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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 132 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

     Mesdames et messieurs, je vois qu’il est 15 h 30.
    Au cours de la première heure, nous entendrons deux témoins, soit Wendy Cukier, présidente de la Coalition pour le contrôle des armes, qui est un témoin bien connu du Comité, et Fred Priestley-Wright, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Edmonton.
    Bienvenue à vous deux.
    Pour cette réunion, j’ai l’intention de mener la séance de la façon habituelle pour la première heure, puis de la suspendre pour traiter des travaux du Comité pendant environ cinq minutes — ce devrait être à huis clos, je pense — et d’entendre ensuite les témoignages pour la deuxième heure. Je suppose que c’est une façon acceptable d’organiser nos travaux.
    Sur ce, madame Cukier, bienvenue encore une fois au Comité. Vous avez 10 minutes, s’il vous plaît.
     Merci beaucoup de m’avoir invitée.
    Je m’excuse de ne pas avoir présenté de mémoire écrit, mais nous n’avions pas le temps de le mettre en forme et de le faire traduire. Nous sommes donc heureux de vous fournir un résumé écrit des arguments que je vais présenter aujourd’hui.
    J’aimerais aborder rapidement la question des décès et des blessures causés par des armes à feu dans les collectivités rurales, la raison pour laquelle la Coalition pour le contrôle des armes à feu estime que c’est une question qu’il faut régler, et aborder certaines des données, certaines des solutions.
    Vous êtes bien placés pour savoir que l'on parle beaucoup des problèmes de violence urbaine et des problèmes liés aux gangs dans les villes.
    Ce qui est paradoxal, bien sûr, comme vous l’ont sans doute déjà dit des témoins précédents, c’est que les taux de crimes violents par 100 000 personnes, particulièrement ceux mettant en cause des armes à feu, sont en fait plus élevés dans les collectivités rurales. En fait, il ressort des données sur les victimes de crimes violents commis avec une arme à feu déclarée par la police par province et territoire et ventilées par région urbaine et rurale que, malgré toute l’attention portée à des endroits comme Toronto, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et ainsi de suite, ces taux dépassent de loin la moyenne canadienne. Le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta ont deux fois plus de crimes violents commis avec une arme à feu que l’Ontario.
    On sait également, d’après des rapports récents de Statistique Canada, que 17 % environ des Canadiens vivent dans des collectivités rurales dotées de leurs propres services de police, et que 18 % environ des crimes contre les biens, c’est-à-dire le vol d’automobiles et ainsi de suite, sont commis dans les collectivités rurales, et donc que le taux de ce type de criminalité est à peu près proportionnel à la population et n'est pas beaucoup plus élevé que dans les centres urbains.
    Or, on constate que 25 % des crimes violents sont commis dans les collectivités rurales. Ceux d’entre vous qui se sont penchés sur des questions comme la violence familiale, savent que les collectivités rurales affichent des taux de violence familiale beaucoup plus élevés que les grandes villes, y compris pour ce qui est du recours aux armes à feu. Quand on examine des aspects spécifiques, comme les meurtres de policiers, on constate que très rares sont ceux qui sont tués, surtout par des armes à feu, dans les grands centres urbains et que la plupart de ceux qui sont tués le sont dans l’exercice de leurs fonctions dans de petites collectivités, encore une fois, en partie à cause de la disponibilité des armes à feu.
    C’est la même chose en ce qui concerne le suicide. Pourquoi parler de suicide dans une discussion axée sur la criminalité en milieu rural? On parle du suicide dans ce contexte, parce que dans une perspective de santé publique, la violence contre soi est considérée comme une forme de violence. Un examen des facteurs qui influent sur les taux de suicide, des causes profondes, etc., montre que le risque de suicide et le risque d’homicide, particulièrement chez les jeunes hommes, sont très semblables
    Les mêmes facteurs, comme l’inégalité, l’exclusion, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie et les événements critiques du cycle de vie, peuvent entraîner le suicide ou l’homicide. Beaucoup d’entre vous connaissent le suicide par un policier et d’autres phénomènes qui montrent que c’est le cas, ou des incidents de violence familiale qui, lorsqu’il s’agit d’armes à feu, se terminent par un suicide la moitié du temps. Les liens entre le suicide et l’homicide sont particulièrement étroits dans les collectivités rurales.
    C’est pourquoi lorsqu'on réfléchit à la façon de prévenir la violence dans un modèle de santé publique, on examine d’abord les causes profondes. On examine les facteurs qui poussent les gens à commettre des actes criminels ou violents. On sait que le genre est un facteur. On sait, comme je l’ai dit, que l’inégalité, le manque de possibilités, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie, etc. sont certainement des problèmes qu’il faut régler au niveau communautaire.
(1535)
     On sait aussi, par la littérature sur la santé publique et la criminologie, que l’accès aux moyens joue un rôle important. Cela peut signifier l’accès aux clés d’une automobile, par exemple. Quand on ne verrouille pas sa voiture, on est plus susceptible de se faire voler que si on la verrouille, qu’il y a des dispositifs antivol ou des outils de surveillance vidéo.
     Cela signifie aussi que l’accès aux armes augmente la létalité des rencontres violentes. Les armes à feu ne causent pas la violence ou la criminalité, mais leur présence accroît le risque que cela finisse par des morts.
    Enfin, la troisième dimension que l'on examine est la réaction après coup, qui peut avoir une incidence sur la gravité des conséquences. On sait que dans les collectivités rurales, l’accès aux services d’intervention d’urgence, qu’il s’agisse de pompiers, de policiers ou d’ambulances, est réduit et le délai d’intervention est plus long.
    On sait que dans les collectivités rurales, on a moins accès à des choses comme des refuges et d’autres types de soutien qui réduisent la probabilité, par exemple, que des femmes soient tuées.
    On sait que les services de santé mentale sont beaucoup moins accessibles dans les collectivités rurales. Il y a d’énormes files d’attente, même dans les grands centres, mais la situation empire de plus en plus. Le soutien aux victimes, pour prévenir la revictimisation, est également réduit.
    Il est important d’examiner toutes ces questions lorsqu'on essaie de trouver une solution.
    Le dernier point, qui est un peu égoïste, mais qui mérite d’être dit, c’est qu'on sait aussi que de plus en plus d’armes à feu récupérées à la suite d’actes criminels proviennent de propriétaires d’armes à feu au Canada. Ce n’est pas seulement le cas à Toronto ou en Colombie-Britannique, selon une étude récente menée, mais aussi dans les petites collectivités. On a vu les rapports de la police. La disponibilité des armes à feu dans les petites collectivités ne fait pas qu’accroître la violence mortelle dans ces collectivités, surtout lorsqu’il n’y a pas de mesures de contrôle appropriées, elle peut aussi alimenter la violence ailleurs.
    Je ne sais pas si le député Dabrusin est là ou non, mais il semble que l’arme utilisée dans la fusillade de Danforth ait été volée quelque part en Saskatchewan.
    De notre point de vue, dans le contexte d’une stratégie de prévention du crime, qu’il s’agisse de collectivités urbaines ou rurales, on doit envisager de réduire l’accès aux armes à feu pour les personnes dangereuses. Il est vrai que dans de nombreuses petites collectivités on a renforcé ces mesures. Par exemple, on a la juge Marlene Graham, qui a statué que dans le cadre de l’enquête sur le décès de Corey Lewis à Okotoks, l’absence de contrôle des armes à feu était un gros problème. On a beaucoup de preuves montrant que le contrôle des armes à feu réduit la létalité.
    On sait que les armes à feu ont une dimension sexospécifique. Une étude réalisée au Nouveau-Brunswick, par exemple, a montré que, sur le quart des femmes qui vivent avec des armes à feu dans cette collectivité, 66 % ont dit que le fait de savoir qu’il y avait des armes à feu les amenait à craindre davantage pour leur sécurité et leur bien-être. Que cela influait sur leur décision de dire aux autres ou de demander de l’aide pour les mauvais traitements subis. Il nous faut reconnaître qu’il y a un besoin dans les collectivités rurales, comme dans les centres urbains, de briser le code du silence concernant la violence familiale.
    Je veux terminer en disant que l'on sait que les armes à feu servent des fins légitimes, particulièrement dans les collectivités rurales. On doit respecter la chasse, la lutte antiparasitaire et les droits des Autochtones, mais cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas avoir de contrôles rigoureux. Cela ne veut certainement pas dire que l'on ne devrait pas envisager d’interdire les armes de poing et les armes d’assaut, qui ne sont d'aucune utilité tant dans les collectivités rurales que dans les collectivités urbaines.
    Il nous faut vraiment lutter contre la notion très sexospécifique selon laquelle plus on a d’armes plus on est en sécurité, parce que, en fait, bien souvent le risque est plus grand dans les ménages qui ont le plus d’armes.
    J’aimerais citer Barbara Frey, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme, qui a dit:
Les sociétés dominées par les hommes justifient souvent la possession d’armes en invoquant la prétendue nécessité de protéger les femmes vulnérables, alors que les femmes sont plus exposées à la violence lorsque leurs familles et leurs communautés sont armées.
    Merci beaucoup.
(1540)
    Merci beaucoup. Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Monsieur Priestley-Wright, vous avez 10 minutes.
     Merci beaucoup. Bonjour à tous.
    Je m’appelle Fred Priestley-Wright. J’ai 83 ans. Je vis dans une région rurale du centre-ouest de l’Alberta. Je suis un professionnel. Je suis ingénieur aéronautique de profession. J’ai travaillé comme aérodynamicien sur l’Avro Arrow, puis, sous contrat avec l'armée de l'air américaine, j’ai effectué une analyse aérodynamique de certains de ses aéronefs. Ce contrat ayant pris fin au bout de trois ans, je suis retourné en Alberta et j’ai travaillé dans l’industrie pétrolière et gazière, puis j’ai commencé à faire de l’élevage là où j’habite actuellement.
    Mon incident s’est produit le 4 novembre. Je vous le résume rapidement. J’avais fini le déjeuner. Il faisait -20 °C ce jour-là, avec un peu de neige. Après avoir travaillé au bureau toute la matinée, j’allais à ma petite scierie après le déjeuner pour scier des billes, faire du bois d'oeuvre. Je vais à mon camion, qui se trouve à 162 pieds de chez moi. Je démarre mon camion. Il fait -20 °C. Je le laisse tourner. Oui, les clés étaient sur le contact. Oui, en théorie, c'est la chose à ne pas faire. En réalité, tout le monde le fait, pour de très bonnes raisons. Je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone cellulaire, alors je retourne à la maison, à 162 pieds. Le téléphone cellulaire est sur l’étagère juste à l’intérieur de la porte. Je le ramasse et je retourne.
    Il y avait un étrange camion blanc dans ma cour. Je ne l’avais jamais vu auparavant. Mon camion quittait l’entrée et les lieux. Je regarde le camion blanc. Ce n’était pas un camion local; ça n'avait rien d'une blague. Je sors mon téléphone cellulaire et je compose le 911, et mon camion revient sur la pelouse et manque de me renverser, et s’arrête à côté du camion blanc. Le passager sort pour récupérer quelque chose qu’il avait laissé dans le camion blanc, qui s’est avéré volé. Je m'approche du côté du conducteur, j’ouvre la portière et je dis : « Qu'est-ce qu'il se passe? » Le conducteur embraye, recule — la porte restée ouverte me renverse —, puis il ferme et verrouille la porte. Alors, je vais de l’autre côté, côté passager, où l'individu enlevait ce qu’il y avait dans le camion blanc, le camion volé. Je lui pose la même question : « Qu’est-ce qu'il se passe? » Il m’attrape et l’autre gars me prend par-derrière, et ils me font tomber. En me faisant tomber, ils me disent : « On a peur. La GRC nous poursuit et la mafia nous poursuit. » Tout de suite, je me dis: « Ça, c'est une affaire de drogue. »
    Ils me jettent au sol. Le conducteur remonte dans le camion. Mon chien de garde le poursuit jusqu’au camion. L’autre me coupe la gorge, me donne des coups de pied à la tête continuellement — je dirais, si je peux estimer correctement, environ six fois. Le premier coup de pied a été porté à mon oeil droit, l’endommageant gravement. Ma mâchoire a subi plusieurs coups de pied, ce qui a causé des dommages importants à ma mâchoire. Un ou deux autres m'ont touché au cou et j’ai maintenant un problème de cou. Finalement, il m’a frappé à la poitrine, me causant une douleur atroce. Pendant tout ce temps, il agitait un couteau devant moi.
    Je suppose que la douleur extrême du coup de pied à la poitrine m'a plus ou moins fait perdre conscience, et je me souviens vaguement qu’il m’a poussé du pied comme un chasseur le ferait avec un chevreuil pour voir s’il était mort ou non. Puis, il est remonté dans le camion. En prenant son temps, et ma femme qui était sortie parce qu’elle avait entendu du raffut, a dit, du coin du garage : « Qu’est-ce qui se passe? » Alors ils se sont dépêchés et ont quitté le secteur.
    Elle a téléphoné au 911, et la GRC s’est présentée et a appelé une ambulance et tout le reste. Qu’est-ce qui m’est arrivé? Je vais simplement lire certaines des déclarations que j’ai faites devant le tribunal.
(1545)
     Pour ce qui est du traumatisme physique, la coupure au cou était nette et saignait beaucoup. Mon oeil droit est abîmé. Ma vue est gravement déformée. Je ne peux pas lire un livre sans frustration en raison de la double vision horizontale. Je dois lire avec un oeil fermé, ce qui est difficile pour un homme de 83 ans qui a utilisé ses deux yeux pendant la plus grande partie de sa vie. J’ai de graves fractures de la mâchoire et je n’ai aucune sensation dans ma lèvre inférieure et du côté droit de mon visage en raison de dommages importants aux nerfs. Je ne peux pas mâcher correctement; la nourriture me tombe de la bouche quand je mange à cause de l’engourdissement de mes lèvres et de mon visage. Pendant le processus de guérison, on m'a cousu les mâchoires avec des agrafes métalliques et je n'ai pu les desserrer pendant quatre semaines. J’ai eu besoin de beaucoup de soins dentaires. On a dû m'arracher des dents et ainsi de suite. La douleur au cou ne disparaîtra jamais.
    J'ai frôlé la mort, je suppose. Cela s’est produit le 4 novembre. Le 31 octobre, j’avais terminé 18 ou 20 ans comme conseiller municipal dans la quatrième plus grande municipalité rurale de l’Alberta. J’étais euphorique. Je n’avais plus de responsabilités. J’avais le temps de travailler aux projets que j'avais en tête. Le 4 novembre, survient cet accident ou cette intrusion, appelez-le comme vous voulez. Enterrés, tous mes projets!
    Au moment où je vous parle, aujourd’hui, l'entaille à la gorge a bien cicatrisé, mais mon oeil droit est endommagé de façon permanente. Je dois fermer l’oeil droit pour pouvoir lire. Je suis un avide lecteur, mais je ne peux plus lire. Les fractures de la mâchoire ont plus ou moins bien guéri. Le côté droit de mon visage est partiellement déformé et c’est évident, surtout pour moi chaque fois que je regarde dans le miroir. Il a fallu quatre plaques de titane pour reconstruire ma mâchoire: une de chaque côté, une ici... J’avais deux fractures de la mâchoire.
    Les dommages au réseau nerveux du côté droit de mon visage n’ont pas été réparés. Je me les coltinerai jusqu'à la fin de mes jours, et manger m'est devenu terriblement difficile. Je suis très réticent à manger en public parce que les aliments me tombent sur le visage et que je ne peux pas les sentir. Je ne peux pas mâcher correctement, alors nous ne sortons plus dîner.
    La gauche...
    Il ne vous reste que deux minutes.
    C’est bien beau.
    Mon problème en ce moment, c’est le traumatisme mental. J’ai un problème de TSPT terrible. Depuis, je n’ai pu avoir que quatre séances avec le spécialiste. J’ai 83 ans et je n’arrive pas à m'expliquer le caractère vindicatif de cette attaque. Je suis gêné d’admettre que les problèmes que m'a causés cet incident sont si accablants qu’il m’arrive de regretter que les agresseurs ne m'aient pas tué. Ce sentiment ne me quitte pas.
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur Priestley-Wright, de nous avoir raconté cette histoire, qui assurément ne laissera personne ici insensible.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Le premier intervenant est M. Picard. Vous avez sept minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
     Madame Cukier, un des aspects qui posent problème dans le cadre de notre étude est la difficulté de comprendre la nature de ce qu'on appelle le crime en milieu rural. Nous avons entendu des commentaires de la part de la GRC, d'individus et d'organismes. Or l'un des problèmes auxquels on fait face en milieu rural est le temps de réponse, soit le temps qu'il faut à la GRC pour arriver sur les lieux d'un incident. Ce temps de réponse est relativement long. Disons qu'il est plus souvent long que court. Des questions se posent sur les ressources humaines et sur l'équipement adéquat pour les policiers. Cela dit, nous comprenons que cette partie de l'intervention de la police a lieu après que le crime ait été commis.
    Vous avez mentionné que le taux de criminalité était deux fois plus élevé dans les trois provinces des Prairies. Pourtant, les ressources sur ce territoire sont, en moyenne, les mêmes que dans le reste du Canada. Elles sont peut-être un peu moindres en Alberta, mais les choses ont tout de même changé. Dès le départ, on se demande donc ce qui explique que le taux de criminalité soit plus élevé dans ces régions.
(1550)

[Traduction]

    Je pense que les recherches vous diront que c’est complexe. Il faut d’abord examiner les causes profondes du comportement criminel. M. Priestley-Wright, par exemple, nous a dit que les gens qui ont volé son véhicule semblent avoir consommé de la drogue. Ils semblent avoir eu peur. Je ne sais pas quelle était leur situation, s’ils ont été pris ou non. Mais pour ce qui est de la violence chez les jeunes dans les collectivités rurales, ce n’est pas très différent des collectivités urbaines. L'explication des causes de la violence familiale exige beaucoup de recherches.
     J’ai examiné la croissance économique rurale par rapport à la croissance urbaine et, de mon point de vue, une grande partie de nos ressources vont dans les centres urbains. Il est aussi parfois plus facile d’offrir des services dans des régions densément peuplées, de sorte qu’il y a des défis structurels à relever pour offrir le même niveau de service, qu’il s’agisse d’éducation, de santé ou de services de police dans les collectivités où les gens sont plus dispersés. Cela dit, investir dans la prévention primaire est sans aucun doute le meilleur investissement.
    Vous avez parlé des services de police de la GRC. Je pense que les agents de police des collectivités rurales, qu’il s’agisse de la Sûreté du Québec, de la Police provinciale de l’Ontario ou de la GRC, travaillent dans des conditions beaucoup plus difficiles à certains égards que les policiers des grands centres urbains, où il y a habituellement moins d’agents de police qui patrouillent. Souvent, dans les petites collectivités, la police est beaucoup plus dispersée. Le fait est qu’un grand nombre de policiers sont tués dans ce pays en servant le Canada dans de petites collectivités. Cela prouve assez qu’ils sont eux-mêmes victimes d’incidents violents.
    La troisième chose que je trouve importante, et M. Priestley-Wright l’a mentionné, c’est le genre de soutien offert aux victimes de violence dans les collectivités rurales. Je crois qu’il a dit qu’il n’était pas certain que la vie valait la peine d’être vécue, qu’il regrettait parfois d’avoir survécu à la violente confrontation. C’est un exemple tragique, mais véridique de ce qui arrive souvent aux victimes de violence qui ne reçoivent ni soutien ni justice.

[Français]

     Il me reste peu de temps. Si vous le permettez, je vais poser une question à M. Priestley-Wright.
    Monsieur Priestley-Wright, dans votre témoignage, vous avez dit avoir été conseiller municipal pendant un certain temps. Compte tenu de votre expérience, de l'environnement dans lequel vous habitez et des préoccupations qu'a connues la municipalité que vous avez conseillée, j'aimerais que vous me disiez si les discussions sur la criminalité ont fait partie des débats de votre conseil municipal, et, le cas échéant, dans quels termes.
(1555)

[Traduction]

     Oui, monsieur, très certainement. Le détachement local de la GRC nous a fait des présentations presque tous les mois, nous a donné des statistiques, etc.
     J’aimerais faire un commentaire. Certains considèrent que le délai de réaction de la GRC est trop long, mais ce qui m’est arrivé est arrivé en quelques secondes. Ces gens sont arrivés. Ils ont pris mon camion. J’étais à moins de deux minutes de ma porte arrière lorsqu’ils sont entrés, ont pris mon camion et ont disparu. Pour tous mes voisins qui ont vécu des expériences semblables en milieu rural, c’est la même chose: ils font irruption, prennent ce qu’ils veulent et disparaissent. On n'a pas même le temps d'appeler le 911.
    Ce qui est frustrant en tant que conseiller, c’est que l'on reçoit constamment des plaintes liées à la criminalité en milieu rural. La réalité, c’est que ces criminels sont tellement bien informés que la victime en général reste désemparée.
    Je suis désolé, monsieur Priestley-Wright, mais je dois interrompre M. Picard. Comme vous pouvez le comprendre, ayant été conseiller municipal, l’horloge est l’ennemi de tout le monde.
    C’est à M. Eglinski, je crois. Non, c’est à M. Paul-Hus.
    Non, c’est à M. Eglinski.
    Monsieur Eglinski.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier les deux témoins de leur présence.
    Je commencerai par M. Priestley-Wright, mais je l’appellerai Fred parce qu'on se connait depuis des années.
    Fred, peu après votre incident, lorsque vous êtes revenu de l’hôpital, il y a eu une réunion sur le crime rural à Peers, une collectivité très proche de la vôtre, et vous y étiez, je crois. Je me demande si vous pourriez dire au groupe ici présent quel était l'état d'esprit des participants à cette réunion. Ils étaient 250 à 300 environ, et ils étaient là à cause de la criminalité en milieu rural. Je me demande si vous pourriez nous décrire rapidement l’atmosphère qui régnait dans cette salle.
    Je vous appellerai Jim.
    L’atmosphère n’était pas celle que j'attendais. Les gens étaient mécontents. Ils n’étaient pas nécessairement contrariés par la GRC ou le système ou quoi que ce soit d’autre; ils étaient frustrés plutôt, je crois. Par exemple, les gens disaient qu'un criminel qui entre chez vous a plus de droits chez vous que vous. Autrement dit, si vous tentiez de le retenir s’il battait votre femme et qu’il tombait et se cassait le bras, vous pourriez être accusé de voies de fait, des choses de cette nature. C’est la réalité. On nous dit: « Téléphonez au 911. Téléphonez au 911. » Nous sommes frustrés, et il y a eu beaucoup de protestations à cette réunion. On sait que la GRC ne peut pas réagir assez rapidement. Ces criminels sont très bien informés. Ils ont peut-être des séances de formation lorsqu’ils sont incarcérés, je ne sais pas, mais ils savent certainement ce qu’ils font et on dirait qu'ils ont le citoyen moyen à leur merci.
    Fred, il y a des gens qui veulent nous faire croire que les armes de poing ou les armes sont la cause de toute cette vague de criminalité. Je me demande si vous pouviez nous donner votre point de vue. Si les armes de poing avaient été interdites l’an dernier, est-ce que cela aurait empêché l’attaque que vous avez subie? Croyez-vous que les armes de poing sont un problème dans les régions rurales du Canada?
     Je ne crois pas que les armes de poing soient une source de préoccupation dans les régions rurales du Canada. Elles le sont certainement dans les villes. Dans les régions rurales, les gens n’ont tout simplement pas beaucoup d’armes de poing. Il n’y en a pas beaucoup. On a des fusils pour se protéger.
    Comme vous le savez, Jim, là où je vis entre autre, quand je vais de la maison à ma scierie à moins d’un demi-mille, je peux voir des traces de grizzli, des traces de cougar, et je suis là à travailler seul. La seule protection dont je dispose, c’est un chien de garde ou une carabine. C’est la réalité dans les régions rurales de l’Ouest canadien.
(1600)
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez...
    Vous grugez mon temps.
    Je ne vous chipe pas votre temps; c’est juste que cette horloge est détraquée. Nous prendrons encore trois minutes, parce que je suis tellement gentil.
    Fred, pourriez-vous expliquer au Comité l’expérience judiciaire que vous vivez depuis longtemps? La GRC a pu appréhender les deux jeunes, l’un âgé de 18 ans et l’autre de 17, probablement dans la semaine ou les jours qui ont suivi l’incident. Vous pouvez peut-être nous parler de votre expérience avec les tribunaux.
    J’ai passé de nombreuses heures à attendre assis sur des bancs durs dans la salle d’audience d’Edson pour pouvoir entendre ce que ces deux personnes avaient à dire, à attendre que l'affaire soit renvoyée à une date ultérieure, etc. J’ai vérifié mes dossiers, et je crois que j’ai assisté à neuf audiences au tribunal à attendre qu'il en sorte quelque chose. Le 1er octobre de cette année, on était censé avoir une audience au sujet de celui des deux qui n’est pas actuellement en prison, et cette audience est maintenant fixée au 14 décembre.
    J’espère qu’il me reste une seconde, car je veux simplement dire ceci. de ces audiences, j’ai retiré l’impression que nos juges, nos procureurs de la Couronne et nos avocats de la défense faisaient de leur mieux, mais qu’ils manquent tellement de personnel qu’ils ne peuvent pas faire leur travail correctement. Ce qui débouche sur des situations comme celle que je vis. Je ne blâme pas le juge. Comme je l’ai dit, je ne blâme pas les procureurs de la Couronne. C’est triste à dire, mais c'est le système.
    Merci.
    Merci, monsieur Eglinski, et je vous prie de m’excuser d’avoir mal géré l'horloge.
    Ça va.

[Français]

    Madame Moore, vous disposez de sept minutes.
    J'aimerais m'adresser à M. Priestley-Wright.
    Je viens du Nord du Québec, de l'Abitibi-Témiscamingue. Cette région du Nord est collée sur l'Ontario. Chez nous, le genre de crimes dont vous parlez, c'est-à-dire les crimes contre la propriété, viennent souvent par vagues. Ce sont des adolescents ou des jeunes adultes des environs qui commettent ce genre de crimes. Habituellement, ils se font prendre très rapidement parce que quelqu'un se rend compte de quelque chose dans la communauté.
    Depuis le début de l'étude, nous essayons de comprendre pourquoi les statistiques sont différentes entre les provinces de l'Ouest et le Nord du Québec et de l'Ontario.
    À votre connaissance, selon ce qui est arrivé à vous et à vos voisin, et selon votre expérience de conseiller municipal, ces crimes contre la propriété sont-ils commis par des gens de villages avoisinants ou est-ce des gens de la ville qui viennent commettre des crimes dans les régions rurales?

[Traduction]

     La GRC serait probablement la mieux placée pour vous donner cette information.
     La plupart d’entre nous pensons que les gens qui commettent les crimes ne viennent pas de la région. Dans mon cas, par exemple, l'un venait d’Edmonton, je crois, qui se trouve à deux heures de route de chez moi. L’autre venait de Grande Cache, qui se trouve également à environ deux heures de route de chez moi. Je ne sais vraiment pas comment ils se sont réunis. Je suppose que c’était du crime organisé ou semi-organisé entre jeunes. Ce n’est pas principalement la population locale.
(1605)

[Français]

     D'accord.

[Traduction]

     La différence, je pense, pour nous, c’est qu'on a un réseau routier plus étendu probablement que dans la région dont vous parlez. Il est plus facile pour les gens de venir de l’extérieur dans nos régions, les régions rurales.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je ne demandais pas une réponse précise contenant des chiffres. Je voulais vraiment une réponse relative à votre expérience, et vous avez très bien répondu à ma question. C'était suffisant.
    En ce qui a trait au contrôle des armes à feu, j'ai une question à vous poser, madame Cukier.
    Vous avez mentionné notamment que, dans les régions rurales, davantage de policiers sont tués en service. Est-ce que cela peut s'expliquer par le type d'armes à feu utilisées?
    J'imagine que, quand les policiers des milieux urbains font face à des tirs, ce sont souvent des armes de poing qui sont utilisées. Cependant, lorsqu'il y a des tirs dans les régions rurales, on parle souvent de gros calibres, comme des 300 Winchester Magnum, des carabines 30-06 ou des 308 Magnum.
    J'imagine qu'il y a une limite à la protection des gilets pare-balles. Ainsi, lorsque des armes à feu sont utilisées dans les régions rurales, les risques de mort sont plus élevés, parce qu'il s'agit souvent de gros calibres de plus grande portée.

[Traduction]

    Je trouve l'explication intéressante, mais elle ne me semble pas cadrer avec les faits. Si c’était là l’explication, on verrait beaucoup de policiers se faire tirer dessus dans les centres urbains, sans être tués, plutôt que des policiers qui se font tuer dans les régions rurales. Rien ne me semble l'étayer.
    Le dernier policier qui a été tué par balle à Toronto, par exemple, était Todd Baylis en 1994. Depuis, trois policiers ont été tués dans la grande région de Montréal. Mais les 20 ou 30 autres personnes qui ont été tuées, venaient de Lac-Simon, Edmonton, de la GRC, la GRC, la GRC, de Kativik, de la Police provinciale de l’Ontario, de la GRC, la Saskatchewan, la GRC, la Saskatchewan, Windsor, Laval — je le compterais dans la grande région de Montréal — la GRC, la GRC, la GRC, la GRC.
    Au vu de la répartition géographique, l’explication, franchement, c’est que souvent les agents de police interviennent sur appels, et dans ces collectivités, ils sont plus susceptibles de se rendre dans un foyer possédant une arme à feu. Quand un policier est abattu, en général, ce n’est pas dans une fusillade avec un gang dans un centre urbain. Le plus souvent, on a affaire à quelqu’un de perturbé au milieu d’un incident de violence familiale, ou quelqu’un de suicidaire, ou parfois, par exemple dans le cas de Mayerthorpe, quelqu’un qui a une dent contre la police. On l’a vu aussi à Moncton.

[Français]

    D'accord.
     J'ai encore une question à vous poser.
    Lorsque, par exemple, des personnes aux prises avec des troubles de santé mentale, qui pourraient représenter un risque, consultent un professionnel de la santé, à quelle fréquence ces personnes sont-elles signalées au service responsable de la GRC, pour qu'une évaluation des troubles soit effectuée afin de savoir si elles sont toujours aptes à posséder une arme à feu?
    Est-ce que les professionnels de la santé pensent à signaler les cas de personnes aux prises avec des troubles de santé mentale, comme des dépressions ou des troubles d'adaptation particuliers?

[Traduction]

    Encore une fois, je pense que c’est une bonne question.
     Je ne sais pas si le Comité a appelé Dre Barbara Kane, qui travaille à Prince George. Elle est psychiatre. Elle est de ceux qui avisent régulièrement la police lorsqu’elle pense que quelqu’un a un problème de santé mentale.
    On peut examiner les incidents cas par cas. Par exemple, il y a eu un certain nombre de cas épouvantables de violence familiale, en particulier, où les professionnels de la santé ne comprenaient pas vraiment les risques associés au fait de permettre à des personnes atteintes de TSPT ou sujettes à des idées suicidaires, ou à des antécédents de violence familiale, d'avoir accès à des armes à feu, et ne soulevaient même pas la question. On sait que c’est un énorme problème dans les cas de violence familiale, surtout ces 10 dernières années, marquées par une baisse considérable de la sensibilisation aux risques associés aux armes à feu à la maison.
     Je me garderai bien de dire que les armes à feu ne servent à rien dans les collectivités rurales ou autochtones, par exemple. Mais en présence d'un adolescent qui a des problèmes de santé mentale, de quelqu’un qui souffre de dépression, qui est suicidaire... ou dérangé, le fait d’avoir des armes à feu à la maison est un facteur de risque énorme.
(1610)
     Merci, madame Cukier.
    Madame Damoff, bienvenue de nouveau au Comité.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de leur présence.
    Ma question s’adresse à vous, Wendy. Bon retour parmi nous.
    La semaine dernière, deux témoins qui ont comparu devant le Comité — à la demande de nos collègues conservateurs — ont demandé au gouvernement de renforcer les dispositions du Code criminel concernant la légitime défense et la défense des biens afin que les propriétaires puissent agir comme première ligne de défense sans crainte de poursuites.
    Dans ce cas particulier, l’individu a été accusé, puis acquitté, après avoir tiré des coups de feu de semonce en direction d'intrus sur sa propriété rurale qui semblaient affairés à cambrioler sa voiture, et une balle a ricoché frappant l’un d’eux. Ces personnes ont dit: « Les armes à feu ne sont pas le problème au Canada. Le problème, c'est notre système judiciaire. » Elles ont également dit que, dans ces collectivités, les gens préféreraient « tirer, pelleter et se taire » plutôt que de s'en référer aux autorités.
    Je me demande ce que vous pensez de la réduction des restrictions sur les armes à feu comme solution aux crimes contre les biens.
    Si l’armement pour l’auto-protection fonctionnait, les États-Unis seraient le pays le plus sûr du monde. L’an dernier, il y a eu plus de 10 000 meurtres commis avec une arme à feu, largement plus que chez nous.
    Les données montrent, je le répète, que les crimes contre les biens en milieu urbain et rural sont du même ordre. Avec les crimes violents, c'est différent. Selon moi, la disponibilité des armes à feu dans les régions rurales fait partie du problème et non de la solution.
    Si on compare le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis et l’Australie, on constate que le taux par 100 000 meurtres sans arme à feu est à peu près le même, mais quand on introduit les armes à feu dans l'équation, on constate d’énormes différences. L’an dernier, le Royaume-Uni, qui compte 60 millions d’habitants, a été le théâtre de 27 meurtres par arme à feu. Il y a eu autant de coups de couteau, de coups de feu et de strangulations que chez nous, par habitant, mais il y a eu 27 meurtres commis avec une arme à feu.
    Les gens qui réclament des armes pour se protéger y croient sans doute. Ils adhèrent peut-être à la rhétorique à l’américaine, mais il n’y a absolument aucune preuve — je dis bien aucune preuve — crédible dans la littérature sur la santé publique ou la criminologie donnant à penser que notre sécurité y gagnerait.
    Je reviens à ce que les Nations unies ont dit au sujet de l’impact sur la sécurité des femmes. Plus il y a d’armes à feu, plus il y a de femmes tuées, de suicides et de violence interpersonnelle avec usage des armes à feu. C'est un fait clairement établi.
     J’exhorte le Comité à reconnaître que nombreux sont ceux qui, mus par la peur et la frustration — et je peux comprendre les frustrations que suscite le système de justice — peuvent vouloir se faire justice eux-mêmes. La Cour suprême du Canada a dit à maintes reprises que le droit de porter des armes n’existe pas au Canada. Nos lois n’ont pas été conçues pour encourager l’armement pour l’auto-protection à l’américaine. Cela nous mènerait sur une voie de non-retour, je pense. Si l'on pense que les crimes violents sont un problème maintenant, plus d’armes à feu ne feront qu'aggraver l'insécurité.
    Disposez-vous effectivement de statistiques comparatives entre le Canada et les États-Unis? Vous avez mentionné les États-Unis et vous venez de dire que les chiffres au Canada étaient beaucoup plus bas. Est-ce que vous avez les chiffres?
    Oui. La population des États-Unis est 10 fois supérieure à la nôtre. Il y a eu, chez eux, 11 004 meurtres avec des armes à feu en 2016, 223 chez nous. Si les proportions étaient les mêmes, il y en aurait eu environ 2 000. Les taux d’homicides commis à l’aide d’une arme à feu y sont considérablement plus élevés.
     Les meurtres commis sans arme à feu sont deux fois plus nombreux. Quand le chiffre, chez nous, était de 0,93 pour 100 000 habitants, il était de 1,94 chez nos voisins. Cela renforce vraiment le constat que plus il y a d’armes à feu, moins on est en sécurité. Plus il y a d’armes à feu, plus il y a d’enfants, de femmes et de policiers tués.
    Malheureusement, cette tendance est constante partout au Canada. Si on compare les taux de possession d’armes à feu aux taux de décès et de blessures causés par des armes à feu au Canada, on constate qu'il y a correspondance entre les deux. Les provinces où il y a le plus d’armes à feu sont celles qui enregistrent les taux les plus élevés de femmes tuées avec des armes à feu et de suicide.
    C'est un fait clairement établi.
(1615)
     Je me demande également si vous pourriez nous fournir cette liste d’agents de police. Vous en avez donné lecture, mais vous pourriez la faire parvenir au greffier.
    Oui. Comme je l’ai dit au début, je me ferai un plaisir de vous fournir un mémoire écrit, traduit et accompagné des données que je cite.
    Merci beaucoup.
    Comme vous le savez, notre étude porte sur la criminalité en milieu rural, mais, jusqu’à présent, la discussion a surtout porté sur les crimes contre les biens, comme les intrusions et l’introduction par effraction dans les voitures. Savez-vous si la criminalité liée aux armes à feu a augmenté au cours des dernières années dans les régions rurales? Deuxièmement, qu’en est-il de la violence conjugale impliquant une arme à feu?
    Il vous reste un peu moins d’une minute.
    Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir cela également.
    L’Association canadienne des chefs de police en a fait rapport. Statistique Canada en a fait état. Bien que, comme je l’ai dit au début, On s'est beaucoup intéressé dernièrement à la violence commise à l’aide d’une arme à feu à Toronto parce qu’on avait l’impression qu'elle était aléatoire et frappait les victimes dans des endroits où l'on s’attendait à être en sécurité, la tendance est constante partout au pays. C'est une problématique qui intéresse toutes les collectivités, pas seulement les grands centres urbains.
    D’accord, on va devoir s'arrêter ici. Merci, madame Damoff.

[Français]

Monsieur Paul-Hus, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    À voir la façon dont elle a commencé, je crois que notre étude est un peu tordue. Notre étude se penche sur le problème de la criminalité en milieu rural.
    Nous avons rencontré des témoins, par exemple la famille Maurice, et nous entendons aujourd'hui M. Priestley-Wright. Or tout tourne autour de leur histoire et on ne cherche pas à savoir qui sont les personnes qui commettent les crimes, pourquoi elles les commettent et comment elles sont soutenues. La semaine passée, des individus se sont introduits sur une propriété par effraction, et dans le cas de M. Priestley-Wright, on a tenté de voler son véhicule.
    Ma collègue Mme Damoff a déjà posé la question, mais selon vous, monsieur Priestley-Wright, la plupart des crimes en Alberta sont-ils commis par de petites crapules de 17 ou 18 ans ou s'agit-il de groupes organisés? Actuellement, le vol de voitures est-il le crime le plus courant?

[Traduction]

    J’ai l’impression que c’est organisé, peut-être pas dans le détail, mais organisé. Ils ont tous leurs réseaux. Peu importe ce qu’ils volent, ils savent à qui le fourguer.
    J’aimerais faire un commentaire, si vous me le permettez. Dans la plupart des petits crimes commis dans les régions rurales, les voyous utilisent des couteaux, il me semble. Pas des armes à feu. Je suis d’accord avec ce qui a été dit plus tôt, c’est-à-dire que les fusillades sont le fait de gens qui ont des problèmes de santé mentale. À la réflexion, aussi loin que je remonte dans les années, la majorité des fusillades dont j’ai eu connaissance ont été perpétrées par des gens dont on a démontré qu’ils étaient mentalement instables. Autrement dit, on m'a attaqué au couteau. Tout le monde est attaqué au couteau. Je ne me souviens pas d’un cas de crime en milieu rural où les agresseurs aient utilisé un fusil.
(1620)

[Français]

    J'aimerais récapituler. Quand c'est arrivé, vous n'étiez pas en mesure d'appeler la police. On a essayé de voler votre véhicule et cela s'est fait rapidement. Par la suite, les individus ont été arrêtés. Vous avez indiqué que le processus judiciaire avait été très long. Vous nous dites maintenant qu'un des individus n'a pas été incarcéré. Savez-vous pourquoi?
    Vous avez également mentionné qu'il manquait de ressources en ce qui concerne les juges et les avocats. En tant que députés fédéraux, il est important que nous comprenions où il manque de ressources. Ces gens ont été arrêtés, mais pourquoi n'ont-ils pas été incarcérés? Ils ont tenté de vous tuer, ce qui est grave, selon nous. Pourquoi dites-vous qu'il manque de ressources?

[Traduction]

     Je dois m’excuser. Ils étaient tous les deux dans des centres de détention provisoire. Celui qui est incarcéré est dans le système carcéral fédéral. L’autre a plaidé non coupable. Je suis désolé. Je ne connais pas tous les termes utilisés.
    D’après ce que j’ai pu observer, après avoir assisté à probablement neuf audiences, la raison pour laquelle j’ai l’impression que le système est surchargé, c’est que l'on renvoie systématiquement les affaires à une date ultérieure, puis une autre, simplement parce que les avocats de la défense et la Couronne n’ont pas eu le temps de réunir tous les renseignements dont ils ont besoin. Je suppose que c’est un manque de main-d’oeuvre. Je me trompe peut-être complètement, mais c’est ce que j’ai observé au cours de neuf séances différentes.

[Français]

     Je vais revenir à l'enquête de la GRC. Comme on le sait, la GRC est intervenue, a pris votre déposition, a fait son enquête et a porté des accusations.
    Selon vous, le travail de la GRC a-t-il été efficace?

[Traduction]

    Oui, je le crois. Il a fallu moins de trois jours pour prendre les deux coupables. Grâce aux empreintes digitales, entre autres, on a pu les identifier assez facilement, parce que ces deux individus avaient d’autres dossiers, pour ainsi dire. J’ai eu l’impression que la GRC avait travaillé assez rapidement sur ce dossier.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Madame Sahota, vous avez cinq minutes pour conclure.
    Je sympathise certainement avec vous, monsieur Priestley-Wright. C’est un incident horrible que vous avez dû vivre. Vous en souffrez physiquement.
     J’entends aussi parler de nombreux cas de vol de biens, impliquant bien souvent la violence, et même dans ma circonscription, qui est plus urbaine, à Brampton, la police n’intervient pas. Personne ne se présente pendant des jours parce qu’il s’agit simplement d’un crime contre les biens.
    Pensez-vous que dans les régions rurales, il y a un manque d’intérêt parce qu’il s’agit de crimes contre les biens? Dans votre cas, la GRC a répondu, mais on nous a parlé de quelques autres cas où les délais d’intervention étaient lents. On fait face à des problèmes semblables dans les régions urbaines. Qu’en pensez-vous?
    Je crois que nous tous, habitants des régions rurales, trouvons que la GRC fait du bon travail malgré son manque de personnel. Les agents doivent faire des choix. Ils ne vont pas me présenter un mandat d'arrêt pour avoir conduit à 15 kilomètres à l'heure au-dessus de la limite permise pendant qu'ils enquêtent sur un grave crime en milieu rural comme celui que j'ai subi.
    Ces agents ne sont pas nombreux. D'après ce que j'ai pu constater, ils travaillent sans relâche. Ils doivent cependant choisir leurs priorités.
    Certains témoins nous ont parlé de défense des biens matériels et de la possibilité d'utiliser une arme de poing ou autre. Vous nous avez dit que dans votre cas, vous n'avez pas eu le temps d'accéder à quelque chose de ce genre. Vous n'avez même pas eu le temps d'appeler la police. Pensez-vous que la propriété d'une arme de poing et le fait d'y accéder plus facilement contribueraient à résoudre le problème des crimes en milieu rural, ou non?
(1625)
    Je vous dirai que tous les gens qui vivent dans ma région possèdent une arme d'épaule et savent exactement où elle se trouve. Si quelqu'un rentre chez moi pour essayer d'attaquer mon épouse, il se retrouvera probablement devant le canon de mon arme d'épaule, mais...
    Pour un crime contre les biens?
    Je le répète, dans le cas des crimes contre les biens, le travail est accompli de la façon la plus exacte et la plus complète possible avec les ressources disponibles et dans les délais accordés pour résoudre les crimes mineurs contre les biens.
    À votre avis, si les ressources ne suffisent pas, est-ce qu'en les augmentant, on réduirait plus encore les taux de criminalité en milieu rural?
    Comme on l'a dit plus tôt, ces individus qui volent et autres, ce sont des professionnels et des semi-professionnels. Ils agissent avec une rapidité incroyable. Ils savent où se trouvent les policiers. Ils savent combien de temps il leur faudra pour arriver sur les lieux du crime.
    Nous constatons des situations très similaires en milieu urbain. Les voleurs sont rapides. Ils arrivent et s'en vont très vite. Ils savent ce qu'ils font.
    J'ai aussi trouvé intéressant que vous nous disiez que ces voleurs n'utilisent pas d'armes d'épaule. La plupart d'entre eux n'utilisent pas d'armes à feu. Vous nous avez dit que la plupart du temps, ils utilisent des couteaux.
    Oui, la plupart d'entre eux utilisent des couteaux. Les habitants des régions rurales ne sont pas paranoïaques, ils sont terrorisés. Un homme a été attaqué en plein midi. Les voleurs sont allés en auto jusqu'à son magasin, ils ont ouvert la porte et se sont mis à transférer la marchandise et autres. Il a crié contre eux depuis sa maison. Ils lui ont dit de rentrer dans sa maison, sinon ils lui feraient du mal. C'est exactement ce qu'il a fait. Il est rentré chez lui et a appelé le 911, et évidemment que quand les agents de la GRC sont arrivés, les individus avaient pris tout ce qu'ils voulaient et étaient partis.
    Dans votre rôle de conseiller municipal, comment définiriez-vous le crime en milieu rural? J'y pense beaucoup depuis que nous avons entamé cette étude. Quelle différence voyez-vous entre le crime en milieu rural et en milieu urbain? En quoi l'acte diffère-t-il?
    Par exemple, en ville, les voleurs visent un seul objet, en général. Ils ne vident pas nécessairement les autos, mais s'ils savent qu'un propriétaire est absent, ils vident sa maison. Dans les régions rurales, ils raflent tout ce qu'ils trouvent pour avoir beaucoup d'objets, parce qu'ils savent qu'ils pourront les vendre quelque part et se faire de l'argent.
    Merci. Nous devrons nous arrêter là.
    Merci, madame Sahota.
    Avant de partir, monsieur Priestley-Wright, combien de temps s'est écoulé entre l'appel de votre épouse et l'arrivée de la GRC?
    Peut-être une demi-heure ou un peu plus.
    À quelle distance se trouve votre maison du détachement?
    Soixante-dix kilomètres.
    Soixante-dix kilomètres?
    C'est exact.
    Au nom du Comité, je vous remercie de nous avoir décrit votre expérience. C'était horrible. Nous sommes heureux de vous voir en pleine guérison, et nous vous souhaitons de guérir complètement.
    Madame Cukier, vous témoignez souvent devant notre comité. Merci aussi à vous pour votre témoignage.
    Cela dit, nous allons suspendre la séance.
    Nous avions décidé qu'avant d'écouter le prochain groupe de témoins, nous allions passer à huis clos pour discuter un peu des travaux du Comité, puis nous entendrions les prochains témoins.
    Les membres du Comité sont-ils d'accord? Désirez-vous toujours procéder ainsi?
    Des députés: D'accord.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
(1630)

(1635)
     [La séance publique reprend.]
    Je demanderai aux témoins de prendre place.
    Monsieur Larsen, voudriez-vous commencer en nous présentant votre allocution, s'il vous plaît? Vous avez 10 minutes.
(1640)
    Bonjour. Je m'appelle Dale Larsen. Je suis sous-ministre adjoint des Services de police et de sécurité communautaire au ministère des Services correctionnels et de la Police du gouvernement de la Saskatchewan.
    J'ai commencé à faire carrière au ministère en 2013. Avant cela, j'étais chef des Services de police de Moose Jaw.
    Je suis accompagné de Cory Lerat, directeur général de la qualité et de l'innovation des services de police. Il est aussi responsable du programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix ainsi que des services de police des Premières Nations dans notre ministère.
    Cory a d'abord été agent de la GRC. Il était inspecteur quand il a pris sa retraite, après avoir accumulé 30 années d'expérience.
    En 2012, la Saskatchewan Urban Municipalities Association et la Saskatchewan Association of Rural Municipalities ont informé le ministère des Services correctionnels et des Services de police que leurs ressources policières étaient insuffisantes pour assurer adéquatement la sécurité des collectivités, particulièrement pour intervenir aux incidents à priorité élevée qui présentent un faible risque, comme l’application de la sécurité routière, les infractions dues à l’alcool et les initiatives de prévention du crime.
    Les dirigeants des services de police savent depuis des années — et les résultats de recherche l'ont démontré — que la majorité des appels que reçoit la police ne sont pas de nature criminelle. Près du 80 % des interventions policières n'ont rien de criminel.
    Un grand pourcentage de ces appels, bien qu'étant de priorité élevée, présentent un faible risque pour les agents de police. Il s'agit généralement de plaintes liées à la circulation et à des collisions, de violations de règlements municipaux, de vols mineurs et d'actes malveillants qui ne sont plus en cours et sur lesquels il faut faire rapport. Il s'agit aussi d'initiatives de prévention du crime qui n’exigent pas la présence d’un agent de police armé et entièrement formé.
    Le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix vise à offrir aux municipalités, aux petites collectivités rurales et aux Premières Nations une manière de soutenir et d'améliorer les services de police qu'elles ont déjà et de renforcer les initiatives de prévention du crime.
    L’autre modèle d’application de la loi a été élaboré par le ministère en collaboration avec les associations des municipalités rurales et urbaines de la Saskatchewan, la SARM et la SUMA, ainsi qu'avec la GRC et avec la Saskatchewan Association of Chiefs of Police et la Saskatchewan Federation of Police Officers. Il était important non seulement de consulter les intervenants, mais de les faire participer à la conception et à la mise en œuvre de ce programme.
    L’élaboration du programme d'agents de sécurité communautaire a commencé en avril 2013 par un examen, dans la documentation, des modèles de prestation de services de police à faible risque afin d’améliorer et de soutenir les services de police des villes, de la GRC et des Premières Nations. Cet examen a porté sur des modèles du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada. Nous avons notamment étudié le modèle d’agents de la paix de la province de l’Alberta. Cet examen a produit un modèle de programme provincial dans le cadre des stratégies existantes de services de police communautaires. Ce modèle renforce la sécurité des collectivités et la prévention du crime en établissant des partenariats avec les intervenants communautaires. Il met l’accent sur la prévention du crime et sur l’intervention ainsi que sur la répression à faible risque. On l’appelle maintenant le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix.
    Notre examen de la documentation nous a incités à établir une structure fondée sur quatre volets: les fonctions, la gouvernance, la formation et les compétences ainsi que l’évaluation des résultats attendus.
    Pour réaliser ce concept et valider le principe des agents de sécurité communautaire, nous avons choisi la ville de North Battleford, qui compte 13 567 résidants et qui affiche l'un des indices de gravité de la criminalité les plus élevés au pays. Nous y avons lancé le programme des agents de sécurité communautaire en 2014. Aujourd’hui, ce programme emploie six agents et fait partie intégrante de la stratégie de sécurité communautaire de la ville. Même si les agents de sécurité communautaire ne sont pas des agents de police ordinaires, on les considère comme un élément essentiel à l’appui du détachement de la GRC de Battleford.
    Le ministère a découvert dès le début que le partenariat entre les agents de sécurité communautaire et le service de police compétent est absolument essentiel au succès de ce programme. Le commissaire adjoint de la Division F de la GRC, Curtis Zablocki, a appuyé ce programme en soulignant que si ces agents se chargent de certaines enquêtes mineures, ceux de la GRC pourront concentrer leurs efforts sur les activités criminelles plus graves. Dans un rapport récent, la Ville de North Battleford indique que jusqu'à présent, son unité de sécurité communautaire a traité 6 105 appels de service et distribué plus de 3 300 contraventions pour diverses infractions.
    Ce programme a aussi célébré l'une de ses premières réussites à Edenwold, en Saskatchewan. Cherchant à réduire son taux de criminalité, cette petite municipalité rurale, qui ne compte que 233 résidants, a été l'une des premières à souscrire au programme des agents de sécurité communautaire. Elle a constaté que ces agents dissuadent les voleurs, mais qu'ils préviennent aussi la détérioration des routes en y appliquant la loi sur le poids des véhicules. La municipalité d’Edenwold contracte maintenant les services de ses agents de sécurité communautaire à trois autres collectivités rurales des environs.
    Les futurs agents de sécurité communautaire suivent le cours de formation des agents de la paix. Il se donne dans le cadre d’un protocole d’entente signé entre le ministère et Saskatchewan Polytechnic. C'est un cours de formation des recrues de six semaines, soit quatre semaines en salle de classe et deux en ligne. Certains agents peuvent en être exemptés, mais au cas par cas et sur approbation écrite de mon bureau. Une fois formés, les agents de la sécurité communautaire sont autorisés à porter les armes intermédiaires et les dispositifs de contrainte suivants: des bombes lacrymogènes, une matraque et des menottes. Ces agents de sécurité et ces gardiens de la paix ne portent pas d’armes à feu.
    Les agents de sécurité et les gardiens de la paix apprennent aussi à reconnaître leurs limites dans les cas d'intervention à faible risque. Ils ne doivent pas intervenir sur les routes de leur territoire où l'on peut circuler jusqu'à 90 kilomètres à l’heure. Ils ne participent d’aucune façon aux incidents où l’on soupçonne la présence d’armes à feu. S'ils font face à une agression ou à un autre événement potentiellement violent, ils doivent appeler le service de police local. S'ils se trouvent devant un conducteur qui a des facultés affaiblies, ils doivent aussi appeler le service de police local. Ils ne sont pas autorisés à s’engager dans la poursuite d'un véhicule suspect.
(1645)
    S'ils terminent avec succès leur programme de formation d'agents de sécurité et des gardiens de la paix, on leur confère des pouvoirs en vertu de plusieurs lois provinciales et on leur permet d'intervenir dans les cas d'infractions du Code criminel qui ne sont pas en cours, comme les vols d'objets d'une valeur inférieure à 5 000 $ et les actes malveillants. Ils ne peuvent cependant que recueillir de l’information, évaluer la situation et assurer la liaison avec la police locale compétente, selon les besoins. Ils peuvent aussi faire un constat dans les cas de collision de véhicules automobiles qui surviennent dans leur secteur de compétence. Ils détiennent également les pouvoirs que le Code criminel confère aux agents de la paix pour signifier des assignations à comparaître et des documents juridiques.
    Dans le cadre de l’examen des programmes de juillet 2017, on a évalué le cours de formation des agents de sécurité communautaire. Plus récemment, en août 2018, on a effectué une évaluation complète de ce programme, et la mise en oeuvre des recommandations se poursuit.
    Au printemps 2018, dans le cadre de la stratégie sur le crime en milieu rural, le ministre a embauché un employé à temps plein chargé exclusivement de la mise en oeuvre des recommandations de ces deux évaluations du programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix.
    En ce qui concerne les mesures disciplinaires et les plaintes du public, ces agents gardiens de la paix relèvent directement de leur municipalité, de leur municipalité rurale ou de leur Première Nation, qui contrôle leur horaire et leur déploiement dans ses limites géographiques conformément à leurs fonctions d’agents de la paix.
    Monsieur Larsen, il vous reste une minute et demie. Je suis désolé d'interrompre votre allocution.
    Alors je vais sauter quelques pages pour vous présenter les deux ou trois dernières qui concernent les Premières Nations.
    En Saskatchewan, nous avons 70 communautés de Premières Nations, dont 51 relèvent du Programme des services de police des Premières Nations, un service de police des Premières Nations autogéré qui couvre cinq Premières Nations et 46 Premières Nations qui relèvent de l’Association canadienne des policiers. Ceux-ci reçoivent des services de police fournis par la GRC dans le cadre du programme fédéral-provincial des services de police des Premières Nations financé à 52 % par le Canada et à 48 % par la province. En Saskatchewan, le financement fédéral et provincial s’élève à près de 22 millions de dollars par année.
    Comme le mentionne un document fédéral sur les modalités de financement des services de police des Premières Nations et des Inuits, il faudrait envisager des approches novatrices en matière de prestation de services de police dans ces communautés. Dans cette optique, notre équipe collabore avec Sécurité publique Canada pour trouver des moyens d’intégrer le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix à ce modèle de financement.
    Récemment, on a lancé un projet pilote pour faciliter la formation dans les communautés de Pelican Narrows, de la Première Nation Little Pine et de la Nation crie Poundmaker. En septembre 2018, la formation des gardiens de la paix a commencé dans la Nation crie de Peter Ballantyne, à Pelican Narrows. En octobre...
(1650)
    Pourriez-vous conclure votre allocution, monsieur Larsen. Je suis désolé de limiter votre temps.
    Mais bien sûr.
    On prévoit que d’ici à la fin de l’année civile 2018, la Saskatchewan comptera 77 agents de sécurité communautaire et gardiens de la paix dûment formés qui travailleront dans la province.
    En conclusion, le Programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix offre aux municipalités et aux communautés des Premières Nations une option abordable et efficace pour améliorer la sécurité et le soutien des collectivités locales, et non pour remplacer les services de police dans leurs territoires de compétence.
    C'était un plaisir de vous présenter le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix de la Saskatchewan. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Larsen.
    Docteur Drummond, le Comité est heureux de vous revoir.
    Oh, merci beaucoup. Je ne sais pas très bien pourquoi on m'a invité à comparaître aujourd'hui, mais il doit y avoir une raison.
    Je suis sûr que nous partageons tous ce même sentiment.
    Je vais simplement essayer de souligner à nouveau certaines observations que je vous ai présentées en mai ou en juin dernier.
    Plutôt que de me considérer comme un expert dans le domaine de la violence liée aux armes à feu, ce que je ne suis pas après 35 ans de pratique en milieu rural en tant que médecin de famille, urgentologue et coroner, j’estime pouvoir témoigner un peu sur la question de l’accès aux armes à feu et des décès en milieu rural.
    Avant de commencer à pratiquer en milieu rural à Perth, en Ontario, juste au sud d’ici, j’ai vécu à Montréal, à Ottawa et à Vancouver, et j’ai servi trois ans dans l’armée canadienne. Au cours de cette période, j’ai rarement été témoin de blessures ou de décès causés par une arme à feu.
    Toutefois, ayant été urgentologue en milieu rural et coroner, j’ai vu plus que ma part de blessures et de décès causés par des armes d’épaule. Sur les trois meurtres commis au cours de mes 35 années de service à Perth, j’ai enquêté sur deux d’entre eux — Dieu seul sait pourquoi j'ai eu cette chance-là — dont l'expérience pénible d'enquêter sur un double meurtre-suicide commis avec une arme d’épaule à la suite d'un incident de violence entre partenaires intimes. Ce souvenir me hante encore 25 ans plus tard. Cela me rappelle constamment la nécessité d’empêcher l’accès aux armes à feu pour ceux qui ne devraient pas en posséder.
    Je tiens à souligner que nous les urgentologues considérons la santé publique comme une question tout à fait non partisane. Cela explique peut-être pourquoi, en tant que propriétaire d’armes à feu titulaire d’un permis en milieu rural et membre du Parti conservateur, je considère la prévention de l’usage abusif et des blessures liées aux armes à feu d’un point de vue non partisan. Je n'y vois rien de partisan. Je ne m'oppose pas à la possession d'armes à feu.
    En tant que membre de l’Association canadienne des médecins d’urgence, ce sera ma quatrième comparution devant un comité. J'ai donné mon premier témoignage quand Warren Allmand était président, en 1994. Cela fait probablement de moi un vieux bonhomme.
    J'y étais probablement aussi.
    Alors nous avons deux vieux bonshommes.
    Bien malheureusement.
    Je sais.
    En tant que médecin en milieu rural, et surtout en tant que coroner, je suis abasourdi de constater l'écart incroyable entre le discours public sur le contrôle des armes à feu, qui semble se focaliser sur les armes de poing illégales, sur les crimes commis avec des armes à feu, sur la violence des gangs et sur les homicides, et la réalité que je vois sur le terrain, c’est-à-dire le suicide par des armes d’épaule détenues légalement. À mon avis, cette focalisation sur la criminalité nous a empêchés de saisir une occasion très réelle de réduire les décès par armes à feu et les handicaps liés au suicide et [...] à leur prévention. Au Canada, 80 % des décès par armes à feu sont attribuables au suicide.
    Dans le comté rural de Lanark, juste au sud d’Ottawa, où je vis et où je travaille, on ne voit pratiquement aucun crime commis avec une arme à feu. Cependant, le suicide par arme d’épaule n’est pas rare du tout. Voilà où le gouvernement et ceux qui travailleront avec lui devraient concentrer leurs efforts. Il faut avant tout réduire l'accès aux armes à feu, particulièrement dans les cas des personnes à risque d’automutilation ou de violence envers un partenaire intime. Cela ne résoudra évidemment pas le problème, qui est complexe et multifactoriel. Ce sera un petit pas extrêmement important dans la bonne direction pour réduire les conséquences tragiques du suicide.
    Je vous ai déjà parlé de tout cela en mai ou en juin, alors je ne vais pas y revenir. Je suis sûr que vous avez toutes les données de Statistique Canada. Notre association préconise une recherche plus poussée. Les enquêtes de Statistique Canada sont extrêmement utiles, mais il serait bon d'examiner le lien entre les armes à feu et le suicide, la violence entre partenaires intimes et les homicides afin de concentrer nos efforts sur l’optimisation de notre investissement — quelle expression affreuse dans ce contexte — et d'appliquer les mesures nécessaires pour réduire l’accès aux armes à feu et les taux de mortalité. Nous croyons qu’il faut procéder à un dépistage beaucoup plus rigoureux des personnes à risque. Nous croyons également que les médecins devraient jouer un rôle important en signalant les personnes à risque. Nous le faisons dans les domaines de l’aviation, de la conduite automobile et de la maltraitance des enfants. Pourquoi ne pas l'appliquer aux armes à feu?
    On ne perçoit peut-être pas clairement de sous-ensembles de la population sur lesquels cibler ces efforts, mais je pense que nous convenons tous qu'une personne psychotique active qui a des délires paranoïaques et qui veut exterminer le gouvernement du Canada ne devrait probablement pas posséder d’arme à feu. Je pense que nous nous entendons sur le fait qu’une personne qui commet de la violence conjugale ne devrait pas avoir accès à une arme à feu. Voilà dans quels cas les membres de ma profession et de la société devraient faire le tout petit effort obligatoire, qui est cependant si important, de signaler les personnes à risque.
    Merci.
(1655)
    Merci, docteur Drummond.
    Monsieur Friedman, vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et mesdames et messieurs du Comité. Merci de m'avoir invité aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de comparaître devant vous.
    Contrairement à la dernière fois, je comparais aujourd’hui à titre personnel en qualité d’avocat de la défense. Bien que mon cabinet soit basé ici, à Ottawa, je défends régulièrement des clients un peu partout dans la région. Mon travail m’amène souvent dans de petites villes et des villages de Stormont, Dundas et Glengarry dans l’Est, jusqu’à Renfrew et Lanark Country — comme le Dr Drummond — dans l’Ouest et partout entre les deux.
    J’ai observé moi-même les difficultés auxquelles se heurtent les habitants des régions rurales, qui sont à la fois victimes d’actes criminels et font trop souvent aussi l'objet d’accusations criminelles. La semaine dernière, j’ai trouvé le témoignage d’Edward et de Jessica Maurice particulièrement frappant. Malheureusement, j'avais déjà entendu maintes fois ces propos: les habitants des régions rurales doivent affronter des intrus sur leur propriété. Parfois, ces individus sont armés. Invariablement, quand les secondes comptent, la police n’est qu’à quelques minutes de là. Comme Edward et Jessica, les résidants doivent prendre la terrible décision d’agir en légitime défense ou de risquer des conséquences inimaginables.
    D’entrée de jeu, je dois faire la distinction entre deux concepts parfaitement distincts. Il y a le phénomène du justicier, qui est un crime, et l’acte de légitime défense, qui est un droit reconnu depuis longtemps dans la common law et dans le Code criminel.
    Être justicier, c’est agir illégalement, chercher à obtenir réparation ou vengeance pour des torts réels ou perçus. On prend la loi en main. C’est contraire à la primauté du droit dans une société libre et démocratique. Cela doit être découragé et puni par le système de justice pénale.
    La légitime défense est une tout autre chose. Depuis que la common law moderne existe, le droit des particuliers d’utiliser une force proportionnelle et raisonnable pour repousser les menaces illégales est reconnu et protégé. C’est inscrit dans notre droit criminel.
    Mais bien souvent, selon mon expérience, les propriétaires qui agissent en légitime défense font eux-mêmes l’objet d’accusations criminelles. En fin de compte, bon nombre de ces clients finissent par être acquittés ou, comme Eddie Maurice, par voir leurs accusations retirées avant leur procès, mais ce n’est qu'une piètre consolation. Ces gens ont été arrêtés, accusés et souvent mis en liberté sous caution. Certains ne sont pas libérés sous caution et doivent attendre leur procès en détention. Ces arrestations sont très médiatisées. À l’ère d’Internet, je dis souvent à mes clients qu'ils ne devraient pas redouter d'avoir un casier judiciaire, mais un dossier Google. Les recherches effectuées dans le Web par des voisins, des employeurs éventuels et d’autres personnes sur leur arrestation et sur les allégations d’actes répréhensibles finissent aux nouvelles et dans les médias sociaux.
    Puis, bien sûr, il y a les frais. Au Canada, à moins de présenter la preuve ultime, on ne peut pas faire grand-chose pour recouvrer les frais juridiques engagés pour se défendre contre des accusations criminelles, même les moins fondées. Mes clients, comme le couple Maurice, le découvrent souvent. Toute cette procédure a l'effet d'un châtiment. Que faire pour corriger cette situation?
    À mon avis, il faut commencer par s'attaquer aux dispositions actuelles du Code criminel sur la légitime défense. Oui, ces articles ont récemment été modifiés et consolidés par le gouvernement précédent en 2012. Il a fallu attendre longtemps. En 1995 déjà, la Cour suprême déclarait que « de toute évidence, le législateur devrait intervenir pour clarifier le régime de la légitime défense prévu dans le Code criminel ». En fait, cette même cour critiquait ces dispositions comme étant très techniques, excessivement détaillées et incohérentes à l’interne. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment parce que la police et les procureurs interprètent et appliquent ces nouvelles dispositions depuis plus de cinq ans.
    Les Canadiens méritent une application uniforme et prévisible du droit pénal. Il est surtout fondamental pour la primauté du droit de décrire clairement les limites qui séparent les actes illégaux de la légitime défense. Je vais présenter au Comité un certain nombre de mesures pratiques qui pourraient préciser mieux encore les dispositions du Code criminel relatives à la légitime défense.
    Premièrement, le Parlement devrait envisager de codifier les principes actuels de la légitime défense en common law dans le Code criminel. Même si cela ne changera pas l'issue d'une cause portée devant les tribunaux — bien sûr, un juge connaît la loi et donnera des instructions au jury en conséquence —, cela donnerait aux organismes d’application de la loi qui envisagent de porter des accusations des directives claires pour déterminer s’il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise.
    Ces principes de common law reconnus sont les suivants:
    Premièrement, selon l'arrêt Ward de la Cour d’appel de l’Ontario, il n’incombe pas à l’accusé de démontrer qu’il n’avait aucun moyen raisonnable de se retirer ou de s'en aller.
    Deuxièmement, selon l'arrêt Mohamed de la Cour d’appel de l’Ontario, les gens qui vivent des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le temps de réfléchir subtilement.
    Troisièmement, selon l'arrêt Baxter de la Cour d’appel de l’Ontario, on ne peut pas s’attendre à ce qu’une personne qui se défend contre une attaque sans merci pèse avec subtilité la mesure exacte de l’action défensive nécessaire.
(1700)
    Quatrièmement, selon l'arrêt Pétel de la Cour suprême du Canada, pour évaluer une allégation de légitime défense, il faut déterminer si la perception qu'avait l’accusé des faits pertinents était raisonnable. Autrement dit, un accusé a le droit de se tromper tant et aussi longtemps que cette erreur est raisonnable.
    Ensuite, le Parlement devrait envisager d’apporter au Code criminel une modification qui préciserait les circonstances dans lesquelles un accusé n’aurait pas le fardeau d’établir le fondement de la preuve pour une demande de légitime défense. À l’heure actuelle, pour qu’un tribunal examine une telle demande, le juge doit conclure que la défense a une « apparence de réalité », c’est-à-dire que la preuve en indique la possibilité. Bien que cela ne transfère pas officiellement le fardeau de la preuve à l’accusé, c’est souvent l’effet pratique que produit cette clause. Une fois que le juge accepte l'apparence de réalité, la Couronne doit réfuter l’allégation de légitime défense hors de tout doute raisonnable.
    Je recommande que l'on modifie le Code criminel pour qu'il y ait automatiquement apparence de réalité quand l’accusé se trouve sur sa propriété et que la victime s’y est introduite illégalement.
    Enfin, je propose une rationalisation globale des dispositions actuelles en matière de légitime défense. Nous pouvons nous inspirer d’autres pays.
    Par exemple, en Nouvelle-Zélande, la loi prévoit ce qui suit:
Tout le monde a raison d'utiliser, pour se défendre ou pour défendre autrui, la force qu'il ou elle pense nécessaire et raisonnable.
    Je conclurai en affirmant que les victimes d’actes criminels en milieu rural ne devraient pas souffrir doublement, la première fois par les actes de criminels et la deuxième fois par ceux du système de justice pénale. On peut prendre bien des mesures pour assurer l’équité de l’application du Code criminel et pour rétablir le lien de confiance des Canadiens des régions rurales envers les organismes d’application de la loi et les tribunaux.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention.
    Merci, monsieur Friedman.
    Madame Dabrusin, à vous la parole. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser ma première question au sous-ministre adjoint, Dale Larsen.
    Excusez-moi, je n'ai pas entendu le nom de la personne qui vous accompagne.
    C'est Cory Lerat.
    Bien. Je vous remercie tous les deux.
    Vous avez parlé de la façon dont vous vous attaquez à la criminalité en milieu rural, mais j’aimerais revenir un peu en arrière.
    Je regardais des documents de Statistique Canada qui semblent indiquer que la Saskatchewan a peut-être des problèmes légèrement différents de ceux des autres provinces des Prairies dans le cas de la criminalité en milieu rural. Il semblerait que le Manitoba et la Saskatchewan affichent des taux élevés de criminalité en milieu rural qui découlent des taux élevés de tous les types de crimes: violence, crimes contre les biens et autres. En Alberta, ces taux sont dus en grande partie aux crimes contre les biens.
    Selon une autre étude de Statistique Canada, l’indice de gravité de la criminalité est beaucoup plus élevé en Saskatchewan que dans les deux autres provinces.
    J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Savez-vous pourquoi il en est ainsi? Cela m’aiderait peut-être à mieux comprendre.
    J’ai moi aussi remarqué que la publication de Statistique Canada sur les crimes contre les biens concerne l’Alberta.
    Comme vous le savez probablement, l’indice de gravité de la criminalité et le taux de criminalité sont deux choses distinctes. Compte tenu de notre population et de certains crimes violents que nous constatons en Saskatchewan et au Manitoba, l'indice de la criminalité est plus élevé. En soi, cet indice porte sur les crimes contre les biens et sur les crimes violents. Il est difficile de comparer les deux.
    En ce qui concerne les crimes contre les biens, nous observons une légère tendance à la baisse en ce moment, mais les taux sont encore élevés.
    Avez-vous des statistiques de la Saskatchewan indiquant s’il y a une différence entre, disons, la gravité de la criminalité ou les types de crimes dans vos régions urbaines et rurales?
(1705)
    Une chose m'étonne, c'est que les indices de gravité de la criminalité des plus grandes municipalités urbaines de la province, Regina et Saskatoon, se rapprochent des chiffres de toute la province. Dans l’exemple de North Battleford que nous avons présenté, l'indice de gravité de la criminalité est probablement deux fois plus élevé que celui de Saskatoon ou de Regina.
    Avez-vous fait des recherches ou examiné les raisons de cette situation?
    Certains de ces chiffres sont dus à la formule elle-même. Dans le cas d'une ville comme North Battleford, où la population est de 13 000 habitants, on fausse parfois les données en essayant de calculer le taux à partir d’une population de 100 000 habitants. Nous examinons des crimes plus ou moins réels et le taux qui les motive, par opposition à l’indice de gravité de la criminalité, et nous essayons toujours de nous occuper de ces crimes violents.
    Il semblerait que les taux de North Battleford aient baissé, mais en ce qui nous concerne, ce n'est pas une réduction suffisante.
    Mon temps s'écoule très vite, alors pardonnez-moi si je vous interromps.
    Nous avons parlé un peu d’un projet en Alberta par lequel le gouvernement provincial a investi 8 millions de dollars dans les services de police afin d’établir des liens communautaires et de les renforcer. Un rapport publié au bout de six mois indique un certain succès. Autrement dit, on a constaté une réduction des crimes contre les biens déjà au bout de six mois.
    Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de voir ce qui se passe en Alberta. Existe-t-il quelque chose de semblable en Saskatchewan?
    Oui aux deux questions.
    Je crois que vous faites référence aux équipes de réduction de la criminalité que l'Alberta a créées l'année dernière avec un financement de 8 à 10 millions de dollars.
    Oui, c'est cela.
    Je crois qu'il y en a quatre à l'heure actuelle. La deuxième est complète depuis environ un mois. Vous avez raison. Les taux ont baissé non seulement dans le cas des crimes violents, mais aussi des crimes contre les biens.
    S'agit-il de la même réduction que celle que vous avez mentionnée en nous parlant du programme des agents de sécurité communautaire? Est-elle liée à ce même type de programme, ou est-ce que ces deux programmes sont différents?
    Non, ces équipes de réduction de la criminalité se composent uniquement de policiers. Dans notre province, elles n'ont que des agents de la GRC. Nous envisageons d'y ajouter des policiers municipaux, mais nous n'y sommes pas encore parvenus.
    La semaine dernière, on a soulevé une autre question sur les shérifs de l’Alberta. Y a-t-il quelque chose de semblable en Saskatchewan?
    Pas encore. Les shérifs de l’Alberta s’occupent non seulement de la patrouille des routes et de l’application de la loi, mais aussi du transport des prisonniers et de la sécurité des tribunaux. Nos unités de sécurité des tribunaux et de transport des prisonniers relèvent du procureur général du ministère. Le programme des agents de la paix de l’Alberta nous a en quelque sorte servi de modèle quand nous établissions le programme des agents de la sécurité communautaire.
    Parfait.
    Il me reste moins d’une minute, alors rapidement, avez-vous des statistiques sur les temps de réponse dans votre province, et les avez-vous ventilées par région urbaine et rurale?
    Nous les avons examinées récemment dans le cadre de notre programme de PRT, notre équipe d’intervention et de protection, mais je n’ai pas pu les obtenir du premier coup des grands organismes municipaux.
    D'accord, mais auriez-vous en quelque sorte calculé le temps de réponse moyen dans les régions rurales de la Saskatchewan? Auriez-vous une moyenne de ces temps de réponse?
    J'en ai dans un certain sens, mais je n'ai pas de moyenne à vous présenter.
    D'accord. Pourriez-vous nous la fournir plus tard?
    Il faut que je demande à la Division F, qui s'occupe de la police provinciale, pour voir si elle peut nous fournir des chiffres.
    Merci.
    Merci, madame Dabrusin.
    Merci, monsieur Larsen.
    Avant de passer la parole à M. Motz, je regarde l’horloge, et il est 17 h 10. Un tour de sept minutes nous amènera presque à la fin de la séance. Désirez-vous prolonger la séance, puisque nous avons effectué des travaux du Comité entre les deux groupes de témoins? Voulez-vous ensuite poser deux autres questions de cinq minutes, par exemple? Seriez-vous d’accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Bon, alors nous allons terminer la ronde de sept minutes et entamer deux rondes de cinq minutes, une pour les libéraux et une pour les conservateurs.
    Monsieur Motz, vous avez sept minutes.
(1710)
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être venus.
    Dale, je suis Glen Motz, du service de police de Medicine Hat, vous vous souvenez de moi? Je vous félicite de votre nomination. Je n'ai pas eu l'occasion de vous parler depuis.
    Merci, Glen.
    Monsieur Friedman, vous avez souligné dans votre allocution que le processus constitue un châtiment, surtout dans les cas de légitime défense. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le simple fait que même si les gens ont le droit d'invoquer la légitime défense, cela ne signifie pas qu’ils ne se heurteront pas à d’importants obstacles pour obtenir justice? Pourriez-vous nous expliquer cela?
    Bien sûr.
    Il faut faire la distinction entre une personne accusée d’une infraction et une personne condamnée. D’après mon expérience, j’ai vu de nombreux cas où des personnes sont accusées, mais après cela, leur accusation est retirée ou elles sont acquittées à la fin du procès.
    Le seuil pour porter accusation est raisonnable et probable, et particulièrement dans une province comme l’Ontario, où le procureur n'est pas tenu d'approuver les accusations: on se fie à la politique policière ainsi qu'aux connaissances et à l’expérience du premier agent arrivé sur les lieux. Toutefois, particulièrement dans les cas de crimes violents commis avec une arme à feu, le premier réflexe de l’agent est souvent de porter accusation pour s'en remettre au bon jugement du tribunal.
    Le problème, comme je l’ai dit, c’est que la procédure est un vrai châtiment. Autrement dit, on enlève sa liberté à une personne, parfois en la plaçant en détention, en imposant des conditions strictes de mise en liberté sous caution et en lui imposant des frais incroyables, sans parler de la stigmatisation que produisent les accusations criminelles.
     Tout commence donc sur le terrain, et il importe peu que la personne soit acquittée ou condamnée. Mes clients disent toujours que personne ne se souvient d'un article de suivi en petits caractères. Les gens se souviennent des nouvelles qui ont fait la une quand on les a menottés pour avoir exercé leur droit à la légitime défense.
    Merci pour ces observations. Elles nous amènent à ma prochaine question, monsieur.
    La jurisprudence en matière de légitime défense est très claire. Je pense que dans l’affaire R. c. Bengy, le tribunal a conclu que les juges doivent être conscients du fait que les gens qui se trouvent dans des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le temps de se lancer dans une réflexion subtile. Vous avez aussi mentionné la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Pétel. À mon avis, ces décisions favorisent parfois fortement la protection des droits à la légitime défense.
    Estimez-vous que l’état du droit dans les tribunaux soit communiqué efficacement aux organismes d’application de la loi pour les aider à décider ou non de porter accusation? Vous avez dit que ce n’était pas le cas, alors comment régler ce problème? Quelle est la meilleure solution?
    Je pense qu’il y a deux façons de procéder. La première est de veiller à ce que les agents de première ligne reçoivent un minimum de formation juridique en matière de légitime défense. Nous ne nous attendons pas à ce que les policiers... J’ai rencontré de nombreux policiers qui sont diplômés en droit, mais ce n’est pas le cas de la grande majorité d’entre eux, et l'on ne peut pas obliger tous les agents de police de lire les rapports criminels de ces 100 dernières années.
    On peut cependant d’abord et avant tout modifier les politiques pour donner de la formation dans ces domaines. Ensuite, on peut se rappeler que le plus souvent, les policiers consultent le Code criminel. La plupart d'entre eux considèrent le Code criminel comme un point de référence. Si ces principes ne se trouvent que dans la common law, ils sont tout aussi contraignants que s’ils se trouvaient dans le Code criminel, mais ils ne sont tout simplement pas accessibles.
    Une solution aisée serait, disons, de reprendre les clauses de la common law qui régit déjà les tribunaux — c’est pourquoi nous voyons tant d’acquittements par rapport à tant d’accusations — pour les intégrer au Code criminel. Que les policiers disent aux gens qu'ils n'ont pas besoin de soupeser les subtilités de leurs actes, ou qu'ils ont le droit de se tromper. Il n'y aurait pas besoin d'avoir un diplôme en droit pour le savoir. Ces principes se trouveraient tout simplement dans le Code criminel.
    D’accord.
    Pour revenir à vos propos sur la nécessité de changer les clauses de légitime défense pour aider la police à prendre des décisions en matière d'accusation, est-ce qu'une personne qui se défend elle-même ou qui défend ses biens est plus susceptible d'être accusée par la police à l’heure actuelle, ou est-ce que cela dépend entièrement des circonstances?
    Il y a deux dispositions distinctes, dont l’une concerne la défense des personnes lorsqu’un pouvoir plus large est accordé. Mais j’ai rencontré des policiers qui ne savaient pas que vous aviez le droit de défendre vos biens. En fait, le Code criminel prévoit un critère triple pour déterminer si vous avez le droit de défendre vos biens.
    Si vous avez des motifs raisonnables de croire qu’une personne s'est introduite dans votre propriété ou est sur le point de le faire, et que cet acte constitue une infraction, vous êtes autorisé à utiliser une force raisonnable dans les circonstances.
    Quand je leur demande en contre-interrogatoire pourquoi ils ont porté une accusation, des policiers me disent que l'accusé ne défendait pas sa personne, mais ses biens. Ce qu'ils oublient, c'est la dernière partie de la disposition qui dit que tant que le geste est raisonnable dans les circonstances, la défense des biens est autorisée.
    À mon avis, la police doit être mieux informée qu’il ne s’agit pas seulement de la défense des personnes. Il y a aussi une disposition sur la défense des biens qui a ses propres règles, mais qui a un effet exécutoire.
(1715)
    Lorsqu’on examine la criminalité rurale dans son ensemble, on voit bien que le débat ne porte pas tant sur les armes à feu que sur les crimes mêmes. Beaucoup de crimes en milieu rural ne sont pas commis avec des armes à feu, mais certains le sont.
    Selon vous, quel est le changement le plus efficace qu’un gouvernement puisse apporter pour renforcer la sécurité publique en milieu rural? J'envisage tous les aspects, d’après ce qu'ont dit le Dr Drummond et nos témoins qui sont passés par là. De votre point de vue, comment pouvons-nous nous assurer de le faire?
    Parce que je suis gourmand, je vais vous en donner deux, où le gouvernement fédéral donne l'exemple et incite les provinces à lui emboîter le pas.
    Je suis d’accord avec le Dr Drummond. Ce n’est pas une question de politique partisane. C’est un effet des politiques adoptées et c'est une question de droit.
    À mon avis, premièrement, il faut réformer la disposition sur la légitime défense afin que le Code, dans sa forme actuelle, se conforme à la common law. Ce sont des modifications législatives assez simples à apporter. La Cour suprême les réclame depuis 1995. Le dernier gouvernement a essayé. Il a ajouté un certain nombre de facteurs, mais la police ne les applique tout simplement pas, à mon avis, comme elle le devrait. Voilà pour le premier point.
    Deuxièmement, le gouvernement fédéral peut donner l'exemple au niveau de la GRC avec une politique pour... Remarquez, nous savons tous que la GRC est le service de police rural dans la plus grande partie du pays, partout où il n’y a pas de corps policiers provinciaux ou municipaux.
    Le gouvernement fédéral peut donner l'exemple avec une politique qui permet aux premiers intervenants, aux policiers, de connaître le critère de légitime défense et de l’appliquer dans le sens où l'entend le Code criminel. J'ose espérer que les procureurs généraux des provinces lui emboîteront le pas quand viendra le temps de dicter la conduite de la Couronne et de leurs propres corps policiers provinciaux et municipaux.
     Merci.
    Merci, monsieur Motz.
    Madame Moore, vous avez sept minutes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Mes questions et mes commentaires s’adressent au Dr Drummond.
    Ma première question porte sur la conduite en état d’ébriété, qui est souvent très répandue dans les régions rurales, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de rentrer à la maison. Cela pose vraiment un problème. Je travaillais au service d’urgence dans une petite localité rurale. Nous avons admis un homme tellement ivre qu’il affichait le double de la dose possiblement mortelle d’alcool dans son sang. Nous avons dû l’intuber, parce qu’il ne pouvait plus respirer seul, et il conduisait 30 minutes auparavant.
    Pouvez-vous nous parler de l'alcool au volant dans les régions rurales? Est-ce quelque chose que vous avez vu souvent? Souvent, les policiers amènent ces gens-là à l’hôpital pour une prise de sang.
    Pensez-vous que les professionnels de la santé, comme les infirmières, pensent à signaler aux autorités judiciaires qu'une personne a peut-être une maladie mentale, ou un trouble de santé mentale, et qu’il faudrait peut-être lui enlever son arme à feu? Vous qui êtes dans la profession, savez-vous qui alerter ou êtes-vous plutôt porté à ne rien faire?
     Je conteste votre commentaire selon lequel il n’y a pas d’autre choix. Bien sûr, il y a un choix. Il n’y a aucune excuse pour conduire en état d’ébriété, peu importe l’indice de ruralité de votre collectivité.
    Je vais essayer de me concentrer sur les armes à feu, parce que c’est la raison pour laquelle je croyais être ici, mais il reste que lorsque nous rencontrons quelqu’un qui a conduit en état d’ébriété — et qui est venu à l’urgence ou qui a été amené à l’urgence en Ontario et probablement dans n'importe quelle autre province du pays —, nous avons l’obligation légale de signaler cette personne comme un danger de la route, parce que si elle a bu et conduit, elle pourrait bien récidiver. Il y a une obligation de signalement que nous aurions grand tort de ne pas respecter, sinon au péril de notre vie.
    De la même façon, nous rencontrons très souvent à l’urgence des gens qui pensent au suicide, ou qui ruminent à ce sujet, et dans pratiquement chaque foyer rural, il y a une arme à feu — pas dans tous les foyers, mais dans un grand nombre d’entre eux. Lorsque quelqu’un arrive avec des idées suicidaires, ou une grave dépression, cela devrait faire partie de notre démarche — ce n’est pas le cas, mais cela devrait l'être — de demander s'il y a des armes à feu à la maison et de nous assurer que cette personne n'y a pas accès tant qu'elle est en grave dépression ou qu'elle a des pensées suicidaires.
    À l’heure actuelle, nous n’avons pas le droit légal d’aviser la police qu’une personne qui a exprimé des idées suicidaires a une arme dans sa maison. C’est un problème que nous devons régler. Je comprends qu’il y ait des préoccupations au sujet de la confidentialité et du fait que la médecine repose sur la capacité de discuter librement de ses problèmes avec un médecin sans crainte de les voir divulguer au gouvernement, mais c’est un fait.
    Votre deuxième point concernait...
(1720)

[Français]

    Les professionnels de la santé ont-ils le réflexe d'aviser la police? Il y a une ligne téléphonique où l'on peut appeler. Y pensent-ils?
    Quelquefois, une personne se présente à l'urgence, voit une infirmière au triage et lui parle de ses problèmes, mais trouve ensuite que le temps d'attente est trop long et décide de rentrer à la maison. Personne d'autre que l'infirmière ne sait que cette personne est venue à l'urgence.
    Les infirmières comprennent-elles qu'aviser la police fait aussi partie de leur rôle ou ont-elles tendance à considérer que c'est au médecin qu'il incombe de le faire?

[Traduction]

     Il est clair que nous, les médecins, les infirmières de l’urgence, mais surtout les urgentologues, avons une obligation envers la société de signaler les personnes qui peuvent représenter un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Il n’y a peut-être pas de mécanisme juridique qui permette d’appeler la police et dire qu'il y a un conducteur en état d’ébriété à l'urgence et qu’il s'en va, mais moi, si j’avais un conducteur ivre dans mon service qui prenait le volant, j’appellerais la police et je tenterais ma chance avec mon collègue, l’avocat.
     Monsieur Friedman, si, par exemple, en tant qu’infirmière, j’appelle la police parce que j'ai peur que quelqu’un de complètement ivre quitte l’urgence ou que je pense qu’il pourrait causer du tort avec une arme à feu, est-ce que je pourrais être l'objet d'une accusation?
    Cela dépend du type d’accusation. On ne pourrait certainement pas vous accuser au criminel. Je ne suis pas médecin et je ne me spécialise donc pas en inconduite professionnelle, mais je connais un peu les collèges des infirmières et des médecins et leurs règles de confidentialité.
    Du point de vue du droit criminel et du contrôle des armes à feu — et je ne pense pas être en désaccord avec le Dr Drummond là-dessus —, il existe un mécanisme de signalement pour tout le monde; c’est un numéro de téléphone, 1-800-731-4000. Vous pouvez appeler la GRC en tout temps pour signaler un cas d'arme à feu qui menace la sécurité publique. C’est sur le site Web du Programme canadien des armes à feu de la GRC. C'est bien annoncé chez les armuriers dans tout le pays.
    Je vois des gens qui s'en servent, avec le résultat que des personnes se font saisir leur arme jusqu’à ce qu’une audience ait lieu pour déterminer si elles sont aptes à en posséder une. Je trouve que c’est la façon de faire idéale.
    Il vous reste une demi-minute.

[Français]

     D'accord.
    Je sais qu'au Québec c'est un peu plus difficile de dénoncer quelqu'un qui est en état d'ébriété. En tant qu'infirmière, on m'a fait comprendre que je pouvais avoir des problèmes, à moins que je ne sois capable de prouver que la personne représentait un danger imminent. Nous devions utiliser un genre de code avec les policiers locaux. Nous leur demandions, par exemple, de venir nous apporter un café, en entrant par l'avant et en se stationnant à côté de l'auto rouge.
    Trouvez-vous exagéré que des professionnels de la santé doivent utiliser un tel système quand, au fond, tout ce qu'ils veulent, c'est protéger les citoyens?

[Traduction]

    Je vais parler en tant qu’avocat tenu à ses obligations en matière de confidentialité. J'ai le privilège du secret professionnel qui lie l'avocat à son client — non de la confidentialité —, je suis lié par le secret professionnel. Ce privilège est levé en cas de menace imminente pour une personne identifiable. Je ne suis alors plus tenu au secret.
    Pour moi, en tant qu’avocat, nous savons... Tout le monde pense que son privilège ou le caractère confidentiel de sa relation est le plus important, mais le mien est reconnu comme le plus important sur le plan constitutionnel. Mais je ne suis toujours plus tenu au secret dans pareil cas.
    S’il y a une menace imminente pour une personne identifiable, je ne vois pas pourquoi l'obligation de confidentialité professionnelle ne serait pas levée.
(1725)
    Merci.
    Merci, madame Moore. Nous sommes vraiment en retard.
    Monsieur Spengemann, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Larsen et monsieur Friedman, la motion qui a donné lieu à cette étude s’intitule en anglais Rural Crime in Canada et non Crime in Rural Canada. Je me demande s’il y a une distinction sémantique à faire ou si nous ne sommes pas en train de créer par inadvertance une classification qui n'est pas justifiée.
    Devrions-nous parler du crime dans le Canada rural, étant donné que le cadre constitutionnel est le même, le Code criminel est le même et que nous avons un ensemble commun de relations fédérales-provinciales? S’agit-il simplement de déployer différemment les ressources et les effectifs, ou y a-t-il quelque chose qui justifie de distinguer le crime en milieu rural du crime en milieu urbain?
    Puis-je répondre en premier?
    Bien sûr, et j’aimerais ensuite connaître le point de vue de M. Larsen.
    Oui. De toute évidence, ce n'est pas moi qui ai intitulé la motion. Je me suis présenté là où on me l’a demandé, et c’est généralement ce que font les avocats. Quelqu’un nous dit d’aller quelque part et nous y allons.
    Je vois une différence dans la nature des infractions et les victimes dans les régions rurales du Canada. Les défis ne sont pas les mêmes dans les deux milieux, tout comme les poursuites judiciaires et les enquêtes relatives aux infractions.
    Vous avez raison. Il y a un seul Code criminel, une seule Constitution. Mais l'expérience d'un policier ou d'une policière sera très différente s'il ou elle a passé toute sa carrière en milieu rural plutôt qu'en milieu urbain. Je pense donc qu’il est utile d’engager des ressources pour essayer de comprendre la distinction et d'offrir un environnement uniforme et sécuritaire, qu'on soit en milieu rural ou urbain.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Larsen, puis-je avoir votre opinion à ce sujet?
    Je dirais un peu la même chose.
    Je suppose que vous avez en tête le livre de M. Ruddell.
    De toute évidence, en milieu rural, les problèmes auxquels font face les agents de police sont très différents de ceux qui se posent dans les grands centres urbains. En raison surtout des contraintes de déploiement, les unités comptent habituellement un seul agent, et le renfort peut prendre du temps à arriver.
    La distance est toujours un problème en milieu rural. Il n'est pas possible de placer un agent de police dans chaque section de territoire, alors grossir les effectifs n’est pas nécessairement la façon la meilleure ou la plus efficace de régler le problème.
    Nous devons faire participer davantage les collectivités à des initiatives comme la Surveillance en milieu rural, qui prend de l'expansion en Saskatchewan, et d'autres du même genre. Nous nous tournons aussi vers des applications technologiques de surveillance des exploitations agricoles.
     Merci beaucoup.
    Je remarque que la motion elle-même ne mentionne pas les armes à feu, et c'est pourtant sous cet angle que je veux poser ma prochaine question, qui s’adresse à M. Friedman.
    Monsieur Friedman, les Canadiens qui écoutent votre témoignage sur l'application de la common law en matière de légitime défense pourraient penser à la loi stand your ground de la Floride, qui pourrait se traduire par « tenez bon » ou « défendez-vous ». Connaissez-vous cette loi et, dans l’affirmative, comment se compare-t-elle à ce que vous nous proposez aujourd’hui?
    Oui, je la connais, dans la mesure où on peut connaître une loi étrangère qui ne s’applique pas au Canada. Elle vient d’un cadre constitutionnel et d'un code criminel différents.
     Rien de ce que j’ai proposé n’a quoi que ce soit à voir avec la loi stand your ground. Je pense que cette loi est souvent mal comprise. J'ai entendu des procureurs dire: « Votre argument, c’est qu’il y avait lieu de se défendre », après quoi le juge acquitte mon client en invoquant la légitime défense.
    Il s'agit plutôt de reconnaître qu’on n'a pas besoin d’effectuer un calcul mathématique exact pour déterminer si la force utilisée est raisonnable ou non. Nous savons que ces choses-là se produisent dans des situations stressantes, et notre common law le reconnaît.
    Non, ce n’est pas la « doctrine du château », un autre concept juridique américain qui ne s’applique pas ici.
    Ce n’est pas non plus un modèle qui serait limité. Peut-être que, dans la pratique, cela se traduirait en chiffres, mais uniquement pour compter des armes à feu, alors qu'il peut s’agir de tout autre usage de la force pour mettre fin à une infraction.
    Non, pas du tout. La question est de savoir si la force est raisonnable et proportionnelle à la menace.
     C’est intéressant. Parfois, on ne parle même pas de coups de feu. Il peut s’agir simplement de pointer une arme à feu, ce qui est une infraction en d'autres circonstances. C’est un crime de pointer une arme à feu sur quelqu’un à moins d'avoir de bonnes raisons comme la légitime défense, mais non, nous ne parlons pas de légitime défense liée exclusivement aux armes à feu.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Larsen, dans le groupe de témoins précédent, nous avons entendu l'histoire d’un crime commis contre M. Priestley-Wright, qui aurait subi un traumatisme mental à la suite de son agression. Où en sommes-nous en ce qui concerne les services de santé mentale aux victimes de crimes violents en milieu rural?
(1730)
    Les choses n'ont pas dû évoluer beaucoup au chapitre de la victimisation, j'imagine.
     En Saskatchewan, nous faisons de grands progrès pour répondre aux besoins des personnes qui ont des problèmes de santé mentale grâce à notre PACT, notre équipe mixte d’intervention en cas de crise, où un agent de police est jumelé à un professionnel de la santé. Nous en avons une dans presque toutes les municipalités de la province. Saskatoon a été la première à lancer ce programme, qui s'est propagé ensuite à Regina, Moose Jaw, Yorkton et Prince Albert, et qui arrivera bientôt à North Battleford.
     Nous envisageons aussi de mettre à l’essai un produit qui a été annoncé récemment au Manitoba et qui est utilisé par la GRC là-bas. Nous essayons de l’intégrer chez nous. Il s’agit de HealthIM, une application portative que les agents peuvent utiliser lorsqu’ils ont affaire à quelqu’un qui a un problème de santé mentale. Cela permet de communiquer beaucoup plus vite avec la régie de la santé ou l’hôpital que la personne fréquente. Cela aide à accélérer les choses, tant pour la personne que pour l’agent.
    Il me reste 30 secondes pour une brève recommandation de votre part concernant les causes profondes de la criminalité en milieu rural. Y a-t-il quelque chose que vous recommanderiez au gouvernement pour s’attaquer aux causes profondes?
    La réponse à cela prendrait probablement plus de 30 secondes.
    Oui. C’est injuste de vous demander cela en si peu de temps.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Spengemann.
    Monsieur Eglinski.
    Merci.
    Est-ce que j'ai cinq minutes?
    Vous avez cinq minutes, s’il vous plaît.
    Je vais commencer par M. Friedman.
    Je reprends là où vous en étiez avec mon ami ici présent. Il était question de la police et de la décision de porter une accusation dans une situation de légitime défense. Vous avez parlé de la police en particulier. Je veux me porter à sa défense un peu.
    Trouvez-vous également que les avocats de la Couronne devraient mieux connaître les règles? J’aime votre théorie à propos de modifier le Code criminel, parce qu’il y a beaucoup de confusion là pour tout le monde — les policiers, l'avocat de la Couronne et le public.
    En tant qu'avocat de la défense, je ne vais pas laisser passer une occasion de taper un peu sur l'avocat de la Couronne, n’est-ce pas?
    Voyons donc.
    M. Jim Eglinski: Je me disais bien aussi.
    Des voix: Oh, oh!
     Non, bien sûr que non. Je dois dire d’entrée de jeu que j’ai le plus grand respect pour les agents de la paix que je côtoie dans mon travail, parfois comme clients et parfois comme témoins dans des causes, mais aussi pour les avocats de la Couronne. Ils se servent des outils à leur disposition.
     Je vais dire ceci à leur décharge. Les avocats de la Couronne à qui j’ai affaire sont bien instruits, professionnels et extrêmement compétents en droit; cependant, ils ont souvent les mains liées par des politiques. Prenons l’exemple de l’Ontario.
     En Ontario, les procureurs provinciaux sont régis par les politiques de la Couronne. Si vous ouvrez le manuel des politiques au chapitre intitulé « Armes à feu », vous verrez que si les procureurs de la Couronne ont beaucoup de latitude pour retirer des accusations, recourir à des moyens plus cléments et déjudiciariser des infractions de toutes sortes, ils n’en ont pas autant en ce qui concerne les armes à feu. Ils doivent obtenir l’approbation d’un sous-procureur de la Couronne, du procureur de la Couronne local ou d’un autre procureur désigné. Même quand je dis: « Écoutez, il s’agit d’une affaire de légitime défense », ce que j’entends souvent s'il y a des armes à feu en cause, c'est qu'on s'en va en procès, ce qui n’est pas le cas pour d’autres infractions.
    Je pense que dans ce cas-ci, la politique de la Couronne est aussi importante que celle de la police pour que les accusations qui ont peu de chances d'aboutir à une condamnation ou qui ne sont pas autrement d'intérêt public — les deux critères généraux pour aller de l'avant dans une poursuite — soient traitées comme telles même si elles mettent en cause des armes à feu.
    C’est une très bonne réponse. Merci.
    Je voudrais aller un peu plus loin. Tout à l’heure, vous avez parlé de pointer une arme à feu. Dès qu’on pointe une arme à feu, tout le monde dit qu’il faut aller en cour. Avez-vous été témoin de cela dans votre carrière, même auprès des avocats de la Couronne, à cause des politiques et des procédures établies par les hauts placés ou la police?
    Revenons un peu en arrière pour bien comprendre la loi. C’est une infraction criminelle de pointer une arme à feu sur quelqu’un, mais il y a une réserve ici: « sans excuse légitime ». Très souvent, le policier qui intervient ne veut pas être celui qui doit décider s’il y avait ou non une excuse légitime.
     Il y a parfois une bonne raison à cela. Il m'arrive de conseiller à mon client de ne pas faire à la police une déclaration qui ne peut pas l’aider, mais il y a des cas où je dis à mon client que, dans ces circonstances, vous donnez votre version des faits et vous dites exactement ce qui s’est passé. Le problème, cependant, est qu'il y a un principe en jeu dès lors qu'une arme à feu a été pointée. Même s’il semble y avoir une excuse légitime, nous voyons des cas se faufiler jusque devant les tribunaux.
    Il faut reconnaître, bien sûr, qu’un même acte sera illégal dans un contexte, mais qu'avec une excuse légitime ou un motif raisonnable, comme la légitime défense, il sera tout à fait légal. La question est de savoir si la politique fait cette distinction. Pas toujours, d’après mon expérience.
(1735)
    J’ai une question pour vous, docteur Drummond.
     En tant que coroner et médecin de campagne, vous avez parlé de suicides.
    Oui.
    Vous avez parlé de l’utilisation de l’arme d’épaule.
    Dr Alan Drummond: Oui.
    M. Jim Eglinski: D’après votre expérience, quel est l’élément qui revient le plus souvent dans les suicides?
    Les suicides en général?
    Oui.
    Des problèmes antérieurs de santé mentale, de toxicomanie surtout...
    Quelles méthodes étaient utilisées le plus souvent?
    La pendaison et la ligature sont de loin les plus courantes, environ 50 % des cas. Les armes à feu sont utilisées dans environ 25 % des suicides.
    Merci.
    Il vous reste un peu moins d’une minute.
    Monsieur Larsen, vous avez entendu le témoignage de M. Friedman au sujet de la modification du Code criminel. En tant qu’ancien agent de police et dans vos fonctions actuelles, croyez-vous que nous devrions revoir cela?
    Vous allez devoir me rafraîchir la mémoire au sujet de l'article en question.
    Il s’agit du recours à des moyens de défense et des choses de ce genre pour protéger sa propriété ou ses biens personnels. Pensez-vous que nous devons le clarifier et l'améliorer par rapport à son état actuel dans le Code criminel?
    Je ne sais pas s’il est si nécessaire de l’améliorer ou de le modifier dans le Code criminel, mais je suis d’accord pour dire qu’il faudrait apporter des éclaircissements pour aider le policier à prendre la bonne décision et à comprendre le point de vue de la poursuite, soit qu'on change le Code pour en faciliter la consultation ou qu'on améliore la formation et la communication avec la police et les procureurs.
    Merci.
    Merci, monsieur Eglinski.
    Madame Damoff, vous avez les cinq dernières minutes.
    Merci, monsieur le président. Je ne m’en étais pas rendu compte.
    Docteur Drummond, merci d’être venu.
     Je pense que vous vous demandiez ce que vous alliez faire ici. Vous nous avez fourni des renseignements vraiment précieux pour notre étude du projet de loi C-71, parce qu’on se méprend souvent sur l'utilisation des armes à feu. Étant donné qu’une grande partie de ce que nous avons entendu portait sur l’armement des gens pour protéger leurs biens, il serait peut-être utile de savoir ce qui se passe lorsqu’il y a une arme à feu dans une maison où se produit un suicide ou de la violence entre partenaires intimes. Pouvez-vous nous en parler un peu?
     La preuve est limpide. Elle est bien établie et elle remonte à des décennies. Même si les Américains ne sont pas d’accord pour que le CDC ne soit pas autorisé à financer la recherche sur les armes à feu, les études à ce sujet se poursuivent. Il est très, très clair que le taux de suicide est cinq fois plus élevé dans les maisons où on garde une arme à feu. En ce qui concerne la violence entre partenaires intimes, là encore, le risque de décès est environ cinq fois plus élevé en raison de la simple présence d’une arme à feu dans la maison. J’imagine que la Société canadienne de pédiatrie aurait son mot à dire à un moment donné. Elle aussi a publié un énoncé de politique — plus tôt cette année, peut-être, ou à la fin de l’année dernière — où on peut lire qu'un enfant court un grand risque de se blesser accidentellement s'il y a une arme à feu dans la maison.
    La simple présence d’une arme à feu, quel que soit le type d’arme, est associée à une mortalité plus élevée — qu'il s'agisse de suicide, de violence entre partenaires intimes, probablement d’homicide et sûrement d'accidents d’enfants.
    Avez-vous constaté à l'urgence une augmentation du nombre de blessés par arme à feu au cours des dernières années, ou bien est-ce que c'est constant?
     La Société canadienne de pédiatrie a souligné que les armes à feu causaient au moins une blessure par jour chez les jeunes Ontariens — je pense qu'elle employait le terme « arme à feu » au sens très large — au cours de l’année qu'elle a étudiée. Pour ce qui est de la possession responsable d’armes à feu, je crois que la grande majorité des Canadiens des régions rurales la mettent en pratique. Ils suivent des cours de sécurité. Ils suivent des cours de sécurité à la chasse. Nous ne voyons pas souvent de blessures accidentelles à l’urgence. Ce que je vois surtout comme coroner, c'est quelqu’un qui s’est fait exploser la tête avec un fusil de chasse. C’est ce que je vois le plus souvent.
    Une chose qu'on a déjà entendue, c’est que s’il n'y a pas d’arme à feu, on utilise simplement autre chose. Est-ce vrai?
    Non, ce n’est pas vrai. C’est un des grands mythes du débat canadien sur la question, que s’il n’y a pas d'arme à feu, on trouve un autre moyen. C’est ce que nous entendons constamment. Or, ce n’est tout simplement pas vrai. De tous ceux qui ont survécu à une tentative de suicide, seulement 10 % mènent leur plan à terme.
    Le suicide est un acte impulsif. Oui, il y a des gens qui le planifient méticuleusement et qui ont un plan A, un plan B et un plan C, mais pour la grande majorité des gens, le suicide est un acte impulsif qu'on commet pendant qu’on se sent dépassé. Si on peut les aider à traverser leur dépression, leur épisode suicidaire, leur épisode psychotique, alors il y a de très, très bonnes chances qu’ils ne passent pas à l'acte.
    C’est un mythe qu’il faut déboulonner.
(1740)
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste un peu plus de 30 secondes.
    Je vais m’arrêter ici alors.
     D’accord. Merci.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier les témoins.
    Avant de lever la séance, mes collègues seront peut-être intéressés d'apprendre que j’étais hier à Regina, à la Division Dépôt de la GRC, pour assister à la prestation de serment de mon neveu et de ses compagnons et compagnes de troupe à la GRC. J’ai eu le privilège de lui remettre son insigne.
    Une voix: Super.
    Le président: Oui, exactement, c’était super. Cela met de la chair autour de l'os d'une bonne partie du sujet qui nous occupe depuis quelques jours. Si vous avez l’occasion d’assister à cette cérémonie, je vous encourage à y aller. La GRC sert bien notre pays. Il y avait une carte du Canada montrant la destination de chacun des diplômés, de chacun des gendarmes. C’était en très grande partie rural et en très grande partie des endroits dont je n’avais jamais entendu parler.
    Là-dessus, encore une fois, je vous remercie de l’aide que vous avez apportée au Comité.
    La séance est levée.
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