Passer au contenu

ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 041 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 41e séance du Comité permanent des anciens combattants. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons notre étude sur le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des anciens combattants et leur famille.
    Nous accueillons aujourd'hui à titre personnel, M. Marvin J. Westwood, fondateur du programme d'aide à la transition des anciens combattants. Il se trouve à Vancouver en Colombie-Britannique et sera avec nous par vidéoconférence de 15 h 30 à 16 h 30.
    Bienvenue, monsieur Westwood.
    Je m'appelle Gary Schellenberg et je suis le président du comité permanent.
    Si vous le voulez, vous pouvez faire votre exposé et par la suite nous vous poserons des questions qui, je l'espère, seront brèves. Nous nous attendons à ce que cette heure soit très instructive, monsieur.
    Je vais faire mon exposé, mais avant de commencer, puis-je obtenir une précision? J'ai été invité à témoigner aujourd'hui. Pour que je puisse bien comprendre, j'aimerais savoir en quoi mon point de vue sera utile au comité. Pourriez-vous seulement m'aider? Vous travaillez dans un domaine différent du mien, et je ne veux pas me baser sur de fausses hypothèses. Je crois comprendre que nous parlons du sujet prévu — je le sais —, mais dans quelle mesure mon témoignage contribuera-t-il au travail du comité, et où cela mènera-t-il?
    Nous faisons une étude sur le suicide et les troubles mentaux au sein des forces armées, surtout chez nos anciens combattants; en grande partie, c'est que nos anciens combattants qui reviennent d'Afghanistan et de différents autres déploiements souffrent de trouble de stress post-traumatique, TSPT. Donc, nous nous disons... encore une fois, y a-t-il des lacunes dans le processus de transition entre le statut de combattant et celui d'ancien combattant? Comment pouvons-nous régler le problème? Pouvons-nous agir mieux sur l'état mental de nos anciens combattants en favorisant une meilleure transition entre la vie de militaire, à laquelle ils sont probablement habitués, et la vie civile?
    Merci beaucoup. Merci de faire ce rappel.
    Avant tout, monsieur le président, avez-vous reçu une copie de mes notes? Le comité les a-t-il reçues aujourd'hui? La traduction n'est peut-être pas prête.
    Nous avons la traduction, monsieur.
(1535)
    Est-ce que les documents ont été traduits également?
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi tout d'abord de dire que je suis vraiment ravi d'avoir été invité à faire un exposé devant le comité, car à mon avis, la question des soldats et des anciens combattants qui reviennent au Canada est l'une des priorités du pays à l'heure actuelle.
    Pourquoi dis-je cela? Je le dis parce que le TSPT, le suicide et ce type de traumatismes très connus suscitent beaucoup d'attention dans les médias, alors qu'à mon avis, il y a toutes sortes d'autres coûts pour le Canada dont on ne parle pas. Je vais en parler dans mon exposé aujourd'hui.
    Je veux d'abord que nous ne perdions pas de vue que pour tous les soldats qui reviennent, s'ils souffrent de blessures — que nous appelons des stress liés à la guerre, des blessures psychologiques — le traumatisme a des conséquences non seulement sur eux, comme vous le savez, mais également sur leur famille et la collectivité dans laquelle ils retournent. D'après mon expérience de travail des 30 dernières années, si ces troubles mentaux ne sont pas traités et que ces gens ne reçoivent pas d'aide, non seulement nous perdons la contribution que ces gens peuvent apporter à la société, mais ce problème entraîne de très graves répercussions sur les conjoints, les enfants et le milieu de travail.
    L'une des choses que je veux rappeler au comité, pour peut-être employer un terme qu'on utilise par exemple dans le secteur de la santé et de la médecine, ce sont les années potentielles de vie perdues. Nous pouvons évaluer les coûts dans notre société. Lorsque les gens subissent des blessures, qu'elles soient corporelles ou psychologiques, et qu'ils ne sont plus capables d'apporter leur contribution et de fonctionner, non seulement ils perdent quelque chose, mais la société aussi, et nous en payons énormément le prix.
    Donc, bien entendu, je tiens vraiment à vous parler aujourd'hui d'un programme que nous mettons en oeuvre ici à l'Université de la Colombie-Britannique. Il est parrainé par la Légion. C'est le programme d'aide à la transition des anciens combattants. Vous remarquerez l'élément central dans le nom du programme. C'est-à-dire que ce qui compte, c'est la façon dont on aide ces hommes et ces femmes à redevenir des citoyens canadiens productifs. S'ils ont des blessures, surtout en cas de blessures psychologiques, que les soldats appellent d'ailleurs des blessures invisibles, souvent, elles ne sont pas décelées, ils ne reçoivent pas les services pour toute une panoplie de raisons dont je vais parler dans un moment, et notre société en paie le prix. Des questions morales et économiques entrent en jeu. Voilà pourquoi j'y joue un rôle.
    Par ailleurs, dans le cadre de mon travail, lorsque je vois ces mêmes personnes bien se rétablir de leur traumatisme, retrouver leur famille et leurs enfants, retourner sur le marché du travail, aller à l'université, au collège ou à l'école technique et redevenir des citoyens productifs, c'est vraiment très inspirant pour moi. Je suis donc assez optimiste quant à ce que nous pouvons faire au Canada pour aider les anciens combattants à se réintégrer dans la société canadienne. Pourquoi dis-je cela? Je le dis parce que nous avons les compétences voulues. Nous avons les compétences qu'il faut dans le domaine médical et le domaine de la psychologie pour le faire.
    Ensuite, vous vous demandez peut-être où j'ai été formé. J'ai appris en travaillant avec des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale âgés de 85 et de 90 ans il y a 25 ans dans le cadre d'un projet parrainé par Anciens Combattants Canada. Je les ai rencontrés en groupes pour comprendre ce qu'ils ont vécu et dans quelle mesure la guerre a eu des répercussions sur leur vie et leur transition lorsqu'ils sont revenus au Canada. Lorsque nous avons terminé le projet, aucun doute ne subsistait dans leur esprit...
    Dans l'une des plus importantes recommandations qu'ils ont faite, ils m'ont dit, « Westwood — c'est ainsi qu'ils m'appelaient —, le problème de votre programme, c'est qu'il y a un problème ». Je leur ai demandé quel était ce problème. Ils m'ont dit que le programme arrivait 50 ans trop tard. Ils ont dit qu'ils auraient eu besoin de raconter ce qu'ils ont vécu et qu'ils auraient eu besoin d'aide pour leur transition il y a 50 ans. Ils ont dit qu'ils n'en seraient pas où ils en sont maintenant, qu'ils ne traîneraient pas avec eux le même bagage.
    Et, monsieur le président, ils ont parlé de bagage. Nous n'utilisons pas beaucoup de jargon du domaine de la psychologie aujourd'hui, car les soldats ne l'utilisent pas. Ils appellent ce phénomène « déposer les bagages ».
    Certains des anciens combattants plus âgés que le Dr Kuhl et moi... le Dr Kuhl est un de mes collègues. Il enseigne à la faculté de médecine et était le directeur de l'unité de soins palliatifs de l'hôpital St. Paul. Bon nombre de patients de cette unité étaient ces hommes et ces femmes de 85 ans qui avaient servi dans la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Il a constaté — et c'est le fruit de vastes recherches — que si les gens ne font pas face à leurs blessures de guerre, et je parle des blessures psychologiques, leur mort sera très difficile. Les blessures ne seront pas guéries.
(1540)
     À la lumière des recommandations des soldats âgés, dans le cadre de notre travail avec les jeunes soldats, nous leur offrons maintenant une place dans le programme d'aide à la transition pour déposer leurs bagages en nous disant dans quelle mesure la guerre a eu des répercussions sur eux et leur fonctionnement.
    Je crois qu'il faut ajouter que ce qui rend le programme unique comparé à certains programmes que nous offrons, c'est qu'il est vraiment géré ou appuyé, si l'on veut, par d'autres soldats. L'équipe qui travaille avec les soldats d'aujourd'hui, qui reviennent au pays, est composée de médecins, de psychologues et de thérapeutes, mais nous avons un autre atout important dans l'équipe, et ce sont les soldats qui agissent à titre d'auxiliaires. Il s'agit de soldats qui ont été déployés, sont revenus au Canada, ont participé au programme d'aide à la transition et veulent faire leur part et se rendre utiles. Nous les formons pour qu'ils puissent travailler avec nous. Par conséquent, les soldats qui participent au programme sont rassurés par la présence de soldats dans l'équipe d'aide, ce qui leur donne confiance.
    J'ai appris à mes dépens, comme ceux d'entre vous qui travaillent avec des anciens combattants, j'en suis sûr, que la plupart d'entre eux ne nous font pas confiance en tant que civils, et ce, pour deux raisons. Premièrement, ils nous disent à nous, les aides professionnels, « puisque vous n'étiez pas là et que vous n'avez pas servi, comment pouvez-vous comprendre ce que j'ai vécu? ». C'est la première raison. Deuxièmement, si ces services sont offerts par les Forces canadiennes ou Anciens Combattants Canada, bon nombre de soldats que je rencontre n'y auront pas recours, car ils ne sont pas convaincus que les renseignements qu'ils donneront demeureront confidentiels. Que font-ils alors? Ils fuient. Cela n'aide personne, ni nous, ni eux.
    Maintenant, certains, bien entendu, avec le SSBSO... ils ont élaboré des programmes et des façons de réduire les difficultés, ce que j'appuie vraiment, mais j'ai appris deux choses. Premièrement, si l'on aide les soldats victimes de traumatisme lié à la guerre, il faut faire participer les soldats qui rentrent au pays. Pourquoi? C'est que les soldats aiment aider les autres soldats. Ces hommes et ces femmes sont très expérimentés à leur retour. Ils ont été sur le terrain. Ils ont vécu ce qui est arrivé et, grâce à la formation, ils donnent un solide coup de main à toute équipe d'aide à la transition, comme celle qui opère ici dans cette région du Canada.
    En tant que professionnel, j'ai éprouvé un sentiment d'humilité lorsque je me suis rendu compte qu'ils avaient du respect pour moi surtout parce que je leur ai prouvé que je comprenais leur vie. J'ai compris leur vie en écoutant ce qu'ils me racontaient. Parfois, un ancien combattant qui se rend à un bureau d'Anciens Combattants Canada me dira, « je ne veux pas aller là-bas, car comment puis-je savoir que la personne qui m'accueille comprend ce qui m'est arrivé? ». Ils m'ont appris très rapidement ce qu'ils ont besoin pour nous accorder leur confiance et avancer, avoir envie de participer à un programme de traitement.
    Voilà pour ce qui est de mon expérience.
    Donc, qu’avons-nous fait? Essentiellement, nous aidons maintenant les anciens combattants qui sont libérés du service. Ils ont été déployés à l’étranger et participent ensuite au programme d’aide à la transition des anciens combattants qui dure trois mois, comme vous pouvez le voir. Il s'agit d'un programme en établissement. La plupart des anciens combattants participent au programme avec l’idée de quitter leur vie de militaire et de retourner à la vie civile.
    Toutefois, s’ils ont des blessures liées à un traumatisme, il est presque impossible pour eux de réintégrer la vie civile. Pourquoi? Si vous comprenez ce qu'est un traumatisme, vous savez qu'il change la façon de penser des personnes qui en souffrent, ce qui cause un désordre dans les pensées. Ils ont tous des symptômes qui peuvent facilement être déclenchés et ils ne se sentent pas en sécurité. Ce que nous remarquons chez bon nombre de soldats, c’est qu’ils veulent s’isoler. Je sais que je ne vous apprends rien de nouveau. Les membres du comité auront compris qu’un des symptômes types que présente une personne qui souffre d’un traumatisme psychologique, c’est qu’elle veut partir, se cacher et fuir. Pourquoi? Parce que la honte entre en jeu, surtout chez un soldat.
    Maintenant, il nous faut comprendre que les soldats ont une mentalité particulière, et quelle est-elle? C’est une mentalité — et j’aime voir les choses sous cet angle — selon laquelle il est important de rester fort, autonome et de ne pas avoir besoin d’aide. Si les soldats adoptent cette mentalité et qu’ils retournent au pays blessés, nous pouvons tous nous imaginer à quel point il est difficile pour eux de demander de l’aide, car le faire déroge à tout ce qu’on leur a appris. Donc, souvent, les soldats évitent de demander de l’aide.
    Cependant, ils souffrent quand même. Que font-ils? Vous le savez aussi bien que moi. Ils fuient, prennent des médicaments, et dans le pire des scénarios, ils souffrent tellement qu’ils se suicident.
(1545)
    Dans l’immédiat, je crois qu’il nous faut prendre conscience que nous pouvons établir des liens avec ces gens, ces hommes et ces femmes, de différentes façons. Nous pouvons également offrir des services. Nous avons les cliniques de traitement des TSPT partout au Canada, qui offrent certainement un service — la réduction des symptômes — où l'on utilise des méthodes traditionnelles. Le bureau du SSBSO d’ACC apporte de l'aide, mais lorsque nous regardons les statistiques sur le nombre de personnes qui visitent ces bureaux, le nombre de personnes tend à être faible.
    Pourquoi? Parce que bon nombre d’entre elles évitent d’utiliser nos services. Même si nous déployions tous les efforts possibles, je pense que certains soldats n’auront jamais confiance en nos services s’ils nous voient comme des représentants d’un organisme gouvernemental. C’est ce à quoi nous faisons face.
    Tout cela en guise de contexte.
    Je crois que le programme au sujet duquel on m’a demandé de parler existe… près de 200 soldats y ont participé. Jusqu’à maintenant, la majorité d'entre eux ont repris contact avec leur famille. Ils font des progrès; bon nombre d’entre eux retournent aux études ou font un cours d’appoint. Pourquoi? Eh bien, cela fonctionne parce que — remarquez — le programme dont nous parlons est un programme d’aide à la transition et non un programme sur le TSPT. Oui, nous traitons les gens qui souffrent de TSPT, mais la dernière partie du programme est axée sur la façon pour eux d’établir de nouveaux objectifs de vie et d’obtenir les ressources qui sont disponibles pour reprendre leur vie en main.
    À mon avis, la meilleure façon d’aider les soldats n’est pas de les plaindre et de ne leur offrir que des services médicaux et de psychologie, mais de leur rappeler qu’ils sont des citoyens à part entière, qu’ils peuvent encore être utiles, et de leur donner les ressources et les compétences qu’il faut pour le faire. Je ne prétends pas du tout recommander ce programme à tout le monde, mais je crois qu’il a commencé comme bon projet pilote et qu’il est prometteur.
    Récemment, nous avons reçu beaucoup de ressources financières de la part de la Légion royale canadienne pour renforcer nos capacités et former des professionnels et des soldats agissant à titre de professionnels auxiliaires afin de créer d’autres équipes qui pourraient aller dans d’autres régions du Canada — si on les invite à le faire — et offrir un tel programme aux soldats.
    C’est un programme de groupe. Pourquoi? C’est que, comme je l’ai dit, les soldats aident d’autres soldats. Ils savent très bien comment s’aider les uns les autres. Comme ils vivent et travaillent en groupe, je trouve cette façon de faire très efficace. En tant qu’équipe professionnelle, nous mettons en place les lignes directrices qu’ils doivent suivre.
    Plus récemment, nous avons fait un suivi avec un groupe de soldats. Les soldats sont très enthousiastes à l’idée de garder le contact avec leur unité. Étant donné qu’ils considèrent notre programme comme une unité, une nouvelle unité, et qu’ils aiment garder le contact avec elle lorsqu’ils reviennent à la maison, nous tentons de tenir des réunions chaque mois. Nous travaillons à ce volet.
    C’était une entrée en matière. Je pourrais en dire davantage, mais j'ai déjà dit beaucoup de choses.
    Je suis impatient de répondre à ceux qui veulent obtenir des précisions ou d'autres renseignements à ce stade-ci.
    Merci, monsieur. Votre exposé était excellent.
     Mme Sgro est notre première intervenante.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Westwood, c’est un vrai plaisir de vous écouter ce matin — désolée, je voulais dire cet après-midi. La journée est déjà avancée.
     Bon nombre de vos observations ressemblent à celles que nous avons entendues de la part de certains soldats. Vous avez mentionné les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et le fait que notre aide arrivait 50 ans trop tard. Souvent, pendant que nous accomplissons notre travail, nous songeons à tout ce que nous tentons de faire pour les anciens combattants d’aujourd’hui, et nous nous rappelons ce qu’on faisait pour ces gens il y a 50 ans de cela. Il est clair qu’à cette époque, on faisait bien peu de choses pour eux. Je pense qu’aujourd’hui, nous cherchons à éviter bon nombre des erreurs que nous avons commises dans le passé et à anticiper la façon dont nous pourrions aider un grand nombre de ces jeunes anciens combattants qui rentrent au pays.
     Vous avez parlé des blessures invisibles et du fait que les hommes et les femmes n’étaient pas prêts à les soigner. Vous disiez qu’ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour éviter de s’en occuper. On ne peut manifestement pas forcer les gens à obtenir de l’aide. Donc, la solution ne consiste-t-elle pas à repérer rapidement les gens qui ont de problèmes psychologiques afin de les orienter vers le bon programme d’aide à la transition des anciens combattants — peu importe le nom qu’on lui donne — et de les amener à reconnaître que, compte tenu de ce qu’ils ont vu et vécu, ils souffriront tôt ou tard d’un quelconque traumatisme? Ainsi, nous pourrions prévenir les problèmes avant que quelqu’un se suicide et que nous nous rendions compte que la collectivité dans son ensemble a manqué à ses obligations envers cette personne en ne reconnaissant pas ses symptômes plus tôt.
(1550)
    Judy, je suis d’accord avec ce que vous dites. Je tiens simplement à mentionner que, d’après notre expérience, l’une des meilleures façons d’inviter les jeunes hommes et les jeunes femmes à obtenir de l’aide n’est pas de les en prier nous-mêmes, mais de confier cette tâche à d’autres soldats. Ils font attention aux autres militaires. Nos soldats, qui ont reçu une formation paraprofessionnelle, se rendent dans la collectivité et invitent d’autres soldats en leur disant: « Cela arrive; j’ai vécu cette situation, et je m’en suis sorti, alors pourquoi ne pas assister à une de nos réunions? » Les soldats se portent à leur rencontre. Selon ce que j’ai observé, c’est le seul moyen efficace de les atteindre, parce qu’ils font plus confiance aux autres soldats qu’à moi, le professionnel ou le titulaire d’un doctorat en psychologie.
     Je suis d’accord avec vous. Cela ressemble un peu à un programme pour les AA. Ils sont plus enclins à écouter quelqu’un qui a traversé des moments difficiles qu’à suivre les conseils d’un quelconque professionnel. Des programmes comme votre programme d’aide à la transition des anciens combattants sont-ils offerts dans d’autres pays?
    Non. Ils ne le sont pas à l’heure actuelle, car il s’agit d’une initiative canadienne.
     Je suis revenu des États-Unis la semaine dernière. Ils offrent à Hawaï un programme à l’intention des bataillons, et ils m’ont invité à les visiter. Je leur ai donné un exposé et, aujourd’hui, on m’a demandé si je pouvais leur présenter l’approche canadienne à l’égard de ce genre travail. Donc, d’autres régions s’y intéressent. Par exemple, Israël et les États-Unis sont deux endroits où j’ai donné des exposés.
     Ce qui distingue notre programme des autres, c’est que, contrairement aux autres groupes professionnels, nous faisons appel à des soldats pour venir en aide aux soldats. À mon avis, cela n’a rien de spécial, puisque tout le monde pourrait faire de même.
    Peut-être le devraient-ils.
    Oui. Peut-être qu’ils le devraient.
    Votre financement provient-il principalement de la Légion royale canadienne? Mon énoncé est-il exact?
     Oui. À l’heure actuelle, tout notre financement provient de la légion.
    Avez-vous présenté une demande de financement auprès d’Anciens Combattants Canada?
     Je l’ai fait par le passé, et mon projet n’a pas été appuyé. Il y a à peu près 20 ans, Anciens Combattants Canada a financé une étude que je menais au sujet de la vie des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Je leur en ai été reconnaissant, mais j’ai été plutôt surpris d’apprendre qu’ils ne semblaient pas vouloir appuyer mon initiative. À mon avis, c’est parce qu’ils considèrent qu’ils offrent déjà leurs propres services à cet égard.
    Eh bien, l’étude que nous menons à l’heure actuelle vise en partie à déterminer comment nous pourrions améliorer ces services.
     Dans quelle fourchette d’âge se situent les hommes et les femmes avec lesquels vous avez l’occasion de travailler? Quel est leur âge?
    En ce qui concerne leur âge, Judy, j’ai compris qu’un soldat était toujours un soldat, qu’il soit âgé de 25 ans ou de 75 ans. En ce moment, le programme aide des gens âgés d’environ 27 à 40 ans, mais de temps en temps… Il y a quelques années, nous aidions des soldats qui revenaient de l’ancienne Yougoslavie, où ils avaient été chargés du maintien de la paix. Ils étaient dans la cinquantaine ou la soixantaine. Par conséquent, j’estime que, dans l’ensemble, leur âge oscille entre 27 et 60 ans. Il n’est jamais trop tard.
    Non, bien entendu.
     Avez-vous trouvé un moyen d’évaluer votre taux de réussite auprès des nombreux hommes et femmes avec lesquels vous avez travaillé?
    Oui, nous évaluons notre réussite de deux manières.
     Nous disposons d’indicateurs de résultats psychologiques, et nous menons actuellement deux études. Nous examinons les taux de dépression, puis d’autres facteurs comme l’estime de soi, l’anxiété et les pensées dépressives. Cela nous permet de mesurer les résultats.
     Mais, à mon avis, la mesure la plus importante est la partie de l’étude au cours de laquelle nous suivons les participants pendant une période qui peut durer jusqu’à six mois et, dans certains cas, jusqu’à deux ans. Nous examinons leur participation à la population active et leur réunion avec leur famille. S’ils travaillent activement, poursuivent une nouvelle carrière et vivent de nouveau avec leur famille, nous considérons qu’ils ont accompli des progrès.
    Mais ce programme ne se prête pas aux mêmes genres de mesures psychométriques qu’on observe souvent dans ces études. Nous suivons bon nombre d’entre eux, parce qu’ils souhaitent rester en contact avec nous. Après avoir suivi le programme, ils nous rappellent souvent ou appellent certains de leurs camarades de programme. Par ailleurs, nous menons en ce moment un nouveau projet de recherche axé sur les effets à long terme. Nous évaluerons un certain nombre de personnes qui ont suivi notre programme au cours des 10 dernières années.
    Toutes mes félicitations, monsieur Westwood. Cela me semble tout à fait fascinant. Je vous souhaite beaucoup de succès. Je vous remercie de vous préoccuper autant de ces hommes et de ces femmes.
(1555)
    C’est à votre tour, monsieur André.

[Français]

    Bonjour, monsieur Westwood. Entendez-vous la traduction simultanée?
    Oui, ça va, monsieur.
    Je suis content de pouvoir parler avec vous de votre programme d'intervention en matière de syndrome de stress post-traumatique. Vous avez parlé de décentraliser davantage les services pour les anciens combattants afin de leur donner accès à vos groupes d'entraide. En effet, plusieurs personnes vivent des situations et partagent ces événements traumatisants dans une démarche d'entraide. Cela est favorable à leur thérapie, à leur guérison.
    Toutefois, je constate qu'un problème existe au Québec et qu'il est fréquent. Je suppose qu'il existe aussi ailleurs au Canada. Lorsque les anciens combattants résident dans des régions rurales qui ne sont pas situées près d'une ville, les distances pour avoir accès à des services d'entraide et de soutien pour leur syndrome de stress post-traumatique sont souvent assez importantes.
    Je vais parler du Québec, mais je suis convaincu que cela pourrait être semblable dans le reste du Canada. Pourrait-on développer des services de proximité, au Québec, dans les diverses régions, dans les CLSC? Pourrait-on former des intervenants qui pourraient dispenser ces services aux anciens combattants? Que pensez-vous de cela? Je trouve que le modèle est très centralisé et n'est pas accessible à toute la population visée.
    Monsieur André, je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    Je pense que c’est une excellente question.
     J’aimerais dire deux choses. La réponse est oui. Nous pourrions former des professionnels. Ils seraient accompagnés par des soldats paraprofessionnels qui aideraient les anciens combattants qui résident dans les régions rurales du Canada ou du Québec. Comment puis-je l’affirmer? Je le peux, car les militaires savent où leurs confrères habitent. Ils semblent avoir créé leur propre réseau sur Internet et savoir où les anciens combattants se trouvent.
     Je pense que ce serait une très bonne idée de former des équipes rurales qui se rendraient là où les anciens combattants vivent parce que, souvent, ils habitent loin des grandes villes. Nous faisons face au même problème en Colombie-Britannique. J’appuie entièrement l’idée de visiter les régions rurales canadiennes ou québécoises, à condition que les équipes comportent des soldats qui, par leur présence, inspirent confiance aux participants éventuels.

[Français]

    En effet, je pense que ce serait une idée à développer. Il s'agit de l'arrimage entre le secteur public et les anciens combattants. Je pense qu'il y aurait des choses à travailler à cet égard.
    Par ailleurs, j'aimerais vous entendre sur la question du dépistage. On voit que plusieurs anciens combattants développent le syndrome de stress post-traumatique à la suite d'une mission militaire, deux, trois, quatre ou dix ans après l'événement traumatisant. Ils apprennent relativement tard, parfois, qu'ils vivent un syndrome de stress post-traumatique.
    Avez-vous développé, sur le plan de la recherche, des outils afin de dépister davantage ceux qui pourraient ultérieurement développer ce syndrome de stress post-traumatique? Il ne semble pas y avoir de suivi comme tel. On dirait que les gens sortent de l'armée, retournent chez eux, et ce n'est que par la suite que les proches, la plupart du temps, s'aperçoivent qu'il y a un changement de comportement.

[Traduction]

    Vous venez de mettre le doigt sur l’une des caractéristiques du TSPT, à savoir qu’il se manifeste ou devient apparent plusieurs mois plus tard. C’est pourquoi de nombreuses personnes ne sont pas diagnostiquées.
     Non, nous n’avons pas élaboré d’outils. En revanche, nous avons communiqué avec d’autres soldats qui ont suivi notre programme afin qu’ils entrent en contact avec les soldats récemment déployés qui rentrent au pays et leur fassent savoir que ce genre de programmes pourrait leur être offert s’ils souhaitent y participer plus tard. Je pense qu’au Canada, nous pourrions mieux renseigner les militaires au moment du déploiement.
     Pendant qu’ils prennent part au programme de décompression à Chypre, nous pourrions les informer davantage en leur disant: « Écoutez, même si vous vous sentez bien en ce moment, jusqu’à 30 p. 100 d’entre vous présenteront des symptômes plus tard, après votre retour au pays. Ces symptômes sont normaux et représentent une étape normale du processus de réinsertion. Voici comment communiquer avec des personnes en mesure de vous aider. » Mais le problème lorsqu’on travaille avec des militaires potentiellement atteints du TSPT, c’est qu’à la fin de leur service, la plupart d’entre eux veulent simplement rentrer à la maison et éviter tout contact avec des organisations. C’est du moins ce que j’ai observé. Par conséquent, je ne crois pas que nous soyons parvenus à repérer les victimes potentielles de cette maladie.
     Mais, en ce qui concerne votre allusion à la notion de dépistage, lorsque les gens demandent à être admis dans nos programmes, nous leur faisons subir des examens de dépistage, car certains anciens combattants sont tellement atteints du TSPT qu’ils ont besoin de recevoir des traitements de nature plus médicale et prendre des médicaments psychotropes ou travailler individuellement avec des médecins. Les cliniques traitant le TSPT prennent en charge ce travail. Puis, lorsque leur état de santé s’est stabilisé, ils sont prêts à commencer la thérapie de groupe. Tout notre travail se fait en groupe.
(1600)
    Monsieur André, veuillez être bref.

[Français]

    Selon moi, dans l'intervention auprès des personnes aux prises avec un stress post-traumatique, il serait important de miser sur l'information auprès de la famille. Il semble y avoir un manque d'information auprès des proches qui vivent avec un militaire susceptible de développer un stress post-traumatique.
    Ne croyez-vous pas qu'on devrait davantage mettre l'accent sur l'information auprès des conjoints et des familles de ces militaires? Il me semble que ce sont eux qui sont capables de diagnostiquer davantage les symptômes.

[Traduction]

    Vous avez absolument raison. Lorsqu’à leur retour, les soldats présentent des symptômes, je pense que leurs familles sont les mieux placées pour les détecter rapidement. Par conséquent, nous devrions certainement travailler avec les familles de manière préventive afin de leur signaler ce qu’elles devraient remarquer et ce à quoi elles devraient s’attendre.
     Je me dois de mentionner au comité que, selon mon expérience à titre de psychologue, il est plutôt mal vu d’être atteint du TSPT. Alors, parfois, les familles et les anciens combattants eux-mêmes ont tendance à minimiser les symptômes qu’ils observent. Il faut donc que nous normalisions la maladie et que nous signalions aux gens que la meilleure façon de venir en aide à un être cher qui présente ces symptômes est de les aider à prendre contact avec le service.
    Merci beaucoup de votre réponse.
     Nous allons maintenant passer au prochain intervenant.
     Monsieur Stoffer, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Westwood, je vous remercie beaucoup d’avoir accepté de comparaître aujourd’hui, et je vous suis reconnaissant du travail que vous accomplissez.
     Ma première question à votre intention est la suivante. Vous avez dit qu’il y avait 20 ans, le gouvernement fédéral vous avait aidé à financer un projet que vous aviez entrepris au sujet des anciens combattants — de la Seconde Guerre mondiale, j’imagine. Au cours des 5 ou 10 dernières années, est-ce que vous ou votre organisation avez présenté une demande officielle de financement auprès du gouvernement fédéral — de l’armée, de Santé Canada ou d’Anciens Combattants Canada — afin qu’il vous aide à mener à bien votre projet? Si oui, quelle a été la réponse? Sinon, pourquoi?
    Voilà une bonne question. Vous avez dit au cours des cinq dernières années…? Non, je n’ai pas essayé d’obtenir des fonds au cours des cinq dernières années. Après l’échec de ma demande préliminaire de financement auprès d’Anciens Combattants Canada, j’ai rencontré la Légion royale du Canada qui était très enthousiaste à l’idée d’appuyer mon projet. Ses membres nous ont fourni toutes les ressources dont nous avions besoin ici, à l’Université de la Colombie-Britannique. Je n’ai pas présenté de nouvelles demandes de financement depuis, parce que, franchement, j’avais l’impression d’avoir été vaincu.
    Répétez cela, s’il vous plaît: vous aviez l’impression de ne pas en avoir besoin…?
    J’avais l’impression d’avoir été vaincu.
     J’avais le sentiment d’avoir échoué. Compte tenu des suggestions que j’avais faites à ACC, il y a quelques années, et de leur réaction à ma demande, je n’avais pas l’impression de recevoir beaucoup de soutien ou de renforcement positif. J’utilisais une approche non conventionnelle qui ne cadrait pas avec le protocole qu’ACC employait à l’époque. Ils mettaient surtout l’accent sur les traitements individualisés, alors que je proposais un travail de groupe.
    Eh bien, monsieur Westwood, je recommanderais simplement que vous envisagiez de présenter une nouvelle demande au ministère d’Anciens Combattants pour voir quelle serait leur réaction en 2011. Je ne peux pas répondre pour le gouvernement ou le ministre mais, avec un peu de chance, vous pourriez recevoir une réponse différente, une réponse qui vous aiderait à accomplir votre travail.
     Dans nos documents, il est inscrit que, depuis 1997, environ 200 soldats et anciens combattants se sont adressés à vous pour obtenir de l’aide. Cependant, nous savons, à n’en pas douter, que des milliers d’autres personnes ont besoin d’aide et n’en reçoivent pas, pour diverses raisons. Donc, mon autre question est la suivante: venez-vous en aide aux anciens agents de la GRC?
(1605)
    Oui. Deux anciens membres de la GRC ont demandé à participer à notre programme. Les autres étaient des soldats mais, au cours des deux dernières années, nous avons aidé deux anciens agents de la GRC.
    Mis à part les anciens combattants et les agents de la GRC qui relèvent du gouvernement fédéral, aidez-vous qui que ce soit d’autre, comme des membres des corps de police municipaux, des pompiers ou tout autre travailleur de cette nature?
    Non, seulement les anciens combattants et les agents de la GRC.
    Dans le cadre de vos discussions avec les soldats, les anciens combattants et les agents de la GRC, invitez-vous certains membres de la famille à accompagner la personne ou demandez-vous à ce qu’ils soient invités?
    Oui. Nous offrons ce qu’on appelle un programme pour les conjoints. Nous invitons les conjoints à participer à un programme distinct qui a lieu en même temps que le nôtre. Notre programme est d’une durée de 10 jours répartis sur trois mois. Au cours d’une de ces journées, nous invitons les conjoints à nous accompagner, quel que soit le lieu de notre rencontre. Nous leur offrons alors un programme; nous leur fournissons des renseignements, un soutien et une orientation future continue, et nous les aiguillons vers des services spécialisés, au besoin.
    Monsieur, dans ma dernière question, je vous demande de comparer le nombre de membres de la force régulière que vous aidez au nombre de réservistes. Je me demande si vous pourriez décomposer ces chiffres pour nous. Dans le cadre du travail que vous avez accompli à cet égard au cours des 14 dernières années, avez-vous constaté que les réservistes avaient du mal à demander l’aide dont ils pourraient avoir besoin ou qu’il était difficile de les localiser afin qu’ils puissent la demander?
     En plus de cela, voici où je veux en venir avec ma question. Manifestement, lorsque ces soldats réintègrent la société civile, ils occupent d’autres emplois et ont l’impression d’être des citoyens productifs. Pour aider les employeurs à comprendre les situations qu’ils pourraient vivre, collaborez-vous de quelque façon que ce soit avec ceux qui embauchent ces soldats et ces anciens combattants afin de leur indiquer certains comportements à surveiller au cas où les symptômes de leurs employés réapparaîtraient dans leur nouveau milieu de travail?
    J'aimerais pouvoir répondre oui à cette question, mais la réponse est non. Je n'ai pas fait cela avec des employeurs.
    Mais je vais vous dire avec qui je l'ai fait. Mon équipe travaille en collaboration avec l'Institut de technologie de la Colombie-Britannique ici à Vancouver, parce qu'il offre un programme pour les anciens combattants qui arrivent. Nous travaillons avec les instructeurs, le personnel de l'école, les membres du corps professoral et tout le reste, pour les aider à être vigilants et à prévoir les besoins spéciaux de cette population.
    Mais je pense que votre suggestion, de le faire avec des employeurs, est excellente. Nous ne l'avons tout simplement pas fait. Nous nous sommes simplement concentrés sur le travail auprès des soldats eux-mêmes.
    Merci, monsieur.
    Merci.
     C’est à votre tour, monsieur Mayes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Westwood, d'être avec nous aujourd'hui.
    J'ai une question, mais je veux d'abord vous donner un peu de contexte. Il y a cinq ans, lorsque j'ai été élu pour la première fois, je travaillais pour le ministère des Anciens Combattants et, évidemment, le plan que nous avions était de cesser d'être simplement un régime de prestations pour devenir un régime de soutien de la vie ou un régime de soins par lequel nous suivons l'ancien combattant et nous nous assurons que tous ses besoins, durant toute sa vie après le service, sont comblés. C'est pourquoi la Charte des anciens combattants a été adoptée et ensuite, on a réalisé une étude plus poussée pour la mettre en oeuvre et améliorer ce système. La présente étude n'est qu'un prolongement de tout cela.
    Une des choses que nous avons entendues dans des témoignages antérieurs, c'est l'importance de la famille — et vous avez parlé des collègues — pour aider les anciens combattants qui souffrent de TSPT et ceux qui pourraient être suicidaires. Qu'en est-il de...? Vous avez insisté sur les collègues. Précédemment, beaucoup de témoins ont dit qu'il était important que la famille joue un rôle dans ce soutien, et j'irais même jusqu'à proposer la communauté, que ce soit la légion locale ou même les groupes ou les organismes religieux qui sont là pour soutenir ces anciens combattants. Je me demandais s'il y a de ces éléments dans votre programme de transition, pour obtenir du soutien pour les anciens combattants auprès desquels vous intervenez.
(1610)
    Jusqu'ici, nous nous sommes concentrés principalement sur le soutien qui vient des autres soldats qui ont participé au programme. Les groupes communautaires ont manifesté de l'intérêt; ils veulent appuyer cette initiative, mais c'est surtout une contribution financière. Je n'ai pas mis sur pied de programme d'approche dans la collectivité, sauf par l'intermédiaire de la sensibilisation communautaire. Je prends souvent la parole dans la collectivité ou je suis invité à parler de cette question, mais pas de manière formelle.
    Nous nous occupons de la transition du service actif au sein du ministère de la Défense nationale vers Anciens Combattants Canada pour déterminer comment les anciens combattants s'intègrent au ministère et dans tous les programmes différents dont il dispose pour appuyer les anciens combattants. Diriez-vous que vous vous concentrez davantage sur cette transition du service actif vers la vie civile et sur la façon dont les anciens combattants s'intègrent à la société?
    Oui, je pense que vous avez raison. Il y a des gens dans le programme de transition... cela comprend la réduction des symptômes, mais il faut une aide pendant la transition pour les remettre en contact avec leur famille et pour les amener vers le réemploi ou la recherche d'un nouvel emploi, et tout le reste.
    Mais nous nous occupons d'abord du traumatisme. Je dois le dire. Notre programme présente un spectre un peu plus large que le seul traitement des symptômes. Permettez-moi d'expliquer cela de cette manière. Lorsque les gens ont des blessures psychologiques liées à des traumatismes, ils ne peuvent rien faire tant que les blessures n'ont pas été guéries. Ils viennent nous voir et ont des symptômes comme des retours en arrière, des pensées obsessionnelles, des réactions dépressives, de l'inattention, etc. Leurs familles en ont assez et ils sont sur le point de perdre leur emploi, alors nous devons dire: « Très bien, commençons par réduire les symptômes ». Ils appellent cela laisser tomber leur bagage et cela signifie souvent raconter les histoires qu'ils ont vécues, ce qui leur est arrivé, ce dont ils ont été témoins, ce qu'ils ont vu et ce à quoi ils ont dû renoncer.
    Alors, ils éprouvent une diminution de l'intensité de leurs symptômes et ils peuvent se concentrer sur le fait de retrouver leur famille. L'ancien combattant peut dire: « Je veux avoir une vie. Je ne veux pas vivre tout seul dans une cabane dans l'arrière-pays avec un magasin de munitions. Je veux réintégrer la communauté ».
    C'est vraiment le message que je veux transmettre aux gens aujourd'hui: que la blessure psychologique découlant des traumatismes liés à la guerre peut être si grave qu'elle peut paralyser la capacité des gens de fonctionner. Ils ne peuvent rien faire, alors, il est utile d'offrir des cours ou de la formation tant qu'ils n'ont pas laissé tomber leur bagage et qu'ils ne se sont pas engagé dans la voie de la guérison du traumatisme. Ce n'est qu'après qu'ils peuvent aller de l'avant. Je sais que c'est une longue réponse à votre question, mais c'est exactement de cette façon que fonctionne le programme de transition au cours des trois mois qu'il dure.
    Nous avons entendu une observation de notre témoin des forces armées en Australie qui s'occupe du TSPT, et en particulier de la question du suicide chez les anciens combattants. Il a été affirmé qu'une grande partie du stress... ou que parmi ceux qui se sont suicidés, seulement le tiers avait pris part activement à des missions de combat, et qu'une bonne partie des problèmes liés aux tendances suicidaires était liée davantage à des choses comme la rupture d'un mariage, des problèmes financiers et des tragédies survenues dans leur vie. Le suicide n'était pas nécessairement lié à la participation à des missions de combat.
    M. Marvin Westwood: Non.
    M. Colin Mayes: Avez-vous constaté cela?
     Oui, absolument. La toxicomanie est un des symptômes des gens qui sont traumatisés. C'est un effet de cascade ou de dominos. Ils essaient de faire face en essayant l'automédication; c'est un élément. Mais si la dépression s'installe et qu'ils ne sont pas traités... Il est possible qu'ils n'aient pas participé à des combats; ils peuvent avoir été traumatisés par ce qu'on appelle le « traumatisme transmis par personne interposée », ou traumatisme secondaire, par ce dont ils ont été témoins. C'est un groupe tout entier que nous ne comprenons pas vraiment, mais si vous avez servi outre-mer... si vous êtes un soldat en Afghanistan, il est possible que vous ne soyez pas mêlé directement à un combat, face à face, mais vous pouvez également accumuler un certain degré de traumatisme simplement par l'exposition à ces choses que vous avez vécues.
    Lorsque ces gens reviennent au Canada, je pense que vous avez tout à fait raison de dire que nous prenons très au sérieux le fait qu'ils... nous examinons la dépression aiguë qui mène à l'isolement et qui mène à la capitulation. Les gens se suicident de différentes façons; c'est ce que mon expérience m'a permis de constater. Ils peuvent se suicider d'une manière agressive et active, mais certaines personnes deviennent tout simplement très malades. Je parle maintenant à titre de psychologue. Elles capitulent, elles attrapent des maladies et elles meurent — et elles ne meurent pas à cause de cela.
    Je pense que c'est assez compliqué, également. Lorsque vous parlez de suicide, je suis davantage préoccupé par tous les stress qu'ont nos soldats avant que nous ayons des idéations suicidaires. Je suis préoccupé par le danger de toxicomanie, de dépression aiguë, d'isolement, par le fait de devenir improductif et de perdre tout le soutien autour de soi.
(1615)
    Y aurait-il une possibilité...
    Excusez-moi, monsieur Mayes. Votre temps est écoulé
    Très bien. Merci.
    Merci beaucoup.
    Vous devriez avoir un peu de temps plus tard.
    Madame Coady, allez-y.
    Mes collègues vous ont posé de bonnes questions. Une des choses que j'ai trouvé intéressante, dont l'intervenant précédent a parlé, c'est la question des soins à vie pour les anciens combattants et le fait que c'est ce que nous essayons de faire. Nous essayons d'en arriver là.
    Monsieur Westwood, il s'agit d'un sujet très intéressant cet après-midi. Vous apportez cette idée de soins à vie et le fait que nous devons faire un certain travail de guérison des traumatismes. J'aimerais vous parler d'un cas de St. John's, Terre-Neuve, dont j'ai eu à m'occuper. La personne en question s'appelait Joe Hawco. Il était gardien de la paix et, pendant son affectation, un certain nombre de gardiens de la paix sont morts dans ses bras. Il a participé à un combat et, malheureusement, il y a eu perte de vie.
    L'homme a continué sa vie. Il a eu certaines difficultés, mais il est parvenu à franchir les étapes de la vie. Lorsqu'il est arrivé vers l'âge de 70 ans, la famille a commencé à constater un changement. On a constaté qu'il avait plus d'épisodes de démence, si je peux dire, et on a fini par croire qu'il s'agissait de la maladie d'Alzheimer. Alors, comme les anciens combattants des temps modernes n'ont pas accès à des pavillons, il s'est retrouvé dans un hôpital psychiatrique à St. John's. On ne pouvait le garder dans un service pour personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer parce qu'il a régressé jusqu'à l'époque où il servait comme gardien de la paix et il pouvait crocheter les serrures du service en question.
    J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, pourriez-vous nous parler de ce traumatisme? Lorsque vous avez fait le suivi du succès sur une période de 14 ans, est-ce que vous avez constaté que ceux qui avancent en âge n'ont pas autant de défis? Est-ce que cela aurait un effet sur l'apparition tardive possible de la démence? Deuxièmement, pourriez-vous nous dire si vous voyez une relation?
    La deuxième question concerne les pavillons pour anciens combattants. À l'heure actuelle, nous hébergeons les anciens combattants de la période moderne qui vieillissent maintenant. Comme je l'ai dit, M. Hawco était septuagénaire lorsqu'il est décédé. En fait, il est décédé dans un hôpital psychiatrique. Je me demande si vous ne pourriez pas nous dire où, à votre avis, on trouve les meilleurs soins. Pensez-vous qu'il y a un autre mécanisme ou moyen pour traiter les gens au cours des étapes plus tardives de la vie qui n'ont pas accès à des pavillons pour anciens combattants? Je suis préoccupée par cette question, parce que ces gens régressent jusqu'à l'époque où ils étaient des soldats.
    Voilà les deux questions, si vous pouviez y répondre, s'il vous plaît.
    Très bien. Vous avez dit quelque chose que nous avons observé, à savoir que si vous ne faites pas traiter vos traumatismes lorsque vous êtes plus jeunes, vous aurez des symptômes plus tard au cours de votre vie, et ils augmentent à la fin de votre vie. Ces gens en sont troublés. Ils commencent à avoir des flash-backs. Comme vous l'avez dit, on peut les confondre à la démence, et tout le reste. Je pense que c'est l'indication de traumatismes non traités. C'est pourquoi nous voulons — sur les conseils des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale — leur donner la chance de laisser tomber leur bagage lorsqu'ils sont plus jeunes.
    Alors, comment vois-je l'avenir à cet égard? Je dirais que l'un des meilleurs traitements pour les anciens combattants plus âgés, c'est d'être accompagnés d'autres anciens combattants qui ont eu une certaine formation paraprofessionnelle. Où les anciens combats se sentent-ils le plus chez eux? Ils se sentent le plus chez eux parmi les gens avec qui ils ont servi. Pour l'avenir, ce que j'aimerais voir, c'est les organismes gouvernementaux travaillant avec les organismes communautaires ou les programmes publics comme le nôtre dans la collectivité pour appuyer ces gens. Ce n'est pas un traitement qui ne se produit qu'une seule fois.
    Votre suggestion m'incite à revenir à cette question comme un élément sur lequel nous pourrions envisager de nous concentrer ici: comment assurer le soutien des anciens combattants plus âgés qui ont subi des traumatismes? Ma réponse: gardez-les en contact avec d'autres soldats. C'est ce qu'ils aiment. Qu'il s'agisse de pavillons, ou si ACC fait cela, ou si les collèges et les universités s'occupent de la création de ces groupes, je pense que c'est une des meilleures solutions que nous ayons. Parce que c'est là qu'ils se sentent chez eux.
(1620)
    Eh bien, merci de cette réponse, parce que je pense que vous avez absolument raison. Qu'est-il arrivé à ce soldat particulier... Comme je l'ai dit, c'était très traumatisant pour lui et très traumatisant pour sa famille. Il était placé dans un endroit où il ne pouvait pas établir de rapports avec les gens autour de lui. Lorsque des soldats lui rendaient visite, il pouvait très nettement établir des rapports avec eux.
    Alors, je dirais que même ceux qui ont franchi le cap des 65 ans, disons, ont besoin que l'on s'occupe de leurs traumatismes.
    Absolument.
    Maintenant, concernant une des choses dont vous avez parlé, est-il possible d'étendre un programme comme le vôtre à l'ensemble du pays?
    Permettez-moi de dire simplement que nous avons fait très attention en élaborant notre programme, en l'étudiant et en l'évaluant au cours des 10 dernières années et que nous sommes maintenant dans une situation où nous avons reçu de l'argent pour accroître la capacité en formant plus de gens pour administrer ce programme. Ma réponse, c'est que, oui, cela pourrait se faire, mais il faut que ce soit le genre de programme où les gens devront recevoir une formation. Je pense que, personnellement, je ressentirais une certaine responsabilité pour former ces gens, les superviser et faire très attention pour m'assurer que ce sont les bonnes personnes.
    Ensuite, ils pourraient se rendre en Nouvelle-Écosse en équipes — nous avons reçu des demandes de la Nouvelle-Écosse et de l'Ontario — et ils seraient financés pour y aller parce que cela nécessite un degré élevé d'expertise. Ce programme ne pourra jamais être « manuelisé ». Certains programmes et certains traitements peuvent l'être: il y a un manuel que vous pouvez donner à des travailleurs dans une autre ville pour qu'ils le mettent en pratique. Ce programme nécessite beaucoup de sensibilité à l'égard des symptômes existants des traumatismes. Nous sommes formés à cet égard et je forme mes gens pour qu'ils aient cette sensibilité.
    Alors, la réponse est oui. Nous pourrions envoyer des équipes dans les diverses régions du Canada et ensuite, rencontrer les gens sur place pour nous joindre à eux à ce moment-là, et ils continueraient à offrir le soutien après la prestation du programme. Il s'agirait là d'un de mes objectifs. J'aimerais que cela se produise, alors, j'aime vraiment votre suggestion.
    Une des choses que je voulais dire, c'est que je pense que les gens étaient critiques à l'égard de notre programme au début, et je pense...[Note de la rédaction: difficultés techniques]...des gens disaient: « C'est merveilleux. Ça fait trois mois, et je me porte bien maintenant. » Ensuite, ils disparaissaient. Non, nous ne faisons plus cela. Ils doivent être suivis. Je pense que nous pouvons le faire, mais nous devons être responsables de la formation des travailleurs dans cette profession. Diriger des groupes d'hommes et de femmes traumatisés — et dans notre cas, il s'agit surtout d'hommes — est un travail très compliqué. Vous devez avoir beaucoup de compétences et je me sentirais beaucoup plus confiant si je savais qu'ils sont bien supervisés.
    Merci.
    Monsieur Storseth, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Westwood, de votre exposé, et merci de votre dévouement à l'égard des hommes et des femmes des Forces canadiennes, nos anciens combattants, et nos agents de police, que vous aidez.
    Vous avez parlé de beaucoup de choses qui, je pense, sont excellentes. Un point sur lequel j'aimerais revenir, c'est la culture de nos militaires. Avez-vous constaté un changement? De toute évidence, Anciens Combattants Canada et le MDN ont essayé de changer pour faire face un peu à cette question de la culture et faire de la sensibilisation à la maladie mentale quelque chose qui vient plus spontanément à l'esprit et qui est plus accessible. Avez-vous constaté un changement dans la culture?
    J'ai constaté que des gens du ministère des Anciens Combattants et des Forces canadiennes ainsi que d'autres personnes ont essayé de changer la culture et qu'ils ont parlé des questions qui nous occupent. Cependant, les militaires refusent de nous écouter à leur retour au pays, car ils sont dans le déni. C'est une des particularités du traumatisme: le militaire croit qu'il n'est pas affecté, qu'il n'a pas besoin d'aide ou qu'il faut se pencher sur le cas d'un autre.
    Mais voici ce dont je me suis aperçu. Vous connaissez peut-être Stéphane Grenier, que j'ai rencontré à deux ou trois reprises. M. Grenier est un ancien militaire et je crois qu'il travaille à Anciens Combattants Canada. Il connaît un certain succès et il sensibilise les jeunes militaires à la possibilité de subir un traumatisme lié au stress, en raison de leur travail et d'un déploiement à l'étranger. Nous informons les jeunes militaires, mais ils n'y prêtent pas attention, car ils sont convaincus qu'ils vont bien. Ces militaires croient qu'ils sont forts et invincibles et qu'ils n'ont pas besoin d'aide. Ils résistent sur le plan psychologique.
    Les gens que les militaires vont écouter, ce sont d'autres militaires qui reviennent au pays et qui passent un certain temps avec eux. J'appelle parfois ces gens les militaires alpha; ils ont suivi notre programme et ils sont très respectés dans la communauté, car ils ont combattu avec honneur dans un échange de feu en Bosnie ou ils ont adopté un comportement héroïque en Afghanistan. Ces gens ont un statut très élevé dans les régiments. Cela dit, certains d'entre eux font partie de notre programme et je constate que les militaires vont les écouter. Les choses changent un peu, mais pas autant que je le souhaite.
(1625)
    Je représente une circonscription rurale où se trouvent des bases militaires. Dans ma région, on est entre autres préoccupé par l'accès au traitement. Les rendez-vous durent parfois 15 ou 20 minutes, mais il faut conduire trois heures pour s'y rendre. Cela vous préoccupe-t-il aussi?
    Tout à fait, et je n'offrirais jamais ce genre de service, car je répète que nous offrons un traitement de 10 jours ou un traitement en établissement. On ne peut pas changer grand-chose au cours d'une séance si brève. Les gens ont besoin de soutien et une des meilleures façons de leur offrir ce soutien, c'est d'organiser des groupes. C'est ainsi que les militaires peuvent le mieux obtenir du soutien de leurs pairs. Les militaires respectent leurs collègues, auxquels une certaine formation a été donnée et qui bénéficient de toute leur confiance. Ils demandent plus souvent l'aide de leurs collègues que la nôtre. Je crois que nous pourrions mettre sur pied des groupes permanents pour aider les militaires.
    Au début de la séance d'aujourd'hui, quelqu'un a dit que ces groupes ressemblaient aux Alcooliques Anonymes, très bien connus dans notre société pour aider les gens aux prises avec une dépendance à l'alcool. Les AA sont très bien établis. Cependant, je ne propose pas un tel groupe, mais un modèle qui se fonde sur la meilleure expertise qu'on retrouve au ministère des Anciens Combattants, dans les universités et dans les cliniques, où des militaires ont été formés pour offrir une aide en dehors des rangs.
    Si nous ne traitons pas les gens, ils ne profiteront pas des services auxquels ils ont droit et c'est clair qu'ils ne demanderont pas d'aide au ministère des Anciens Combattants, en cas de malaise.
    Merci.
    J'ai seulement une autre question brève à vous poser. Nous avons effectué beaucoup de changements dans les programmes. Le gouvernement essaie de régler certains des problèmes en question. À votre avis, les militaires sont-ils bien au courant des changements apportés aux programmes ou des nouveaux programmes qui leur sont offerts?
    Malheureusement, je dois dire que les militaires ne connaissent pas très bien les programmes, parce que bon nombre d'entre eux disent qu'ils n'ont pas vécu une expérience positive avec le ministère des Anciens Combattants. Même si les gens sont au courant, je pense qu'ils sont un peu méfiants. Néanmoins, les efforts que les travailleurs du SSBSO — des conseillers bénévoles qui ont servi dans l'armée — consacrent pour sensibiliser les militaires donnent de bons résultats. Je constate que certains militaires que nous aidons feront confiance à un conseiller du SSBSO s'ils savent qu'il a travaillé dans les forces; c'est un progrès.
    Merci.
    Monsieur Westwood, merci beaucoup de vos excellentes réponses, très sincères, à nos nombreuses questions. Je ne peux que vous souhaiter beaucoup de succès dans votre programme.
    Je ne suis pas un ancien combattant, mais je fais partie de la Légion et je suis heureux de savoir qu'elle commandite le programme.
    Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.
    Nous allons simplement prendre une courte pause.

(1630)
    Nous commençons la deuxième partie de la séance et nous accueillons le prochain témoin: le Dr Alain Beaudet, président, Instituts de recherche en santé du Canada.
    Bienvenue, monsieur.
    Tout d'abord, je remercie le Comité permanent des anciens combattants de me recevoir pour discuter du stress lié au combat et de ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et de leurs familles.
    Comme pour toute question de santé, la recherche est essentielle pour que les anciens combattants du Canada soient en bonne santé et qu'ils profitent de soins de qualité. Dans le préambule de la loi de 2000 portant création des IRSC, le Parlement reconnaît qu'investir dans la santé et le système de santé fait partie de la vision que le Canada a d'une société humanitaire.
    De plus, la loi précise que les IRSC ont pour mission d'exceller, selon les normes internationales reconnues de l'excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d'améliorer la santé de la population canadienne, d'offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada.
    Depuis que j'ai accédé à la présidence des IRSC en 2008, je crois qu'une telle vision ne veut pas dire grand-chose si elle n'inclut pas une responsabilité à l'égard de la santé des employés fédéraux qui risquent leur vie pour défendre le pays et répondre aux objectifs de sécurité nationale.

[Français]

    Alléger les fardeaux des maladies mentales fait partie des cinq priorités de recherche du dernier plan stratégique quinquennal des IRSC. Pour respecter cette priorité, les IRSC s'appuient sur l'un de leurs 13 instituts, l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies. Cet institut a pour mission de développer et de soutenir la recherche visant à améliorer la santé mentale par le développement de nouvelles stratégies de prévention, de dépistage, de diagnostic, de traitement et de prestation de services. On oublie trop souvent qu'il s'agit d'un secteur de recherche où excelle le Canada. Il figure en effet dans le peloton de tête des pays de l'OCDE au chapitre de la quantité, de la qualité et de l'impact de ses publications scientifiques dans ce domaine de recherche.

[Traduction]

    Les investissements des IRSC dans la recherche sur la santé mentale ont dépassé 234,4 millions de dollars depuis 2006 et ils représentent 65,2 millions pour 2009-2010 seulement. Concernant le trouble de stress post-traumatique, les IRSC ont investi 7,6 millions de dollars dans la recherche depuis 2006, dont 1,7 million en 2009-2010. Cependant, ces chiffres sont trompeurs, puisque les traumatismes liés au stress peuvent comprendre les TSPT et toutes sortes d'autres troubles, qui vont de la dépression au déséquilibre hormonal, qui font également l'objet de recherches financées par les IRSC.
    Par exemple, nous avons employé de nouvelles techniques d'imagerie cérébrale pour examiner les effets que le trouble de stress post-traumatique entraîne sur le cerveau. La neuroendocrinologie, qui étudie les relations entre le cerveau et le système endocrinien, a montré que les patients souffrant de TSPT affichaient des niveaux beaucoup plus faibles de cortisol, l'hormone du stress. Enfin, la génétique et l'épigénétique seront sans doute essentielles pour nous aider à mieux comprendre les facteurs qui expliquent la prédisposition de certaines personnes à vivre un stress post-traumatique.
    J'aimerais maintenant parler des efforts que nous consacrons pour faire avancer la recherche sur les questions qui concernent les anciens combattants et leurs familles et les traumatismes liés au stress. Vous pourrez constater que, même si je ne suis pas un spécialiste de la question, c'est avec plaisir que je parle des efforts déployés aux IRSC pour faire progresser la recherche.
(1635)

[Français]

    Comme vous avez pu l'entendre dans les précédents témoignages, plusieurs ministères ont pour mandat de promouvoir la recherche sur la santé des militaires et des anciens combattants, et ces ministères ont établi des partenariats ponctuels avec les IRSC dans ce domaine. En particulier, le ministère des Anciens Combattants et celui de la Défense nationale ont participé avec nous au financement de diverses initiatives de recherche. Il faut à mon sens miser sur ces premiers succès pour élargir et renforcer notre cadre d'action, en accroître la cohérence et en maximiser les impacts.
    Dans ce contexte, les IRSC ont entamé les discussions avec le bureau du médecin-chef du ministère de la Défense nationale, pour définir des secteurs de collaboration possible dans le cadre de leur initiative de recherche sur la santé des militaires et des anciens combattants.
    Plus récemment, je me suis entretenu avec la sous-ministre déléguée d'Anciens Combattants Canada, et nous avons convenu de réunir nos états-majors dans les meilleurs délais afin d'établir des priorités de recherche conjointes sur la santé des militaires et des anciens combattants, et de définir un plan de collaboration à long terme.
    Même s'il existe un important corpus de recherche américaine sur le stress au combat et ses effets, la culture et le milieu militaires au Canada sont différents, tout comme les types d'opérations auxquelles participent les troupes canadiennes. Il est donc important que nous élaborions une programmation de recherche qui nous soit propre et qui soit applicable directement au contexte canadien.

[Traduction]

    Il convient de mentionner que le forum de recherche sur la santé des militaires et des anciens combattants du Canada, tenu à Kingston en novembre 2010, a donné lieu à la création du réseau de recherche sur la santé des militaires et des vétérans du Canada, consacré à l'amélioration des connaissances sur la santé et le bien-être des militaires, des anciens combattants et de leurs familles.
    De manière conjointe, les IRSC et le réseau ont lancé, à l'automne 2010, un appel de demandes de subventions de synthèse des connaissances pour faire le point sur l'état de la recherche et cerner les lacunes.
    Par cet appel de demandes, nous reconnaissons que les militaires et les anciens combattants vivent des expériences uniques qui peuvent nuire à leurs conditions physique, mentale et sociale d'une manière que le reste de la population ne connaît pas. De plus, nous reconnaissons que les besoins en recherche sur la santé et le bien-être des militaires, des anciens combattants et de leurs familles sont maintenant plus grands. Nous devrions annoncer les résultats de l'appel plus tard ce mois-ci et les données nous serviront ensuite à déterminer les priorités de recherche.

[Français]

    L'un des plus éminents chercheurs canadiens dans le domaine de la santé des anciens combattants est le Dr Jitender Sareen, chercheur financé par les IRSC, qui a témoigné devant vous en novembre.
    Le Dr Sareen dirige une équipe financée par les IRSC consacrée à l'étude des traumatismes et du trouble de stress post-traumatique chez les soldats affectés à des opérations de maintien de la paix. Il s'est aussi penché sur le recours par les soldats aux soins offerts en santé mentale et sur les obstacles qu'ils doivent surmonter pour obtenir ces soins, dont la peur de la stigmatisation dans leur milieu de travail. Les conclusions de sa recherche ont permis d'aider les Forces canadiennes à mettre sur pied des programmes pour ceux et celles qui ont besoin de traitements et aussi d'élaborer des stratégies visant à améliorer la santé mentale du personnel militaire.

[Traduction]

    À l'Université du Manitoba, le Dr Darren Campbell emploie l'imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle associée à la psychothérapie pour examiner les réactions émotionnelles des militaires aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique.
    Également, le Dr Alain Brunet, de l'Université McGill, dirige une équipe de recherche établie à Montréal qui étudie les troubles de santé mentale, dont le TSPT et des problèmes semblables causés par des événements traumatiques dans des milieux de travail à risque élevé. Il reçoit aussi des fonds pour examiner les traitements offerts aux anciens combattants qui vivent un traumatisme lié au stress.
    Le Dr Gordon Asmundson, de l'Université de Regina, a mené une équipe multidisciplinaire de chercheurs de Regina et de l'Université de la Colombie-Britannique, qui ont examiné si la thérapie d'exposition — qui consiste à présenter de manière prolongée des images répétées de traumatismes aux patients jusqu'à ce que ces images ne leur causent plus d'anxiété — est plus efficace que d'autres méthodes pour traiter le trouble en question. Le Dr Asmundson et son équipe ont également examiné la prestation du traitement par Internet.
    En 2009-2010, le Dr David Pedlar, directeur de la recherche à Anciens Combattants Canada et professeur à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, et son équipe de spécialistes ont reçu des fonds des IRSC pour étudier la réinsertion dans le milieu de travail dans anciens combattants aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Les spécialistes financés par les ISRC effectuent aussi des recherches importantes sur l'activité neuronale des patients qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique très évident. Par exemple, la Dre Ruth Lanius, directrice de la recherche sur le trouble de stress post-traumatique à l'Université de Western Ontario, a concentré ses recherches sur la neurobiologie et les TSPT, de même que sur les résultats de traitements liés à diverses méthodes pharmacologiques et psychothérapeutiques, employées sur des patients aux prises avec un TSPT ou souffrant d'une dépression majeure à la suite d'un accident ayant mis en cause un véhicule.
    Je pourrais donner d'autres exemples de recherches que les IRSC ont financées depuis les débuts pour montrer que nous accordons des fonds aux chercheurs qui s'intéressent en particulier aux questions concernant les anciens combattants. Toutefois, j'aimerais terminer en disant qu'il faut effectuer davantage de recherches.
    Le Canada est sur le point de terminer l'une de ses missions militaires les plus longues et les plus intenses des dernières années. Les soins qu'il faut apporter aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui ont servi le pays en Afghanistan font qu'il est encore plus pressant de bien comprendre les exigences physiques et mentales que comportent les opérations militaires. Nous devons mieux comprendre, grâce à la recherche, les besoins en santé mentale des anciens combattants pour être en mesure de joindre ceux qui ont besoin d'aide et leur offrir les traitements requis.
    Il faut admettre que, même si la recherche sur la santé des anciens combattants prend de l'ampleur au Canada, elle doit dépasser le stade primaire. Il faut se fonder sur le vieux dicton militaire, selon lequel personne n'est laissé derrière, pour comprendre les besoins et être prêt à aider les anciens combattants qui souffrent de problèmes de santé mentale après leur service militaire.
    Votre étude nous aidera à cerner les lacunes et à établir des orientations pour la recherche sur la santé. Je vous remercie de votre travail. Je répondrai aux questions avec plaisir.
(1640)
    Merci, monsieur.
    Nous allons commencer par M. Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux ou trois questions à poser au témoin et je le remercie de ses commentaires. Il est encourageant de constater l'ampleur de la recherche.
    Selon vous, la recherche peut-elle nous aider à élaborer des programmes qui permettent de mieux évaluer l'importance des problèmes, lorsque le militaire quitte les Forces canadiennes? L'évaluation de la santé d'un militaire qui quitte l'armée est-elle pertinente ou savez-vous comment l'effectuer?
    Ce genre de recherche est pertinente. Je ne crois pas toutefois que des travaux de recherche soient effectués sur la transition et les difficultés qu'elle entraîne, ou du moins, je ne suis au courant d'aucune recherche en ce sens. Cela dit, nous avons discuté avec le sous-ministre adjoint d'Anciens Combattants Canada d'une collaboration possible pour augmenter le soutien à la recherche.
    Je pense, entre autres, aux nombreux militaires qui, chaque année, prennent leur retraite. Les militaires dont nous entendons parler sont ceux qui nous expliquent leurs problèmes.
    D'autres gens, même au ministère des Anciens Combattants, nous ont dit que nous n'avions pas un bon système de suivi ou de comptabilisation. Pouvez-vous commenter la question, en particulier concernant ceux dont nous n'entendons pas parler, et nous donner une idée du nombre de personnes que cela représente?
    Pour être franc, je pourrai certainement vous fournir de l'information, mais je ne peux pas commenter la question, parce que c'est toujours difficile d'obtenir des données sur ceux qui ne demandent pas de traitement.
    Néanmoins, nous savons qu'il y a beaucoup plus de troubles de santé mentale chez les militaires que dans la population en général. Par exemple, le taux de dépression des militaires est environ deux fois plus élevé que celui de la population civile. Cela dit, il s'agit bien sûr des cas déclarés.
(1645)
    J'imagine justement que c'est la question; comment pouvons-nous savoir quels militaires souffrent d'une forme de dépression ou d'une autre maladie mentale si nous n'effectuons pas un genre d'évaluation à leur départ? Qu'en pensez-vous?
    Nous ne procédons pas à une telle évaluation. Nous sommes seulement conscients des besoins de ceux qui nous demandent de l'aide.
    Concernant la préparation avant le déploiement, les différentes zones de guerre et les régions qui connaissent des désordres civils présentent toutes sortes d'horreurs. Selon vous, pourrions-nous faire quelque chose pour aider les militaires à se préparer à de tels conflits?
    Je le répète, c'est une question difficile qui dépasse le cadre de mes compétences.
    Ce qui est clair, toutefois, c'est que certaines personnes sont plus susceptibles que d'autres de souffrir du trouble de stress post-traumatique. Cette susceptibilité est d'ailleurs d'ordre biologique. Autrement dit, nous savons qu'environ 20 à 25 p. 100 des gens exposés au stress du combat développeront des troubles de stress post-traumatique, sous une forme ou une autre. Comme vous le savez, chez certains, les troubles seront passagers, mais chez d'autres, ils pourront durer très longtemps.
    Il est évident que certains individus sont plus enclins à développer ces troubles. Personnellement, je suis d'avis — et je le répète, je ne suis pas expert en la matière — que les études en épigénétique et en génétique nous aideront à dépister ce type de trouble et à identifier les personnes portées à le développer. Comme vous le savez, il s'agit d'un trouble biologique. C'est vraiment un problème d'origine biologique. Lorsqu'il y a un déséquilibre dans le lien qui unit le cerveau au système hormonal, on n'arrive plus à éliminer la peur.
    La première chose importante à faire est d'expliquer aux personnes atteintes qu'il s'agit d'un phénomène biologique, probablement un phénomène de protection, et qu'elles ne doivent pas avoir honte de ce qui leur arrive. Il faut être à leur écoute et leur expliquer qu'il s'agit, en réalité, d'un mécanisme biologique. Cela tient à un déséquilibre entre le système hormonal et le système neurotransmetteur dans le cerveau.
    Nous devons mieux comprendre le type de déséquilibre auquel nous avons affaire et pourquoi, chez certains individus, les mécanismes qui, normalement, font disparaître la peur au bout d'un certain temps — ce qui est un phénomène purement biologique —, ne fonctionnent pas. Nous espérons pouvoir un jour faire du dépistage et trouver un mécanisme pour protéger les personnes visées contre ce risque, ou tout simplement ne pas les envoyer au combat.
    Enfin, à la lumière de ce que vous venez de dire, croyez-vous qu'il soit possible de mettre au point une évaluation psychologique que l'on ferait subir aux personnes quittant les forces pour déterminer si elles sont atteintes de ce trouble?
    Très franchement, je crois que ça finira par prendre la forme d'un test psychologique; ce sera un test biologique. Je pense que nous aurons des biomarqueurs génétiques, épigénétiques ou hormonaux. Selon moi, nous devons mettre au point de véritables marqueurs biologiques.
    Lorsque les gens verront que ces marqueurs biologiques existent, ils ne se sentiront plus stigmatisés en pensant qu'ils ont fait quelque chose de mal ou qu'ils ne sont pas à la hauteur, ce qui est un véritable problème.
    Monsieur Vincent, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Beaudet, ça va bien?
    Très bien.
    Au début de votre intervention, vous avez parlé de l'évolution génétique et vous avez ensuite parlé de l'évolution biologique.
    Selon vous, quelle est la différence entre l'évolution génétique et l'évolution biologique?
(1650)
    Il n'y a pas de différence. La génétique, c'est la base de la biologie, c'est assurément ancré dans la biologie. Je ne vois pas de différence. Pour ce qui est de ce syndrome, on parle véritablement d'une interface — qui est probablement génétique et épigénétique — de prédispositions à une réaction anormale au stress et, notamment — c'est ce que j'expliquais —, à la capacité d'éteindre les mécanismes de peur et de stress.
    Normalement, quand un individu est soumis à la peur ou à un stress intense, il y a des mécanismes biologiques qui s'enclenchent. C'est protecteur, cette peur. Elle vous permet de fuir ou de vous battre: c'est le principe du fight-or-flight. C'est entièrement biologique, mais ce qu'il faut normalement une fois le danger passé, c'est être capable d'éteindre ce phénomène. Il y a des mécanismes biologiques qui éteignent cela.
     Or, comme vous le savez, dans le cas du syndrome post-traumatique, les phénomènes d'extinction de la peur sont dysfonctionnels. Ils le sont probablement parce qu'il y a chez les individus des prédispositions génétiques de réaction à des phénomènes externes ou environnementaux qui sont telles que l'individu n'est pas capable d'éteindre ces phénomènes de peur. Donc, tout se rejoue constamment en circuit fermé dans leur cerveau, avec une réponse au stress totalement inadaptée dans la vie courante parce qu'un système hypothalamo-hypophysaire fonctionne très mal.
    Dans vos études...
    Ce ne sont pas mes études. Ce sont des études qu'on soutient, qu'on finance, et on veut en financer davantage, car c'est extrêmement important de comprendre.
    Dans le cadre de ces études que vous financez pour essayer de comprendre le stress post-traumatique, génétique ou biologique, quel lien faites-vous entre le stress post-traumatique et le suicide? Une étude nous dit-elle à quelle étape du stress post-traumatique peut survenir le suicide?
    Alors là, ça devient extrêmement difficile à déterminer. Encore une fois, je souligne que je ne suis pas un expert et je pense que vous avez interrogé des experts à ce sujet. Je vous parle donc à titre personnel.
    Il est clair que les phénomènes de stress post-traumatique sont liés aux phénomènes de dépression et, comme vous le savez, il y a une relation entre le suicide et la dépression.
    Cela dit, il est clair que les liens exacts entre le stress post-traumatique, la dépression et le suicide ne sont pas clairs du tout. Il y a beaucoup d'individus qui peuvent souffrir d'un syndrome de stress post-traumatique aigu et ils ne vont pas nécessairement se suicider.
    D'accord. Vous avez aussi dit qu'il y avait une différence entre les membres des Forces canadiennes et ceux des forces armées américaines. Voulez-vous m'expliquer cette différence? Lorsque deux militaires, un Canadien et un Américain, se retrouvent sur le même théâtre d'opérations, quelle différence peut-il y avoir entre les deux?
    D'abord, dans l'ensemble, les Forces canadiennes sont davantage engagées dans des missions de maintien de la paix, beaucoup plus que les forces armées américaines. C'est un des aspects. Par ailleurs, il n'y a aucun doute que l'environnement n'est pas le même au sein des Forces canadiennes qu'au sein des forces armées américaines.
    Pour reprendre le sujet de tout à l'heure, je dirais qu'on sait aussi que les taux de suicide sont beaucoup plus élevés dans l'armée américaine qu'ils ne le sont dans l'armée canadienne.
    C'est parce qu'un plus grand nombre de personnes servent dans l'armée américaine.
    Non, je parle des taux.
    M. Robert Vincent: Ah! des taux.
    Dr Alain Beaudet: Absolument.
    Vous dites qu'il y a plus de stress post-traumatique chez les gens qui sont envoyés dans un théâtre d'opérations que chez ceux qui participent à des programmes de maintien de la paix, comme les gens de l'armée canadienne. Cependant, on a reçu de nombreux témoins qui ont participé à ces programmes et je peux vous dire qu'il y en a beaucoup qui ont subi un stress post-traumatique. Ils n'avaient pas le droit de se servir de leurs armes et ils ont vu des choses qu'ils n'auraient pas dû voir.
    Je n'ai pas dit qu'il y en avait plus ou moins. J'ai dit que c'était différent.
    Cela ne change pas le diagnostic. Qu'on soit dans un théâtre d'opérations ou en mission de paix, le diagnostic de stress post-traumatique est le même. Les phénomènes sont les mêmes. Alors, que l'on soit dans telle situation ou dans telle autre, si une personne subit un stress post-traumatique, elle le subit, je suppose.
    Oui, c'est exact.
    À la suite de toutes ces études, quelles recommandations faites-vous au comité afin que les membres des Forces canadiennes puissent obtenir une certaine formation, ou des moyens, en vue de diminuer ou d'amoindrir le stress post-traumatique, de le contrôler ou de mieux le gérer?
(1655)
    Ma recommandation ne vous surprendra pas. À mon sens, il faut augmenter la recherche. On a une chance au Canada. On a une force, une capacité de recherche extrêmement importante, dans le domaine des neurosciences de la santé mentale, par rapport à notre population. Comme je l'ai dit, la qualité de la recherche en ce domaine, au Canada, est remarquable. Ce qui me semble un peu dommage, c'est qu'il n'y ait pas suffisamment de recherche portant sur ce domaine en particulier.
    Si beaucoup d'études sont faites, comment se fait-il que les gens de la Défense nationale nous aient dit que l'on offrait une formation d'à peine une demi-journée avant que les soldats soient envoyés dans un théâtre d'opérations? S'il y a tant d'études, comment se fait-il qu'il n'y ait pas de formation adéquate?
    Je ne vous parle pas de formation des militaires, ce n'est vraiment pas mon rayon ni ma compétence. Ce que je vous dis, c'est qu'en tant que dirigeant d'un organisme de recherche, je dois travailler de plus près avec le ministère des Anciens Combattants et avec le ministère de la Défense nationale pour déterminer des objectifs stratégiques de recherche plus précis et pour investir davantage et de façon plus pointue dans ces domaines. Nous participons maintenant à des combats de type nouveau et nous avons de jeunes vétérans qu'on n'avait pas dans le passé. Je pense que nous n'avons pas été suffisamment mis au fait de l'importance du développement de cette maladie et du nombre de jeunes Canadiens qui en souffrent. Selon moi, il faut augmenter la recherche dans ce domaine pour comprendre les bases biologiques de la maladie et développer des traitements et, par la suite, bien sûr, s'assurer que les militaires sont vus par des médecins et traités.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur, je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui.
    Disposez-vous également de fonds pour faire de la recherche au sujet des membres de la GRC à la retraite?
    Les fonds destinés à la recherche vont aux chercheurs, qui choisissent eux-mêmes les sujets et le type de recherche qu'ils vont entreprendre. Nous n'avons rien fait avec la GRC, mais je trouve que c'est une excellente suggestion.
    Jusqu'à présent, nous n'avons pas fait grand-chose avec la Défense nationale, mais ça commence à changer. Nous avons lancé quelques initiatives avec le ministère des Anciens Combattants pour tenter d'appuyer conjointement les équipes de recherche qui travailleront sur des sujets présentant un intérêt immédiat pour les membres des forces armées ou les anciens combattants. Évidemment, tout dépendra de l'excellence des propositions.
    Dans un témoignage précédent, nous avons entendu que les troubles de stress post-traumatique pouvaient être transmis, par inadvertance, aux membres de la famille, c'est-à-dire au conjoint ou aux enfants. Avec les fonds de recherche qu'ils reçoivent, est-ce que ces chercheurs travaillent auprès des membres des familles pour déceler en eux des troubles? Savez-vous si cela se fait?
    Non, mais je peux chercher l'information et vous l'envoyer. Je ne voudrais pas me risquer à dire n'importe quoi. Il est possible que certains le fassent. Mais pour le savoir, il faudrait que j'examine les projets de recherche plus en détail.
    Oui, parce que l'une de nos craintes était que...
    J'ai entendu la même chose, et je sais qu'il existe des rapports de recherche, par exemple, sur l'incidence accrue de la dépression au sein des familles de militaires.
    L'une des inquiétudes exprimée très souvent, à l'égard du trouble de stress post-traumatique ou des blessures de stress opérationnel, concerne les efforts que doivent déployer ceux qui en souffrent pour obtenir de l'aide. Ces personnes devront s'adresser à un ministère, fédéral ou provincial, puis composer avec la lenteur de la bureaucratie. On leur dira d'attendre que quelqu'un vienne s'occuper d'eux.
    Cela a pour effet d'aggraver leur état, d'après ce qu'elles me disent. Lorsque les conjoints ou les enfants de ces personnes, qui ont perdu pied, sont eux-mêmes déroutés, tout le monde est affecté. Quand un militaire est déployé dans le cadre d'une mission, sa famille reste tranquille et maintient sa routine; tout le monde trouve sa place. Mais quand ce militaire revient, tout peut soudainement être chamboulé.
    Le militaire en question ne sait plus ce qu'il fait. Les membres de sa famille ne le reconnaissent plus. Ils disent: « Ce n'est plus mon mari; il n'est plus le même homme depuis qu'il est revenu ». Tout est chambardé. Cela complique encore plus la situation. Ceux qui essaient d'aider cette personne doivent surmonter de réels obstacles pour tenter de rétablir l'équilibre.
    Le Dr Westwood a indiqué qu'il ne demandait plus de financement au MAC depuis cinq ans. Le connaissez-vous? Pensez-vous qu'il serait admissible à du financement des IRSC?
(1700)
    Non, je ne connais pas cet homme, mais s'il a des titres de compétences en recherche et qu'il est rattaché à un hôpital ou à une université, il est certainement admissible. Nous offrons deux types de programmes.
    Nous avons d'abord des programmes ciblés. Par exemple, nous pourrions décider, avec le ministère des Anciens Combattants ou celui de la Défense nationale, d'injecter des fonds dans un programme ciblé pour répondre à des questions spécifiques. Ensuite, une fois qu'on a déterminé de quelles questions il s'agit, n'importe qui peut participer au concours. Quiconque a des titres de compétences et de la formation en recherche peut envoyer sa demande aux IRSC.
    De plus, nous avons un programme complètement ouvert permettant à n'importe quel chercheur spécialisé dans le domaine — ayant les bons titres de compétences et affilié à des institutions reconnues —, de participer à des concours ouverts de subventions pour faire valoir toutes les bonnes idées qu'il peut avoir.
    Il existe donc deux mécanismes parallèles. Dans chaque cas, il faut participer à un concours. Les demandes sont revues par des experts, et seules seront financées les meilleures propositions, c'est-à-dire celles qui présentent un plan méthodologique et des hypothèses très solides, bien ancrés dans la réalité.
    Nous savons que d'autres pays font des recherches similaires. Y a-t-il des recoupements entre ce que font les chercheurs ici et aux États-Unis, en Europe et en Australie? Si c'est le cas, est-ce qu'on pourrait réaliser des économies.
    Bien sûr, nous ne voulons pas dépenser inutilement de l'argent pour réinventer la roue, car nous voulons développer de meilleures pratiques. Nous savons qu'un soldat demeure un soldat. Peu importe l'uniforme, les expériences sont semblables. Est-ce que votre organisation a créé un réseau pour aider des chercheurs à coordonner ces efforts?
    Certainement.
    Tout d'abord, je tiens à dire qu'il y a énormément de collaboration entre les chercheurs canadiens et américains. C'est avec les États-Unis que nous travaillons le plus dans tous les domaines de la science, mais plus particulièrement dans celui de la santé mentale. Ensuite, vient le Royaume-Uni et en troisième position, la France. Ce sont de grands pays avec lesquels nous collaborons, mais nous encourageons également les échanges avec d'autres pays pour mettre en commun nos expériences.
    Par ailleurs, et peut-être que M. Vincent m'a mal compris, il est clair que nous prenons toujours en considération les ouvrages scientifiques qui nous viennent d'autres pays et, cela va de soi, les expériences tirées des recherches réalisées aux États-Unis. Nous ne réinventons pas la roue.
    J'essayais seulement de dire qu'il est important de ne pas laisser toute la recherche se faire par les autres. Je considère que nous avons certaines particularités, ici au Canada, avec nos forces armées, et j'ai donné des exemples des spécificités que nous pourrions mettre à profit pour faire nos propres recherches et comparer nos données avec celles d'autres pays.
    Nous le faisons évidemment systématiquement dans ce domaine comme dans tous les autres. Étant donné que le Canada jouit d'une très grande réputation pour ses études en neuroscience et en santé mentale, il n'a absolument aucune difficulté à collaborer avec d'autres pays. D'ailleurs, plusieurs pays souhaitent travailler avec nous en raison du calibre de nos chercheurs.
    Merci.
    Monsieur Lobb, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Pour commencer, j'aimerais savoir si vous avez fait des recherches sur les éléments déclencheurs des TSPT. Le général Dallaire est venu témoigner devant notre comité à l'automne. Il nous a parlé d'un élément déclencheur qui lui est apparu après son retour de service. Il était au marché, et le parfum des fruits frais ou des légumes lui avait rappelé des souvenirs et l'avait replongé à l'époque où il était en Afrique. J'aimerais savoir où en est la recherche sur les éléments déclencheurs ou sur la façon de les prévoir et de les déceler.
(1705)
    C'est une question difficile et, je le répète, je ne suis pas un spécialiste. Oui, nous finançons la recherche dans ce domaine. Vous avez décrit un trouble de stress post-traumatique typique. Une fois de plus, il faut comprendre que tout cela est lié aux circuits neuronaux de la peur. Ces circuits font également intervenir l'axe hormonal, lequel produit la noradrénaline, l'adrénaline et la cortisone qui sont relâchées dans le courant sanguin quand une personne ressent de l'anxiété ou vit une situation stressante quelconque.
    Normalement, il existe des mécanismes permettant de faire cesser la peur et le déséquilibre hormonal qui y est associé, de façon à ce que tout revienne à la normale. Quand cela arrive, la personne retrouve son état habituel et elle va bien. Dans le cas d'un trouble de stress post-traumatique, c'est comme si les mécanismes permettant de mettre fin à la réaction de peur et de ramener les niveaux hormonaux à la normale — particulièrement le niveau de cortisol — ne fonctionnaient plus.
    Dans beaucoup d'études, on cherche à comprendre ce qui ne tourne pas rond dans les circuits cérébraux. Non seulement les mécanismes normaux qui éliminent le signal ne sont plus fonctionnels, mais en plus, on voit apparaître des éléments déclencheurs exactement comme ceux que vous avez décrits. Cela peut être un bruit, une odeur. Très souvent, ce sont des images spontanées, des rêves.
    Comme vous le savez, les gens sont un peu dans un état d'hyper-vigilance, n'est-ce pas? Ils ont énormément de difficulté à trouver le sommeil; ils font des rêves au contenu très fort qui drainent toujours des souvenirs. L'hippocampe est très sollicité. Tous les circuits liés au rappel des souvenirs sont mis à contribution et fonctionnent de manière appropriée.
    Vous me demandez comment comprendre ce phénomène. Nous parlons ici d'un nouveau domaine de la science à explorer, qui est celui de la compréhension du cerveau. Nous appuyons actuellement plusieurs études sur ce phénomène, qui font appel à des techniques d'imagerie pour voir les relations entre le cerveau et le système hormonal et quels circuits cérébraux sont activés. Mais je dois vous dire que ces travaux ne sont qu'embryonnaires.
    Je considère aussi essentiel que nous comprenions ces mécanismes, parce qu'une fois que nous les aurons maîtrisés, nous pourrons mettre au point des traitements qui ne seront plus expérimentaux. Actuellement, les traitements que nous appliquons, comme vous le savez, sont les mêmes que ceux que nous utilisons pour soigner la dépression. C'est très difficile à traiter.
    Mon autre question concerne les recherches que vous réalisez dans le domaine de l'imagerie par résonance magnétique, sur les tissus cutanés et tout ce que vous faites pour les militaires après le service. Est-ce que dans vos études, vous examinez le cerveau avant et après? Vous concentrez-vous davantage sur « l'après » maintenant? Dans l'affirmative, qu'observez-vous?
    Il est toujours très difficile... Il se peut qu'elles existent, mais je ne suis pas au courant d'études longitudinales sur l'état d'une personne avant et après. Néanmoins, on fait beaucoup de comparaisons entre la population dite « normale » et une population qui a été exposée à du stress; on fait également des comparaisons entre les personnes qui ont été exposées au stress du combat par rapport à d'autres types de stress. Comme vous pouvez l'imaginer, il est plus difficile de réaliser une étude longitudinale, avant et après, mais il se peut que cela se fasse, même si, très franchement, je n'en ai pas connaissance. Ce serait tout de même une excellente chose.
    Je le répète, je suis absolument convaincu, d'après ce que j'ai pu lire sur le sujet, qu'il y a une origine neurobiologique à la susceptibilité de certains individus, mais pas d'autres, à développer des troubles. Si nous pouvions mettre au point des biomarqueurs ou des systèmes d'imagerie, nous pourrions faire du dépistage chez les personnes à risque, ce qui serait merveilleux. Je suis sûr qu'il doit y avoir des initiatives de ce genre, mais je ne les connais tout simplement pas.
    Est-ce que la recherche...? Évidemment, le TSPT peut prendre différentes formes selon les gens, en fonction des éléments déclencheurs et de tout le reste, mais...
    Par contre, le syndrome est assez bien défini.
    C'est très bien.
    La question que j'aimerais vous poser maintenant est de savoir si vos travaux de recherche vous permettent de conclure qu'il existe différents types de TSPT. Ou bien est-il encore généralement accepté, dans la communauté des chercheurs, qu'il n'y a qu'une forme de TSPT? Êtes-vous capable de cerner ce trouble très précisément?
(1710)
    D'après ce que je sais et la littérature que je connais, c'est toujours un syndrome majeur, mais il peut y avoir des recherches plus pointues dont j'ignore l'existence. Je vous rappelle que je finance la recherche et que je ne suis pas un chercheur spécialisé dans le domaine.
    Oui, je comprends.
    Je vais conclure en vous faisant part d'une expérience vécue. Dans une autre vie, j'ai été joueur de baseball. Vous avez dit qu'on figeait quand on commençait à sécréter de l'adrénaline. J'ai toujours trouvé les lanceurs de relève intéressants. On peut s'échauffer dans l'enclos des releveurs en lançant une prise après l'autre, mais une fois sur le terrain, on peut être incapable de lancer une prise, même si c'est une question de vie ou de mort. Je sais que cela n'a rien à voir avec le TSPT; cela concerne le flux d'adrénaline et tout...
    C'est la même chose. Mais ce que vous décrivez, c'est un mécanisme d'élimination qui fonctionne. C'est le mécanisme normal.
    Tout d'abord, je trouve très intéressant — ce n'est pas drôle, mais c'est très intéressant — qu'une si grande proportion de la population développe un trouble de stress post-traumatique. Cela nous oblige à nous poser la question de savoir pourquoi c'est ainsi et d'où vient cette propension. Je crois qu'il existe une composante génétique. Il a pu y avoir un élément de protection, à un certain stade de l'évolution, pour que les êtres humains soient à l'abri de certains types de stress — et je vous parle de millions d'années en arrière —, et c'est resté en partie dans nos gènes, ce qui n'est vraiment plus très utile aujourd'hui.
    Merci.
    Madame Coady, allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je suis absolument ravie que vous soyez ici aujourd'hui. J'ai beaucoup de respect pour les Instituts de recherche en santé du Canada. J'espère que vous continuerez à faire de l'excellent travail.
    J'ai quelques questions à vous poser.
    J'ai travaillé en biotechnologie. J'avais une compagnie dans laquelle on étudiait la façon dont les gènes influencent la santé et la maladie chez l'humain; c'est la raison pour laquelle je connais si bien les IRSC. Voici ma première question: Vous avez parlé un peu plus tôt de vos nombreux travaux de recherche. J'aimerais savoir quelles applications vous leur donnez. Savez-vous si des programmes ont été élaborés et où nous en sommes dans le cycle de la recherche?
    Parce que c'est bien beau de faire de la recherche, et je vous en félicite, car c'est très important, mais comment cela se traduit-il concrètement?
    En fait, vous savez, c'est très intéressant, parce que vous mettez le doigt sur un point névralgique.
    Les IRSC ont un double mandat: créer le savoir et s'assurer que ce savoir, comme je l'ai indiqué précédemment, permette d'améliorer les résultats pour la santé et d'avoir un système de soins de meilleure qualité. C'est un énorme défi, et ce, pour plusieurs raisons. Je ne vais pas toutes les citer, mais nous avons bien spécifié qu'il s'agissait là d'un objectif essentiel.
    Nous travaillons dans un domaine, toutefois, qui est à la limite des compétences fédérales et provinciales, parce que les soins de santé, comme vous le savez, sont de compétence provinciale et la recherche est de compétence partagée. Je suis donc convaincu que la seule façon de traduire très efficacement les résultats de la recherche en quelque chose de concret, c'est de travailler plus étroitement avec les provinces pour s'assurer que les résultats de la recherche seront pleinement intégrés dans les soins, pour commencer.
    Deuxièmement, nous avons mis au point une stratégie de recherche axée sur le patient, aux IRSC, qui vise un objectif spécifique très clair: améliorer les résultats de la santé grâce à la recherche. Pour ce faire, nous voulons créer, entre autres, des réseaux de recherche clinique qui nous aideront à évaluer les innovations, à appliquer plus efficacement nos découvertes, à évaluer des traitements novateurs, ainsi que les traitements actuels, et à éliminer ce qui est inutile ou fait plus de tort que de bien. C'est moins intéressant, mais c'est tout aussi important de le faire, si nous voulons améliorer l'impact des grandes recherches que nous réalisons au Canada sur la qualité de notre système de soins de santé, et bien sûr la qualité des résultats pour la santé.
    Les mêmes principes s'appliquent au secteur de la santé mentale, où la recherche est excellente, mais pas assez approfondie dans le domaine clinique. Nous avons des chercheurs fantastiques, mais ils sont trop peu nombreux, et les réseaux ne sont pas suffisamment développés à l'échelle nationale. C'est précisément ce que nous voulons faire: favoriser l'établissement de réseaux de recherche clinique en santé mentale.
(1715)
    Je vous remercie. Vous avez mon appui le plus total dans ces initiatives.
    Cela dit, je remarque que nous sommes dans un cycle où il y a énormément d'anciens combattants qui reviennent du théâtre de guerre et qui souffrent de TSPT. Nous le savons bien. Il y a des Casques bleus qui souffrent de TSPT. Leurs symptômes sont encore tout frais, même s'ils sont rentrés il y a une dizaine d'années. Ils ont toujours des problèmes.
    Je pense donc que pour les anciens combattants, comme ils sont de la responsabilité du gouvernement fédéral... Je sais qu'ils utilisent les systèmes de santé provinciaux, mais le gouvernement fédéral n'en a pas moins la responsabilité. Je crois que mon honorable collègue de l'autre côté a dit que nous devions veiller à assurer des soins permanents aux anciens combattants.
    Je pense que nous pourrions utiliser les recherches que vous menez et les appliquer aux anciens combattants pour nous sortir probablement du bourbier dans lequel nous sommes empêtrés entre les services provinciaux et les services fédéraux. Je vous encourage fortement à bâtir un pont entre les deux sphères de compétence, et je sais que vous travaillez en ce sens avec Anciens Combattants Canada.
    C'est exactement ce dont nous avons commencé à discuter avec nos collègues des Anciens Combattants.
    Je crois que ce devrait être la recommandation du comité, parce que nous devons vraiment appliquer les recherches que vous menez, d'excellentes recherches, pour atteindre des résultats dès aujourd'hui. On ne peut pas négocier pendant 10 ans.
     Non, vous avez bien raison. Franchement, nous avons déjà des résultats qui mériteraient d'être déployés de façon plus systématique, puis d'être évalués. Il faut donc d'abord les mettre en oeuvre, puis évaluer l'effet à long terme des traitements, les comparer avec d'autres, faire de vrais essais cliniques et tout faire pour être vraiment efficaces...
    Ce serait donc l'occasion d'effectuer des recherches translationnelles très bientôt.
    Le président: Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur André, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci de votre présence.
    Ce que je trouve intéressant dans vos propos, c'est toute la question du diagnostic par rapport aux personnes qui vivent un stress post-traumatique. Je me suis toujours posé des questions au sujet du dépistage, et c'est la première fois qu'on y répond ici, en comité. Je pense que c'est l'élément primordial.
    Vous dites que 25 p. 100 des gens qui sont victimes d'un stress peuvent, selon la théorie de Henri Laborit — je m'en souviens puisque j'ai étudié dans ce domaine à l'époque —, être plus sensibles à développer un stress post-traumatique, et que 75 p. 100 d'entre eux ne le sont pas. J'aurais quand même une question à poser là-dessus.
    Le niveau de stress peut être différent également. Je peux être exposé à un stress...
    Absolument, et c'est toujours difficile à évaluer. On parle de moyenne, c'est clair.
    Il semble qu'environ un quart des personnes soient beaucoup plus susceptibles de réagir de façon prolongée après avoir été exposées à un stress intense, comme on le voit dans ce cas. Chez d'autres, cependant, le système se rétablit normalement.
    Selon ce que vous dites, on est à la veille de pouvoir faire du dépistage auprès des militaires avant qu'ils participent à une mission.
    Contrairement aux économistes, je n'aime pas faire des prédictions. Par contre, il est clair, à mon avis, qu'il faut continuer à subventionner la recherche portant sur un diagnostic hâtif, de façon à pouvoir prévenir plutôt que guérir. Selon moi, une fois qu'on a établi le stress et que ces gens-là sont entrés dans un cercle vicieux, il est clair que les dysfonctionnements neuronaux et hormonaux sont considérables. On voit que c'est très difficile à traiter. Si on pouvait disposer de biomarqueurs nous permettant de poser plus tôt un diagnostic, donc de prévenir, ce serait formidable.
    Par ailleurs, je veux insister sur un des problèmes majeurs qui nuit énormément au traitement des personnes atteintes de stress post-traumatique: soit que les gens ne les croient pas, soit, comme le décrivait plus tôt votre collègue, qu'on les renvoie d'un bureau à un autre, puis à un autre, et ainsi de suite. Les individus atteints ont l'impression que c'est leur faute, les pauvres, alors que c'est une réaction biologique. Par contre, à partir du moment où on leur explique cela, le traitement devient beaucoup plus facile. Il faut non seulement les écouter, mais leur expliquer ça.
(1720)
    On sait que les hommes consultent moins que les femmes. C'est un phénomène propre à la condition masculine.
    Absolument.
    Ils le font beaucoup plus tard dans le processus. Ça touche moins la prévention que l'aspect curatif. Les obstacles sont plus difficiles à surmonter. C'est pourquoi on trouve beaucoup d'hommes dans les prisons et les centres de désintoxication.
    Oui, et réagir de cette façon est vu comme une faiblesse. C'est ce qui est dramatique.
    Ça doit être plus marqué encore chez les militaires, étant donné que ça peut même toucher leur avancement, leur situation professionnelle.
    Ce qui se fait du côté du dépistage est intéressant, mais il y a un autre phénomène. Je pense qu'on devrait outiller davantage les familles au sein desquelles reviennent ces militaires. Beaucoup de témoins nous ont parlé de leur conjoint ou conjointe qui était revenu d'une mission militaire difficile et qui avait par la suite développé graduellement un stress post-traumatique. Une conjointe nous disait que personne ne lui avait expliqué ce qu'était un stress post-traumatique, qu'elle avait vu des changements de comportement chez son conjoint et qu'elle avait dû s'ajuster. On serait quand même en mesure de mieux informer ces gens. C'est un manque de suivi.
    Monsieur André, ce problème n'est pas unique au stress post-traumatique. Ça touche toute la santé mentale. Elle est encore stigmatisée et il y a encore un manque d'information. De plus, je dois dire que mes collègues psychiatres ne prennent pas toujours le temps d'expliquer aux familles de quoi il s'agit, de leur faire part de l'état de nos connaissances sur la maladie et de la raison pour laquelle un traitement donné est administré. En fait, il s'agit d'expliquer que dans le cas d'une dépression, on prend un anti-dépresseur, comme on prend de l'insuline dans un cas de diabète. L'insuline fait remonter un taux d'insuline trop bas et l'antidépresseur fait remonter un taux de sérotonine trop bas.
    Je suis d'accord avec vous, mais nous sommes ici pour parler du stress post-traumatique.
    Oui, mais c'est la même chose. Il s'agit de prendre le temps de donner ces explications.
    Quelle est l'information indispensable qu'il faudrait transmettre à ces conjoints et conjointes?
    Le fait de déstigmatiser serait déjà un pas énorme. Il s'agirait d'expliquer que ce n'est pas la manifestation d'une faiblesse ou d'un comportement inadéquat, mais bien un phénomène biologique.
    On n'est donc pas loin de mettre au point une médication.

[Traduction]

    André, je vais devoir donner la parole à quelqu'un d'autre.

[Français]

    On a déjà des médications. Elles ne sont pas toujours aussi efficaces qu'on le voudrait, mais il en existe déjà.

[Traduction]

    Je dois donner la parole à M. Stoffer. Allez-y.
    J'ai une petite question, monsieur.
    Pour ce qui est des différences culturelles entre les gens de 40 ans et de 50 ans, de toute évidence, les gens de nos jours sont exposés à beaucoup plus de violence à la télévision et dans les jeux qu'avant. Êtes-vous au courant de recherches qui exposent les différences culturelles pour comparer ce qu'ont vécu les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, par exemple, avec ce que vivent les anciens combattants modernes, compte tenu de toute l'atmosphère qui nous entoure? La situation a complètement changé. C'était plus tranché avant. Il y avait un ennemi en bleu là-bas, nous étions l'ennemi en rouge, et les deux se battaient. Aujourd'hui, on ne sait plus qui est l'ennemi. C'est assez différent.
    Comme Roméo Dallaire et d'autres personnes en ont témoigné, il est vraiment très difficile pour ces personnes de savoir quoi faire dans telle ou telle situation même si elles ont reçu une formation complète. Et nos différences culturelles par rapport à ce que l'on voit... L'homme qui a écrit le livre FOB DOC, qui raconte son expérience en tant que médecin sur la ligne de front (je crois qu'il vient de la région de Sudbury), a dit que pour se détendre, les gars à la base jouent à des jeux très violents sur leur Play Station ou d'autres consoles de jeu.
    Donc quand ils sont en patrouille dans la réalité, ils tuent des gens, puis pour se détendre, ils jouent à faire semblant de tuer des gens. Êtes-vous au courant de recherches qui établissent un lien à cet égard?
(1725)
    C'est une question très intéressante. Je ne le sais pas.
    C'est une idée que je lance, parce que je ne peux m'empêcher de croire... Je trouve plutôt amusant d'une certaine façon — et ce n'est peut-être pas le bon mot — qu'un gars qui passe sa journée avec une vraie arme C7 à traquer des gens et qui tire peut-être sur certains d'entre eux se détende ensuite sur sa console de jeu en refaisant la même chose dans un monde virtuel. Je me demande s'il y a un lien à établir avec ce qui arrive à ces personnes quand elles quittent le service militaire.
    C'est une question très intéressante. Il est très possible qu'il y ait de la recherche financée dans ce domaine. Je ne le sais pas. Je vais me renseigner, mais c'est assez intriguant.
    Je vais lancer une hypothèse du tac au tac. Je pense que même si ces jeux vidéos semblent violents, ils sont totalement symboliques. La véritable violence ne se trouve pas là. Ce n'est pas de la véritable violence dont il s'agit là, d'après moi.
    M. Peter Stoffer: D'accord. Merci.
    Merci.
    Je vais poser la dernière question. Vous avez dit que selon certaines recherches, la dépression était deux fois plus fréquente chez les anciens militaires que dans la population générale. Pourriez-vous nous envoyer les conclusions de cette recherche?
    Certainement.
    Envoyez-les à ma greffière, s'il vous plaît, je l'apprécierais.
    Sur ce, je vous remercie infiniment d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. Nous apprécions beaucoup votre participation.
    C'était un plaisir. Je vous remercie de votre attention.
    Monsieur le président, M. Westwood a indiqué qu'il n'avait pas présenté de demande à la DVA depuis un certain temps. Je présume simplement qu'il ne sait peut-être pas qu'il pourrait y présenter une demande au nom de son organisation.
    Serait-il possible de recommuniquer avec M. Westwood pour lui dire que comme il est associé à U.B.C., il serait possible qu'il puisse présenter une demande? Qui sait? Il pourrait peut-être obtenir plus de financement pour l'aider dans ses recherches.
    Je vais demander à la greffière de lui envoyer un courriel à ce sujet.
    Merci.
    Sur ce, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU