Je m'appelle Paul Kaludjak et je représente Nunavut Tunngavik Inc.
Merci de nous avoir invité ce matin. Qujanamiik.
[Le témoin s'exprime dans Inuktitut.]
Bonjour.
Premièrement, merci de l'invitation. Avant de commencer mon exposé, je veux dire que nous avions un exposé de 20 à 25 minutes et on me dit maintenant que nous avons sept minutes, alors je vais parler rapidement. Je vais faire de mon mieux pour essayer de respecter le temps alloué.
Mais je veux souhaiter la bienvenue à ma délégation ici, ainsi qu'aux visiteurs derrière moi. Premièrement, je suis heureux de présenter mon épouse, Dorothy, et mon adjointe, Joanasie Akumalik, et tous les autres visiteurs inuits que je ne vois pas de l'endroit où je suis assis. De plus, j'ai ma délégation ici: Laurie Pelly, qui est notre conseillère juridique, et Udloriak Hanson, qui est notre conseillère principale de la coordination.
Je m'appelle Paul Kaludjak, comme je l'ai dit, et je suis le président de la Nunavut Tunngavik Inc., l’organisme inuit qui met en oeuvre l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993. Merci de votre invitation à comparaître aujourd’hui.
Je n’ai que peu de temps pour présenter nos points de vue. Je commence en faisant référence aux recommandations que vous avez reçues le 1er octobre de Mary Simon, présidente d’Inuit Tapiriit Kanatami. Mary a déjà été ambassadrice à l’Arctique du Canada et elle a une perspective très claire de la politique de l’Arctique, tant ses aspects internationaux que nationaux.
Mary a présenté six recommandations dans son mémoire. Je ne les répéterai pas maintenant, mais j’aimerais signaler que je suis d’accord avec chacune d’entre elles et que je les appuie.
Je désire également reconnaître et saluer l’engagement du premier ministre d’affirmer la souveraineté canadienne dans l’Arctique. Nous lui sommes reconnaissants de se familiariser avec l’Arctique dans ses visites chaque année.
Nous appuyons un grand nombre des mesures prises pour exprimer la souveraineté canadienne dans l‘Arctique, y compris le renforcement des Rangers canadiens et l’accroissement de la capacité des forces armées du Canada à poursuivre des opérations dans l’Arctique.
En même temps, nous soulignons la nécessité d’une démarche exhaustive du développement au Nunavut. Nous avons des besoins fondamentaux de logement et d’infrastructure qui doivent être réglés à long terme.
Il est important que les parlementaires abordent la souveraineté dans l’Arctique comme une question nationale et non d'un point de vue partisan. Quand il s’agit de la souveraineté dans l’Arctique, les Canadiens devraient tenir le même discours, peu importe leurs allégeances politiques.
Le 29 avril, la professeure Suzanne Lalonde, de l’Université de Montréal, a comparu devant vous et a dit très clairement: « La plus grande menace à la souveraineté canadienne dans l'Arctique touche le passage du Nord-Ouest. ». C’est l’élément le plus important du différend sur la souveraineté dans l’Arctique. C’est le passage du Nord-Ouest qui traverse le Nunavut. Il est bon que les députés de tous les partis politiques conviennent qu’il s’agit d’une question extrêmement critique, et c’est pourquoi la motion du député visant à renommer le passage du Nord-Ouest a reçu le soutien de tous les partis.
L’appellation passage du Nord-Ouest soulève une question immédiate, le nord-ouest d’où? Le point de référence semble être Londres, Angleterre; et je crois que c'est la mentalité dont nous essayons de nous dégager.
Nous sommes du Nunavut, et Nunavut signifie « notre terre », pas le corridor de transport de quelqu’un d’autre. L’article 33 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit que la Fiducie du patrimoine inuit doit examiner les noms de lieux traditionnels au Nunavut et examiner les propositions de changements de nom.
Le nom inuktitut du passage du Nord-Ouest, inscrit par la Fiducie du patrimoine inuit à partir de ce que lui ont dit les aînés de la région, est « Tallurutik ». Sur l’île Devon, le long du passage, l’un des versants de la montagne évoque des tatouages sur le menton d’une femme. Talluq signifie « menton » et les tatouages sur le menton d’une femme sont appelés tallurutiit. Les aînés disent qu’on le voit facilement à distance.
Choisir un nom de lieu traditionnel pour le passage du Nord-Ouest serait la meilleure façon de signaler au monde que cette région est très canadienne. Je crois savoir que la motion 387 fera l’objet d’un vote en novembre. La NTI aimerait travailler avec tous les partis politiques, le gouvernement du Nunavut et la Fiducie du patrimoine inuit avant la tenue de ce vote. Nous sommes d’accord avec l’esprit de la motion et nous aimerions parvenir à un accord sur un nom inuktitut pour le passage du Nord-Ouest.
Les Inuits détiennent la clé de la réussite du Canada à affirmer sa souveraineté dans l’Arctique. La Stratégie pour le Nord annoncée l’été dernier par le gouvernement du Canada dit: « La souveraineté du Canada dans l’Arctique est une réalité bien établie depuis longtemps et qui a pour base des faits historiques, notamment celui que les Inuits et d’autres peuples autochtones occupent ces terres depuis des temps immémoriaux. »
Le droit du Canada de déclarer que les eaux du passage sont des « eaux intérieures », comme celles de la baie d’Hudson et du bassin Foxe, est fondé sur les faits historiques. C’est ce que la Grande-Bretagne a affirmé en 1930 quand elle a représenté le Canada dans les négociations avec la Norvège sur la propriété des îles Sverdrup.
En 1986, le ministre des Affaires extérieures, l’honorable Joe Clark, a tracé les lignes autour de l'archipel Arctique et déclaré que toutes les eaux à l'intérieur étaient des eaux intérieures du Canada. M. Clark s’est fié en partie sur l’utilisation, l’exploitation et l’occupation des Inuits dans le détroit de Barrows et le détroit de Lancaster, c’est-à-dire le passage du Nord-Ouest.
La clé de la réussite de l’affirmation de la souveraineté dans l’Arctique réside dans un partenariat entre les Inuits et le gouvernement du Canada. Nous avons un partenariat avec le Canada, dont la négociation a duré de nombreuses années, qui a été ratifié par les Inuits en 1992 et approuvé par le Parlement en 1993. Il s’agit de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. C’est un traité moderne, qui bénéficie de la protection constitutionnelle. Il reconnaît dans son préambule et à l’article 15, sur les aires marines, la contribution inuite à la souveraineté canadienne dans l’Arctique. L’alinéa 15.1.1 c) dispose que: « La souveraineté du Canada sur les eaux de l’archipel Arctique est renforcée par l’utilisation, l’exploitation et l’occupation des Inuits. »
Nous voyons l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut comme le moyen pour nous de devenir partenaires dans la fédération. Par l’entremise de l’accord, nous avons renforcé la capacité du Canada d’affirmer sa souveraineté sur la base des faits historiques. Nous avons reçu en retour les droits et les avantages prévus dans l’accord.
Malheureusement, nous avons de la difficulté à convaincre le gouvernement du Canada d’être à la hauteur de ses responsabilités et de respecter toutes ses obligations en vertu de notre accord. L’étendue du problème est illustrée par la poursuite que nous nous sommes sentis obligés d’entreprendre en 2006, parce que plusieurs aspects importants de notre accord ont été enfreints. Malheureusement, notre histoire n’est pas unique. Tous les organismes régis par un traité moderne — premières nations et Inuits — ont connu des problèmes de mise en oeuvre des traités. C’est pourquoi nous avons formé une coalition en matière de revendications territoriales en 2003, pour presser le gouvernement du Canada de mettre entièrement en oeuvre ses traités modernes. La coalition exhorte le gouvernement fédéral à adopter une politique pour assurer l'entière mise en oeuvre des traités modernes.
Le professeur Michael Byers de l’Université de la Colombie-Britannique a comparu devant votre comité le 2 juin. Dans son livre récent intitulé Who Owns the Arctic?, il conclut que le défaut de mettre en oeuvre l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut affaiblit le dossier du Canada en matière de souveraineté dans l’Arctique. Par exemple, les dispositions de l’Accord en matière de surveillance de l’environnement n’ont pas encore été mises en oeuvre. Il va de soi que nous devons savoir ce qui se passe dans notre territoire si nous voulons que les autres reconnaissent notre souveraineté.
Autre exemple, le Conseil du milieu marin du Nunavut, prévu dans l’article 15 de notre accord, n’a pas été créé. Le Conseil du milieu marin du Nunavut pourrait pourtant être une institution clé réunissant les gouvernements et les Inuits pour traiter les enjeux du large des côtes, qui ont certainement à voir avec les questions de souveraineté.
La Commission d’aménagement du Nunavut, établie en vertu de l’article 11 de notre accord, entend terminer l’élaboration d’un grand plan d’utilisation des terres du Nunavut d’ici 2011. Le plan a pour objet de guider et d'orienter le développement de la région du Nunavut, y compris les aires marines. C’est un exemple pratique de l’exercice de la souveraineté par l’entremise de notre accord sur les revendications territoriales.
Voici, par conséquent, la première recommandation que nous vous adressons: le gouvernement du Canada doit travailler de pair avec Nunavut Tunngavik Inc. pour mettre entièrement en oeuvre l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993 à titre d’élément clé d’une stratégie d’affirmation et d’expression de la souveraineté canadienne dans l’Arctique.
J’ai souligné l’importance de l’utilisation, de l’exploitation et de l’occupation des terres par les Inuits et celle des faits historiques en ce qui concerne la souveraineté canadienne dans l'Arctique. La professeure Lalonde, que j’ai citée plus haut, croit que le transfert des droits sur le plancher océanique dans l’archipel Arctique s’appuierait sur l’utilisation, l’exploitation et l’occupation par les Inuits et aurait du poids en droit international. Voici ce que dit la professeure Lalonde:
Le fait de confier la responsabilité sur les ressources foncières et les ressources du plancher océanique du Nunavut au gouvernement de ce territoire pourrait être un autre exercice important de l’autorité exclusive du Canada sur les eaux de l'archipel Arctique... cela renforcerait sans aucun doute la revendication du Canada en vertu de la doctrine historique de la propriété des eaux. [Traduction].
Cela m’amène à ma deuxième recommandation. Deuxième recommandation: le gouvernement du Canada doit travailler avec le gouvernement du Nunavut et Nunavut Tunngavik Inc. pour mettre au point un calendrier et un plan de transfert de la responsabilité des ressources marines et des ressources du plancher océanique à l’intérieur de l’archipel Arctique au gouvernement du Nunavut à titre de l’un des éléments d’une stratégie d’affirmation et d’expression de la souveraineté canadienne dans l’Arctique.
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Dans ce contexte, je désire citer le Protocole de négociation du transfert des responsabilités en matière de terres et de ressources au Nunavut que j’ai signé avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada et le premier ministre du Nunavut le 5 septembre 2008. Voici ce que dit ce protocole:
Les parties reconnaissent que le gouvernement du Nunavut et la NTI considèrent que l'objectif ultime du transfert des responsabilités est de transférer l'administration et le contrôle des terres et des ressources de la Couronne dans tous les secteurs, y compris les zones côtières et le fond marin. Les parties reconnaissent en outre que le gouvernement du Nunavut et la NTI considèrent qu'une entente de transfert ne doit faire nulle distinction entre les régimes de gestion des ressources s'appliquant aux zones côtières et au fond marin, ainsi que dans les zones marines et à leur proximité.
Le protocole indique qu'il s'agit des positions du gouvernement du Nunavut et de la NTI. Ce n’est pas encore la position du gouvernement du Canada. Nous attendons encore un mandat du gouvernement du Canada pour démarrer les négociations officielles.
À la NTI, nous avons des raisons très pratiques de soutenir la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Si nos eaux sont un détroit international, le transport maritime étranger a des droits de navigation garantis, et même les sous-marins peuvent se déplacer librement.
Nous voulons que le transport maritime dans l’Arctique soit réglementé et géré au moyen des normes environnementales les plus élevées et de la technologie la plus avancée. Un accident comme celui de l’Exxon Valdez qui aurait lieu dans le détroit de Lancaster serait effroyable pour notre territoire. Le gouvernement du Canada doit avoir la capacité légale et pratique d’empêcher les navires de s’engager dans les eaux du Nunavut s’ils ne sont pas conformes aux normes environnementales les plus élevées. C’est ce que la souveraineté signifie: la capacité d’établir les règles et d’exercer son autorité.
Le détroit de Lancaster est l’entrée est du passage du Nord-Ouest. C’est une aire où la conservation de l’environnement et l’affirmation de la souveraineté vont de pair. Le détroit de Lancaster est à la fois magnifique et très important sur le plan écologique. Je suis heureux de vous dire que la Qikiqtani Inuit Association et les gouvernements du Nunavut et du Canada devraient prochainement conclure un protocole d’entente en vue d’examiner la faisabilité d’établir une aire marine de conservation dans le détroit de Lancaster. J’exhorte le comité à écouter attentivement — je sais que vous écoutez attentivement — les points de vue de la Qikiqtani Inuit Association, quand elle comparaîtra devant vous.
Cela m’amène à ma dernière recommandation: Le gouvernement du Canada doit travailler étroitement avec la Qikiqtani Inuit Association et le gouvernement du Nunavut pour planifier l’établissement d’une aire marine de conservation nationale dans la partie est du détroit de Lancaster à titre d’élément d’une stratégie d’affirmation et d’expression de la souveraineté canadienne dans l’Arctique.
En outre, également en travaillant avec la Qikiqtani Inuit Association et le gouvernement du Nunavut, le gouvernement du Canada doit chercher à ce que cette aire soit désignée site du patrimoine mondial. La désignation de site du patrimoine mondial faciliterait les efforts de réglementation de la navigation et renforcerait la position du Canada selon laquelle le passage du Nord-Ouest est constitué d'eaux intérieures assujetties à la réglementation et à l’autorité du Canada.
J’espère que vous allez appuyer ces trois recommandations en plus de celles qui vous ont déjà été présentées par l’ITK.
Nous allons faire de notre mieux pour répondre à vos questions. Merci beaucoup de votre temps et de votre attention et merci encore une fois de m'avoir donné le temps de terminer mon exposé.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Vous allez avoir besoin de votre appareil de traduction puisque je vais parler en français. Comme vous, je suis très fier de ma langue.
[Français]
D'abord, monsieur Kaludjak, je suis fier de ma langue et de la langue inuktitute. J'ai travaillé au dossier des affaires indiennes et du Grand Nord pendant sept ans, de 1993 à 2000, et j'adorais assister à des assemblées autochtones ou inuites, où les gens commençaient la réunion dans leur langue officielle. Pour vous, la langue officielle, c'est l'inuktitut, et on le comprend parfaitement.
Je vais faire un commentaire et je donnerai ensuite la parole à mon collègue qui posera des questions.
Lorsque j'ai été élu au mois d'octobre 1993, ma vie politique a commencé sur le bon pied parce que ma première visite, au mois de novembre 1993, s'est faite dans le Nunavut, à Iqaluit. J'ai d'abord été surpris par la longueur du voyage en avion. C'était trois heures d'avion vers le Nord — à peu près le même temps requis que pour se rendre en Floride —, sauf que quand je suis descendu de l'avion, il ne faisait pas 30 °C, mais environ -20 °C. C'est une grosse différence de température.
Imaginez-vous que je me suis promené dans le village d'Iqaluit. Je vous avoue que je ne savais pas ce que j'allais y faire, jusqu'à ce que je voie une bâtisse où il était inscrit « Nunavut Tunngavik ». Je suis entré, et quand j'ai dit au monsieur que j'étais un parlementaire fédéral du Québec, du Bloc québécois, c'était comme si un extra-terrestre s'était présenté devant lui. Il m'a offert un café et cela a dégelé les relations. Je me suis assis avec eux et ils m'ont expliqué toutes les démarches qui ont conduit à la création du Nunavut, le 1er avril 1999, où j'étais d'ailleurs, avec le premier ministre et beaucoup de gens.
On a eu beaucoup de plaisir chez vous. Vous avez une culture vraiment extraordinaire. La nourriture était formidable. Il n'y avait pas d'alcool. Je me rappelle que c'est avec un petit verre de shooter rempli d'eau pure du Nunavut que nous avons trinqué ensemble. Ce fut un très grand moment pour moi. J'y suis retourné par la suite pour voir le Parlement du Nunavut, qui est une pièce absolument extraordinaire. J'ai aussi rencontré à plusieurs reprises votre premier ministre, M. Paul Okalik.
La position du Bloc sur l'Arctique, les premières nations et les Inuits est que la pièce centrale d'une nouvelle politique dans le Nord doit s'articuler autour du peuple inuit. C'est vraiment très important pour notre parti. Je tenais à vous le dire.
Pour ce qui est de la motion 387, je m'engage devant vous à parler à mon porte-parole. Il serait plus respectueux, et cela concorderait davantage avec des accords de bonne entente, qu'on reconnaisse que le peuple qui occupe cette partie du monde depuis des millénaires, c'est vous. Ce serait bien que le passage du Nord-Ouest porte un nom inuktitut.
Je vous remercie de votre attention. Je cède maintenant la parole à M. Paillé, qui va vous poser des questions.
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D'accord; merci de l'observation et de la question, messieurs.
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de dire ceci dans ma langue. [Le témoin s'exprime dans Inuktitut.]
D'abord, merci. L'homme devant vous a visité notre bureau en 1999 environ.
Oui, les Inuits diffèrent à cet égard: nous faisons de notre mieux pour mettre nos visiteurs à l'aise et nous accueillons tout le monde. Nous donnons souvent la première place à nos visiteurs, nous faisons notre possible pour les mettre à l'aise afin qu'ils comprennent notre culture et nous les accueillons de notre mieux. C'est toujours ainsi que nous agissons aujourd'hui, et nous nous dérangeons même pour eux. Accueillir les visiteurs qui se rendent sur notre territoire, cela fait simplement partie de notre culture.
Vous avez dit qu'il faisait moins 20 degrés, et j'ai pensé: « seulement moins 20 degrés »; l'hiver, il fait habituellement entre moins 40 et moins 50 degrés, environ. Encore une fois, je vous remercie d'avoir visiter le Nunavut.
À titre de renseignement, nous avons commencé récemment à tenter de protéger notre langue au moyen de lois présentées par le gouvernement du Nunavut; nous étions très heureux de faire partie de ce projet.
Pour ce qui est de votre question sur le changement, nous en sommes déjà là. Nous nous sommes déjà adaptés, je suppose, aux changements qui se produisent au Nunavut. Nous continuons à dire que nous serons ouverts aux changements à venir et que nous ferons de notre mieux pour nous adapter. Les changements se sont déjà produits, et nous les gérons du mieux que nous le pouvons.
Je sais que nous affrontons des défis; nous faisons face à un défi social. Nous affrontons des défis, et nous tentons d'être aussi patients que possible pour résoudre les questions une à la fois. On ne peut pas résoudre les questions actuelles du jour au lendemain; cela prend du temps. Nous continuerons à faire de notre mieux pour nous adapter aux changements au fur et à mesure qu'ils se produisent.
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Merci beaucoup d'être ici pour nous parler.
J'apprécie beaucoup que vous nous parliez dans votre langue — une langue que je ne comprends pas. Je comprends très bien à quel point c'est important pour votre culture et votre identité; j'irais même plus loin et je dirais que c'est essentiel à la survie du peuple du Nunavut. C’est ce qui ressort de ce que M. Berger a écrit au sujet de l'importance de reconnaître le besoin d'appuyer l'éducation bilingue au Nunavut. C'est important pour votre identité, mais aussi pour l'identité des jeunes, qui doivent voir que leur langue compte.
L'éducation bilingue semble être au coeur de toute la notion de partenariat. Je suis d'accord avec vous: la clé de la réussite de l'affirmation de la souveraineté dans l'Arctique réside dans un partenariat entre les Inuits et le gouvernement du Canada. J'ai appuyé la création du Nunavut à l'assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador, le 1er avril 1999. J'ai participé à la reconnaissance et à la célébration de la création du Nunavut, comme je l'ai fait quelques années plus tard, lors de la création, au Labrador, du Nunatsiavut, ce qui veut dire « notre magnifique pays ». Je présume que c'est inspiré du Nunavut. La question est donc essentielle à l'avenir du Canada. Je sais qu'en fait, en 1993, les Inuits ont cédé leur titre ancestral et l'ont transféré au Canada, accordant ainsi au Canada la souveraineté qu'il peut maintenant affirmer. Il est donc essentiel que les Canadiens respectent cela de bonne foi, et je suis très déçu d'apprendre que ce n'est pas ce qu’on fait.
Dans la lettre incluse dans son rapport sur le projet du Nunavut, M. Berger a déclaré qu'un programme ambitieux d'éducation bilingue qui permettrait aux diplômés du Nunavut de parler inuktitut et anglais et de participer pleinement au gouvernement et à la société coûterait environ 20 millions de dollars par année. C'est beaucoup d'argent si on ne l'a pas. Or, dans le contexte canadien, où les exercices militaires menés dans l'Arctique coûtent probablement des millions de dollars par année, cela ne semble pas tant d'argent que cela.
Vous attendez-vous à ce que le gouvernement du Canada appuie l'éducation bilingue au Nunavut, de la même façon qu'il appuie l'éducation en français et en anglais ailleurs au pays? Appuyez-vous une telle mesure, et faites-vous des progrès pour ce qui est d’inciter le gouvernement du Canada à l'adopter?
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Merci, monsieur le président.
Je suis habitué au protocole qui dicte que le président signale quand je suis prêt à parler, ou quand quelqu'un est prêt à parler; désolé.
En ce qui concerne le rapport Berger, comme je l'ai dit, nous étions extrêmement fiers des conclusions, qui ont permis de réaffirmer les arguments que nous présentions au gouvernement fédéral sur le manque de formation au Nunavut. Le rapport a très bien abordé le besoin d'améliorer le système d'éducation du Nunavut, point que nous soutenons depuis le début.
Je crois qu'il y a environ quatre ans, nous avons soumis le besoin de remanier notre système d'éducation au gouvernement du Nunavut. Encore une fois, M. Berger a réaffirmé ce point. Nous appuyons toujours fortement l'éducation bilingue au Nunavut et nous exigeons que l'inuktitut passe en premier, que ce soit la première langue qu'on apprend, et que votre gouvernement en fasse sa priorité.
Nous avons pris des mesures pour y arriver. Le gouvernement actuel a adopté une politique linguistique et une initiative linguistique pour faire en sorte que les gens qui arrivent au Nunavut comprennent que la langue de travail principale est l'inuktitut. Nous travaillons en équipe pour nous assurer d’atteindre cet objectif, et je pense que nous y sommes.
En outre, le coût de l'éducation — les 20 millions de dollars —, c'est minuscule. Ce n'est vraiment pas assez. C'est une somme considérable, mais pour la région du Nunavut, ce ne sera toujours pas assez pour permettre de mener à bien notre initiative linguistique. Je sais que nous devrons continuer à défendre notre cas et à justifier le besoin de ressources appropriées pour y arriver. Cela continuera.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame, pour votre observation. Comme nous l'avons déjà dit, si nous voulons affirmer notre souveraineté, il faut d’abord et avant tout protéger l'environnement dans cette région. Au risque de me répéter, il faut effectivement tenir compte de l’environnement, quelle que soit la région du Nunavut. Ce n’est pas obligé d’être le passage du Nord-Ouest, mais l'ensemble du territoire. Compte tenu de la forte demande actuelle pour l’utilisation du passage du Nord-Ouest et pour la recherche minière au Nunavut, la priorité est de veiller à ce que le plus haut respect soit porté à la terre. Nous voulons avoir des ententes appropriées avec le gouvernement pour que ce soit une initiative de coopération entre nous, les gouvernements fédéral et territorial. Nous voulons avoir une Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits (ERAI) qui stipulera les besoins en formation et les besoins opérationnels, ainsi que les avantages pour les Inuits, quel que soit le projet.
L'accord de revendications territoriales prévoit cette direction. Nous devons faire partie de tout développement ou de toute activité, qu'il s'agisse de l'exploitation minière, de développement communautaire, des ports, et ainsi de suite. Les Inuits doivent être un partenaire. C'est ce que prévoit le règlement des revendications territoriales, en plus de nous adapter aux priorités. Nous avons maintes fois répété au gouvernement fédéral qu’il faut embaucher des Inuits. Laurie a mentionné le manque d'emplois. Les Inuits ont perdu tant d’argent parce que d’autres ont été embauchés à leur place.
À cet effet, l'article 23 prescrit que les deux gouvernements, fédéral et territorial, doivent augmenter leurs effectifs inuits, ce qui signifie qu'ils doivent embaucher jusqu'à 85 p. 100 d’Inuits ou plus au sein du gouvernement. Actuellement, le gouvernement du Nunavut est composé de 47 p. 100 d’Inuits environ, ce qui signifie que 47 p. 100 sont des employés inuits au sein du gouvernement territorial. Lors de la dernière vérification des effectifs fédéraux, plus précisément ceux d'AINC au Nunavut, ils se chiffraient à 33 p. 100. Or, j’ai cru comprendre que ce taux a chuté au cours des derniers mois. Ces niveaux auxquels nous donnons la priorité ne sont même pas atteints et sont déjà perdus. C'est assez troublant. Ces chiffres nous révèlent que la mise en œuvre ne donne pas les résultats escomptés. Ce seront donc nos principales priorités. Je vous ai donné deux exemples.
:
Merci, monsieur et merci à vous, monsieur le président.
C'est une bonne question.
En ce qui concerne la langue, j’allais dire tout à l’heure que, contrairement à vous, je n’ai malheureusement pas le privilège de l'interprétation quand je parle ma langue.
Pour ce qui est des noms, je ne sais pas si vous êtes au courant de la motion 387 présentée par M. Kramp en vue d’ajouter un nom au passage du Nord-Ouest. Cela nous montre le manque de connaissances, à l’intérieur même du système, quant au protocole régi par la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut dans le cadre de ce processus. S’il faut changer des noms chez nous, la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut doit intervenir; en vertu de cette loi, le député doit travailler avec nous, dès le début, et renvoyer le travail à la Fiducie du patrimoine inuit, qui est responsable de nommer ou de renommer des lieux traditionnels pour notre compte.
Quand vous avez rebaptisé des lieux avec des noms en anglais, nous vous avons dit – c’est-à-dire notre groupe et d'autres personnes qui s'intéressaient à ce dossier – que ces endroits sont déjà désignés par des noms en inuktitut. Ces noms existent depuis que les gens chassent dans cette région. Les noms étaient déjà là, mais on en a fait peu de cas. On a dessiné des cartes et attribué d’autres noms. Les Inuits avaient déjà donné des noms à ces endroits, mais les explorateurs les ont rejetés, préférant apposer leurs propres noms.
Larry Bagnell est venu à notre bureau hier afin de nous parler de cette question, et nous l'avons informé que cet endroit s'appelle Tallurutik. Ce terme désigne le menton d'une personne. « Talluq » signifie « menton », alors que « Tallurutik » signifie « menton tatoué d'une femme ». En effet, quand on traverse le passage du Nord-Ouest, l’endroit ressemble à un gros menton et on a l’impression que certaines des îles et zones continentales sont couvertes de tatous.
J’espère que votre interprète pourra saisir ce mot, et que vous apprendrez à le prononcer avec le temps.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur.
Oui, nous avons mentionné l'absence d'un système d'éducation approprié au Nunavut. problème qui perdure depuis des années. Certains d'entre vous ont dit avoir lu le rapport Berger. Il y a quelques années, nous avons travaillé entre nous pour essayer de comprendre ce qui clochait dans le système. Nous avons pris le système d'éducation dans son ensemble, puis quand nous l'avons examiné, une fois que les experts-conseils nous en ont fait rapport, nous avons appris que le Nunavut enregistrait un taux de décrochage de 75 p. 100. C'était il y a sept ou huit ans, mais la situation s'est améliorée maintenant.
Nous avons ensuite voulu savoir si ce chiffre était exact. Oui, il l'était. Nous avions bel et bien un taux de décrochage de 75 p. 100. Autrement dit, sur 100 élèves, 75 finissaient par décrocher, ce qui n'était pas approprié. C'était injuste. Nous n'étions pas justes, et ce n'était pas juste pour les élèves de ce cycle. Cela nous a montré — à nous en tant que parents et enseignants — que nous devions aider et que le système gouvernemental devait améliorer certains aspects. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le système d'éducation au Nunavut doit faire l'objet d'une révision générale. Je crois que le processus est déjà mis en branle, et nous voulons nous assurer que l'éducation bilingue est au premier plan dans le système d'éducation au Nunavut. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle.
On nous a souvent reproché le manque de capacités au Nunavut. Nous devons donc procéder à une réforme parce que ce problème découle du fait que le système d'éducation n'est pas approprié. Sachez que nous essayons de réparer notre machine, pour ainsi dire, afin de nous assurer que nous offrons la meilleure éducation possible au Nunavut.
Je sais que notre système laisse toujours à désirer, mais nous continuons de rééduquer les étudiants qui doivent aller étudier dans des universités et des collèges. Lorsqu'ils quittent le Nunavut pour parfaire leurs études dans le sud, ils doivent améliorer leurs connaissances parce qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Chacun des étudiants doit suivre un programme de formation d'appoint, c'est-à-dire qu'il doit obtenir de meilleures notes. Encore une fois, c'est signe qu'il y a quelque chose qui cloche dans le système.
Nous continuons de faire de notre mieux pour remédier à la situation. Nous essayons de régler le problème en matière de capacités du mieux que nous pouvons en offrant la meilleure éducation possible pour colmater les brèches. Voilà pourquoi nous n'arrivons pas à obtenir le financement de 137 millions de dollars par an; c'est dû au manque de capacités, au manque d'embauche et au fait que le gouvernement avec qui nous travaillons importe beaucoup de travailleurs au lieu d'embaucher des habitants de la région.
Voilà le genre de questions dont nous sommes saisis. Malheureusement, ces choses sont parfois inévitables. De notre côté, nous essayons de remédier à ces situations.
Merci.
Monsieur le président, Udloriak souhaite ajouter quelque chose.
J’aimerais ajouter un point à ce que M. Kaludjak a dit pour ce qui est de savoir ce que nous avons en place, car il vaut la peine de mentionner quelques faits saillants. Tout d’abord, le gouvernement du Nunavut ouvrira bientôt une école des métiers – je crois que ce sera l’année prochaine et non pas cette année. C’est en pleine construction à l’heure actuelle. Voilà donc un projet excitant. Il y a également une école culturelle qui ouvrira ses portes.
Un des autres aspects que j’aimerais aborder, c’est ce que M. Kaludjak vient de mentionner concernant la formation d’appoint. Nous offrons le programme de formation Nunavut Sivuniksavut ici, à Ottawa, à l’intention des bénéficiaires. Ce programme attire d’habitude environ 22 étudiants du Nunavut. C’est un peu l’équivalent du cégep au Québec, en ce sens qu’il s’agit d’un tremplin vers l’enseignement supérieur. Le taux d’emploi après le programme NS est très élevé, de l’ordre de 97 p. 100. Bon nombre des étudiants finissent par retourner sur les bancs d’école.
Le juge Berger a d’ailleurs qualifié le programme NS d’un élément important dans la formation, l’éducation et la préparation des jeunes pour des emplois, même au Nunavut. Le montant de 20 millions de dollars que l’on a évoqué comprend le financement et l’amélioration du programme NS.
Je tiens à souligner deux autres points. Premièrement, il y a l’idée d’une université de l’Arctique. Je suis sûre que vous en avez entendu parler par la gouverneure générale il n’y a pas si longtemps. Nous envisageons des initiatives de ce genre pour veiller à ce que l’éducation, même après la 12e année, soit offerte sur le territoire. À l’heure actuelle, comme vous le savez, les étudiants doivent quitter la région pour poursuivre des études postsecondaires ailleurs qu’au Collège de l’Arctique.
Mentionnons également que le renforcement des capacités doit se produire à Ottawa aussi. Les gens ignorent beaucoup de choses au sujet du Nunavut, des Inuits et de l’accord sur les revendications territoriales. Donc, même si nous aimerions insister sur le besoin d’établir une capacité de formation au Nunavut pour le peuple inuit, il faut également renforcer les capacités là où les décisions sont prises et où les politiques sont élaborées — la plupart du temps sans aucune consultation ou sans une consultation appropriée des Inuits.
Merci