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Merci, monsieur le président.
Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Comme l'a indiqué le président, je m'appelle John Larlee et je préside le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Dale Sharkey, qui en est la directrice générale.
[Français]
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui, dans le cadre de votre étude sur le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et de leur famille. J'espère que mes observations contribueront à votre étude en vous renseignant sur les types de décisions que les vétérans portent en appel devant le tribunal et sur la façon dont nous servons tous nos demandeurs.
[Traduction]
Je sais que vous connaissez bien le programme du Tribunal, mais je veux d'emblée préciser que nous ne nous occupons pas des programmes de soins de santé et de services offerts aux anciens combattants qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel. Il revient en effet au ministère des Anciens Combattants de répondre aux besoins de ces anciens combattants et de leur famille.
Cela dit, le Tribunal s'est engagé à servir les anciens combattants conformément au mandat qui lui a été confié par le Parlement en 1995 et qui consiste à faire appel, de façon indépendante, des décisions prises par le ministère concernant les prestations d'invalidité.
Notre objectif est de s'assurer qu'ils reçoivent des avantages justes et appropriés — principalement quant aux pensions et aux indemnités — pour l'invalidité dont ils ont souffert à la suite de leur service. Pour ce faire, le programme du Tribunal leur offre toute latitude d'établir leur droit aux prestations ou pour en faire augmenter le montant.
Je ferai quelques remarques sur les aspects essentiels du programme d'appel, et les mettrai en rapport avec les sujets qui vous intéressent aujourd'hui.
Au Tribunal, les anciens combattants disposent de deux recours distincts, l'un au niveau de la révision, l'autre au niveau de l'appel. Lors de l'audience en révision, ils peuvent comparaître en personne, faire comparaître les témoins de leur choix et fournir un témoignage oral à l'appui de leur demande.
S'ils sont insatisfaits de la décision prise par le tribunal au niveau de la révision, ils peuvent demander d'en faire appel. L'audience en appel est une procédure entièrement différente et elle est entendue par un autre groupe de membres du Tribunal.
Aux deux niveaux, les anciens combattants ont le droit de présenter de nouvelles preuves et d'être représentés sans frais. Le processus du tribunal est non contradictoire, ce qui signifie que personne ne plaide contre l'ancien combattant.
Le rôle des membres du tribunal est d'examiner tous les éléments de preuve afin de décider s'ils répondent aux exigences des lois régissant les prestations d'invalidité offertes aux anciens combattants. En cas de doute, ils tranchent en faveur de l'ancien combattant.
[Français]
À l'heure actuelle, le tribunal est constitué de 24 Canadiens qui apportent à leur travail une grande diversité de compétences. Ces membres remplissent leur rôle en faisant preuve d'une grande responsabilité, ce qui est inhérent au mandat du tribunal envers ceux et celles qui ont servi et continuent de servir leur pays.
[Traduction]
L'an dernier, nos membres ont rendu à la demande des requérants 4 100 décisions au niveau de la révision et 1 400 décisions en appel.
Quand on songe que le ministère émet plus de 40 000 décisions chaque année, décisions qui peuvent faire l'objet d'appel, il s'agit d'un nombre de cas restreint.
En réalité, de nombreux anciens combattants sont satisfaits des décisions prises au niveau ministériel et n'en font pas appel auprès du tribunal.
Cela dit, les cas qui nous sont soumis représentent un défi parce qu'ils ne sont pas simples à régler. D'où l'utilité du temps et des efforts supplémentaires consacrés par les anciens combattants et leurs représentants pour obtenir de nouvelles preuves à l'appui d'une issue plus favorable de la part du comité.
Alors que les requêtes les plus courantes concernent des problèmes physiques touchant le cou, le dos, les genoux et la perte d'audition, un petit nombre de demandes de révision et d'appels concernent des problèmes de santé mentale, dont les plus communs sont le syndrome de stress post-traumatique et les troubles dépressifs graves. Au cours des cinq dernières années, nous avons constaté une légère augmentation de ces demandes.
En 2004-2005 par exemple, le tribunal a rendu 268 décisions finales aux niveaux de la révision et de l'appel dans des cas de syndrome de stress post-traumatique et de troubles dépressifs graves, et il y en a eu 215 l'année suivante. Depuis 2006, leur nombre oscille entre 400 et 500 décisions par an. L'année dernière, le tribunal a rendu 432 décisions finales pour ces pathologies, ce qui représente environ 8 p. 100 du total.
Il est difficile de mettre le doigt sur les raisons particulières à la légère augmentation constatée au cours des cinq dernières années. La seule insatisfaction peut être motif d'appel et les anciens combattants peuvent s'en prévaloir n'importe quand même si la décision initiale est ancienne. L'augmentation des recours pourrait s'expliquer par une meilleure sensibilisation du public et une plus grande reconnaissance des problèmes de santé mentale, ainsi que par l'appui que l'on peut obtenir dans le réseau de cliniques de traitement des traumatismes liés au stress. Une chose est sûre, les anciens combattants sont aujourd'hui mieux informés sur ces handicaps et peuvent plus facilement les relier à leurs états de service.
Comme le tribunal ne traite que d'un nombre relativement restreint de cas liés à la santé mentale, on ne peut pas en faire d'analyse significative.
Cela dit, je peux vous donner un peu plus de détails qui pourraient être utiles à votre étude en cours. Comme je l'ai déjà dit, le tribunal a rendu l'an dernier 432 décisions finales relatives au syndrome de stress post-traumatique et aux troubles dépressifs graves. Alors que certains de ces cas étaient directement liés au combat, d'autres portaient sur différents facteurs liés au service. Parmi les 432 décisions prises, 60 p. 100 concernaient l'admissibilité. C'est à cet égard que les anciens combattants cherchent une rétroactivité ou des droits nouveaux ou accrus. Environ 40 p. 100 portaient sur des demandes de réévaluation des droits liés à l'invalidité. Dans ces cas, la recevabilité était supérieure au taux global, mais encore une fois, il est difficile de dégager des tendances à partir d'un échantillon aussi restreint.
Il est également important de comprendre que les taux de recevabilité globaux du tribunal sont directement liés aux cas individuels soumis dans une année donnée. Pour les dernières années, le tribunal a pris des mesures pour que les audiences et les processus décisionnels répondent aux besoins des anciens combattants qui font appel de décisions relatives aux problèmes de santé mentale.
Nos membres comprennent que la possibilité pour les anciens combattants de comparaître en personne à l'audience en révision peut être intimidante ou difficile pour certains d'entre eux. Après tout, les questions en jeu sont souvent de nature délicate et chargées des émotions vécues de l'ancien combattant. C'est pourquoi nos membres font leur possible pour mettre les requérants à l'aise et mener les audiences de façon aussi informelle que possible.
Le plus souvent, l'audience de révision a lieu dans une salle de conférence, dans laquelle deux membres du comité sont assis en face de l'ancien combattant et de son représentant. Le comité encourage les requérants à se faire accompagner de membres de leur famille ou d'autres gens susceptibles de les soutenir dans leur démarche, y compris les conseillers qui font partie du programme de soutien social pour les traumatismes liés au stress opérationnel. Nous travaillons également avec des représentants pour accommoder les requérants ayant des besoins spéciaux liés à l'échéance ou au déroulement de l'audience.
Les membres du comité reçoivent une formation ciblée et continue donnée par des experts médicaux, ce qui les aident à prendre des décisions justes et bien motivées pour les anciens combattants souffrant de troubles mentaux. Ils ont reçu ainsi une formation sur les traumatismes liés au stress opérationnel auprès de psychiatres et de psychologues de l'hôpital Sainte-Anne du Québec. Par ailleurs, ils suivent régulièrement des ateliers de formation et de sensibilisation donnés par des membres des Forces canadiennes et de la GRC sur les conditions de travail et les défis auxquels ils doivent faire face dans l'exercice de leurs fonctions. En fait, nous allons bientôt assister à une séance donnée par la GRC sur les problèmes de santé mentale dont souffrent ses agents.
[Français]
Pour conclure, j'ajoute que nous sommes conscients que les vétérans souhaitent obtenir le résultat espéré de la part du ministère plutôt que de soumettre leur demande au tribunal. Cela dit, le but du système dans son ensemble est de veiller à ce qu'ils reçoivent une compensation juste et appropriée pour leurs invalidités attribuables au service, et ce, dans les plus brefs délais possibles.
[Traduction]
En fait, c'est une bonne chose que les anciens combattants aient de nombreuses possibilités de faire appel d'une décision s'ils ne sont pas satisfaits et de présenter de nouvelles preuves. Le tribunal est déterminé à rendre le processus aussi efficace que possible pour ceux qui choisissent d'exercer leur droit d'interjeter appel.
Merci, monsieur le président.
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Vous avez donné une très bonne réponse, mais en pratique, je peux vous dire que ce n'est pas du tout le cas. Vous ne me ferez pas croire qu'une personne qui suit une formation médicale devient médecin, qu'on peut lui confier un dossier et qu'elle peut évaluer, avec les données médicales dont elle dispose, si le patient souffre de stress post-traumatique ou non. Même si cette personne avait suivi une formation médicale complète, elle ne serait pas davantage médecin. Cette personne n'est pas capable d'établir un diagnostic, parce qu'elle n'est pas médecin. La seule personne capable d'établir un diagnostic, c'est un médecin.
À partir du moment où un diagnostic de stress post-traumatique est établi par un médecin, soit par le médecin traitant, soit par le médecin des Forces canadiennes, je présume que les membres du tribunal sont liés par ce diagnostic. S'ils ne sont pas liés par le diagnostic du médecin traitant, je présume qu'ils prennent la décision de celui des Forces canadiennes. S'il y a une différence entre les deux diagnostics, si les médecins ne s'entendent pas, par exemple si le médecin traitant établit un diagnostic de stress post-traumatique et que le médecin des Forces canadiennes non, on doit recourir à un autre tribunal. Or, le tribunal qui devrait exister devrait se composer de médecins, et non de membres ayant suivi une formation médicale, car ces gens n'ont pas la formation adéquate ni pour établir un diagnostic ni pour trancher une telle question.
Si c'est ainsi que les membres de votre tribunal arrivent à une décision quant à un diagnostic de stress post-traumatique, cela me cause un terrible problème. Ces gens ne peuvent pas rendre une telle décision. Je vous dis cela par expérience, moi qui ai travaillé pendant près de 20 ans au tribunal de la CSST, où il est question à peu près des mêmes choses. En effet, on peut comparer les cas de stress post-traumatique à ceux des accidents qui surviennent dans les usines. Il peut s'agir du cas de quelqu'un dont la main s'est coincée dans une machine et a été coupée, scène dont sont témoins d'autres travailleurs. Des causes comme ça, on en a vécu, on en a entendu. Les seules personnes capables d'établir des diagnostics et de rendre un jugement sont des médecins, par l'entremise des papiers médicaux.
Vous me parlez de cas où, en l'absence de papiers médicaux, des personnes de la famille viennent témoigner de ce que les gens endurent. Votre loi devrait stipuler qu'il faut une preuve médicale pour établir la relation de cause à effet entre le diagnostic et ce dont la personne souffre. Il n'est pas acceptable de penser que le témoignage des membres de la famille suffira à faire changer la décision du tribunal. Au moment de la décision de révision administrative, la première révision après la demande, s'il n'y a pas de papiers médicaux pour établir la relation médicale, comment fait votre tribunal pour l'établir?
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Si mes calculs sont bons, c'est plus de 15 cas par jour —15 cas par jour traités par 24 personnes, dont 18 n'ont pas d'antécédents médicaux, militaires ou policiers.
Je pose la question parce que l'une des choses les plus importantes que le TACRA fait est de se prononcer par rapport à la clause du « bénéfice du doute ». Or, dans plus de 600 cas que j'ai vus depuis 1997, cas entendus dans tout le pays, depuis la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée, etc., je n'ai pas encore vu de cas où le bénéfice du doute a été effectivement appliqué. S'il y en a, j'aimerais bien le savoir.
Vous avez parlé de la preuve médicale, et vous avez tout à fait raison. Nous avons vu maintes et maintes fois rejetée la réclamation d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale souffrant de stress post-traumatique 60 ans après les faits, parce qu'il n'y avait dans leur dossier aucune attestation médicale à cet effet. On a rejeté leur demande. Or, on aurait supposé que le bénéfice du doute s'applique dans ces cas-là.
Comme vous le savez, il y a 750 000 anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée, et d'agents de la GRC, ou leurs conjoints, mais le ministère des Anciens Combattants ne s'occupe que de 220 000 d'entre eux.
Parmi les 432 cas de syndrome de stress post-traumatique, combien en avez-vous révisé en faveur du client?
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Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence, nous l'apprécions.
Je vais revenir sur les statistiques. Je me demande si vous pouvez fournir les statistiques des comités des cinq dernières années, telles que les décisions initiales prises par Anciens Combattants Canada, les décisions d'examen, les décisions d'appel, les décisions de réexamen, les décisions de la Cour fédérale, et les décisions de réexamen ordonné par la Cour fédérale.
Vous avez dit, je crois, qu'Anciens Combattants Canada examine chaque année environ 40 000 cas. Vous prenez environ 4 100 décisions, dont 1 400 font l'objet d'appel. Je trouve ce chiffre très élevé. Ça fait 34 p. 100. Je me demande si vous pouvez nous fournir également les données pour les cinq dernières années.
Je me demande aussi si vous pourriez présenter votre cadre au comité. Je comprends l'article 39. C'est le cadre juridique dans lequel vous devez travailler. Il ne fournit pas beaucoup de conseils pour la prise de décision. Je me demandais donc si vous pouviez communiquer au comité votre processus de décision — les étapes qu'il suit.
Je reviens sur ce dont M. Stoffer a parlé. Le comité d'appel est composé de 24 membres, dont l'un a des compétences médicales, une formation en soins infirmiers. Est-ce exact?
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J'ai rencontré plusieurs anciens combattants, car on reçoit quelques demandes de ce genre. Ils deviennent complètement désabusés par ce système.
Premièrement, il y a le nombre de refus d'une première demande. Je me fie aux pourcentages que vous m'avez donnés aujourd'hui. J'imagine qu'ils sont véridiques, mais on a entendu des pourcentages de refus plus élevés.
Comme mon collègue du NPD le mentionnait, il arrive souvent que ces gens démissionnent, tout simplement. Lorsqu'on est atteint d'un syndrome post-traumatique, on se sent vulnérable. Vous connaissez le problème du manque d'estime de soi. On est dans une situation très vulnérable et on a l'impression de devoir se battre contre un système, contre une grosse structure. C'est quand même quelque chose! Il faut avoir des avocats, se défendre.
Auriez-vous des recommandations à faire, dans une perspective d'autocritique par rapport à votre propre pratique, qui feraient en sorte qu'on pourrait améliorer ce système, afin que ce soit moins lourd pour les personnes qui désirent obtenir des prestations d'invalidité?
Vous avez parlé de la formation des gens du tribunal. Est-ce qu'on pourrait aller plus loin et développer de nouveaux outils, plus d'expertise pour reconnaître que la personne qui se trouve devant nous a un diagnostic, a un vécu? Comprenez-vous ce que je veux dire? Il faudrait qu'il y ait moins de refus.
Quelles sont vos recommandations pour améliorer l'efficacité de votre travail? Je pense qu'on peut remettre l'efficacité en question. Je regarde les statistiques et je trouve qu'on peut remettre l'efficacité en question. Ne pourrait-on pas être plus efficace dans cette perspective?