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Je vous remercie de m'accorder le privilège de m'adresser au Comité. Je suis ici à titre de présidente de Choisir avec soin.
Choisir avec soin est une campagne nationale menée par des cliniciens dans le but d'aider les cliniciens et les patients à engager un dialogue au sujet des examens, des traitements et des interventions inutiles afin de permettre aux patients de faire des choix éclairés. Nous organisons également des campagnes internationales avec la communauté Choisir avec soin, qui compte actuellement des membres dans 20 à 25 pays partout dans le monde.
Selon des données de l'Institut canadien d'information sur la santé, jusqu'à 30 % des examens et des traitements que nous faisons sont inutiles, ce qui signifie qu'ils n'améliorent pas la santé des patients, et dans certains cas, ils peuvent même être nocifs. Les utilisations inutiles d'antibiotiques en sont certainement un exemple: elles n'apportent pas nécessairement d'avantages aux patients, elles peuvent lui nuire et elles peuvent avoir une incidence néfaste sur l'ensemble de la société puisqu'elles sont un élément moteur de la résistance aux antimicrobiens.
Comme vous le savez très bien, la résistance aux antimicrobiens est un problème mondial. Ses causes vont bien au-delà des soins de santé humaine, et les solutions doivent être multifactorielles. Cependant, dans le domaine des soins de santé, les antibiotiques sont utilisés abusivement et inutilement dans les hôpitaux, dans les cliniques externes et de soins primaires, ainsi que dans les établissements de soins de longue durée.
Je vais vous expliquer en partie pourquoi les antibiotiques sont surutilisés et je vais vous présenter des pistes de solutions. Il est important de souligner que la surutilisation de nombreux examens et traitements, comme les antibiotiques, est une question complexe. La surutilisation est intégrée dans notre régime et dans notre culture médicale. Des facteurs liés aux cliniciens, aux patients et aux systèmes entraînent la surutilisation.
Les cliniciens prescrivent inutilement des antibiotiques pour des raisons diverses. Ils croient que les patients veulent une ordonnance et ils souhaitent leur faire plaisir. Si vous êtes avec un parent dont l'enfant n'a pas dormi de la nuit parce qu'il a mal aux oreilles et qu'il fait de la fièvre, vous voulez procurer du soulagement. Il peut être long d'expliquer à une mère que son enfant a une infection virale et non bactérienne et que des antibiotiques n'aideront pas; nous savons donc qu'il est souvent plus facile d'écrire une ordonnance.
Les recherches ont aussi montré que, de façon générale, les patients se sentent soulagés s'ils ont l'impression qu'un médecin les a écoutés et a prêté attention à leurs symptômes. Ils n'ont pas nécessairement besoin de l'ordonnance. Franchement, dans une clinique très occupée, les médecins pressés peuvent trouver plus facile d'écrire une ordonnance que d'avoir une discussion qui pourrait être difficile.
Dans la population générale, comme vous le savez, beaucoup croient à tort que les antibiotiques peuvent être efficaces pour guérir les rhumes et les infections virales. Nous vivons dans une société où les gens s'attendent à ce que les médicaments soient des solutions miracles et à ce qu'il y ait une pilule magique pour chaque mal. C'est la culture dans laquelle nous vivons. Les patients se présentent souvent chez le médecin en s'attendant à repartir avec une ordonnance. En outre, ils ne sont pas au courant des risques posés par les examens et les traitements inutiles en général, et certainement par les antibiotiques en particulier.
Enfin, des facteurs liés au système de soins de santé contribuent aussi aux utilisations inutiles d'antibiotiques. Par exemple, les systèmes d'information employés au Canada ne donnent pas de rétroaction aux médecins et aux autres cliniciens sur leurs pratiques d'ordonnance. Les systèmes informatiques utilisés dans les hôpitaux et les cliniques sont très différents les uns des autres; pourtant, ils pourraient être employés pour aider les prescripteurs à choisir les antibiotiques adéquats. De plus, les hôpitaux utilisent des modèles d'ordonnances, qui sont en gros des ordonnances rédigées d'avance pour des situations données. Ces modèles d'ordonnances favorisent peut-être la surutilisation.
Quel est le rapport entre tout cela et Choisir avec soin? Selon nous, les changements s'opèrent de l'intérieur. À notre avis, ce sont les professionnels de la santé qui doivent mener les efforts pour lutter contre la surutilisation en général, et l'utilisation abusive des antibiotiques en particulier. Pour ce faire, nous travaillons avec des sociétés nationales spécialisées. À l'heure actuelle, environ 60 organisations participent aux efforts; elles comprennent des associations de médecins de famille, de spécialistes, de personnel infirmier, de pharmaciens et de dentistes. Ces sociétés dressent une liste de recommandations Choisir avec soin pour leur spécialité. Elles sélectionnent un minimum de cinq examens et traitements qui sont cliniquement inutiles ou qui pourraient nuire à la santé des patients. Comme ce sont les médecins, les infirmiers ou les cliniciens mêmes qui dressent les listes, la campagne est toujours menée par la base, ce qui est plus efficace, à notre avis, que l'approche descendante.
À l'heure actuelle, il y a approximativement 270 recommandations Choisir avec soin, dont environ 20 portent précisément sur les antibiotiques. Je vais vous donner deux exemples. Le premier concerne la médecine familiale: « N'utilisez pas d'antibiotiques pour traiter une infection des voies respiratoires supérieures vraisemblablement d'origine virale. » Le deuxième touche la médecine d'urgence: « Ne prescrivez pas un antibiotique aux adultes et aux enfants atteints de maux de gorge sans complication. »
Une autre façon de faire participer les cliniciens est en travaillant avec la prochaine génération. Nous visons à enseigner dans les écoles de médecine. Il y a deux ans, nous avons lancé un programme très intéressant appelé ESPOIRS. En fait, le programme a été créé par des étudiants. L'acronyme ESPOIRS correspond à « étudiants et stagiaires pour l'optimisation de l'intendance des ressources en santé ». Il s'agit d'une campagne de la base, dirigée par des étudiants et visant à changer la culture des études de médecine et à lutter contre les comportements qui entraînent la surutilisation.
Nous devons aussi déployer des efforts pour modifier les attentes des patients et de la population, ce qui représente, évidemment, un défi majeur. Pour y arriver, nous avons mis en oeuvre de nombreuses stratégies visant à promouvoir le message que trop, c'est comme pas assez. Vous avez peut-être vu notre image d'un hot dog couvert de moutarde. Bien sûr, le message est le même en ce qui concerne précisément les antibiotiques.
La campagne cherche à atteindre la population générale par l'intermédiaire des médias. Nous avons travaillé avec des médias d'information et des stations de radio et de télévision. Nous avons aussi rédigé des lettres d'opinion. Plus précisément, nous avons lancé des campagnes ciblées pour sensibiliser les patients lorsqu'ils sont dans le bureau du médecin, au moment où ces préoccupations sont au premier plan. Par exemple, nous avons distribué des affiches dans les cabinets de tous les médecins de famille de l'Ontario, des affiches qui transmettent le message que ce n'est pas en prenant plus d'antibiotiques que vous vous débarrasserez de votre rhume. Nous avons créé ces affiches et d'autres documents à l'intention des patients parce que nous voulons les encourager à poser trois questions: ai-je vraiment besoin d'antibiotiques; quels sont les risques; et y a-t-il des options plus simples ou plus sécuritaires?
Enfin, nous devons prendre des mesures à l'égard des facteurs liés au système de soins de santé. Le milieu clinique dans lequel les médecins travaillent a une grande influence sur leur pratique. Pour venir à bout des facteurs liés au système qui entraînent la surutilisation, nous avons tenté de rassembler les acteurs qui influent sur le milieu de la pratique médicale et de faire en sorte qu'il soit plus facile pour les médecins de prendre la bonne décision, c'est-à-dire d'éviter les ordonnances inutiles.
De plus en plus de données recueillies dans le cadre de projets de démonstration menés au Canada montrent que nous pouvons transformer le milieu de la pratique médicale. Par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, le groupe Choisir avec soin fournit aux médecins de première ligne des données comparatives sur leurs pratiques d'ordonnance et celles de leurs collègues. En outre, il mène une vaste campagne de sensibilisation du public concernant les utilisations inutiles d'antibiotiques.
Choisir avec soin appuie la collectivité croissante de cliniciens novateurs. De fait, plus tôt aujourd'hui, près de 100 groupes ont participé à un webinaire sur les antibiotiques et les façons de les éviter. D'un océan à l'autre, des cliniciens oeuvrant dans des lieux divers, tels que des hôpitaux et des cliniques, ont commencé à adopter des mesures d'amélioration de la qualité pour promouvoir la recommandation selon laquelle trop, c'est comme pas assez.
Enfin, bien entendu, la résistance aux antimicrobiens est une préoccupation d'ordre mondial. Comme je l'ai déjà dit, entre 20 et 25 pays membres de la communauté Choisir avec soin travaillent ensemble. Nous collaborons aussi avec l'OCDE, par exemple, qui a mesuré les taux d'utilisation d'antibiotiques dans différents pays. Comme vous le savez peut-être, notre utilisation d'antibiotiques est beaucoup plus élevée que celle d'autres pays. De fait, elle est deux fois plus élevée que celle des Pays-Bas. Nous tentons donc de comprendre comment nos collègues néerlandais ont réussi à faire mieux que nous, surtout dans le contexte des cliniques externes.
En résumé, il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous demeurons optimistes. Nous sommes d'avis que l'utilisation inutile d'antibiotiques fait simplement partie de la culture médicale, tout comme l'utilisation abusive d'autres examens et traitements. Or, si nous pouvons mobiliser les médecins et les professionnels de la santé pour qu'ils contribuent aux changements en faisant preuve de leadership, nous arriverons à apporter des changements.
Les médecins ne sont pas le seul élément moteur. Nous travaillons dans un système complexe qui regroupe des facteurs divers liés aux cliniciens, aux patients et au système de soins de santé. En favorisant le leadership des cliniciens et en éduquant les patients, nous pouvons encourager les médecins et les patients ou le personnel infirmier et les patients à entamer des discussions dans le but de déterminer si le patient a réellement besoin d'antibiotiques. Nous employons des stratégies éclairées fondées sur des données probantes pour apporter des changements et pour travailler avec tous les acteurs du vaste réseau des soins de santé — les cliniciens, les patients, le public et les organisations de fournisseurs de soins de santé — dans le but de transmettre le message que dans le domaine de la santé, trop, c'est comme pas assez, surtout en ce qui concerne les antibiotiques.
J'ai très hâte de discuter avec vous.
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Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs. Je suis honoré d'avoir le privilège de pouvoir venir vous parler de la résistance aux antimicrobiens, ou la RAM.
Je m'adresse à vous en ma qualité de directeur du Programme de gestion des antimicrobiens du Sinai Health System et du Réseau universitaire de santé, deux organismes de soins de santé universitaires de Toronto largement reconnus comme des chefs de file du domaine des soins de santé aux échelles locale, provinciale, nationale et internationale.
Je souligne, sans faire de sémantique, que je vais employer les termes « antibiotiques » et « antimicrobiens » de façon interchangeable durant mon exposé.
Je suis devenu infectiologue parce que je voulais guérir les gens. Les antibiotiques sont comme un remède miracle. Ils ont la même valeur pour les infectiologues que les scalpels pour les chirurgiens. La seule différence, c'est que ce ne sont pas les infectiologues qu'on glorifie, mais plutôt les antibiotiques.
Aujourd'hui, on ne peut plus se fier à n'importe quel antibiotique pour guérir les gens. Souvent, les médecins ne font que deviner quelle infection ils soignent, et ils se trompent fréquemment. De plus en plus souvent, même lorsqu'ils savent à quelle infection ils ont affaire, les médecins sont incapables de choisir un antibiotique curatif.
En tant que patients éventuels, vous devriez avoir peur. En tant que législateurs, vous devriez être poussés à agir devant la crise de santé publique mondiale la plus importante de notre génération.
Durant mon exposé, je vais répondre à quatre questions. Premièrement, que sont les antibiotiques? Deuxièmement, qu'est-ce que la RAM? Troisièmement, pourquoi le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes et la population canadienne devraient-ils se soucier de la RAM? Quatrièmement, qu'est-ce que le Programme de gestion des antimicrobiens du Sinai Health System et du Réseau universitaire de santé peut vous apprendre, à vous et au Canada, sur la lutte contre la RAM?
Que sont les antibiotiques? Pour survivre, les organismes qui se trouvent dans l'environnement, surtout les bactéries et les champignons, luttent les uns contre les autres. Grosso modo, les antibiotiques sont les armes que les champignons utilisent pour repousser les bactéries. Alexander Fleming nous a appris à exploiter ces armes pour tuer les bactéries. Ainsi, aujourd'hui, non seulement les bactéries environnementales, mais aussi les bactéries animales, ichtyennes, aviaires et humaines — les microbiomes — sont exposées intentionnellement aux antibiotiques.
Qu'est-ce que la RAM? La résistance aux antimicrobiens, ou la RAM, est un exemple élémentaire de sélection darwinienne. La plupart des bactéries qui sont exposées aux antibiotiques meurent, mais celles qui ont aléatoirement subi une mutation les rendant résistantes aux antibiotiques finissent par prospérer. Les nouvelles souches de bactéries ainsi créées sont donc résistantes aux antibiotiques. Il faut seulement deux éléments pour que la RAM se manifeste: des bactéries et des antimicrobiens. La RAM se produit naturellement dans l'environnement, mais lorsque les gènes qui rendent les bactéries résistantes aux médicaments se répandent dans une collectivité, une exploitation agricole ou un ménage, il n'est pas toujours possible de renverser la croissance de la résistance aux médicaments.
Les bactéries humaines ne devraient pas vraiment être naturellement résistantes aux antimicrobiens. Normalement, nous ne sommes pas en contact étroit avec les champignons et leurs antibiotiques. Il devrait donc en être de même pour nos bactéries, à moins que nous soyons exposés aux antibiotiques. Plus nous utilisons des antibiotiques et plus nous en abusons, plus notre microbiome risque de devenir résistant. La situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement a été causée par l'utilisation peu utile, abusive et incontrôlée d'antimicrobiens à l'échelle mondiale.
Pourquoi le Comité et la population canadienne devraient-ils se soucier de la RAM? Les Canadiens sont fiers de leurs soins de santé. Aujourd'hui, ils ont des attentes relativement à la sûreté des grossesses, des accouchements et des soins néonataux; à la gestion d'infections courantes, comme la pneumonie ou les infections urinaires; aux interventions chirurgicales courantes; et même aux greffes d'organes et de cellules souches. Or, la résistance aux antimicrobiens menace la sûreté de ces soins. Dans certains cas, il s'agit d'une menace actuelle et non d'une future menace.
Aux États-Unis, jusqu'à la moitié des agents pathogènes qui causent des infections chez les patients atteints de cancer et ceux ayant subi une intervention chirurgicale sont déjà résistants aux antibiotiques de première intention. J'aimerais beaucoup vous présenter des données canadiennes, mais nous n'en avons pas; toutefois, la situation est probablement comparable. Lorsque j'ai commencé à pratiquer la médecine, il n'y avait pas d'infection impossible à soigner. Aujourd'hui, les médecins comme moi doivent couramment avoir recours à de nouveaux traitements pour soigner des infections courantes. La résistance aux médicaments a rendu de nombreux antibiotiques tellement obsolètes que les fabricants ont arrêté de les produire et les cliniciens ont arrêté d'apprendre à leur sujet.
Lorsque j'ai commencé à pratiquer la médecine, le seul sigle courant qui se trouvait dans le lexique médical relatif à la RAM était « SARM », ou le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline. Aujourd'hui, la liste comprend, entre autres, les sigles suivants: KPC, BLSE, NMDA1, ERV et ICD.
L'insécurité de l'approvisionnement d'antibiotiques — je ne me rappelle pas la dernière fois où il n'y avait pas de pénurie d'un type quelconque d'antimicrobien — aggrave le problème. Les organismes résistants aux médicaments coûtent des milliards de dollars au système de soins de santé. Ces coûts s'ajoutent au plus de 1 milliard de dollars que nous dépensons pour payer les médicaments d'ordonnance au Canada, dont environ la moitié sont utilisés inutilement.
Selon les estimations de la Banque mondiale, le risque de RAM est plus important que la crise financière mondiale d'il y a 10 ans. De façon plus importante, elle menace la sécurité nationale et la sécurité publique et menace les Canadiens encore plus que la violence et les accidents. Toutefois, la RAM ne fait pas les manchettes. Il n'y a pas de marche, de course, de randonnée de vélo, de tournoi de golf ou de gala organisés pour la résistance aux antimicrobiens. Il n'y a pas de ruban et l'industrie pharmaceutique a pris ses distances par rapport au développement des antimicrobiens.
On a incité les gouvernements à investir dans les approches industrielles à l'égard de la RAM, qui sont nécessaires, soit dit en passant, mais cela s'est fait au détriment de l'investissement dans les domaines éprouvés de la santé publique, animale, agricole et environnementale, qui explorent les déterminants sociaux de la santé. Je m'en voudrais de ne pas souligner l'importance de ce besoin chez nos populations autochtones.
Qu'est-ce que vous et le Canada pouvez apprendre sur la lutte contre la RAM par l'entremise du programme de gérance des antimicrobiens du Réseau de santé Sinai et du Réseau universitaire de santé? C'est le premier et le plus important en son genre au Canada. Il tient compte de toutes les bonnes mesures à prendre pour lutter contre la RAM au Canada, mais jette aussi la lumière sur tout ce qui nuit à la progression de cette lutte. En 2009, les dirigeants des hôpitaux pour lesquels je travaille, qui tiennent les cordons de la bourse, ont reconnu le besoin d'investir plus pour améliorer les soins offerts aux patients et la sécurité. Ils ont demandé la mise sur pied d'un programme en matière de responsabilisation et ont laissé les experts comme moi mener le bal. Au bout du compte, les deux organisations ont compris que la collaboration et l'établissement d'un programme conjoint associé à une surveillance partagée amélioreraient l'efficacité des deux programmes. Il a fallu conclure des ententes et mettre en oeuvre des politiques à cette fin, mais on a réussi.
Notre programme repose sur des investissements permanents importants, et nous sommes obsédés par la surveillance et les études épidémiologiques de grande qualité sur la RAM et l'utilisation des antimicrobiens dans nos hôpitaux. Au fil du temps, nous avons mis sur pied une équipe interprofessionnelle qui compte du personnel infirmier, des pharmaciens, des médecins, des professionnels des données et de l'informatique, de même que des experts en matière de gestion et de mise en oeuvre des projets.
Nous avons commencé à l'échelle locale et avons réussi à améliorer l'utilisation des antibiotiques en plus de réaliser des économies. En misant sur ces réussites, le Council of Academic Hospitals of Ontario, et plus tard Qualité des services de santé Ontario, ont financé l'exportation de notre programme et de notre approche dans d'autres administrations. L'écosystème que nous avons développé s'est étendu à Santé publique Ontario de même qu'à des projets de recherche nationaux et internationaux, et a aidé à former les leaders des autres provinces en matière de RAM.
Nos pharmaciens coordonnent la formation offerte aux autres pharmaciens à l'échelle nationale et offrent un cours novateur et révolutionnaire axé sur la gérance des antimicrobiens. Notre infirmière coordonnatrice, qui occupe le premier poste en son genre au Canada, est déterminée à faire des connaissances sur les infections et les antibiotiques une compétence de base pour le personnel infirmier.
Nous avons aussi convaincu les dirigeants du secteur de la santé que ces programmes avaient besoin de professionnels en matière de gestion de projets et de programmes. Notre gestionnaire est en grande partie responsable de notre croissance et de notre réussite.
Nous avons aussi établi des pratiques exemplaires et en avons facilité l'accès pour les fournisseurs. Nous avons fait preuve de transparence dans nos réussites et nos échecs, car oui, nous avons échoué à maintes reprises. Vous pouvez consulter notre site Web, antimicrobialstewardship.ca, à cet effet. Nous menons également des activités de recherche importantes et en constante évolution afin de trouver des façons d'améliorer l'utilisation des antibiotiques.
Bien que je sois fier de notre programme, ce qu'il vous faut savoir, c'est de quoi le Canada a besoin. Ce qu'il faut, c'est un leadership en matière de financement, un leadership de la part des experts et une structure de responsabilisation intégrée, de même qu'un engagement à l'égard de la surveillance fiable et normalisée de la RAM et de l'utilisation des antimicrobiens au Canada, associée à des recherches épidémiologiques.
Il faut un examen interprofessionnel de la RAM, qui soit idéalement fondé sur une vision unique de la santé. Cela signifie de tenir compte de l'environnement, des animaux et des humains.
Nous devons évaluer et accroître l'excellence dans l'ensemble du pays. Nous devons investir dans les leaders de demain. Nous devons désigner les pratiques antibiotiques acceptées et les rendre accessibles. Il n'y a aucune norme nationale relative à l'utilisation appropriée des antibiotiques au Canada.
Nous avons besoin d'investissements dans les sciences. Au Canada, le financement de la recherche sur la gérance des antimicrobiens et la RAM représente moins de 10 millions de dollars par année. Ce qui est gênant, c'est que l'apport des établissements pour lesquels je travaille représente environ 10 % de cet investissement national.
Le système de surveillance de la résistance aux antimicrobiens — et le terme « système » est un euphémisme ici — n'a pas de fonds réservés. Il s'appuie sur le financement de la lutte contre les maladies infectieuses, qui n'a pas de lien avec le système, et consiste en un ensemble disparate de renseignements qui frustre les nombreux utilisateurs qu'il vise à aider.
Le financement n'est rien comparativement au financement de 273 millions de dollars des Instituts de recherche en santé du Canada pour le cancer ou l'oncologie, aux 95 millions de dollars de l'Institut ontarien de recherche sur le cancer, aux 91 millions de dollars du Fonds de recherche en santé du Québec et aux nombreuses autres sources de recherche, y compris les fondations caritatives et l'industrie.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, monsieur le président, je suis ici au nom du Réseau de santé Sinai et du Réseau universitaire de santé pour vous dire que le Canada a besoin d'un leadership fédéral et d'un financement connexe pour passer d'un cadre pancanadien sur la RAM à des mesures pancanadiennes concrètes à l'égard de la RAM.
Il faut assurer un leadership d'expert en santé et en sciences par l'entremise d'une structure de responsabilisation provinciale, territoriale et fédérale qui réunit les diverses disciplines en vue d'une approche de santé unique, qui serait associée à des systèmes de surveillance pour recueillir, compiler et étudier les données sur la RAM et l'utilisation des antimicrobiens.
Le Canada a la capacité d'être un chef de file mondial à cet égard. Nous devons préparer la prochaine génération d'experts, les attirer dans ce domaine essentiel à notre mission et accroître de manière exponentielle le financement connexe, indépendamment de l'important rapport Naylor — qui a malheureusement été ignoré, j'en ai bien peur — avec lequel je suis en accord. Ces nouveaux experts assureront la recherche, innoveront et diffuseront les solutions nécessaires en vue de lutter contre la RAM.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
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Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à témoigner devant vous.
Je m'appelle Yoav Keynan. Je suis le directeur scientifique du Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses, ou CCNMI. Les six centres de collaboration nationale en santé publique ont été mis sur pied à la suite de l'épidémie de SRAS, pour répondre à la perception de faiblesse à l'égard du système de santé publique du Canada. Si on la compare à l'épidémie de SRAS, la RAM représente un problème beaucoup plus profond et beaucoup plus grave.
À l'heure actuelle, le CCNMI est associé à l'Université du Manitoba à Winnipeg, en vertu d'un accord de contribution avec l'Agence de la santé publique du Canada. Le mandat du CCNMI est d'assurer le transfert et le courtage des connaissances afin de produire des données probantes et d'autres renseignements pour orienter la pratique et les politiques de santé publique dans l'ensemble du Canada à tous les échelons. Le centre fait le pont entre les praticiens de la santé publique, les décideurs, les chercheurs et les cliniciens qui partagent l'objectif d'améliorer le contrôle des maladies infectieuses au Canada.
Depuis sa création en 2005 sous la direction du Dr Ronald, du Dr Plummer et d'autres, le CCNMI a permis d'attirer l'attention sur la résistance antimicrobienne et sur l'importance de la surveillance, de l'utilisation et de la gérance appropriées en la matière. Par exemple, le CCNMI contribue à la semaine de sensibilisation aux antimicrobiens depuis 2010.
Depuis, le CCNMI a accru sa présence et le centre joue un rôle de premier plan dans le domaine de la santé publique, surtout en appuyant les efforts de collaboration pour améliorer la coordination et la prestation équitable des initiatives en matière de gérance des antimicrobiens dans les divers secteurs, disciplines et milieux. J'insiste ici sur un point déjà soulevé par le Dr Morris, soit l'inégalité dans la répartition des ressources en matière de gérance des antimicrobiens. Nous avons de très bons centres d'excellence au Canada, mais les services ne sont pas offerts de manière équitable dans toutes les administrations.
Grâce à une étroite collaboration avec l'Agence de la santé publique et d'autres partenaires et collègues, le CCNMI est en mesure d'organiser et de tenir des réunions en personne dans l'ensemble des administrations fédérales, provinciales et territoriales et d'assurer la participation des autres organismes du portefeuille de la santé à ces réunions.
En juin 2016, le CCNMI a coorganisé une table ronde nationale sur la gérance des antimicrobiens qui a mené à l'élaboration d'un plan d'action national intitulé « Rassembler les pièces du puzzle », de même qu'à la mise sur pied d'AMS Canada, un réseau national d'experts et d'intervenants clés en matière de gérance, coprésidé par le CCNMI.
Dans les deux mois qui ont suivi la table ronde, et avant qu'AMS Canada ne lance officiellement le plan d'action, nous avons entrepris de nouveaux travaux en vue de recueillir des données probantes et autres connaissances sur la gérance en santé publique. Notre travail se centre sur le rôle essentiel de la santé publique dans le contrôle de l'émergence et de la propagation de la RAM. Les intervenants en santé publique collaborent avec les fournisseurs de soins de santé et les établissements en vue de promouvoir les stratégies d'éducation, de surveillance et de prévention. Les intervenants en santé publique jouent un rôle important dans la planification des programmes et stratégies de prévention des infections et sont bien placés pour promouvoir la gérance des antimicrobiens dans tous les milieux de soins de santé, surtout pour combler les lacunes connues en ce qui a trait au déploiement des programmes communautaires de gérance des antimicrobiens et aux régions rurales, et pour éliminer les inégalités parmi les populations désavantagées sur le plus structurel qui sont mal servies par les systèmes de santé.
Je vais vous donner quelques exemples des activités du CCNMI qui visent à orienter et à mobiliser les intervenants en santé publique en vue d'aborder la RAM. Nous avons contribué à approfondir les connaissances des professionnels de la santé publique à l'égard des fardeaux et des moteurs de la RAM, de même qu'à définir leur rôle dans les efforts pour contrôler la RAM. En 2016, nous avons commandé deux études: l'une examine le rôle des soins de santé aux animaux et aux humains dans la résistance accrue aux antimicrobiens au Canada et à l'échelle internationale; l'autre présente un glossaire pour favoriser une compréhension commune de la terminologie.
Plus tôt cette année, nous avons tenu une série de présentations à l'occasion de la conférence Santé publique 2017 où nous avons mis la résistance antimicrobienne et la gérance des antimicrobiens à l'avant-plan. Nous allons faire circuler deux documents que vous pourrez consulter si cela vous intéresse.
Le CCNMI réaffirme le rôle du secteur de la santé publique en favorisant l'échange de connaissances interdisciplinaires sur les programmes de gérance des antimicrobiens fiables et fondés sur des données probantes en offrant aux praticiens, aux chercheurs et aux planificateurs des occasions d'échanger au sujet des réussites et des défis des régions ou des établissements en ce qui a trait aux programmes de gérance des antimicrobiens. Par exemple, lors de la conférence de 2017, nous avons organisé une réunion pour les intervenants de la région de l'Atlantique, au cours de laquelle nous avons diffusé un webinaire en direct dans le but d'échanger des connaissances. Plus tard ce mois-ci, nous coprésiderons des séances d'éducation et de formation continues accréditées destinées aux médecins, aux pharmaciens et au personnel infirmier, dans le but de lancer un dialogue sur les façons de prescrire les antimicrobiens de manière appropriée.
De plus, nous avons documenté dans une étude de cas facile à lire les stratégies qui ont été utiles et qui ont bien fonctionné en Alberta, dans le but d'élaborer un programme provincial en matière de gérance. Nous avons partagé cette étude avec les autres administrations. Ces projets nous ont aidés à documenter les défis, les lacunes et les capacités en matière de gérance à l'échelle régionale, provinciale et nationale. Nous avons ainsi pu organiser des échanges dans la région de l'Atlantique et procéder à une validation avec une autorité régionale de la santé du Manitoba dans le but d'utiliser les outils développés par d'autres administrations pour mettre en oeuvre un programme de gérance des antimicrobiens.
Comme je l'ai dit précédemment, des thèmes et défis similaires émergent. Nous avons besoin d'une infrastructure de TI et la capacité en vue d'établir des mesures et des analyses de l'utilisation des antimicrobiens et de la RAM est inadéquate. On aimerait qu'il y ait des ressources disponibles pour les praticiens et les patients... un leadership approprié pour favoriser les partenariats entre les médecins et les pharmaciens. On a déjà parlé du manque de lignes directrices et de la difficulté d'y avoir accès.
Nous avons l'intention d'analyser la répartition des programmes de gérance, notamment la compréhension et les façons de mettre en oeuvre la gérance dans les collectivités rurales et des Premières Nations, de même que la disponibilité des documents et ressources pour les utilisateurs francophones.
Dans le cadre du programme de gérance des antimicrobiens, notre rôle consiste notamment à favoriser le développement des milieux communautaires, ce qui vise entre autres les soins de longue durée et les soins continus, et à miser sur les forces et l'expertise des milieux de soins actifs comme le Réseau de santé Sinai et le Réseau universitaire de santé à Toronto, dont on a parlé plus tôt.
Nous encourageons les cadres supérieurs et les professionnels de la santé publique à cibler l'information qui pourrait être utilisée dans un contexte de santé publique. Par exemple, nous offrirons plus tard ce mois-ci un webinaire pour présenter le modèle d'analyse de rentabilisation d'un programme sur la gérance des soins actifs élaboré par l'Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada. Ce webinaire expliquera les éléments essentiels d'un programme de qualité et les ressources nécessaires en vue d'assurer une gérance efficace. Un médecin principal de la santé publique abordera les façons d'aider les médecins en santé publique et les stagiaires à comprendre le rôle de la santé publique de même que les façons d'élaborer des programmes similaires dans la collectivité.
Cette année, en collaboration avec le programme Des pilules contre tous les microbes? et les Services de santé de l'Alberta, nous chapeauterons une communauté de pratique grandissante ou un réseau de praticiens et de décideurs qui sont désireux de comprendre comment élaborer et mettre en oeuvre des programmes de gérance des antimicrobiens adaptés aux différentes réalités des soins de longue durée et des maisons de soins infirmiers... les lacunes sont importantes. Nous offrons une série de webinaires qui constituent une plateforme en vue d'établir des relations et d'encourager le dialogue. Notre premier webinaire a témoigné de l'ampleur des besoins, puisque nous avons reçu un nombre incroyable de réponses et que 350 personnes s'y sont inscrites.
Le CCNMI a appuyé l'élaboration et la diffusion d'outils de sensibilisation du public, surtout pour permettre aux médecins de soins primaires d'éduquer leurs patients au sujet de l'utilisation nécessaire des antibiotiques. Nous avons révisé et promu activement nos populaires blocs d'ordonnance sans ordonnance, et en avons créé un à l'intention des parents de jeunes enfants. Nous avons aidé les autorités régionales de la santé du Manitoba à créer leur propre bloc d'ordonnance viral et à l'intégrer à leur système médical informatisé.
Parmi les autres efforts de collaboration en matière de sensibilisation, nous avons élaboré une campagne nationale de médias sociaux et coordonné les efforts afin que les médecins prescripteurs du domaine de la santé publique transmettent le même message. Ces efforts peuvent donner lieu à une sensibilisation plus systématique et mieux coordonnée qui mise sur la position de tous les partenaires pour atteindre divers publics.
Pour ce faire, il faut assurer l'harmonisation par l'entremise d'un plan proactif dirigé par le Canada. Nous croyons qu'il faut aller au-delà de la Semaine de sensibilisation aux antibiotiques et établir une stratégie plus intégrée pour accroître les connaissances et changer les habitudes en matière de prescription.
À l'heure actuelle, le CCNMI évalue la mesure dans laquelle le personnel de la santé publique peut obtenir et comprendre les données sur la surveillance de la résistance antimicrobienne au Canada. Nous avons l'intention de travailler avec nos partenaires et d'établir un lien entre la santé publique et les gestionnaires de données dans le but d'offrir des versions que les intervenants en santé publique pourront utiliser pour planifier les interventions. À l'heure actuelle, les données de surveillance sont cloisonnées et difficiles à comprendre, comme l'a fait valoir le Dr Morris.
Enfin, à la suite des activités tenues dans l'ensemble du Canada pour favoriser la contribution des autorités sanitaires et la gérance, et pour réduire la résistance, nous travaillons avec nos collègues à l'établissement d'un centre d'excellence qui pourrait maintenir les efforts de lutte contre la résistance antimicrobienne.
En résumé, nous croyons qu'il y a un besoin de leadership continu à l'échelle fédérale. Comme je l'ai dit plus tôt, ce leadership doit être associé à un financement en vue d'affecter les ressources nécessaires à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au renforcement des programmes. Nous devons favoriser une coordination nationale de la gérance afin de veiller à ce que les projets qui ont été lancés puissent se poursuivre et à ce qu'il y ait un leadership en matière de planification en santé publique afin d'accroître la portée des initiatives, ce qui comprend une reconnaissance continue de l'importance de la santé publique et des intérêts en matière de santé publique, au-delà du contexte des soins cliniques et des soins actifs.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je m'appelle Suzanne Rhodenizer Rose, et je suis l'ancienne présidente de Prévention et contrôle des infections Canada, ou PCIC. Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour aborder la question urgente de la résistance aux antimicrobiens, ou RAM, au Canada. Je suis accompagnée de Jennifer Happe, professionnelle en prévention des infections et représentante de PCIC.
PCIC est une association multidisciplinaire qui compte plus de 1 600 membres au pays. Elle est dévouée au bien-être et à la sécurité du public, et préconise des pratiques exemplaires de prévention et de contrôle des infections tout le long du continuum de soins.
Je souhaite d'abord féliciter le Comité de prendre le temps d'étudier cet enjeu, qui mérite l'attention des élus et de la population qu'ils servent, même si le sujet est souvent réduit à quelques courts extraits dans les médias. Par exemple, les gens qui ont entendu parler des superbactéries ou de la pandémie d'influenza peuvent être tentés de croire que ces problèmes sont très loin d'eux, soit parce qu'ils appartiennent au passé ou à des continents lointains. Or, cette croyance est profondément erronée. À vrai dire, il a été déterminé que la RAM représente une menace fondamentale au système de santé moderne. Elle pose des défis non seulement aux patients qui en subissent les effets, mais aussi à l'ensemble du système de santé. Lorsque nos meilleurs médicaments pour combattre la maladie ne peuvent pas détruire les microorganismes qui infectent les gens, les maladies se propagent facilement et sont beaucoup plus difficiles à traiter.
De plus, l'Organisation mondiale de la santé, qui a fait preuve d'un leadership exceptionnel à ce chapitre, remarque que la résistance aux antimicrobiens augmente le coût des soins de santé, compte tenu des séjours prolongés à l'hôpital et des soins plus intensifs nécessaires. C'est la situation de la RAM. Ce sont des problèmes que nos fournisseurs de santé peuvent rencontrer au quotidien au Canada, dans les hôpitaux, les cliniques, les cabinets dentaires et d'autres milieux de soins de tout le continuum. Il est important de présenter en détail la pression exercée sur les hôpitaux et le système de santé, car les antimicrobiens traitent de moins en moins efficacement certains agents pathogènes.
Lors d'un témoignage devant la Chambre des représentants des États-Unis en 2013, le Dr Tom Frieden, directeur des Centers for Disease Control and Prevention, ou CDC, a expliqué très clairement les conséquences de la situation. Il a dit que les patients dont l'infection est résistante aux antibiotiques sont souvent beaucoup plus susceptibles de mourir, et que les survivants demeurent beaucoup plus longtemps à l'hôpital, prennent plus de temps à récupérer et sont frappés d'une invalidité à long terme. Dans ce contexte, il n'est donc pas surprenant que la capacité globale de notre système de santé s'effrite chaque jour, alors que les fournisseurs de soins finissent par ajouter des séries d'antibiotiques et par se tourner vers des médicaments moins courants et plus toxiques pour traiter les organismes antibiorésistants les plus courants, comme le staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, ou SARM, ou la bactérie C. difficile, de même que les inquiétants organismes producteurs de carbapénémase qui sont apparus récemment. Parallèlement, les compagnies pharmaceutiques investissent de moins en moins dans de nouveaux traitements améliorés, et les professionnels n'ont pas les ressources dont ils ont besoin pour endiguer efficacement ce raz-de-marée.
En raison de ces faits réunis, il est important plus que jamais de veiller à ce que des mesures convenables de prévention des infections et de lutte contre celles-ci soient en place pour limiter la propagation des organismes résistants aux antimicrobiens, et d'améliorer le traitement lorsque des patients sont infectés. Les professionnels en prévention des infections dans les hôpitaux canadiens, dans des rôles de santé publique et dans d'autres établissements de santé travaillent d'arrache-pied pour y arriver. Cependant, la bataille est inégale.
Nous croyons que le Canada est bien placé pour devenir un chef de file dans la lutte contre la RAM. Mais pour y arriver dans l'intérêt de notre population, nous devrons investir massivement dans le soutien des systèmes nationaux, et verser des fonds afin de nous doter des ressources humaines nécessaires pour mettre en œuvre et favoriser les pratiques de prévention et de contrôle des infections dans tout le continuum de soins de santé.
La RAM est un enjeu très complexe qu'on ne peut pas régler par un simple changement de politique ou une percée dans la pratique et la technologie médicales. Au contraire, les gouvernements fédéraux et provinciaux, les professionnels et les administrateurs de la santé, le milieu agricole, nos partenaires à l'étranger et la population dans son ensemble doivent être conscients des préoccupations urgentes et globales qui ont été rapportées partout.
Des mesures ont été prises par les instances fédérales et provinciales, ainsi que les autorités sanitaires régionales pour contrer les difficultés relatives à la RAM, y compris pour limiter la propagation et la prévalence des infections causées par des organismes résistants aux antimicrobiens, et pour encourager une utilisation responsable des antimicrobiens. Or, il y a un secteur clé où le Canada accuse un retard par rapport aux autres pays, et où le gouvernement fédéral doit être un chef de file, et c'est la compilation des cas de bactérie résistante, et l'analyse des réussites de nos interventions collectives.
Le gouvernement canadien a publié un document qui s'intitule Résistance et recours aux antimicrobiens au Canada: cadre d'action fédéral. Le cadre comporte quatre piliers que PCIC appuie fortement.
Afin de mettre en oeuvre le changement efficacement, il faut pouvoir évaluer si les mesures prises ont le résultat escompté. Grâce à la surveillance, qui est une des meilleures mesures de la résistance aux antimicrobiens, nous connaissons le nombre et le taux d'organismes antibiorésistants qui se trouvent dans le milieu de la santé.
Pour que la surveillance soit efficace, les mesures doivent être prises de la même façon, afin de comparer des pommes avec des pommes, puis des oranges avec des oranges. Lorsqu'elle est uniforme, la surveillance donne un aperçu du fardeau de la maladie, établit des taux de référence pour les comparaisons internes et externes, cerne les facteurs de risques éventuels, et permet l'évaluation d'interventions précises. Par conséquent, PCIC demande instamment la mise en oeuvre d'une stratégie de surveillance nationale des organismes résistants aux antimicrobiens.
À l'heure actuelle, nous mesurons le nombre et le taux d'organismes résistants de différentes façons au pays. Le procédé est donc fragmenté. Or, la RAM ne tient pas compte des frontières politiques et territoriales. Une démarche fragmentée ne permet donc pas de protéger la santé des Canadiens et n'est conforme ni à la stratégie Une santé ni au plan d'action fédéral.
Nous savons très bien que des mesures sont déjà en place à cette fin, mais nous croyons que ces démarches à la pièce ne suffisent pas à contrer la menace grandissante de la RAM qui nous guette.
Le Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales, ou PCSIN, recueille des données jugées hautement fiables, mais ne couvre qu'une partie très infime des nombreux établissements de santé au pays. La plupart des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée ne sont actuellement pas en mesure de participer à la surveillance du PCSIN. Le programme n'a pas non plus les ressources humaines et l'infrastructure technique nécessaires pour atteindre son plein potentiel.
Le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique, ou RCRSP, recueille lui aussi des données, mais il pourrait être davantage mis à profit pour appuyer la collecte des données et leur intégration à d'autres sources.
L'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS, a récemment envisagé d'utiliser les renseignements et les données administratives qui se trouvent dans les dossiers médicaux des patients en tant que source de données sur la RAM et les infections liées aux soins de santé. Même si cette méthode électronique de collecte des données est efficace et a une portée nationale, elle n'offre pas la fiabilité dont nous avons besoin pour définir avec exactitude le taux de RAM au Canada.
La création du Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, ou SCSRA, est un engagement fédéral qui s'inscrit dans le cadre du plan d'action fédéral sur la RAM et de l'utilisation au Canada, et a constitué une première étape importante pour décider quels organismes résistants devaient être surveillés en priorité. Ce n'est toutefois qu'un élément du casse-tête, et les éventuelles données de ce système peuvent compléter celles d'un registre national des infections liées aux soins de santé.
Il faut des systèmes de surveillance intégrés et solides pour brosser un tableau complet de la RAM au Canada. Nous ne partons pas de zéro. En collaboration avec d'autres organisations, PCIC a adopté des définitions normalisées des cas aux fins de surveillance du côté des soins de longue durée, puis a participé à faire avancer l'adoption de définitions normalisées sur la surveillance des soins actifs, et s'engage à établir s'il est possible que ces définitions soient adoptées d'un océan à l'autre.
Il y a également une vague d'intérêt de la part des partenaires, qui s'engagent à vérifier s'il est possible d'utiliser les infrastructures déjà en place pour appuyer une démarche pancanadienne. Ces objectifs correspondent à ceux qui sont définis dans le cadre du gouvernement fédéral, et permettent de les atteindre.
Le Canada est reconnu comme un chef de file mondial dans plusieurs aspects de la santé, mais nous accusons pourtant un retard par rapport à de nombreux autres pays dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une approche nationale concernant la RAM. Il faut que le fédéral tende la main à ses partenaires provinciaux et territoriaux et aux ministres et sous-ministres afin de créer un système de surveillance national et uniforme, dont les définitions de cas seraient approuvées à l'échelle nationale, et qui serait suffisamment financé. Nous avons besoin de soutien pour que les données recueillies soient mieux intégrées et plus utiles à la population et aux professionnels de la santé qui luttent contre la RAM au quotidien.
Merci.