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Bonjour à tous, nous allons commencer notre séance n
o37 du Comité permanent de la défense nationale.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par ce comité le lundi 23 février 2009, nous allons poursuivre l'étude sur la souveraineté canadienne dans l'Arctique.
[Traduction]
Je suis très heureux d'accueillir des témoins de la Qikiqtani Inuit Association et de Nunavut Tunngavik Incorporated: John Amagoalik, George Eckalook et John Merritt.
Merci infiniment d'être parmi nous.
Je cède la parole. J'ai d'abord à M. Amagoalik. Je vous demande de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent. S'il vous plaît, allez-y.
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Merci, monsieur le président.
Je me nomme John Amagoalik. Je suis le conseiller exécutif en politiques de la Qikiqtani Inuit Association, l'une des trois organisations inuites désignées dans le Nunavut.
D'après la carte, le Nunavut couvre environ 40 p. 100 de la superficie émergée totale du pays. De notre association relève environ 50 p. 100 de la superficie émergée du Nunavut, dont environ 52 p. 100 de la population vit dans notre région.
Je suis accompagné de John Merritt, avocat de l'Inuit Tapiriit Kanatami. Il répondra à toutes vos questions de nature juridique ou constitutionnelle.
George Eckalook est le président par intérim de notre organisation inuite. Il fera les déclarations préliminaires. Elizabeth Roberts se chargera de l'interprétation.
George fera sa déclaration préliminaire en inuktitut.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment heureux d'être ici et de l'invitation qui a été faite à la Qikiqtani Inuit Association du Nunavut.
Comme John Amagoalik l'a dit, je suis actuellement le président par intérim.
Je m'exprimerai surtout en inuktitut. Je parle peu l'anglais et je le comprends également peu.
Je vous suis reconnaissant de votre invitation. Vous avez déjà en main mon exposé en inuktitut et en anglais.
Si, ce matin, le temps le permet, je parlerai davantage du haut Arctique. Je viens de Resolute Bay, dans cette région. Nous protégeons les îles de la Reine-Élisabeth depuis 1953 et 1955. Je suis originaire d'Inukjuak, dans le Nord du Québec. C'est ma ville natale.
Mais, en 1955, le gouvernement fédéral nous a déplacés dans le haut Arctique. Mes parents s'y trouvent. C'est là que nous sommes, actuellement. J'y ai grandi. C'est là que se trouve la ville où j'habite. Actuellement, des familles entières sont dans le haut Arctique.
J'aimerais vous donner plus de détails sur cette région où le gouvernement fédéral nous a déménagés, en 1953 et en 1955. Pour nous, il importe de dire les choses comme elles sont au gouvernement fédéral. C'est pourquoi, ce matin, j'aimerais expliquer à quel point la vie est difficile dans le haut Arctique. Nous vivons dans notre localité actuelle depuis un peu plus de 60 ans.
Monsieur le président, je préférerais maintenant m'exprimer en inuktitut.
Notre interprète ne s'est pas encore montrée. Elle ne devrait pas tarder.
[Interprétation]:
Vivre dans le haut Arctique demande beaucoup de sacrifices. Ma jeunesse y a été très difficile. Uniquement pour venir témoigner ici, cela m'a coûté 5 000 $.
Le fait d'avoir été déplacé dans le haut Arctique par le gouvernement fédéral, je parle en connaissance de cause, fait éprouver un sentiment d'impuissance. Cela coûte cher aussi. Devoir se déplacer d'une collectivité à l'autre dans cette région éloignée, c'est fatigant. Le combustible et l'essence, dont on a besoin pour survivre dans cette région, coûtent très cher.
N'oubliez pas que, là-bas, nous sommes des êtres humains et que nous aimerions être reconnus en quelque sorte; que nous faisons partie du Canada. Ma jeunesse dans cette région n'a pas été une partie de plaisir.
[Le témoin enchaîne en anglais.]
Monsieur le président, notre vie est vraiment difficile. Prenons l'essence, par exemple. Son coût est vraiment élevé, à 1,2520 $ le litre, tandis que le carburant diesel nous coûte 1,1920 $ le litre. Faire fonctionner notre équipement coûte donc très cher.
En outre, monsieur le président, pour vous donner quelques autres exemples, nous n'avons qu'un seul magasin, une coopérative, où faire son marché coûte vraiment cher. Par exemple, deux litres de lait coûtent 8,49 $, le pain 4,69 $. Les oeufs sont à 5,89 $. Ce sont des articles que nous consommons chaque jour. Il est vraiment difficile de vivre comme ça.
Nos engins viennent également du Sud. Nos motoneiges ou nos motoquadriroues coûtent environ 10 000 $ et, en sus, le coût de leur transport s'élève à 3 000 ou 4 000 $. C'est vraiment difficile pour les chasseurs. C'est vraiment coûteux. Pour l'expédition, la route ne sert qu'au fret. Nous utilisons également le bateau et les avions de First Air. En fait, ce sont les deux seuls moyens de transport que nous utilisons. Ce n'est pas comme dans le Sud.
[Le témoin enchaîne en inuktitut, et ses propos sont traduits par un interprète.]
Actuellement, les gens de Resolute en arrachent...
Désolé; je suis l'un des descendants.
Là-bas, ils ne comprennent pas vraiment ce que leurs valeurs sont ni ce qu'ils y font.
Nos parents, nos grands-parents sont inhumés dans le sol gelé. Nous les aimions beaucoup...
[Le témoin enchaîne en anglais.]
Je suis désolé, monsieur le président; nous formons vraiment une famille là-bas.
Aujourd'hui, nous voulons que le gouvernement fédéral reconnaisse les gens qui vivent là-bas. Du groupe qui a été déplacé dans le haut Arctique en 1950, il n'y a que trois survivants. Un seul aîné vit encore. Nous demandons au gouvernement fédéral de lui faire des excuses. C'est tout ce que nous demandons et...
Je suis désolé, mais cela nous attriste tellement. C'est vraiment difficile de vous l'expliquer. Nous en sommes désolés. Pour nous, qui vivons là-bas, dans le haut Arctique, c'est tellement triste. C'est difficile à expliquer.
En outre, monsieur le président, notre petite famille est née là-bas et a été élevée là-bas. Elle va vivre là-bas pour toujours, c'est pourquoi nous devons être avec elle. Nous demandons au gouvernement fédéral de la reconnaître plus... [Note de la rédaction: inaudible] ... à Resolute. C'est tout ce que nous demandons.
Comme je viens de le dire, la vie, là-bas, est vraiment chère. En outre, trois mois par année, il n'y a pas de nuit, tandis que la saison de l'obscurité dure de six à huit mois. La vie est donc vraiment difficile dans cette région.
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Monsieur le président, si vous le permettez, je veux parler un peu de ce que nous tentons de faire là-bas. Comme George l'a expliqué, les familles qui vivent là-bas n'y sont pas par choix. Elles y ont été transplantées par le gouvernement du Canada en 1953 et en 1955. La plupart des adultes sont retournés dans le Nord du Québec ou sont morts. Les deuxième et troisième générations vivent encore là-bas. Elles se considèrent toujours comme les gardiennes des îles du haut Arctique. Pour nous, le passage du Nord-Ouest fait partie des eaux intérieures du Canada, et nous ne sommes pas prêts à abandonner ce poste.
J'aimerais également mentionner une étude que nous avons effectuée en 1973 ou 1974, sous le titre d'Inuit Land Use and Occupancy Project. Elle a été réalisée par un professeur de Calgary et elle a montré à quel point les Inuits utilisaient les terres et les eaux de l'Arctique et les occupaient. Je pense que vous seriez tous très étonnés de l'intensité de l'utilisation et de l'occupation des sols de là-bas. D'après l'étude, les Inuits utilisent presque tous les kilomètres carrés de ce territoire, et il en est ainsi depuis de nombreux millénaires. Il est donc indéniable que nous utilisons l'Arctique quotidiennement.
Je mentionnerai aussi trois ou quatre projets. Depuis deux ou trois ans, nous collaborons avec l'agence Parcs Canada à la rédaction d'un protocole d'entente pour une aire marine nationale de conservation dans le détroit de Lancaster. Ce détroit est le passage du Nord-Ouest, et nous essayons de réaliser une étude sur la création d'une aire marine nationale de conservation pour sa partie orientale.
Nous avons également entamé des discussions avec l'agence Parcs Canada pour négocier la création d'un parc national dans le nord de l'île Bathurst. Cette région fait partie de la fameuse vallée Polar Bear.
Nous avons également entamé des discussions avec le ministère des Pêches et des Océans sur d'éventuelles zones de protection marine, qui, je crois, relèvent de la Loi sur les océans.
Nous faisons de notre mieux pour appliquer l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Malheureusement, Nunavut Tunngavik Inc. s'est adressé aux tribunaux. Il accuse le gouvernement du Canada de ne pas avoir convenablement mis en oeuvre l'accord.
Comme je l'ai dit, le déménagement est une grosse affaire dans les deux collectivités situées dans le passage du Nord-Ouest — Resolute Bay et Grise Fiord. Dès les années 1990, nous avons négocié des conditions d'indemnisation avec le gouvernement du Canada. Nous avons également demandé qu'il fasse des excuses, lesquelles étaient pour nous plus importantes que l'indemnisation. Tant qu'elles se feront attendre, le dossier restera ouvert. Nous continuerons de les exiger tant qu'elles ne viendront pas.
Je pense que nous avons probablement dépassé notre limite de cinq ou six minutes. Nous en resterons donc là pour le moment. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier d'être venus. Je sais que, pour chacun d'entre vous, cette situation très personnelle soulève beaucoup d'émotions. Un certain nombre de vos observations m'ont beaucoup frappé.
En 1993, le Parlement du Canada a adopté la Loi concernant l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut. En 2006, sa mise en oeuvre étant un échec, on a intenté des poursuites. Pouvez-vous me préciser rapidement quels sont les principaux points sur lesquels repose ce constat d'échec?
Bien sûr, s'adresser aux tribunaux est toujours la voie la plus chère et la plus longue. Il y a sûrement moyen de régler le cas d'une loi adoptée par le Parlement en 1993 et protégée par la Constitution. Ce serait ma première question.
Ma deuxième porte sur le déplacement de personnes dans le Grand Nord; nous y reviendrons.
Ensuite, je pense que Mme Neville a une question pour vous.
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Merci, pour cette question.
Uniquement pour vous remettre dans le contexte, les membres du comité peuvent se rappeler que j'étais ici, il y a quelques semaines, avec Mary Simon, présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK. Je partage mon temps entre l'ITK et NTI. Les Inuits appliquent une forme très efficace de fédéralisme, ce qui explique pourquoi je suis capable de travailler pour deux organismes en même temps et de remplir ces deux mandats.
Pour répondre à votre question, oui, NTI a entamé une poursuite fouillée en 2006, selon laquelle, la Couronne, représentée par le gouvernement du Canada, a violé l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, plus précisément, sur 39 de ses points. Comme l'affaire est devant les tribunaux, vous comprendrez que je ne veux pas trop m'étendre sur les détails.
En ce qui concerne les enjeux les plus importants de l'affaire, j'en porterai deux à votre attention.
Le premier est celui de l'article 23 de l'accord, selon lequel la Couronne doit collaborer avec les Inuits pour s'assurer que, dans le Nunavut, les effectifs des employés reflètent la composition de la population, pour que la fonction publique en donne une image représentative. Bien sûr, en s'efforçant de respecter cette condition dans la fonction publique, on met en place des études et des compétences pour le secteur privé. D'après l'accord, le gouvernement fédéral devrait chercher à obtenir, dans le Nunavut, une main-d'oeuvre constituée à 85 p. 100 d'Inuits. Depuis 1999, le taux d'Inuits dans la fonction publique du Nunavut est inférieur à 50 p. 100. Fait encore plus troublant, il n'augmente pas.
L'ancien juge Berger a rédigé un rapport de médiation. Au printemps de 2006, il a recommandé des mesures précises de formation et d'éducation, que toutes les parties devaient adopter. Dans les semaines qui ont suivi la publication du rapport, le Nunavut Tunngavik l'a avalisé. Malheureusement, la Couronne n'a pas réagi aussi rapidement. Nous ne savons pas si le gouvernement du Canada s'engagera à appliquer les recommandations du rapport Berger. Les poursuites intentées contre lui découlent de la frustration engendrée par son apathie.
J'ajouterai seulement, si j'ai plus de temps, que le système de résolution des différends ne fonctionne pas dans l'accord. Il ne fonctionne pour aucun accord important sur les revendications territoriales. L'année dernière, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a produit un rapport dans lequel on lisait que la politique fédérale de mise en oeuvre des accords devait être révisée de fond en comble et qu'il devrait exister une façon objective de résoudre les différends, pour ne pas forcer les gens à s'adresser aux tribunaux.
Dans le cas du Nunavut, NTI a saisi le gouvernement fédéral de 17 points qu'il entendait soumettre à l'arbitrage, et le gouvernement fédéral les a tous rejetés. Pour NTI, ce n'est pas un comportement très satisfaisant. D'autre part, lorsque les tribunaux sont la seule option accessible, c'est celle que les gens sont forcés d'utiliser.
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Nous avons tout essayé pour recevoir les excuses du gouvernement du Canada. Nous nous sommes présentés devant divers comités parlementaires pour raconter notre histoire; il y a 10 ou 15 ans, nous l'avons racontée à la Commission royale sur les peuples autochtones; par l'entremise de nos députés, nous faisons pression sur le gouvernement depuis un certain nombre d'années.
Comme je l'ai mentionné, nous sommes parvenus à nous entendre sur des conditions d'indemnisation, il y a 10 ou 15 ans, mais nous avons tout essayé pour obtenir ces excuses — les comités parlementaires, nos députés, les médias.
Comme tous le savent, les gouvernements sont toujours très réticents à présenter des excuses. On dirait qu'ils ont peur des conséquences. Cependant, on ne nous a jamais bien expliqué pourquoi ces excuses se faisaient attendre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos amis inuits. Pour avoir été près de ce dossier pendant sept ans, je suis en mesure de dire que j'ai partagé un peu la révolte des premières nations et des Inuits. J'estime que les gouvernements, surtout le gouvernement canadien, sont rapides lorsqu'il s'agit de signer des ententes qu'ils s'empressent aussitôt de ne pas respecter.
Pour ma part, je tenais ce genre de débat avec mes collègues à l'époque où les premières nations étaient obligées de s'adresser à la cour pour obtenir justice. Actuellement, les décisions de la Cour fédérale ou de la Cour suprême du Canada sont à environ 50 p. 100 favorables aux Autochtones et aux Inuits. Malgré cela, on a de la difficulté à faire appliquer la décision de la cour parce que le gouvernement ne l'applique pas. C'est donc un peu révoltant.
Monsieur Amagoalik, j'ai lu une partie de votre livre, Changing the Face of Canada. Vous n'aviez que 5 ans lorsque vous avez été déporté. C'est ainsi qu'il faut appeler cela. Quand on est au Nunavik, à Inukjuak, et que l'on est déplacé à quelque 1 500 km, peut-être à 2 000 km dans le Nord, à Resolute Bay et à Grise Fiord, j'appelle cela « une déportation ». Un chapitre complet de la Commission Erasmus-Dussault a traité de cette injustice. Je suis d'accord avec vous pour dire que cela prend des excuses de la part des gouvernements conservateur et libéral, qui ne sont pas encore venues. Cet événement s'est passé en 1953. Ils ont donc eu le temps d'examiner la question et de procéder.
Cependant, pourquoi selon vous, monsieur Amagoalik, cette déportation a-t-elle eu lieu? Qu'est-ce qui la justifiait? Je veux vous assurer que les députés du Bloc québécois pensent que la question de la souveraineté de l'Arctique passe par le peuple inuit. On ne peut pas régler quoi que ce soit dans l'Arctique, même avec des frégates, des destroyers, des satellites et l'armée. Nous pensons que cela doit passer par des ententes cordiales et correctes avec les Inuits.
Vous aviez 5 ans à l'époque. J'aimerais que vous nous expliquiez quelle est votre perception, aujourd'hui, de cet événement? Pourquoi le Canada a-t-il fait cela? Est-ce uniquement pour une question de souveraineté? Je suis d'accord avec vous: cela va prendre des excuses de la part du premier ministre.
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Je pense que l'histoire du Canada est remplie d'exemples d'engagements reniés. Les relations du Canada avec les peuples autochtones, depuis qu'il est devenu une nation, sont une longue histoire de promesses, de traités et d'accords violées, d'engagements trahis. Nous espérons que ça finira un jour.
En ce qui concerne notre déménagement, le gouvernement du Canada a reconnu, il y a longtemps, que l'opération avait notamment pour but d'affirmer la souveraineté du Canada sur cette région. On nous a choisis parce qu'il nous était impossible, ensuite, de simplement charger les traîneaux à chiens de nos affaires, puis de retourner chez nous, 2 000 kilomètres plus loin. Resolute Bay et Grise Fiord occupent un endroit stratégique sur le passage du Nord-Ouest, et c'est pourquoi on nous a installés là-bas.
Le gouvernement du Canada a tenté de déplacer des Inuits des localités de Pond Inlet et d'Arctic Bay, qui sont proches du passage du Nord-Ouest. Si ces Inuits n'étaient pas contents de leur sort, il leur suffisait de retourner à la maison en kometik. Pour nous, c'était un voyage impossible, parce que nous étions à 2 000 kilomètres de la maison. Le gouvernement du Canada a maintenant admis que la souveraineté avait beaucoup à voir dans cette opération de déplacement.
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Les deux personnes les plus âgées n'ont pas survécu aux deux premiers hivers. À Grise Fiord, Dera Elter, le chef de son groupe, n'a pas vécu un an. À Resolute Bay, notre chef est morte peu après la fin de l'opération. Leurs sépultures sont là-bas.
Un certain nombre de personnes n'ont pas survécu aux deux ou trois premières années, qui ont été extrêmement difficiles. À l'époque, il n'y avait pas encore de changements climatiques, et le haut Arctique était extrêmement froid. Je me souviens de notre débarquement à Resolute, à la fin d'août. Le paysage était lunaire. Pas de végétation, nulle part à la ronde, uniquement du sable et du gravier.
À l'époque, c'était différent. Le Canada, le monde entier étaient différents. Les attitudes aussi. Cela ne se pourrait pas aujourd'hui, parce que les Canadiens ne le toléreraient pas.
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Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose aux propos de John Amagoalik.
Le gouvernement fédéral prend soin de deux localités qui sont nos voisines: Alert et Eureka. Il les choie, parce que c'est lui l'employeur. Y a-t-il pénurie — de nourriture ou de n'importe quoi d'autre? On y transporte ce qui manque, pour les dépanner. Ils sont privilégiés. Quant aux habitants de Resolute, aux Inuits, leur traitement est différent. C'est pourquoi nous avons demandé au gouvernement fédéral de reconnaître le peuple inuit. Nos deux voisines, Eureka et Alert, sont vraiment choyées. Leurs habitants ont des emplois et ils font de l'argent. On paie leur nourriture et leurs dépenses, le transport, et les membres de leur famille dans le sud sont payés.
Il y a donc des différences de traitement, selon l'endroit où le gouvernement fédéral a déplacé les Inuits. C'est ce dont nous nous plaignons.
Notre peuple, nos parents, ceux dont j'ai parlé, sont inhumés et congelés dans le sol. Nous n'allons pas les laisser seuls. Nous allons vivre là-bas. Actuellement, nos familles vivent là-bas. La majorité des gens sont nés là-bas. C'est désormais leur ville natale. Nous avons demandé au gouvernement fédéral de reconnaître les gens qui vivent là-bas.
On parle du détroit de Lancaster et du passage du Nord-Ouest. On parle des animaux. On veut très bien les protéger, comme le ferait un oreiller très douillet. Mais on ne parle jamais de nous, le peuple inuit. On nous déporte.
Comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous ne savons même pas ce que nous faisons là-bas, ce que nous y protégeons. C'est une grande île, la moitié du Nunavut, d'après la carte. Il est vraiment important pour nous, pour notre peuple, que les Inuits y vivent.
Négocions quelque chose de mieux. C'est ce que nous demandons.
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Merci à tous, d'être venus. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
Le sujet est très émouvant. J'en saisis toute l'importance, et pas seulement à la lumière de votre témoignage d'aujourd'hui.
J'étais présent à Nain, au Labrador, en 2005, lors de la signature officielle de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits et de la création du Nunatsiavut. À l'époque, il y a également eu une cérémonie de présentation d'excuses. Le premier ministre Williams a présenté ses excuses, au nom du peuple de Terre-Neuve et du Labrador, pour le déplacement de deux communautés inuites contre leur gré.
Sachez que la cérémonie a été extrêmement émouvante et, d'après la réaction frappante des gens concernés — émotive, physique —, son importance ne faisait pas de doute.
Je comprends donc votre demande d'excuses et je l'appuie.
Je tiens à ajouter, et je l'ai dit quand Mary Simon est venue témoigner, que je trouve tout à fait pénible et troublant, en ma qualité de député et comme Canadien, de constater la totale mauvaise foi avec laquelle on semble mettre en oeuvre l'accord sur les revendications territoriales. J'en ai discuté avec l'un des témoins, après une comparution récente. D'après elle, le gouvernement considérait l'accord comme un divorce au cours duquel chacun des deux conjoints part avec l'argent, alors que l'accord aurait valeur de contrat de mariage, unissant deux partenaires et précisant les modalités de leur cheminement ultérieur.
Je pense que c'est une bonne façon de voir les choses. Toute cette mauvaise foi apparente m'inquiète évidemment beaucoup.
Je connais l'importance du rôle que jouent les Inuits à Resolute Bay et à Grise Fiord, pour l'affirmation de la souveraineté, mais j'étais intéressé, monsieur Amagoalik à votre observation selon laquelle les deuxième et troisième générations sont encore dans le haut Arctique et souhaitent continuer de jouer le rôle de gardiens du Nord.
Seriez-vous en train de dire qu'ils souhaitent demeurer là et qu'ils veulent continuer à jouer le rôle de gardiens du Nord? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Et si vous voulez faire des observations sur l'autre question, sur la comparaison mariage-divorce, allez-y, n'hésitez pas.
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Merci de votre question.
Je vais simplement résumer les faits qui nous ont conduits au litige. Tout d'abord, Nunavut Tunngavik Incorporation, aussi appelée NTI, a proposé la négociation pour résoudre ces questions. Le gouvernement fédéral a retiré son négociateur en 2004 et a refusé d'en nommer un autre.
Ensuite, on s'est tourné vers la médiation. C'est là qu'est intervenu M. Berger, qui, aux frais des contribuables, a produit, au terme d'un an et demi, un excellent rapport qui depuis a été tabletté.
Enfin, NTI a soumis 17 questions à l'arbitrage.
Voilà les trois mécanismes choisis qui, ensemble ou séparément, devaient résoudre la situation hors cour. Ce n'est qu'après l'échec de ces trois tentatives de règlement que la cause a été portée devant les tribunaux.
NTI serait-elle prête à négocier en vue de trouver une solution? Il s'agirait évidemment d'une décision politique, mais en l'absence d'un négociateur ou de toute indication d'une volonté de tenir compte du rapport du médiateur ou de l'arbitrage, il est clair que le gouvernement place Nunavut Tunngavik Incorporation dans une impasse.
Je crois donc qu'il y a une volonté concrète de trouver une solution appropriée.
Je devrais mentionner que... et je suis sûr que M. Bachand le sait. Si je comprends bien, dans le Nord du Québec, par exemple, les Cris ont été en cour presque chaque année depuis 1975. NTI ne se sent donc pas victime d'une indifférence particulière. C'est un problème récurrent qui a été soulevé non seulement par le Comité sénatorial des peuples autochtones, mais aussi par la vérificatrice générale du Canada. Cette dernière a indiqué que cette méthode de mise en oeuvre ne fonctionnait pas et entraînerait des complications.
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La santé, l'éducation et le développement économique constituent tous des problèmes importants pour notre peuple.
Vous savez probablement que le taux de suicide est extrêmement élevé, c'est-à-dire huit à neuf fois la moyenne nationale. Comme je l'ai indiqué, les taux de réussite scolaire demeurent très bas. La santé de notre peuple, du fait de vivre dans les maisons surpeuplées de nos petites communautés, représente un important problème, tout comme le manque de logement.
Tous ces aspects sont prioritaires; il est très difficile d'en privilégier un, car ils sont tous importants.
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Excusez-moi, mais je crois que M. Boughen partage son temps de parole avec moi.
M. Ray Boughen: Effectivement.
Le président: Ah, très bien.
Mme Cheryl Gallant: Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'à nos témoins.
Vous avez expliqué le coût élevé des produits de consommation courants où vous vivez. L'éloignement et la faible densité de population contribuent à ces difficultés.
À quel point votre communauté est-elle favorable à l'ouverture du passage du Nord-Ouest du Canada aux fins du trafic commercial — en excluant, bien sûr, les aires que vous désirez voir réserver pour en faire des parcs marins et naturels?
Je vais peut-être attendre la traduction. M'entendez-vous? Merci de votre présence.
Vous avez rendu un témoignage très intéressant jusqu'à maintenant. Cela fait déjà quand même plusieurs semaines qu'on étudie la question du passage du Nord-Ouest et de l'Arctique. Je suis particulièrement touché par votre témoignage et nécessairement mieux informé de la réalité que vous pouvez vivre.
J'ai une seule question et je vais partager le temps qui m'est alloué avec mon collègue.
Voyez-vous le passage du Nord-Ouest, ou tout le développement qui se produit actuellement dans l'Arctique, comme une occasion d'établir de nouveaux liens avec le gouvernement, de pouvoir ajuster certaines choses, de pouvoir exiger même des investissements, ou sentez-vous que c'est peut-être un nouveau défi un peu effrayant qui se présente? J'aimerais savoir si cela vous dérange ou si c'est plutôt quelque chose qui vous réjouit.
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Pourrais-je continuer monsieur le président? J'ai deux questions.
La première s'adresse à M. Merritt. M. Merritt, la présidente de votre organisme, Mary Simon, est venue témoigner devant le comité. Elle a fait six recommandations, et je me demande si ITK, votre organisme, ne pourrait pas en formuler une septième. Comme vous le savez, la Stratégie pour le Nord du gouvernement s'applique dans l'Inuvialuit et dans le Nunavut, mais ne s'applique pas dans le Nunavik ni dans le Nunatsiavut.
Votre organisme serait-il prêt à faire une septième recommandation au gouvernement, soit d'inclure l'ensemble du peuple inuit dans un même territoire? Quand vous occupiez ces terres à l'époque, durant des temps immémoriaux, il n'y avait pas de frontières. Aujourd'hui, l'homme blanc met toujours des frontières partout. Ne serait-il pas aussi important que vos amis du Nunavik et du Nunatsiavut soient inclus dans la Stratégie pour le Nord?
La deuxième question s'adresse à M. Eckalook. Je suis préoccupé par la question du logement. Je suis souvent allé dans les territoires de l'Arctique et j'ai vu des maisons où vivaient quatre générations d'Inuits, où il y avait jusqu'à une vingtaine de personnes dans la même maison. Je suis un peu inquiet de la propagation du virus de la grippe A(H1N1). Vous allez prendre l'avion pour retourner chez vous, et l'un d'entre vous, peut-être contaminé par le virus, va se retrouver dans une maison abritant 20 personnes. Vous risquez de les contaminer toutes.
Pouvez-vous me dire s'il y a des mesures particulières en ce qui concerne le vaccin contre le virus A(H1N1)?
De plus, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les maisons ne sont pas conçues pour loger 20 personnes? Ne croyez-vous pas qu'il faudrait que davantage d'aide soit fournie par le gouvernement fédéral afin d'assurer une vie décente dans les maisons, et qu'il n'y aurait pas quatre générations sous le même toit?
On pourrait peut-être commencer par M. Merritt.
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Je vous remercie de cette question.
Des représentants de l'ITK ont déjà affirmé devant ce comité et déclaré publiquement ailleurs que la stratégie nordique actuelle du gouvernement fédéral devrait consister en une stratégie arctique authentique qui inclurait les quatre régions inuites, y compris le Nunatsiavut, dans la partie nord du Labrador, et le Nunavik. Je pense que l'ITK a également affirmé qu'il est très important que la stratégie arctique mette l'accent sur les questions maritimes et qu'elle aborde la gestion des terres dans les territoires. En plus d'inclure les quatre régions inuites, la stratégie doit tenir compte des questions maritimes. Beaucoup de dossiers difficiles concernant la souveraineté et la protection de l'environnement sont de cette nature, et il convient de mettre l'accent là-dessus.
L'ITK a également fait valoir qu'une stratégie arctique durable doit être rédigée en partenariat actif avec les Inuits, plutôt que par les fonctionnaires fédéraux seulement.
Quant à la position des autres organisations inuites à ce sujet, comme la Nunavut Tunngavik est membre de l'ITK, je crois qu'elle appuie cette position. La QIA représente une région du Nunavut; vous descendez donc dans la structure des organisations inuites, mais je ne crois pas que cela pose problème à la QIA.
Je pense que les gens de la Makivik Corporation vont vous en parler davantage et je suis certain qu'ils vont être du même avis.
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Les logements surpeuplés, comme vous l'avez dit, sont une réalité dans certaines communautés, où de 18 à 20 personnes vivent dans des maisons de trois chambres à coucher. Ce n'est évidemment pas acceptable. Cela crée des tensions au sein des familles et constitue un risque pour la santé des gens qui vivent dans ces conditions.
En ce qui a trait à la grippe H1N1, quand l'épidémie a commencé, le printemps dernier, elle s'est propagée très rapidement sur le territoire du Nunavut. Cette fois-ci, la situation semble moins grave, et le ministère de la Santé s'occupe de la vaccination de façon fort satisfaisante. En fait, je me suis fait vacciner juste avant de venir ici. Tout se déroule bien.
Cependant, il est important de se rappeler que le surpeuplement des logements crée des problèmes de santé dans nos communautés. Quand survient un problème grave comme celui de la grippe porcine, c'est encore plus problématique si trois ou quatre générations doivent vivre dans la même maison.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence et de leur témoignage très éloquent aujourd'hui. Je travaille beaucoup avec les communautés des premières nations de ma circonscription et j'ai déjà siégé au Comité des affaires autochtones. Je comprends l'importance que l'on accorde au respect dans votre culture. Je suis heureux de vous entendre dire que vous trouvez que le processus de consultation s'est amélioré au cours des dernières années. C'est un facteur très important pour établir des relations entre votre communauté et le gouvernement.
Je viens d'une communauté du Nord de l'Alberta où il y a quelques bases militaires. L'armée, pour nous, ce n'est pas seulement des chars d'assaut, des armes et des avions, mais c'est aussi, en toute franchise, un mécanisme qui permet la construction d'infrastructures dans nos communautés. L'armée s'installe rarement dans une communauté sans y apporter des avantages, sur le plan du développement économique et des emplois ou des infrastructures, entre autres. Par exemple, l'armée vient de dépenser 135 millions de dollars dans notre communauté afin d'améliorer les services d'aqueduc, d'égout et d'infrastructures.
Croyez-vous qu'il y ait des avantages potentiels à la présence de l'armée? C'est un peu comme la poule et l'oeuf. L'armée n'apporte pas toujours seulement du matériel; parfois, elle améliore aussi les ressources et les infrastructures. Qu'en pensez-vous?
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Nous reconnaissons que le premier ministre actuel s'est rendu dans le Nord beaucoup plus souvent que tout autre premier ministre dans le passé. Cependant, à ses deux ou trois premières visites, nous avons été déçus, parce qu'il n'a jamais rencontré les dirigeants inuits ni jamais mentionné le peuple inuit dans ses discours. Nous nous sommes demandé pourquoi.
Puis, il nous a dit: « Utilisez-le, sinon vous allez le perdre ». Ces propos nous ont fait très mal. Ils nous ont blessés, insultés. Nous utilisons et nous occupons l'Arctique tous les jours; nous le faisons depuis des milliers d'années. Nous estimons que le gouvernement du Canada doit cesser de nous dire cela, car c'est inutile.
Nous sommes heureux que le gouvernement du Canada fasse de l'Arctique une priorité et nous sommes impatients de travailler avec lui. Il semble que les changements climatiques aient attiré l'attention du monde entier sur l'Arctique. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens prennent de plus en plus conscience que l'Arctique leur appartient. Ce sera très important dans l'avenir.
Nous nous réjouissons que le gouvernement du Canada donne la priorité à l'Arctique, mais nous voulons qu'il reconnaisse que les Inuits sont la pierre angulaire de tout ce qui se passe là-bas.