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Vous l'êtes, vraiment, mais tellement sympathique que c'est rassurant.
En 2015 et 2016, MOMS a lancé une pétition demandant au Service correctionnel du Canada de revoir l'utilisation des spectromètres de mobilité ionique, mieux connus sous le nom de scanner à ions, comme outils de détection des drogues sur les visiteurs à l'entrée des établissements fédéraux. Notre initiative s'inspirait de notre expérience personnelle avec les effets effroyables de l'utilisation de cet appareil au SCC.
Le SCC a commencé à utiliser le scanner à ions en 1995 comme principal outil dans un système visant à empêcher l'introduction de drogues dans les prisons fédérales. Mais il y a aujourd'hui une nette déconnexion entre la politique du SCC, qui reconnaît l'importance de tisser et de maintenir des liens familiaux et un soutien communautaire pour les détenus, et le maintien en service d'un outil peu fiable qui ne bloque pas les drogues à l'entrée des prisons, mais qui est très efficace pour dissuader les visites familiales. Il a aussi des effets négatifs pour nos êtres chers, quelle que soit la validité des résultats des tests.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, les visiteurs qui passent par ce système sont invités à remettre un objet personnel, comme une clé, une montre, des lunettes ou un article de vêtement, sur lequel est effectué un prélèvement, qui est ensuite placé dans l'ioniseur pour détecter d'éventuelles drogues. Si le résultat est positif, le personnel procède à une « évaluation de la menace et des risques », où un superviseur vient mener une entrevue avec le visiteur et rendre une décision.
Le visiteur peut se voir accorder une visite, ou être restreint à une visite avec séparation, ou se voir intimer l'ordre de quitter les lieux sur-le-champ. Pour le visiteur qui a fait un long trajet et qui n'a pas vu son être cher depuis longtemps, cette entrevue humiliante risque d'être dévastatrice. Les effets du refus de visite à un parent peuvent être profondément troublants pour l'enfant; c'est arrivé à mon petit-fils.
Selon la politique du SCC, les résultats obtenus du scanner à ions ne sont qu'un facteur parmi d'autres dans la décision concernant les sanctions à imposer suite au résultat positif, mais cette affirmation du SCC est mal éclairée et inexacte. L'information recueillie par le scanner à ions indique seulement qu'une personne comme moi a été en contact avec une drogue ou une substance illicite qui donne un faux positif dans le scanner à ions, ce qui peut venir du simple fait d'avoir été en contact avec des objets ou des surfaces contaminés. On ne fait aucun autre effort pour confirmer la présence ou l'absence de matières interdites. Inutile de demander une fouille, qui sera refusée, de toute façon. Les résultats obtenus du scanner à ions ne servent à rien, ou presque, pour évaluer si un visiteur essaie ou pas d'introduire clandestinement des matières interdites dans l'établissement. C'est tout simplement impossible à savoir.
Les détails du test sont versés au dossier du détenu. Des tests positifs répétés ont des conséquences sur la sévérité des sanctions imposées au visiteur par la suite; les sanctions sont de plus en plus sévères. Ce dossier a aussi une incidence négative sur le passage du détenu par le système correctionnel.
Or, le SCC reconnaît d'emblée que le scanner à ions donne souvent de faux positifs. Ces faux positifs surviennent en partie parce que le scanner à ions est un instrument extrêmement sensible de détection de drogues, allant jusqu'au niveau du nanogramme, et c'est là une si petite particule de résidu sur les vêtements qu'on ignore qu'on peut être contaminé par des traces de substances prohibées par le contact avec des articles bien banals, comme de l'argent ou des cartes de crédit ou même par certains produits de nettoyage domestiques, comme les lingettes Clorox ou les produits cosmétiques contenant du parfum — bref, toutes ces choses peuvent déclencher le scanner à ions.
La non-fiabilité et l'inefficacité des scanners à ions ont été observées ailleurs qu'au Canada.
Aux États-Unis, la New York Civil Liberties Union a indiqué en 2004 qu'elle avait reçu de nombreuses plaintes de « personnes mystifiées par les résultats de l'analyse et désemparées par l'impossibilité de prouver leur innocence ». C'est cela qu'il faut faire: prouver son innocence. L'union a dit que le scanner à ions « privait injustement, de façon inappropriée et inutilement des innocents de leur droit de visite ».
Les conséquences du manque de fiabilité du scanner à ions sont profondes non seulement pour les détenus, mais aussi pour leurs proches. Pour nous, le risque d'un faux positif et de ses conséquences ajoute un niveau de stress lorsque nous visitons nos êtres chers. Un grand nombre de personnes prennent des précautions extraordinaires, comme laver les pièces de monnaie, faire le plein d'essence la veille du déplacement, ne pas toucher aux poignées de porte et ne pas s'arrêter, une fois partis de la maison, avant d'arriver à l'établissement, de manière à limiter le risque d'un faux positif au scanner à ions. De nombreux autres amis et proches sont dissuadés de toute visite.
Le scanner à ions est un obstacle qui dissuade les détenus d'accéder au soutien familial, qui est pourtant essentiel pour qu'ils se reprennent en main et rentrent chez eux un jour. Cela peut aussi jouer contre eux, parce que les résultats obtenus par les visiteurs sont versés à leur dossier, et peuvent jouer contre eux dans leurs demandes de transfert, de réduction du niveau de sécurité, ou de libération conditionnelle.
Les effets indésirables du scanner à ions ne sont pas compensés par les avantages qu'il procure. Une recension, même superficielle, des études récentes des médias par des organismes comme la Coalition canadienne des politiques sur les drogues et des rapports du Bureau de l'enquêteur correctionnel révèlent que les drogues demeurent endémiques dans nos prisons, où les taux d'infection au VIH et à l'hépatite C résultant dans une large mesure du partage des seringues sont beaucoup plus élevés que dans la population générale.
L'utilisation du scanner à ions est tout aussi inefficace pour empêcher l'introduction de drogues dans les prisons, parce que les visiteurs sont les seules personnes soumises à ce processus de détection discriminatoire. Un pourcentage nettement plus élevé de ceux qui entrent dans ces établissements, comme le personnel du SCC, les entrepreneurs en construction et les travailleurs d'entretien, ne sont pas testés.
Nous tenons à remercier les membres du Comité de nous permettre de témoigner dans ce très important dossier. Comme je l'ai dit, c'est une occasion mémorable pour nous. Nous serons heureuses de répondre à vos questions.
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Bonjour. Merci beaucoup au Comité de bien vouloir me recevoir.
Je m'appelle Stacey Hannem. Je suis professeure agrégée en criminologie au campus Brantford de l'Université Wilfrid Laurier.
Les scanners à ions ont occupé tout l'espace dans mes réflexions, mes écrits et mon discours depuis 2005, pendant ma recherche doctorale. Ma recherche doctorale s'articulait sur les difficultés confrontant les familles dont un être cher est incarcéré. Je m'attendais beaucoup à des problèmes de stigmatisation, des problèmes financiers et des troubles émotifs. Mais je ne m'attendais certes pas de découvrir que nos établissements correctionnels étaient un facteur aussi draconien d'aggravation de ces problèmes pour les familles.
Ma recherche a porté sur la technologie IONSCAN pour la première fois en 2005. En 2015, j'ai travaillé avec le Regroupement canadien d'aide aux familles des détenus pour un sondage en ligne et des entrevues de suivi auprès des familles de personnes incarcérées au Canada au sujet de leurs problèmes de santé mentale. Encore une fois, 10 ans plus tard, j'ai vu le scanner à ions comme enjeu toujours important dans mes données.
Le problème des faux positifs et les questions soulevées par les familles m'ont amenée à étudier plus en détail la technologie elle-même. Je ne suis pas une scientifique — j'ai un doctorat en sociologie —, mais j'ai consacré pas mal de temps et d'efforts à la littérature scientifique et à la consultation de collègues en physique et en chimie afin de mieux comprendre la question et d'acquérir une compréhension de profane de la technologie. C'est ce que j'aimerais apporter au Comité aujourd'hui: une meilleure compréhension du fonctionnement de la technologie et des raisons pour lesquelles les faux positifs sont toujours possibles.
La science qui sous-tend la technologie d'IONSCAN date des années 1970 et n'a pas été raffinée pour la peine depuis. Elle se voulait au départ un moyen de détecter des traces d'explosifs. Les machines plus récentes ont depuis été étalonnées pour la détection de drogues. Tous les membres de votre comité connaissent la machine IONSCAN. C'est la machine qu'on utilise dans les aéroports du pays et à l'étranger pour détecter les explosifs, sauf que, dans les prisons canadiennes, elles servent à dépister les drogues.
Le principe de la spectrométrie de mobilité ionique est simple. On prélève un échantillon, comme Anne l'a expliqué, sur une fermeture éclair, une bague, des lunettes, et les particules à l'état de trace qui sont prélevées sont ensuite insérées dans la machine et ionisées: elles sont soumises à une source radioactive qui crée une charge positive ou négative d'ions. Le processus d'ionisation décompose cette substance en toutes ses particules constituantes. Les ions qui se trouvent dans la molécule sont de taille et de poids différents, si vous vous rappelez votre chimie d'école secondaire, et les particules ionisées se déplacent toutes à des vitesses différentes.
Les particules ionisées sont insérées dans la machine. Elles passent par ce qu'on appelle un « tube de dérive ». C'est un tube court muni d'une plaque électromagnétique à son extrémité. La machine de spectrométrie de mobilité ionique, ou SMI, mesure le temps, à la nanoseconde près, que mettent les particules pour arriver à l'extrémité du tube de dérive. Le tube de dérive contient un gaz inerte conçu pour créer des frictions et entrer en collision avec les particules. Toutes les diverses grosseurs de particules arrivent dans le tube de dérive à différents instants, selon leur taille et leur poids.
Le dispositif mesure tout cela et génère un spectre de dérive qui ressemble à un petit graphique montrant les temps de dérive de tous les ions composites. Il compare ce graphique généré aux spectres de dérive connus des substances qu'il recherche — en l'occurrence, les drogues illicites. La machine SMI déclenche une alarme si les temps de dérive du spectre de mobilité ionique de l'échantillon correspondent à l'une des substances de sa base de données avec un seuil suffisant.
C'est ainsi que cela fonctionne. Le problème des faux positifs, bien sûr, est la raison pour laquelle le Parlement s'intéresse à tout cela. Les faux positifs ont été mis en évidence en 2008 aux États-Unis, lorsque le Federal Bureau of Prisons a suspendu l'utilisation des scanners à ions dans toutes ses prisons. Une poursuite avait allégué que des proches d'un détenu s'étaient vu refuser injustement des visites à cause de faux positifs. Lorsqu'il a repris l'utilisation de l'IONSCAN en 2009, le Federal Bureau of Prisons n'a plus autorisé la machine pour le contrôle des visiteurs, mais seulement pour le courrier, les aires de travail et les effets personnels des détenus.
Un rapport de 2011 du Service correctionnel du Canada par Johnson et Dastouri a révélé que les dispositifs sont, et je cite, « trop sensibles et présentent des limites quant à leur capacité de détecter certains types de drogues ». L'utilisation de l'IONSCAN pour repérer les personnes soupçonnées de trafic de drogues est compliquée par le fait que la technologie elle-même présente plusieurs lacunes connues — bien que souvent non reconnues.
Sa première lacune est que, au contraire des empreintes digitales, les spectres de mobilité ionique qui sont générés et lus par les machines IONSCAN ne sont pas des identifiants exclusifs; c'est-à-dire que les spectres de mobilité ionique de composés chimiques étroitement reliés ou similaires peuvent se ressembler tellement que la technologie ne peut les différencier. Selon le brevet initial de Smiths Detection pour l'IONSCAN, la ranitidine, un antiacide commun souvent appelé Zantac, donne un résultat positif pour la cocaïne. La seule façon de reconnaître qu'il s'agit d'un faux positif est de faire un second test en mode d'ions négatifs: la ranitidine émet alors un son, mais pas la cocaïne.
Smiths Detection dit dans son brevet qu'on devrait utiliser deux machines, la première en mode d'ions positifs et l'autre en mode d'ions négatifs, pour contrôler ce résultat. À ma connaissance, premièrement, le SCC ne fonctionne pas ainsi et, deuxièmement, c'est une correction des plus simplistes parce qu'elle suppose que la ranitidine est la seule autre substance qui donnerait un faux positif pour la cocaïne.
On sait que plusieurs médicaments pharmaceutiques et autres substances légales déclenchent l'alarme dans les machines IONSCAN parce que leurs compositions chimiques ressemblent à des drogues illicites ou qu'elles partagent avec elles un même composé chimique. Le personnel correctionnel reconnaît avoir une courte liste de médicaments ou d'autres substances dont on sait qu'elles déclenchent des alarmes: les inhalateurs pour l'asthme, la nitroglycérine pour les problèmes cardiaques et l'Adderall pour les troubles d'hyperactivité avec déficit de l'attention déclencheront tous une alarme en tant que méthamphétamines; les crèmes antifongiques pour traiter le pied d'athlète ou le muguet déclencheront l'alarme en tant qu'opiacés, tout comme les graines de pavot sur les bagels et les autres produits de boulangerie; et les lingettes au chlore pour bébés et certains parfums et lotions déclenchent facilement des alarmes en tant que divers types de drogues. Les recherches menées par Dussy et al. en 2008 ont révélé que plusieurs types de détergents déclencheront l'alarme en tant qu'héroïne.
C'est le plus grand problème: ce ne sont pas des marqueurs d'identification exclusifs. Par conséquent, les risques de faux positifs sont très élevés.
En second lieu, comme Anne l'a mentionné, il y a aussi un risque élevé de contamination croisée et de contact accidentel avec des traces de drogues.
Parfois, l'alarme n'est pas chimiquement fausse. Ce que la machine détecte est en fait une très petite particule de drogue illicite, ce qui ne signifie pas que la personne a eu un contact délibéré avec cette drogue, ni que la drogue est présente en quantités suffisantes pour justifier quelque inquiétude au sujet de la visite d'un proche. De nombreux billets de banque portent des microgrammes de drogues illicites — la cocaïne est la plus courante — soit beaucoup plus que le seuil requis pour déclencher l'IONSCAN. Certaines études ont révélé que jusqu'à 90 % des billets de banque soumis à un test de détection de cocaïne donnent un résultat positif. La manipulation d'argent, comme Anne l'a dit, peut être à l'origine d'une alarme.
Une troisième question, bien sûr, est l'hypothèse selon laquelle les personnes qui présentent un résultat positif essaient de faire du trafic, alors que rien ne permet de le croire.
De même, l'IONSCAN est sujet à la possibilité d'erreur humaine de l'opérateur. Il doit être nettoyé à fond après une alarme positive. J'ai été témoin du problème dans un aéroport tout récemment. Le fait de ne pas nettoyer la machine après un test positif donnera effectivement des tests positifs par la suite. Si une alarme est déclenchée au SCC, l'opérateur est tenu de changer de gants, de nettoyer les surfaces de comptoir et de tester des prélèvements propres jusqu'à ce que la machine ne déclenche plus d'alarme, sauf qu'en cas d'affluence dans la salle de visite, il n'en est pas toujours ainsi.
En 2006, dans un audit interne de ses activités d'interception de drogues, le SCC a noté que 5 des 11 établissements audités ne respectaient pas la politique et les procédures relatives aux dispositifs de spectrométrie de mobilité ionique. L'erreur humaine est un problème.
Un dernier problème, peu probable celui-là, est que l'opérateur peut déclencher l'alarme à volonté. L'appareil doit être étalonné périodiquement avec exposition aux substances concernées, ce qui signifie qu'il y a là des spécimens de drogues pour l'étalonnage. Dans son mémoire de 2016, Diane Schoemperlen, auteure canadienne de renom, rapporte que, lors de sa dernière visite à son ex-partenaire dans un établissement à sécurité moyenne, l'agent correctionnel responsable du scanner à ions a voulu lui faire une blague en fermant délibérément la machine. Voilà qui soulève des questions sur la façon dont l'appareil pourrait servir à cibler des personnes sur qui planent déjà des soupçons.
Le SCC n'a pas de documentation sur la fiabilité de la machine. Il s'appuie sur l'affirmation du fabricant selon laquelle le taux de faux positifs est inférieur à 0,1 %, mais il continue de noter des cas de faux positifs et il en est très conscient.
J'ai plus d'information à donner sur la fiabilité, mais je vous ferai un plaisir de le faire pendant la période des questions.
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Encore une fois, merci beaucoup de m'avoir invitée. C'est un honneur pour moi d'être ici. J'espère que je pourrai vous transmettre certaines perceptions et vous aider à comprendre l'enjeu.
Mon propos n'est probablement pas aussi empreint de déférence que celui des témoins précédents. J'ai travaillé six ans dans le système à titre d'agent de libération conditionnelle. En tant qu'enseignante, j'étais directrice d'une école là-bas. Je répondrai à vos questions à ce sujet plus tard.
J'ai fait beaucoup de recherche là-dessus. J'ai vu pas mal de tout ce qu'ont écrit Stacey, Anne et d'autres personnes au Canada et aux États-Unis. Pour moi, l'enjeu est très proche d'une violation de la Charte, et il faut y voir.
Je demande un moratoire immédiat sur l'utilisation du dispositif IMS dans tous les pénitenciers fédéraux pour le contrôle des visiteurs des détenus, en attendant la réalisation d'une étude indépendante, par le Parlement ou par un organisme externe, pour confirmer l'efficacité de ce dispositif comme outil de dépistage des drogues dans les établissements.
Je demande au Parlement d'ordonner au commissaire du Service correctionnel de limiter immédiatement cette utilisation, au Parlement d'étudier la question et de rétablir le statut de visiteur de toute personne qui a été injustement, sans preuve, privée de ses droits de visite jusqu'à ce qu'il soit établi qu'elle mérite d'en être privée.
Je parle pour des milliers de Canadiens qui ont des êtres chers ou des amis incarcérés dans des établissements fédéraux au pays. Chaque jour, jusqu'à 12 000 personnes, plus ou moins, sont détenues dans une prison fédérale. Les visiteurs, les familles et des aidants de ces détenus sont des personnes respectueuses des lois. Nous avons fait l'objet d'un contrôle juridique et avons obtenu l'autorisation de visiter les établissements. Nous connaissons la politique du SCC concernant les visiteurs des détenus. Nous sommes insultés par l'attitude condescendante et désobligeante du SCC à notre endroit lorsque nous exprimons notre indignation concernant l'utilisation abusive de cet appareil en notre présence.
J'ai des lettres du ministre et du Service correctionnel qui ne font que réitérer la politique plutôt que de s'attaquer aux problèmes que nous leur présentons. Comme je l'ai dit, j'ai travaillé dans le système pendant six ans, et j'ai été témoin des effets du scanner à ions sur des proches innocents qui ont été refoulés ou dont les visites ont été restreintes même s'ils avaient demandé une fouille pour prouver leur innocence. J'ai été témoin des effets dévastateurs que cela a eu sur les détenus privés de la visite depuis longtemps attendue de leur mère, de leur épouse ou de leur enfant, tout cela malgré le fait que le visiteur n'a rien fait de répréhensible, si ce n'est un résultat positif — un seul — sur le scanner à ions.
Je parle pour de nombreuses personnes qui ont contesté les décisions injustes prises sur la foi des résultats du scanner à ions, et qui en sont revenues désillusionnées par l'attitude grave du gouvernement et des organismes qui n'ont d'autres soucis que d'appliquer et de donner l'apparence d'appliquer la loi à cet égard. Ils font face à des mesures de représailles lorsqu'ils protestent; c'est documenté par l'expérience de ceux qui osent se plaindre. Ce comportement sous le nez même des responsables de la protection de l'intégrité de notre système correctionnel et de notre système de justice pénale doit cesser si l'on veut que les Canadiens aient confiance dans l'administration de la justice au Canada.
Maintenant, pour ce qui est des points sur lesquels nous sommes d'accord avec le Service correctionnel, il y en a beaucoup. Les drogues et les autres matières interdites n'ont pas leur place dans nos établissements fédéraux. Ces choses-là causent des dommages incroyables dans nos prisons parmi les détenus, le personnel et les visiteurs dans nos prisons. Nous ne voulons pas de drogues dans nos prisons. Quiconque entre dans un pénitencier risque d'y introduire des matières interdites. Chacun d'entre nous entre en contact par accident à un moment ou à un autre avec des quantités seuil de drogues en manipulant de l'argent, en faisant un plein d'essence, etc., comme nous l'avons entendu ici. Nous pouvons la prendre n'importe où. Si vous mettiez la main dans votre poche tout de suite et touchiez la monnaie qui s'y trouve, vous auriez probablement assez de cocaïne sur les mains pour déclencher une alarme positive sur un scanner à ions.
De nombreuses substances illégales possèdent les mêmes propriétés ioniques que les substances illégales. Stacey Hannem en a déjà parlé. Le scanner à ions autorisé par la Directive 566-8-1 du commissaire est un appareil sérieusement déficient, comme l'a reconnu le SCC, en ce sens qu'il donne un nombre excessif de faux positifs.
Les scanners à ions sont mal entretenus, comme nous l'avons déjà dit. Bien souvent, ils sont mal étalonnés. Le personnel ne sait pas s'en servir; souvent ils ne sont pas nettoyés, ce qui donne d'autres faux positifs. Par exemple, si la personne qui a été testée avant moi avait un résultat positif, je pourrais avoir le même résultat aussi. Cela n'est heureusement jamais arrivé, mais si le nettoyage est mal fait, j'ai toutes les chances que cela m'arrive.
Les drogues entrent dans nos prisons à un rythme des plus alarmants, malgré les procédures en place. Le personnel, les entrepreneurs, les invités et d'autres personnes ne sont pas soumis au scanner. Le SCC va resserrer la surveillance de ces personnes qui risquent d'introduire des drogues dans nos établissements.
Entrer dans une prison est un privilège et non pas un droit. La loi et les politiques du SCC reconnaissent que les visiteurs jouent un rôle de premier plan dans la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants. C'est documenté dans les études que j'ai ici. Les détenus qui ont des visites réussissent beaucoup mieux après leur remise en liberté et ont plus de chances d'obtenir une libération conditionnelle. Ceux qui sont là jusqu'à la libération d'office n'ont souvent pas de visiteurs. Le SCC considère que les visites sont une composante importante de la réadaptation des délinquants, mais les politiques et les pratiques en place vont directement à l'encontre de ce qu'il dit sur papier.
Je voulais parler d'une autre question sur laquelle le SCC est muet.
Comme nous l'avons dit, seuls les visiteurs sont soumis au scanner à ions. La recherche que j'ai menée au Canada et aux États-Unis révèle qu'environ 10 % — peut-être moins, peut-être un peu plus — de toutes les personnes qui visitent une prison n'importe quel jour sont soumis au scanner, si bien que 90 % ne le sont pas, et que les drogues continuent d'entrer à un rythme alarmant.
Je vais devoir sauter un long bout parce que je manque de temps. Je vais donc peut-être aller directement à la fin.
Pour moi les scanners à ions ne trouvent pas de drogues sur les personnes. Ils indiquent tout simplement si la personne est entrée en contact avec des drogues — peut-être. Peut-être que oui, peut-être que non. Le résultat pourrait être un faux positif. Il ne se fait pas de fouilles. On est tenu de vous fouiller, mais on ne le fait pas, si bien que des doutes planent sur la personne. Vous pourriez y aller 100 fois et ne jamais présenter de résultat positif. Vous serez bien accueilli et on vous traitera bien et tout le reste, mais dès que vous aurez un résultat positif, toute la dynamique entre vous et le personnel changera. Vous serez sous un nuage de soupçon, même si on ne vous a jamais fouillé pour trouver quoi que ce soit et qu'il n'y a pas de preuve que vous introduisez des matières interdites.
Ils devraient utiliser un scanner corporel plutôt qu'un scanner à ions pour découvrir des matières interdites. Si tout ce processus d'interdiction vise les matières interdites plutôt que l'abus de pouvoir, peut-être devrait-il utiliser un moyen capable de découvrir les matières illégales. L'interception des drogues consiste à intercepter les matières interdites, et le scanner à ions ne fait rien de cela.
Je conclurai en disant qu'en ce moment même, il y a d'innombrables innocents visiteurs respectueux dans les pénitenciers canadiens qui risquent d'être bloqués en l'absence d'acte répréhensible. Un grand nombre auront parcouru de grandes distances, à grands frais, pour passer du temps avec leur être cher et seront passibles de sanctions sur la foi d'une seule lecture de scanner à ions. Les efforts de réinsertion des détenus touchés seront nuls et certains seront très perturbés après avoir été privés de l'occasion de rendre visite à leurs êtres chers. Il existe des preuves documentées que des détenus se sont enlevé la vie parce qu'on ne les avait pas laissés voir leur mère.
Quoi qu'il en soit, j'ai terminé.
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Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis Gail LeSarge. D'entrée de jeu, je dirai que je suis très heureuse que le Comité ait accepté de mener cette étude, et très heureuse de l'occasion de témoigner aujourd'hui devant lui.
Je veux vous dire un mot de mon expérience personnelle. Pour commencer, je dirai que je visite souvent un détenu dans un établissement fédéral et que j'ai eu ma part d'expériences négatives avec le scanner à ions. En décembre dernier, j'ai adressé une lettre au ministre pour me plaindre de mes expériences. Environ un mois et demi plus tard, j'ai reçu une lettre d'un représentant du SCC. C'était une courte lettre qui ne répondait pas vraiment à ce que j'avais écrit. Essentiellement, elle disait: d'abord, les drogues sont un gros problème en prison; deuxièmement, les détenus, le personnel et les visiteurs sont tous fouillés et contrôlés, dans un effort de prévention de l'introduction de drogues en prison; troisièmement, le scanner à ions est considéré comme un outil fiable dans cette lutte; et quatrièmement, le scanner à ions n'est qu'un élément de toute l'évaluation du risque. C'est essentiellement ce qu'elle disait, et je voudrais vous parler de certaines de ces choses-là.
En premier lieu, lorsqu'il s'agit d'assurer la sûreté et la sécurité dans les établissements fédéraux, je ne saurais être plus d'accord sur les objectifs du SCC. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour rendre les prisons aussi sûres que possible, notamment pour bloquer l'entrée des matières interdites. L'objectif est important, certes. Les drogues peuvent causer toute une gamme de problèmes graves. Anne en a parlé. Ces problèmes peuvent comprendre la violence et la maladie et nous convenons tous que les drogues ne sont pas une bonne chose en prison. Cela n'est pas contesté.
Nous avons des politiques en place pour y remédier. Le SCC fera remarquer que les fouilles de visiteurs, de détenus et de membres du personnel font toutes partie de tout cela, mais, pour bien préciser les choses, les membres du personnel ne sont pas soumis à la même sorte de fouilles que les visiteurs, mais pas du tout. De fait, j'ai travaillé au SCC pendant neuf ans, ce qui signifie que je suis entrée dans l'établissement probablement plus de 2 000 fois. Sachez que pas une seule fois je n'ai été soumise au scanner à ions ni reniflée par un chien antidrogue. Ils diront que les fouilles sont pour tout le monde. Mais le même type de fouilles n'est pas pour tout le monde.
Si le SCC prend vraiment au sérieux la sûreté et la sécurité de ses prisons, comme il le prétend, et si le dispositif IMS est une arme si efficace dans la guerre contre les drogues, pourquoi ne l'utilise-t-il, comme l'a dit Peggy, que sur un faible pourcentage des personnes qui passent chaque jour par la porte d'entrée? Cela ne semble pas très logique. Toute personne qui entre dans l'établissement pourrait être porteuse de matières interdites.
Le SCC affirme que le scanner à ions est considéré comme un outil efficace de détection des drogues. C'est difficile à comprendre quand l'appareil ne fait absolument rien pour démontrer qu'une personne transporte des matières interdites. Il peut seulement dire qu'il y a peut-être eu contact avec une substance illégale, ce qui n'est pas du tout la même chose. Comme les autres témoins l'ont dit: d'abord, les machines ne sont pas toujours bien maniées; deuxièmement, d'autres substances que des drogues peuvent déclencher l'alarme; et troisièmement, même s'il y a des drogues illégales, elles peuvent provenir de n'importe où. Compte tenu de ces facteurs, il est absolument clair que le scanner à ions n'est pas un outil fiable, à mon avis, dans la lutte contre les drogues en prison.
Personnellement, je n'ai jamais eu la moindre expérience des drogues dans ma vie. Je ne me tiens pas avec les personnes qui consomment. Je n'utilise même pas de médicaments d'ordonnance. J'ai déclenché cette machine à quelques reprises. À mon avis, il y a quelque chose de sérieusement déficient dans un outil de fouilles non intrusif qui génère si souvent le résultat de punir des innocents comme moi.
Quand on regarde comment la sécurité aéroportuaire utilise cela, il semble que c'est la façon de faire. Je crois qu'il est juste de dire que si le scanner détecte des particules d'explosif à l'aéroport, cela entraîne une fouille. C'est ainsi qu'on fait le suivi d'une alarme de détecteur à ions à l'aéroport — pas une fouille. La fouille a pour objet d'établir clairement la présence ou l'absence de matières interdites ou d'explosifs.
Si on trouve quelque chose, oui, il y a des conséquences. Le voyageur ne pourra s'embarquer. Si l'on ne trouve rien, il poursuit sa route. Il n'y a pas de dossier négatif pas de conséquences. Imaginez si les voyageurs qui prennent des vols importants pour des vacances ou pour leurs affaires se voient interdire l'embarquement sur la foi du seuil IONSCAN, sans autre fouille pour déterminer la présence d'explosifs. Supposons que les responsables de la sécurité disent que les explosifs sont un problème très grave et qu'ils considèrent que l'outil est fiable, et que c'est leur seule réponse. Pourrez-vous imaginer ce que le public aurait à dire à ce sujet. Je pense que l'abus serait corrigé très rapidement, mais, d'une façon ou d'une autre, nous et nos êtres chers en prison sommes perçus comme sacrifiables.
Le scanner à ions date de nombreuses années. D'après ce que j'ai lu, il y a peu de preuves tangibles de son efficacité. Il y a encore beaucoup de drogues qui entrent, et je ne connais pas de cas où un résultat positif a mené à une saisie de drogues, parce qu'on ne va pas jusque-là. On ne vous fouille pas. On se contente du scanner à ions, mais pourtant, la victimisation de visiteurs innocents et des détenus qu'ils visitent est très réelle, et elle se poursuit année après année.
Dans le cas de l'évaluation des risques, la politique actuelle est que le résultat de la détection des ions n'est pas utilisé en isolation et est toujours combiné avec d'autres renseignements, mais la réalité est que les visites peuvent se poursuivre sans problème tant que le scanner à ions ne donne pas de résultat positif. Lorsque l'alarme de la machine se déclenche, on procède à une évaluation des risques de menaces, qui consiste à vous demander pourquoi la machine a déclenché l'alarme. Vous dites que vous n'en avez aucune idée et que le chien dépisteur n'a rien détecté, et ils se contentent de vous poser des questions et d'examiner les antécédents des tests de détection à ions. Mais il y aura des sanctions. Est-ce une évaluation des risques avec toutes sortes d'autres éléments qui sont envisagés avant les sanctions. Cela ne semble pas être le cas.
Ensuite, comme Anne l'a dit, il pourrait y avoir différentes options. On pourrait vous renvoyer. On pourrait vous offrir une visite fermée. Puis, un peu plus tard, il y a une autre étape, celle du comité d'examen des visites. Le comité d'examen des visites peut imposer d'autres sanctions. Si vous avez des visites familiales privées, elles sont invariablement suspendues. Je n'ai jamais entendu parler d'une personne qui ne se soit pas vu imposer de sanctions après un résultat positif sur un scanner à ions — jamais. Il y en aura toujours des sanctions.
À ces deux stades, le personnel a des possibilités illimitées de choisir les éléments d'information qu'il veut pour créer une évaluation très subjective des risques.
Je vois que je ferais mieux d'accélérer, à cause du temps qui passe, mais voilà ce qu'il en est. Cette évaluation du risque n'est pas ce qu'ils disent. Elle n'est pas faite équitablement. Il faut absolument changer la politique si le SCC doit garder le scanner.
Je veux simplement ajouter que lorsqu'on a un être cher en prison, on ne saurait exagérer l'importance de ces visites. C'est le meilleur moyen dont vous disposez pour maintenir vos liens. Vos heures de visite sont très spéciales. Elles sont tellement bénéfiques pour ces perspectives de réinsertion. Elles sont comme un lien qui le rattache à la collectivité, et lui donne espoir pour l'avenir et la certitude qu'on se soucie de lui. À mon avis, détruire ces liens en l'absence de preuve convaincante du risque est tout à fait inhumain.
L'an dernier, mon partenaire et moi devions avoir une visite familiale privée au temps des Fêtes. Nous attendions cela depuis des mois, car les maisons de VFP avaient été fermées pour des rénovations. Alors, à cause du scanner à ions, la visite a été annulée un jour avant qu'elle commence. C'était dévastateur. C'était vraiment difficile.
Comment le Canadien moyen se sentirait-il si ce temps très spécial a passé avec un être cher lui était enlevé sans la moindre faute de sa part? Des milliers de visiteurs et de détenus au Canada sont victimes de ce traitement injuste. À mon avis, cela ne devrait pas continuer parce qu'il est difficile de vérifier que l'appareil est utilisé de façon équitable et parce que son efficacité est difficile à déterminer. À mon avis, l'utilisation de l'appareil IMS devrait cesser. Chaque jour où le scanner est utilisé, des Canadiens innocents subissent un préjudice.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être venus ce matin. Nous vous en sommes très reconnaissants. J'étais bien entendu heureux de déposer la pétition et peut-être moins satisfait de la réponse, mais nous allons y venir.
L'enquêteur correctionnel a déposé son rapport cette semaine et, une fois de plus, il a mentionné que le nombre de faux positifs constitue une source d'inquiétude et il a de nouveau recommandé l'examen et l'étude de cette question. Compte tenu que pendant que cette question est examinée et étudiée, ces choses continuent de se produire et un moratoire mérite certainement d'être envisagé.
Je voulais revenir sur ce sujet et sur la question de savoir ce que nous appellerions des « sources fiables »; personnel, professionnels et entrepreneurs sont des mots qui ont été mentionnés. Avec votre indulgence, je vais vous lire ce qu'Howard Sapers a dit il y a quelques années lorsqu'il était l'enquêteur correctionnel. Il a dit: « Rien ne montre que ce pic — les drogues dans la prison — est attribuable au fait que des personnes passent en contrebande des choses dans la couche d'un bébé. De fait, simplement l'opposé... ». Il a aussi ajouté: « Vous êtes moins susceptibles de trouver quelque chose qui est introduit dans le cadre d'une visite légitime que vous l'êtes d'autres sources — d'autres personnes qui entrent dans la prison, parfois des personnes dignes de confiance... personnel. Donc, le fait de se concentrer uniquement sur les visiteurs n'a rien à voir avec le problème. »
Je veux le comprendre de votre point de vue comme personnes qui offrent un soutien mutuel à des êtres chers. Le mot « dissuasion » a été utilisé et je pense que c'est un aspect que nous n'avons pas examiné en détail et seulement l'incidence qu'il a même sur les raisons qui vous incitent à faire ces déplacements. Si vous allez à Kingston, disons, c'est un déplacement de trois ou quatre heures pour certaines personnes, ou même plus selon là où vous habitez. En quoi est-ce que cela vous dissuade de vouloir y aller, sachant que vous pourriez effectivement causer plus de tort que de bien à l'être cher en lui rendant visite?
Allez-y, s'il vous plaît.