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Je remercie le comité de donner à l'Association canadienne des libertés civiles l'occasion de venir témoigner aujourd'hui à propos du projet de loi .
Je vais aborder trois sujets: d'abord, la nécessité de mettre en place des cadres de référence appropriés portant notamment sur la protection explicite des renseignements personnels lors des échanges de renseignements entre la CBP et l'ASFC; deuxièmement, la nécessité de faire en sorte que certains détails importants concernant la collecte de ces renseignements soient soumis à l'examen public et au débat parlementaire plutôt que de s'appuyer excessivement sur les règlements; et, troisièmement, la nécessité d'accroître l'obligation de rendre compte de l'ASFC proportionnellement à cette augmentation importante de ses pouvoirs.
Les renseignements que le Canada recueillera et partagera avec les États-Unis une fois que le projet de loi sera adopté comprennent des données biographiques, ainsi que la date, l'heure et l'endroit d'entrée ou de sortie de tout voyageur traversant la frontière canadienne, y compris les citoyens canadiens.
Ces renseignements concernent littéralement des millions de Canadiens. Selon Statistique Canada, au cours du seul mois de janvier 2017, les Canadiens ont fait 3,6 millions de voyages aux États-Unis. Cela veut dire que des renseignements concernant toutes les personnes qui montent à bord d'un avion, d'un train, d'un autobus ou d'un navire au Canada — si ces moyens de transport sont visés par règlement, étant donné que cette prescription sera indiquée dans le règlement — seront recueillis et partagés.
Au moment de la signature du document Par-delà la frontière, la CCLA avait élaboré et publié, en collaboration avec l'ACLU aux États-Unis et Privacy International au Royaume-Uni, une série de principes juridiques de base applicables au partage des renseignements dans le périmètre de sécurité des États-Unis et du Canada. Nous avions recommandé que l'échange de renseignements soit réservé à l'objectif particulier et que les données ne soient pas utilisées, diffusées ou entreposées en vue d'usages secondaires. Les données doivent être soumises à des règles limitant la durée de leur conservation à des périodes raisonnables et soumises à des procédures indépendantes de surveillance, de contrôle et de reddition de comptes. En particulier, lorsque les lois des deux pays diffèrent, c'est la norme offrant la meilleure protection aux particuliers qui devrait l'emporter.
À titre d'exemple des problèmes entraînés par les différentes normes de protection de la vie privée, une source avait indiqué, au moment où l'on a commencé à débattre le projet de loi, en 2014, que le Canada avait décidé de limiter à 15 ans la durée de conservation des renseignements permettant d'identifier une personne. Les États-Unis, quant à eux, ont déclaré qu'ils se réservaient le droit de conserver ces renseignements pendant 75 ans et plus. Or, même 15 ans, c'est une longue période. Il est bon de se demander s'il s'agit de la durée appropriée. Il est très improbable que le Canada soit en mesure de contrôler l'utilisation de ces renseignements par l'intermédiaire d'un protocole d'accord avec les États-Unis pendant une période équivalente à la durée d'une vie.
Nous estimons que la loi devrait préciser de manière explicite la responsabilité de respecter de tels principes. En plus des amendements proposés actuellement au projet de loi , nous recommandons d'ajouter un préambule semblable à celui que l'on trouve dans le récent projet de loi , Loi concernant des questions de sécurité nationale, et semblable à celui que propose l'article 3 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, une autre loi administrée par l'ASFC. Ces deux textes de loi énoncent clairement la responsabilité des agents d'exécution des douanes à exercer leurs fonctions de façon à respecter les droits et libertés des Canadiens et à se conformer à la Charte des droits et libertés. On peut affirmer qu'il est de leur devoir d'agir de la sorte quand bien même une telle clause ne sera pas incluse dans la loi, mais nous estimons qu'il est important, pour des raisons pratiques et symboliques, d'inclure dès à présent une telle disposition dans la Loi sur les douanes.
Sur le plan pratique, une façon de s'assurer que les dispositions de protection des renseignements personnels sont bien en place consiste à réaliser des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. Il est clair que, dans le cas d'un projet de cette envergure qui consiste à recueillir des renseignements sur des millions de Canadiens, il faudrait que ces évaluations soient entreprises avant la collecte des renseignements en vertu de ce texte de loi et, idéalement, à temps pour guider l'élaboration des règlements. Il faudrait que le commissaire à la protection de la vie privée examine les évaluations et qu'un sommaire soit rendu public.
Nous comprenons que le projet de loi est une loi habilitante qui poursuivra un processus déjà entamé. En fait, des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée ont déjà été effectuées lors des étapes pilotes de ce projet, avant la collecte de renseignements canadiens, mais il faut procéder à une mise à jour de ces évaluations, étant donné que la collecte a désormais une portée plus grande.
L'ASFC s'est engagée par ailleurs à examiner toutes les utilisations des renseignements personnels par toutes les parties concernées par l'échange des données biographiques recueillies à l'entrée. Or, comme cette analyse n'est pas publique, à ma connaissance, je recommande que le Comité prenne une importante mesure de précaution avant l'augmentation de la portée de la collecte, en vue de s'assurer que l'analyse a vraiment eu lieu et d'examiner l'efficacité actuelle avant d'en étendre la portée.
J'aimerais souligner qu'en 2015, le vérificateur général avait soulevé certaines inquiétudes dans son rapport publié au printemps, à propos de l'absence d'évaluations des risques aux moments appropriés dans le cadre de gestion du projet de l'ASFC. Voilà un autre secteur où le Comité devrait s'assurer que les infrastructures technologiques et politiques concernant ces renseignements bénéficient de la sécurité appropriée.
Dans le cas des règlements, l'article 2 du projet de loi modifie la loi afin que le paragraphe 92(1) permette à l'ASFC de recueillir des renseignements auprès de sources visées par règlement dans les circonstances réglementaires et selon les modalités réglementaires de collecte de ces renseignements, laissant par la suite au gouverneur en conseil le soin de prendre des règlements d'application pour compléter ce qui doit l'être. Le problème, c'est qu'en laissant tant de choses à définir par la suite, on s'en remet à un processus qui est moins public, moins transparent et qui se prête moins à la reddition de comptes.
Autrement dit, la loi ne précise pas clairement auprès de qui, pourquoi, quand et comment nous allons recueillir les renseignements. Or, ce ne sont pas des détails anodins. Si nous les connaissions, cela nous permettrait d'évaluer la nature du processus de collecte, de soupeser les risques potentiels pour la protection de la vie privée et de mieux comprendre les conséquences potentielles d'une fuite ou d'un bris de confidentialité. Le fait de connaître la source d'information nous permet de juger de son intégrité. Le fait de savoir pourquoi et comment les renseignements sont recueillis nous permet d'évaluer la proportionnalité de la collecte par rapport à son objectif. Les clichés ont parfois une part de vérité: le diable est dans les détails.
Nous comprenons qu'il est nécessaire que la loi demeure neutre sur le plan technologique et souple, mais cela ne signifie pas qu'elle devrait être complètement ouverte, d'autant plus que les règlements peuvent être modifiés discrètement, loin de la vigilance publique, au cours d'un processus beaucoup moins démocratique que celui auquel nous participons aujourd'hui. D'autres gouvernements ultérieurs pourraient avoir des intentions très différentes de ce que les auteurs actuels du projet de loi souhaitent inclure dans les règlements.
Nous assistons actuellement à un changement spectaculaire de l'orientation politique chez un de nos voisins. Nous devrions en tirer les leçons. La loi devrait offrir des garanties en ce qui a trait aux pratiques concernant les droits à la vie privée et à la mobilité protégés par la Charte. C'est pourquoi nous recommandons au Comité de se pencher sur les aspects du processus de collecte qui pourraient et devraient raisonnablement être inclus dans la loi.
Enfin, ce projet de loi étend les pouvoirs de l'ASFC sans pour autant accroître sa responsabilité. L'ASFC est toujours la seule agence fédérale ayant des pouvoirs en matière de sécurité et d'application de la loi qui n'est pas soumise à un processus de surveillance ou d'examen complet et indépendant de ses actions. Nous estimons qu'il n'est pas avisé de poursuivre l'accroissement des pouvoirs de l'agence sans augmenter parallèlement son cadre de responsabilité.
L'ASFC sera désormais autorisée à échanger des renseignements en vue de l'application de la Loi sur l'assurance-emploi et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. En cas d'erreur, cet échange de renseignements pourrait avoir des effets désastreux pour certaines personnes. Ces dernières devraient avoir la possibilité de faire appel à un organe indépendant afin de vérifier l'exactitude des renseignements.
L'ASFC se voit conférer un rôle accru en matière de contrôle de la sortie des biens et des personnes du Canada. Le projet de loi impose aux personnes qui sortent du Canada une nouvelle obligation de répondre véridiquement aux questions posées par un agent de l'ASFC. Donner une réponse fausse constitue une infraction. Ce pouvoir est vaste. Il est entendu que les personnes interrogées doivent répondre de manière véridique aux questions de l'agent de l'ASFC, mais nous avons tous entendu récemment parler d'agents des deux côtés de la frontière posant des questions qui, aux yeux des personnes interrogées, semblent liées à leurs origines raciales, leurs croyances religieuses et leurs opinions politiques. En permettant ce type de questionnement intrusif et problématique tant à la sortie qu'à l'entrée, on double la possibilité d'abus de pouvoir potentiels.
La création d'un organe indépendant d'examen de l'ASFC ne relève clairement pas des dispositions de ce projet de loi, mais on fait tout simplement erreur en autorisant l'escalade potentielle d'un problème non existant sans offrir simultanément le recours à un organe civil indépendant qui aurait pour rôle d'entendre les plaintes, d'examiner les politiques ou la conduite des agents, ou d'enquêter sur les éventuels cas d'inconduite. L'absence d'un organe d'examen indépendant ayant pour rôle d'offrir des protections supplémentaires et nécessaires semble encore plus problématique chaque fois que les pouvoirs de l'ASFC sont accrus.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter ces observations. Je suis prête à répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Eric Jacksch et j'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi .
En guise de présentation, j'aimerais vous signaler que j'ai un baccalauréat en sociologie-criminologie et que j'ai commencé ma carrière comme agent correctionnel et agent de probation et de libération conditionnelle pour la province de l'Ontario. J'ai aussi eu le grand privilège de servir dans la Réserve des Forces canadiennes, aussi bien dans l'infanterie que dans les services de renseignements. Mon intérêt pour la haute technologie associé à une activité professionnelle à temps partiel dans le secteur du développement de logiciels m'a amené à prendre la direction d'Ottawa au moment de la vague technologique du milieu des années 1990. Je me suis rapidement spécialisé dans ce que l'on appelle maintenant la cybersécurité.
J'ai plus de 20 ans d'expérience dans le domaine de la sécurité de l'information, ainsi qu'une formation complémentaire en sécurité physique. Je suis consultant certifié en gestion de la sécurité par ASIS International qui m'a aussi décerné le titre de CPP, Certified Protection Professional. J'ai également obtenu le titre de gestionnaire en sécurité de l'information de l'ISACA, association connue anciennement sous le nom d'Information Systems Audit and Control Association, et celui de gestionnaire agréé en sécurité de l'information ou CISSP de l'International Information System Security Certification Consortium, connu également sous le nom de (ISC)2.
Jusqu'à présent, au cours de ma carrière, j'ai eu le plaisir d'offrir des services de sécurité à diverses entités à l'échelon fédéral, provincial et municipal, ainsi qu'à des banques, des constructeurs automobiles, des compagnies d'assurance et des organisations postales comptant parmi les plus grands du monde. J'ai accompli des missions un peu partout au Canada et aux États-Unis, ainsi qu'au Royaume-Uni, en Suisse, en Espagne, aux Pays-Bas, au Japon et à Singapour. J'ai donné des cours, prononcé des conférences et publié de nombreux articles.
Parmi mes activités qui semblent les plus pertinentes pour le débat que nous avons aujourd'hui, il faut signaler les évaluations en matière de risque et de protection de la vie privée que j'ai effectuées pour divers ministères du gouvernement fédéral canadien ainsi que pour des organismes provinciaux et du secteur privé afin de vérifier leur conformité aux exigences du gouvernement du Canada en matière de sécurité.
L'éducation et la sensibilisation représentent un défi important en matière de cybersécurité. En plus de diriger securityshelf.com, un site d'agrégation d'informations en matière de sécurité, je tiens une chronique pour IT in Canada. C'est ce qui a attiré mon attention sur les questions que soulève le projet de loi .
En mars 2016, tout juste après le voyage du à Washington, j'ai lu dans les médias des articles indiquant que le Canada s'apprêtait à échanger plus de renseignements personnels avec les États-Unis. Pensant que cela ferait un article intéressant pour ma chronique, j'ai effectué quelques recherches.
Il s'est avéré que la couverture médiatique était nettement exagérée. Cependant, cela m'a permis d'écrire un article intéressant intitulé « No, the sky is not falling ». Je vous invite à visiter le site canadait.com afin de lire cet article et d'autres chroniques que j'ai signées.
Je suis sûr que vous avez tous été bien informés à ce sujet, mais en résumé, rappelons que Stephen Harper et Barack Obama qui étaient à l'époque respectivement premier ministre et président ont fait paraître, en décembre 2011, le document Par-delà la frontière, un plan d'action sur la sécurité du périmètre et la compétitivité économique. Dans le cadre de ce plan, le Canada et les États-Unis s'engageaient à mettre en place un système d'informations coordonnées sur les entrées et les sorties qui incluait l'échange de renseignements pour faire en sorte qu'une entrée dans un pays soit considérée comme une sortie de l'autre.
Selon l'ASFC, la phase I s'est déroulée du mois de septembre 2012 au mois de janvier 2013, phase au cours de laquelle:
[...] les deux pays ont mis à l'épreuve leur capacité d'échanger des renseignements biographiques sur l'entrée des voyageurs et d'en effectuer le rapprochement. Les renseignements biographiques recueillis sur les ressortissants de pays tiers (autres que des citoyens des États-Unis ou du Canada), les résidents permanents du Canada qui ne sont pas des citoyens américains et les résidents permanents légitimes des États-Unis qui ne sont pas des citoyens canadiens [ayant traversé la frontière] dans les quatre points d'entrée sélectionnés à la frontière terrestre entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington et l'Ontario et l'État de New York, ont été échangés entre le Canada et les États-Unis.
En juin 2013, la phase II a étendu le programme à tous les points d'entrée automatisés le long de la frontière terrestre commune pour enregistrer électroniquement le passage de tous les voyageurs. Au cours de cette phase, aucune information n'était communiquée « sur les citoyens du Canada [ou des États-Unis], les Indiens inscrits ou les personnes protégées ».
Il est essentiellement question aujourd'hui de la prochaine phase de l'initiative sur les entrées et les sorties, ainsi que sur l'élargissement du programme d'échange d'informations à tous les voyageurs traversant la frontière terrestre. On peut comprendre que les Canadiens s'inquiètent de voir leur pays échanger des informations personnelles avec les États-Unis. Dans une perspective de sécurité, je vois trois aspects qui peuvent être des sources d'inquiétude.
Premièrement, il y a la mise en oeuvre effective d'échanges de renseignements entre l'ASFC et la U.S. Customs and Border Protection. Pour bien comprendre les conséquences, nous devons nous pencher sur le type de données qui seront échangées. Je vais citer le sommaire de l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée pour la phase II, publiée par l'ASFC:
Comme il a été convenu pour les échanges visés par la phase II, chaque pays recueille actuellement à l'entrée les éléments de données suivants: nom (prénom, second prénom, nom), date de naissance, nationalité/citoyenneté, sexe, renseignements sur le document (type, numéro et pays de délivrance); il a été démontré pendant la phase I que ces éléments permettent de rapprocher efficacement les données sur les entrées avec celles sur les sorties. Les seules données devant être échangées qui ne sont pas déjà connues par le pays destinataire seront la date d'entrée, l'heure d'entrée et le point d'entrée.
Dans la mesure où le partage d'informations se limite à cet ensemble de données biographiques, comme cela est également indiqué dans le projet de loi , l'échange d'informations entre l'ASFC et la U.S. CBP n'a aucune incidence pratique sur les voyageurs honnêtes et respectueux de la loi.
Le deuxième aspect concerne la façon dont ces informations sont protégées pendant leur transmission et par la suite. Le Canada dispose de méthodologies éprouvées pour évaluer le risque en matière de cybersécurité et peut se procurer facilement des lignes directrices précises sur les contrôles de sécurité requis pour protéger de manière efficace ce type d'informations. Dans la mesure où les risques en matière de cybersécurité concernant cet échange d'informations sont pris au sérieux, le risque pour les Canadiens est minime.
Le troisième aspect, qui est peut-être aussi le plus difficile, consiste à s'assurer que les renseignements ne sont utilisés qu'aux fins prévues. Il est toujours tentant pour une entité, publique ou privée, de trouver de nouvelles utilisations aux informations qu'elle a à sa disposition. L'usage abusif des informations par des individus est toujours un problème. L'échange informel d'informations entre des organismes peut donner lieu à de graves préoccupations en matière de sécurité et de protection de la vie privée.
La participation du commissaire à la protection de la vie privée a déjà été sollicitée et j'espère que cela continuera. Je félicite aussi l'ASFC de publier en ligne un sommaire de ses évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. À vous, législateurs, je vous demande de vous assurer de mettre en place des dispositifs de contrôle appropriés pour la protection de la vie privée et d'expliquer clairement aux Canadiens de quelle manière et dans quelles circonstances ces renseignements sur leur passage à la frontière pourront être partagés à l'extérieur de l'ASFC.
L'article 6 de la Charte garantit à tout citoyen le droit d'entrer au Canada, de s'y établir et de quitter le pays, mais il ne précise pas que cela peut se faire de façon anonyme. Le Canada contrôle déjà les entrées et les sorties des voyageurs aériens et, sur le plan de la sécurité, il semble approprié d'étendre ce contrôle aux passages de la frontière terrestre. Je ne vois dans l'approche proposée aucun obstacle majeur à la sécurité.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter mon point de vue sur le sujet. Je suis prêt à répondre à vos questions.
J'ai pour vous deux une question à propos de certains des points intéressant la durée de conservation des renseignements et autres aspects du genre. Il y a eu en particulier un changement, apporté par un récent décret présidentiel, changement qui, pour l'essentiel, retirait, sur le territoire des États-Unis, les protections juridiques en matière de confidentialité dont bénéficiaient auparavant les non-Américains. Compte tenu de cette nouveauté, si je puis m'exprimer ainsi, faut-il, concernant les renseignements éventuellement transmis entre les deux agences, s'inquiéter non seulement de leur durée de conservation, mais aussi des protections effectives existantes, et du lieu où les renseignements pourraient aboutir?
Nous dirions même que cela échapperait à la compétence des agences gouvernementales, voire ressortirait au secteur privé. Plus précisément, nous avons entendu dire que, à l'intérieur même des renégociations de l'ALENA, l'une des demandes américaines a été l'élargissement de la possibilité de transmettre des renseignements et autres choses du genre, qui ne sont pas nécessairement les leurs, et de les soustraire à certaines protections juridiques.
J'aimerais vous entendre tous les deux sur le sujet.
:
Monsieur le président, bonjour.
Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui pour parler de l'Initiative sur les entrées et les sorties, étant donné que le projet de loi se trouve maintenant à l'étape de la deuxième lecture et fait l'objet d'un examen par le présent Comité.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui pour parler de l'Initiative sur les entrées et les sorties.
[Traduction]
Je m'appelle Mieke Bos et je suis la directrice générale de l'Admissibilité à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Cette direction générale d'IRCC veille à gérer la migration des visiteurs au Canada qui protège la santé et la sécurité des Canadiens. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sur un certain nombre de dossiers, celui sur les entrées et les sorties n’est que l’un d’eux. Nous assurons la liaison permanente avec l'ASFC sur le contrôle des migrations et la gestion de la sécurité, y compris la recevabilité, la gestion d'identité, les visas, les documents de voyage et le partage d'information.
[Français]
Je suis accompagnée aujourd'hui de deux collègues: Emmanuelle Deault-Bonin, directrice, Gestion de l'identité et de l'échange d'information, ainsi que Marc-André Daigle, directeur, Initiatives stratégiques et coordination du Système mondial de gestion des cas. Il travaille dans le secteur des opérations du ministère.
[Traduction]
Comme vous l'avez sans doute appris plus tôt cette semaine de la part du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et des collègues de l'ASFC, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, à titre de partenaire de l'Initiative sur les entrées et les sorties, recevra les données sur les entrées et les sorties de la part de l'ASFC afin de soutenir ses objectifs de programme.
[Français]
En prenant appui sur ce que vous avez entendu, j'aimerais mettre l'accent sur l'importance, pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, de l'Initiative sur les entrées et les sorties.
[Traduction]
L'échange d'information, la vérification et la conformité sont au cœur de l'Initiative sur les entrées et les sorties. Il s'agit de savoir en tout temps qui entre au Canada et qui en sort. Il s'agit de fournir un historique complet des antécédents de voyage de toute personne qui demande la résidence permanente canadienne ou la citoyenneté canadienne. Il s'agit d'un système pour l'échange d'information entre le Canada et les États-Unis afin que les données d'entrée d'un pays deviennent des données de sortie de l'autre. Cette initiative procure des avantages importants pour mon département, puisque le système d'entrée et de sortie comblera des lacunes au chapitre des connaissances en offrant de l'information objective sur les entrées au Canada ainsi que les sorties de ce dernier.
De plus, le Canada s'est engagé à recueillir des renseignements sur les personnes qui sortent du pays par voie aérienne en obligeant les transporteurs aériens à soumettre un document contenant des renseignements sur tous les voyageurs à bord d'un vol international en partance du Canada.
Je ne peux pas insister suffisamment sur le fait que l'accès à ces renseignements améliorera l'intégrité des programmes dans plusieurs secteurs d'activités en fournissant aux agents d'IRCC un outil permettant de confirmer de manière objective la présence au Canada, l'absence du Canada, l'entrée au Canada ou le départ du Canada d'un demandeur. Je voudrais souligner que ce n'est pas nouveau. IRCC recueille déjà les renseignements sur les antécédents de voyage des clients qui présentent une demande de citoyenneté ou de confirmation du statut de résident permanent.
Toutefois, grâce au registre des entrées et des sorties, les agents d'IRCC seront en mesure de vérifier l'exactitude des renseignements présentés par les demandeurs, dont le temps passé au Canada et le temps passé à l'étranger. Cette information pourrait avoir une incidence sur la décision consistant à déterminer si une personne est admissible au statut de résident permanent ou à une attribution de la citoyenneté.
[Français]
IRCC a travaillé en étroite collaboration avec l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, afin de promouvoir cette initiative et d'obtenir les renseignements sur les entrées et les sorties de la part de l'ASFC pour appuyer l'administration de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de la Loi sur la citoyenneté et du Décret sur les passeports canadiens. Les renseignements sur les entrées et les sorties aideront également à traiter les dossiers et à repérer les cas de fraude dans de multiples secteurs d'activité d'IRCC.
[Traduction]
Par exemple, la présence au Canada d'une personne, ou son absence du Canada, est une exigence clé dans les millions de demandes et d'enquêtes traitées chaque année dans les volets de la résidence temporaire, de la résidence permanente, de l'asile, de la citoyenneté et du passeport. Pour aller un peu plus loin, l'accès aux renseignements sur les entrées et les sorties de l'ASFC fournira aux décideurs d'IRCC un historique de voyage objectif pour appuyer le traitement d'une demande ou d'une enquête. Je vais vous donner quelques exemples.
Des données exactes et objectives sur les entrées et les sorties permettront à IRCC de renforcer l'intégrité des programmes de citoyenneté et d'immigration en permettant de valider les renseignements fournis par les personnes qui déclarent avoir résidé au Canada et satisfaire aux exigences.
Elles permettront de mieux repérer les résidents temporaires qui ont prolongé leur séjour au Canada au-delà de la période autorisée. Cela nous permettra de vérifier que les parrains de la catégorie du regroupement familial résident au Canada lorsque la loi l'exige et de vérifier les relations selon les conditions pour les conjoints et les partenaires qui présentent une demande ou qui sont admis dans la catégorie du regroupement familial. Nous pourrons aussi évaluer l'admissibilité continue à un titre de voyage canadien. Cela nous permettra de soutenir les enquêtes sur d'éventuelles fraudes liées à l'immigration, à la citoyenneté et aux documents de voyage pour passeport, et de détecter les personnes qui dépassent leurs visas et les fermetures de permis d'immigration. Nous serons en mesure d’identifier les personnes qui n'ont peut-être pas respecté l'obligation de résidence rattachée à l'obtention du statut de résident permanent ou de la citoyenneté.
Passant aux garanties et aux préoccupations en matière de protection de la vie privée, IRCC possède de solides antécédents en la matière. En effet, comme nous détenons une grande quantité de renseignements personnels, nous connaissons très bien les exigences législatives et politiques qui régissent la collecte, l'utilisation et la protection de ces renseignements. Les cadres existants qu'IRCC a mis en place pour ses différents métiers continuent de s'appliquer.
Je souscris au commentaire que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a fait plus tôt cette semaine: la protection de la vie privée est un aspect important de l'initiative sur les entrées et les sorties. IRCC présentera sa propre évaluation des facteurs relatifs à la vie privée au CPVP concernant l'initiative sur les entrées et les sorties et mettra à jour ses formulaires de demande et son site Web, de sorte que les demandeurs sachent que les renseignements sur leurs antécédents de voyage seront obtenus auprès de l'ASFC à l'appui de leur demande.
[Français]
IRCC prend ses obligations en matière de protection des renseignements personnels très au sérieux. De concert avec l'ASFC et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, ou CPVP, il continuera à faire en sorte que les principes de protection de la vie privée soient respectés.
[Traduction]
Du point de vue de la fonctionnalité, IRCC n'interrogerait la base de données de l'ASFC sur les entrées et les sorties que dans le cadre du traitement d'une demande ou d'une enquête. Par exemple, IRCC accéderait aux données sur les entrées et les sorties pour les besoins d'un programme, par exemple pour confirmer qu'une personne a respecté l'obligation de résidence rattachée à l'obtention de la citoyenneté.
Du point de vue des clients, en ayant accès aux données sur les entrées et les sorties, IRCC sera mieux informé pour prendre des décisions qui ont des répercussions sur la vie de ces clients. II utilisera ces données pour améliorer le traitement des demandes légitimes et les enquêtes dans le cadre des programmes des résidents temporaires, des résidents permanents, d'octroi de l'asile, de citoyenneté et de passeport.
[Français]
Par exemple, grâce aux registres des entrées et des sorties, IRCC pourra plus facilement vérifier si les demandeurs respectent l'obligation de résidence quant à l'admissibilité, laquelle est inscrite dans les programmes de citoyenneté et d'immigration. L'accès aux données de l'ASFC sur les entrées et les sorties permettra d'étayer les renseignements limités sur les voyages que fournissent actuellement les timbres dans les passeports, qui ne sont pas toujours disponibles ou qui allongent les délais de traitement.
[Traduction]
La collecte des données sur les entrées et les sorties des citoyens canadiens renforcera l'intégrité des programmes de citoyenneté, d'immigration et de passeport d'IRCC. Elle facilitera l'application des dispositions de la LIPR relatives au parrainage, à la résidence et à la vérification des relations familiales. Les données sur les entrées et les sorties aideraient dans les enquêtes relatives à la révocation de la citoyenneté et à l'utilisation frauduleuse ou abusive de documents de voyage canadiens tels que le passeport canadien.
Comme les membres du Comité l'auront compris à mes observations, nous nous réjouissons à IRCC de voir que vous examinez le projet de loi . Les renseignements que nous pourrons obtenir lorsque le système sera pleinement fonctionnel sont importants pour le travail de mon ministère.
Voilà qui conclut mes remarques préliminaires.
Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion d'être présente ici aujourd'hui.
[Français]
Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.