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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 089 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 89e réunion du Comité sur la sécurité publique.
    Nous accueillons deux témoins, dont l'un, au moins, connaît très bien le processus, M. Neve et Mme Carvin, professeurs à l'Université Carleton.
    Je crois savoir que vous vous êtes entendus et que Mme Carvin passera en premier.
    Nous avons hâte de savoir ce que vous avez à dire.
    Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée à parler du projet de loi C-59, la réforme liée à la sécurité nationale la plus complète et la plus vaste réalisée au Canada depuis 1984. Je tiens à souligner que je ne suis pas avocate. Cependant, j'ai déjà travaillé dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement et étudier ce domaine est mon métier. En fait, par souci de transparence, j'aimerais préciser que, de 2012 à 2015, j'ai travaillé pour le Service canadien du renseignement de sécurité en tant qu'analyste stratégique.
    Aujourd'hui, je parle bien sûr, en mon nom, mais ce que je vous dirai est étayé par mes recherches et mon expérience du paysage de la sécurité nationale au Canada, qui a évolué en relativement peu de temps. Tout ça pour dire que, aujourd'hui, mes commentaires porteront sur la portée du projet de loi et concerneront certains des domaines où, selon moi, le Comité doit, au moins, envisager de formuler des recommandations.
    Pour commencer, je tiens à exprimer mon soutien à l'égard du projet de loi. Je crois qu'il contient quatre mesures importantes qui sont essentielles à la sécurité nationale du Canada et au fonctionnement de nos organismes responsables de la sécurité nationale.
    Premièrement, le projet de loi précise les pouvoirs de nos organismes responsables de la sécurité nationale. Il n'y a pas de meilleur exemple que dans la partie 3, sur la Loi sur le CST, qui donne à notre organisme national du renseignement électromagnétique un statut légal et décrit son mandat et ses procédures de façon raisonnable. Vu que la première mention de cet organisme dans la loi remonte à la loi antiterroriste de 2001, le projet de loi constitue un très bon pas vers la transparence.
    Deuxièmement, le projet de loi C-59 décrit les limites des pouvoirs de nos organismes responsables de la sécurité nationale d'une façon qui assurera une certitude au public et à nos organismes responsables de la sécurité nationale. Plus particulièrement, le projet de loi précise une des parties les plus controversées de la loi actuelle, anciennement appelée projet de loi C-51, je parle ici des pouvoirs de perturbation du SCRS.
    Même si certains pourraient faire valoir qu'on retire ainsi au SCRS la capacité de lutter contre des menaces à la sécurité nationale du Canada, je ne suis pas d'accord. Puisque les représentants du SCRS se sont retrouvés dans des scandales au cours des dernières années, on a tendance à négliger à quel point nos organismes de sécurité nationale sont conservateurs, en fait. Même s'ils ne veulent pas d'interférence politique dans le cadre de leurs activités, je suis sûre qu'ils accueillent à bras ouverts les précisions fournies dans le projet de loi C-59 relativement à ces mesures.
    Soyons clairs: la capacité de perturbation est un outil important, particulièrement vu le rythme de plus en plus rapide des enquêtes liées au terrorisme, surtout lorsqu'il est question de la menace des combattants étrangers. Dans cette mesure, je crois que le projet de loi C-59 trouve le juste équilibre et harmonise avec justesse ces mesures avec la Charte des droits et libertés.
    Troisièmement, le projet de loi C-59 s'attaque aux problèmes de longue date liés à l'examen et, dans certains cas, à la surveillance dans le domaine de la sécurité nationale canadienne. Je ne vais pas passer en revue les problèmes du système actuel, qui a été qualifié de cloisonné par des experts et des commissions d'enquête. Cependant, je vais déclarer que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignements proposés, l'OSSNR, et le commissaire aux renseignements — de pair avec le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR —, constitue un cadre d'examen robuste auquel, selon moi, les Canadiens pourront faire confiance.
    Quatrièmement, globalement, le projet de loi C-59 est un projet de loi tourné vers l'avenir, et ce, au moins à trois égards. Premièrement, l'enjeu des ensembles de données n'est pas défini de façon trop étroite dans la loi. Même si cela en a préoccupé certains, je crois que c'est la bonne approche à adopter. Cela donne une certaine marge de manoeuvre à ce terme, tout en assujettissant toute interprétation à la surveillance du commissaire au renseignement et au ministre. Cette façon de faire assujettit l'utilisation des ensembles de données aux procédures internes des organismes responsables de la sécurité nationale eux-mêmes — et en limite l'accès — et à l'examen de l'OSSNR et du CPSNR.
    Ensuite, le projet de loi prend des mesures pour renforcer la capacité du Canada de protéger et défendre ses infrastructures essentielles. De plus en plus, nous constatons les capacités des États et des acteurs parrainés par des États de créer du chaos grâce à des attaques des réseaux électriques, des installations pétrolières et gazières, des barrages, des hôpitaux et des installations de soins de santé. Une bonne partie de ces infrastructures essentielles relèvent du secteur privé. Le projet de loi prend des mesures pour s'assurer qu'il y a un processus en place pour lutter contre ces menaces à l'avenir.
    En outre, le projet de loi C-59 nous met sur un pied d'égalité avec nos alliés en exigeant de notre organisme national chargé du renseignement électromagnétique qu'il joue un rôle actif dans le domaine cybernétique. Je comprends les défis juridiques et éthiques que cela soulève, surtout si on demandait au CST de soutenir une opération du MDN. Cependant, l'idée que le Canada n'ait pas cette capacité est, selon moi, inacceptable pour la plupart des Canadiens et serait jugée malheureuse aux yeux de nos alliés, dont beaucoup ont encouragé tacitement le Canada à renforcer sa cyberprésence dans la foulée des cybermenaces de la Corée du Nord, de la Chine et de la Russie.
    Encore une fois, je crois que c'est un bon projet de loi, mais il y a place à l'amélioration. Je sais que certains de mes collègues du milieu juridique, et surtout Craig Forcese, Kent Roach et Alex, bien sûr, vous parleront de certains enjeux juridiques précis auxquels il faudrait s'attacher pour faire en sorte qu'il soit plus facile à opérationnaliser et plus conforme à notre Constitution.
    J'encourage le Comité à réfléchir sérieusement aux suggestions qu'il va formuler. Cependant, je vais me concentrer sur quatre domaines qui, de façon générale, peuvent être problématiques, des domaines que le Comité devrait, au moins, connaître ou, sinon, prendre en considération lorsqu'il formulera ses recommandations.
(0850)
    Premièrement, je crois qu'il est important de tenir compte du rôle du ministre de la Sécurité publique. Pour être clair, je crois que notre ministre actuel fait du bon travail à ce poste. Cependant, le mandat du ministre de la Sécurité publique est déjà important, et ce projet de loi lui donnerait plus de responsabilités liées au contrôle et, dans certains cas, à la surveillance. À une date ultérieure, il faudrait peut-être revoir la portée de ce ministère.
    Cela dit, je reconnais un paradoxe. Exiger l'approbation du commissaire au renseignement pour certaines opérations, comme on le propose clairement aux paragraphes 28(1), 28(2) de la Loi sur le SCT proposée, et possiblement refuser l'approbation d'un ministre est, selon moi, contraire au principe de responsabilité ministérielle dans notre système de gouvernement de type Westminster.
    Assurément, je comprends pourquoi ce pouvoir du commissaire au renseignement existe. L'article 8 de la Charte insiste sur le droit d'être protégé contre des fouilles, perquisitions et saisies abusives. Le rôle du commissaire au renseignement veille à ce qu'on respecte cette norme.
    Pourquoi est-ce problématique? Malheureusement, il est arrivé que, au Canada, des ministres et des premiers ministres tentent d'éviter une responsabilité liée aux actions de nos services de sécurité, des situations qui remontent à des décennies. Le premier ministre Pierre Trudeau a utilisé le principe de l'indépendance de la police pour déclarer que son gouvernement ne pouvait pas possiblement procéder à un examen ou à une surveillance des activités de la GRC, même si les rôles de la GRC en matière de sécurité nationale relèvent d'une responsabilité ministérielle. Il y a tout simplement une tension, ici, entre nos exigences constitutionnelles et ce qu'on fait en pratique dans le cadre de notre système depuis des décennies. Si le projet de loi a été adopté, ce sera aux députés de tenir le ministre responsable, même s'il tente de blâmer le commissaire au renseignement pour certaines mesures qui n'ont pas été prises.
    Deuxièmement, malgré la création de pas moins de trois organismes d'examen majeur, il n'y a toujours pas de mécanisme officiel pour examiner de façon efficace nos services de sécurité. Nous allons recevoir de nombreux rapports quant à savoir si nos services de sécurité respectent la loi, mais nous n'aurons toujours pas d'idée de la mesure dans laquelle ils sont efficaces. Je ne laisse aucunement entendre qu'il faut calculer le nombre de complots terroristes déjoués. Une telle mesure brute serait contre-productive. Cependant, se poser des questions afin de déterminer si les analyses produites soutiennent en temps opportun les décisions prises par le gouvernement serait à propos. L'examen de l'efficacité reste une lacune de notre architecture d'examen lié à la sécurité nationale.
    Troisièmement, même si je louange la transparence du projet de loi C-59, je suis aussi préoccupée par ce que j'appelle « la lassitude liée aux rapports ». Je note que, entre le projet de loi C-22 de l'année dernière et, maintenant, le projet de loi C-59, il y aurait au moins 10 nouveaux rapports produits, et cela n'inclut pas les rapports spéciaux produits au besoin. Je crois savoir que certains de ces rapports sont très techniques et peuvent être générés automatiquement lorsque certaines tâches, comme, c'est une hypothèse, une recherche dans un ensemble de données, sont réalisées. Cependant, d'autres rapports seront plus complexes. Il faudra aussi plus de séances d'information. Ayant travaillé longuement sur des rapports pour le gouvernement dans mon ancien rôle, je sais à quel point cela peut être difficile et chronophage.
    Enfin, et c'est lié au dernier point soulevé, je crois comprendre que les services de sécurité ne recevront pas de ressources supplémentaires pour se conformer aux exigences redditionnelles et d'information des projets de loi C-22 et C-59. Cela me préoccupe, parce que je crois qu'une meilleure communication entre nos services responsables de la sécurité nationale et le gouvernement et les organismes d'examen est importante. À mesure que les pouvoirs des services de sécurité nationale seront élargis, il faudra fournir les ressources connexes nécessaires.
    En bref, la capacité de mener des enquêtes sur des menaces liées à la sécurité nationale au Canada est cruciale. Je crois que, en grande partie, le projet de loi C-59 fait faire au Canada un grand pas en avant en ce qui concerne le besoin de trouver le juste équilibre entre la liberté et l'examen. Selon moi, lorsque le projet de loi C-59 définit des pouvoirs et des processus, il devrait permettre aux services de sécurité de s'acquitter de leur travail important et en sachant avec confiance exactement là où ils en sont. De plus, la transparence du projet de loi, espérons-le, aidera, dans une certaine mesure, à renforcer le lien de confiance entre le public canadien, le Parlement et nos services de sécurité.
    Merci du temps que vous m'avez accordé. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
(0855)
    Merci, madame Carvin.
    Monsieur Neve, allez-y, s'il vous plaît, pendant 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour membres du Comité. Amnistie internationale est bien sûr heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude du projet de loi C-59. Je tiens à vous dire dès le départ que je représente ici le volet tant anglophone que francophone d'Amnistie internationale Canada et, par conséquent, je représente nos 400 000 sympathisants à l'échelle du pays.
    Amnistie internationale comparaît fréquemment et depuis longtemps devant des comités parlementaires qui se penchent sur des questions liées à la sécurité nationale, que ce soit dans le cadre d'étude de projets de loi ou d'examen de lois en vigueur. Et ce n'est pas parce que nous sommes des experts de la sécurité nationale. Notre expertise, bien sûr, concerne les droits de la personne. Par conséquent, ce qui nous intéresse dans le projet de loi C-59, est lié directement à notre mandat, qui consiste à exiger des gouvernements qu'ils respectent leurs obligations internationales en matière de droits de la personne. Depuis longtemps, dans le cadre de ses recherches et de ses campagnes à l'échelle internationale, Amnistie internationale documente les violations des droits de la personne dans le contexte de la sécurité nationale, et réagit, et exige des gouvernements qu'ils modifient leurs lois, leurs politiques et leurs pratiques en matière de sécurité nationale pour respecter les obligations internationales en matière de droits de la personne. C'est le cas depuis bien avant le 11 septembre.
    On utilise souvent la sécurité nationale pour excuser des violations des droits de la personne, alors qu'il est clair que l'objectif est simplement de punir et de persécuter des opposants politiques ou des membres de minorités religieuses ou ethniques. Les activités liées à la sécurité nationale ont souvent été réalisées dans le mépris total des conséquences en matière de droits de la personne, ce qui peut mener à de graves violations des droits de la personne comme la torture, des enlèvements et la détention illicite. Sans mesures de protection et restrictions adéquates, des activités trop générales liées à la sécurité nationale sont préjudiciables pour des particuliers et des collectivités qui ne constituent absolument pas une menace à la sécurité. Dans tous ces cas, l'impact est souvent ressenti de façon disproportionnée et discriminatoire par des communautés religieuses, ethniques et raciales précises, créant ainsi une autre préoccupation liée aux droits de la personne.
    De telles préoccupations sont loin de se limiter à d'autres régions du globe. Au cours des 15 dernières années, Amnistie internationale s'est occupée de nombreux cas de violation des droits de la personne ayant trait à la sécurité nationale liés aux actions des organismes canadiens d'application de la loi et responsables de la sécurité nationale. Ces préoccupations ont été si graves qu'elles ont fait l'objet de deux enquêtes judiciaires, de nombreuses décisions de la Cour suprême et de la Cour fédérale, de plusieurs excuses importantes et de règlements financiers d'une valeur totale de bien plus de 50 millions de dollars à l'intention d'un certain nombre de citoyens canadiens et d'autres personnes dont les droits ont été gravement violés en raison des actions d'organismes canadiens. Je pense ici à Maher Arar, Benamar Benatta, Abdullah Almalki, Ahmad El Maati, Muayyed Nureddin et Omar Khadr. C'est la raison pour laquelle nous soumettons des projets de loi comme le projet de loi C-59 à notre analyse liée aux droits de la personne, pour nous assurer que les dispositions proposées offrent la meilleure protection possible contre les violations des droits de la personne de cette nature.
    Pour ce qui est de mes commentaires sur le projet de loi, je vais aborder rapidement cinq domaines: premièrement, le besoin d'ancrer plus solidement les droits de la personne dans le projet de loi; deuxièmement, les dispositions sur les examens liés à la sécurité nationale; troisièmement, des changements positifs dans le projet de loi C-59; quatrièmement, les préoccupations qui restent; et cinquièmement, les enjeux préoccupants qui n'ont pas été réglés dans le projet de loi.
    Le premier domaine concerne le besoin d'asseoir l'approche en matière de sécurité nationale sur un engagement au chapitre des droits de la personne. Dans l'examen qui a précédé le projet de loi C-59, nous avons prié le gouvernement de profiter de la réforme actuelle pour appuyer le cadre de sécurité nationale du Canada sur un fondement clair concernant les droits de la personne. Il s'agit d'une approche qui non seulement est bénéfique, évidemment, pour ce qui est des droits de la personne, mais qui jette vraiment les bases d'une sécurité plus inclusive, durable et fiable. Actuellement, à part la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, aucune des lois canadiennes liées à la sécurité nationale ne mentionne précisément les obligations internationales du Canada en matière des droits de la personne ni ne les intègre.
    Nous recommandons que ces lois soient modifiées pour inclure des dispositions exigeant qu'on interprète et applique la loi d'une façon qui respecte les normes internationales en matière de droits de la personne. C'est quelque chose qu'on n'a pas cru bon de faire dans le cadre du projet de loi C-59, à part une référence très limitée à la Convention contre la torture. C'est pourtant important, puisque cela lance un message fort quant au caractère central des droits de la personne dans l'approche canadienne en matière de sécurité nationale. C'est aussi très bénéfique lorsque vient le temps de faire respecter les droits de la personne dans le cadre des procédures judiciaires liées à la sécurité nationale.
    Notre première recommandation, par conséquent, reste de modifier le projet de loi C-59 pour inclure une disposition exigeant que toutes les lois liées à la sécurité nationale soient interprétées conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
(0900)
    Deuxièmement, nous accueillons et soutenons fortement les dispositions de la partie 1 du projet de loi C-59 qui crée l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Amnistie internationale demande la création d'un organisme responsable de réaliser des examens exhaustifs et intégrés de cette nature depuis la présentation de nos observations durant l'enquête sur l'affaire Arar en 2005. Il s'agit d'une des plus anciennes et plus graves lacunes du cadre de sécurité nationale du Canada. Nous avons formulé trois recommandations connexes.
    Premièrement, conformément à la recommandation précédente que je viens de formuler, le mandat de l'organisme d'examen doit être modifié pour que l'on puisse s'assurer que les activités des organismes responsables de la sécurité et du renseignement seront examinées précisément pour en garantir la conformité avec les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
    Deuxièmement, l'organisme d'examen doit miser sur un personnel et des ressources suffisants pour s'acquitter de ce qui constituera une charge de travail importante. Nous appuyons la recommandation formulée par le professeur Kent Roach selon laquelle la disposition prévoyant un président et des commissaires supplémentaires — entre trois et six — est inadéquate, et nous suggérons que le nombre de commissaires supplémentaires soit augmenté et passe à de cinq à huit.
    Troisièmement, nous continuons d'être préoccupés par la surveillance dont fera l'objet précisément l'Agence des services frontaliers du Canada. Contrairement à de nombreux organismes qui feront l'objet d'examens réalisés par le nouvel Office, l'ASFC ne possède pas son propre organisme d'examen indépendant. Le nouvel organisme de surveillance aura le pouvoir d'examiner les activités de l'ASFC liées à la sécurité nationale et au renseignement, mais il n'y a toujours pas d'autres organismes indépendants chargés d'examiner l'ensemble des activités de l'ASFC, malgré le nombre croissant de cas où le besoin de réaliser de tels examens est frappant, y compris des décès durant une détention liée à l'immigration. Il est inévitable que ce déséquilibre crée un malaise dans le cadre de l'examen de l'ASFC réalisé par l'Office de surveillance, ce qui souligne à quel point il est crucial que le gouvernement agisse rapidement pour assurer un examen complet et indépendant de l'ASFC.
    Nous tenons à souligner les améliorations. Premièrement, nos préoccupations liées à l'infraction criminelle trop générale énoncée dans le projet de loi C-51, soit le fait de préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général ont été dissipées par les révisions proposées à l'article 83.221 du Code criminel, qui criminalisera plutôt le fait de conseiller à une autre personne de commettre un acte terroriste, ce qui, essentiellement, est déjà une infraction criminelle.
    Deuxièmement, les pouvoirs de réduction de la menace du projet de loi C-51, qui anticipait des actions du SCRS pouvant constituer une violation d'un large éventail de droits de la personne garantis en vertu de la Charte des droits et par le droit international, ont été grandement améliorés. Cependant, nous croyons qu'il faut aller plus loin, et il doit y avoir une interdiction précise selon laquelle le SCRS ne participera à aucune activité de réduction des menaces qui constituerait un manquement à l'égard des obligations au titre de la Charte ou des obligations internationales en matière de droits de la personne. Nous accueillons aussi favorablement les changements apportés à la détention préventive, mais nous tenons à formuler certaines recommandations sur la façon d'améliorer la situation.
    Nous restons préoccupés par les dispositions de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens qui, selon nous, ne permet pas de composer avec les nombreux défis auxquels les gens sont confrontés en raison de l'application des listes d'interdiction de vol. Des réformes beaucoup plus fondamentales sont nécessaires, y compris un engagement à l'égard de la création d'un système de dédommagement solide pour éliminer les faux positifs et une importante amélioration de l'établissement des listes et des dispositions d'appel pour respecter les normes en matière d'équité.
    Puisque je sais que mon temps est compté, permettez-moi de terminer en soulignant certaines dispositions qui ne sont toujours pas abordées dans le projet de loi.
    L'une des contraventions les plus flagrantes des conventions internationales en matière de droits de la personne dans la loi canadienne sur la sécurité nationale — c'est une situation qui remonte à plus de 20 ans, maintenant, c'est la disposition qui dans la loi sur l'immigration, permet à des personnes, dans des circonstances exceptionnelles non définies, d'être expulsées vers un pays où elles courent de sérieux risques de torture. Il s'agit d'une violation directe de la Convention des Nations unies contre la torture. Les organismes des Nations unies responsables des droits de la personne ont demandé à répétition que ce problème soit réglé. Le projet de loi C-59 a raté une occasion de le faire. Nous recommandons qu'on règle ce problème.
    Enfin, le projet de loi C-59 ne réforme pas comme il faudrait l'approche prise en matière de sécurité nationale dans le cadre des procédures de l'immigration. Il y avait de graves préoccupations liées au fait que le projet de loi C-51 accentue le caractère inéquitable du processus lié au certificat de sécurité pour l'immigration, par exemple, en cachant certaines catégories de preuves aux avocats spéciaux.
(0905)
    Il faut vraiment revoir et réévaluer les procédures d'immigration liées aux certificats de sécurité, pour annuler les changements qui ont été apportés dans le projet de loi C-51 et composer avec d'autres préoccupations liées au caractère équitable de ce processus.
    Merci.
    Merci, monsieur Neve.
    Madame Damoff, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Je tiens à vous souhaiter à tous les deux la bienvenue dans le cadre de notre étude du projet de loi C-59, et je vous remercie d'être là. Je vais commencer par Amnistie internationale.
    Je vais tout simplement vous citer. Sur votre site Web, vous avez parlé du projet de loi C-59 et dit qu'Amnistie internationale espérait aussi que le gouvernement règle les préoccupations de longue date liées à l'omission de rejeter la torture dans le cadre des arrangements sur la communication de renseignements conclus par le Canada avec d'autres pays. C'est quelque chose que vous avez mentionné ici aussi.
    Des instructions ministérielles ont été communiquées en septembre, et, évidemment, 10 ans s'étaient écoulés depuis leur mise à jour. Pour commencer, les instructions ministérielles interdisent la communication de renseignements s'il y a des motifs raisonnables de croire que cela pourrait mener à la torture. En quoi ces instructions constituent-elles une amélioration comparativement aux instructions précédentes, qui, je l'ai mentionné, existaient depuis des dizaines d'années?
    Merci beaucoup de la question.
    Nous avons bien sûr accueilli favorablement les nouvelles instructions produites après la déclaration préalable que vous venez de mentionner, qui était notre réaction au projet de loi C-59 lorsque ce dernier a été déposé en juin.
    D'accord. Merci de le préciser.
    Nous avons souligné qu'il s'agit selon nous d'une amélioration très importante comparativement aux instructions précédentes, qui étaient très préoccupantes. Nous avons cependant ajouté qu'elles ne vont pas assez loin. C'est difficile de contenter des porte-parole, surtout lorsqu'on parle de quelque chose d'aussi fondamental que la protection des droits de la personne et la protection contre une préoccupation liée aux droits de la personne aussi cruciale que le besoin d'interdire de façon absolue la torture. Nous craignons encore qu'il y ait des dispositions dans les instructions qui permettent l'utilisation de renseignements, même s'ils ont été obtenus au moyen de la torture.
    Nous avons formulé des recommandations pour poursuivre la réforme, mais nous accueillons favorablement les mesures qui ont été prises.
    L'enjeu que j'ai soulevé aujourd'hui est une préoccupation distincte, mais liée au fait que notre législation sur l'immigration — alors, encore une fois, on parle d'une préoccupation générale concernant le fait d'être complice d'actes de torture —, il y a encore des dispositions permettant à des personnes d'être expulsées dans un pays où elles pourraient faire l'objet de torture dans des situations extrêmes. Nous demandons fortement que ce problème soit réglé.
    Merci beaucoup, et merci d'être à nouveau parmi nous.
    Madame Carvin, je vous remercie de votre présence et de votre témoignage.
    Vous avez publié un article hier dans le Globe and Mail, en collaboration avec les témoins qui comparaissent durant la prochaine heure. Vous avez déclaré ce qui suit:
Le projet de loi C-59 renforce aussi les pouvoirs du Centre de la sécurité des télécommunications [...]
Ce qui est encore plus crucial, le projet de loi tente enfin d'inclure le CST dans le contexte constitutionnel en créant un système unique et indépendant d'approbation de ses activités de renseignement. Nous croyons qu'il y a certaines modifications importantes à apporter dans ces domaines [...]
    Pouvez-vous nous préciser les modifications que vous aimeriez voir dans le projet de loi C-59 afin d'améliorer les mécanismes de surveillance du CST?
    Merci beaucoup de la question. Ce passage précis a été rédigé par Craig Forcese, qui abordera cette question en profondeur.
(0910)
    D'accord.
    Je crois que, en fait, tout son exposé portera sur ce sujet, alors je ne veux pas anticiper sur ce qu'il dira. Encore une fois, on en revient à l'article 8 de la Charte, s'assurer que les gens sont protégés contre des fouilles déraisonnables dans le cadre des activités du CST. Pour ce qui est des détails juridiques, je ne veux pas m'en remettre aux autres, mais je le ferai dans ce cas-ci. Merci.
    Ça ne pose pas d'inconvénient, surtout puisqu'ils sont ici aujourd'hui. Merci.
    Vous affirmez également que les Canadiens ont droit à davantage de transparence en ce qui concerne les types de menaces qui pèsent sur le gouvernement actuellement. Vous avez mentionné deux modèles qui pourraient intéresser le gouvernement. Je me demande si vous pouvez nous expliquer en quoi consistent ces deux modèles. J'aimerais aussi savoir si, selon vous, il serait plus approprié de légiférer ou de réglementer à ce chapitre.
    Merci. Tout cela me tient à coeur. C'est une excellente question.
    L'un des premiers exemples que je pourrais donner serait l'évaluation des menaces mondiales effectuées chaque année par l'Office of the Director of National Intelligence. Nous l'appelions le rapport Clapper, mais à l'avenir, ce sera le rapport Coats.
    Chaque année, on publie une évaluation de 15 à 20 pages sur les menaces; on y énumère les principales menaces pour les Américains. Il s'agit d'un rapport très utile, puisqu'il révèle où les services de sécurité déploient leurs ressources ainsi que les sources de préoccupations majeures. Les rapports permettent également de suivre l'évolution au fil du temps. Si vous comparez les rapports d'une année à l'autre, vous pouvez voir qu'Al-Qaïda, en particulier dans la péninsule d'Arabie — a été détrôné du premier rang par les cybermenaces.
    Il est intéressant de voir comment s'est transformé le paysage de la sécurité nationale aux États-Unis, et je crois que les Canadiens devraient avoir accès au même genre d'information. Présentement, la seule façon dont on peut vraiment être informé de ce genre de choses consiste à consulter la section sur le contexte de la menace dans le rapport annuel du SCRS... En fait, ce n'est même plus un rapport annuel; il est plutôt triennal. Qui plus est, ce n'est même plus vraiment un rapport. Le dernier rapport était une vidéo sur YouTube dans laquelle le directeur s'adressait à la caméra. Je doute que ce genre de choses suffise à expliquer aux Canadiens quelles sont les menaces à la sécurité nationale.
    Avant tout, je ne comprends pas pourquoi on ne publie plus ce rapport annuellement. Il ne fait aucun doute que ce devrait être un rapport annuel. Quand j'ai témoigné à propos du projet de loi C-22, j'ai dit qu'il fallait s'assurer de produire des rapports annuellement sur les menaces existantes, pour reprendre le modèle de l'évaluation des menaces mondiales. Donc, voilà ce qui serait la première option.
    L'autre option est le rapport public sur la menace terroriste, qui est aussi censé être publié chaque année. À moins que je ne me trompe, le rapport de cette année n'a toujours pas été publié, et je ne comprends pas vraiment pourquoi. Il s'agit du seul rapport interorganismes que nous avons sur les menaces à l'égard du Canada, et pas seulement le terrorisme. Ce n'est qu'un aspect seulement. Nous ne parlons pas suffisamment de l'espionnage ou des cybermenaces, et il s'agit de choses que les Canadiens ont besoin de savoir.
    Il ne me reste plus que 20 secondes...
    Pardon.
    Non, ce n'est pas grave.
    Pour ce qui est de légiférer ou de réglementer, avez-vous pris position là-dessus?
    Quand j'ai témoigné à propos du projet de loi C-22, j'ai recommandé de légiférer à ce chapitre pour que ce soit obligatoire tous les 365 jours. Je crois que les Canadiens méritent ce niveau de transparence.
    Merci, madame Damoff.

[Français]

    Monsieur Paul-Hus, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Carvin.
    Dans votre présentation, vous avez mentionné que le projet de loi C-59 modifierait les pouvoirs des agents du Service canadien du renseignement de sécurité. On dit souvent que le projet de loi C-51 a attribué trop de pouvoirs au SCRS. De nombreuses demandes ont été exprimées pour que cela change, et j'aimerais comprendre un peu mieux les raisons de ces demandes. Comme vous avez travaillé dans cet organisme, vous connaissez un peu le domaine. J'aimerais en savoir davantage.
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Merci.
    L'un des problèmes, selon moi, tient au fait que les services de sécurité ne savent pas à quoi s'en tenir sans lignes directrices. Une source de préoccupations, entre autres, provenait du fait que la vaste portée du projet de loi C-51 rendait les limites floues. Le service redoute constamment de subir une autre commission d'enquête. C'est quelque chose qu'il veut éviter à tout prix, vu le fardeau que cela impose sur le personnel, les ressources et ce genre de choses. Sans supervision adéquate, sans ligne directrice claire quant aux limites, le service craint énormément de dépasser sa compétence.
    Nous en avons bien sûr des exemples concrets: Michel Coulombe et le nouveau directeur ont déclaré ne pas vraiment avoir usé des pouvoirs qui lui ont été conférés par le projet de loi C-51, à savoir les pouvoirs qui lui permettent de violer la Charte, du moins, autant que je sache. Il faut que les pouvoirs soient clairement définis dans la loi. Il faut que le service sache qu'il a l'appui du gouvernement et des tribunaux. Autrement, il se retrouve en quelque sorte paralysé, puisque personne n'ose faire quoi que ce soit qui risquerait de mener à une nouvelle commission d'enquête. C'est pour cette raison que je suis fortement en faveur d'une définition claire des pouvoirs de mener des activités de perturbation.
    Selon moi, les activités de perturbation sont importantes. L'une des choses que j'ai constatées, à l'époque où je travaillais au service, c'est la vitesse à laquelle les enquêtes se sont accélérées. Des enquêtes qui prenaient plus de deux ans pouvaient aboutir en deux ou trois semaines, dès qu'une personne était exposée à la propagande et prenait la décision de faire défection.
    Les pouvoirs de mener des activités de perturbation sont importants, et je crois qu'il serait absolument vital, concrètement, pour les activités de l'organisation, de les ancrer dans la Charte et dans l'interprétation de la loi.
(0915)

[Français]

    Merci.
    Dans votre déclaration, vous avez beaucoup parlé aussi des différents mécanismes ou organes de surveillance des agences. En fin de compte, tout ce que nous voulons, c'est nous protéger contre des menaces éventuelles de différents niveaux.
    Êtes-vous d'avis que le projet de loi C-59, une fois adopté, sera efficace pour contrer les menaces?

[Traduction]

    Oui, monsieur, je le crois. Je suis particulièrement heureuse de voir que les cyberpouvoirs du CST seront inscrits dans la loi. Je veux insister sur le fait que, selon moi, cela montre à nos alliés que le Canada s'est engagé à défendre vigoureusement son territoire, ainsi que, par exemple, les opérations de l'OTAN et les organismes de la collectivité des cinq. Ce sont des choses dont nous avons absolument besoin. Je crois que c'est important d'avoir ces pouvoirs à notre disposition. Il faut les inscrire dans la loi, de façon à ce que les Canadiens et nos alliés sachent que nous pouvons en faire usage. Cela contribuera non seulement à notre transparence, mais aussi à notre fiabilité. Dans l'avenir, on saura que le Canada est un partenaire sur qui on peut compter.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Neve, je crois que vous vouliez répondre à la première question également.

[Traduction]

    Je veux tout simplement ajouter quelque chose: je voulais souligner que nous sommes aussi entièrement en accord avec le fait qu'il est nécessaire de définir beaucoup plus rigoureusement les pouvoirs du SCRS. C'est essentiel en ce qui concerne la réduction de la menace. C'est aussi pourquoi il est nécessaire d'établir une interdiction claire — une ligne qu'il ne faut absolument pas franchir — en ce qui concerne les activités qui violent la Charte des droits... J'ajouterai aussi, et c'est extrêmement important, que les obligations internationales du Canada relativement aux droits de la personne, lesquelles doivent être respectées puisqu'elles donnent un contexte international à nos activités, jouent un rôle très important.

[Français]

    Je vais continuer à parler de la Charte.
    Actuellement, une de nos préoccupations majeures est d'équilibrer les pouvoirs, c'est-à-dire trouver l'équilibre entre ce que nous pouvons faire et ce que la Charte nous impose pour respecter la liberté des Canadiens.
    Lorsqu'il est question de sécurité et de menaces contre des citoyens canadiens, selon vous, jusqu'à quel point la Charte doit-elle être appliquée de façon uniforme et intégrale? Les criminels, eux, se foutent de la Charte. Les criminels et les terroristes n'ont aucune intention de respecter quoi que ce soit. De notre côté, nous faisons des efforts pour respecter la Charte au maximum, tandis qu'eux s'en foutent.
    Selon vous, la Charte constitue-t-elle l'outil ultime auquel nous devrions porter une attention extrême? Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

    Vous ne serez probablement pas surpris de m'entendre dire que la Charte devrait être protégée en tout temps, et j'ajouterai aussi à cela le contexte englobant des obligations internationales contraignantes du Canada en matière de droits de la personne. Cela dit, je crois qu'il est très important de souligner que la défense des droits de la personne ne veut pas dire du tout de faire fi des menaces pour la sécurité et d'autres types de difficultés auxquels le gouvernement doit réagir pour veiller à la sécurité des citoyens.
    À dire vrai, la structure internationale des droits de la personne repose entièrement sur la compréhension explicite que les gouvernements doivent effectivement réagir aux menaces, et c'est pourquoi cela a été ancré particulièrement dans la façon dont il faut protéger les droits de la personne, par exemple en ce qui concerne certaines lois internationales sur les droits de la personne. Un exemple évident serait la liberté d'expression. Donc, il y a un équilibre dans les définitions même dans les traités internationaux. La disposition relative aux restrictions ou aux violations est très restreinte, mais elle existe.
    Le droit international reconnaît explicitement d'autres droits comme étant primordiaux et qu'il ne peut jamais être justifié de violer, peu importe les circonstances. La torture en est un exemple patent, ici. Du point de vue des droits de la personne, on reconnaît que ce serait quelque chose d'horrible. Ce serait également contre-productif pour la sécurité, parce que la torture, même motivée par la sécurité, ne fait que marginaliser davantage certaines collectivités, elle empire nos insécurités et aggrave le terrorisme.
(0920)

[Français]

    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais essayer de faire vite, puisque je n'ai que sept minutes pour poser toutes ces questions.
    Madame Carvin, à propos du commissaire au renseignement, je voulais seulement savoir si un mandat de cinq ans est suffisant pour lui donner suffisamment d'autonomie par rapport à l'appareil gouvernemental. Puisqu'il est aussi possible de nommer le même commissaire pour un deuxième mandat, je me demandais si une forme ou une autre de sécurité d'emploi pourrait être un genre d'incitatif.
    Ce qui est intéressant, c'est qu'il faut une personne qui s'y connaisse assez pour comprendre et suivre ce qui se passe, mais vous avez raison, il y a un conflit potentiel. Je crois que les personnes autour du commissaire au renseignement ainsi que le personnel de soutien vont peser aussi dans la balance.
    Le commissaire au renseignement va avoir d'énormes responsabilités en ce qui concerne les activités d'examen et de surveillance. Je crois qu'il sera avantageux d'avoir quelqu'un qui a une expérience récente et qui comprend le contexte et tout le reste, mais, fait plus important encore, je crois qu'il faut veiller à ce que les gens autour du commissaire soient bien encadrés et aient accès à suffisamment de fonds, parce que c'est cela qui aura le plus d'incidence.
    Ce que vous dites concerne la mémoire institutionnelle, oui?
    Oui.
    En matière d'autonomie, cela pourrait-il causer des conflits si la sécurité d'emploi de la personne dépend le moins possible de l'organe exécutif?
    Je n'ai d'autre choix que de croire que nos juges ont une pension de retraite suffisante pour que cela ne soit jamais un élément probable. Je vais reprendre ce qu'a dit mon ami Emmett Macfarlane, qui a écrit énormément de choses sur les tribunaux canadiens. Il est passionnément convaincu que les juges sont véritablement indépendants. Je veux donc me fier à son expertise et aux conclusions de ses études.
    Mon autre question tenait au fait qu'il s'agit d'un travail à temps partiel. Cela va probablement se refléter dans l'effectif. Est-ce que cela pourrait causer des problèmes, puisqu'il s'agit en vérité d'activités de surveillance et non d'examen? Le fait que cela soit fait à temps partiel pourrait-il causer des problèmes?
    Je crois qu'il va falloir attendre et voir comment les choses vont se passer concrètement. J'ose espérer que le Comité va garder un oeil là-dessus, pour veiller à ce que les problèmes que vous avez évoqués ne surviennent pas.
    D'accord, très bien.
    Ma dernière question concerne le commissaire au renseignement. Puisqu'on parle ici de surveillance et non d'examen, il est clair que c'est quelque chose de nouveau, et c'est important. Je veux m'assurer de bien comprendre: il est question ici d'autorisations de nature générale et non de nature précise, en ce qui concerne les mesures prises par les différents organismes. Je veux m'assurer de bien comprendre cela. Le rôle du commissaire consiste à surveiller non pas les mesures précises qui sont prises, mais plutôt le caractère raisonnable de l'orientation générale prise par un organisme. Est-ce que je comprends bien?
    Oui. Je ne sais pas si on vous a parlé de Craig Forcese, mais il fait partie du prochain groupe de témoins. Il a mis au point un arbre de décision. En réalité, les choses ne sont pas aussi simples que le Sudoku du jour. Il sera probablement mieux placé pour vous répondre.
    D'après ce que j'en sais, oui, il s'agit de surveillance générale, mais il existe des cas très précis où le commissaire au renseignement devra prendre des décisions, en particulier en ce qui concerne la défense des infrastructures essentielles. C'est de ce côté que j'éprouve quelques préoccupations relativement à la surveillance ministérielle.
(0925)
    Très bien. Merci.
    La prochaine question s'adresse à vous deux, et elle concerne l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ses pouvoirs relativement aux enquêtes sur des plaintes ne lui permet pas d'enquêter sur certaines organisations comme Affaires mondiales Canada, un ministère qui, évidemment, joue un très grand rôle.
    D'après vous, monsieur Neve, en ce qui concerne nos obligations internationales en matière de droits de la personne, quelle importance cela pourrait-il avoir? Cela pourrait-il être problématique de ne viser que trois organismes tout en conservant notre régime de communication d'information?
    
    Non. Nous serions évidemment en faveur d'un mandat plus vaste pour l'organisation. Je crois que nous savons d'expérience — j'ai même souligné certains cas au début de ma déclaration — que les activités, la responsabilité et même la culpabilité ne se limitent certainement pas à ces organismes opérationnels, même si ce sont eux qui s'occupent des détails quotidiens d'une affaire. Prenez le cas de Maher Arar ou les cas que le juge Iacobucci a examinés dans son enquête; Affaires mondiales Canada y a certainement joué aussi un rôle. Il faut que les décisions et les activités de ce genre d'organisations puissent aussi être examinées, dans une certaine mesure.
    C'est quelque chose que je soutiendrais fortement. Je n'ai pas évoqué ce sujet dans ma déclaration, alors je vais en profiter pour faire une courte parenthèse. Entre autres choses, je me préoccupe du fait que le ministère de la Défense nationale n'en est pas exclu. Prenez les diverses formes de renseignement qui vont être recueillies par cet organisme de surveillance: ce qui me préoccupe, c'est que le SCRS et le ministère de la Défense nationale utilisent le renseignement de façon extrêmement différente, en particulier puisque le ministère de la Défense nationale a le pouvoir de tuer des gens en toute légalité.
    Quand l'organisme de surveillance va contrôler ces différents organismes, il va devoir acquérir une expertise quant à la façon dont le renseignement est utilisé à chaque endroit. Ce sera la première fois que le ministère de la Défense nationale va subir ce processus. C'est la première fois qu'on va surveiller ses activités de renseignement, et ce sera toute une période d'adaptation pour lui. En outre, un aspect important de la fonction de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement sera d'apprendre concrètement à différencier les façons dont le renseignement est utilisé dans chaque organisation gouvernementale du Canada. Donc, ce qui s'en vient à ce chapitre constitue une préoccupation à mes yeux.
    Merci beaucoup.
    Il y a une dernière question que je voulais poser. Vous avez mentionné qu'il est important que les activités du CST reposent sur des bases juridiques. J'ai étudié différentes parties du projet de loi, et je n'ai pas assez de temps pour aller voir le détail, mais il y a une question que j'ai posée à propos de l'article 24 qui concerne la mise à l'essai ou l'évaluation des infrastructures de l'information. Il y a aussi l'article 28 du projet de loi qui habilite le ministre à délivrer des autorisations de cybersécurité, c'est-à-dire, essentiellement, des autorisations de protéger les infrastructures fédérales et non fédérales.
    Le projet de loi pourrait-il être renforcé si on clarifiait exactement ce que le CST peut faire dans ces contextes particuliers?
    Répondez très brièvement, je vous prie.
    Très rapidement, je dirais que je suis contente que le commissaire au renseignement dispose de pouvoirs discrétionnaires forts en matière d'examen et de surveillance, en particulier en ce qui concerne la défense des infrastructures essentielles, puisqu'il s'agit d'un concept plutôt vague et que notre conception des infrastructures essentielles évolue au fil du temps.
    Pour ce qui est de l'article 24 du projet de loi, je vais laisser Craig Forcese répondre, compte tenu du temps qu'il nous reste.
    Merci, monsieur Dubé.
    Monsieur Erskine-Smith, bienvenue au Comité.
    Je vous remercie tous deux de vos témoignages.
    Madame Carvin, vous avez mentionné, par rapport à l'ensemble de la structure de surveillance, que vous éprouvez encore certains doutes quant à l'efficacité. Vous avez aussi évoqué quelques fois M. Forcese. Dans un article écrit par M. Forcese et Kent Roach, on dit qu'il existe trois piliers: un comité parlementaire sur l'efficacité, une espèce de super CSARS pour la surveillance du bien-fondé des activités et finalement un organisme indépendant responsable du droit en matière de sécurité nationale qui reprend le modèle en vigueur au Royaume-Uni et en Australie.
    Si on prend le projet de loi C-59 et le projet de loi C-22, croyez-vous, dans l'ensemble que la structure de surveillance générale remplit les mêmes objectifs?
    Vous soulevez un point très intéressant.
    Quand j'ai témoigné à propos du projet de loi C-22, j'ai recommandé au Comité de s'intéresser en priorité à l'efficacité. L'un des problèmes tient au fait que, pour l'instant, les différences entre les activités de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et celles du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ne sont pas bien définies. Ce n'est pas que moi qui éprouve des préoccupations à ce chapitre; c'est aussi le cas d'autres personnes qui ont déjà travaillé dans ce domaine. Il ne faut pas que les deux groupes soient redondants.
    Il devrait être clair que le comité prévu dans le projet de loi C-22 devrait surveiller les choses avec une vue d'ensemble — je parle de 60 000 pieds de hauteur — et laisser à l'Office le soin de s'occuper des méandres juridiques. Le fait qu'il n'y ait aucune répartition du travail me préoccupe, et, selon moi, la surveillance de l'efficacité devrait revenir au comité prévu dans le projet de loi C-22.
(0930)
    J'aurais tendance à être d'accord avec vous. Cela semble logique, et il semble que le projet de loi C-22 va réussir à combler ce vide relativement à la surveillance de l'efficacité.
    Dans tous les cas, le nouveau super CSARS et le nouveau commissaire qui va remplacer le CSARS et le commissaire du CST n'auront pas exactement les mêmes pouvoirs. J'ai un document ici, par exemple, selon lequel le commissaire du CST dispose de certains pouvoirs en vertu de la Loi sur les enquêtes que le nouveau commissaire n'aura pas. L'obligation redditionnelle du CSARS est également plus rigoureuse dans certains cas, par exemple en ce qui concerne le nombre de mandats autorisés par le SCRS.
    Une fois que le SCRS sera intégré au nouveau super CSARS et que les fonctions du CST reviendront au nouveau commissaire, ne croyez-vous pas qu'il faudrait que ces nouvelles entités aient les mêmes obligations redditionnelles ainsi que les mêmes pouvoirs? Dans le cas contraire, pourquoi pas?
    Je n'ai pas remarqué ces limites dans la loi lorsque je l'ai consultée, du moins pas de la façon dont vous l'interprétez. Il me semble que l'Office de surveillance des actions en matière de sécurité nationale et de renseignement a, dans les faits, un mandat extrêmement vaste, et je crois que c'est une très bonne chose, puisque l'organisation devrait avoir ce genre de pouvoir.
    Je sais que Wesley Wark, qui viendra témoigner plus tard aujourd'hui, est un expert sur le sujet de la surveillance. Je crois que vous devriez lui poser la question également, mais d'après ce que j'ai vu, je n'ai pas remarqué que ces restrictions existaient nécessairement dans...
    Je pose la question à vous deux: ne devrait-on pas s'attendre à ce que le nouveau super CSARS et le nouveau commissaire disposent des mêmes pouvoirs et compétences? N'est-ce pas normal?
    Je dirais que c'est le cas, et si vous êtes d'avis que non, alors je vous recommanderais d'ajuster les choses jusqu'à ce que cela vous convienne.
    Monsieur Neve.
    Je crois que nous serions complètement d'accord. L'un des problèmes que nous avons ressentis dans le passé tenait au fait que les pouvoirs et les mandats de divers organismes de surveillance étaient déséquilibrés. Cela crée de la confusion et, bien sûr, nuit à la capacité de l'ensemble des organisations de coordonner leurs activités de surveillance, ce qui est, évidemment, une chose que l'on veut assurer avec cette nouvelle approche.
    Monsieur Neve, vous avez dit avoir quelques préoccupations par rapport à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, en ce qui concerne l'échec de mettre en place un système de dédommagement solide. Je crois que c'est ce que vous avez dit. L'utilisation d'avocats spéciaux dans d'autres contextes s'est avérée une solution utile, et c'est quelque chose qu'on nous a recommandé. Vous pouvez répondre en premier, mais je pose la question à vous deux. Croyez-vous qu'un système d'avocats spéciaux, qui ne fait actuellement pas partie de la loi, pourrait s'avérer utile pour régler les problèmes de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens?
    Cela pourrait contribuer de façon utile, mais je ne crois pas que ça pourrait régler les problèmes de cette loi. Les problèmes dépassent largement ceux-ci; mais cela demeure une préoccupation, et nous, entre autres, avons souligné à quel point il nous semble étrange qu'encore une fois, il y ait des préoccupations par rapport aux activités secrètes et au refus de divulguer des renseignements. Il y a même un mécanisme qui existe pour cela, mais on ne l'utilise jamais. Malgré tout, pour veiller à ce qu'un système de dédommagement solide soit créé, il va falloir aller beaucoup plus loin que cela.
    Je m'en remets à l'avis d'Alex.
    D'accord.
    En anglais, la Loi sur la communication à l'information ayant trait à la sécurité du Canada, la Security of Canada Information Sharing Act sera renommée la Security of Canada Information Disclosure Act. Il y a quelques autres changements, également. Je siège au comité de la protection des renseignements personnels, et nous avons eu un rapport plus complet sur la question particulière de la communication des renseignements. Le gouvernement a effectivement réagi et apporté quelques changements, des changements plus concrets qu'un simple changement de titre, par rapport à la nouvelle loi. Entre autres choses, il y a la définition. Je ne sais pas si l'un de vous deux a des commentaires à faire sur la nouvelle définition ou si vous croyez que ce sera suffisant pour atténuer les préoccupations soulevées pendant l'examen en matière de sécurité nationale.
    Voulez-vous parler de la nouvelle définition des menaces envers la sécurité?
    C'est exact.
    Non, nous avons encore des préoccupations. Nous croyons que c'est encore trop vaste et qu'il y a trop de différences par rapport aux définitions utilisées dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, par exemple. De nombreuses façons, cette définition doit être utilisée en conjonction avec d'autres dispositions pour assujettir certaines personnes au processus de communication d'information, simplement parce qu'elles ont participé à des manifestations ou parce qu'elles ont milité dans un contexte où il y avait peut-être un lien avec une entité opposant les infrastructures essentielles comme les pipelines, etc. C'est une source de préoccupations, et cela était un très grave problème dans le projet de loi C-51, et, à votre avis, tout n'a pas été réglé à ce chapitre.
    Le projet de loi a été modifié par amendement; on a ajouté une disposition sur les activités portant atteinte aux infrastructures essentielles et ce genre de choses, il faut que ce soit « de manière considérable ou à grande échelle ». Cela ne comprend pas, j'espère, les manifestations, du moins une partie d'entre elles.
    Il y a aussi deux ou trois autres modifications. Il y a actuellement un débat sur les critères de divulgation: le critère doit-il être la pertinence ou la nécessité? Bien sûr, notre comité et le comité de l'éthique ont recommandé un seuil de nécessité, conformément à l'avis du commissaire à la protection de la vie privée. Le projet de loi ne traite pas de la question, mais il y a effectivement un renforcement du côté de la pertinence, avec le passage qui dit « la communication aidera à l'exercice de la compétence ou des attributions de l'institution fédérale destinataire ».
    Madame Carvin ou monsieur Neve, cela est-il suffisant, selon vous?
(0935)
    Vous devrez répondre très rapidement encore une fois, malheureusement.
    J'aurais un commentaire de portée générale. Avez-vous quelque chose de précis?
    Bien sûr, en tant que défenseurs des droits de la personne, nous serons toujours en faveur de renforcer ce genre de protection.
    Donc c'est mieux, mais ce n'est pas aussi bien qu'on pourrait l'espérer...
    Exactement. La « nécessité » offre une meilleure protection.
    Merci, monsieur Erskine-Smith.
    Monsieur Motz, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous deux d'être ici aujourd'hui.
    Je vais m'adresser à vous spécifiquement pour quelques minutes, madame Carvin, si vous me le permettez. En particulier, c'est votre passé en tant qu'analyste stratégique au SCRS qui m'intrigue un peu. Comme vous le savez, le projet de loi prévoit la création ou la modification de plusieurs groupes de surveillance. Voyez-vous des lacunes dans cette nouvelle structure en ce qui concerne la communication efficace de renseignement et le signalement de menaces?
    Voulez-vous parler des modifications de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada?
    Oui.
    À dire vrai, j'ai eu l'impression que la définition avait probablement été élargie dans la version actuelle du texte législatif. De fait, le projet de loi C-51 comprenait une restriction. Je sais que je mentionne Craig beaucoup, mais nous faisons beaucoup de balados ensemble, alors nous avons beaucoup d'opinions communes. D'abord, il y avait la disposition liminaire, mais cela été éliminé, et donc, la capacité de communiquer de l'information, en vertu de ce projet de loi, est probablement plus vaste, et je crois que c'est ce qui préoccupe certaines personnes.
    Je serais toutefois absolument et fondamentalement d'accord avec le fait qu'il faut protéger la communication d'information. Par conséquent, si des réformes s'imposent, il faut garder cela à l'esprit. Cela n'a pas seulement une importance relativement au terrorisme. L'exemple classique souvent utilisé est celui des passeports: lorsqu'on essaie d'empêcher une personne qui a un passeport de quitter le pays. Cependant, la capacité de communiquer de l'information en vertu de la Loi sur Investissement Canada est absolument essentielle à notre sécurité nationale.
    Sous sa forme actuelle, je ne vois pas de grande différence dans ce projet de loi, mais c'est vrai qu'il faut garder à l'esprit que les réformes vont venir de votre comité.
    Merci.
    Encore une fois, d'après votre expérience, comment croyez-vous que le personnel de première ligne des services de sécurité va réagir en voyant les modifications dont nous venons de parler?
    À mon avis, ces personnes veulent avoir des lignes directrices claires. Elles veulent savoir ce qu'elles peuvent faire et où elles ne peuvent pas s'aventurer. En vérité, elles veulent être protégées, en ce sens qu'elles veulent être assurées d'exercer leurs activités dans les limites permises par la loi. Je crois que le projet de loi leur donne cela, tout en permettant une surveillance plus étroite des choses importantes comme les jeux de données au lieu de s'en remettre à une orientation législative précise. Je crois que c'est la bonne approche à adopter.
    D'accord.
     Vous nous avez parlé précédemment des rapports de sécurité, des documents, de l'analyse des menaces et des évaluations des menaces qui ont été effectuées. Pouvez-vous nous donner une idée des avantages et des inconvénients des documents d'analyse des menaces et de la façon dont les experts pourront les utiliser autrement dans le cadre du projet de loi C-59?
    Parlez-vous des rapports publics?
    Oui.
    Je crois que ces rapports nous permettront de comprendre comment ces pouvoirs sont utilisés, à quelle fréquence ils sont utilisés et dans quelle mesure nos services de sécurité ont de la difficulté à se conformer à la loi. Ils ne vont pas nécessairement révéler quelles sont les menaces visées par ces pouvoirs.
    Les gens craignent les combattants étrangers. Nous l'avons constaté au cours du dernier mois de l'examen sur la question des combattants étrangers, et je peux comprendre pourquoi les Canadiens sont inquiets. Cependant, au bout du compte, si nous communiquions ces menaces de manière plus adéquate et raisonnable et que les services de la sécurité nationale publiaient une évaluation de la menace distincte ou plus étoffée, je crois que la situation se verrait améliorée.
    Pour les gens comme moi qui veulent savoir, la transparence nous permettra de vérifier, par exemple, si les pouvoirs sont plus ou moins utilisés, pourquoi ils sont davantage utilisés, s'il y a une menace accrue, etc.
    Vous parlez de documents accessibles au grand public.
    Comme vous le savez d'expérience et pour mon collègue M. Picard et moi, la communication de renseignements est absolument essentielle en ce qui concerne tout aspect de la sécurité nationale et du partage d'information. Les amendements proposés donnent-ils aux intervenants de première ligne les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail au lieu de favoriser les mesures en parallèle que nous avons déjà observées? La nouvelle loi rendra-t-elle la communication de renseignements plus efficace?
(0940)
    Encore une fois, je ne vois dans la loi aucune restriction trop large en ce qui a trait à la communication de renseignements. Comme je l'ai déjà mentionné, à de nombreux égards, sa portée ratisse beaucoup plus large que la loi précédente, alors je ne crois pas qu'il y aura de problèmes.
    En ce qui a trait aux directives qui découleront de la loi, si elle est adoptée telle quelle, celles-ci dépendront des dirigeants et de la marche à suivre, mais tout cela fera l'objet du processus d'examen.
    Merci, monsieur Motz.
    Monsieur Picard, les cinq dernières minutes sont à vous, s'il vous plaît.
    Je vais m'exprimer dans ma langue si vous n'avez pas d'objection.

[Français]

    Ma première question s'adresse à M. Neve.
    Vous avez soulevé la question de la torture. À cet égard, nos agences de sécurité font toutes le même travail dans un but commun, quel que soit le gouvernement en place: elles doivent vérifier l'information reçue et s'assurer qu'elle n'est pas le résultat d'une torture à l'étranger. Comment pouvons-nous protéger la bonne foi de nos agences dans ce processus?

[Traduction]

    Cela peut être difficile, mais il existe des processus, des mécanismes et une expertise qui nous permettent d'évaluer cette information. Pour ce faire, il faut évidemment analyser en profondeur les pratiques d'application de la loi et de sécurité du pays d'où provient l'information dans un contexte général et dans les circonstances propres à la situation. Il n'existe aucun mécanisme parfaitement fiable qui nous permettrait de filtrer l'information et de déterminer hors de tout doute qu'elle n'a pas été obtenue par la torture. C'est pourquoi il y a un seuil. Ce que l'on veut déterminer, c'est s'il y a une raison concrète de croire que l'information est le résultat d'une torture.

[Français]

    Si l'information résulte d'une torture à l'étranger, il y a de fortes chances qu'on l'apprenne après les faits, et non avant. Ce fait est rarement indiqué sur le rapport de transmission d'information.
    Comment doit-on gérer cette information, compte tenu du fait qu'on a malheureusement appris, par la suite, que l'information allait contre ses propres valeurs?

[Traduction]

    S'il y a des raisons convaincantes de croire que l'information a été obtenue par la torture et qu'il est possible de confirmer que c'est le cas, nous estimons que cette information ne devrait pas être retenue ni utilisée à des fins de sécurité et de renseignement.

[Français]

    C'est vrai dans la mesure où l'on n'a pas encore agi. Cela dit, on dispose rarement de trois ou quatre semaines pour réagir à une information, surtout si la menace est imminente. On doit agir de façon relativement urgente si la vie des Canadiens est en jeu. Je parle de cas où, malheureusement, on s'aperçoit après coup que l'information était corrompue.

[Traduction]

    Nous proposerions que d'autres moyens d'enquête soient utilisés, moyens qui n'ont pas recours à de l'information obtenue par la torture.
    Tout d'abord, le fait de recourir à de l'information obtenue par la torture ne fait qu'encourager la torture à court et à long terme. Ainsi, nous confirmons aux bourreaux qu'il existe un marché pour les résultats de leurs crimes alors que nous voulons le contraire. Nous voulons briser le cycle.
    Ensuite, nous ne devons pas oublier que l'information obtenue par la torture est peu fiable. Outre les experts des droits de la personne, les experts de l'application de la loi et de la sécurité vous diront haut et fort que le fait d'avoir recours de manière excessive à de l'information obtenue par la torture peut constituer une distraction et éloigner les agents des pistes d'enquête qui leur fourniront des renseignements solides.

[Français]

    Soyez rassuré: je suis tout à fait d'accord sur le principe que vous venez d'évoquer. Cependant, nous devons aussi examiner l'application pratique de la chose. Sur le terrain, il arrive que les textes ne soient pas toujours adaptables.
    Madame Carvin, vous avez dit qu'il y avait un plus grand nombre de rapports et qu'il fallait être transparent. Or quel service rend-on aux gens en leur détaillant le niveau de sécurité ou de dangerosité en cours? Je ne parle pas ici des professionnels de la sécurité et des législateurs, mais des gens qui travaillent dans un magasin, dans un restaurant, dans une usine ou ailleurs.
(0945)

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Encore une fois, je fais allusion à l'évaluation des menaces à l'échelle mondiale. Il s'agit d'un rapport de 10 à 15 pages très facile à comprendre, qui explique les priorités et les préoccupations du comité national du renseignement des États-Unis. Tout le monde y a accès, et je crois qu'il serait utile aux Canadiens. Les spécialistes comme moi, qui donnent des cours sur les menaces aux infrastructures essentielles, utiliseraient certainement un tel document dans leur programme d'enseignement. Je suis convaincue que je ne suis pas la seule intéressée.
    Beaucoup d'universités offrent maintenant des cours sur le terrorisme et la sécurité nationale. Nous devons montrer aux étudiants les types de menaces sur lesquels ils se pencheront s'ils choisissent de mener une carrière dans le domaine de l'application de la loi ou de la sécurité nationale.
    Merci, monsieur Picard.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Neve et Mme Carvin de leur contribution à nos débats. Nous apprécions vos témoignages éclairés.
    Sur ce, la séance est suspendue pour quelques minutes, et nous nous retrouverons ensuite.
(0945)

(0950)
    Continuons notre examen.
    Nous avons avec nous deux témoins, M. Forcese et M. Wark.
    Je ne sais pas si vous avez décidé qui d'entre vous commencera. Vous devriez peut-être faire un roche-papier-ciseau ou y aller par ancienneté. Je vais vous laisser décider.
     Je tiens à remercier sincèrement le Comité de m'avoir invité à parler du projet de loi C-59. Je suis toujours honoré de partager mes observations avec vous.
     Mon collègue, Kent Roach, témoignera devant vous la semaine prochaine. Nous nous sommes partagé le projet de loi C-59. Aujourd'hui, je vais aborder la nouvelle Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications et les modifications de la Loi sur le SCRS.
    J'appuie la plupart des modifications prévues à cet égard dans le projet de loi C-59. Je reconnais les objectifs stratégiques visés. Je crois que, dans son ensemble, le libellé est solide et bien choisi, mais j'ai une grande préoccupation dont j'aimerais vous faire part.
    Je vais commencer avec la Loi sur le CST et vous présenter mon unique recommandation de la journée. Je demande en tout respect au Comité de modifier les paragraphes 23(3) et (4) proposés afin qu'il soit indiqué que le Centre ne peut pas, sans autorisation ministérielle, contrevenir aux attentes raisonnables de tout Canadien ou de toute personne au Canada en matière de protection des renseignements personnels. Ces deux dispositions se trouvent à la page 62 du projet de loi en format PDF.
    J'ai déposé à l'intention du Comité un mémoire dans lequel je justifie cette modification, et je tiens à vous mentionner que j'ai été souscripteur d'affidavit dans le cadre de la poursuite en droit constitutionnel menée en ce moment par la British Columbia Civil Liberties Association contre les activités du CST, mais je suis devant vous aujourd'hui à titre personnel.
    Je vais vous résumer ma préoccupation: dans le cadre de ses activités de collecte de renseignements à l'étranger relativement à la cybersécurité, le CST recueille de l'information sur des Canadiens ou des personnes au Canada qui ont des attentes raisonnables en matière de protection des renseignements personnels. Cela est effectué sans l'autorisation préalable d'un agent judiciaire indépendant et viole certainement l'article 8 de la Charte.
    Le projet de loi C-59 tente de régler ce problème constitutionnel par le truchement d'un processus d'autorisation ministérielle, qui prévoit que le caractère raisonnable soit déterminé par un commissaire au renseignement, soit un juge de la Cour supérieure à la retraite. C'est une solution originale et sans précédent qui permet un pouvoir discrétionnaire et une responsabilité ministérielle considérables. Ce n'est pas un système de mandats intégral. Malgré tout, vu la nature unique des activités du CST, je crois que c'est défendable sur le plan constitutionnel.
     Le nouveau système ne réglera le problème constitutionnel que s'il intègre toutes les activités de collecte de renseignements protégés par la Constitution au nouveau système d'autorisation. C'est là qu'est le problème. Le projet de loi C-59 ne prévoit une utilisation de ce processus d'autorisation que dans le cas d'une contravention à une loi fédérale. Sur le plan constitutionnel, le processus doit également être utilisé dans d'autres circonstances.
    Certains types de collecte de renseignements qui peuvent intéresser un Canadien relativement à la Constitution ne contreviennent pas à une loi fédérale. C'est le cas de certaines métadonnées, par exemple. La solution est simple. Je recommande d'élargir la portée de la loi ainsi: « Les activités menées par le Centre dans la réalisation du volet de son mandat touchant le renseignement étranger » ou la cybersécurité « ne doivent pas contrevenir aux autres lois fédérales ou entraîner la collecte d'informations pour lesquelles les Canadiens ou une personne au Canada peut s'attendre raisonnablement à ce qu'elles soient protégées », à moins d'être menées au titre d'une autorisation ministérielle pouvant faire l'objet d'un examen du commissaire au renseignement.
     Cela peut sembler être un petit caprice d'avocat, mais si nous ne réglons pas maintenant le problème du processus d'autorisation de collecte du CST, un tribunal pourrait finir par conclure que le CST a recueilli de gigantesques quantités de données en contravention à la Constitution. Une telle conclusion nuirait à ses relations avec les intervenants de la société civile, placerait le CST au coeur d'une nouvelle controverse et ferait craindre aux sociétés privées d'entacher leur propre réputation si elles collaboreraient aux activités de cybersécurité du CST. Le projet de loi C-59 nous donne l'occasion d'atténuer ce problème.
    Je vais maintenant aborder la Loi sur le SCRS. Le projet de loi C-59 réalise trois choses. Premièrement, il donne au SCRS le pouvoir de recueillir et de potentiellement conserver des prétendus ensembles de données. La difficulté ici est d'atteindre un équilibre entre le besoin opérationnel du SCRS de mener des enquêtes et d'utiliser l'information et ses obligations en matière de protection des renseignements personnels. Au lieu de préciser ce que peuvent comprendre les ensembles de données et d'établir des normes à cet égard, le projet de loi C-59 opte pour un système de surveillance préalable.
(0955)
    Le commissaire au renseignement est responsable d'approuver les catégories d'ensembles de données canadiens pouvant être initialement recueillis, selon la décision du ministre, et la Cour fédérale autorise toute collecte subséquente d'ensembles de données. Bien que j'aie certaines réserves à propos des ensembles de données, je comprends parfaitement leur utilité, et je ne vois aucune faille dans le système de freins et de contrepoids. Ce qui me préoccupe, c'est la conservation de renseignements recueillis dans le cadre de circonstances difficiles. Je ne sais pas si le projet de loi prévoit le même système de freins et de contrepoids dans une telle situation, mais je serai ravi d'aborder le sujet durant la période de questions.
     La deuxième modification apportée à la Loi sur le SCRS prévoit un changement des pouvoirs de réduction de la menace du SCRS prévus dans le projet de loi C-51 en 2015. Ces dispositions ont semé la controverse, et avec raison. Kent Roach et moi n'étions pas en désaccord avec la réduction de la menace, mais nous craignions que les mesures prises par le SCRS à cet égard dans le cadre d'opérations parallèles du renseignement et des services policiers ne risquent de nuire à des enquêtes criminelles et à des poursuites ultérieures. Cela serait une véritable tragédie du point de vue de la sécurité.
     Pour ce qui est des droits, le projet de loi C-51 manquait de nuance. Il permettait à la Cour fédérale de délivrer des mandats secrets sans droit de recours qui permettaient de violer tout droit protégé par la Charte. Le régime était radical et, selon moi, tout à fait inconstitutionnel. Par conséquent, il n'y avait rien à faire avec cela, peu importe la force des objectifs stratégiques connexes.
     Le système prévu par le projet de loi C-59 est beaucoup plus crédible sur le plan constitutionnel. Il délimite plus clairement les pouvoirs de réduction de la menace du SCRS. En interdisant le pouvoir de détention — un pouvoir que le Service n'a certainement jamais voulu —, il n'y a plus matière à s'inquiéter des nombreuses violations de la Charte qui en découlent. En dressant la liste des activités qui pourraient être menées dans le cadre d'un mandat, le Parlement nous confirme les droits garantis par la Charte qui pourraient être en jeu, soit particulièrement la liberté d'expression et la liberté de circulation. Je crois que si la réduction de la menace demeure un objectif à atteindre, ce nouveau système atteint un équilibre raisonnable entre les enjeux stratégiques et les enjeux constitutionnels.
    Enfin, la modification de la Loi sur le SCRS prévue au projet de loi C-59 crée de nouvelles immunités pour les agents du SCRS et les sources affectées au renseignement, qui peuvent contrevenir à la loi durant ces activités. Le libellé des infractions de terrorisme au Canada fait en sorte qu'une source confidentielle ou un agent d'infiltration commettra une infraction de terrorisme pour avoir participé aux activités du groupe terroriste qu'il a infiltré. L'immunité est nécessaire. La question est de savoir si le système de freins et de contrepoids suffit pour déceler toute utilisation abusive de cette immunité. Encore une fois, je crois que le projet de loi C-59 prévoit de bons mécanismes de vérification dans les cas d'immunité.
    Je vais conclure avec un avertissement. Notre façon traditionnelle de faire les choses, avec les interventions policières en silos et les enquêtes parallèles du SCRS nous empêche de tirer profit des pratiques exemplaires d'autres administrations, qui mènent des enquêtes mixtes. Comme nous l'a montré l'enquête sur l'attentat à la bombe d'Air India, nous avons de la difficulté à transformer le renseignement en éléments de preuve. Le gouvernement y travaille. Nous ne devons cependant pas oublier que les activités que mène le SCRS dans le cadre de ses enquêtes, que ce soit une conduite criminelle immunisée durant une enquête visant le renseignement ou un processus d'autorisation en vue d'une réduction de la menace, pourraient nuire à des poursuites si les conséquences en aval ne sont pas prises en considération. Cette question serait un bon sujet d'examen pour le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
    Je vous remercie de votre attention et j'ai bien hâte de répondre à vos questions.
(1000)
    Merci, monsieur Forcese.
    Monsieur Wark.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de fournir un témoignage sur le projet de loi C-59, qui encadre la sécurité nationale.
    J'aimerais avant de commencer faire un retour en arrière. J'ai eu le privilège il y a 16 ans de témoigner devant un comité de la Chambre des communes au sujet de la première Loi antiterroriste. Je crois même que j'ai fait ce témoignage dans la magnifique pièce où nous nous trouvons aujourd'hui. Une des leçons que j'ai tirées de cette expérience, c'est que le Parlement, quand on lui en donne l'occasion, peut exercer une influence importante en favorisant l'amélioration des projets de loi et en permettant un débat public sérieux, même s'il sera inévitablement conflictuel. Étant donné que le ministre de la Sécurité publique s'est déclaré ouvert à toutes les suggestions constructives, j'ose espérer que le débat sur le projet de loi C-59 débouchera sur des résultats similaires.
    Le projet de loi C-59 est un effort très ambitieux et vaste de modernisation du cadre de la sécurité nationale du Canada. Il ne faut pas penser que cela signifie tout simplement que l'on va rafistoler le projet de loi C-51 du gouvernement précédent. Le projet de loi C-59 contient un grand nombre d'éléments et, comme vous pouvez vous y attendre après avoir entendu le témoignage de mes collègues, je vais moi aussi me concentrer sur quelques éléments seulement.
     J'aimerais surtout m'attacher aux éléments qui sont à mon avis les éléments avant-gardistes clés du projet de loi C-59. Quand je dis « avant-gardistes », c'est parce qu'ils sont d'authentiques nouveaux éléments de la loi, ce qui représente un problème particulier, pour un comité comme le vôtre, qui doit comprendre leurs répercussions possibles le plus précisément possible, et en mesurer l'efficacité. Ces trois tout nouveaux éléments sont particulièrement visibles, à mon avis, dans les trois premières parties de la loi, et je vais surtout parler d'eux. Toutefois, je répondrai avec plaisir à vos questions sur tout autre aspect du projet de loi.
    La première partie de la loi prévoit la création d'un office de surveillance des activités des organismes de sécurité nationale et de renseignement. Je suis tout à fait d'accord avec ce concept et avec sa justification, et je suis emballé de voir que le gouvernement est lui aussi d'accord. Le défi sera de s'assurer que l'architecture pourra être rendue fonctionnelle. Pour en revenir au projet de loi, il sera important de s'assurer que l'OSSNR, comme je l'appelle, dispose de ressources financières et logistiques adéquates, d'un secrétariat dont l'effectif est talentueux et qualifié, d'excellentes relations de travail avec les organismes de sécurité et de renseignement ainsi que d'un plan de travail viable. Il sera également important de s'assurer que les organismes dont il doit assurer la surveillance possèdent eux aussi les ressources nécessaires et ont adopté une approche qui se prête bien à cette surveillance plus rigoureuse.
    Je pense que la partie 1 de la Loi sur l'Office de surveillance aurait besoin de quelques correctifs. Il faudrait notamment revoir le mandat énoncé à l'article 8 proposé. Je crois que l'alinéa 8(1)a) du projet de loi devrait dresser une liste spécifique des activités que la GRC peut mener en matière de sécurité nationale et de renseignement. Il est important d'indiquer clairement, dans cette loi, que l'OSSNR assumera une partie des actuelles activités d'examen qu'effectue la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC, comme il le fera pour le CSARS et pour le Bureau du commissaire du CST. Il ne faudrait pas pour ce faire se contenter de modifications qui se perdraient dans toutes les modifications apportées à la loi.
    Les membres du Comité remarqueront en outre que la Loi sur l'Office de surveillance ne prévoit qu'une solution partielle au problème du traitement des plaintes relatives à la sécurité nationale, dans l'article 16 et les articles suivants. En effet, les compétences prévues en matière de traitement des plaintes se limitent au SCRS et au CST de même qu'aux plaintes contre la GRC qui concernent la sécurité nationale, et je prie instamment les membres du Comité d'entendre ce que le commissaire de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC pense de la mesure dans laquelle l'OSSNR aura les compétences nécessaires pour traiter ces plaintes.
    Il y a enfin l'importante question de la composition de cet office de surveillance comme vous l'avez déjà entendu dire. Il en est question à l'article 4 du projet de loi. Les procédures proposées, à mon grand désappointement, supposent que les membres du CSARS deviendront automatiquement membres de l'Office, et pourtant, leurs antécédents sont parfois très troubles. Je crois qu'il faut revoir la composition de l'Office, c'est-à-dire le nombre et le profil de ses membres. À mon avis, il faudrait ajouter aux membres du CSARS des membres venus d'autres horizons et possédant d'autres expertises, ce qui permettrait en même temps de réduire le fardeau qui repose sur les épaules de ceux qui doivent traiter les plaintes.
    Les membres de l'Office de surveillance devraient également, à mon avis, posséder une expertise plus vaste des questions de sécurité et de renseignement, y compris une expérience relative aux menaces à la sécurité, aux pratiques en matière de renseignement, aux relations internationales, à la gouvernance et au processus décisionnel, aux libertés civiles, aux répercussions sur les collectivités et à la protection des renseignements personnels. Ce sont là sept domaines d'expertise.
    La capacité de l'Office de surveillance d'être fonctionnelle dès l'adoption de la loi sera complètement dépendante du maintien de l'effectif, de la capacité et de la planification continue du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui constituera le coeur de l'OSSNR. Il serait bien malheureux qu'un événement quelconque affaiblisse le CSARS pendant la transition.
    La partie 2 du projet de loi concerne le commissaire au renseignement. La loi qui crée un poste de commissaire au renseignement chargé d'effectuer une surveillance proactive de certains aspects du travail du CST et du SCRS est un concept novateur, car ce poste n'existe nulle part ailleurs, à ce que je sache, dans le Groupe des cinq. C'est une véritable innovation. Le concept qui a été retenu est, je crois, une solution faite au Canada qui vise à s'assurer de la légalité et de la conformité avec la Charte de certaines des opérations les plus délicates et importantes confiées à nos principaux organismes de collecte de renseignements, le CST et le SCRS.
(1005)
    En ce qui concerne la fonction du commissaire au renseignement, j'aurais deux réflexions et une recommandation à vous présenter.
    Ma première réflexion, c'est qu'il serait important que le système soit un moyen de consolider plutôt que de diluer, au bout du compte, les responsabilités ministérielles et qu'il soit perçu comme tel, même si cela suppose de donner quelques pouvoirs de surveillance au commissaire au renseignement. Ma deuxième réflexion, c'est que le fait que le ministre conservera ses pouvoirs traditionnels en matière de reddition de comptes, tout en cédant quelques-uns de ses pouvoirs en matière de prise de décisions au commissaire au renseignement s'appuie à son tour sur le fonctionnement des nouveaux mécanismes redditionnels proposés dans la première partie du projet de loi.
    L'OSSNR fournira un véhicule bien plus solide pour la reddition de comptes au ministre, à propos des activités des principaux organismes de renseignement, et ce véhicule, s'il est utilisé de la bonne manière par le ministre et son cabinet, devrait permettre au ministre de délivrer des autorisations qui recevront l'aval du commissaire au renseignement. C'est en cela que la partie 1 et la partie 2 du projet de loi C-59 sont intimement liées.
    La recommandation que j'ai à vous présenter, c'est que la fonction du commissaire au renseignement ne soit pas voilée. Le Bureau du commissaire du CST, dont la fonction du commissaire au renseignement s'inspire en partie, présentait un rapport annuel au ministre, qui était aussi présenté au Parlement. Les choses ont toujours été faites ainsi depuis la création du Bureau du commissaire, en 1996. À l'heure actuelle, cette exigence n'est pas imposée au commissaire au renseignement. Je crois que ce dernier devrait être tenu de présenter un rapport annuel faisant état de ses activités et observations.
    Passons maintenant à la partie 3, qui porte sur la Loi sur le CST. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est important de créer une loi distincte et moderne pour le CST, une loi qui serait distincte de la Loi sur la défense nationale. Le CST fait partie des plus importants organismes de collecte de renseignements du Canada, s'il n'est pas le plus important. C'est lui qui assure notre principale contribution dans le partenariat en matière de renseignement avec le Groupe des cinq. Il est essentiel de bien penser la Loi sur le CST, afin de protéger les intérêts du Canada, et le Comité doit y consacrer toute son attention.
    Le CST a été créé au moment de l'adoption de la Loi antiterroriste, en 2001. Et c'est cette loi-là qui est modernisée par le projet de loi C-59. Le projet de loi précédent, le projet C-51, n'a proposé aucune modification de la Loi sur le CST.
    La Loi sur le CST élargit le triple mandat actuel du CST en lui attribuant deux pouvoirs supplémentaires, l'un pour ce que j'appelle les cyberopérations actives, l'autre, pour les cyberopérations défensives. Il s'agit indéniablement des deux principaux nouveaux pouvoirs du CST.
    Ces deux types d'opérations exigent une autorisation ministérielle. Les cyberopérations actives, dont la cible se trouve à l'étranger, exigent le consentement du ministre des Affaires étrangères. Certains parlementaires ont fait état de leur préoccupation quant à la nécessité de ce consentement. Je crois qu'il est absolument essentiel, étant donné la nature volatile de telles opérations et de la possibilité que leurs répercussions ne nuisent aux intérêts internationaux du Canada.
    Les cyberopérations actives sont, comme je les appelle, la forme numérique des opérations secrètes, et elles ressemblent un peu aux opérations secrètes classiques menées pendant la guerre froide dans le but de déstabiliser les capacités d'un adversaire étranger. En plus des répercussions nuisibles, elles peuvent déclencher une escalade, comme cela a été le cas, nous l'avons vu, au lendemain de la cyberopération appelée Stuxnet, qui ciblait une cascade de centrifugeuses iraniennes, élément central du programme d'enrichissement de l'uranium et de développement d'armes nucléaires de ce pays. Les cyberopérations actives exigent une grande maîtrise du renseignement et des compétences techniques, mais aussi une surveillance serrée par les sphères politiques et le commandement et le contrôle robustes des organismes.
    Il est également important de comprendre que la plupart, sinon la totalité, des opérations que le CST pourrait être amené à conduire, à l'avenir, dans le cadre de son mandat relatif aux cyberopérations actives, seront organisées dans le contexte du Groupe des cinq. Je ne crois pas que nous agirons seuls, dans ces opérations. Autant de raisons qui justifient ce que l'on a appelé « l'approche à double clé ». Les cyberopérations actives ou défensives n'exigent ni les unes ni les autres le consentement du commissaire au renseignement, et le Comité devrait peut-être réfléchir à cette question, mais elles feront l'objet d'un examen par le nouvel organisme national de la sécurité et du renseignement.
    La Loi sur le CST est très complexe. C'est peut-être le rêve des avocats, mais, pour les profanes, c'est un cauchemar de lecture. Elle contient des dispositions très importantes, que l'on retrouve éparpillées dans le projet de loi sans qu'aucun fil narratif ne les relie les unes aux autres. Ma recommandation, en ce qui concerne la partie 3, serait d'intégrer à la loi des principes de valeur, peut-être dans la section qui porte sur le mandat proposé, qui font un lien entre les différentes parties; je vais vous communiquer un document à ce sujet.
    J'allais ajouter quelques brèves remarques touchant les éléments absents du projet de loi, mais je me ferai un plaisir d'en parler en répondant aux questions.
    Merci.
(1010)
    Merci, monsieur Wark.
    Je ne sais pas si nous devrions vous et moi nous sentir plus déprimés. Je crois que je me trouvais ici même il y a 16 ans, quand vous avez présenté votre exposé au comité de la justice.
    Madame Dabrusin, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci à vous deux. Le sujet est vaste, et vous avez très bien réussi à nous en expliquer une bonne partie.
    Ma première question concernerait les devoirs à faire.
    Monsieur Forcese, j'ai vu que vous avez préparé quelques graphiques au sujet du processus décisionnel. J'aimerais que vous puissiez en faire parvenir des copies au greffier, pour que les membres du Comité puissent les consulter.
    Bien sûr, absolument, mais je crains que les services de traduction ne s'arrachent les cheveux en essayant de traduire en français mes minuscules notes.
    Non, ça ira. Merci.
    Pour commencer, nous avons à discuter d'un assez long texte de loi. Quand je parle avec les gens de ma collectivité, on me demande souvent — puisqu'un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté récemment à la Chambre —, on me demande souvent pourquoi nous ne pourrions tout simplement rejeter le projet de loi C-51 et en revenir là où nous étions avant qu'il soit présenté. Sur cette grande question, et je le demande à vous deux, pourquoi ne pourrions-nous pas tout simplement rejeter le projet de loi C-51 et en rester là où nous en sommes?
    Je répondrais, en ce qui me concerne, du moins, que Kent Roach et moi-même n'avons jamais contesté les objectifs stratégiques que visait le projet de loi C-51, à une exception près: la nouvelle infraction relative au discours. Nous estimions qu'elle était inutile. Si on supprimait les nouvelles dispositions adoptées avec le projet de loi C-51, on se retrouverait quand même avec des enjeux stratégiques à régler. Je crois que le projet de loi C-59 essaie de régler ces mêmes enjeux stratégiques, mais en donnant à chacun des pouvoirs un poids plus uniforme.
     Je serais d'accord avec ce qu'a dit plus tôt ma collègue, Mme Carvin, il ne s'agit pas ici tout simplement de ne pas malmener la Constitution. Il s'agit aussi de donner des certitudes. Nombre des pouvoirs qui ont été proposés dans le projet de loi C-51 étaient libellés avec une si grande imprécision que les différents services auraient pu être réticents à les exercer, de crainte qu'une commission d'enquête subséquente ne les accuse d'avoir commis une infraction.
    Encore une fois, les objectifs stratégiques étaient concrets. C'est le libellé qui était défectueux, à mon avis.
     Rapidement, j'aimerais dire la même chose, mais en l'exprimant de façon légèrement différente; à mon avis, le projet de loi C-51 contenait de bons comme de mauvais éléments. Je crois que, honnêtement, c'était aussi la position du Parti libéral, lorsqu'il était le troisième parti, à l'opposition, c'est-à-dire qu'il était prêt à appuyer certains éléments, mais s'engageait à en annuler d'autres, si jamais il arrivait au pouvoir.
     Le projet de loi C-59 représente en quelque sorte une tentative de corriger les éléments dits problématiques du projet de loi C-51, mais il offre aussi la possibilité d'y ajouter des nouvelles dimensions que je juge importantes et qui n'avaient pas été abordées avec le projet de loi C-51. Je crois honnêtement que l'on perdrait son temps si l'on revenait en arrière pour abroger et tout simplement éliminer toutes les dispositions du projet de loi C-51 des livres de loi. L'approche adoptée ici est meilleure.
    Merci.
    Monsieur Forcese, vous avez parlé de différents ensembles de données, et j'avais quelques questions à ce sujet. Premièrement, estimez-vous que la définition donnée des « ensembles de données » dans la partie 4 est suffisante?
     Les ensembles de données ne sont pas bien définis, et leur définition est plutôt ouverte. Il s'agit d'un dossier électronique sur un même sujet, et on n'en dit pas plus sur ce que cela signifie. Comme je n'ai rien d'autre que cette vague définition, je vais immédiatement chercher s'il existe des mécanismes de contrôle pouvant limiter une compréhension trop large et excessive de ce que pourraient être ces ensembles de données, par rapport à ce qui existe, disons, dans la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, et je suis d'accord à ce propos avec ce qui s'est déjà dit: ce concept est là aussi par trop large.
    Ici, cette portée excessive est compensée par les autorisations préalables que doivent donner des personnes indépendantes: le commissaire au renseignement pour ce qui est des catégories d'autorisation visant l'acquisition initiale; ensuite, l'examen approfondi par un employé désigné aux pouvoirs limités, visant l'approbation des ensembles de données canadiens, du moins; la conservation de cet ensemble de données par un juge de la Cour fédérale, qui a le droit d'ajouter des exigences quant à la façon dont les ensembles pourront par la suite être interrogés et exploités. La définition est large, mais il existe des moyens dynamiques de limiter la portée de cette définition, et des particuliers indépendants du gouvernement pourront regarder par-dessus l'épaule du service et s'assurer qu'il ne s'emballe pas.
(1015)
    Monsieur Wark, vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Bien sûr, très rapidement. Je dirais que, dans un contexte un peu plus large, dans le monde de la collecte de renseignements et des mesures de protection de la sécurité nationale dans lequel nous vivons, il faut absolument que les organismes de renseignement du monde entier constituent des ensembles de données. Je crois qu'il vaut mieux que le public en soit informé, par le truchement de la loi, puisque c'est un fait reconnu dans le monde du renseignement. Le défi consiste à contrôler l'utilisation de ces ensembles de données, qui comprennent principalement des métadonnées.
    À mon avis, la loi ne prévoit rien d'utile à ce chapitre. Ma principale préoccupation, c'est que le projet de loi cherche à établir des distinctions entre les ensembles de données étrangers et les ensembles de données canadiens et à élaborer pour chacun de ces ensembles des mesures de protection juridique différentes. Je comprends l'objectif, en théorie. En pratique — et j'en ai parlé aux responsables du SCRS et du CST —, je ne suis pas certain de savoir comment il faut procéder, étant donné que nous avons affaire bien davantage à des renseignements mixtes.
    J'encouragerais le Comité à convoquer des responsables qui ont réfléchi au problème des ensembles de données afin qu'ils puissent vous donner des témoignages plus précis sur la question de savoir s'il est vraiment possible de faire une distinction entre ces deux choses. Si c'est impossible, toutes les mesures légales que nous essayons de prévoir n'auront pas beaucoup de bon sens.
    Il ne me reste qu'une minute et demie, alors je vais immédiatement passer aux enjeux relatifs à la conservation dont vous avez parlé et aux préoccupations relatives aux ensembles de données.
    Pourriez-vous nous exposer rapidement vos préoccupations, s'il vous plaît?
    Je me préoccupe principalement des circonstances dans lesquelles le directeur du SCRS peut autoriser l'interrogation d'un ensemble de données qui n'est pas passé par la procédure régulière de conservation à laquelle participe par exemple la Cour fédérale. Rien dans cette loi n'indique ce que le service pourra faire avec le produit de cette interrogation. Quand il s'agit d'une interrogation normale, il existe des règles concernant la conservation et les circonstances de la conservation. Dans le cas d'interrogations urgentes, il n'existe pas de règles, c'est pourquoi je me demande s'il n'y a pas eu une erreur au moment de la rédaction de la loi ou si cette lacune était voulue. Il me semble qu'il serait très facile de soumettre les résultats de ces interrogations au régime de conservation ordinaire, mais pour le moment, je ne vois rien qui l'indique.
    Auriez-vous des suggestions à faire, en 30 secondes, quant au libellé qu'il faudrait adopter, si nous désirons en adopter un.
    Spontanément, je crois qu'il faudrait établir clairement que les résultats des interrogations effectuées en cas d'urgence, en application de l'article 11.22 proposé, devraient être assujettis aux règles en matière de conservation qui se trouvent à l'article 11.21 proposé. Bien sûr, cela va exiger de faire quelques retouches.
    Merci.
    Merci, madame Dabrusin.

[Français]

    Monsieur Paul-Hus, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Dans son intervention, ma collègue Mme Dabrusin a établi une comparaison entre les projets de loi C-51 et C-59. C'est une question importante pour le Comité. D'après ce que je comprends, le projet de loi C-51 a été mis en vigueur pour répondre à une urgence du moment. C'était vraiment important pour la sécurité nationale. Aujourd'hui, le projet de loi C-59 est simplement une version raffinée du projet de loi C-51. Ce dernier avait son utilité au moment où il a été adopté, mais on veut maintenant clarifier certaines choses.
    Est-ce aussi votre perception?

[Traduction]

     Je n'ai pas participé à la rédaction du projet de loi C-51, alors je ne peux pas vous dire quelles circonstances ont orienté sa rédaction. Il est certain que le projet de loi C-51 permettait au service de mener toutes sortes d'activités liées à la réduction de la menace, ce qui lui était auparavant refusé. Nous savons, puisque le directeur l'a dit à peu près 30 fois, maintenant, je crois, que le service effectue des activités de réduction de la menace, mais qu'il ne franchit jamais la ligne qui ferait des activités de réduction de la menace une infraction à une loi canadienne ou une contravention à un droit garanti par la Charte. Le projet de loi C-59 ouvre la porte à une utilisation plus dynamique des activités de réduction de la menace en permettant qu'elles violent une loi canadienne, mais exigeant pour cela un mandat; je crois que le système de mandat mis en place résisterait à une inévitable contestation constitutionnelle. Il élargit la portée des pouvoirs utiles du service.
     Je pourrais vous donner un exemple de situation où le cas pourrait se présenter. Au cours d'une enquête, le service recherche des renseignements et décide, pour des raisons de sécurité publique, qu'il lui faut remplacer du matériel explosif entre les mains de la cible par du matériel inerte qui ne représentera plus aucun risque de sécurité pendant la poursuite des opérations de renseignement de sécurité du service. Il est désormais possible pour le service d'obtenir un mandat l'autorisant à réduire la menace au moyen d'une entrée avec effraction qui vise à échanger ce matériel, et le projet de loi C-59 fait en sorte que les tribunaux qui doivent répondre à la demande seront plus portés à estimer que ce régime est plausible.
(1020)

[Français]

    D'accord, merci.
    Nous n'en avons pas parlé ce matin, mais vous êtes intervenu récemment au sujet de la liste d'interdiction de vol et du problème des faux positifs. J'aimerais que vous nous en parliez un peu.

[Traduction]

    Il y a deux ou trois choses.
    Premièrement, les résultats faussement positifs sont une triste réalité, j'imagine, peu importe le genre de liste, peu importe que ce soit une liste canadienne ou une liste composée par nos alliés. Il faut faire des efforts pour que le nombre de faux positifs reste le plus bas possible et s'efforcer, dans le cas où des faux positifs se présentent, de prévoir des mécanismes de recours.
    Comme vous le savez bien, le gouvernement explore les règlements et les pratiques techniques qui lui permettraient de contrôler la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, actuellement appliquée par les compagnies aériennes, lesquelles décident elles-mêmes qui peut embarquer à bord après avoir consulté le gouvernement. Ce serait une fonction centralisée. Je crois qu'il est tout à fait nécessaire d'apporter ce changement. Les représentants du gouvernement ont déclaré devant votre comité que ce changement sera complexe et qu'il prendra du temps. Mais il vaut certainement la peine de faire pression sur le gouvernement si l'on veut être certain que cette mesure clé soit adoptée. Quand elle sera adoptée, le gouvernement assumera la pleine responsabilité des faux positifs, qui est pour le moment une responsabilité plutôt trouble partagée entre les compagnies aériennes et le gouvernement; le gouvernement sera alors mieux placé pour tenter de régler ce problème. Il a déjà prévu des mécanismes de recours provisoires, qui seront peut-être satisfaisants, nous l'ignorons, mais la solution globale, à mon avis, doit tenir à ce mécanisme centralisé et à son financement.
    Il existe deux sortes de faux positifs. Il y a ceux concernant une personne qui porte le même nom qu'une autre qui est inscrite sur la liste, et il en a été question dernièrement. C'est dans de tels cas qu'un système de recours — « Ce n'est pas moi » — est efficace. Il y a aussi les faux positifs concernant une personne qui est bien la personne ciblée par le gouvernement, mais qui pense qu'aucun motif ne lui vaut d'être inscrite sur cette liste. Elle peut à ce moment-là interjeter appel, mais le processus d'appel se déroule dans un environnement secret, en l'absence de tout avocat spécial. Une recommandation serait de désigner un avocat spécial qui pourra prendre la responsabilité de la défense dans le processus d'appel.

[Français]

    Le projet de loi C-59 aidera-t-il à régler le problème des faux positifs? C'est quelque chose qui est mentionné dans le projet de loi. Selon vous, ce que prévoit le projet de loi sera-t-il suffisant pour régler ce problème?

[Traduction]

    Pas tout à fait, monsieur Paul-Hus, et je crois que le gouvernement devrait le reconnaître. Il crée une circonstance différente exigeant que le ministre réponde aux appels portant sur un recours. C'est un correctif mineur, mais le véritable correctif va au-delà de la loi et il appartient aux mesures que le gouvernement a promis de prendre, mais qu'il n'a pas encore révélées.

[Français]

    Merci.
    Je reviens à la partie 1 du projet de loi C-59, où il est question de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.
    Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a été créé, comme le prévoyait le projet de loi C-22, et la partie 1 du projet de loi C-59 intègre ce comité.
    Notre parti était en faveur de la création de ce comité, mais nous avions émis des réserves sur le fait que l'information serait centralisée au bureau du premier ministre, et nous avons donc voté contre ce projet de loi.
    J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

[Traduction]

    Craig et moi-même avons tous deux fourni un témoignage à propos du projet de loi C-22, et j'estime qu'il est important de demeurer réaliste quant à ce qui est proposé dans le projet de loi C-22, car il y a la pratique et il y a ce qui est nécessaire. Chaque fois que vous donnez à un comité de parlementaires accès à de l'information de nature très délicate, vous devez entourer cet accès de mesures de contrôle et de protection. Le défi consiste à s'assurer que, ce faisant, vous n'empiétez pas trop sur les travaux de ce comité.
     À mon avis, le projet de loi C-22 réalise un équilibre raisonnable à ce chapitre. Je ne crois pas que le contrôle, comme vous dites, que le Cabinet du premier ministre exerce sur la circulation de l'information aurait en pratique le potentiel de nuire à la capacité du comité de faire son travail. De nombreux défis l'attendent. Ce n'est que tout récemment, vous le savez, que l'on a déterminé quelles personnes vont en faire partie. On n'a pas encore nommé le directeur général. Il en est toujours à ses balbutiements, mais j'estime essentiellement que la loi devrait permettre d'atteindre un équilibre raisonnable jusqu'à ce que l'expérience nous offre d'autres leçons.
(1025)
    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Monsieur Dubé, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président; vous évoquez vos souvenirs, mais je vais vous épargner et ne vous dirai pas où j'étais il y a 16 ans; cela pourrait être gênant pour tout le monde.
    J'aimerais parler principalement des changements apportés au CST, car j'estime que nous n'avons pas une mémoire institutionnelle suffisante à ce propos, étant donné qu'il en a surtout été question lorsque le ministère de la Défense nationale était convoqué devant le comité idoine.
    Monsieur Forcese, la modification que vous suggérez va-t-elle toucher les articles 27 à 54 proposés, qui concernent les différentes autorisations que le ministre peut accorder? Il est beaucoup question de différentes lois fédérales, dans ces dispositions du projet de loi.
    Les amendements que je propose toucheraient les autorisations de renseignement étranger et de cybersécurité auxquelles on fait allusion dans l'article 23 proposé, afin de garantir que, dans ces deux contextes, l'information qui suscite un intérêt constitutionnel est orientée tout au long du processus d'autorisation par un ministre, puis par le commissaire au renseignement.
    Mes amendements n'ont ensuite pas pour effet de greffer également ce processus d'autorisation sur les cyberopérations défensives ou actives. C'est limité uniquement à la compétence de surveillance du Centre de la sécurité des télécommunications.
    Pour rester dans le sujet des autorisations, il y a l'article 37, où nous parlons de la durée des autorisations, puis, dans les paragraphes 37(2) et 37(3) proposés, il est question de la prolongation. Le paragraphe 37(3) proposé mentionne précisément que les autorisations ne sont pas assujetties à l'examen du commissaire en vertu de la Loi sur le commissaire au renseignement.
    Croyez-vous qu'il soit approprié que le ministre soit en mesure de prolonger la durée des autorisations sans se soumettre au même processus d'examen qui s'applique au moment où il donne l'autorisation initiale?
    Je préfère que l'on soumette tous les nouveaux changements au processus mené par le commissaire au renseignement. Le problème tient au fait que ces autorisations ont une vaste portée. Actuellement, par exemple, dans le cas du renseignement étranger, je crois savoir qu'il y a trois autorisations ministérielles et une autorisation de cybersécurité. Elles englobent toute une gamme d'activités précises.
    Si ce que le ministre propose est nouveau, ce devrait être assujetti au processus habituel supposant l'intervention du commissaire au renseignement. S'il s'agit de la prolongation d'une autorisation existante, il faudrait que j'y réfléchisse. Bien entendu, le ministre est toujours assujetti à un examen postérieur effectué par l'OSSNR. Il faudrait que je retourne consulter la loi pour voir dans quelle mesure les situations où le ministre peut procéder à un renouvellement unilatéral sont restreintes.
    J'ai simplement de la difficulté à envisager une telle chose, car il me semble que, dans beaucoup des cas prévus dans le projet de loi, essentiellement, le ministre ne peut pas aller de l'avant sans obtenir l'autorisation du commissaire. Dans ce cas, vous serez en mesure de prolonger la durée sans l'autorisation du commissaire.
    Je me demande seulement si cette disposition crée une situation difficile en ce qui concerne la chaîne de commandement, à défaut d'un meilleur terme.
    Laissez-moi simplement répondre très brièvement à cette question, monsieur Dubé.
    Je pense qu'une chose qui n'est pas entièrement claire dans le projet de loi, c'est... Selon mon interprétation, toute prolongation de la durée d'une autorisation actuelle n'aurait lieu qu'à la demande de la personne qu'on appelle maintenant le chef du CST, un titre que la partie 3 du projet de loi pourrait supprimer et modifier, soit dit en passant. Je pense que ce serait beaucoup plus convenable. Il s'agit d'un titre offensant et archaïque.
    Toutefois, l'autorisation serait donnée à la demande du dirigeant du CST. Comme l'affirme Craig, ces autorisations ministérielles concernent de vastes catégories d'activités. Il est question d'une continuité des efforts.
    Je pense que, à cet égard, les rédacteurs voulaient probablement assurer, encore une fois, l'équilibre difficile entre la responsabilisation et la responsabilité ministérielles et les pouvoirs du commissaire au renseignement. De mon point de vue, je préférerais qu'on maintienne cet équilibre plutôt que de conférer un pouvoir supplémentaire au commissaire au renseignement, dans ce genre de situation.
    D'accord. Merci.
    Pour revenir sur une disposition antérieure de la partie 3 du projet de loi, l'article 24 proposé me préoccupe particulièrement. Je veux aborder quelques éléments et sauter au paragraphe 24(4) proposé parce qu'il mentionne l'information acquise incidemment, et c'est quelque chose qui avait été soulevé dans votre déclaration. Ce paragraphe est ainsi libellé:
Le Centre peut acquérir incidemment de l’information qui se rapporte à un Canadien ou à une personne se trouvant au Canada au cours d’activités menées au titre d’une autorisation délivrée en vertu des paragraphes 27(1), 28(1) ou (2) ou 41(1).
    Y a-t-il des mesures de protection suffisantes, au-delà de ces notions vagues de protection des renseignements personnels, pour ce genre d'information qui est recueillie dans le cadre des activités du CST?
(1030)
    Essentiellement, le paragraphe 24(4) prévoit qu'il demeure entendu qu'il est légalement possible pour le CST d'acquérir incidemment de l'information dans le cadre de ses activités de renseignement étranger et de cybersécurité ayant fait l'objet d'une autorisation appropriée. On suppose que cette information acquise incidemment serait ensuite soumise aux règles relatives à la conservation et à la façon dont on est censé régir cette information. Des dispositions prévoient la protection des renseignements personnels des Canadiens.
    Les autres aspects de l'article 24 proposé sont un peu différents. Si vous voulez bien m'excuser, je vais simplement les commenter. Ils permettent au service — sans égard à la règle générale selon laquelle ses activités ne sont pas censées viser des Canadiens ou des personnes au Canada — de surmonter cet obstacle pour un certain nombre de raisons limitées, par exemple aux fins de recherche.
    Dans ce cas, à mon avis, le problème tient à ce qui arrive aux renseignements personnels qui pourraient être acquis dans le cadre de cette activité autorisée. Comment va-t-on traiter ces renseignements? Exige-t-on qu'ils soient effacés ou supprimés, s'ils sont acquis aux fins de recherche? D'autres mesures de protection sont-elles en place?
    Enfin, très rapidement, et je m'adresse à vous deux parce que j'en suis à ma dernière minute, je vais simplement aborder une partie du projet de loi, qui porte sur les métadonnées ou les ensembles de données, selon votre préférence — il semble s'agir de synonymes, plus qu'autre chose, mais...
    J'ai tenté de poser au directeur du SCRS des questions au sujet du problème. Il semble que je n'arrive pas à déterminer clairement de quelle manière ça s'intégrera... parce que les opérations seront autorisées, il me semble, d'une manière plus générale. La façon dont on choisit de conserver les renseignements ne semble pas nécessairement être soumise au même genre de surveillance. On recueillera non pas des renseignements distincts, mais plutôt des ensembles de données un peu généraux.
    Est-ce que j'interprète mal cette disposition? Je tente simplement d'obtenir des précisions durant mes dernières 30 secondes.
    Les catégories d'ensembles de données canadiens doivent être approuvées par le ministre et par le commissaire au renseignement. Ensuite, si le service choisit de conserver un ensemble de données, il doit obtenir l'approbation d'un tribunal, lequel pourrait imposer des conditions touchant les demandes de renseignements et l'exploitation. Ensuite, chaque ensemble de renseignements est soumis à une étude minutieuse de la part d'un juge indépendant.
    L'autre aspect des ensembles de données, c'est qu'il s'agit de plus que des métadonnées. Il n'est pas nécessaire que ce soit des métadonnées; il peut s'agir de renseignements sur le contenu.
    Nous allons devoir obtenir une réponse plus complète à une autre date.
    Monsieur Fragiskatos, vous disposez de sept minutes.
    Merci à vous deux de votre présence aujourd'hui.
    Vous connaissez bien les directives ministérielles qui ont été publiées par le ministre Goodale à la fin du mois de septembre en ce qui a trait à l'utilisation des renseignements obtenus par la torture, mais, aux fins du compte rendu et pour les millions de personnes qui nous regardent chez elles sur la chaîne CPAC... je suis désolé, c'était un peu d'humour.
    Les règles interdisent l'utilisation — par la GRC, le SCRS et l'ASFC — de renseignements qui ont probablement été obtenus au moyen de mauvais traitements dans trois domaines principaux, sauf lorsque c'est nécessaire pour prévenir la perte de vies ou des blessures corporelles importantes. L'utilisation de ces renseignements est interdite si elle pouvait mener à d'autres actes de violence ou de torture, et les renseignements obtenus par la torture ne peuvent plus être utilisés afin d'éliminer les risques de dommages matériels.
    Ce sont des directives. Il n'est pas question de lois. Pourriez-vous nous dire si, selon vous, ces directives sont suffisantes, ou bien avons-nous besoin d'enchâsser ces principes dans la loi? Évidemment, s'ils sont enchâssés dans la loi, il sera plus difficile pour tout gouvernement ultérieur de les modifier.
    Je vais commencer. Je pense que Craig et moi avons tous deux formulé publiquement des commentaires sur les directives ministérielles.
    J'affirmerais d'abord que toutes les directives ministérielles actuelles qui ont récemment été publiées représentent une grande avancée par rapport aux versions initiales de 2011, qui, selon moi, étaient très problématiques du point de vue de la protection des devoirs et des obligations du Canada prévus par la loi et de la prestation de services de sécurité.
    L'aspect de la directive actuelle qui, selon moi, est très avantageux, c'est qu'elle établit une distinction entre ce qu'on appelle souvent les renseignements « entrants » et « sortants » et qu'elle est un élément particulièrement solide des efforts visant à ce que le Canada ne soit pas complice d'actes de torture en communiquant des renseignements à des organismes étrangers qui pourraient avoir un bilan très médiocre à cet égard. Cela a été la source d'un grand nombre de nos problèmes, dans le passé.
    En ce qui concerne les renseignements entrants, il est toujours problématique de savoir exactement s'ils découlent de la torture. Vous pouvez avoir vos soupçons, mais aucun organisme de renseignement étranger ne va vous dire directement: « En passant, nous avons obtenu ces renseignements par la torture. » Ce que prévoit la directive actuelle, c'est l'utilisation de certains types de renseignements dans des circonstances très extraordinaires, qui sont probablement peu susceptibles de survenir en pratique.
    De mon point de vue, la question de savoir si cette directive devrait être enchâssée dans une loi ou un règlement en est une bonne. Je suis heureux qu'elle figure dans un règlement et que le règlement soit public. Je pense qu'il est très important que cette directive ministérielle soit publique. Dans la mesure où elle est dans le domaine public — ce qui constitue un changement par rapport à la pratique passée —, c'est peut-être suffisant.
(1035)
    En réponse à votre question, oui, je préférerais voir cette directive enchâssée dans la loi.
    Pouvez-vous donner des détails à ce sujet?
    C'est pour les raisons que vous avez décrites. Tout d'abord, elle est intégrée à la loi et plus difficile à modifier. Ensuite, dans le passé, les directives ministérielles n'étaient pas toujours transparentes. Nous ne sommes au courant que des directives ministérielles de 2009 et de 2011 grâce au recours à l'accès à l'information. Par principe, le gouvernement divulgue les directives ministérielles de manière plus proactive, mais, bien entendu, il serait bien que l'on s'assure que, dorénavant, il y aura toujours de la transparence dans ce domaine. Encore une fois, alors, il y a la question de transparence.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wark, je veux citer deux ou trois éléments.
    Il s'agit d'une phrase tirée d'un article que vous avez rédigé dans le Globe and Mail peu après la présentation du projet de loi C-51. Vous avez affirmé ce qui suit: « Une responsabilité renforcée pourrait très bien être notre meilleure chance de nous assurer que les nouveaux pouvoirs en matière de sécurité sont équilibrés par rapport à la protection des droits. »
    Après la publication du projet de loi C-59, vous avez écrit ce qui suit: « Le Canada a peut-être récupéré sa place dans le monde en ce qui a trait à l'examen de la sécurité nationale et aux mesures de contrôle démocratique, place que nous avions abandonnée après 1984. »
     C'est une question d'ordre général. Je pense que cette citation montre que le projet de loi C-59 a constitué un progrès important, mais je me demande si vous pourriez nous faire part de vos réflexions sur la situation dans laquelle nous étions à l'époque et sur notre situation actuelle, en conséquence de ce projet de loi.
    Brièvement, je dirais qu'auparavant, si on remonte à 1984 et à l'adoption de la Loi sur le SCRS, le Canada était un peu comme un chef de file mondial pour ce qui est d'assurer la responsabilisation à l'égard de la sécurité et du renseignement, quoique dans un domaine d'activité relativement limité. Ce domaine a été étendu lors de la création du Bureau du commissaire du CST, en 1996.
    Toutefois, après cette période, je pense que nous avons accusé du retard par rapport à nos homologues — plus particulièrement les membres du Groupe des cinq — pour ce qui est d'adopter de nouvelles pratiques. Nous n'avions pas d'examen intégré de façon générale. Nous n'exercions pas un grand nombre d'activités s'inscrivant dans une pratique de plus en plus intégrée du renseignement et de la sécurité. Nous n'avions aucune capacité parlementaire de vraiment fouiller dans les renseignements classifiés, qui sont essentiels au système de sécurité et de renseignement.
    Je suis d'avis qu'en ce qui concerne la création de l'OSSNR et du poste de commissaire au renseignement et l'adoption du projet de loi qui a mené à la création d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, cet ensemble de mesures place le Canada — je dirais — en première place dans le monde pour ce qui est d'assurer la responsabilisation, en théorie. Maintenant, il nous faudra voir dans quelle mesure ce sera bien mis en pratique. Toutefois, nous disposons certainement de la structure nécessaire à un système très impressionnant de responsabilisation, et, maintenant, nous devons tout simplement nous assurer de pouvoir le faire fonctionner.
    Merci.
    Il me reste environ une minute et demie, et je me demande, monsieur Wark, si vous pourriez nous donner des détails sur les propos que vous avez tenus dans votre déclaration préliminaire au sujet du consentement qui devrait être obtenu du ministre des Affaires étrangères pour la tenue de cyberopérations actives. Vous avez affirmé penser qu'il s'agit d'une bonne idée. Pourriez-vous approfondir un peu plus ces propos?
    Bien sûr. Très brièvement, je pense que c'est tout à fait essentiel.
    Dans une version antérieure de ma déclaration à l'intention du Comité, j'allais donner des exemples de situations où des points de vue supplémentaires sur des enjeux comme ceux-ci auraient pu être utiles. Je vais simplement profiter de ce moment pour dire que « grâce » aux renseignements divulgués par Edward Snowden, nous connaissons certains cas d'opérations du CST qui auraient probablement dû faire l'objet d'une réflexion plus attentive avant d'être mises en oeuvre. Je pense que l'exemple le plus flagrant a été l'opération à laquelle le CST a participé. C'était dans le cadre d'une opération menée par le Groupe des cinq afin de cibler le ministère brésilien des Mines et de l'Énergie, et il était clair, d'après les commentaires du premier ministre de l'époque sur cette opération, quand elle a été révélée au public, qu'elle n'avait fait l'objet d'aucune surveillance politique particulière à un niveau élevé.
    Je pense que si nous parlons de cyberopérations actives, ce dont il est question, c'est d'opérations de nature très délicate menées contre des cibles étrangères, des États étrangers et des entités étrangères de toutes sortes... des adversaires. Nous mènerons ces opérations dans le contexte du Groupe des cinq. Nous devrons être bien placés pour comprendre la probabilité de succès ou d'échec et les répercussions qui pourraient en découler et pour savoir si nous encourageons ou non une escalade.
    C'est pourquoi j'ai mentionné l'attaque au moyen de Stuxnet contre l'infrastructure iranienne, qui était conçue pour endommager le programme d'armes nucléaires des Iraniens, mais qui a fini par les pousser à lancer une cyberattaque contre l'industrie pétrolière de l'Arabie saoudite. Il y a donc une possibilité d'escalade, et je pense que le ministre des Affaires étrangères doit participer en donnant son consentement afin d'offrir son point de vue sur ce qui pourrait se produire à l'échelle internationale si nous décidions de passer à l'action. Nous aurions ainsi vraiment davantage de points de vue sur la question des coûts et des avantages.
(1040)
    Merci, monsieur Fragiskatos. Je suppose qu'après 1984, nous sommes maintenant dans le meilleur des mondes grâce au projet de loi C-59.
    Monsieur Motz.
    Je n'ai aucun commentaire à formuler au sujet de 1984.
    Comme nous le savons, on ne peut pas mettre dans le même sac les règlements et les directives ministérielles. Ce n'est pas la même chose. Nous le savons. Dans cette optique, croyez-vous tous les deux que ces dispositions réglementaires permettent d'assurer une responsabilisation et la communication de renseignements au public et donnent la capacité d'être plus souples? Au lieu de tout inclure dans le projet de loi, y a-t-il une certaine valeur à ce que certaines des dispositions qui requièrent de la souplesse figurent dans le règlement?
    Faute d'indication précise dans le projet de loi, je ne sais pas si je désignerais un aspect qu'il vaudrait mieux enchâsser dans le règlement. M. Wark et Mme Carvin ont tous deux mentionné ce matin que la notion d'ensemble de données est largement marquée par l'imprécision. Si nous devions la définir rigoureusement dans la loi, nous pourrions avoir un problème. Cependant, ce n'est pas le cas. Nous avons établi une définition ouverte de ce terme, puis l'ensemble de données fait l'objet d'une surveillance par des entités indépendantes. Voilà un exemple de flexibilité. Il y a également la question des « situations d'urgence », que le projet de loi reconnaît dans plusieurs cas.
    Je ne considère pas que c'est excessivement contraignant et, dans une certaine mesure, je pense que beaucoup de ces modifications font ressortir des lignes directrices internes que les services ont effectivement employées. Selon moi, leur codification dans la loi est importante, car elle donne l'impression que ces organismes se conforment à la règle du droit; les gens ne sont autrement pas au courant de ce fait parce que les normes sont opaques et ensevelies dans des politiques opérationnelles. Je pense que c'est important du point de vue de la crédibilité.
    Merci.
    J'ajouterais tout simplement très brièvement que l'idéal serait probablement d'établir un équilibre entre les dispositions législatives et la réglementation des détails. Je pense que l'une des choses que fait le projet de loi C-59 en particulier, grâce à ses dispositions concernant la responsabilisation, c'est de faire en sorte que, si cette combinaison de dispositions législatives et de réglementation ministérielle ne fonctionne pas adéquatement, cela figure dans les rapports d'examen et dans les comptes rendus que présentera l'organisme au ministre.
    J'affirmerais également que, même s'il s'agit toujours d'un travail en cours pour le gouvernement, je pense qu'il sera très important que l'on mette en oeuvre le plus rapidement les engagements du gouvernement à l'égard de la transparence en matière de sécurité nationale, ce qu'on appelle parfois la charte de la transparence. La transparence est une deuxième composante de la responsabilisation qui, selon moi, nous aidera à nous assurer que cet équilibre entre les dispositions législatives et la réglementation ministérielle est efficace.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wark, à la conclusion de votre déclaration préliminaire, vous aviez indiqué que vous n'aviez pas eu l'occasion d'expliquer ce qui, selon vous, n'est pas prévu dans le projet de loi C-59. J'hésite à vous céder la parole pour que vous puissiez le faire, mais, quoi qu'il en soit, je suis curieux de vous entendre à ce sujet.
    Monsieur Motz, je vous suis extrêmement reconnaissant de m'en donner la possibilité. Je serai très bref à ce sujet. Je pense qu'il y a des problèmes très importants, et, bien entendu, aucun texte de loi, aussi radical puisse-t-il être, ne va tous les régler, mais il y a beaucoup de travail à faire afin que le renseignement canadien soit vraiment modernisé.
    Je vais vous présenter ma courte liste — il y en a une plus longue —, et Mme Carvin a mentionné ces éléments dans un autre contexte. Je pense que le Canada a besoin d'une stratégie complète en matière de sécurité nationale. Nous n'avons produit une telle chose qu'une fois, en 2004, et nous devons nous engager à la mettre à jour. Je pense qu'il est essentiel que nous mettions en place une fonction d'évaluation du renseignement intégrée, centralisée et bien financée, car, pour ce qui est des nouveaux pouvoirs, le projet de loi C-59 porte principalement sur la collecte. Il s'agit de l'une des grandes lacunes du système.
    Je pense — c'est le sujet d'un autre débat — que nous avons besoin d'un organisme consacré au renseignement étranger qui soit distinct du SCRS. Comme je l'ai dit, nous devons mettre en place la charte proposée relativement à la transparence en matière de sécurité nationale. Il nous faut réviser et mettre à jour la Loi sur la protection de l'information, qui faisait partie de l'ancien projet de loi C-51 et qui, selon moi, est maintenant complètement désuète. Nous avons besoin d'une loi sur l'accès modernisée, en particulier pour régler les problèmes liés à l'accès aux renseignements de base sur les abonnés. Il y a d'autres problèmes, mais c'était ma courte liste.
    Dans les dernières 30 secondes qui me restent, pourrions-nous vous demander, en tant que comité, que vous nous les fournissiez par écrit, à votre convenance?
    Absolument. Je le ferai.
    Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
    Nous disposons peut-être d'une minute, et il reste trois questions.
    J'ai trois questions à poser, auxquelles j'ai besoin qu'on réponde par oui ou par non.
    Tout d'abord, il est inscrit au compte rendu que M. Forcese veut des avocats spéciaux. Monsieur Wark, pensez-vous que nous devrions avoir des avocats spéciaux dans le système des listes d'interdiction de vol? Veuillez répondre par oui ou non.
(1045)
    Oui.
    J'ai l'impression de participer à l'émission Jeopardy.
    Parfait. Vous avez tous les deux présenté un témoignage devant le comité de l'éthique et devant le Comité au sujet de la LCISC. Vous avez proposé des correctifs qui ne figurent pas dans le projet de loi. Suggérez-vous que nous peaufinions davantage ce projet de loi, ou bien pensez-vous que nous devrions...? Des précisions ont été apportées dans la définition; il y a maintenant la question d'« aide » par rapport à celle de « pertinence ».
    Pensez-vous qu'on pourrait attendre pour permettre aux organismes d'examen de faire leur travail et de rendre des comptes aux Canadiens quant au caractère acceptable de la communication, puis apporter d'autres modifications en cours de route, ou bien voulez-vous que le Comité apporte d'autres modifications maintenant?
    D'autres modifications.
    D'autres modifications.
    Voici ma dernière question: nous avons promis aux Canadiens d'améliorer la responsabilité des organismes de sécurité nationale. Nous leur avons promis de corriger la nature excessive et, dans certains cas, inconstitutionnelle du projet de loi C-51, puis le projet de loi C-51 dans son ensemble grâce aux projets de loi C-22 et C-59.
    Pensez-vous que nous y sommes arrivés?
    Oui, sous réserve de mon inquiétude au sujet des renseignements personnels qui pourraient être ou non inclus dans l'autorisation ministérielle.
    Ma réponse est oui, mais il y a encore du travail à faire. Cela ne s'arrête jamais à un texte de loi en particulier.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Erskine-Smith, je vous remercie de votre intervention très brève.
    Au nom du Comité, je veux vous remercier tous les deux non seulement de votre présence aujourd'hui, mais aussi de vos réflexions et de votre contribution à l'élaboration du projet de loi. Il s'agit effectivement d'un très bon exemple de collaboration entre le gouvernement et le milieu non gouvernemental pour créer ce qui sera — je pense que tout le monde est d'accord — un meilleur texte de loi.
    Merci, et, sur ce, nous allons ajourner la séance.
    La séance est levée.
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