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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci au Comité de me donner l'occasion de lui faire part de mon expertise sur la question.
J'ai envie de parler de deux choses avec vous aujourd'hui. Je vais commencer par faire quelques commentaires sur le rapport du directeur parlementaire du budget, le DPB. Ensuite, je vais faire une analyse du régime québécois d'assurance-médicaments.
En ce qui concerne le rapport du DPB, j'ai beaucoup apprécié la qualité du travail des analystes. La question de l'assurance-médicaments est extrêmement complexe, il est très difficile de naviguer dans les données, et il me semble que l'équipe a réussi à contourner les principaux écueils. Je suis relativement satisfait du rapport du DPB.
Toutefois, j'ai des questions quant à certains éléments du rapport.
J'aimerais tout d'abord parler du mandat de ce rapport en ce qui concerne la notion de copaiements. On demande des copaiements de 5 $ pour les médicaments de marque, et on inclut la liste des personnes exemptées qui n'auraient pas de copaiements à verser.
Premièrement, pourquoi la liste d'exemptions n'inclut-elle pas les personnes à faible revenu? Il me semble que cela pose problème.
Ensuite, je ne comprends pas pourquoi on impose un copaiement de 5 $ uniquement dans le cas des médicaments de marque. Si c'est pour encourager l'utilisation de génériques, je rappelle que tous les régimes publics contiennent ce qu'on appelle la substitution générique obligatoire. Un encouragement financier pour l'utilisation de médicaments génériques n'a donc pas lieu d'être offert.
Par ailleurs, les copaiements sont un très mauvais outil de financement pour un régime d'assurance-médicaments, parce qu'ils peuvent empêcher le patient d'utiliser le traitement optimal, ce qui peut occasionner des coûts plus importants pour le reste du système de santé.
J'ai publié un article dans le Journal de l'Association médicale canadienne sur le rôle des copaiements. Cela me fera plaisir de soumettre l'article au Comité s'il le désire. Dans cet article, je propose d'utiliser les copaiements de la meilleure façon, c'est-à-dire sur la base du modèle néerlandais.
Les copaiements peuvent être utilisés pour guider le choix des médicaments d'ordonnance de manière optimale. Les Pays-Bas recourent aux copaiements dans le cadre d'un système de prix de référence. Un prix de référence est un plafond imposé pour le remboursement de médicaments, dans certaines catégories thérapeutiques, de manière à couvrir les coûts des traitements optimaux. Pour toutes les catégories thérapeutiques, des médicaments sont donc entièrement couverts, jusqu'au premier dollar dépensé. Toutefois, afin d'assurer un plus large choix au patient, on offre à ce dernier la possibilité de choisir des médicaments qui coûtent plus cher sans pour autant apporter une valeur thérapeutique supplémentaire, même s'il n'y a pas de justification médicale. À ce moment-là, c'est au patient de payer la différence. Le copaiement sert donc à payer cette différence.
Non seulement ce type de copaiement basé sur les prix de référence assure un meilleur accès aux traitements nécessaires, mais il permet également de recourir à un système de prix de référence qui va réduire considérablement les coûts d'un régime d'assurance-médicaments, en même temps qu'il permet aux patients d'avoir un plus grand choix de traitements.
Un deuxième élément me pose problème dans le rapport du DPB. C'est la notion du pouvoir d'achat d'un régime unique qui va permettre des rabais de 25 % sur l'ensemble des médicaments. En plus, ce chiffre a parfois été critiqué parce qu'on l'estimait trop optimiste.
Je voudrais rappeler que le Québec est la seule province qui peut se doter d'un système d'appel d'offres pour les génériques pour l'ensemble de son marché, c'est-à-dire pour les régimes publics et pour les régimes privés. En juillet dernier, le Québec a menacé de recourir à un système d'appel d'offres. J'ai longtemps plaidé en faveur d'un système d'appel d'offres, puisque cela réduit les coûts et pourrait réduire les pénuries de médicaments. À peine le Québec venait-il de menacer de recourir à des appels d'offres pour les génériques que les fabricants ont offert un rabais de 38 % en moyenne sur l'ensemble des médicaments génériques. Ce rabais de 38 % n'a pas été pris en compte par le DPB, parce que le rapport était déjà rédigé quand l'entente a eu lieu.
Tout cela pour dire qu'un rabais de 25 % sur les médicaments est un chiffre extrêmement modeste, étant donné le pouvoir d'achat que nous pourrions développer. Nous pourrions aller chercher beaucoup plus.
Finalement, plusieurs économies ont été exclues du calcul. Rappelons-nous que les coûts administratifs des régimes privés sont en moyenne 10 fois plus élevés que ceux des régimes publics.
Le rapport ne prend pas en compte le fait que 30 % des coûts des régimes privés correspondent à la couverture privée des employés du secteur public. C'est donc le gouvernement qui dépense cet argent. On parle d'environ 3 milliards de dollars dépensés par le gouvernement pour la couverture privée en médicaments des employés du secteur public.
Ensuite, les subventions à caractère fiscal pour les régimes privés ainsi que les crédits d'impôt pour les soins médicaux représentent une dépense fiscale de 1,4 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral. Ce sont des éléments que j'aurais voulu voir apparaître dans le rapport, mais je comprends qu'on ait décidé de mettre l'accent sur un autre modèle plus restreint. Si on étend le modèle un peu plus loin, si on a une vision plus macroéconomique, on renforce les conclusions du rapport du directeur parlementaire du budget.
Cette semaine, avec le professeur Morgan, nous avons publié une analyse du régime québécois d'assurance-médicaments. Je me ferai un plaisir de vous soumettre une copie de cette analyse. Dans celle-ci, nous essayons de voir quels sont les résultats de ce modèle.
Il faut comprendre qu'au départ, lorsqu'on étudiait la question de la réforme de l'assurance-médicaments au Québec, toutes les recommandations allaient dans le sens de la création d'un régime public universel. Cependant, dans le contexte d'austérité budgétaire, il y a eu une forte pression des assureurs privés, une forte pression des chaînes de pharmacies et des entreprises pharmaceutiques, et on en est arrivé à un régime de compromis, qui est axé davantage sur une logique du secteur privé. On a donc mis en place un système basé sur l'assurance privée obligatoire, et en plus on a inclus une logique du privé. De fait, au lieu d'utiliser les outils institutionnels pour mieux contrôler les coûts, par exemple au moyen de la gestion active d'un formulaire de médicaments ou encore d'un système de prix de référence comme l'avait recommandé le rapport Gagnon, on a préféré essayer de contrôler les coûts en augmentant les coassurances et les franchises.
Si on mesure les résultats en ce qui touche l'accès aux médicaments au Québec, on peut effectivement affirmer que le régime québécois a permis d'étendre la couverture, puisque plus de gens ont accès aux médicaments, mais, en même temps, on a gardé des barrières financières importantes.
Si on mesure l'accès aux médicaments en utilisant comme indicateur le pourcentage de la population adulte qui n'a pas fait remplir au moins une ordonnance pour des raisons financières dans les 12 derniers mois, au Québec, cela touche 8,8 % des Québécois et Québécoises. C'est beaucoup mieux que dans le reste du Canada, où c'est 10,7 %. Toutefois, la moyenne pour les pays dotés d'un régime public universel est de 3,7 %. Comparativement à des pays qui possèdent un régime public universel, le Québec fait donc figure de cancre sur le plan de l'accès aux médicaments.
Nous avons aussi mesuré la question de l'équité. Nous avons montré que le régime québécois était très inéquitable de différentes manières. Tout d'abord, ce n'est pas un régime universel, donc ce n'est pas tout le monde qui a le même accès aux médicaments de la même façon. Ensuite, les primes pour les adhérents au régime public, calculées selon le revenu, sont relativement régressives. Un ménage dont le revenu est de 40 000 $ par année doit payer la prime annuelle maximale de 1 334 $, ce qui représente 3 % de son revenu. Un ménage dont le revenu est de 180 000 $ par année paie la même prime maximale, mais cela correspond à 0,8 % de son revenu. Du côté des primes privées, il n'y a aucun lien avec le revenu, alors on se retrouve avec des iniquités très grandes.
La prime est obligatoire, et celle d'un travailleur à temps plein va souvent être équivalente à celle d'un travailleur à temps partiel. Pour un travailleur à temps partiel ou un travailleur précaire, les primes peuvent atteindre de 10 à 15 % du revenu. On a même vu des cas où la prime d'assurance-médicaments représentait 35 % du revenu.
Aussi, suivant la logique du secteur privé où les gens mutualisent les risques de milieu de travail en milieu de travail, certains milieux de travail vont payer des primes plus élevées si on consomme plus de médicaments. Par exemple, une association de chauffeurs de taxi va se retrouver à payer des primes plus élevées que celles que paiera une association de professeurs d'université.
C'est sur le plan des coûts que l'analyse devient pour moi très importante. En 2014, ses dépenses élevées en médicaments par habitant plaçaient le Canada au deuxième rang parmi tous les pays de l'OCDE, après les États-Unis, et ce, malgré le fait que le Canada fait très mauvaise figure quant à l'accès aux médicaments.
Au Canada, on dépense annuellement 952 $ par habitant en médicaments. Le Québec est la province qui, de loin, dépense le plus en médicaments par habitant. Le Québec dépense 1 087 $ par habitant, alors que le reste du Canada dépense 912 $ par habitant. La médiane des pays de l'OCDE dotés d'un régime public universel d'assurance-médicaments est de 603 $ par habitant, et de plus, ces pays offrent un bien meilleur accès aux médicaments. Un montant de 603 $ par habitant, c'est 45 % de moins qu'au Québec.
Le régime hybride du Québec, qui comprend une assurance privée obligatoire, a été mis sur pied dans l'intention de faire diminuer les dépenses publiques en médicaments. Comparativement au reste du Canada, il n'y a pas eu de baisse des dépenses publiques en médicaments.
Toutefois, notre analyse démontre aussi que, sur le plan des dépenses financées par les ménages et les employeurs, le Québec dépense 205 $ de plus par habitant en médicaments.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître à nouveau devant le Comité.
Plutôt que de fournir une introduction complète, je vais simplement mentionner que, depuis ma dernière comparution devant le Comité, en avril 2016, j'ai publié 22 autres documents de recherche soumis à un comité de lecture sur les enjeux liés à l'accessibilité, l'abordabilité et la pertinence des médicaments sur ordonnance utilisés au Canada et dans des pays comparables.
Je suis heureux de dire que mes analyses économiques de l'assurance-médicaments universelle au Canada m'ont permis de remporter deux prix du meilleur article de l'année, un des Instituts de recherche en santé du Canada, et l'autre, du Journal de l'Association médicale canadienne.
Je vais appuyer ma déclaration sur les recherches importantes publiées depuis ma dernière comparution devant le Comité. Le premier article dont je veux vous parler n'est pas le mien; c'est plutôt celui du directeur parlementaire du budget.
Je crois que l'estimation du DPB fournit au Comité une analyse raisonnablement solide de ce que j'appellerais le pire scénario possible d'un programme national d'assurance-médicaments, qui, malgré tout, reste une option intéressante du point de vue éthique et économique.
Le DPB a estimé que les Canadiens renoncent actuellement à environ 50 millions d'ordonnances de médicaments qui pourraient être couverts par un programme universel d'assurance-médicaments en raison des coûts qu'ils doivent payer de leurs poches, soit parce qu'ils ne sont pas assurés, soit en raison des règles sur le partage des coûts de leur régime d'assurance. Le DPB estime qu'un programme d'assurance-médicaments universel pourrait aider les Canadiens à obtenir ces médicaments sur ordonnance et à profiter des avantages connexes sur la santé. Même si les Canadiens présenteraient 50 millions d'ordonnances supplémentaires dans le cadre d'un système universel d'assurance-médicaments, le DPB a estimé qu'un régime public universel d'assurance-médicaments permettrait aux Canadiens d'économiser 4 milliards de dollars par année.
Soyons clairs: le DPB a utilisé un certain nombre d'hypothèses susceptibles de surévaluer les coûts publics d'un régime universel d'assurance-médicaments au Canada. Ce peut être une bonne stratégie du point de vue budgétaire, pour le gouvernement, d'envisager le pire scénario, pour ensuite s'efforcer d'offrir le programme bien en dessous du budget prévu, mais il s'agit d'une estimation conservatrice en raison des hypothèses sous-jacentes du type de modélisation effectué.
Certaines des hypothèses, comme l'idée que le programme couvrirait les coûts de tous les médicaments figurant sur le formulaire québécois, ont été utilisées à la demande du Comité. D'autres hypothèses, comme la décision de ne pas regarder ce qui se fait à l'étranger pour déterminer ce que les systèmes de payeurs uniques paient pour les médicaments, découlaient probablement des contraintes temporelles auxquelles était soumise l'équipe chargée des analyses. Cependant, de façon générale, les estimations du DPB sont quasiment identiques au pire scénario possible tiré de mes modèles économiques publiés en 2015.
Vu l'alignement du cadre de modélisation du DPB avec les cadres de modélisation universitaires indépendants sur le même sujet, cette question peut maintenant être considérée comme close. Le Canada peut se permettre un système universel public d'assurance-médicaments, parce qu'il améliorera l'accès aux médicaments tout en nous permettant simultanément d'économiser des milliards de dollars par année. Quiconque dit le contraire est mal informé ou tente de mal informer d'autres personnes.
J'aimerais maintenant vous communiquer certaines constatations d'une recherche comparative sur les politiques que j'ai réalisée avec mes collègues de la Harvard University. Ces travaux concernent la façon dont les structures des cadres de couverture des médicaments et les politiques d'établissement des prix influent sur les coûts des médicaments et les coûts généraux pour la société.
La première chose que nous avons démontrée dans le cadre de cette recherche, c'est que la couverture importe. Les pays qui fournissent une assurance-médicaments universelle à peu ou pas de coûts directs pour les patients obtiennent de meilleurs résultats au chapitre de l'accès aux traitements nécessaires. En utilisant des données de sondages internationaux de 2015 et 2016, nous avons constaté que les Canadiens sont entre de deux à cinq fois plus susceptibles de déclarer ne pas avoir fait remplir une ordonnance en raison des coûts que les citoyens de neuf pays comparables offrant une assurance-médicaments universelle. C'est parce que des millions de Canadiens ne sont pas assurés ou ont une assurance assortie de modalités de partage des coûts assez brutales, comme des franchises et une coassurance, des mesures dont il a été prouvé qu'elles réduisent l'accès aux médicaments nécessaires.
Malgré les beaux discours des fabricants des médicaments et des groupes de réflexion qu'ils peuvent embaucher, le Comité ne doit pas être berné par les affirmations selon lesquelles il y a un manque d'accès aux médicaments novateurs dans les pays adoptant des modèles d'assurance-médicaments universelle. Tous les pays comparables à haut revenu offrant une assurance-médicaments universelle donnent un accès à des médicaments dont l'innocuité, l'efficacité et la rentabilité ont été prouvées dans leur système de soins de santé. Ce que ces pays ne font pas, c'est de fournir aux fabricants de médicaments l'accès aux marchés à des prix qui ne peuvent pas être justifiés par des données scientifiques de qualité concernant les comparaisons coûts-efficacité. C'est la raison pour laquelle les intervenants de l'industrie n'aiment pas les systèmes universels d'assurance-médicaments qui sont bien intégrés dans le système global de financement des soins de santé.
À ce sujet, la deuxième constatation découlant de notre recherche comparative sur les politiques dont je veux vous faire part, c'est que la façon dont les médicaments sont financés a un impact majeur sur le contrôle des coûts. Dans un article récent, nous avons montré que les systèmes avec un payeur unique pour financer les médicaments sur ordonnance obtiennent de meilleurs résultats en ce qui a trait au contrôle des coûts que les systèmes à payeurs multiples. En moyenne, les systèmes à payeur unique en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Suède et au Royaume-Uni coûtent 20 % de moins par habitant que les systèmes à payeurs multiples en Suisse, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas.
Malheureusement pour les Canadiens, nous avons constaté que le système de financement fragmenté du Canada était associé aux coûts les plus élevés de tous ces pays comparables tout en étant celui qui incite le moins à tenir compte des coûts au moment d'offrir une couverture et de prendre des décisions en matière de prescription.
Si le Canada devait intégrer les médicaments dans un système d'assurance-médicaments à payeur unique d'une façon comparable à ce qui se fait en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Suède ou au Royaume-Uni, nous pourrions économiser au moins 7 milliards de dollars par année tout en améliorant de façon marquée l'accès aux médicaments.
Cela m'amène à la dernière constatation pertinente de nos travaux sur la structure de financement des médicaments, c'est-à-dire qu'aucun des pays comparables dotés des systèmes à payeur unique pour les soins de santé n'utilise un système privé distinct pour financer les médicaments sur ordonnance. Tous les pays comparables intègrent les médicaments dans leurs systèmes d'assurance généraux et, par le fait même, fournissent aux gestionnaires du système des mesures incitatives et l'autorité morale de tenir compte minutieusement des coûts et des avantages des médicaments comparativement aux autres formes de soins pour les populations qu'ils servent. C'est l'une des raisons pour lesquelles les autres pays peuvent gérer efficacement les coûts des médicaments tout en conservant le soutien du public lorsqu'ils prennent des décisions difficiles, mais nécessaires au sujet des médicaments qui seront couverts et non couverts.
Le dernier domaine de recherche que je veux souligner concerne notre obligation de fournir une assurance-médicaments universelle et l'importance du rôle du gouvernement fédéral dans cette entreprise. Le Canada a ratifié des déclarations des Nations unies qui établissent le droit aux soins de santé, y compris le droit d'avoir accès à des médicaments essentiels sans obstacle financier, qui constitue un droit de la personne fondamental. Les États membres des Nations unies ont l'obligation d'assurer les droits fondamentaux de tous leurs citoyens, ce qui signifie que le gouvernement fédéral a la responsabilité précise de le faire, au Canada.
Malgré le caractère complexe de notre fédération, le Canada a réussi à respecter des normes nationales en matière d'assurance publique universelle pour les soins de santé et les services hospitaliers, ce qu'il a fait dans les années 1950 et 1960. Il l'a fait grâce à un système de partage des coûts visant à s'assurer que toutes les provinces pouvaient et allaient fournir les soins nécessaires à leurs résidents. Franchement, le Canada doit faire la même chose pour les médicaments sur ordonnance, ou au moins pour les médicaments essentiels.
Comme dans les chapitres précédents de l'histoire du régime d'assurance-maladie canadien, le gouvernement fédéral devra fournir un soutien pour que cela se produise. Certaines provinces ne peuvent pas offrir un système d'assurance-médicaments par elles-mêmes en raison de contraintes liées aux ressources. D'autres provinces ne peuvent pas le faire en raison d'intenses pressions régionales que les intervenants exercent sur les gouvernements qui veulent intégrer les produits pharmaceutiques dans le système de soins de santé de façon à réduire les coûts excessifs des médicaments dans notre système actuel. Les gouvernements sont plus forts lorsqu'ils agissent à l'unisson, et je crois que le contexte canadien exige du gouvernement fédéral qu'il crée un partenariat avec les provinces et les territoires.
La question deviendra peut-être ensuite celle de savoir par où il faut commencer. Plus tôt cette année, avec le Dr Nav Persaud et d'autres collègues de l'Université de Toronto, j'ai publié un article montrant que l'établissement d'une couverture publique universelle d'un ensemble limité de médicaments essentiels est un bon point de départ pour les gouvernements qui veulent adopter un système d'assurance-médicaments universel plus complet. Dans cette analyse, nous avons montré de quelle façon le fait de couvrir une liste d'un peu plus de 100 médicaments pourrait permettre de répondre aux besoins pharmaceutiques des trois quarts des Canadiens.
Même si une couverture publique plus complète reste l'objectif d'un programme national d'assurance-médicaments, le fait de commencer par les médicaments essentiels signifie qu'on n'aurait pas besoin de remplacer d'entrée de jeu les régimes d'assurance-médicaments privé et public déjà en place. Pendant que d'autres régimes sont éliminés progressivement, le programme des médicaments essentiels pourrait permettre de définir le processus canadien de couverture publique, peu importe le nombre de médicaments qu'il faut couvrir au départ vu le budget initial.
Plutôt que d'adopter l'approche historique qui consiste à définir quels Canadiens sont couverts pour quasiment tous les médicaments, cette approche permettrait de déterminer quels médicaments devraient être couverts pour chaque Canadien. On aiderait ici à respecter le droit à la santé des Canadiens, puisque l'obligation d'un État consiste non pas à fournir des médicaments à n'importe quelle fin et à n'importe quel prix, mais plutôt à assurer un accès universel aux médicaments qui répondent de façon sécuritaire et efficace aux besoins légitimes liés à la santé tout en le faisant à un coût qui peut être justifié et durable, vu les besoins divergents en matière de santé de notre population et les différents moyens de répondre à ces besoins en fonction des budgets disponibles.
Si le gouvernement fédéral fournissait, par exemple, 3 milliards de dollars par année, il pourrait financer jusqu'à 50 % des coûts associés à une liste raisonnablement complète des médicaments essentiels qu'on pourrait fournir à tous les Canadiens en un an. Durant ce temps, la liste des médicaments pourrait être dressée par un comité consultatif d'experts. Un processus d'appel d'offres pourrait être établi et appliqué pour les quelque 100 médicaments qui seraient retenus, et les provinces accepteraient assurément de participer en raison des économies budgétaires qu'elles pourraient réaliser et des avantages dont bénéficieraient leurs résidents.
Même s'il était limité à un petit nombre de médicaments, un tel programme serait susceptible de faire économiser aux ménages canadiens et aux entreprises canadiennes environ 6 milliards de dollars, générant des économies nettes de 3 milliards de dollars pour le Canada.
À mesure que le programme prend de l'expansion, on pourrait l'élargir jusqu'à ce qu'il soit aussi complet que le modèle d'assurance-médicaments dont le DPB a estimé les coûts. S'il est fondé sur les meilleures pratiques en matière d'approvisionnement dans le secteur pharmaceutique, le programme pourrait assurément entraîner des économies nettes supérieures à l'estimation de 4 milliards de dollars par année calculée par le DPB.
Je terminerai en disant qu'il y a des options évidentes et convaincantes pour adopter un système universel d'assurance-médicaments équitable et durable au Canada. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à nouveau afin de vous fournir les éléments probants dont vous avez besoin pour déterminer quelle sera la meilleure option pour les Canadiens.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux membres du comité de la santé de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Je suis ici non seulement en tant que président de Médecins canadiens pour le régime public, mais aussi en tant que médecin de famille à Toronto. En effet, je travaille dans les quartiers défavorisés du centre-ville de Toronto et je rencontre tout le spectre des patients, depuis les bénéficiaires d'aide sociale qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts jusqu'aux travailleurs pauvres en passant par ceux qui sont solidement ancrés dans la classe moyenne. Eh oui, je vois même quelques banquiers et consultants de Bay Street. Ma salle d'attente est toujours animée.
Fondé en 2006, Médecins canadiens pour le régime public représente des médecins de partout au pays et prône des réformes fondées sur des données probantes et des valeurs dans le cadre de notre système de soins de santé public.
En guise de contexte à ma déclaration d'aujourd'hui, je présenterai des copies d'un bref rapport que l'organisation Médecins canadiens pour le régime public a publié en partenariat avec le Centre canadien de politiques alternatives avant la parution du récent rapport du DPB sur les coûts de l'assurance-médicaments. Dans ce document, nous brossons un aperçu des dépenses publiques et privées actuelles consacrées aux médicaments sur ordonnance et certaines des économies potentielles auxquelles les Canadiens pourraient s'attendre grâce à la mise en place d'un programme universel d'assurance-médicaments.
Nous avons la chance aujourd'hui d'être en présence d'experts bien connus du domaine économique qui ont une grande expertise du dossier, et, même si je vais volontiers parler d'argent, je veux aussi axer ma déclaration sur les répercussions positives pour la santé que générerait un tel programme.
J'ai été très chanceux d'être né au Canada, d'y avoir grandi et d'y avoir fait tout mon cheminement scolaire, jusqu'à l'université. Et maintenant, j'ai la chance incroyable de pratiquer la médecine familiale dans notre système public universel à payeur unique. En tant que Canadiens, c'est quelque chose dont nous sommes vraiment fiers, et avec raison. Malheureusement, en tant que médecin de famille qui possède une pratique très diversifiée et travaille auprès d'un ensemble très diversifié de patients, je vois aussi de première main dans quelle mesure le même système public ne va pas assez loin. Chaque jour que je passe à la clinique, je constate de quelle façon les lacunes liées à la couverture et aux soins de santé font en sorte que de nombreux Canadiens passent entre les mailles du filet au sein de notre système incomplet.
Chez Médecins canadiens pour le régime public, nous sommes, bien sûr, fiers de notre système, et c'est la raison pour laquelle nous travaillons inlassablement, non seulement pour défendre les principes sur lesquels le système est fondé et sur lesquels il s'appuie, mais aussi pour trouver des façons de l'améliorer. Cela signifie bien sûr qu'il faut chercher des innovations qui rendront le système plus efficient et plus accessible tout en s'assurant d'obtenir les meilleurs résultats pour les Canadiens. Lorsque nous parlons d'assurance-médicaments, nous parlons d'un tel programme. Lorsque nous abordons cette question, nous la percevons comme la composante inachevée de l'assurance-maladie.
Lorsque je suis avec un patient et que j'exerce la médecine, il n'y a rien de pire que de réussir à poser un diagnostic, de discuter avec mon patient, de mettre au point un plan de traitement qui est sensé pour lui et pour moi, qui suis son médecin de famille — et cela exige souvent des médicaments sur ordonnance — seulement pour me rendre compte qu'il n'est pas admissible à un régime public fondé sur les revenus ou l'âge, qu'il n'a pas d'assurance liée à son emploi et que, s'il veut obtenir les médicaments en question, il devra puiser dans ses économies pour obtenir des soins médicaux nécessaires.
En fait, c'est une situation qui se produit si souvent que j'inclus des questions au sujet de l'assurance lorsque je rencontre un nouveau patient durant les rencontres d'accueil. Je pose ces questions, parce que je dois être au courant de la situation, je dois savoir en quoi cela sera un obstacle à des traitements et en quoi cela influera sur les soins que je peux ou non lui offrir. Lorsque la seule option d'un patient est de payer lui-même, le coût des médicaments commence aussi à influer sur d'autres décisions budgétaires, y compris le loyer, des aliments sains, de l'électricité et, bien sûr, les médicaments sur ordonnance nécessaires pour des raisons médicales.
C'est une situation qui s'applique tout particulièrement aux travailleurs pauvres et aux personnes qui ont un emploi précaire. Cela signifie que les patients vivent un phénomène qu'on appelle la « non-observation liée aux coûts », qui entraîne des hospitalisations inutiles et peut mener à des maladies. Cela signifie que des troubles médicaux chroniques, comme l'hypertension, ou un taux élevé de cholestérol, ne sont pas traités jusqu'à ce que des complications aiguës apparaissent, ce qui crée un fardeau inutile sur le patient en tant que tel, sa famille, ses êtres chers et l'ensemble de notre système de soins de santé.
On estime qu'entre 5 et 6 % des hospitalisations au Canada découlent du non-respect d'ordonnances, et que cela nous coûte environ 1,6 milliard de dollars par année. Même si nous ne connaissons pas le pourcentage de ces cas qui sont imputables au fardeau financier de l'achat des médicaments, nous savons que c'est un problème souvent mentionné, pas seulement par les médecins, mais par les patients. Par exemple, la non-observation liée aux coûts a été rapportée par 9,6 % des répondants ayant reçu une prescription de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2007. Les obstacles financiers à l'accès aux prescriptions nécessaires pour des raisons médicales sont surtout ressentis de façon marquée par les Canadiens à faible revenu, 20 % de ces répondants déclarant des problèmes de non-observation liée aux coûts.
Ici, en Ontario, où j'exerce, si une personne est assez vieille ou assez pauvre, elle peut être admissible à un régime public d'assurance-médicaments complet. Cependant, pour les Ontariens contractuels ou qui occupent des emplois précaires et qui ont peut-être exactement les mêmes maladies que leurs pairs admissibles en raison de leur revenu ou de leur âge, l'accès aux médicaments dépend entièrement de leur régime d'assurance privé ou du solde dans leur compte bancaire.
Par exemple, en 2015, le Wellesley Institute a déclaré qu'un Ontarien gagnant 100 000 $ ou plus par année avait plus de 90 % de chances d'avoir accès à un régime d'assurance-médicaments à son travail. Cependant, pour ceux gagnant moins de 10 000 $ par année, le pourcentage tombait à 20 %. Nous savons aussi, à la lumière de la littérature médicale, que la santé est associée à la richesse et au revenu et, bien sûr, ceux qui sont les moins susceptibles d'avoir accès à un régime d'assurance-médicaments sont aussi ceux qui sont les plus susceptibles d'en avoir besoin.
Si, plutôt, nous examinons les maladies non pas en fonction du revenu d'emploi, mais en tant que telles, une autre étude récente estime que la disparité liée à l'accès aux traitements chez les Ontariens en âge de travailler aux prises avec le diabète entraîne 700 décès prématurés par année. On parle de 700 décès prématurés liés à une maladie chaque année dans une province, en raison du manque d'accès à des traitements. Et là, on ne tient même pas compte des coûts ou des répercussions sociales associés aux complications du diabète, comme une insuffisance rénale chronique, des problèmes de vision, une cicatrisation défectueuse, la neuropathie périphérique et le risque accru de crises cardiaques et d'accidents vasculaires cérébraux.
Lorsque je parle à des collègues d'autres pays des raisons pour lesquelles je suis fier d'être un médecin au Canada, je mentionne le soulagement de savoir que le coût n'entre pas en ligne de compte lorsque les patients ont accès à des services hospitaliers ou aux services d'un médecin dont ils ont besoin pour des raisons médicales. Les faillites pour raisons médicales comme on en voit aux États-Unis sont heureusement rares, ici, mais nous ne pouvons pas faire fi du fardeau financier important associé à un diagnostic, lorsque nous n'avons pas accès aux médicaments sur ordonnance nécessaires.
J'ai été heureux de voir dans le récent rapport du DPB la reconnaissance des économies potentielles qu'un programme national d'assurance-médicaments pourrait générer au Canada, surtout lorsque j'ai vu les économies estimées à 4 milliards de dollars qui ont été calculées malgré des estimations prudentes et conservatrices des économies liées à l'administration et à la réduction du prix des médicaments.
Des économistes et des experts du DPB vous ont parlé du nombre de facteurs dont on tient compte lorsqu'on détermine les coûts potentiels de la mise en oeuvre d'un programme universel d'assurance-médicaments à payeur unique, ici, au Canada. Vous avez aussi, bien sûr, entendu parler des possibles économies financières qui découleraient d'un accès universel.
Ce que mes collègues de Médecins canadiens pour le régime public et moi ainsi que des médecins de partout au pays peuvent vous dire avec un fort niveau de certitude, c'est qu'un tel programme aurait un impact majeur et positif sur la santé des Canadiens ordinaires, sur les patients que nous voyons tous les jours dans notre cabinet. Sachez que, lorsqu'un Canadien se rend chez le médecin, les soins ne prennent pas fin lorsqu'il quitte le cabinet, et que les ordonnances nécessaires pour des raisons médicales qu'il a en main sont les médicaments les plus appropriés et les meilleurs médicaments disponibles à la lumière de ses besoins, et pas de sa capacité de payer.
L'heure est venue de combler cette lacune flagrante de notre système de soins de santé.
Merci.
:
Merci de m'avoir invité à nouveau.
[Français]
Je m'appelle Stephen Frank et je suis président-directeur général de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP. Je suis accompagné aujourd'hui de Karen Voin, vice-présidente, Assurance collective et Lutte antifraude, également de l'ACCAP.
[Traduction]
Au nom de l'industrie de l'assurance-vie et de l'assurance-maladie, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de nous adresser à vous encore une fois alors que vous terminez vos consultations sur cet important sujet qu'est l'assurance-médicaments.
[Français]
Notre association représente des sociétés détenant 99 % des régimes d'assurance-vie et d'assurance-maladie en vigueur au Canada. Dans tout le pays, 24 sociétés offrent de l'assurance-maladie complémentaire à plus de 28 millions de personnes. Notre industrie comprend des organismes sans but lucratif, comme la Croix Bleue, des sociétés de secours mutuel et de plus grandes entreprises. Nous travaillons de concert avec les employeurs pour offrir aux travailleurs canadiens une protection maladie complémentaire couvrant une large gamme de médicaments sur ordonnance, des services paramédicaux, comme les traitements de psychologues, de physiothérapeutes ou de chiropraticiens, de même que les examens de la vue, les lentilles et verres correcteurs et les soins dentaires, pour ne nommer que quelques-unes de nos garanties.
[Traduction]
L'industrie canadienne des assureurs de personnes du Canada croit que tous les Canadiens devraient avoir accès à des médicaments sur ordonnance abordables. Aujourd'hui, les coûts des médicaments sur ordonnance sont trop élevés, et nous savons qu'il y a des lacunes en ce qui a trait à la couverture. Cependant, d'importantes réductions des prix et un meilleur accès pour tous les Canadiens peuvent être réalisés aujourd'hui grâce au système actuel.
Les assureurs canadiens veulent vraiment aider et croient avoir beaucoup à offrir. Plusieurs initiatives mises en place par les gouvernements fédéral et provinciaux pourront changer la situation.
[Français]
Les modifications proposées au règlement du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, sont importantes, car elles fourniront au CEPMB les outils nécessaires pour réduire les coûts. Nous appuyons sans réserve l'orientation prise par le CEPMB et nous continuerons à collaborer avec les autorités afin de mieux les aider.
[Traduction]
De plus, par l'intermédiaire de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique ou APP, on pourra aussi réduire les coûts des régimes publics. Nous croyons que les gouvernements fédéral et provinciaux sont sur la bonne voie, mais ils doivent aller plus loin. L'approche actuelle tire seulement parti de la moitié du pouvoir d'achat du marché canadien dans le cadre des négociations, et cela fait en sorte que les Canadiens qui ont des assurances privées ou qui doivent payer de leur poche doivent se défendre par eux-mêmes. Cette situation entraîne des prix qui sont plus élevés qu'ils ne devraient l'être, et cela contribue aussi à des prix inégaux pour les mêmes médicaments un peu partout au Canada.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a une façon facile de régler ces deux problèmes. Les régimes privés doivent être inclus dans l'APP. Cela permettrait aux gouvernements de négocier les meilleurs prix possible, en misant sur l'ensemble du volume du marché canadien, tout en s'assurant que tous les Canadiens seront traités équitablement et qu'ils payent le même prix pour les mêmes médicaments.
Au bout du compte, l'industrie canadienne des assureurs de personnes croit que la meilleure solution pour assurer une couverture durable des médicaments sur ordonnance en est une qui réunit les forces des systèmes public et privé. Nous travaillons en collaboration avec les employeurs pour offrir un accès à un large éventail de médicaments sur ordonnance grâce à des régimes d'assurance-médicaments des employeurs. Les Canadiens aiment leurs régimes d'avantages sociaux, qui leur fournissent un accès rapide à plus de 12 000 médicaments sur ordonnance. Le sondage de Sanofi, en 2016, souligne l'importance que les employés accordent à leur assurance-médicaments: 94 % d'entre eux ont indiqué que leurs régimes d'assurance-médicaments sont très importants ou assez importants. L'une des raisons pour lesquelles les employés aiment autant leurs régimes d'assurance-médicaments, c'est que les nouveaux médicaments sont approuvés plus rapidement que dans les régimes privés, ce qui donne aux Canadiens un accès plus rapide aux médicaments nouveaux et novateurs et qu'il y a, généralement, moins de restrictions.
Cependant, il y a des lacunes dans le système canadien, et il est crucial de comprendre ces lacunes si nous voulons trouver des solutions appropriées et ciblées. Il y a des Canadiens qui n'ont pas accès à un régime public ou privé ou qui ne bénéficient peut-être pas d'une couverture adéquate. Nous devons cibler et coordonner nos efforts pour comprendre où sont ces lacunes afin de trouver des solutions réalisables et ciblées.
Le rapport que le Bureau du directeur parlementaire du budget a présenté au Comité il y a quelques semaines présente les coûts liés à l'adoption d'un système universel à payeur unique ainsi que les économies qu'on pourrait tirer de l'achat en masse. Même avec des hypothèses optimistes, les coûts seraient de près de 20 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral. Pour ce qui est des économies estimées, on prévoit qu'elles découleront principalement d'une meilleure négociation des prix des médicaments grâce au pouvoir d'achat total du marché canadien. Comme je l'ai décrit plus tôt et comme je tiens à le souligner, rien ne nous empêche d'aller dans cette direction dès maintenant en incluant les assureurs dans le giron de l'APP.
Au bout du compte, les économies prévues liées aux dépenses générales pour des médicaments peuvent être réalisées aujourd'hui avec un minimum de perturbations et sans retirer l'accès à un large éventail de régimes d'assurance des médicaments sur ordonnance que les employés canadiens apprécient autant.
[Français]
Pour terminer, je dirai que notre industrie tient à collaborer étroitement avec les gouvernements et ainsi contribuer à l'amélioration du système de santé canadien.
Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.
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Dans ce cas-là, la question suivante consiste à savoir qui administrera le formulaire. Si on envisage un modèle à payeur unique, un formulaire sera administré à l'échelon fédéral, ou est-ce que le système sera administré par les provinces et les territoires, comme c'est le cas pour le reste du régime d'assurance-maladie?
Ma conclusion, c'est que les provinces ont dépensé 13,1 milliards de dollars pour les régimes publics l'année dernière pour offrir une couverture à leur population assurée; elles ont donc déjà de solides mécanismes de paiement aux pharmaciens et aux autres intervenants pour soutenir ce système public.
C'est une chose que je n'aime pas dans le rapport. On indique que les coûts pour le gouvernement fédéral s'élèveraient à 20,4 milliards de dollars, mais, en fait, 13,1 milliards de dollars sont déjà dépensés à l'échelon provincial. Si l'on pense à qui paye et comment nous pouvons nous le permettre, il y a d'autres niveaux de paiement. Du côté des assurances privées, le montant s'élevait à environ 9 milliards de dollars, mais, de ce nombre, près du quart étaient destinés aux municipalités, aux universités, aux écoles, aux hôpitaux et aux gouvernements, qui, là aussi, relèvent du contrôle provincial, et il a été possible de payer.
Selon mes calculs, si on regarde ce que comprennent déjà les régimes publics et vu que le quart des milieux de travail sont assurés, la couverture s'élève déjà à 15,8 milliards de dollars, et, en fait, il reste seulement environ 3,5 ou 3,7 milliards de dollars à l'échelon fédéral. Et là, c'est si on présume qu'on libère tous les employeurs afin que tous leurs employés soient maintenant assurés sans qu'ils n'aient à leur payer des avantages sociaux.
Est-ce que ce que je dis est logique selon vous? Ces chiffres représentent-ils selon vous fidèlement ce à quoi on peut s'attendre?
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Oui, je voulais aborder la notion de la réduction des coûts d'administration, dont, si je ne m'abuse, quelqu'un a parlé.
Je tiens à rappeler à tous les membres du Comité que nous n'administrons pas les régimes d'assurance-médicaments. Nous administrons tout ce qui concerne les prestations supplémentaires, qui incluent un large éventail de choses: l'assurance dentaire, les soins paramédicaux, les soins de la vue et les hôpitaux. On ne peut pas présumer que, si le gouvernement s'occupait des médicaments sur ordonnance, les coûts payés par les employeurs qui fournissent ces services disparaîtraient. Je crois qu'il faut faire attention lorsqu'on parle, ici, d'économies de milliards de dollars.
L'autre chose que je veux souligner, c'est que, généralement, lorsqu'on passe d'un régime privé à un régime public, beaucoup de personnes qui, aujourd'hui, sont couvertes pour certaines choses ne seront plus couvertes par un régime public.
C'est quelque chose qui est mentionné dans le rapport du DPB. C'est dit presque en passant, lorsqu'il est question des 3,9 milliards de dollars dépensés. On présume tout simplement que ces coûts continueront d'être assumés par les employeurs. Je crois que le Comité doit réfléchir à ce que signifient ces 3,9 milliards de dollars. Il s'agit de centaines de milliers de personnes qui sont actuellement remboursées pour des traitements, et le modèle présume qu'elles ne seront plus couvertes à l'avenir, et qu'elles devront trouver une couverture d'une façon ou d'une autre.
Franchement, lorsque nous parlons aux employeurs — et nous avons beaucoup d'expérience, particulièrement auprès des syndicats du secteur public et auprès de quiconque est couvert par une convention collective —, c'est la plus importante réticence à l'égard du changement. Les assureurs veulent fournir des outils de gestion des médicaments vraiment solides et de pointe. Ce sont les employeurs qui hésitent à le faire. Dans certains cas, ce sont les personnes visées par des conventions collectives et les agents de négociation qui seront les plus difficiles à convaincre, parce qu'ils savent très bien ce à quoi ils devront renoncer.
Le Comité doit comprendre qu'il y a des coûts associés au fait de passer d'un régime privé à un régime public. Des gens seront laissés pour compte, et le processus ne sera pas si facile que le décrivent les nombreuses personnes qui le proposent.
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La première chose dont vous avez besoin est un formulaire fondé sur des données probantes. Les habitudes des médecins prescripteurs doivent s'appuyer sur la médecine factuelle, et non sur la promotion faite par les sociétés pharmaceutiques. C'est très important.
En ce qui concerne ces conflits d'intérêts, on pourrait prendre par exemple la crise des opioïdes qui fait couler beaucoup d'encre actuellement. Souvenez-vous qu'une société pharmaceutique avait lancé une grande campagne promotionnelle qui était fausse sur toute la ligne. Parce qu'elle a fait des allégations fallacieuses, la société a dû acquitter une amende de 20 millions de dollars. Quand l'OxyContin est arrivé, les régimes privés ont décidé de ne mener aucune étude clinique. C'était approuvé par Santé Canada, alors ils se dépêchaient de couvrir ce médicament le plus rapidement possible. Formidable.
C'est quand les problèmes surviennent qu'on se demande ce qu'il faut faire. À l'heure actuelle, nous ne disposons même pas des bases de données nécessaires pour avoir un portrait de ce qui est prescrit, ou, par qui et pour quelles affections; il s'agit d'outils essentiels si notre objectif est d'avoir un régime fondé sur la médecine factuelle et non sur les campagnes promotionnelles des sociétés pharmaceutiques.
Selon moi, un régime d'assurance-médicaments universel nous aiderait également à élaborer les outils institutionnels dont nous avons besoin pour surveiller ce qui se passe, au lieu de nous précipiter pour couvrir les nouveaux médicaments afin d'offrir les remboursements. Ce n'est pas ça. Il faut comprendre les effets des médicaments. Est-ce qu'un médicament est bénéfique ou néfaste? Quel est son prix? En l'absence de plafond ou de normes pour prendre ce genre de décision, on se retrouve avec une situation anarchique.
Reprenons l'exemple de Steve avec les deux personnes qui vont acheter une voiture au concessionnaire d'automobiles. Qu'arrive-t-il si ces deux mêmes personnes se rendent chaque jour au même concessionnaire? Le concessionnaire d'automobiles va-t-il, au bout du compte, leur offrir une bien meilleure voiture à bas prix, ou va-t-il plutôt leur donner un tas de ferraille au prix fort? C'est exactement la même chose qui se produit actuellement. Certaines sociétés pharmaceutiques ne se préoccupent que des régimes privés, par exemple la société Valeant: il ressort clairement chaque année dans son rapport annuel qu'elle se soucie davantage des régimes privés, et puisqu'il n'y a aucune évaluation des technologies de la santé, elle ne ressent essentiellement aucune pression financière. La société axe ses activités sur les régimes privés parce qu'elle sait qu'elle n'aura pas à s'embarrasser de la sensibilité au prix.
Voilà donc exactement le type de marché qui est en train d'émerger pour les sociétés pharmaceutiques, et cela pose un énorme problème. Si nous voulons un régime qui fonctionne bien, si nous voulons que les sociétés pharmaceutiques entreprennent des études sur les nouveaux produits qui aideront de façon réelle la population, nous avons besoin d'un formulaire fondé sur des données probantes qui s'applique à tous.
Merci beaucoup. Je peux reprendre la parole.
J'aimerais revenir au point dont nous discutions, le fardeau pour le gouvernement fédéral, puisqu'il ne s'agit pas d'une somme de 20,4 milliards de dollars ni de 19,3 milliards de dollars. Les régimes publics vont s'appliquer, et les coûts sont déjà couverts à hauteur de 13,1 milliards de dollars. Je ne pense pas qu'une transformation radicale soit nécessaire. Ces patients sont déjà des usagers du système. Ils consultent déjà leurs médecins, ils font déjà exécuter leurs ordonnances dans les pharmacies. Ils se font déjà rembourser par les provinces et territoires. Le problème, à mon avis, a trait aux 15,6 millions de personnes qui ont un emploi aujourd'hui, en 2017 — leur nombre a considérablement augmenté depuis octobre 2015, permettez-moi de le dire — qui bénéficieront pour la plupart d'une certaine assurance-médicaments, grâce à leurs employeurs. Les employeurs publics et privés dépensent 9 milliards de dollars pour assurer ces travailleurs.
Que recommanderiez-vous? Le directeur parlementaire du budget a dit que, malgré les régimes publics, il y avait un écart de 7,3 milliards de dollars, et pourtant, les employeurs dépensent 9 milliards de dollars. Je suis assez âgé pour me souvenir du moment où nous sommes passés de Green Shield et de la Croix Bleue pour tous les soins assurés, et, en Ontario, l'Assurance-santé et le régime de santé ont été créés; les employeurs devaient cotiser, mais devaient en échange s'assurer que leurs employés cotisaient.
Avez-vous des conseils ou des commentaires à formuler à ce propos? Est-ce que cette somme de 9 milliards de dollars que les employeurs dépensent aujourd'hui devrait rester là comme une aubaine ou est-ce que nous devrions essayer d'en reprendre une partie, en leur laissant une partie de l'aubaine mais en en utilisant une partie pour couvrir cette partie de la population?