Merci et bonjour.
Je souhaite remercier le Comité de me permettre de comparaître aujourd'hui et de l'appui unanime que le projet de loi a reçu à la deuxième lecture.
Je pense que ce projet de loi tombe à point. Notre population est vieillissante, et seulement 30 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs sous une forme ou une autre en ce moment. Le comité spécial qui a étudié l'arrêt Carter sur l'aide médicale à mourir a mis en lumière le fait que sans soins palliatifs de qualité, il n'y a pas de véritable choix possible.
J'ai été étonnée de découvrir que ce ne sont pas toutes les régions du Canada qui bénéficient de soins palliatifs intégrés comme il y en a dans ma circonscription de , où il y a plus de cinq spécialistes des soins palliatifs, des lits en soins palliatifs dans les hôpitaux et dans des maisons de soins palliatifs, ainsi qu'un excellent réseau de soins à domicile, de soutien psychologique et de services d'intervention d'urgence.
J'ai commencé à poser des questions sur le sujet. Je me suis rendu compte qu'un comité parlementaire avait étudié la question des soins palliatifs en 2011, puis avait produit un rapport contenant des recommandations. Bien qu'une motion ait été adoptée, elle n'a pas mené à grand-chose de concret.
Compte tenu du vieillissement de la population, de la mise en oeuvre du projet de loi et du désir d'innover et d'optimiser l'argent que nous investissons dans notre système de santé, ce projet de loi tombe à point.
Le projet de loi propose un cadre sur les soins palliatifs au Canada, qui comprend une définition des services compris et une définition de la formation requise aux différents niveaux de service. Il prévoit également des mesures de soutien aux personnes qui prodiguent des soins palliatifs, la collecte des données appropriées et l'élaboration d'un plan pour assurer le même accès aux soins palliatifs partout au Canada, pour tous les Canadiens.
Pendant le débat, des amendements ont été proposés, notamment pour que les membres des Premières Nations bénéficient de cette couverture et que le libellé du projet de loi reflète bien l'équilibre entre les compétences provinciales et les compétences fédérales. Je me ferai un grand plaisir de travailler avec le Comité, s'il souhaite adopter ces amendements ou modifier le projet de loi autrement.
Mon but ici, aujourd'hui, sera d'expliquer les divers articles du projet de loi et de recommander au Comité la façon dont ce cadre devrait s'appliquer, à mon avis.
Je commencerai par les services couverts.
Les soins palliatifs peuvent commencer plus d'un an avant les soins de fin de vie, et l'on entend par soins de fin de vie les soins offerts au cours des deux dernières semaines de la vie. Les services de base que j'aimerais voir inclus dans ce cadre comprennent le traitement de la douleur, dont les coûts des médicaments, de même qu'un accompagnement spirituel et émotionnel, les soins à domicile, les soins en maison de soins palliatifs et des services d'intervention de crise à domicile. À l'heure actuelle, seule une partie de ces services est offerte, et seulement dans certaines provinces. D'autres n'offrent rien du tout. Il importe de souligner que les coûts associés aux soins palliatifs en milieu hospitalier peuvent représenter 1 200 $ par jour, contre 400 $ par jour en maison de soins palliatifs et 200 $ par jour, en moyenne, en soins à domicile.
[Français]
Comparativement aux soins intensifs, les soins palliatifs en milieu hospitalier pourraient permettre à notre système de santé d'économiser entre 7 000 $ et 8 000 $ par patient. Des données récentes suggèrent qu'en Ontario, le transfert de seulement 10 % des patients en période de fin de vie entre les soins intensifs et les soins à domicile permettrait d'économiser 9 millions de dollars par année. Voilà une manière de mieux utiliser les dollars attribués à la santé afin d'obtenir un meilleur résultat pour les Canadiens.
[Traduction]
La deuxième partie porte sur la formation. Différents niveaux de formation sont requis pour les divers types de professionnels de la santé. Il y a actuellement pénurie de spécialistes des soins palliatifs au Canada. Nous en avons 200, alors qu'il nous en faudrait au moins 600.
Les omnipraticiens reçoivent deux mois de formation sur les soins palliatifs pendant leurs études de médecine. Les infirmières peuvent ne recevoir aucune formation sur les soins palliatifs, mais elles devraient suivre la formation offerte aujourd'hui par des organisations comme Pallium Canada ou ses équivalents.
Les fournisseurs de services à domicile et les préposés aux services de soutien à la personne, lorsqu'ils sont bien formés, contribuent à un modèle de prestation de services efficace et rentable, particulièrement dans les régions éloignées, où nous devons trouver des solutions novatrices pour assurer le service. Il faut augmenter le nombre d'infirmières, d'infirmières auxiliaires et de préposés aux services de soutien à la personne pour répondre aux besoins de notre population vieillissante. À un moment où les provinces commencent à leur offrir de la formation, il serait sage d'adopter une terminologie normalisée, d'établir des critères de formation et d'assurer la reconnaissance interprovinciale des normes.
Nous avons également besoin de mesures pour venir en aide à ceux qui offrent des services en soins palliatifs. Comme on peut l'imaginer, à force de voir les gens mourir, d'assister à l'agonie émotionnelle et physique des gens, on peut ressentir des symptômes qui s'apparentent au stress post-traumatique, si bien qu'il faut offrir du soutien aux professionnels de la santé de même qu'aux soignants ayant besoin de répit. Il est important de tenir compte de leurs besoins à eux aussi.
[Français]
Par ailleurs, l'absence de données sur les besoins en soins palliatifs, le coût moyen global et la répartition des services devrait être traitée en mettant en oeuvre la collecte des données visant à standardiser et surveiller la prestation des soins palliatifs.
Je vous encourage à consulter la ministre de la Santé, qui a déjà des idées sur ce qu'elle aimerait voir à cet égard.
[Traduction]
Pour ce qui est des données de recherche, nous n'avons même pas vraiment de données de référence sur le nombre de personnes qui auraient besoin de soins palliatifs ou le coût approximatif de ces soins par personne. C'est le genre de choses pour lesquelles on aimerait avoir des points de référence et faire un suivi.
Nous avons également besoin d'un plan pour assurer le même accès aux soins à tous les Canadiens. C'est l'une des parties les plus importantes de ce cadre.
Ce plan devrait reposer sur plusieurs piliers. Nous avons déjà parlé de la formation nécessaire des ressources. Il y a ensuite l'infrastructure qui sera nécessaire pour assurer un accès universel. Le gouvernement pourrait investir dans la construction de maisons et de centres de soins palliatifs. Il y a environ 30 maisons de ce genre au Canada, contre 1 300 aux États-Unis. La construction de cette infrastructure permettra à la fois de créer de l'emploi et de répondre à un besoin.
Enfin, pour assurer les services aux communautés rurales et éloignées du Canada, il faudra savoir innover. Je donne l'exemple du centre de soins palliatifs virtuel de Winnipeg, où les infirmières et les médecins peuvent appeler tous les jours, peu importe l'heure, pour consulter des spécialistes des soins palliatifs en mesure de les guider à distance dans leur plan de traitement. Les consultations Web et par Skype dépendront du plan d'infrastructure actuel du gouvernement, qui vise à assurer des services Internet dans les collectivités rurales et éloignées du Nord. Il a été prouvé que la formation des ambulanciers, des infirmières et des fournisseurs de soins à domicile en matière de soins palliatifs, conjuguée au déploiement local d'équipes d'intervention en cas de crise, au besoin, est efficace dans certaines parties du Canada et que cette stratégie devrait faire partie du plan global.
[Français]
Il est également important de choisir le mécanisme pour mettre en oeuvre ce cadre. Il existe plusieurs possibilités. L'une d'entre elles consiste à ajouter les soins palliatifs aux services couverts par la Loi canadienne sur la santé. Une autre option serait d'inclure les soins palliatifs au nouvel accord sur la santé. Une dernière possibilité consisterait à créer un nouveau programme gouvernemental de soins palliatifs qui financerait l'infrastructure, établirait les normes de formation et collaborerait avec les provinces pour mettre en oeuvre les meilleures pratiques.
Je pense que chacune de ces options pourrait fonctionner. Il y a probablement d'autres mécanismes auxquels je n'ai pas pensé, mais c'est au gouvernement d'orienter la mise en oeuvre dans le cadre du budget.
Les 3 milliards de dollars actuels promis dans le budget de 2016 sont un bon début et j'espère en voir davantage dans le budget de 2017.
[Traduction]
Le gouvernement aurait tout intérêt à profiter de l'expertise des nombreuses organisations du pays qui appuient ce projet de loi, qui ont chacune des solutions à proposer pour assurer la prestation de services. Je pense à des organisations comme l'Association médicale canadienne, la Société canadienne du cancer, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, Pallium Canada, l'ARPA, l'Association canadienne des soins palliatifs et beaucoup de maisons de soins palliatifs qui en sont membres comme Soins continus Bruyère, le St. Joseph's Hospice et la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île, la Fondation des maladies du coeur, la Fondation canadienne du rein, la Société canadienne de la sclérose latérale amyotrophique, l'Association canadienne des ergothérapeutes et les plus de 50 organisations membres de la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité, ainsi que les nombreux groupes confessionnels du Canada, dont la Conférence des évêques catholiques du Canada.
En outre, l'une des priorités consistera à établir la norme des services couverts et les exigences en matière de formation, puisque l'offre des provinces a déjà commencé à évoluer de différentes façons. Il est maintenant temps d'agir pour régler ce problème important, pour que les Canadiens puissent choisir de vivre le mieux possible le plus longtemps possible.
Je vous remercie du temps que vous m'accordez. Il me fera plaisir de répondre à vos questions. J'ai bien hâte à notre discussion.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité. Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
[Français]
Je crois que les soins palliatifs et les soins de fin de vie sont des sujets d'une grande importance pour les Canadiens.
Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Aujourd'hui, je viens témoigner au nom de Pallium Canada et vous faire part de certaines de mes réflexions personnelles fondées sur mes 22 années d'expérience de médecin de soins palliatifs, de chercheur, d'éducateur et de meneur.
Pallium Canada et moi recommandons l'acceptation du projet de loi. Je souhaite énumérer les principales raisons pour le faire. Je voudrais aussi faire part de motifs et de recommandations supplémentaires pour un cadre canadien pour les soins palliatifs.
Je vais d'abord vous raconter un fait qui a complètement changé l'orientation de ma carrière et qui m'a amené ainsi que des centaines de Canadiens à fournir des soins palliatifs. C'était au début des années 1990. J'exerçais la médecine familiale dans une petite collectivité rurale du sud-ouest du Manitoba. Un jour, un patient, George, vient me voir. Il a besoin de mon aide. C'est ainsi que j'apprendrai l'importance des soins palliatifs et comment ils peuvent changer quelque chose.
Malgré les améliorations des deux dernières décennies — je me suis tenu au courant et, à cette fin, j'ai coudoyé des collègues extraordinaires dans tout le pays —, partout il subsiste des lacunes importantes à combler. Mais il existe aussi de merveilleux centres d'excellence dont nous devons nous inspirer, que nous devons chercher à développer et à propager.
George était au début de la cinquantaine. La première fois, il était accompagné de son épouse. Il m'a dit avoir consulté d'autres médecins, mais qu'aucun n'avait pu l'aider. Puis il m'a dit qu'il était atteint d'un cancer avancé et qu'il savait qu'il ne lui restait peut-être que quelques mois à vivre. Cependant, à cause des douleurs atroces qu'il endurait, il se disait incapable de passer le reste de sa vie dans de telles souffrances. Je me sentais impuissant. Je m'en rappelle très bien. Je peux seulement imaginer comment lui et sa femme se sentaient alors.
Comme beaucoup d'autres collègues et confrères dans ces années-là et,malheureusement, aujourd'hui encore, je n'avais pas reçu de formation en soins palliatifs. George m'a dit qu'il bénéficiait d'une très petite dose de morphine, qui, je devais le découvrir plus tard seulement, était terriblement insuffisante. Dans ma très grande ignorance, je lui ai dit que je ne pouvais rien faire, de crainte de le rendre dépendant si j'augmentais la dose. Je ne savais pas comment m'occuper des autres symptômes et des craintes qu'il éprouvait.
Il s'est levé, a pris la main de sa femme et s'est dirigé vers la porte. Je n'oublierai jamais la suite, parce qu'il s'est arrêté, s'est retourné et m'a dit: « J'espère qu'un jour les médecins comme vous pourront soigner les gens comme moi ». Je me suis senti embarrassé de ne pas pouvoir faire mieux. George et son épouse étaient dévastés.
Cette consultation m'a incité à m'informer sur la formation en soins palliatifs. À vrai dire, à l'époque, je n'avais même jamais entendu cette expression. J'ai trouvé le cours que je cherchais, « soins pour les patients en phase terminale », mais je sais maintenant que ce n'est pas seulement pour s'occuper de ces patients; ça commence bien avant la maladie.
Il se donnait très peu de cours en soins palliatifs aux médecins et aux autres professionnels de la santé. Le seul que j'ai pu trouver se donnait à Hamilton, une fois par année à l'époque. Quelques semaines plus tard je prenais l'avion pour Hamilton, et les cinq jours de cours qui ont suivi m'en ont appris beaucoup plus sur les soins palliatifs.
Armé de mes nouvelles connaissances et compétences, je suis retourné au Manitoba et j'ai appelé George. Je lui ai dit que j'étais désolé de mon erreur, mais que, désormais, grâce à la formation reçue, je pouvais m'occuper de lui, ce qu'il a gracieusement accepté et que j'ai fait jusqu'à sa mort quelques mois plus tard.
Cette expérience a été riche d'enseignements: les patients comme George éprouvent de nombreux besoins auxquels nous devrions pouvoir répondre, peu importe l'endroit où ils vivent au Canada; grâce à un peu de formation, un professionnel de la santé comme moi pouvait tout changer; les patients ne sont pas les seuls à souffrir, leurs familles aussi.
J'ai décidé de poursuivre une carrière de médecin de famille en soins palliatifs. Un an plus tard, j'étais accepté comme boursier en recherche clinique à l'Université de l'Alberta pour entreprendre une autre formation au niveau de spécialiste en soins palliatifs, que j'ai terminée en 1995. Depuis, je travaille en soins palliatifs.
Les paroles de George, « J'espère qu'un jour les médecins et les professionnels de la santé comme vous pourront soigner des patients comme moi », ont inspiré la création de Pallium Canada en 2001.
Pallium Canada est une organisation canadienne sans but lucratif dont la mission est d'instruire et d'appuyer tous les professionnels de la santé qui ne sont pas des spécialistes des soins palliatifs et d'autres soignants de partout au Canada à suivre une démarche axée sur les soins palliatifs, grâce aux habiletés fondamentales et essentielles que j'ai apprises et que j'ai pu appliquer au cas de George. Au cours des années, principalement grâce au financement de Santé Canada, nous avons été en mesure de croître et de rejoindre encore plus de professionnels de la santé partout au Canada.
On estime que, en général, seulement de 15 à 30 % des Canadiens ont accès à des services de soins palliatifs. Ce taux varie beaucoup d'un bout à l'autre du pays et il peut être beaucoup plus élevé dans certaines régions, des modèles, comme je l'ai dit, à imiter.
Cependant, ces taux peuvent aussi traduire une dépendance excessive des services de soins palliatifs donnés par des spécialistes. Malgré des lacunes béantes dans beaucoup de ces services, des lacunes qui exigent plus de fournisseurs et de services de soins palliatifs dans beaucoup de parties du pays, et je peux vous donner des exemples de la façon par laquelle au fil des ans, j'ai essayé de faire mettre en place plus de ces ressources dans les différentes provinces, une autre partie de la solution consiste à tous se solidariser pour la prestation de ces soins.
Par exemple, des dizaines de milliers de professionnels de la santé ne sont pas spécialistes des soins palliatifs mais soignent des patients atteints de maladies évolutives incurables. Ils sont en première ligne pour leur diagnostic, leur traitement, les soins donnés au fil de l'évolution de la maladie. Ils exercent diverses professions, de médecins et d'infirmières à pharmaciens, en passant par les travailleurs sociaux, les thérapeutes, les auxiliaires de vie, les aumôniers, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, etc., dans des domaines comme la médecine familiale, les soins primaires, la médecine interne, l'oncologie, la néphrologie, la pneumologie, la gériatrie et la liste n'en finit pas. Dévoués, soucieux du mieux-être de leurs patients, ils reconnaissent souvent la nécessité de relever leurs compétences pour pouvoir fournir des soins comme ceux que George a reçus.
Il est amplement prouvé que l'absence de formation aux soins palliatifs et de services de soins palliatifs cause des souffrances inutiles, l'utilisation inopportune des services de santé et, souvent, la prestation de traitements à peine efficaces. En fait, je peux vous donner des exemples de traitement qui font plus de tort que de bien.
Pallium Canada, grâce à nos modules et à des cours d'une journée ou deux intitulés « Méthodes essentielles d'apprentissage des soins palliatifs et des soins de fin de vie », ou LEAP, ainsi qu'à d'autres moyens comme nos portefeuilles et des applications, multiplie la capacité du système de fournir des soins palliatifs. Nos cours sur les LEAP attirent les praticiens de diverses professions et disciplines, qui exercent dans différents milieux et y facilitent le passage des patients, de la maison aux cliniques externes, hôpitaux, centres de cancérologie et services d'urgence en passant par les soins à long terme. À l'échelle nationale, nous sommes un groupe de 540 facilitateurs et organisateurs formés et diplômés, et c'est notre modèle de soutenabilité. Nous ne rayonnons pas à partir d'un petit bureau situé à Ottawa, mais nous agissons collectivement à l'échelle du pays.
Nous sommes fiers du retour sur l'investissement et de la valeur ajoutée que nous avons procurés. De 2001 à 2003, en deux ans, nous avons donné 47 cours. Dans l'année qui vient de s'écouler, nous en avons donné près de 210 d'un bout à l'autre du pays à plus de 8 000 professionnels. Nous avons formé des ambulanciers paramédicaux en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard, des équipes de néphrologie dans tout l'Ontario, des établissements de soins prolongés grâce aux LEAP en Colombie-Britannique, en Ontario et dans d'autres provinces, y compris la Nouvelle-Écosse.
Si ces succès sont très encourageants et si notre modèle se révèle efficace, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il reste des dizaines de milliers de professionnels de la santé à former, des milliers d'hôpitaux, d'établissements de soins prolongés, de cliniques de médecine familiale, d'instituts de cardiologie, etc., dont le personnel a besoin d'être formé et orienté vers l'approche des soins palliatifs, ce qui permettra d'accroître la capacité du système.
L'une des principales difficultés que Pallium et moi avons éprouvées au fil des ans est que le financement du programme, bien que précieux et très apprécié, a généralement été irrégulier, temporaire et souvent parcimonieux, vu l'ampleur de la tâche. Nous avons parfois dû négliger notre tâche pour consacrer beaucoup de temps et d'énergie à chercher à obtenir un financement constant. Grâce à un financement convenable et constant, Pallium Canada pourrait mobiliser et développer encore plus son réseau diversifié et dévoué de bénévoles, de professionnels et de fournisseurs des soins palliatifs, et intensifier la formation aux soins palliatifs partout dans le pays, dans les régions urbaines, rurales et éloignées comme les anglophones ou les francophones.
Nous pourrions propager vers d'autres provinces et territoires des programmes comme les LEAP pour les ambulanciers paramédicaux, qui ont été couronnés de réussite, les LEAP pour les soins de longue durée et les LEAP pour la néphrologie. Nous pourrions nous inspirer de nos travaux antérieurs pour nous assurer d'inclure dans la formation aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie au Canada les voix et la sagesse des peuples autochtones.
Ce financement irrégulier, d'autres organisations en vivent aussi l'épreuve, pas seulement Pallium, des organisations efficaces aux premières lignes des soins, comme la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, l'Hospice virtuel canadien, l'Association canadienne de soins palliatifs, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, etc., qui, toutes, essaient de changer quelque chose dans leur sphère d'influence.
Cela m'amène à ma première recommandation pour un cadre canadien: il devrait rassembler nos forces actuelles dans ces organisations et nous donner la capacité d'amplifier notre travail et de le diffuser grâce à un financement de base soutenu et convenable pour ces initiatives. L'occasion de reconduire le financement devrait être possible si l'organisation se révèle avoir du succès et agir de façon efficace.
J'ai accumulé les expériences professionnelles en éducation, notamment à la coprésidence du groupe de travail sur l'éducation pour le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie, de 2003 à 2005; dans l'élaboration d'un programme régional de soins palliatifs, le premier en Ontario, dans la région d'Ottawa; dans la création de matériel didactique et de programmes universitaires; et dans la tentative d'élaboration de programmes ruraux et de programmes urbains. Elles m'ont toutes amené à formuler les recommandations qui suivent.
Le cadre devrait comprendre l'élaboration de normes sur ce qui constitue des services essentiels de soins palliatifs pour toutes les régions du pays. Il devrait aussi comprendre des normes sur la façon de pourvoir aux ressources de ces services. Je dirais qu'il n'est plus acceptable de laisser des hôpitaux ou des équipes de soutien communautaire sans personnel ou ressources convenables; d'avoir, en 2017, enseigné à des établissements comme le gros hôpital de Windsor sans qu'il y ait d'équipe chargée des soins palliatifs; qu'une ville comme Hamilton n'ait pas d'unité de soins palliatifs; qu'une région comme Brampton n'ait pas d'établissement de soins palliatifs et ne reçoive pas de financement adéquat et approprié pour les médecins des soins palliatifs et leurs équipes; de laisser des régions rurales ou urbaines sans équipe d'appui aux soins palliatifs pour aider des patients qui se trouvent dans des situations complexes; de ne prévoir presque pas de formation en soins palliatifs dans les programmes d'études en médecine et en sciences infirmières ainsi que dans d'autres domaines des soins de la santé et aux résidents de diverses spécialités.
Il est bien connu que tout système de santé a besoin d'une solide base de soins primaires, et ensuite d'un niveau de soins secondaires. Les soins tertiaires sont les soins très spécialisés dont a besoin une très petite proportion de la population. Je peux vous donner l'exemple des patients atteints d'hypertension. Ce ne sont pas tous les patients qui souffrent d'hypertension qui doivent consulter un cardiologue; bon nombre d'entre eux peuvent être traités au niveau primaire.
C'est la même chose pour les soins palliatifs. Si nous fournissons aux « généralistes » les compétences de base nécessaires — c'est-à-dire comment évaluer les symptômes; comment les gérer; comment se renseigner au sujet d'une maladie; quels sont les besoins psychologiques, sociaux ou spirituels; et dans quelle mesure on peut venir en aide à la personne —, à ce moment-là, nous commençons à appliquer une approche palliative.
Si ces professionnels, qui ne sont pas des spécialistes en soins palliatifs, peuvent acquérir ces compétences fondamentales, ils pourront adopter une approche palliative plus tôt. Ainsi, les spécialistes, qui sont beaucoup moins nombreux, pourront se concentrer sur d'autres tâches, notamment s'occuper des patients et des familles qui éprouvent des besoins complexes; superviser l'éducation; veiller à l'amélioration de la qualité des soins dispensés dans les hôpitaux, les soins de longue durée et les soins à domicile afin d'améliorer les soins palliatifs; et mener des recherches.
Malheureusement, à l'heure actuelle, le triangle des soins primaires est inversé dans certaines provinces. L'Ontario en est un exemple. Dans une étude que j'ai publiée il y a environ un an et demi, en collaboration avec des collègues, nous avons découvert que la majorité des soins palliatifs, y compris ceux de niveau primaire, étaient dispensés par un très petit groupe de spécialistes en soins palliatifs. Ils ne sont que 260 dans la province pour prendre en charge tous les patients atteints d'un cancer ou d'un problème cardiaque, ainsi que les patients en néphrologie, en gériatrie, etc.
Tout d'abord, il y a une pénurie importante de ces spécialistes dans de nombreuses régions au pays. Nous en avons besoin. Ensuite, il y a des problèmes liés aux mécanismes de financement. En Ontario, par exemple, la plupart des spécialistes en soins palliatifs sont rémunérés à l'acte; autrement dit, le spécialiste est rémunéré pour s'occuper des patients et faire son travail clinique et non pas pour enseigner ni renforcer les capacités. Il faut donc avoir des modèles qui utilisent le financement existant en vue d'accroître la capacité et non pas de miner davantage les soins primaires qui sont si importants.