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Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée à parler du projet de loi , la réforme liée à la sécurité nationale la plus complète et la plus vaste réalisée au Canada depuis 1984. Je tiens à souligner que je ne suis pas avocate. Cependant, j'ai déjà travaillé dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement et étudier ce domaine est mon métier. En fait, par souci de transparence, j'aimerais préciser que, de 2012 à 2015, j'ai travaillé pour le Service canadien du renseignement de sécurité en tant qu'analyste stratégique.
Aujourd'hui, je parle bien sûr, en mon nom, mais ce que je vous dirai est étayé par mes recherches et mon expérience du paysage de la sécurité nationale au Canada, qui a évolué en relativement peu de temps. Tout ça pour dire que, aujourd'hui, mes commentaires porteront sur la portée du projet de loi et concerneront certains des domaines où, selon moi, le Comité doit, au moins, envisager de formuler des recommandations.
Pour commencer, je tiens à exprimer mon soutien à l'égard du projet de loi. Je crois qu'il contient quatre mesures importantes qui sont essentielles à la sécurité nationale du Canada et au fonctionnement de nos organismes responsables de la sécurité nationale.
Premièrement, le projet de loi précise les pouvoirs de nos organismes responsables de la sécurité nationale. Il n'y a pas de meilleur exemple que dans la partie 3, sur la Loi sur le CST, qui donne à notre organisme national du renseignement électromagnétique un statut légal et décrit son mandat et ses procédures de façon raisonnable. Vu que la première mention de cet organisme dans la loi remonte à la loi antiterroriste de 2001, le projet de loi constitue un très bon pas vers la transparence.
Deuxièmement, le projet de loi décrit les limites des pouvoirs de nos organismes responsables de la sécurité nationale d'une façon qui assurera une certitude au public et à nos organismes responsables de la sécurité nationale. Plus particulièrement, le projet de loi précise une des parties les plus controversées de la loi actuelle, anciennement appelée projet de loi , je parle ici des pouvoirs de perturbation du SCRS.
Même si certains pourraient faire valoir qu'on retire ainsi au SCRS la capacité de lutter contre des menaces à la sécurité nationale du Canada, je ne suis pas d'accord. Puisque les représentants du SCRS se sont retrouvés dans des scandales au cours des dernières années, on a tendance à négliger à quel point nos organismes de sécurité nationale sont conservateurs, en fait. Même s'ils ne veulent pas d'interférence politique dans le cadre de leurs activités, je suis sûre qu'ils accueillent à bras ouverts les précisions fournies dans le projet de loi relativement à ces mesures.
Soyons clairs: la capacité de perturbation est un outil important, particulièrement vu le rythme de plus en plus rapide des enquêtes liées au terrorisme, surtout lorsqu'il est question de la menace des combattants étrangers. Dans cette mesure, je crois que le projet de loi trouve le juste équilibre et harmonise avec justesse ces mesures avec la Charte des droits et libertés.
Troisièmement, le projet de loi s'attaque aux problèmes de longue date liés à l'examen et, dans certains cas, à la surveillance dans le domaine de la sécurité nationale canadienne. Je ne vais pas passer en revue les problèmes du système actuel, qui a été qualifié de cloisonné par des experts et des commissions d'enquête. Cependant, je vais déclarer que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignements proposés, l'OSSNR, et le commissaire aux renseignements — de pair avec le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR —, constitue un cadre d'examen robuste auquel, selon moi, les Canadiens pourront faire confiance.
Quatrièmement, globalement, le projet de loi est un projet de loi tourné vers l'avenir, et ce, au moins à trois égards. Premièrement, l'enjeu des ensembles de données n'est pas défini de façon trop étroite dans la loi. Même si cela en a préoccupé certains, je crois que c'est la bonne approche à adopter. Cela donne une certaine marge de manoeuvre à ce terme, tout en assujettissant toute interprétation à la surveillance du commissaire au renseignement et au ministre. Cette façon de faire assujettit l'utilisation des ensembles de données aux procédures internes des organismes responsables de la sécurité nationale eux-mêmes — et en limite l'accès — et à l'examen de l'OSSNR et du CPSNR.
Ensuite, le projet de loi prend des mesures pour renforcer la capacité du Canada de protéger et défendre ses infrastructures essentielles. De plus en plus, nous constatons les capacités des États et des acteurs parrainés par des États de créer du chaos grâce à des attaques des réseaux électriques, des installations pétrolières et gazières, des barrages, des hôpitaux et des installations de soins de santé. Une bonne partie de ces infrastructures essentielles relèvent du secteur privé. Le projet de loi prend des mesures pour s'assurer qu'il y a un processus en place pour lutter contre ces menaces à l'avenir.
En outre, le projet de loi nous met sur un pied d'égalité avec nos alliés en exigeant de notre organisme national chargé du renseignement électromagnétique qu'il joue un rôle actif dans le domaine cybernétique. Je comprends les défis juridiques et éthiques que cela soulève, surtout si on demandait au CST de soutenir une opération du MDN. Cependant, l'idée que le Canada n'ait pas cette capacité est, selon moi, inacceptable pour la plupart des Canadiens et serait jugée malheureuse aux yeux de nos alliés, dont beaucoup ont encouragé tacitement le Canada à renforcer sa cyberprésence dans la foulée des cybermenaces de la Corée du Nord, de la Chine et de la Russie.
Encore une fois, je crois que c'est un bon projet de loi, mais il y a place à l'amélioration. Je sais que certains de mes collègues du milieu juridique, et surtout Craig Forcese, Kent Roach et Alex, bien sûr, vous parleront de certains enjeux juridiques précis auxquels il faudrait s'attacher pour faire en sorte qu'il soit plus facile à opérationnaliser et plus conforme à notre Constitution.
J'encourage le Comité à réfléchir sérieusement aux suggestions qu'il va formuler. Cependant, je vais me concentrer sur quatre domaines qui, de façon générale, peuvent être problématiques, des domaines que le Comité devrait, au moins, connaître ou, sinon, prendre en considération lorsqu'il formulera ses recommandations.
Premièrement, je crois qu'il est important de tenir compte du rôle du ministre de la Sécurité publique. Pour être clair, je crois que notre ministre actuel fait du bon travail à ce poste. Cependant, le mandat du ministre de la Sécurité publique est déjà important, et ce projet de loi lui donnerait plus de responsabilités liées au contrôle et, dans certains cas, à la surveillance. À une date ultérieure, il faudrait peut-être revoir la portée de ce ministère.
Cela dit, je reconnais un paradoxe. Exiger l'approbation du commissaire au renseignement pour certaines opérations, comme on le propose clairement aux paragraphes 28(1), 28(2) de la Loi sur le SCT proposée, et possiblement refuser l'approbation d'un ministre est, selon moi, contraire au principe de responsabilité ministérielle dans notre système de gouvernement de type Westminster.
Assurément, je comprends pourquoi ce pouvoir du commissaire au renseignement existe. L'article 8 de la Charte insiste sur le droit d'être protégé contre des fouilles, perquisitions et saisies abusives. Le rôle du commissaire au renseignement veille à ce qu'on respecte cette norme.
Pourquoi est-ce problématique? Malheureusement, il est arrivé que, au Canada, des ministres et des premiers ministres tentent d'éviter une responsabilité liée aux actions de nos services de sécurité, des situations qui remontent à des décennies. Le premier ministre Pierre Trudeau a utilisé le principe de l'indépendance de la police pour déclarer que son gouvernement ne pouvait pas possiblement procéder à un examen ou à une surveillance des activités de la GRC, même si les rôles de la GRC en matière de sécurité nationale relèvent d'une responsabilité ministérielle. Il y a tout simplement une tension, ici, entre nos exigences constitutionnelles et ce qu'on fait en pratique dans le cadre de notre système depuis des décennies. Si le projet de loi a été adopté, ce sera aux députés de tenir le ministre responsable, même s'il tente de blâmer le commissaire au renseignement pour certaines mesures qui n'ont pas été prises.
Deuxièmement, malgré la création de pas moins de trois organismes d'examen majeur, il n'y a toujours pas de mécanisme officiel pour examiner de façon efficace nos services de sécurité. Nous allons recevoir de nombreux rapports quant à savoir si nos services de sécurité respectent la loi, mais nous n'aurons toujours pas d'idée de la mesure dans laquelle ils sont efficaces. Je ne laisse aucunement entendre qu'il faut calculer le nombre de complots terroristes déjoués. Une telle mesure brute serait contre-productive. Cependant, se poser des questions afin de déterminer si les analyses produites soutiennent en temps opportun les décisions prises par le gouvernement serait à propos. L'examen de l'efficacité reste une lacune de notre architecture d'examen lié à la sécurité nationale.
Troisièmement, même si je louange la transparence du projet de loi , je suis aussi préoccupée par ce que j'appelle « la lassitude liée aux rapports ». Je note que, entre le projet de loi de l'année dernière et, maintenant, le projet de loi C-59, il y aurait au moins 10 nouveaux rapports produits, et cela n'inclut pas les rapports spéciaux produits au besoin. Je crois savoir que certains de ces rapports sont très techniques et peuvent être générés automatiquement lorsque certaines tâches, comme, c'est une hypothèse, une recherche dans un ensemble de données, sont réalisées. Cependant, d'autres rapports seront plus complexes. Il faudra aussi plus de séances d'information. Ayant travaillé longuement sur des rapports pour le gouvernement dans mon ancien rôle, je sais à quel point cela peut être difficile et chronophage.
Enfin, et c'est lié au dernier point soulevé, je crois comprendre que les services de sécurité ne recevront pas de ressources supplémentaires pour se conformer aux exigences redditionnelles et d'information des projets de loi et . Cela me préoccupe, parce que je crois qu'une meilleure communication entre nos services responsables de la sécurité nationale et le gouvernement et les organismes d'examen est importante. À mesure que les pouvoirs des services de sécurité nationale seront élargis, il faudra fournir les ressources connexes nécessaires.
En bref, la capacité de mener des enquêtes sur des menaces liées à la sécurité nationale au Canada est cruciale. Je crois que, en grande partie, le projet de loi fait faire au Canada un grand pas en avant en ce qui concerne le besoin de trouver le juste équilibre entre la liberté et l'examen. Selon moi, lorsque le projet de loi C-59 définit des pouvoirs et des processus, il devrait permettre aux services de sécurité de s'acquitter de leur travail important et en sachant avec confiance exactement là où ils en sont. De plus, la transparence du projet de loi, espérons-le, aidera, dans une certaine mesure, à renforcer le lien de confiance entre le public canadien, le Parlement et nos services de sécurité.
Merci du temps que vous m'avez accordé. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour membres du Comité. Amnistie internationale est bien sûr heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude du projet de loi . Je tiens à vous dire dès le départ que je représente ici le volet tant anglophone que francophone d'Amnistie internationale Canada et, par conséquent, je représente nos 400 000 sympathisants à l'échelle du pays.
Amnistie internationale comparaît fréquemment et depuis longtemps devant des comités parlementaires qui se penchent sur des questions liées à la sécurité nationale, que ce soit dans le cadre d'étude de projets de loi ou d'examen de lois en vigueur. Et ce n'est pas parce que nous sommes des experts de la sécurité nationale. Notre expertise, bien sûr, concerne les droits de la personne. Par conséquent, ce qui nous intéresse dans le projet de loi , est lié directement à notre mandat, qui consiste à exiger des gouvernements qu'ils respectent leurs obligations internationales en matière de droits de la personne. Depuis longtemps, dans le cadre de ses recherches et de ses campagnes à l'échelle internationale, Amnistie internationale documente les violations des droits de la personne dans le contexte de la sécurité nationale, et réagit, et exige des gouvernements qu'ils modifient leurs lois, leurs politiques et leurs pratiques en matière de sécurité nationale pour respecter les obligations internationales en matière de droits de la personne. C'est le cas depuis bien avant le 11 septembre.
On utilise souvent la sécurité nationale pour excuser des violations des droits de la personne, alors qu'il est clair que l'objectif est simplement de punir et de persécuter des opposants politiques ou des membres de minorités religieuses ou ethniques. Les activités liées à la sécurité nationale ont souvent été réalisées dans le mépris total des conséquences en matière de droits de la personne, ce qui peut mener à de graves violations des droits de la personne comme la torture, des enlèvements et la détention illicite. Sans mesures de protection et restrictions adéquates, des activités trop générales liées à la sécurité nationale sont préjudiciables pour des particuliers et des collectivités qui ne constituent absolument pas une menace à la sécurité. Dans tous ces cas, l'impact est souvent ressenti de façon disproportionnée et discriminatoire par des communautés religieuses, ethniques et raciales précises, créant ainsi une autre préoccupation liée aux droits de la personne.
De telles préoccupations sont loin de se limiter à d'autres régions du globe. Au cours des 15 dernières années, Amnistie internationale s'est occupée de nombreux cas de violation des droits de la personne ayant trait à la sécurité nationale liés aux actions des organismes canadiens d'application de la loi et responsables de la sécurité nationale. Ces préoccupations ont été si graves qu'elles ont fait l'objet de deux enquêtes judiciaires, de nombreuses décisions de la Cour suprême et de la Cour fédérale, de plusieurs excuses importantes et de règlements financiers d'une valeur totale de bien plus de 50 millions de dollars à l'intention d'un certain nombre de citoyens canadiens et d'autres personnes dont les droits ont été gravement violés en raison des actions d'organismes canadiens. Je pense ici à Maher Arar, Benamar Benatta, Abdullah Almalki, Ahmad El Maati, Muayyed Nureddin et Omar Khadr. C'est la raison pour laquelle nous soumettons des projets de loi comme le projet de loi à notre analyse liée aux droits de la personne, pour nous assurer que les dispositions proposées offrent la meilleure protection possible contre les violations des droits de la personne de cette nature.
Pour ce qui est de mes commentaires sur le projet de loi, je vais aborder rapidement cinq domaines: premièrement, le besoin d'ancrer plus solidement les droits de la personne dans le projet de loi; deuxièmement, les dispositions sur les examens liés à la sécurité nationale; troisièmement, des changements positifs dans le projet de loi ; quatrièmement, les préoccupations qui restent; et cinquièmement, les enjeux préoccupants qui n'ont pas été réglés dans le projet de loi.
Le premier domaine concerne le besoin d'asseoir l'approche en matière de sécurité nationale sur un engagement au chapitre des droits de la personne. Dans l'examen qui a précédé le projet de loi , nous avons prié le gouvernement de profiter de la réforme actuelle pour appuyer le cadre de sécurité nationale du Canada sur un fondement clair concernant les droits de la personne. Il s'agit d'une approche qui non seulement est bénéfique, évidemment, pour ce qui est des droits de la personne, mais qui jette vraiment les bases d'une sécurité plus inclusive, durable et fiable. Actuellement, à part la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, aucune des lois canadiennes liées à la sécurité nationale ne mentionne précisément les obligations internationales du Canada en matière des droits de la personne ni ne les intègre.
Nous recommandons que ces lois soient modifiées pour inclure des dispositions exigeant qu'on interprète et applique la loi d'une façon qui respecte les normes internationales en matière de droits de la personne. C'est quelque chose qu'on n'a pas cru bon de faire dans le cadre du projet de loi , à part une référence très limitée à la Convention contre la torture. C'est pourtant important, puisque cela lance un message fort quant au caractère central des droits de la personne dans l'approche canadienne en matière de sécurité nationale. C'est aussi très bénéfique lorsque vient le temps de faire respecter les droits de la personne dans le cadre des procédures judiciaires liées à la sécurité nationale.
Notre première recommandation, par conséquent, reste de modifier le projet de loi pour inclure une disposition exigeant que toutes les lois liées à la sécurité nationale soient interprétées conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
Deuxièmement, nous accueillons et soutenons fortement les dispositions de la partie 1 du projet de loi qui crée l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Amnistie internationale demande la création d'un organisme responsable de réaliser des examens exhaustifs et intégrés de cette nature depuis la présentation de nos observations durant l'enquête sur l'affaire Arar en 2005. Il s'agit d'une des plus anciennes et plus graves lacunes du cadre de sécurité nationale du Canada. Nous avons formulé trois recommandations connexes.
Premièrement, conformément à la recommandation précédente que je viens de formuler, le mandat de l'organisme d'examen doit être modifié pour que l'on puisse s'assurer que les activités des organismes responsables de la sécurité et du renseignement seront examinées précisément pour en garantir la conformité avec les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
Deuxièmement, l'organisme d'examen doit miser sur un personnel et des ressources suffisants pour s'acquitter de ce qui constituera une charge de travail importante. Nous appuyons la recommandation formulée par le professeur Kent Roach selon laquelle la disposition prévoyant un président et des commissaires supplémentaires — entre trois et six — est inadéquate, et nous suggérons que le nombre de commissaires supplémentaires soit augmenté et passe à de cinq à huit.
Troisièmement, nous continuons d'être préoccupés par la surveillance dont fera l'objet précisément l'Agence des services frontaliers du Canada. Contrairement à de nombreux organismes qui feront l'objet d'examens réalisés par le nouvel Office, l'ASFC ne possède pas son propre organisme d'examen indépendant. Le nouvel organisme de surveillance aura le pouvoir d'examiner les activités de l'ASFC liées à la sécurité nationale et au renseignement, mais il n'y a toujours pas d'autres organismes indépendants chargés d'examiner l'ensemble des activités de l'ASFC, malgré le nombre croissant de cas où le besoin de réaliser de tels examens est frappant, y compris des décès durant une détention liée à l'immigration. Il est inévitable que ce déséquilibre crée un malaise dans le cadre de l'examen de l'ASFC réalisé par l'Office de surveillance, ce qui souligne à quel point il est crucial que le gouvernement agisse rapidement pour assurer un examen complet et indépendant de l'ASFC.
Nous tenons à souligner les améliorations. Premièrement, nos préoccupations liées à l'infraction criminelle trop générale énoncée dans le projet de loi , soit le fait de préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général ont été dissipées par les révisions proposées à l'article 83.221 du Code criminel, qui criminalisera plutôt le fait de conseiller à une autre personne de commettre un acte terroriste, ce qui, essentiellement, est déjà une infraction criminelle.
Deuxièmement, les pouvoirs de réduction de la menace du projet de loi , qui anticipait des actions du SCRS pouvant constituer une violation d'un large éventail de droits de la personne garantis en vertu de la Charte des droits et par le droit international, ont été grandement améliorés. Cependant, nous croyons qu'il faut aller plus loin, et il doit y avoir une interdiction précise selon laquelle le SCRS ne participera à aucune activité de réduction des menaces qui constituerait un manquement à l'égard des obligations au titre de la Charte ou des obligations internationales en matière de droits de la personne. Nous accueillons aussi favorablement les changements apportés à la détention préventive, mais nous tenons à formuler certaines recommandations sur la façon d'améliorer la situation.
Nous restons préoccupés par les dispositions de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens qui, selon nous, ne permet pas de composer avec les nombreux défis auxquels les gens sont confrontés en raison de l'application des listes d'interdiction de vol. Des réformes beaucoup plus fondamentales sont nécessaires, y compris un engagement à l'égard de la création d'un système de dédommagement solide pour éliminer les faux positifs et une importante amélioration de l'établissement des listes et des dispositions d'appel pour respecter les normes en matière d'équité.
Puisque je sais que mon temps est compté, permettez-moi de terminer en soulignant certaines dispositions qui ne sont toujours pas abordées dans le projet de loi.
L'une des contraventions les plus flagrantes des conventions internationales en matière de droits de la personne dans la loi canadienne sur la sécurité nationale — c'est une situation qui remonte à plus de 20 ans, maintenant, c'est la disposition qui dans la loi sur l'immigration, permet à des personnes, dans des circonstances exceptionnelles non définies, d'être expulsées vers un pays où elles courent de sérieux risques de torture. Il s'agit d'une violation directe de la Convention des Nations unies contre la torture. Les organismes des Nations unies responsables des droits de la personne ont demandé à répétition que ce problème soit réglé. Le projet de loi a raté une occasion de le faire. Nous recommandons qu'on règle ce problème.
Enfin, le projet de loi ne réforme pas comme il faudrait l'approche prise en matière de sécurité nationale dans le cadre des procédures de l'immigration. Il y avait de graves préoccupations liées au fait que le projet de loi accentue le caractère inéquitable du processus lié au certificat de sécurité pour l'immigration, par exemple, en cachant certaines catégories de preuves aux avocats spéciaux.
Il faut vraiment revoir et réévaluer les procédures d'immigration liées aux certificats de sécurité, pour annuler les changements qui ont été apportés dans le projet de loi et composer avec d'autres préoccupations liées au caractère équitable de ce processus.
Merci.
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Merci. Tout cela me tient à coeur. C'est une excellente question.
L'un des premiers exemples que je pourrais donner serait l'évaluation des menaces mondiales effectuées chaque année par l'Office of the Director of National Intelligence. Nous l'appelions le rapport Clapper, mais à l'avenir, ce sera le rapport Coats.
Chaque année, on publie une évaluation de 15 à 20 pages sur les menaces; on y énumère les principales menaces pour les Américains. Il s'agit d'un rapport très utile, puisqu'il révèle où les services de sécurité déploient leurs ressources ainsi que les sources de préoccupations majeures. Les rapports permettent également de suivre l'évolution au fil du temps. Si vous comparez les rapports d'une année à l'autre, vous pouvez voir qu'Al-Qaïda, en particulier dans la péninsule d'Arabie — a été détrôné du premier rang par les cybermenaces.
Il est intéressant de voir comment s'est transformé le paysage de la sécurité nationale aux États-Unis, et je crois que les Canadiens devraient avoir accès au même genre d'information. Présentement, la seule façon dont on peut vraiment être informé de ce genre de choses consiste à consulter la section sur le contexte de la menace dans le rapport annuel du SCRS... En fait, ce n'est même plus un rapport annuel; il est plutôt triennal. Qui plus est, ce n'est même plus vraiment un rapport. Le dernier rapport était une vidéo sur YouTube dans laquelle le directeur s'adressait à la caméra. Je doute que ce genre de choses suffise à expliquer aux Canadiens quelles sont les menaces à la sécurité nationale.
Avant tout, je ne comprends pas pourquoi on ne publie plus ce rapport annuellement. Il ne fait aucun doute que ce devrait être un rapport annuel. Quand j'ai témoigné à propos du projet de loi , j'ai dit qu'il fallait s'assurer de produire des rapports annuellement sur les menaces existantes, pour reprendre le modèle de l'évaluation des menaces mondiales. Donc, voilà ce qui serait la première option.
L'autre option est le rapport public sur la menace terroriste, qui est aussi censé être publié chaque année. À moins que je ne me trompe, le rapport de cette année n'a toujours pas été publié, et je ne comprends pas vraiment pourquoi. Il s'agit du seul rapport interorganismes que nous avons sur les menaces à l'égard du Canada, et pas seulement le terrorisme. Ce n'est qu'un aspect seulement. Nous ne parlons pas suffisamment de l'espionnage ou des cybermenaces, et il s'agit de choses que les Canadiens ont besoin de savoir.
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Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Merci.
L'un des problèmes, selon moi, tient au fait que les services de sécurité ne savent pas à quoi s'en tenir sans lignes directrices. Une source de préoccupations, entre autres, provenait du fait que la vaste portée du projet de loi rendait les limites floues. Le service redoute constamment de subir une autre commission d'enquête. C'est quelque chose qu'il veut éviter à tout prix, vu le fardeau que cela impose sur le personnel, les ressources et ce genre de choses. Sans supervision adéquate, sans ligne directrice claire quant aux limites, le service craint énormément de dépasser sa compétence.
Nous en avons bien sûr des exemples concrets: Michel Coulombe et le nouveau directeur ont déclaré ne pas vraiment avoir usé des pouvoirs qui lui ont été conférés par le projet de loi , à savoir les pouvoirs qui lui permettent de violer la Charte, du moins, autant que je sache. Il faut que les pouvoirs soient clairement définis dans la loi. Il faut que le service sache qu'il a l'appui du gouvernement et des tribunaux. Autrement, il se retrouve en quelque sorte paralysé, puisque personne n'ose faire quoi que ce soit qui risquerait de mener à une nouvelle commission d'enquête. C'est pour cette raison que je suis fortement en faveur d'une définition claire des pouvoirs de mener des activités de perturbation.
Selon moi, les activités de perturbation sont importantes. L'une des choses que j'ai constatées, à l'époque où je travaillais au service, c'est la vitesse à laquelle les enquêtes se sont accélérées. Des enquêtes qui prenaient plus de deux ans pouvaient aboutir en deux ou trois semaines, dès qu'une personne était exposée à la propagande et prenait la décision de faire défection.
Les pouvoirs de mener des activités de perturbation sont importants, et je crois qu'il serait absolument vital, concrètement, pour les activités de l'organisation, de les ancrer dans la Charte et dans l'interprétation de la loi.
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Wesley m'a fait signe, alors je vais commencer.
Je tiens à remercier sincèrement le Comité de m'avoir invité à parler du projet de loi . Je suis toujours honoré de partager mes observations avec vous.
Mon collègue, Kent Roach, témoignera devant vous la semaine prochaine. Nous nous sommes partagé le projet de loi . Aujourd'hui, je vais aborder la nouvelle Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications et les modifications de la Loi sur le SCRS.
J'appuie la plupart des modifications prévues à cet égard dans le projet de loi . Je reconnais les objectifs stratégiques visés. Je crois que, dans son ensemble, le libellé est solide et bien choisi, mais j'ai une grande préoccupation dont j'aimerais vous faire part.
Je vais commencer avec la Loi sur le CST et vous présenter mon unique recommandation de la journée. Je demande en tout respect au Comité de modifier les paragraphes 23(3) et (4) proposés afin qu'il soit indiqué que le Centre ne peut pas, sans autorisation ministérielle, contrevenir aux attentes raisonnables de tout Canadien ou de toute personne au Canada en matière de protection des renseignements personnels. Ces deux dispositions se trouvent à la page 62 du projet de loi en format PDF.
J'ai déposé à l'intention du Comité un mémoire dans lequel je justifie cette modification, et je tiens à vous mentionner que j'ai été souscripteur d'affidavit dans le cadre de la poursuite en droit constitutionnel menée en ce moment par la British Columbia Civil Liberties Association contre les activités du CST, mais je suis devant vous aujourd'hui à titre personnel.
Je vais vous résumer ma préoccupation: dans le cadre de ses activités de collecte de renseignements à l'étranger relativement à la cybersécurité, le CST recueille de l'information sur des Canadiens ou des personnes au Canada qui ont des attentes raisonnables en matière de protection des renseignements personnels. Cela est effectué sans l'autorisation préalable d'un agent judiciaire indépendant et viole certainement l'article 8 de la Charte.
Le projet de loi tente de régler ce problème constitutionnel par le truchement d'un processus d'autorisation ministérielle, qui prévoit que le caractère raisonnable soit déterminé par un commissaire au renseignement, soit un juge de la Cour supérieure à la retraite. C'est une solution originale et sans précédent qui permet un pouvoir discrétionnaire et une responsabilité ministérielle considérables. Ce n'est pas un système de mandats intégral. Malgré tout, vu la nature unique des activités du CST, je crois que c'est défendable sur le plan constitutionnel.
Le nouveau système ne réglera le problème constitutionnel que s'il intègre toutes les activités de collecte de renseignements protégés par la Constitution au nouveau système d'autorisation. C'est là qu'est le problème. Le projet de loi ne prévoit une utilisation de ce processus d'autorisation que dans le cas d'une contravention à une loi fédérale. Sur le plan constitutionnel, le processus doit également être utilisé dans d'autres circonstances.
Certains types de collecte de renseignements qui peuvent intéresser un Canadien relativement à la Constitution ne contreviennent pas à une loi fédérale. C'est le cas de certaines métadonnées, par exemple. La solution est simple. Je recommande d'élargir la portée de la loi ainsi: « Les activités menées par le Centre dans la réalisation du volet de son mandat touchant le renseignement étranger » ou la cybersécurité « ne doivent pas contrevenir aux autres lois fédérales ou entraîner la collecte d'informations pour lesquelles les Canadiens ou une personne au Canada peut s'attendre raisonnablement à ce qu'elles soient protégées », à moins d'être menées au titre d'une autorisation ministérielle pouvant faire l'objet d'un examen du commissaire au renseignement.
Cela peut sembler être un petit caprice d'avocat, mais si nous ne réglons pas maintenant le problème du processus d'autorisation de collecte du CST, un tribunal pourrait finir par conclure que le CST a recueilli de gigantesques quantités de données en contravention à la Constitution. Une telle conclusion nuirait à ses relations avec les intervenants de la société civile, placerait le CST au coeur d'une nouvelle controverse et ferait craindre aux sociétés privées d'entacher leur propre réputation si elles collaboreraient aux activités de cybersécurité du CST. Le projet de loi nous donne l'occasion d'atténuer ce problème.
Je vais maintenant aborder la Loi sur le SCRS. Le projet de loi réalise trois choses. Premièrement, il donne au SCRS le pouvoir de recueillir et de potentiellement conserver des prétendus ensembles de données. La difficulté ici est d'atteindre un équilibre entre le besoin opérationnel du SCRS de mener des enquêtes et d'utiliser l'information et ses obligations en matière de protection des renseignements personnels. Au lieu de préciser ce que peuvent comprendre les ensembles de données et d'établir des normes à cet égard, le projet de loi C-59 opte pour un système de surveillance préalable.
Le commissaire au renseignement est responsable d'approuver les catégories d'ensembles de données canadiens pouvant être initialement recueillis, selon la décision du ministre, et la Cour fédérale autorise toute collecte subséquente d'ensembles de données. Bien que j'aie certaines réserves à propos des ensembles de données, je comprends parfaitement leur utilité, et je ne vois aucune faille dans le système de freins et de contrepoids. Ce qui me préoccupe, c'est la conservation de renseignements recueillis dans le cadre de circonstances difficiles. Je ne sais pas si le projet de loi prévoit le même système de freins et de contrepoids dans une telle situation, mais je serai ravi d'aborder le sujet durant la période de questions.
La deuxième modification apportée à la Loi sur le SCRS prévoit un changement des pouvoirs de réduction de la menace du SCRS prévus dans le projet de loi en 2015. Ces dispositions ont semé la controverse, et avec raison. Kent Roach et moi n'étions pas en désaccord avec la réduction de la menace, mais nous craignions que les mesures prises par le SCRS à cet égard dans le cadre d'opérations parallèles du renseignement et des services policiers ne risquent de nuire à des enquêtes criminelles et à des poursuites ultérieures. Cela serait une véritable tragédie du point de vue de la sécurité.
Pour ce qui est des droits, le projet de loi manquait de nuance. Il permettait à la Cour fédérale de délivrer des mandats secrets sans droit de recours qui permettaient de violer tout droit protégé par la Charte. Le régime était radical et, selon moi, tout à fait inconstitutionnel. Par conséquent, il n'y avait rien à faire avec cela, peu importe la force des objectifs stratégiques connexes.
Le système prévu par le projet de loi est beaucoup plus crédible sur le plan constitutionnel. Il délimite plus clairement les pouvoirs de réduction de la menace du SCRS. En interdisant le pouvoir de détention — un pouvoir que le Service n'a certainement jamais voulu —, il n'y a plus matière à s'inquiéter des nombreuses violations de la Charte qui en découlent. En dressant la liste des activités qui pourraient être menées dans le cadre d'un mandat, le Parlement nous confirme les droits garantis par la Charte qui pourraient être en jeu, soit particulièrement la liberté d'expression et la liberté de circulation. Je crois que si la réduction de la menace demeure un objectif à atteindre, ce nouveau système atteint un équilibre raisonnable entre les enjeux stratégiques et les enjeux constitutionnels.
Enfin, la modification de la Loi sur le SCRS prévue au projet de loi crée de nouvelles immunités pour les agents du SCRS et les sources affectées au renseignement, qui peuvent contrevenir à la loi durant ces activités. Le libellé des infractions de terrorisme au Canada fait en sorte qu'une source confidentielle ou un agent d'infiltration commettra une infraction de terrorisme pour avoir participé aux activités du groupe terroriste qu'il a infiltré. L'immunité est nécessaire. La question est de savoir si le système de freins et de contrepoids suffit pour déceler toute utilisation abusive de cette immunité. Encore une fois, je crois que le projet de loi C-59 prévoit de bons mécanismes de vérification dans les cas d'immunité.
Je vais conclure avec un avertissement. Notre façon traditionnelle de faire les choses, avec les interventions policières en silos et les enquêtes parallèles du SCRS nous empêche de tirer profit des pratiques exemplaires d'autres administrations, qui mènent des enquêtes mixtes. Comme nous l'a montré l'enquête sur l'attentat à la bombe d'Air India, nous avons de la difficulté à transformer le renseignement en éléments de preuve. Le gouvernement y travaille. Nous ne devons cependant pas oublier que les activités que mène le SCRS dans le cadre de ses enquêtes, que ce soit une conduite criminelle immunisée durant une enquête visant le renseignement ou un processus d'autorisation en vue d'une réduction de la menace, pourraient nuire à des poursuites si les conséquences en aval ne sont pas prises en considération. Cette question serait un bon sujet d'examen pour le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
Je vous remercie de votre attention et j'ai bien hâte de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de fournir un témoignage sur le projet de loi , qui encadre la sécurité nationale.
J'aimerais avant de commencer faire un retour en arrière. J'ai eu le privilège il y a 16 ans de témoigner devant un comité de la Chambre des communes au sujet de la première Loi antiterroriste. Je crois même que j'ai fait ce témoignage dans la magnifique pièce où nous nous trouvons aujourd'hui. Une des leçons que j'ai tirées de cette expérience, c'est que le Parlement, quand on lui en donne l'occasion, peut exercer une influence importante en favorisant l'amélioration des projets de loi et en permettant un débat public sérieux, même s'il sera inévitablement conflictuel. Étant donné que le s'est déclaré ouvert à toutes les suggestions constructives, j'ose espérer que le débat sur le projet de loi débouchera sur des résultats similaires.
Le projet de loi est un effort très ambitieux et vaste de modernisation du cadre de la sécurité nationale du Canada. Il ne faut pas penser que cela signifie tout simplement que l'on va rafistoler le projet de loi du gouvernement précédent. Le projet de loi contient un grand nombre d'éléments et, comme vous pouvez vous y attendre après avoir entendu le témoignage de mes collègues, je vais moi aussi me concentrer sur quelques éléments seulement.
J'aimerais surtout m'attacher aux éléments qui sont à mon avis les éléments avant-gardistes clés du projet de loi . Quand je dis « avant-gardistes », c'est parce qu'ils sont d'authentiques nouveaux éléments de la loi, ce qui représente un problème particulier, pour un comité comme le vôtre, qui doit comprendre leurs répercussions possibles le plus précisément possible, et en mesurer l'efficacité. Ces trois tout nouveaux éléments sont particulièrement visibles, à mon avis, dans les trois premières parties de la loi, et je vais surtout parler d'eux. Toutefois, je répondrai avec plaisir à vos questions sur tout autre aspect du projet de loi.
La première partie de la loi prévoit la création d'un office de surveillance des activités des organismes de sécurité nationale et de renseignement. Je suis tout à fait d'accord avec ce concept et avec sa justification, et je suis emballé de voir que le gouvernement est lui aussi d'accord. Le défi sera de s'assurer que l'architecture pourra être rendue fonctionnelle. Pour en revenir au projet de loi, il sera important de s'assurer que l'OSSNR, comme je l'appelle, dispose de ressources financières et logistiques adéquates, d'un secrétariat dont l'effectif est talentueux et qualifié, d'excellentes relations de travail avec les organismes de sécurité et de renseignement ainsi que d'un plan de travail viable. Il sera également important de s'assurer que les organismes dont il doit assurer la surveillance possèdent eux aussi les ressources nécessaires et ont adopté une approche qui se prête bien à cette surveillance plus rigoureuse.
Je pense que la partie 1 de la Loi sur l'Office de surveillance aurait besoin de quelques correctifs. Il faudrait notamment revoir le mandat énoncé à l'article 8 proposé. Je crois que l'alinéa 8(1)a) du projet de loi devrait dresser une liste spécifique des activités que la GRC peut mener en matière de sécurité nationale et de renseignement. Il est important d'indiquer clairement, dans cette loi, que l'OSSNR assumera une partie des actuelles activités d'examen qu'effectue la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC, comme il le fera pour le CSARS et pour le Bureau du commissaire du CST. Il ne faudrait pas pour ce faire se contenter de modifications qui se perdraient dans toutes les modifications apportées à la loi.
Les membres du Comité remarqueront en outre que la Loi sur l'Office de surveillance ne prévoit qu'une solution partielle au problème du traitement des plaintes relatives à la sécurité nationale, dans l'article 16 et les articles suivants. En effet, les compétences prévues en matière de traitement des plaintes se limitent au SCRS et au CST de même qu'aux plaintes contre la GRC qui concernent la sécurité nationale, et je prie instamment les membres du Comité d'entendre ce que le commissaire de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC pense de la mesure dans laquelle l'OSSNR aura les compétences nécessaires pour traiter ces plaintes.
Il y a enfin l'importante question de la composition de cet office de surveillance comme vous l'avez déjà entendu dire. Il en est question à l'article 4 du projet de loi. Les procédures proposées, à mon grand désappointement, supposent que les membres du CSARS deviendront automatiquement membres de l'Office, et pourtant, leurs antécédents sont parfois très troubles. Je crois qu'il faut revoir la composition de l'Office, c'est-à-dire le nombre et le profil de ses membres. À mon avis, il faudrait ajouter aux membres du CSARS des membres venus d'autres horizons et possédant d'autres expertises, ce qui permettrait en même temps de réduire le fardeau qui repose sur les épaules de ceux qui doivent traiter les plaintes.
Les membres de l'Office de surveillance devraient également, à mon avis, posséder une expertise plus vaste des questions de sécurité et de renseignement, y compris une expérience relative aux menaces à la sécurité, aux pratiques en matière de renseignement, aux relations internationales, à la gouvernance et au processus décisionnel, aux libertés civiles, aux répercussions sur les collectivités et à la protection des renseignements personnels. Ce sont là sept domaines d'expertise.
La capacité de l'Office de surveillance d'être fonctionnelle dès l'adoption de la loi sera complètement dépendante du maintien de l'effectif, de la capacité et de la planification continue du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui constituera le coeur de l'OSSNR. Il serait bien malheureux qu'un événement quelconque affaiblisse le CSARS pendant la transition.
La partie 2 du projet de loi concerne le commissaire au renseignement. La loi qui crée un poste de commissaire au renseignement chargé d'effectuer une surveillance proactive de certains aspects du travail du CST et du SCRS est un concept novateur, car ce poste n'existe nulle part ailleurs, à ce que je sache, dans le Groupe des cinq. C'est une véritable innovation. Le concept qui a été retenu est, je crois, une solution faite au Canada qui vise à s'assurer de la légalité et de la conformité avec la Charte de certaines des opérations les plus délicates et importantes confiées à nos principaux organismes de collecte de renseignements, le CST et le SCRS.
En ce qui concerne la fonction du commissaire au renseignement, j'aurais deux réflexions et une recommandation à vous présenter.
Ma première réflexion, c'est qu'il serait important que le système soit un moyen de consolider plutôt que de diluer, au bout du compte, les responsabilités ministérielles et qu'il soit perçu comme tel, même si cela suppose de donner quelques pouvoirs de surveillance au commissaire au renseignement. Ma deuxième réflexion, c'est que le fait que le ministre conservera ses pouvoirs traditionnels en matière de reddition de comptes, tout en cédant quelques-uns de ses pouvoirs en matière de prise de décisions au commissaire au renseignement s'appuie à son tour sur le fonctionnement des nouveaux mécanismes redditionnels proposés dans la première partie du projet de loi.
L'OSSNR fournira un véhicule bien plus solide pour la reddition de comptes au ministre, à propos des activités des principaux organismes de renseignement, et ce véhicule, s'il est utilisé de la bonne manière par le ministre et son cabinet, devrait permettre au ministre de délivrer des autorisations qui recevront l'aval du commissaire au renseignement. C'est en cela que la partie 1 et la partie 2 du projet de loi sont intimement liées.
La recommandation que j'ai à vous présenter, c'est que la fonction du commissaire au renseignement ne soit pas voilée. Le Bureau du commissaire du CST, dont la fonction du commissaire au renseignement s'inspire en partie, présentait un rapport annuel au ministre, qui était aussi présenté au Parlement. Les choses ont toujours été faites ainsi depuis la création du Bureau du commissaire, en 1996. À l'heure actuelle, cette exigence n'est pas imposée au commissaire au renseignement. Je crois que ce dernier devrait être tenu de présenter un rapport annuel faisant état de ses activités et observations.
Passons maintenant à la partie 3, qui porte sur la Loi sur le CST. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est important de créer une loi distincte et moderne pour le CST, une loi qui serait distincte de la Loi sur la défense nationale. Le CST fait partie des plus importants organismes de collecte de renseignements du Canada, s'il n'est pas le plus important. C'est lui qui assure notre principale contribution dans le partenariat en matière de renseignement avec le Groupe des cinq. Il est essentiel de bien penser la Loi sur le CST, afin de protéger les intérêts du Canada, et le Comité doit y consacrer toute son attention.
Le CST a été créé au moment de l'adoption de la Loi antiterroriste, en 2001. Et c'est cette loi-là qui est modernisée par le projet de loi . Le projet de loi précédent, le projet , n'a proposé aucune modification de la Loi sur le CST.
La Loi sur le CST élargit le triple mandat actuel du CST en lui attribuant deux pouvoirs supplémentaires, l'un pour ce que j'appelle les cyberopérations actives, l'autre, pour les cyberopérations défensives. Il s'agit indéniablement des deux principaux nouveaux pouvoirs du CST.
Ces deux types d'opérations exigent une autorisation ministérielle. Les cyberopérations actives, dont la cible se trouve à l'étranger, exigent le consentement du ministre des Affaires étrangères. Certains parlementaires ont fait état de leur préoccupation quant à la nécessité de ce consentement. Je crois qu'il est absolument essentiel, étant donné la nature volatile de telles opérations et de la possibilité que leurs répercussions ne nuisent aux intérêts internationaux du Canada.
Les cyberopérations actives sont, comme je les appelle, la forme numérique des opérations secrètes, et elles ressemblent un peu aux opérations secrètes classiques menées pendant la guerre froide dans le but de déstabiliser les capacités d'un adversaire étranger. En plus des répercussions nuisibles, elles peuvent déclencher une escalade, comme cela a été le cas, nous l'avons vu, au lendemain de la cyberopération appelée Stuxnet, qui ciblait une cascade de centrifugeuses iraniennes, élément central du programme d'enrichissement de l'uranium et de développement d'armes nucléaires de ce pays. Les cyberopérations actives exigent une grande maîtrise du renseignement et des compétences techniques, mais aussi une surveillance serrée par les sphères politiques et le commandement et le contrôle robustes des organismes.
Il est également important de comprendre que la plupart, sinon la totalité, des opérations que le CST pourrait être amené à conduire, à l'avenir, dans le cadre de son mandat relatif aux cyberopérations actives, seront organisées dans le contexte du Groupe des cinq. Je ne crois pas que nous agirons seuls, dans ces opérations. Autant de raisons qui justifient ce que l'on a appelé « l'approche à double clé ». Les cyberopérations actives ou défensives n'exigent ni les unes ni les autres le consentement du commissaire au renseignement, et le Comité devrait peut-être réfléchir à cette question, mais elles feront l'objet d'un examen par le nouvel organisme national de la sécurité et du renseignement.
La Loi sur le CST est très complexe. C'est peut-être le rêve des avocats, mais, pour les profanes, c'est un cauchemar de lecture. Elle contient des dispositions très importantes, que l'on retrouve éparpillées dans le projet de loi sans qu'aucun fil narratif ne les relie les unes aux autres. Ma recommandation, en ce qui concerne la partie 3, serait d'intégrer à la loi des principes de valeur, peut-être dans la section qui porte sur le mandat proposé, qui font un lien entre les différentes parties; je vais vous communiquer un document à ce sujet.
J'allais ajouter quelques brèves remarques touchant les éléments absents du projet de loi, mais je me ferai un plaisir d'en parler en répondant aux questions.
Merci.