que la souveraineté avait beaucoup à voir dans cette opération de déplacement.

[Français]

    À mon avis, sauf erreur, le mode de vie que vous aviez dans le Nunavik était fort différent du nouveau mode de vie auquel vous avez dû vous adapter à Resolute Bay et Grise Fiord. Plus au sud, vous aviez d'autres types de nourriture, de cultures, pour assurer votre survie, alors qu'à 2 000 km plus au nord, c'était une terre presque stérile.
     Y a-t-il eu beaucoup de pertes de vie? On a abandonné des gens sur la banquise. Y a-t-il beaucoup de gens qui n'ont pas survécu à cette déportation?

[Traduction]

    Les deux personnes les plus âgées n'ont pas survécu aux deux premiers hivers. À Grise Fiord, Dera Elter, le chef de son groupe, n'a pas vécu un an. À Resolute Bay, notre chef est morte peu après la fin de l'opération. Leurs sépultures sont là-bas.
    Un certain nombre de personnes n'ont pas survécu aux deux ou trois premières années, qui ont été extrêmement difficiles. À l'époque, il n'y avait pas encore de changements climatiques, et le haut Arctique était extrêmement froid. Je me souviens de notre débarquement à Resolute, à la fin d'août. Le paysage était lunaire. Pas de végétation, nulle part à la ronde, uniquement du sable et du gravier.
    À l'époque, c'était différent. Le Canada, le monde entier étaient différents. Les attitudes aussi. Cela ne se pourrait pas aujourd'hui, parce que les Canadiens ne le toléreraient pas.

[Français]

    Maintenant...

[Traduction]

    Vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose aux propos de John Amagoalik.
    Le gouvernement fédéral prend soin de deux localités qui sont nos voisines: Alert et Eureka. Il les choie, parce que c'est lui l'employeur. Y a-t-il pénurie — de nourriture ou de n'importe quoi d'autre? On y transporte ce qui manque, pour les dépanner. Ils sont privilégiés. Quant aux habitants de Resolute, aux Inuits, leur traitement est différent. C'est pourquoi nous avons demandé au gouvernement fédéral de reconnaître le peuple inuit. Nos deux voisines, Eureka et Alert, sont vraiment choyées. Leurs habitants ont des emplois et ils font de l'argent. On paie leur nourriture et leurs dépenses, le transport, et les membres de leur famille dans le sud sont payés.
    Il y a donc des différences de traitement, selon l'endroit où le gouvernement fédéral a déplacé les Inuits. C'est ce dont nous nous plaignons.
    Notre peuple, nos parents, ceux dont j'ai parlé, sont inhumés et congelés dans le sol. Nous n'allons pas les laisser seuls. Nous allons vivre là-bas. Actuellement, nos familles vivent là-bas. La majorité des gens sont nés là-bas. C'est désormais leur ville natale. Nous avons demandé au gouvernement fédéral de reconnaître les gens qui vivent là-bas.
    On parle du détroit de Lancaster et du passage du Nord-Ouest. On parle des animaux. On veut très bien les protéger, comme le ferait un oreiller très douillet. Mais on ne parle jamais de nous, le peuple inuit. On nous déporte.
    Comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous ne savons même pas ce que nous faisons là-bas, ce que nous y protégeons. C'est une grande île, la moitié du Nunavut, d'après la carte. Il est vraiment important pour nous, pour notre peuple, que les Inuits y vivent.
    Négocions quelque chose de mieux. C'est ce que nous demandons.
(0945)
    Merci, monsieur Eckalook.
    Je cède maintenant la parole à M. Harris.
    Merci à tous, d'être venus. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
    Le sujet est très émouvant. J'en saisis toute l'importance, et pas seulement à la lumière de votre témoignage d'aujourd'hui.
    J'étais présent à Nain, au Labrador, en 2005, lors de la signature officielle de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits et de la création du Nunatsiavut. À l'époque, il y a également eu une cérémonie de présentation d'excuses. Le premier ministre Williams a présenté ses excuses, au nom du peuple de Terre-Neuve et du Labrador, pour le déplacement de deux communautés inuites contre leur gré.
    Sachez que la cérémonie a été extrêmement émouvante et, d'après la réaction frappante des gens concernés — émotive, physique —, son importance ne faisait pas de doute.
    Je comprends donc votre demande d'excuses et je l'appuie.
    Je tiens à ajouter, et je l'ai dit quand Mary Simon est venue témoigner, que je trouve tout à fait pénible et troublant, en ma qualité de député et comme Canadien, de constater la totale mauvaise foi avec laquelle on semble mettre en oeuvre l'accord sur les revendications territoriales. J'en ai discuté avec l'un des témoins, après une comparution récente. D'après elle, le gouvernement considérait l'accord comme un divorce au cours duquel chacun des deux conjoints part avec l'argent, alors que l'accord aurait valeur de contrat de mariage, unissant deux partenaires et précisant les modalités de leur cheminement ultérieur.
    Je pense que c'est une bonne façon de voir les choses. Toute cette mauvaise foi apparente m'inquiète évidemment beaucoup.
    Je connais l'importance du rôle que jouent les Inuits à Resolute Bay et à Grise Fiord, pour l'affirmation de la souveraineté, mais j'étais intéressé, monsieur Amagoalik à votre observation selon laquelle les deuxième et troisième générations sont encore dans le haut Arctique et souhaitent continuer de jouer le rôle de gardiens du Nord.
    Seriez-vous en train de dire qu'ils souhaitent demeurer là et qu'ils veulent continuer à jouer le rôle de gardiens du Nord? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Et si vous voulez faire des observations sur l'autre question, sur la comparaison mariage-divorce, allez-y, n'hésitez pas.
(0950)
    Nous considérons l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut comme un document « vivant », qui doit rester d'actualité. Trop souvent, après leur signature, on archive les traités, puis on les oublie. Cela ne doit pas arriver à l'accord. Il doit être mis en oeuvre comme il se doit. Nous voulons qu'il reste d'actualité.
    Quelle était la deuxième partie de votre question?
    Vous me corrigerez, si je me trompe, mais je crois que vous avez dit que les deuxième et troisième générations qui se trouvent dans le haut Arctique aimeraient continuer d'agir comme gardiens du Nord. Pourriez-vous donner des détails?
    Ces générations sont nées et ont grandi là-bas. Elles ne connaissent pas d'autres endroits. C'est leur patrie, comme George l'a dit à plusieurs reprises. Elles ne peuvent pas aller ailleurs, parce qu'elles sont nées là-bas. C'est le seul endroit qu'elles connaissent.
    Je pense que l'attitude des habitants de ces deux collectivités est très bonne. Ils estiment qu'ils contribuent à la souveraineté du pays et ils en sont fiers. Nous nous considérons comme les gardiens du haut Arctique, parce que nos ancêtres y sont inhumés dans ces localités et que nos descendants continuent d'y vivre et aident le pays à affirmer sa souveraineté sur le passage du Nord-Ouest.
    Pour répondre à votre question, je dirais que je pense que les habitants de ces localités sont prêts à y passer le reste de leur existence et ils estiment que leur contribution est importante.
    Ma question complémentaire, bien sûr, est la suivante: qu'espèrent-ils en retour du Canada? La réponse se trouve peut-être dans votre exposé, c'est-à-dire qu'ils espèrent que le Canada nouera un partenariat avec les Inuits pour affirmer sa souveraineté dans l'Arctique et qu'il travaillera à appliquer les recommandations présentées par Mary Simon.
    Ai-je raison?
    Oui. Effectivement.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Braid.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici, ce matin, et je les remercie également de leurs exposés très utiles.
    Je commencerai par une question de géographie. Pourriez-vous expliquer ou montrer sur la carte où se trouve la région de Qikqitani?
    Comme je l'ai dit, le Nunavut est constitué de trois régions. L'Ouest, ici, est la région de Kitikmeot.
    La région de Kivalliq se trouve ici, dans ces environs.
    La région que nous représentons englobe Sanikiluaq, loin au sud, dans la baie d'Hudson. Elle englobe la collectivité vivant sur ces îles jusque dans la baie James. Comme elle comprend aussi toutes les îles au nord de la terre ferme, elle représente 50 à 51 p. 100 de la masse émergée du Nunavut.
    Pardon? Quel pourcentage avez-vous dit?
    Environ 51 p. 100.
    Environ 51 p. 100, d'accord.
    Merci beaucoup, monsieur Amagoalik.
    Je passe ensuite à la question des excuses dont vous avez parlé et aux conditions d'indemnisation que, dans les années 1990, vous avez négociées et sur lesquelles vous vous êtes entendus. L'obtention des excuses du gouvernement faisait-elle partie des discussions à l'époque et, dans l'affirmative, quelle réponse avez-vous reçue?
(0955)
    Nous avons toujours exigé des excuses. Y compris quand nous avons approché le gouvernement du Canada pour négocier les conditions d'indemnisation. Comme je l'ai dit, nous nous sommes entendus sur les indemnisations, mais la question des excuses est restée en suspens. Il n'y a pas eu d'autres discussions à ce sujet.
    Enfin, concernant l'importance de l'instruction pour les Inuits et l'augmentation de la scolarisation ainsi que des taux de scolarisation, pourriez-vous me dire le pourcentage approximatif de la population inuite qui possède des études postsecondaires?
    Sauf erreur, les statistiques les plus fraîches dont les médias ont fait état étaient qu'environ 32 p. 100 des élèves inuits parachevaient leurs études secondaires. Pour les études postsecondaires, le pourcentage est encore plus faible. Il se situerait dans les 13 à 17 p. 100.
    Le taux de réussite des études postsecondaires est faible, et les taux de diplomation à la fin des études secondaires restent faibles, bien qu'ils s'améliorent un peu plus chaque année.
    Auriez-vous donc des recommandations précises ou pouvez-vous en communiquer plus tard au comité sur la façon d'augmenter les résultats dans les deux cycles d'enseignement?
    Pour infléchir ce type de phénomène, il faut des années, des générations peut-être. Nous avons besoin de plus d'enseignants d'inuktitut, de meilleures infrastructures dans nos collectivités, d'équipements tels que des ports et des quais ainsi que d'aménagements hydroélectriques.
    L'affirmation de la souveraineté du Canada ne passe pas nécessairement par des équipements militaires, mais par l'amélioration des conditions de vie des habitants et l'amélioration des infrastructures des collectivités où ils vivent. Même si les statistiques ne sont pas encore très réjouissantes, elles se sont améliorées très lentement au cours des dix ou quinze années d'existence du territoire.
    Paris ne s'est pas fait en un jour.
    Comment et où le petit pourcentage de la population inuite qui poursuit ses études postsecondaires les fait-il?
    Un programme d'études postsecondaires appelé Nunavut Sivuniksavut fonctionne, ici, à Ottawa, et il connaît beaucoup de succès. Mais les étudiants universitaires doivent s'exiler dans le sud, parce que, dans le Nunavut ni ailleurs dans le Nord, aucun établissement ne dispense d'enseignement à ce niveau.
    Les élèves et étudiants inuits qui viennent dans le Sud poursuivre leurs études postsecondaires, éprouvent-ils des difficultés particulières? Reviennent-ils ensuite dans le Nord?
    La plupart reviennent dans le Nord. Je pense qu'un très fort pourcentage d'élèves et d'étudiants qui ont poursuivi leurs études dans le Sud reviennent vivre dans le Nord. Ici, ils ont le mal du pays. La nourriture à laquelle ils sont habitués, leur famille, leurs amis, tout cela leur manque. C'est ce qui est pour eux le plus difficile de la vie dans le sud et des études universitaires.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Neville.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être présents ici aujourd'hui. J'ai eu le privilège de visiter Resolute et j'ai bien hâte de pouvoir y retourner.
    J'ai lu votre mémoire et j'ai entendu les questions de M. Braid sur les études. Quelle est l'importance de la mise en oeuvre des recommandations de Thomas Berger, pour l'affirmation de la souveraineté par l'entremise de la communauté inuite du Nord?
(1000)
    Nous estimons que les questions de souveraineté et de développement reviennent toujours à l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Dans les questions importantes telles que la souveraineté, nous espérons que le gouvernement du Canada reconnaîtra que la mise en oeuvre de l'accord est la meilleure façon d'affirmer la souveraineté du Canada. Mentionnons, entre autres choses, la création d'un conseil de la marine. L'accord réclame la création d'un conseil de la marine pour l'Arctique. Rien n'a été fait à ce sujet. Ce conseil permettrait de régler les enjeux marins et maritimes, et il y en a beaucoup, dans l'Arctique, y compris en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest.
    Nous espérons que le gouvernement du Canada reconnaîtra que la mise en oeuvre de l'accord sur les revendications territoriales est la meilleure façon d'affirmer notre souveraineté dans cette région.
    Le gouvernement du Canada a-t-il consulté d'une façon ou d'une autre votre organisation sur les projets qu'il a entrepris jusqu'ici dans le Nord?
    Le gouvernement du Canada effectue désormais beaucoup plus de consultation. Auparavant, de nombreux ministères répétaient machinalement les mêmes actions des années durant, mais depuis dix ans, ils ont commencé à réaliser qu'ils doivent s'attarder au libellé de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et qu'ils ont le devoir, en vertu de la loi, de consulter.
    Les consultations sont donc beaucoup plus nombreuses; il y a de l'amélioration à cet égard. Il fut un temps où les ministères nous ignoraient totalement, ne sachant même pas que l'Arctique était habité. Ce dernier a toujours été décrit comme une région désertique. Les gouvernements ont conservé cette attitude très longtemps, mais ils prennent désormais conscience qu'il ne s'agit pas d'un territoire inculte et que la population doit être consultée. Celle-ci doit être invitée à participer aux activités qui se déroulent dans l'Arctique.
    Merci.
    Disposez-vous d'un recours concernant le rejet par le gouvernement des 17 questions que vous aviez soumis à l'arbitrage? Tentez-vous de redéfinir ou de réorganiser ces questions d'une manière ou d'une autre pour les remettre à l'étude?
    Merci de votre question.
    Je vais simplement résumer les faits qui nous ont conduits au litige. Tout d'abord, Nunavut Tunngavik Incorporation, aussi appelée NTI, a proposé la négociation pour résoudre ces questions. Le gouvernement fédéral a retiré son négociateur en 2004 et a refusé d'en nommer un autre.
    Ensuite, on s'est tourné vers la médiation. C'est là qu'est intervenu M. Berger, qui, aux frais des contribuables, a produit, au terme d'un an et demi, un excellent rapport qui depuis a été tabletté.
    Enfin, NTI a soumis 17 questions à l'arbitrage.
    Voilà les trois mécanismes choisis qui, ensemble ou séparément, devaient résoudre la situation hors cour. Ce n'est qu'après l'échec de ces trois tentatives de règlement que la cause a été portée devant les tribunaux.
    NTI serait-elle prête à négocier en vue de trouver une solution? Il s'agirait évidemment d'une décision politique, mais en l'absence d'un négociateur ou de toute indication d'une volonté de tenir compte du rapport du médiateur ou de l'arbitrage, il est clair que le gouvernement place Nunavut Tunngavik Incorporation dans une impasse.
    Je crois donc qu'il y a une volonté concrète de trouver une solution appropriée.
    Je devrais mentionner que... et je suis sûr que M. Bachand le sait. Si je comprends bien, dans le Nord du Québec, par exemple, les Cris ont été en cour presque chaque année depuis 1975. NTI ne se sent donc pas victime d'une indifférence particulière. C'est un problème récurrent qui a été soulevé non seulement par le Comité sénatorial des peuples autochtones, mais aussi par la vérificatrice générale du Canada. Cette dernière a indiqué que cette méthode de mise en oeuvre ne fonctionnait pas et entraînerait des complications.
(1005)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Boughen, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi aussi de vous souhaiter la bienvenue ce matin et de vous remercier du temps que vous consacrez à nous communiquer vos préoccupations.
    De tous les problèmes que vous avez soulevés, je me demande quels en sont les plus importants pour votre peuple. Est-ce l'éducation, les soins de santé, les infrastructures ou les programmes d'aide économique? Au nom d'un groupe qui contribue à l'essor de tous, quels seraient vos objectifs prioritaires?
    La santé, l'éducation et le développement économique constituent tous des problèmes importants pour notre peuple.
    Vous savez probablement que le taux de suicide est extrêmement élevé, c'est-à-dire huit à neuf fois la moyenne nationale. Comme je l'ai indiqué, les taux de réussite scolaire demeurent très bas. La santé de notre peuple, du fait de vivre dans les maisons surpeuplées de nos petites communautés, représente un important problème, tout comme le manque de logement.
    Tous ces aspects sont prioritaires; il est très difficile d'en privilégier un, car ils sont tous importants.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup...
    Oui?
    Excusez-moi, mais je crois que M. Boughen partage son temps de parole avec moi.
    M. Ray Boughen: Effectivement.
    Le président: Ah, très bien.
    Mme Cheryl Gallant: Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'à nos témoins.
    Vous avez expliqué le coût élevé des produits de consommation courants où vous vivez. L'éloignement et la faible densité de population contribuent à ces difficultés.
    À quel point votre communauté est-elle favorable à l'ouverture du passage du Nord-Ouest du Canada aux fins du trafic commercial — en excluant, bien sûr, les aires que vous désirez voir réserver pour en faire des parcs marins et naturels?
    Si les navires marchands en viennent à emprunter le passage du Nord-Ouest, nous voulons être inclus dans les pourparlers sur leur façon de procéder. Cela dit, nous voulons avant tout qu'il soit très clair aux yeux de tous que, comme nous l'avons mentionné depuis le début, le passage du Nord-Ouest fait partie des eaux intérieures du Canada. Voilà une position sur laquelle nous ne sommes pas prêts à faire de compromis.
    La question est selon nous de nous assurer que la communauté internationale reconnaît que le passage relève de la compétence du Canada et que ce dernier a la responsabilité de mettre en place des règlements et des mesures faisant en sorte que les conditions relatives au passage des navires de commerce sont acceptables pour les habitants. Nous voulons participer à l'élaboration de la réglementation visant les navires. Il faut imposer des conditions à l'utilisation du passage du Nord-Ouest. Nous songeons aux coûts élevés de nettoyage si jamais des accidents survenaient. Nous sommes très préoccupés par le fait que des pétroliers naviguent sur ces eaux. Il serait très difficile de remédier à une catastrophe, c'est pourquoi nous devons mettre en place des mesures pour nous assurer que quelqu'un paie pour le nettoyage.
    D'accord, mais votre communauté voit-elle vraiment d'un bon oeil l'éventuelle utilisation commerciale du passage, en sachant qu'elle amènerait un développement économique et peut-être un allègement du coût de la vie dans le Grand Nord?
(1010)
    Avant toute chose, je ne vois pas comment l'ouverture du passage à des fins commerciales pourrait influencer le coût de la vie.
    La préoccupation par excellence des Inuits de la région est de s'assurer que le passage est protégé au plan environnemental, parce que le détroit de Lancaster est reconnu par la communauté internationale comme un écosystème très important. L'UNESCO milite pour que ce détroit soit reconnu à titre de site patrimonial depuis 20 à 25 ans déjà. Notre priorité est de s'assurer que la faune et l'environnement sont protégés, avant même d'en arriver à un accord sur l'utilisation commerciale.
    Que ça nous plaise ou non, il semble que des sous-marins nucléaires passent dans cette région. Compte tenu de la priorité de protéger l'environnement, votre communauté estime-t-elle qu'un port serait nécessaire pour s'occuper d'un accident ou d'une urgence éventuelle impliquant un véhicule à propulsion nucléaire?
    Nous ne voulons pas militariser l'Arctique avec des sous-marins nucléaires ou des navires de guerre, ni qu'il devienne l'objet d'un concours entre des puissances comme la Russie ou les États-Unis.
    Comme je l'ai mentionné, nous voulons que le passage soit reconnu comme nos eaux intérieures pour que ce soit les Canadiens qui décident de son utilisation. À l'heure actuelle, les États-Unis soutiennent que le passage du Nord-Ouest fait partie des eaux internationales. Nous trouvons que c'est inacceptable.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vais donner la parole à M  Paillé.
    Je vais peut-être attendre la traduction. M'entendez-vous? Merci de votre présence.
    Vous avez rendu un témoignage très intéressant jusqu'à maintenant. Cela fait déjà quand même plusieurs semaines qu'on étudie la question du passage du Nord-Ouest et de l'Arctique. Je suis particulièrement touché par votre témoignage et nécessairement mieux informé de la réalité que vous pouvez vivre.
    J'ai une seule question et je vais partager le temps qui m'est alloué avec mon collègue.
    Voyez-vous le passage du Nord-Ouest, ou tout le développement qui se produit actuellement dans l'Arctique, comme une occasion d'établir de nouveaux liens avec le gouvernement, de pouvoir ajuster certaines choses, de pouvoir exiger même des investissements, ou sentez-vous que c'est peut-être un nouveau défi un peu effrayant qui se présente? J'aimerais savoir si cela vous dérange ou si c'est plutôt quelque chose qui vous réjouit.

[Traduction]

    Avant tout, la nature des relations que nous entretiendrons avec le gouvernement du Canada est décrite dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Ensuite, nous sommes disposés à négocier l'ouverture du secteur pour le développement économique et l'extraction du pétrole, du gaz et des minéraux dans la mesure où ces activités profitent à nos communautés.
    Comme nous l'avons indiqué, notre organisme est responsable de ce secteur du Nunavut. Les sociétés pétrolières et minières qui veulent lancer un projet d'exploitation dans l'Extrême-Arctique doivent s'adresser à nous. C'est la première étape: venir nous voir. Nous sommes parfaitement enclins à discuter pour autant que les avantages que nous procurent ces projets nous conviennent.
(1015)

[Français]

    Pourrais-je continuer monsieur le président? J'ai deux questions.
    La première s'adresse à M. Merritt. M. Merritt, la présidente de votre organisme, Mary Simon, est venue témoigner devant le comité. Elle a fait six recommandations, et je me demande si ITK, votre organisme, ne pourrait pas en formuler une septième. Comme vous le savez, la Stratégie pour le Nord du gouvernement s'applique dans l'Inuvialuit et dans le Nunavut, mais ne s'applique pas dans le Nunavik ni dans le Nunatsiavut.
    Votre organisme serait-il prêt à faire une septième recommandation au gouvernement, soit d'inclure l'ensemble du peuple inuit dans un même territoire? Quand vous occupiez ces terres à l'époque, durant des temps immémoriaux, il n'y avait pas de frontières. Aujourd'hui, l'homme blanc met toujours des frontières partout. Ne serait-il pas aussi important que vos amis du Nunavik et du Nunatsiavut soient inclus dans la Stratégie pour le Nord?
    La deuxième question s'adresse à M. Eckalook. Je suis préoccupé par la question du logement. Je suis souvent allé dans les territoires de l'Arctique et j'ai vu des maisons où vivaient quatre générations d'Inuits, où il y avait jusqu'à une vingtaine de personnes dans la même maison. Je suis un peu inquiet de la propagation du virus de la grippe A(H1N1). Vous allez prendre l'avion pour retourner chez vous, et l'un d'entre vous, peut-être contaminé par le virus, va se retrouver dans une maison abritant 20 personnes. Vous risquez de les contaminer toutes.
    Pouvez-vous me dire s'il y a des mesures particulières en ce qui concerne le vaccin contre le virus A(H1N1)?
    De plus, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les maisons ne sont pas conçues pour loger 20 personnes? Ne croyez-vous pas qu'il faudrait que davantage d'aide soit fournie par le gouvernement fédéral afin d'assurer une vie décente dans les maisons, et qu'il n'y aurait pas quatre générations sous le même toit?
    On pourrait peut-être commencer par M. Merritt.

[Traduction]

    Je vous remercie de cette question.
    Des représentants de l'ITK ont déjà affirmé devant ce comité et déclaré publiquement ailleurs que la stratégie nordique actuelle du gouvernement fédéral devrait consister en une stratégie arctique authentique qui inclurait les quatre régions inuites, y compris le Nunatsiavut, dans la partie nord du Labrador, et le Nunavik. Je pense que l'ITK a également affirmé qu'il est très important que la stratégie arctique mette l'accent sur les questions maritimes et qu'elle aborde la gestion des terres dans les territoires. En plus d'inclure les quatre régions inuites, la stratégie doit tenir compte des questions maritimes. Beaucoup de dossiers difficiles concernant la souveraineté et la protection de l'environnement sont de cette nature, et il convient de mettre l'accent là-dessus.
    L'ITK a également fait valoir qu'une stratégie arctique durable doit être rédigée en partenariat actif avec les Inuits, plutôt que par les fonctionnaires fédéraux seulement.
    Quant à la position des autres organisations inuites à ce sujet, comme la Nunavut Tunngavik est membre de l'ITK, je crois qu'elle appuie cette position. La QIA représente une région du Nunavut; vous descendez donc dans la structure des organisations inuites, mais je ne crois pas que cela pose problème à la QIA.
    Je pense que les gens de la Makivik Corporation vont vous en parler davantage et je suis certain qu'ils vont être du même avis.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous quelque chose à ajouter? Il vous reste 30 minutes, ou plutôt 30 secondes.

[Français]

    Il serait important de parler du virus de la grippe A(H1N1).

[Traduction]

    Souhaitez-vous aborder la question de la grippe H1N1?
    Les logements surpeuplés, comme vous l'avez dit, sont une réalité dans certaines communautés, où de 18 à 20 personnes vivent dans des maisons de trois chambres à coucher. Ce n'est évidemment pas acceptable. Cela crée des tensions au sein des familles et constitue un risque pour la santé des gens qui vivent dans ces conditions.
    En ce qui a trait à la grippe H1N1, quand l'épidémie a commencé, le printemps dernier, elle s'est propagée très rapidement sur le territoire du Nunavut. Cette fois-ci, la situation semble moins grave, et le ministère de la Santé s'occupe de la vaccination de façon fort satisfaisante. En fait, je me suis fait vacciner juste avant de venir ici. Tout se déroule bien.
    Cependant, il est important de se rappeler que le surpeuplement des logements crée des problèmes de santé dans nos communautés. Quand survient un problème grave comme celui de la grippe porcine, c'est encore plus problématique si trois ou quatre générations doivent vivre dans la même maison.
(1020)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Storseth, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence et de leur témoignage très éloquent aujourd'hui. Je travaille beaucoup avec les communautés des premières nations de ma circonscription et j'ai déjà siégé au Comité des affaires autochtones. Je comprends l'importance que l'on accorde au respect dans votre culture. Je suis heureux de vous entendre dire que vous trouvez que le processus de consultation s'est amélioré au cours des dernières années. C'est un facteur très important pour établir des relations entre votre communauté et le gouvernement.
    Je viens d'une communauté du Nord de l'Alberta où il y a quelques bases militaires. L'armée, pour nous, ce n'est pas seulement des chars d'assaut, des armes et des avions, mais c'est aussi, en toute franchise, un mécanisme qui permet la construction d'infrastructures dans nos communautés. L'armée s'installe rarement dans une communauté sans y apporter des avantages, sur le plan du développement économique et des emplois ou des infrastructures, entre autres. Par exemple, l'armée vient de dépenser 135 millions de dollars dans notre communauté afin d'améliorer les services d'aqueduc, d'égout et d'infrastructures.
    Croyez-vous qu'il y ait des avantages potentiels à la présence de l'armée? C'est un peu comme la poule et l'oeuf. L'armée n'apporte pas toujours seulement du matériel; parfois, elle améliore aussi les ressources et les infrastructures. Qu'en pensez-vous?
    Dans le passé, les relations entre l'armée et les Inuits étaient quasi inexistantes. Pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, l'armée était très présente dans l'Arctique. L'armée américaine y était également à cette époque, notamment à Resolute Bay. Il n'y avait presque aucun lien entre les Inuits et l'armée, qui nous a toutefois laissé beaucoup de déchets, en particulier aux emplacements du réseau d'alerte avancée. Elle y a laissé une quantité considérable de déchets toxiques. Il a fallu des années et des millions de dollars pour décontaminer ces sites. C'est l'héritage que nous a laissé la présence militaire dans l'Arctique dans les premières années.
    Aujourd'hui, notre relation s'est beaucoup améliorée. L'armée reconnaît qu'elle a besoin des Inuits pour patrouiller dans l'Arctique et établir la souveraineté du Canada de façon efficace. Elle collabore beaucoup plus étroitement avec les Rangers et elle consulte les organisations quand elle veut effectuer des exercices importants, comme celui du Sud de l'île de Baffin, l'été dernier. Si l'armée veut construire des centres d'entraînement, elle doit d'abord en discuter avec nous. Nous voyons là une occasion d'améliorer les infrastructures et de faire en sorte que l'armée travaille en étroite collaboration avec notre peuple et avec les Rangers et qu'elle ne nous laisse pas ses déchets comme dans le passé.
    Absolument.
    Je sais que dans notre région, on parle beaucoup plus du Nord et de votre culture qu'auparavant, surtout à la télévision nationale, parce que le premier ministre s'y est souvent rendu avec son Cabinet. Je crois qu'aucun autre premier ministre ne s'est rendu aussi souvent dans le Nord que le premier ministre Harper.
    Pouvez-vous nous parler un peu du sentiment de fierté qu'inspire la visite du premier ministre et de son Cabinet dans votre communauté? Le premier ministre n'est pas le seul à s'y rendre: les médias nationaux s'y rendent aussi afin de mieux faire connaître votre belle communauté.
(1025)
    Nous reconnaissons que le premier ministre actuel s'est rendu dans le Nord beaucoup plus souvent que tout autre premier ministre dans le passé. Cependant, à ses deux ou trois premières visites, nous avons été déçus, parce qu'il n'a jamais rencontré les dirigeants inuits ni jamais mentionné le peuple inuit dans ses discours. Nous nous sommes demandé pourquoi.
    Puis, il nous a dit: « Utilisez-le, sinon vous allez le perdre ». Ces propos nous ont fait très mal. Ils nous ont blessés, insultés. Nous utilisons et nous occupons l'Arctique tous les jours; nous le faisons depuis des milliers d'années. Nous estimons que le gouvernement du Canada doit cesser de nous dire cela, car c'est inutile.
    Nous sommes heureux que le gouvernement du Canada fasse de l'Arctique une priorité et nous sommes impatients de travailler avec lui. Il semble que les changements climatiques aient attiré l'attention du monde entier sur l'Arctique. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens prennent de plus en plus conscience que l'Arctique leur appartient. Ce sera très important dans l'avenir.
    Nous nous réjouissons que le gouvernement du Canada donne la priorité à l'Arctique, mais nous voulons qu'il reconnaisse que les Inuits sont la pierre angulaire de tout ce qui se passe là-bas.
    Absolument.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés.

[Français]

    Merci beaucoup d'avoir été des nôtres, ce matin. Je suis certain que l'ensemble des députés ont bien apprécié votre présentation. Cela sera très utile pour nos travaux futurs.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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