:
Merci, monsieur le président.
[Français]
J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à témoigner cet après-midi. Je suis heureuse et honorée d'être ici à titre d'avocate générale du Bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, pour discuter de notre récent rapport sur les traumatismes liés au stress opérationnel.
[Traduction]
Depuis 2002, le bureau de l'ombudsman aide à veiller au traitement équitable des membres des Forces canadiennes qui souffrent du syndrome du stress post-traumatique et d'autres traumatismes liés au stress opérationnel.
À cette époque, notre bureau a formulé 31 recommandations visant à aider les Forces canadiennes à détecter et à traiter les traumatismes liés au stress opérationnel, tout en veillant au traitement équitable de tous les membres des Forces canadiennes.
[Français]
Notre plus récent rapport a été rendu public en décembre 2008. Je vais profiter des prochaines minutes pour mettre en lumière certaines des conclusions du rapport et les domaines dans lesquels nous avons constaté des progrès de la part du ministère et des Forces canadiennes.
Je vais également faire ressortir certains domaines dans lesquels nous jugeons qu'il reste du travail à faire.
Enfin, je vais faire part de quelques problèmes qui évoluent au fil du temps. Nous avons relevé ces problèmes dans le cadre de notre plus récente enquête.
[Traduction]
Selon notre plus récent examen, il est clair que les Forces canadiennes ont réalisé des progrès au cours des dernières années, en ce qui concerne la façon de traiter les personnes qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel. Nous avons eu la preuve que les Forces canadiennes se sont améliorées dans leurs démarches visant à prévenir, à détecter et à traiter les traumatismes liés au stress opérationnel. Malheureusement, il est également clair que des soldats, des marins et des aviateurs, hommes et femmes, qui ont servi leur pays avec courage et dévouement, continuent de passer à travers les mailles du filet d'un système qui réagit de façon ponctuelle.
Dans le cadre de notre enquête, nous avons découvert que plus de la moitié de nos 31 recommandations initiales n'ont pas été mises en oeuvre, dans la pratique ou dans les intentions. Je crois que cela a nui à l'uniformité des soins offerts aux militaires de partout au pays qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Nous avons également relevé un certain nombre de domaines dans lesquels les progrès sont lents à venir, particulièrement en ce qui concerne les directives de haut niveau et la coordination nationale, les efforts pour uniformiser les soins et traitements dans l'ensemble des Forces canadiennes ainsi que la cueillette de données et de statistiques à l'échelle nationale.
L'accès à des soins de qualité continue de dépendre d'un certain nombre de facteurs arbitraires, comme le lieu où le militaire habite, la distance qui sépare sa base d'appartenance du grand centre urbain le plus près, la disponibilité de professionnels en soins de santé et l'attitude de ses supérieurs et de ses pairs.
Nous avons aussi été déçus d'apprendre qu'une base de données nationale, qui reflète fidèlement le nombre de militaires des Forces canadiennes qui sont aux prises avec des problèmes liés au stress, n'a toujours pas été créée. Un tel outil est critique pour bien comprendre les chiffres ayant trait aux militaires des Forces canadiennes affectés par des troubles de santé mentale. Sans base de données nationale, les Forces canadiennes ne sont pas en mesure d'évaluer l'impact des diverses interventions cliniques et de concentrer les initiatives d'éducation et de formation là où on en a le plus besoin.
[Français]
Peu importe où ils se trouvent, les tâches qu'ils effectuent ou avec qui ils travaillent, les militaires des Forces canadiennes qui se blessent ont tous le droit de recevoir rapidement les mêmes soins de qualité, que la blessure soit physique ou psychologique.
Certains des problèmes relevés par notre bureau auraient pu être évités si nos 31 recommandations initiales avaient pleinement été mises en oeuvre.
[Traduction]
Parallèlement, nous avons été à même de constater l'apparition de nouveaux domaines de préoccupation au cours des six années qui ont suivi la diffusion de notre rapport initial. L'environnement opérationnel de la force militaire du Canada s'est radicalement transformé au cours des dernières années, surtout en raison du niveau et de l'intensité des opérations de combat en Afghanistan. Et il est évident que les Forces canadiennes et leur personnel sont au bord de l'épuisement. Cet état d'épuisement augmente grandement le fardeau des familles, des fournisseurs de soins médicaux et en santé mentale.
[Français]
En tenant compte des réalités d'aujourd'hui et des problèmes actuels, nous nous sommes penchés sur trois questions que nous jugeons critiques afin de garantir des soins rapides et de qualité aux militaires qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel.
[Traduction]
Premièrement, il est nécessaire de renforcer la gouvernance et le leadership à l'échelle nationale en ce qui concerne le dépistage, la prévention et le traitement du syndrome de stress post-traumatique et des autres traumatismes liés au stress opérationnel.
Dans notre rapport initial en 2002, nous avons insisté sur la nécessité de nommer un officier haut gradé, qui relèverait directement du Chef d'état-major de la Défense. Cet officier aurait pour fonction principale d'agir à titre de coordonnateur national relativement à toutes les questions concernant les traumatismes liés au stress opérationnel, y compris la qualité et l'uniformité des soins, des diagnostics et des traitements ainsi que des programmes de formation et d'éducation dans l'ensemble des Forces canadiennes. Le titulaire de ce poste aurait un rôle important à jouer sur le plan pratique et du point de vue symbolique, afin d'aider à mettre un terme aux problèmes de la stigmatisation relatifs aux traumatismes liés au stress opérationnel.
[Français]
Deuxièmement, il apparaît évident à l'heure actuelle que les difficultés et les défis associés aux traumatismes liés au stress opérationnel ne touchent pas uniquement le personnel militaire. Lorsqu'un membre des Forces canadiennes souffre du syndrome de stress post-traumatique ou d'un autre problème de santé mentale, c'est toute la famille qui peut souffrir. Il peut être également nécessaire de fournir du soutien et de l'aide à chacun des membres de la famille.
[Traduction]
Nos enquêteurs ont découvert un certain nombre de programmes de qualité offerts par des gouvernements provinciaux, des administrations municipales, les centres de ressources pour les familles des militaires locaux et des aumôniers sur les bases, afin de soutenir les familles des militaires. Malheureusement, nous n'avons trouvé aucun signe d'une approche coordonnée, à l'échelle nationale, pour garantir que les familles des militaires aient toujours accès à des services et à du soutien uniformes en santé mentale lorsqu'elles en ont besoin.
Bien que le ministère et les Forces canadiennes n'aient aucune obligation juridique à cet égard, ils ont de bonnes raisons de veiller à ce que les familles des militaires aient accès rapidement à des services et à du soutien appropriés.
[Français]
Premièrement, étant donné que les problèmes de santé mentale sont souvent le résultat du service militaire et une source directe de stress pour les familles, les Forces canadiennes ont la responsabilité morale de s'assurer que des soins et des traitements soient offerts aux familles.
Deuxièmement, d'un point de vue plus pratique, on a intérêt à veiller à ce que les familles des militaires reçoivent des soins; on pourrait ainsi réduire le niveau de stress du militaire souffrant d'un traumatisme lié au stress opérationnel et l'aider à se rétablir plus rapidement.
[Traduction]
Enfin, dans le cadre de notre enquête plus étendue, nous avons aussi constaté qu'il faut en faire beaucoup plus pour faire face aux problèmes de stress et d'épuisement professionnels des fournisseurs de soins des Forces canadiennes. Ce stress est causé par un manque de ressources et une charge de travail élevée. La majorité des fournisseurs de soins qui ont été interrogés par notre bureau ont indiqué que le stress et l'épuisement personnels étaient un problème urgent et que la situation forçait même certains militaires à quitter les forces armées.
Le ministère et les Forces canadiennes nous ont informés, au cours de notre enquête, de leur intention d'embaucher 218 nouveaux professionnels de la santé mentale d'ici la fin de mars 2009. Je crois comprendre que la date limite a été reportée à 2010.
L'embauche de travailleurs en santé mentale est certainement un pas dans la bonne direction afin de régler le problème, mais les Forces canadiennes sont un employeur parmi tant d'autres au pays qui cherchent à embaucher des professionnels en soins de santé; nous croyons donc qu'il pourrait être difficile pour l'organisation d'atteindre cet objectif, même avec le report de la date limite à 2010. Cette réalité renforce l'importance pour la force militaire de maintenir en poste les professionnels en santé mentale qui travaillent déjà pour la communauté de la Défense.
Étant donné la nature dangereuse et exigeante de l'actuelle mission en Afghanistan, il est clair que le syndrome de stress post-traumatique et les autres traumatismes liés au stress opérationnel deviendront un enjeu encore plus important pour les Forces canadiennes pour de nombreuses années à venir. À de nombreux égards, il s'agira d'un problème générationnel pour le ministère, pour les Forces canadiennes et pour l'ensemble du gouvernement.
Nous reconnaissons que, de manière générale, les Forces canadiennes ont réalisé certains progrès au cours des six dernières années afin de faire face aux problèmes et défis concernant le syndrome de stress post-traumatique et les autres traumatismes liés au stress opérationnel. Cependant, il reste encore beaucoup de travail à faire pour veiller à ce que les membres des Forces canadiennes qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel soient diagnostiqués et reçoivent les soins et traitements dont ils ont besoin.
Régler ces problèmes en suspens et mettre en oeuvre les recommandations formulées dans notre rapport aideront nos militaires pour de nombreuses années à venir, que ce soit au sein des Forces canadiennes, s'ils restent, ou comme civils.
Je suis maintenant prête, monsieur le président, à répondre à vos questions. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Madame McFadyen, je vous souhaite à nouveau la bienvenue au Comité permanent de la défense nationale. C'est notre première séance sur la même étude qu'on avait entreprise le printemps dernier, en 2008. Parfois, il y a des avantages à ce que les choses s'étirent un peu, puisqu'on sera en mesure d'intégrer les recommandations de votre rapport de décembre 2008 dans notre étude. Cela va donner un nouvel élan à vos recommandations, et je suis sûr que notre recherchiste, M. Cox, en est très heureux.
Depuis un an, il y a une nouvelle intéressante. Le nombre de cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel mises sur pied par la Défense nationale et les Anciens combattants va passer, ce printemps, de cinq à dix. On voit donc, comme vous l'indiquez dans votre rapport, qu'il y a des améliorations.
J'aimerais revenir à votre rapport. Vous mentionnez que 13 des 31 recommandations de votre rapport initial de 2002 ont été prises en compte par la Défense nationale. Vous avez aussi remarqué que le défi du stress post-traumatique est aussi relié à une utilisation intense de nos Forces canadiennes dans les différentes missions, notamment la mission afghane, au sujet de laquelle vous dites que l'utilisation de nos Forces est à la limite.
Il y a un autre point que j'ai apprécié dans votre rapport. Vous mentionnez que ce n'est pas seulement le militaire qui est affecté, mais aussi sa famille. Vous avez soulevé le fait qu'il n'y a pas d'approche coordonnée pour encadrer les familles qui vivent avec un proche atteint du syndrome de stress post-traumatique. C'est, je pense, un élément que nous allons considérer dans notre étude, puisqu'il a été soulevé par des témoins qui ont comparu devant le comité.
Toutefois, dans votre allocution, une chose m'a surpris, a attiré mon attention. Vous dites qu'à bien des égards, le gouvernement canadien, les Forces canadiennes et la Défense nationale sont confrontés à ce que vous appelez un défi générationnel. Pourriez-vous expliciter ce que vous entendez par generational challenge lorsque vous faites référence aux améliorations à apporter à la façon dont on encadre les victimes de syndrome de stress post-traumatique?
:
... vous me rafraîchirez la mémoire.
[Français]
Monsieur le président, membres du comité, bon après-midi. Je suis enchantée d'avoir l'occasion de me présenter devant vous encore une fois et de vous donner des renseignements qui, je crois, vous seront utiles. J'ai présumé que l'accent est toujours mis avant tout sur les soins de santé mentale. La dernière fois que je me suis présentée devant le comité remonte à plusieurs mois et j'ai de nombreuses nouvelles informations à vous communiquer. En raison de l'absence inévitable du major-général Semianiw, je vais présenter l'information sur les mesures prises au sein du secteur des Services de santé, ainsi qu'à l'extérieur de celui-ci, afin de brosser le tableau le plus complet possible de la situation.
[Traduction]
En premier lieu, il convient, je crois, de présenter les données les plus récentes sur l'ampleur du défi à relever par les FC en matière de santé mentale. Nous avons continué à recueillir les résultats du dépistage post-déploiement amélioré qui, comme vous le savez, est effectué trois à six mois après le retour au pays après le déploiement.
Nous disposons maintenant des résultats de plus de 8 200 questionnaires de dépistage qui indiquent que 4 p. 100 des répondants souffrent de stress post-traumatique, 4,2 p. 100 souffrent de dépression et 5,8 p. 100 au total souffrent de l'un de ces états ou des deux et 13 p. 100 au total souffrent d'une forme ou d'une autre de maladie mentale.
Nous remarquons une corrélation entre la gravité du stress opérationnel et le taux de dépistage positif de SPT. Si les résultats étaient répartis en groupes plus restreints, il se pourrait fort bien que certains pelotons et certaines compagnies présentent des taux plus élevés que d'autres unités. En outre, certaines personnes vont connaître des problèmes plus tard, même si elles semblent bien se porter au moment du dépistage. Il importe toutefois de souligner le fait que 87 p. 100 des personnes visées par le dépistage ont affirmé être en bonne santé.
[Français]
Il ne faut pas non plus oublier que les problèmes de santé mentale au sein des Forces canadiennes ne se bornent pas seulement aux traumatismes liés au stress opérationnel. Nous disposons de certains renseignements récents sur le nombre total de patients qui reçoivent actuellement des soins de santé mentale. Les huit cliniques les plus importantes des Forces canadiennes ont fait un suivi de leurs nouveaux patients au cours de la période de cinq mois allant du mois d'août au mois de décembre 2008. Ces données révèlent un total mensuel moyen de 530 nouveaux patients, dont environ 250 sont pris en charge par les programmes psychosociaux qui portent sur des problèmes moins complexes et plus transitoires; environ 210 relèvent des programmes généraux de santé mentale et, en moyenne, 76 sont suivis dans les programmes des CSTSO. Si on présume que ces taux prévalent pendant toute l'année, on peut prévoir qu'environ 6 000 nouveaux patients se présenteront à ces huit cliniques au cours d'une année, et dans la plupart de ces cas, pour un trouble qui n'a aucun rapport avec le déploiement.
[Traduction]
Le deuxième type de nouvelle information que je souhaite vous présenter a trait à la mesure des résultats. Comment pouvons-nous déterminer si les soins que nous offrons sont de haute qualité?
Nous n'avons pas encore atteint l'objectif fixé quant à la mesure du rendement et, ainsi, nous ne pouvons pas encore faire rapport sur les résultats cliniques directs. Toutefois, dans le but de donner une idée de la qualité, nous avons réalisé des sondages périodiques sur la satisfaction des patients.
Les données les plus récentes ont été recueillies de manière anonyme par les cinq CSTSO du 12 au 23 janvier derniers. Ainsi, on a demandé à chaque patient consultant des cinq CSTSO de répondre à un sondage dont le questionnaire comportait 19 questions et une section servant à inscrire des commentaires. Au total, 117 réponses ont été reçues.
En résumé, nous avons constaté que 96 p. 100 des répondants étaient d'accord ou fortement d'accord avec l'affirmation suivante: « Dans l'ensemble, je suis satisfait du soutien et des soins que je reçois ». Une seule personne a déclaré être en désaccord ou fortement en désaccord. En outre, 88 p. 100 des répondants étaient d'accord ou fortement d'accord que « Le soutien et les soins que je reçois répondent à mes besoins », tandis que 2 p. 100 étaient en désaccord ou fortement en désaccord.
Dans le cadre d'une autre évaluation de la satisfaction des patients, le programme de santé mentale de Halifax a également recueilli des commentaires. À la question de savoir si leur état s'était amélioré, 88 p. 100 des 288 patients qui ont répondu ont affirmé avoir connu une certaine amélioration (27 p. 100), une amélioration modérée (23 p. 100) ou une amélioration considérable (38 p. 100), tandis que 12 ont mentionné que leur état s'était détérioré (3 p. 100) ou était demeuré inchangé (9 p. 100). Un pourcentage élevé (97 p. 100) estimaient que leur conseiller leur avait été quelque peu (18 p. 100), assez (34 p. 100) ou très (45 p. 100) utile.
[Français]
Nous avons également des preuves que les efforts que nous déployons pour lutter contre les stigmates semblent porter fruit. En effet, la Table ronde des entreprises et de l’économie mondiale sur la toxicomanie et la santé mentale a récemment cité les Forces canadiennes en exemple à cet égard. Bien qu'il n'existe aucun test pour mesurer directement les stigmates, nous avons recueilli des données sur certaines croyances associées aux stigmates auprès de notre personnel qui revenait au pays. Ainsi, plus de 9 000 membres du personnel ont répondu à ces questions, et mes analystes ont été surpris des résultats ainsi compilés.
[Traduction]
Au total, 24 p. 100 ont affirmé croire que les membres de leur unité auraient peut-être moins confiance en eux s'ils souffraient d'un trouble de santé mentale. Il s'agit du pourcentage le plus élevé parmi les 10 questions posées. En effet, seuls 14 p. 100 ont dit être inquiets du fait qu'ils seraient peut-être perçus comme faibles, 12 p. 100 étaient préoccupés de la possibilité d'entrave à leur carrière, 10 p. 100 ont manifesté un manque de confiance envers les spécialistes en santé mentale et seuls 6 p. 100 estimaient que les soins de santé mentale n'avaient aucun effet. Le résultat le plus intéressant a sans doute trait à la réponse à la question de savoir si le répondant serait moins compétent s'il devait se prévaloir d'une thérapie. Seuls 7 p. 100 ont admis que ce serait le cas.
Dans les faits, la situation est peut-être moins réjouissante. Toutefois, cette réponse indique, et je tiens à préciser que ce sondage était entièrement anonyme, que la très grande majorité de notre personnel n'est pas disposé à faire preuve d'une telle impartialité. Il semble donc clair que la « norme » ambiante au sein des FC consiste à appuyer ceux et celles qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Le troisième point que je souhaite aborder a trait aux changements qu'on a apportés ou qu'on est en train d'apporter. Le programme de santé mentale RX 2000 a permis de réaliser des progrès considérables en matière de recrutement: nous disposons aujourd'hui au total de 361 prestataires de soins de santé mentale répartis partout au pays. Nous n'avons pas encore atteint notre objectif, qui est de 447 prestataires, mais il s'agit certes d'une amélioration digne de mention, si on songe aux 229 prestataires sur lesquels nous pouvions compter au début du programme. Je sais qu'on a manifesté un intérêt particulier à l'égard de Petawawa. Ainsi, je suis enchantée d'indiquer que des progrès importants ont été réalisés à cet endroit, et que ce n'est pas terminé.
Un travailleur social supérieur des FC a été affecté au printemps 2008 comme gestionnaire des soins de santé mentale et chargé de faire preuve d'un leadership marqué. Un soutien clinique supplémentaire a été, et continue d'être offert par les cliniciens d'Ottawa se rendant à Petawawa à intervalles réguliers, et on est en train de mettre en place une liaison de télé-santé mentale qui sera sans doute en service au printemps prochain. L'été prochain, nous allons affecter à Petawawa trois autres travailleurs sociaux et un psychiatre des FC.
[Français]
Grâce à la nomination du colonel Allan Darch — qui est parmi nous aujourd'hui — au poste de directeur des Services de santé mentale des Forces canadiennes, les efforts déployés par tous ces prestataires de services de santé mentale seront mieux coordonnés. Puisque le travail du colonel Darch sera entièrement consacré à ces services, ceux-ci jouiront d'une plus grande attention et d'une meilleure communication entre les intervenants. En sa qualité de conseiller spécial pour les victimes de stress opérationnel, le lieutenant-colonel Grenier, également assis à la table avec nous, continue de conseiller directement le chef du personnel militaire pour les aspects non cliniques des soins prodigués à notre personnel souffrant de troubles de santé mentale. Le lieutenant-colonel Grenier concentre ses efforts à l'éducation par l'entremise du Bureau des conférenciers interarmées, qui a rejoint 8 000 membres des Forces canadiennes en 2008 et qui compte en servir plus de 12 000 cette année. Son prochain projet porte sur les déterminants sociaux de la santé mentale. Ensemble, le colonel Darch et le lieutenant-colonel Grenier tentent activement de créer des liens avec leurs homologues américains, notamment avec le chef du Centre of Excellence on Mental Health du secrétaire à la Défense des États-Unis.
[Traduction]
Nous avons donné une nouvelle orientation au Comité consultatif du soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO) et nous avons élargi son mandat. Dorénavant, on parlera du Comité consultatif sur la santé mentale du MDN, d'ACC et de la GRC, qui a tenu sa première réunion la semaine dernière. Le président du Comité, le colonel Don Ethell (à la retraite) est présent, lui aussi, aujourd'hui. Vous êtes donc en mesure de constater que les canaux de communication sont ouverts et qu'il existe des moyens pour favoriser l'échange des divers points de vue. Du reste, je sais que le colonel Ethell est en contact direct avec le chef du personnel militaire et qu'ils travaillent ensemble depuis longtemps.
Afin de mieux tenir compte de la diversité des personnes touchées par des tragédies, le programme d'aide aux membres des FC — le service confidentiel 1-800 qui donne accès jusqu'à huit séances de counselling — a été étendu aux parents ainsi qu'aux frères et soeurs des militaires tués ou blessés au cours de leur service. Il convient de préciser qu'aucune augmentation apparente de la demande pour ce service n'a été constatée au cours de la dernière décennie. Les membres de la force régulière en constituent la clientèle la plus importante, suivis de près par les membres des familles. Les problèmes conjugaux et les troubles psychologiques occupent, respectivement, le premier et le deuxième rangs pour ce qui est du recours à ce service.
Dans l'ensemble, je crois que les FC jouissent maintenant d'une excellente capacité, attentive au chevauchement et aux approches proactives, pour ce qui est de venir en aide aux militaires dans le besoin. Je ne serai cependant pas surprise si on me disait que mes propos aujourd'hui diffèrent des témoignages que vous avez entendus d'autres personnes. Il serait tout naturel de conclure que quelqu'un a, à tout le moins, manqué de transparence. Je ne crois pas que ce soit le cas et, d'ici la fin de mon allocution, je vais tenter d'expliquer l'origine de cet écart évident, même si tout le monde expose la vérité telle qu'il la comprend et même si tout le monde a les meilleures intentions du monde.
D'abord, j'attirerais votre attention sur le fait que, peu importe les soins prodigués à nos patients pour assurer leur bien-être, peu importe la qualité de notre organisation, le niveau de dotation et l'équipement mis à notre disposition pour les soigner, certains d'entre eux ne se rétabliront malheureusement pas. Ce n'est pas la faute du système ni celle du prestataire, non plus que celle des patients. C'est qu'ils souffrent de troubles difficiles à traiter. L'état d'avancement actuel d'essence médicale ne permet pas de traitement en santé mentale qui soit parfait.
Lorsqu'un patient soigné pour une insuffisance coronaire a une crise cardiaque, on ne suppose pas que les soins qui lui ont été prodigués étaient inadéquats, ni que son cardiologue a été négligent. Certaines personnes sont plus mal en point que d'autres. Les soins en santé mentale et la maladie mentale devraient être considérés de la même façon.
J'imagine que vous avez déjà parlé à des patients ou à des parents de patients qui, malheureusement, devaient continuer à se battre. N'oubliez pas: selon nos propres données, environ 12 p. 100 des patients d'une certaine clinique ont déclaré avoir l'impression de ne faire aucun progrès. Loin de moi l'idée de minimiser leurs difficultés, mais conclure qu'il existe un problème systémique en se fondant sur l'extrapolation de quelques cas — aussi probants soient-ils — est un raisonnement erroné qui pourrait, de surcroît, mettre en danger les services que l'on tente d'améliorer.
Il existe un phénomène connu sous l'expression « disponibilité heuristique » qui génère un puissant facteur cognitif. En termes simples, cela veut dire que notre perception de l'ampleur d'un problème dépend grandement du degré d'accessibilité des exemples dont on prend conscience. Si tout le monde connaît un ou deux exemples de personnes qui estiment ne pas avoir été soignées comme elles souhaitaient l'être, on a tendance à conclure à l'existence d'un problème systémique.
Compte tenu des nombreux reportages sur certains cas, il est évident que les observateurs intéressés sont tous au courant d'au moins un patient pour qui la situation ne s'est pas encore améliorée; pourtant, les données objectives dévoilent une toute autre histoire. Il faut traiter les problèmes particuliers au cas par cas, tout en prenant soin de protéger l'intégrité du système. Il est bien évident que les problèmes systémiques commandent des solutions systémiques.
Je consacre beaucoup de temps à cette question, parce que je crois fermement que les FC sont dotées d'un excellent régime de soins de santé mentale. Ce dernier requiert toutefois deux éléments: d'abord, poursuivre ses activités, puis apporter les changements locaux ou cumulatifs nécessaires. Nous devons préserver la confiance des membres des FC de façon qu'ils se présentent d'eux-mêmes pour obtenir nos soins, et nous devons conserver la détermination de nos professionnels de la santé. En continuant de décrire le verre comme étant presque vide alors qu'en réalité, il est plein à 90 p. 100, on remet en question ces deux éléments essentiels.
J'invite les membres du Comité à prendre en considération toutes les données objectives qui leur ont été présentées avant de tirer une conclusion.
Je vous remercie de votre attention et répondrai avec plaisir à vos questions.
:
Monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Hawn.
Pour commencer, je tiens à féliciter le colonel Ethell de son travail dans le domaine du traumatisme lié au stress opérationnel ainsi que de ses fonctions accrues dans l'éventail complet des services de santé mentale offerts à nos soldats.
Je félicite également le colonel Grenier. Pendant bon nombre d'années, vous avez prêché dans le désert au sujet du TSPT, mais grâce à votre ténacité à aider vos collègues soldats, vous avez pu amener ce dossier devant le Comité permanent de la défense de la Chambre des communes.
Le 15 avril de l'an dernier, le Comité des anciens combattants s'est rendu à la base de Petawawa. Parmi les différents témoins que le Comité a entendus, il y avait des soldats qui ont été victimes de TSPT. Ils nous ont fait part de leurs expériences dans des audiences à huis clos. L'un de ces soldats avait été blessé il y avait plus d'un an. Il avait voyagé dans un avion de transport militaire, d'autres étaient décédés, lui avait survécu. Il réclamait de l'aide psychologique et psychiatrique depuis plus d'un an, et c'était la première fois ce jour-là, alors que comme par hasard le Comité des anciens combattants était sur place, qu'il avait eu son premier rendez-vous avec un spécialiste. Mais c'était trop tard pour lui, puisqu'il avait déjà présenté une demande de libération pour raison médicale.
La semaine dernière, nous avons entendu le général Semianiw, qui a déclaré ce qui suit:
[Traduction] On a décidé, pas dans les quatre dernières années, mais auparavant, de ne pas établir de clinique pour les traumatismes liés au stress opérationnel à Petawawa. Avec le recul, c'était probablement une mauvaise décision. Nous constatons aujourd'hui que ç'aurait été une bonne chose d'avoir une clinique pour le traumatisme lié au stress opérationnel à Petawawa. Mais il n'y en a pas eue, et nous essayons de corriger le problème afin que nos hommes et nos femmes en uniforme puissent obtenir les soins dont ils ont besoin à Petawawa.
Aujourd'hui, l'ombudsman militaire vient de nous dire que plus de 8 500 soldats de la base de Petawawa ont été déployés en Afghanistan. Que pouvez-vous dire à notre comité, mais surtout aux mères, aux pères, aux épouses et époux et aux enfants de nos soldats qui commencent à revenir pour les rassurer sur le fait que nos soldats recevront les soins médicaux dont ils ont besoin, tant sur le plan psychologique que physique?
L'un des problèmes, dans le cas de Petawawa, comme l'a dit le général Jaeger, c'est d'y attirer suffisamment de professionnels des soins de santé mentale. Le problème vient en partie de ce qu'un certain nombre de professionnels de santé mentale dont nous dépendons sont des civils. À Petawawa, nous devons tenir compte de ce qu'il y a une pénurie de professionnels de la santé mentale dans l'ensemble du pays. On s'arrache leurs services. Petawawa est un endroit relativement isolé, et les salaires que nous pouvons verser aux termes des lignes directrices du Conseil du Trésor sont inférieurs à ce que certaines organisations civiles peuvent payer. Nous avons donc beaucoup de difficulté à amener des professionnels civils de la santé mentale à travailler à Petawawa.
Pour améliorer la situation, notre CSPSO d'Ottawa exploite des cliniques satellites à Petawawa, et les professionnels des soins de santé se rendent dans ces cliniques. L'un des principaux psychiatres des Forces canadiennes consacre au moins une journée par semaine à la base de Petawawa. Nous avons un projet pilote de consultation à distance qui permettra de faire le lien entre Ottawa et Petawawa. Grâce à des caméras médicales à haute définition, les soldats pourront consulter à distance des professionnels de la santé mentale à Ottawa. Nous reconnaissons que ce n'est pas l'idéal pour les évaluations initiales, mais cela peut s'avérer utile pour les soins courants.
L'été dernier, nous avons affecté à la base de Petawawa un travailleur social principal qui est chargé de diriger les professionnels des soins de santé mentale et de diriger la clinique. En soi, cela a grandement amélioré les choses. Cet été, nous affecterons trois autres travailleurs sociaux et un psychiatre militaire, ce qui augmentera grandement les ressources. Par contre, nous n'avons pas été en mesure de combler tous les postes civils, et nous allons donc en transférer cinq à Ottawa: un poste de psychiatre, deux de psychologues et deux autres de travailleurs sociaux. Ces postes n'ont pas été comblés. Il nous sera possible de les combler à Ottawa. Ces travailleurs pourront par la suite travailler aux consultations à distance entre Ottawa et Petawawa. Ils pourront également travailler dans les cliniques satellites à Petawawa.
En outre, la nouvelle direction générale des soins de santé mentale dispose d'un lieutenant-colonel qui peut passer un maximum de deux jours par semaine à Petawawa, pour offrir des services de psychiatrie.
Il nous est également possible de transporter les patients à Ottawa pour qu'ils y reçoivent de l'aide. Les deux villes ne sont pas très éloignées l'une de l'autre. Lorsque c'est possible, nous pouvons nous occuper de ce transport.
:
Monsieur, je côtoie les forces depuis longtemps — et je ne travaille ni pour le MDN ni pour ACC; je suis bénévole. Je suis le président actuel du Comité consultatif sur la santé mentale. Ce comité avait par le passé deux composantes; il en a maintenant trois, parce que la GRC nous a rejoints la semaine dernière.
Nous avons fait d'immenses progrès depuis 10 ans en matière de TSO en santé mentale — mais limitons-nous aux TSO pour l'instant — depuis que Grenier a comparu devant le Comité consultatif des Forces canadiennes et a expliqué ce qu'étaient les TSO et les SSBSO. Cela fût inclus dans le rapport Neary qui a mené à la Charte des anciens combattants, dont les Forces canadiennes profitent.
Ce que je veux dire, et vous et le général Jaeger l'avez déjà souligné, c'est que les choses ne se font pas instantanément.
Je ne suis pas clinicien. Il y a cinq ans, je me suis regardé dans le miroir et j'ai dit comme bien d'autres, « j'ai un problème ». J'avais vu des choses vraiment horribles. Les jeunes qui reviennent d'Afghanistan ou du Zaïre, ou d'ailleurs, dans six mois ou un an vont peut-être se regarder dans le miroir ou parler à des gens du SSBSO et se demander à qui ils pourraient s'adresser. Ensuite ils iront consulter des professionnels: cliniciens, psychiatres, psychologues ou autres.
Il n'y a pas que les CSTSO, il y a aussi les cliniques de TSO d'Anciens Combattants Canada. C'est un processus double. En fait, c'est un mélange des deux, et Dieu merci, un soldat ou un ancien combattant peuvent aller à l'une ou l'autre des cliniques. Des anciens combattants, même de la guerre de Corée, surgissent d'on ne sait d'où et disent, « j'ai un problème ». Et ce, grâce à la publicité faite autour du SSPT et des TSO.
Je ne fais pas ces observations parce que ces trois personnes portent l'uniforme, mais l'approche en santé mentale — les installations et tout le reste dont il a été question aujourd'hui — s'est considérablement améliorée comparativement à il y a huit ou dix ans. Il ne s'agit pas seulement d'un changement de culture, mais également d'un changement physique pour le bien-être des troupes et de leurs familles, et personne n'a encore mentionné les familles qui font partie du mandat du MDN et d'ACC, et elles sont prises en compte.