SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 novembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Mesdames et messieurs, commençons la 85e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous recevons deux témoins pour la première heure: Dale LeClair, chef de cabinet du Ralliement national des Métis, ainsi que Terry Teegee, chef régional de l'Assemblée des Premières Nations.
À moins que vous n'ayez conclu une entente entre vous, je vous invite à prendre la parole dans l'ordre.
Monsieur LeClair, allez-y.
Bonjour. Merci infiniment, monsieur le président.
C'est un réel plaisir de comparaître devant le Comité pour parler des questions d'ordre correctionnel. Je suis enchanté d'être aux côtés de mon confrère de l'Assemblée des Premières Nations, ou APN, le chef régional nouvellement élu qui est prêt à travailler fort dans l'intérêt du peuple.
Ce matin, je n'ai pas préparé beaucoup de points de discussion officiels, mais je souhaitais simplement m'exprimer ouvertement. J'espère aussi répondre à vos questions pertinentes sur le traitement des délinquants autochtones dans le système, en ce qui a trait aux soins, à la détention et à la libération conditionnelle.
Je tiens à informer les membres du Comité que j'ai été cadre des Services correctionnels pendant 10 ans. J'ai été le principal artisan de la stratégie nationale du pavillon de ressourcement, de la Stratégie des cheminements autochtones ainsi que d'autres initiatives, y compris le Conseil consultatif national des aînés.
Ce matin, j'ai la chance de revenir dans le temps. J'ai quitté les Services correctionnels depuis une douzaine d'années, et j'essaie d'évaluer dans quelle mesure ces projets et initiatives ont fonctionné. À l'époque où j'étais aux Services, il n'y avait que 1 400 délinquants autochtones dans le système. Les problèmes qu'ils rencontraient alors étaient évidemment les mêmes qu'aujourd'hui: des taux de récidive élevés, des niveaux de sécurité élevés, puisque les Autochtones sont principalement considérés comme des détenus à risque élevé ou moyen, et l'absence de déclassement graduel dans le système carcéral.
Dans le cadre de l'initiative, nous avions l'impression que les articles 81 et 84 de la nouvelle loi, à l'époque, permettraient de mobiliser la communauté autochtone pour qu'elle participe pleinement au volet correctionnel du logement et du travail avec les délinquants autochtones, de même qu'à la mise en liberté sous condition, qui relevait de la Commission nationale des libérations conditionnelles et des audiences avec l'aide d'un aîné.
Je ne suis pas surpris que les Services correctionnels aient entrepris de mettre pleinement en oeuvre des programmes précis pour les hommes et les femmes du système carcéral. À l'époque, il y a 12 à 14 ans, il était très difficile pour les contrevenants de rester sur la voie de la sobriété, du bien-être et de la santé à leur sortie de prison.
Nous avons donc pris cette initiative. J'aimerais dire qu'elle semble avoir fonctionné, mais qu'elle n'a eu d'effet ni sur l'entrée des Autochtones en prison ni sur leur sortie. Le concept du pavillon de ressourcement consistait vraiment à déplacer les délinquants à risque élevé, à les déclasser graduellement dans le système, puis à les installer dans des établissements communautaires tels que Pê Sâkâstêw, Okimaw Ohci ou Stan Daniels, à Edmonton. L'objectif est de donner aux collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuits la possibilité de véritablement composer avec les problèmes uniques que rencontrent les Autochtones, aujourd'hui encore.
Au cours des 10 années qui ont suivi le lancement du programme, c'était une réussite, mais il s'agissait de petits succès puisque nous avions encore du mal à comprendre les problèmes des Autochtones dans le système, qu'ils soient dans leur collectivité ou dans les rues de Vancouver. Il y avait des problèmes généralisés de santé mentale et de personnes qui ont grandi dans un système qui leur est étranger.
Vers les années 2000, nous avons réalisé une étude démontrant que 95 % des hommes et des femmes du système correctionnel proviennent de familles d'accueil. Vous verrez la corrélation entre leur développement et la route qui les mène au deuxième problème en importance, à savoir que 75 à 80 % des crimes perpétrés par des Autochtones ont été commis sous l'influence de l'alcool ou de la drogue. C'est donc toute une série de problèmes qui les mènent tout droit vers le système de justice pénale, puis devant les tribunaux et, finalement, dans le système carcéral.
Les Services correctionnels ne se limitent pas au volet correctionnel — c'était notre devise. L'objectif des Services est de savoir ce qui mène un individu sur cette voie, un chemin qui l'entraîne dans le système carcéral jusqu'à sa sortie.
Les Services correctionnels sont censés viser la réadaptation. C'est censé être ainsi. J'imagine que tout dépend de quel côté de la médaille vous vous situez. Ils portent aussi sur l'incarcération. Il doit donc y avoir un meilleur équilibre et une meilleure compréhension. Je dirais que dans le contexte des questions autochtones et du jugement de la Cour suprême contre Daniels, il y a des conditions et des enjeux qui pourraient être envisagés dans une perspective beaucoup plus large. Les Services correctionnels ne sont qu'un volet du système de justice.
Il faut commencer par le début. Un avocat spécialisé en droit pénal doit comprendre que certaines conditions mènent les gens sur cette voie. Dans la société d'aujourd'hui, nous sommes en train de parler de réconciliation, de collectivités en meilleure santé et de mobilisation communautaire. Vous nous parlez d'une relation de nation à nation, ainsi que de la façon de vraiment régler ces problèmes. Il faut continuer sur cette voie.
Je ne vais pas rester ici à dénigrer le système correctionnel, puisqu'il est géré par des personnes comme vous et moi. J'ai songé à une chose ce matin: nous sommes bien loin de l'établissement de Millhaven. Nous sommes très loin aussi du centre Pê Sâkâstêw. Qu'est-ce qui vous a mené jusqu'à cette table? En revanche, pourquoi la route est-elle si courte pour les Autochtones qui se retrouvent derrière les barreaux? Nous devons réfléchir à cela. Nous devons nous occuper des enjeux déterminants.
Si le Comité se tourne vers une étude pour savoir quoi faire, il doit examiner l'ensemble du système. Le gouvernement doit commencer à déterminer ce à quoi ressemblent des services de garde efficaces pour les Autochtones, les Métis, les Inuits et les Premières Nations, et peut-être qu'il le fera. Je crois que la ministre Philpott va tous nous réunir au cours de la nouvelle année afin de parler de la mise en place de services efficaces pour les enfants et les familles.
Sans de tels services, les prisons se remplissent. En 2000, alors qu'il y avait 1 700 délinquants, je me souviens avoir écrit qu'il y en aurait 4 000 aujourd'hui, et je suis triste d'affirmer que j'avais raison. Les systèmes doivent changer. J'espère que votre comité se penchera sur ce qui mène les Autochtones vers une telle situation, et sur ce que nous pouvons faire pour les aider, car je suis d'avis que le programme du pavillon de ressourcement a connu un grand succès pour ceux qui étaient vraiment sur la voie de la guérison.
En ce qui a trait aux établissements à sécurité moyenne et élevée, nous avons créé la Stratégie des cheminements autochtones. Nous avons tenté d'isoler les délinquants autochtones de la population générale, d'intégrer les aînés et d'instaurer des programmes qui ciblent précisément les problèmes que rencontrent les femmes et les hommes autochtones.
Je pense qu'il y a beaucoup d'enjeux dont il faut discuter. Nous devrions avoir plus de 10 minutes. Vous avez évidemment un rôle déterminant à jouer ici. Vous devez poser des questions importantes. Ouvrez votre esprit à l'ensemble du système. Je pense que le gouvernement dans son ensemble et les Canadiens sont prêts à tenir un dialogue beaucoup plus ouvert sur la réconciliation avec les peuples autochtones. Je suis d'avis que nos collectivités possèdent certaines des solutions, mais pas toutes. Je crois que nous devons simplement collaborer et définir la voie à suivre. Je ne veux plus que la route soit aussi courte pour nos jeunes.
Terry et moi disions tout à l'heure que notre population de jeunes est en expansion. Nous sommes le segment de la population qui affiche la plus forte croissance au pays. J'ignore ce que l'avenir leur réserve. Malheureusement, le fait est que certains d'entre eux finiront dans des pénitenciers, ce à quoi nous devons mettre un frein. Nous devons trouver un moyen de colmater la brèche, ce qui nécessite une vision holistique.
J'ai hâte de répondre aux questions. Il y a tellement de choses à aborder et à faire. Je vais m'arrêter ici, et je vais céder la parole à mon confrère Terry, qui est le chef régional.
Merci, monsieur LeClair.
Une des singularités des comités est que vous devez passer par la présidence.
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Pour commencer, je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
Je m'appelle Terry Teegee. Mon nom de chef héréditaire est Maxweeum Tsimghee, le loup à la tache blanche sur la tête. Je suis le chef régional nouvellement élu de l'Assemblée des Premières Nations, ou APN, de la Colombie-Britannique.
Je souhaite remercier le Comité. [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Je vous remercie de permettre à mon confrère Dale LeClair et à moi-même de vous donner un aperçu aujourd'hui du lien qui existe au pays entre le système correctionnel et le peuple autochtone, ainsi que du nombre disproportionné de membres des Premières Nations qui aboutissent dans ce système.
Je souhaite vous dresser un bref portrait de la situation. Étant donné que nous n'avons que 10 minutes, je vais essayer d'être le plus concis possible et de parler des chiffres que Dale vous a déjà présentés.
Le fait est que les Autochtones ne comptent que pour 4 % de la population canadienne, mais que nous représentons pourtant 24 % des détenus du système correctionnel au pays. C'est tout à fait disproportionné comparativement au reste de la population.
Au fil des années où le gouvernement conservateur Harper était au pouvoir, la population carcérale totale a augmenté considérablement, mais les Premières Nations et les Autochtones formaient la vaste majorité de ces détenus. Ces chiffres sont pour ainsi dire demeurés inchangés, malgré les promesses de modifications politiques et législatives, ainsi que d'une relation de nation à nation qui serait fondée sur les droits garantis par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, sur les droits constitutionnels des Autochtones, et sur notre titre inhérent et reconnu aux terres.
Si j'en parle, c'est parce que le déplacement de notre peuple à l'extérieur de nos terres a vraiment eu une incidence sur la place que nous occupons au sein de la société. Nous avons constaté que cette relocalisation a eu un véritable effet sur notre santé et sur notre capacité à occuper un emploi bien rémunéré, à participer à la société en tant que Canadiens et à bâtir une vie épanouissante. Notre peuple n'a jamais participé à l'économie, ce qui est directement attribuable à l'incarcération d'un si grand nombre des membres de nos collectivités.
Le taux d'incarcération de nos femmes a grimpé de 112 % au cours de la dernière décennie. Cette hausse est attribuable à bon nombre de lois pénales, bien plus de 30, qui aggravent la peine pour divers crimes, surtout des délits mineurs qui font que le cercle vicieux ne se rompt pas.
Comme mon collègue Dale l'a dit, nous observons ce cercle vicieux chez de nombreux Autochtones du système judiciaire. Or, nous sommes ici pour briser ce cycle. Pour y arriver, il faut notamment avoir recours à la justice réparatrice et envisager des systèmes de justice alternative qui sont mieux adaptés à la culture.
La justice réparatrice passe aussi par la réadaptation. Comme nous le disons depuis des années, il faut notamment investir plus de ressources pour qu'un grand nombre d'Autochtones aient accès à la justice réparatrice et la réadaptation.
Dans bien des régions du pays, il manque de chiffres concrets et d'analyses pour cerner exactement le problème. En Saskatchewan, par exemple, il est impossible de diffuser des chiffres sur les Autochtones, mais cela doit changer.
Je pense que je vais simplement m'arrêter ici. Mon homologue Dale a décrit certaines des raisons pour lesquelles beaucoup de nos semblables se retrouvent dans le système judiciaire.
Cependant, une partie du problème est qu'une fois que les Autochtones sont incarcérés ou en période de probation, ils doivent avoir accès aux ressources nécessaires pour réussir leur réadaptation et leur réintégration à la société. Il ne suffit pas de les réintégrer à l'ensemble de la société, mais à leur communauté aussi. Je pense que c'est ce qu'il faut vraiment faire ici. Lorsque ces nombreuses personnes reviennent dans nos réserves, elles doivent être placées dans un milieu adapté à la culture de sorte qu'elles puissent réintégrer la collectivité.
Des dizaines de conditions sont imposées aux individus. En Colombie-Britannique, 40 % des affaires criminelles devant les tribunaux sont désormais reléguées à l'administration de la justice, y compris des infractions comme la violation des conditions de mise en liberté ou de probation. Dans ma province de la Colombie-Britannique, le système judiciaire laisse tomber les Autochtones. Il n'y a pas suffisamment de juges pour examiner toutes les affaires sur le territoire. Je sais qu'il en va de même pour d'autres régions aussi. Voilà donc un autre exemple de cercle vicieux où de nombreux Autochtones reviennent sans cesse dans le système judiciaire et les nombreuses prisons du pays.
En ce qui concerne la justice réparatrice, de nombreux rapports ont été diffusés sur le sujet, y compris celui de la Commission de vérité et réconciliation. Parmi les recommandations du rapport, si vous en avez un exemplaire — nous devrions peut-être vous en laisser quelques-uns —, il y a les appels à l'action 30 à 42. On y trouve de nombreuses recommandations: changer le système judiciaire, briser le cycle, fournir des ressources en santé mentale et sur des problèmes comme le trouble du spectre de l’alcoolisation foetale, ou TSAF, à bon nombre des membres de nos communautés, et réadapter notre peuple pour le réintégrer à la société et à nos collectivités.
Je vous invite à examiner les nombreux rapports. Certains ont une portée internationale et traitent de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, alors que d'autres concernent la Commission de vérité et réconciliation. Nous connaissons tous les 94 appels à l'action, l'incidence des pensionnats indiens et l'héritage du colonialisme. Nous savons pourquoi de nombreux Autochtones souffrent de cet héritage et de ses conséquences puisqu'ils ont été arrachés à leurs terres et ne participent pas pleinement à la société et à nos communautés. Voilà qui a brisé de nombreuses familles, de sorte que beaucoup de nos enfants ont été enlevés, comme Dale l'a dit.
Nous avons vu la plupart de nos enfants être pris en charge par le système de famille d'accueil. Nous n'avions jamais vu ces chiffres astronomiques, mais il existe une corrélation directe entre les familles d'accueil et le système judiciaire. Nous devons empêcher cela, transférer les responsabilités du système de famille d'accueil à notre gouvernance, et adopter des mesures préventives pendant la vie de nos enfants pour nous assurer qu'ils restent au sein de la communauté. Je pense que ces éléments font partie des mesures préventives. En plus de la prévention, la réadaptation est essentielle pour réduire le nombre d'Autochtones dans le système judiciaire et les prisons.
Je vais m'arrêter ici.
Nous devons agir. C'est très clair à la lumière des nombreux rapports des provinces et du fédéral sur le nombre disproportionné d'Autochtones incarcérés dans le système. Je remercie donc les membres du Comité. J'espère certainement collaborer avec vous et vous parler à nouveau. Comme mon homologue l'a dit, nous ne ferions qu'effleurer la surface si nous en parlions toute la journée, et 10 minutes sont loin de faire justice à notre peuple. J'attends donc avec impatience de travailler davantage avec vous et d'opérer des changements pour améliorer le sort de notre peuple autochtone.
J'aimerais remercier les deux témoins. Vous avez raison, il y a beaucoup d'éléments à couvrir. J'aimerais dire que j'ai les appels à l'action sur mon téléphone, mais j'aimerais beaucoup obtenir un exemplaire en papier, car ce serait plus facile à consulter. Je vais maintenant faire référence à certains d'entre eux.
J'aimerais commencer par un point que vous avez mentionné, car il a été soulevé à plusieurs reprises, c'est-à-dire les ressources dont nous avons besoin pour aider les gens qui sortent de prison à réintégrer leur collectivité. J'ai consulté le rapport intitulé Une question de spiritualité et d'autres documents. Il semble exister deux enjeux précis. L'un concerne le retour dans les réserves, mais l'autre concerne le retour en milieu urbain.
Pourriez-vous nous aider à déterminer les ressources nécessaires?
Je répondrai en premier.
Lorsqu'un individu vient d'une dynamique familiale dans une collectivité où il a été accusé, il retourne manifestement dans cette collectivité où il a été accusé et inculpé. À de nombreux égards, depuis des années et encore aujourd'hui, je pense, le système tente d'établir des liens entre les hommes et les femmes incarcérés et leur famille et leur collectivité. Je crois que le problème qui se pose dans le cas d'un retour dans les réserves ou dans les collectivités métisses dans le Nord, c'est que c'est un peu plus difficile en raison de la coupure que vit l'individu relativement à sa collectivité. Cette situation a toujours été l'un des problèmes principaux. Par exemple, une personne peut affirmer être originaire de la Première Nation de Whitefish Lake, mais elle n'y est pas allée depuis qu'elle était enfant, lorsqu'on l'a retirée de sa collectivité.
En milieu carcéral, le système correctionnel tente de rétablir le contact entre ces personnes et leur identité et leur spiritualité. Les aînés qui nous aident à y arriver font un travail extraordinaire. Nous avons des programmes axés sur les Premières Nations qui sont exécutés par des instructeurs des Premières Nations, des instructeurs métis, etc. On souhaite réellement que ces hommes rétablissent ces liens.
Le problème, c'est que la plupart du temps, ils sont rejetés. En effet, Whitefish ne semble pas... Ils connaissent le nom de la collectivité, mais ils ne connaissent rien d'autre à son sujet. Je crois qu'il faut investir les ressources nécessaires dans la collectivité pour aider les gens à comprendre la situation, à mieux comprendre le système correctionnel et à offrir une certaine capacité, que ce soit par l'entremise d'aide juridique, d'agents de libération conditionnelle dans la collectivité ou d'agents de gestion de cas dans la collectivité. Il reste encore beaucoup de travail à faire.
L'article 84 — je pense qu'il s'agit de l'article 84 — de la Loi permet cette réintégration dans la collectivité, ainsi que les services de libération conditionnelle et de gestion de cas dans la collectivité, mais je ne crois pas que le Service correctionnel du Canada ait la capacité financière d'établir ces liens.
Il y a un manque de communication entre le travail effectué par ces services et le travail effectué par la commission des libérations conditionnelles, même si c'est par l'entremise de ce qu'on appelle les « audiences avec l'aide d'un Aîné ». On doit améliorer la communication entre ces entités, le délinquant, la Commission nationale des libérations conditionnelles et la collectivité.
Les enjeux urbains créent un problème encore plus important. Encore une fois, je connais des endroits comme... Je crois que vous discuterez avec Al Benson aujourd'hui, juste après nous. Il fournit un service en milieu urbain, le Centre Stan Daniels, et il fait un travail remarquable en ce qui concerne l'intégration. Je crois que cet organisme a besoin de plus d'argent pour lier les programmes de réintégration au marché de l'emploi et aux services de santé, etc. Il faut aussi avoir la capacité de faire venir les membres de la famille et de rétablir la communication avec eux.
J'aimerais faire valoir un dernier point. Lorsque nous avons construit le Pavillon de ressourcement Ochichakkosipi, au Manitoba, l'une des premières notions qui a été en quelque sorte perdue au cours de ce projet, mais qui servait de fondement au programme, consistait à faire venir les membres de la famille au pavillon. Nous avions des logements pour eux et ils devaient participer au processus de réintégration du délinquant et l'accompagner pendant sa transition, afin qu'ils apprennent à gérer cela ensemble. Le chef régional parle de la libération conditionnelle. Parfois, si un délinquant est libéré sous la condition de ne pas consommer de l'alcool, mais qu'il s'approche de l'alcool, il est possible de le ramener. On peut traiter le délinquant, mais il faut retourner dans la collectivité et traiter aussi la collectivité.
Je crois que des ressources de ce type doivent être renforcées et offertes aux collectivités, que ce soit en milieu urbain ou communautaire.
Je peux seulement parler de mon expérience, tout comme Dale a parlé de la sienne plus tôt.
En Colombie-Britannique, nous avons environ quatre ou cinq tribunaux de justice alternative. Je dois également mentionner que je m'occupe du portefeuille de justice de l'APNCB et que je suis le chef du conseil tribal Carrier Sekani. L'une des choses que nous faisons dans les centres urbains comme Prince George — et je sais que cela se passe également à New Westminster et sur l'île de Vancouver —, c'est que nous considérons les tribunaux de justice alternative. Ces systèmes de tribunaux doivent devenir des ressources. On parle d'une justice alternative dans laquelle les aînés s'occuperaient de la peine, en quelque sorte, ou de la justice réparatrice. Nous avons besoin d'initiatives comme celle-là.
Dans les environs de Prince George, il faut renforcer les liens entre les collectivités autochtones et la GRC, afin de mieux comprendre pourquoi un grand nombre de nos gens sont incarcérés et pour tenter de prévenir certains de ces problèmes. J'ai eu la chance de rencontrer Brenda Butterworth-Carr. En fait, nous avons travaillé avec elle et nous avons réellement changé la relation entre les peuples autochtones et le surintendant de Prince George. Elle est maintenant la responsable principale des relations avec la GRC en Colombie-Britannique, et elle a travaillé à Ottawa. Il s'agit donc d'une autre relation grâce à laquelle nous pourrons peut-être empêcher un grand nombre de nos gens de se retrouver en prison.
Ensuite, il faut changer la relation directe avec les enfants en famille d'accueil et le système de garderie, et nous tentons de faire cela. Nous n'avons jamais vu un si grand nombre d'enfants dans le système de famille d'accueil.
Il me reste seulement une demi-minute, et je ferai donc une brève intervention, car je crois que nous reviendrons sur cette question.
Dans le rapport Une question de spiritualité, on suggère au Service correctionnel du Canada de créer un poste de sous-commissaire pour les services correctionnels aux Autochtones — ce qui n'a pas été fait. J'aimerais que vous me précisiez — en 20 secondes — dans quelle mesure il s'agit toujours d'une priorité.
Je pense que c'est le cas. Tout ce qui pourrait aider à apporter des changements et peut-être à mettre en oeuvre des changements de politique pour les Autochtones contribuerait à l'avancement de notre cause.
Très brièvement, j'aimerais préciser que cette demande existe depuis les 30 dernières années. Elle a été diffusée, et les enquêteurs correctionnels et d'autres intervenants l'ont mentionnée. Les dirigeants nationaux l'ont renforcée. Je crois que c'est un poste très important, mais en plus de créer ce poste de commissaire, il faut commencer à investir des fonds concrets dans ce projet, afin que plus de travail... Je tiens à terminer avec le point suivant. Dans mon temps, il y avait de 1 400 à 1 700 individus incarcérés. Maintenant, il y en a 4 000, et ce nombre pourrait augmenter à 5 000. Il faut davantage de ressources et des directives plus précises. À mon avis, la création d'un poste de commissaire qui se concentre sur ce mandat et qui a la capacité de faire ce que nous avons entrepris avec les programmes de pavillons de ressourcement et certains des programmes de réintégration communautaire est essentielle dans le cadre de cette demande.
Merci, madame Dabrusin. Monsieur LeClair, je vous félicite d'avoir réussi à transformer 20 secondes en une minute et demie.
Monsieur Motz, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
L'un des thèmes qui reviennent, selon moi, pendant cette étude, c'est qu'on ne peut pas contester les données, c'est-à-dire le nombre disproportionné d'Autochtones dans nos systèmes. Je me suis toujours demandé pourquoi une telle situation existait. Nous savons qu'il y a des programmes de justice réparatrice et de justice alternative qui ont plus ou moins de succès, selon la personne visée.
Je crois qu'en général, le système cherche à améliorer les soins offerts aux Autochtones en milieu carcéral et à les aider ensuite à réintégrer leur collectivité. Je reviens toujours à ce nombre qui continue d'augmenter — et il ne s'agit pas toujours de récidivistes. En effet, un grand nombre de nouveaux délinquants se retrouvent dans le système.
Ainsi, j'aimerais donc savoir, chef Teegee, ce que vous prévoyez accomplir, dans le cadre de vos nouvelles fonctions, pour faire une différence sur le terrain auprès de vos jeunes et de vos collectivités, afin que ceux qui se retrouvent en conflit avec la loi s'efforcent d'améliorer leur situation et évitent d'alimenter ces statistiques à l'avenir.
Monsieur LeClair, j'aimerais vous poser la même question. Je suis toujours curieux d'entendre votre point de vue sur les mesures qui devraient être prises. Monsieur, vous êtes en position de faire quelque chose à cet égard, et j'aimerais beaucoup savoir comment la situation évoluera.
Je crois que la solution dans ce cas-ci, ou l'occasion qui me permettrait de faire des changements, se trouve réellement dans la collectivité. Il faut revenir à nos collectivités autochtones, où de nombreux systèmes ne fonctionnent plus. Pour apporter des changements concrets, il faudra apporter des changements inter-administrations au sein du système. Il y a beaucoup de pauvreté dans nos collectivités, et il existe une relation directe entre la pauvreté et les infractions qui mènent à l'incarcération.
Il faut réellement examiner la racine du problème, comme je l'ai dit auparavant, c'est-à-dire le colonialisme et les séquelles du système de pensionnats. Nous devons intervenir quelque part. Dans le cadre de mes responsabilités, je m'occupe du développement économique d'un grand nombre de nos collectivités, et nous participons pleinement aux ressources et au développement d'un grand nombre de nos secteurs économiques dans nos collectivités. Cela nous permet d'avoir davantage de ressources pour empêcher une grande partie de ces problèmes d'émerger et pour ramener un grand nombre de nos enfants dans leur collectivité.
Le nombre d'enfants qui se trouve actuellement dans le système de famille d'accueil est plus élevé que le nombre d'enfants qui se trouvait dans le système de pensionnats à son niveau le plus élevé. Nous devons retourner ces enfants dans leur collectivité pour prévenir l'émergence d'un grand nombre de ces problèmes.
Une partie de la solution est également liée à l'éducation. On doit offrir une éducation culturellement adaptée à nos enfants, non seulement dans les écoles publiques, mais également dans nos collectivités. Lorsque nous observons un taux d'obtention de diplôme aussi bas que 40 % — comparativement à 80 et 90 % dans la population générale —, nous pouvons affirmer qu'il y a un problème. Lorsque nous observons que des enfants n'obtiennent pas leur diplôme ou qu'ils ne remplissent pas leurs obligations d'apprenants dans le système scolaire public, c'est peut-être le système scolaire public qui pose problème.
Vraiment, dès qu'on ouvre cette boîte, on constate que l'ensemble du système présente de nombreux problèmes. Lorsqu'on examine cette boîte de Pandore et qu'on commence à gratter la surface, on peut voir les problèmes qui se posent dans le système non seulement à l'échelon provincial, mais également à l'échelon fédéral.
Je dirais qu'il faut apporter des changements. Il faut examiner ces enjeux liés au développement économique, à l'éducation et à la capacité de nos enfants de participer à des programmes alternatifs, par exemple des activités sportives, qui contribuent de façon importante à éviter à nos enfants ou à nos jeunes adolescents de se retrouver en prison.
Si vous prenez l'exemple des Jeux autochtones de l'Amérique du Nord, qui se sont déroulés récemment à Toronto — et j'ai découvert cela hier, par l'entremise du grand chef Wilton Littlechild, l'un des rédacteurs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones —, vous constaterez que six mois avant les jeux et six mois après les jeux, on a enregistré une diminution nette du nombre d'infractions commises dans certaines de nos collectivités. Je crois que c'est une bonne indication des résultats que peut produire la participation de nos jeunes à certains événements. C'est l'une des histoires de réussite liées aux Jeux autochtones de l'Amérique du Nord et à d'autres initiatives que nous devons lancer.
C'est ce que j'aimerais voir au cours des trois prochaines années.
Monsieur LeClair, vous avez une minute que vous souhaiterez peut-être prolonger à deux minutes et demie ou à trois minutes. Je ne suis pas sûr.
Je crois que le chef régional a touché à tous les aspects. Il s'agit vraiment de savoir où en est la société au Canada.
Si vous m'aviez demandé, 15 ans plus tôt, si je croyais que nous vivrions un jour dans un environnement de réconciliation avec les peuples autochtones dans notre pays, je vous aurais répondu que vous étiez fou. En effet, j'ai grandi dans une collectivité où nous étions constamment confrontés au racisme, à l'incompréhension et à ces types de comportements.
Je crois que nous nous sommes libérés de cela, et j'en suis très fier. Je pense que si les membres de ce comité et les citoyens de notre pays, d'une façon non partisane, commencent à s'adapter et à cerner les enjeux principaux auxquels nous faisons face dans nos collectivités, et participent à un dialogue approfondi sur le bien-être dans nos collectivités... Cela commence par des discussions sur les enfants et les services aux familles, sur la pauvreté et sur notre autonomisation et nos relations.
Je sais qu'il me reste seulement une minute, et j'ai...
D'accord.
Je crois que c'est vraiment l'essentiel. Il faut s'engager dans un cadre de réconciliation véritable et examiner attentivement les vrais enjeux dont on a parlé au sein de la Commission de vérité et de réconciliation. Parlons de nos relations et de la façon de donner aux groupes autochtones comme le nôtre les moyens de sortir du modèle colonial.
J'ai beaucoup d'autres choses à dire, monsieur le président, mais...
Je constate qu'il sera difficile de gérer le temps. Je devrais peut-être utiliser un cadran solaire.
La parole est maintenant à M. Dubé.
Merci, monsieur le président.
L'un d'entre vous a parlé du manque de statistiques.
J'aimerais que vous nous précisiez, si c'est possible, les renseignements manquants. En effet, si nous souhaitons élaborer une politique, nous devons mieux comprendre la situation. On a soulevé cet enjeu, et je n'ai pas tout à fait compris ce que nous devons mesurer davantage relativement à certains des problèmes auxquels font face les collectivités.
Merci, Matthew.
L'une des choses que nous voulions explorer concernait les interactions de la police avec les peuples autochtones, par exemple en Saskatchewan, ce qui comprend les services de police municipaux. En effet, ces derniers profitent d'une exemption de la Loi sur l'accès à l'information. Si le chef régional Bobby Cameron, par exemple, souhaite connaître le nombre de personnes incarcérées en Saskatchewan, il ne peut pas obtenir ce renseignement, et je crois que certaines provinces ne fournissent pas ce type de renseignement.
Il serait utile de pouvoir observer le type d'interactions qui se produisent. Par exemple, un individu a-t-il été arrêté parce qu'on entretient des soupçons à son égard ou a-t-il été arrêté parce qu'il conduisait en état d'ébriété? Il est essentiel de pouvoir examiner les statistiques sur les raisons pour lesquelles les membres de notre peuple sont incarcérés et ont été arrêtés par la police pour comprendre ce qui se passe.
C'est seulement un cas que nous connaissons. Je suis sûr qu'il y en a de nombreux autres.
Monsieur le président, monsieur Dubé, je crois que de nombreuses statistiques ont été publiées. Je pense qu'elles se trouvent quelque part, que nous les cherchions dans le contexte du système judiciaire, du système des services de police ou du système correctionnel.
Lorsque nous examinons d'autres résultats en matière d'éducation, lorsque nous recensons les enfants pris en charge ou que nous comprenons mieux les centres de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, etc., nous constatons qu'il existe énormément de renseignements que nous pouvons utiliser pour orienter nos actions. Je crois que nous avons toujours tendance à adopter une approche limitée. Nous sommes limités par notre point de vue étroit et nous affirmons que c'est le problème, par exemple lorsque nous parlons du taux de récidivisme des hommes et des femmes des Premières Nations ou des hommes et des femmes métis qui sortent de prison. Nous nous accrochons à cela, et ensuite nous menons des analyses et nous trouvons des raisons pour expliquer le retour de ces gens dans le système.
Il est temps de passer à l'action. Je crois que des renseignements permettant de comprendre la pauvreté, le racisme et le colonialisme sont accessibles. Je pense qu'il s'agit tout simplement de s'en servir maintenant.
Les éléments fondamentaux qui permettent de cerner les enjeux existent déjà. Je crois que nous devons utiliser et analyser ces statistiques pour déterminer les secteurs qu'il faut cibler.
Au sujet des jeunes, vous avez beaucoup mentionné l'éducation et les services de garde dans vos observations: ce sont indéniablement des aspects très importants. Cependant, j'ai été vraiment choqué d'entendre des fonctionnaires du Service correctionnel du Canada dire qu'en dépit de tous les programmes que le ministère offre aux personnes malheureusement incarcérées, aucun ne cible spécialement les jeunes contrevenants, ceux-là mêmes qui présentent le risque le plus élevé de récidive.
Compte tenu du grand nombre de jeunes parmi la population carcérale, croyez-vous qu'il devrait y avoir des programmes ciblant spécialement les jeunes, pour les aider à surmonter des problèmes comme la dépendance ou les troubles de santé mentale? Après tout, quand un jeune sort du pénitencier et que nous voulons le réintégrer à la société, c'est encore plus important, parce que c'est bête à dire, mais il lui reste beaucoup d'années à vivre et nous voulons qu'il soit un membre à part entière de la collectivité.
Je pense que la situation est très difficile dans beaucoup de provinces et de territoires.
Je peux vous parler des Carrier Sekani. Selon la lignée et les ancêtres du jeune, il faut trouver la bonne personne pour assurer sa réhabilitation culturelle. S'il s'agit d'un Métis, il doit être accompagné par un Métis.
Or, nous avons besoin de ressources supplémentaires pour cela, pour que nos enfants renouent avec notre culture, avec la terre. Il est attesté que les jeunes contrevenants ont plus de chances de rompre le cycle de la criminalité s'ils bénéficient de mesures de justice réparatrices culturellement appropriées, et j'aimerais bien avoir des statistiques sur lesquelles m'appuyer.
Je m'excuse de vous interrompre, mais mon temps est compté. Croyez-vous qu'il devrait y avoir un volet spécial pour les jeunes dans les programmes culturellement adaptés?
Oui, et c'est une partie de l'équation. Les jeunes contrevenants ont besoin d'un programme culturellement adapté. Les membres de la nation Carrier doivent bénéficier d'un programme culturellement adapté aux Carrier, et l'âge de la personne n'y change pas grand-chose, parce que si un aîné vient me parler, que j'aie mon âge ou bien moins, je pourrai profiter de toute sa sagesse, que je sois chef ou non, et c'est très important.
Je pense qu'il faut absolument qu'on ait accès aux bonnes personnes, à la bonne culture.
Oui, c'est absolument clair. Je pense que le chef régional exprime bien les autres aspects du programme correctionnel.
Si les statistiques m'apprennent une chose... C'est bien connu: en prison, si l'on demande à un détenu autochtone pour combien de temps il est incarcéré, il répondra qu'il est condamné à l'emprisonnement à vie par mensualités.
Nous devons faire mieux, particulièrement avec les jeunes. Nous devons aussi mieux aider les jeunes à l'extérieur du système.
La réponse est claire: oui.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être ici. J'apprécie votre témoignage sur les problèmes dans les communautés et chez les jeunes, qui découlent de la colonisation et des pensionnats. Le Comité se penche sur le système correctionnel, et c'est la raison pour laquelle nous axons notre étude sur ce que nous pouvons faire pour aider les détenus, pour qu'ils aient accès à des programmes appropriés ainsi qu'à la libération anticipée, parce que ce n'est pas le cas en ce moment.
Je vous invite tous deux à venir comparaître devant le Comité de la condition féminine parce que nous étudions la situation des femmes autochtones en milieu carcéral et que notre mandat sera beaucoup plus vaste, qu'il comprendra notamment l'accès à la justice.
Vous avez mentionné la sous-commissaire, la pertinence de cette fonction. On dit qu'il devrait y avoir des agents correctionnels et des agents de libération conditionnelle autochtones et qu'il n'y a pas assez de gens qui choisissent cette profession. Quand les représentants du Syndicat des employés du Solliciteur général ont comparu devant nous, ils ont dit qu'il serait vraiment bien que des agents correctionnels fassent de la sensibilisation dans les communautés et qu'on offre des ressources pour que les personnes intéressées puissent suivre les cours dont elles ont besoin. Ce n'est pas tout le monde qui peut subvenir à ses besoins pendant trois mois sans revenu, le temps de suivre les cours nécessaires pour pouvoir travailler en milieu correctionnel.
Êtes-vous d'accord avec cette idée pour le recrutement? Croyez-vous qu'il faut faire de la sensibilisation dans les communautés? Avez-vous d'autres propositions à nous faire pour faciliter le recrutement dans le système correctionnel?
C'est une excellente question et une très bonne observation. On parle de la réalité correctionnelle, mais comme vous le savez peut-être, ou non, à une certaine époque, il n'y avait pas de sous-commissaire pour les femmes. Évidemment, après le rapport Arbour et compte tenu des services qui se développent avec le pavillon de ressourcement Okimaw Ohci pour femmes, en Saskatchewan, je pense qu'il faut en faire une priorité. Quand j'étais là, j'ai élaboré un programme national d'embauche autochtone. Nous connaissions un succès grandissant en Saskatchewan, mais nous n'arrivions absolument pas à suivre le taux d'incarcération, c'est certain.
Je disais toujours la même chose aux milliers de délinquants. Il est facile de blâmer le système parce que c'est un Blanc qui vous a arrêté, que c'est un Blanc qui vous a jeté en prison et que votre geôlier est encore un Blanc. Ils sont fâchés contre le système et il y a un préjugé négatif qui se forge contre les Blancs. Je brosse un portrait grossier.
Quand nous avons conçu le projet du pavillon de ressourcement, l'idée était qu'il soit géré par des Autochtones. À Pê Sâkâstêw, de 60 à 70 % des employés sont autochtones. Cela met donc un frein à ce raisonnement et au blâme jeté sur les Blancs. Je dirais que c'est la même chose ici.
En tant que directeur de services correctionnels, je passais aussi du temps à résoudre toutes sortes de problèmes dans le système, dont des conflits raciaux entre employés. Je serai totalement honnête avec le Comité: quand j'ai démarré le projet du pavillon de ressourcement, les gardiens et les sous-commissaires régionaux m'avaient dit qu'ils ne construiraient jamais de pavillon de ressourcement dans leur région. Ils pensaient que je faisais fausse route. Cependant, lentement, graduellement, je suppose, le concept du pavillon de ressourcement a fait son chemin, le concept des Sentiers autochtones a fait son chemin, et je pense que plus il y a d'hommes et de femmes autochtones qui utilisent ces services, plus ils connaissent du succès. Pour répondre à votre question, je dirais qu'effectivement, cela prend des efforts concertés.
Je ne travaille plus dans le système correctionnel depuis 10 ou 12 ans, mais la sous-ministre actuelle, Gina Wilson, et moi avons travaillé très fort, avec notre équipe, pour donner vie à ce concept. Je pense que le temps serait venu de réexaminer le système et de créer un nouveau groupe de travail pour se pencher sur ces enjeux, parce que le système correctionnel vise des humains. On ne parle pas de béton ici. C'est un système qui s'adresse à des humains, et ce sont aussi des humains qui travaillent dans le système. Nous devons trouver des gens qui comprennent les Autochtones, et il peut s'agir d'Autochtones comme de non-Autochtones. Plus il y aura d'employés autochtones prêts à aider et à comprendre le système, le mieux nous nous porterons.
Je pense qu'il faut faire du renforcement. Le seul problème, c'est que la plupart des gens ne pensent pas immédiatement aux prisons lorsque vient le temps de choisir un milieu de travail, parce qu'on est inondé...
Quand je suis allée à Winnipeg, puis à Stony Mountain, j'ai été surprise de voir le nombre de personnes qui considéraient que c'était un bon choix de carrière et le nombre d'étudiants qui travaillaient dans ces établissements pour un emploi d'été. C'est qu'ils vivent dans une communauté où c'est considéré comme une belle carrière. Je pense que tout dépend de... Nous pourrions probablement en parler toute la journée.
Seulement, il faut le dire et le redire, parce que vous avez raison. Comme je le disais, ce n'est pas le premier choix de tout le monde d'aller travailler à Stony Mountain ou au pénitencier de Kent, mais on pourrait vouloir travailler à Pê Sâkâstêw ou à Okimaw Ohci.
Je ne sais pas si vous savez que dans le dernier budget, le gouvernement s'est engagé à verser 65 millions de dollars pour augmenter les ressources à la disposition des agents de développement communautaire, donc il y a de l'argent frais qui sera injecté dans ces services.
Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Teegee?
Je pense qu'il serait probablement bon qu'il y ait plus d'Autochtones dans le système. Le maintien de l'ordre est toujours un enjeu dans les communautés autochtones. Les forces policières autochtones sont gravement sous-financées, leurs policiers ne bénéficient pas de la parité salariale et doivent utiliser de l'équipement désuet. Cela fait partie du système correctionnel; c'est un système déjà très inéquitable pour les Autochtones qui essaient d'offrir des services policiers dans nos communautés.
Je sais que c'est un peu différent, mais c'est un peu lié aussi. Je crois que s'il y avait plus d'Autochtones dans le système correctionnel, ils pourraient éclairer le Comité. Nous aurions avantage à inviter des Autochtones à venir nous décrire les problèmes en présence dans le système. Je pense que ce serait...
Nous avons reçu un agent de libération conditionnelle autochtone à notre dernière séance.
C'est tout le temps que j'avais.
Je vous remercie tous deux de prendre le temps d'être ici aujourd'hui. C'est très apprécié.
J'ai deux séries de questions, et peu m'importe lequel d'entre vous y répond. Je ne les adresserai à personne en particulier.
Vous avez tous deux mentionné le manque d'activité économique parmi les plus grands obstacles à l'emploi pour les Canadiens autochtones, inuits et métis, dans les réserves comme à l'extérieur. De quoi aurions-nous besoin en particulier, d'après vous, dans les réserves mais aussi à l'extérieur, pour les Métis ou les Inuits? Ce sont des généralisations, mais si nous voulons qu'un changement s'opère, je crois d'expérience qu'il nous faut plus de détails.
Faut-il parfaire les compétences professionnelles? Devrait-il y avoir des emplois associés à des redevances? Quelles mesures de collaboration entre vos peuples et le gouvernement seraient au sommet de votre liste pour que nos efforts portent fruit?
Merci infiniment, honorable députée.
Il est extrêmement important de commencer à analyser... Je vais prendre l'exemple de notre relation avec la nation métisse. Il y a la SFCEA, qui est une stratégie de formation pour les compétences et l'emploi...
Nous l'utilisons et continuerons de l'utiliser, et j'espère qu'avec le temps, nous viserons à établir une relation plus vaste avec le gouvernement dans le cadre du mécanisme bilatéral permanent. Il y aura de nouveaux investissements là, et ils auront beaucoup d'incidence sur l'aptitude de nos familles à rester en santé et à garder la tête hors de l'eau.
On dit souvent des Métis que ce sont des travailleurs à faible salaire. Nous payons de l'impôt, nous travaillons fort, mais nous n'arrivons pas pour toutes sortes de raisons.
Que ce soit dans les communautés du Nord ou dans les villes, nous déployons des mesures ciblées, mais je ne crois pas que cela soit propre à un domaine en particulier, madame. Cela dit, ce doit vraiment être intégré de plus en plus à d'autres aspects.
Le peuple métis commence à peine à s'intégrer pleinement au système gouvernemental et à cerner ses besoins. Le développement économique en est un important. Nous avons eu une rencontre hier soir et avons parlé des façons dont nous pourrions aider nos communautés à se développer en ce sens.
Nous devons impérativement commencer à établir des liens entre les systèmes pour être plus efficaces pour les Métis...
Je vais devoir vous couper la parole pour qu'il puisse s'exprimer aussi, parce que j'ai deux autres questions à poser encore.
Il est clair que les compétences professionnelles sont vraiment importantes sur le plan du financement et pour permettre aux nôtres de trouver des emplois rémunérés.
Je pourrais vous donner un exemple. Nous avions un organisme de formation appelé PTP ASEP, qui a offert de la formation à quelque 1 500 Autochtones. Environ 1 000 d'entre eux ont décroché des emplois. C'était en vue de l'exploitation d'un oléoduc de GNL qui n'a jamais été mis en chantier. Cependant, ils ont trouvé du travail dans le secteur forestier, l'industrie minière et ailleurs.
Pour que la collectivité soit viable, nos gens doivent avoir accès à des ressources qui reviennent à nos collectivités, où nous avons des tenures et la possibilité d'exploiter une mine, un gisement d'énergie renouvelable ou autre. Cela nous ramène à la question de l'aménagement de notre territoire. Il nous faut exploiter nos propres terres d'une façon qui soit culturellement adéquate sur le plan de l'évaluation environnementale, et avoir des projets qui ont été examinés par les Autochtones en ce qui concerne le consentement...
Je vais vous interrompre parce que je vais manquer de temps.
Pour en revenir au même argument que vous avez tous les deux soulevé concernant l'investissement dans les jeunes pour s'assurer qu'ils sont en santé et qu'ils ne se retrouvent donc pas dans le système de justice pénale, que savez-vous l'un et l'autre du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones et de la documentation qui s'y rapporte?
Nous sommes bien renseignés au sujet du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones. Nous encourageons vivement le gouvernement à accroître la participation à ce programme.
Selon la documentation, en fait, c'est le seul programme qui ait réussi, notamment, à faire en sorte que les jeunes reçoivent leur diplôme d'études secondaires. J'aimerais savoir si vous pensez que ce serait utile pour s'assurer que les gens évitent la prison parce qu'ils ont reçu une meilleure formation.
Merci de respecter de plus en plus le temps qui vous est alloué.
Malheureusement, monsieur Fragiskatos, si je vous donne vos cinq minutes, vous n'en aurez, en réalité, que deux. Voulez-vous attendre au prochain groupe pour poser vos questions ou voulez-vous que nous continuions? Je peux vous donner cinq minutes, mais si je le fais, nous dépasserons le temps alloué.
Pas de souci. En fait, les questions se rapportent aussi aux sujets qui seront abordés avec le prochain groupe.
D'accord.
Je suis désolé d'être intransigeant côté temps, mais je vous sais gré des contributions que vous avez tous les deux apportées aux délibérations du Comité, et je suis certain que tous les membres du Comité se joignent à moi pour vous remercier des efforts que vous avez déployés pour venir ici et de vos contributions.
Nous suspendons nos travaux.
Je déclare la séance à nouveau ouverte.
Dans notre second groupe de témoins, nous accueillons M. Allen Benson et Mme Claire Carefoot des Native Counselling Services of Alberta.
Où est Lois Frank?
Une voix: Elle est censée être là.
Le président: Nous allons commencer par vous deux, dans l'ordre que vous voulez et, avec un peu de chance, Mme Frank se joindra à nous par la suite.
Premièrement, merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous.
Je m’appelle Allen Benson et je suis membre des Premières Nations de Beaver Lake sur le territoire du Traité no 6. Je tiens à souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel de la nation algonquine.
Je suis ici comme représentant des Native Counselling Services of Alberta. Je suis aussi l’ancien président des National Associations Active in Criminal Justice et le président actuel du Family Violence Death Review Committee en Alberta.
Notre organisme sans but lucratif a été fondé en 1970 pour aborder la question de la surreprésentation des Autochtones dans le système judiciaire à l’époque.
Au fil des ans, nous sommes devenus un organisme qui s’est penché sur les services à tous les échelons de l’appareil judiciaire, sauf au civil, et nous avons élargi nos activités pour offrir des services dans l’industrie des services correctionnels — les centres correctionnels dans lesquels nous avons d’abord envoyé des anciens et des agents de liaison. Nous avons ensuite élargi nos services pour gérer une institution fédéro-provinciale conjointe à Edmonton, le Grierson Centre, qui a fini par être transféré dans ce qu’on appelle un pavillon de ressourcement visé à l’article 81.
Ce pavillon s’appelle le Centre de guérison Stan Daniels. Nous parlerons plus en détail de ces installations dans un instant.
Nous aimerions parler un peu de notre expérience s'agissant de la qualité et du type de services offerts avant d’aborder certains problèmes.
Pendant 47 ans, nous avons traité les problèmes relatifs aux familles et aux particuliers autochtones en Alberta, et nous travaillons depuis 30 ans en partenariat avec le Service correctionnel du Canada. Nous pensons avoir acquis énormément de connaissances et de sagesse au fil des ans pour traiter les problèmes des hommes et des femmes et les épauler dans leur cheminement vers la réinsertion. Il nous a fallu tout ce temps pour acquérir l’expérience et les connaissances nécessaires afin de répondre aux besoins des délinquants et, grâce à ce bagage cognitif, nous avons été en mesure de mieux composer avec la prévention de la criminalité et les besoins des personnes et des familles pour leur éviter l’incarcération.
Notre approche à l’égard de la prestation de services correctionnels s’appuie sur deux décennies de recherche sur les effets de la colonisation sur les personnes, les familles et les collectivités autochtones, et sur la doctrine wahkohtowin des Cris, doctrine sur les relations que nous ont enseignée les anciens de notre territoire.
Ces résultats de recherche ont servi à créer, en 2009, un modèle autochtone fondé sur des preuves pour accroître la résilience. Ce modèle a été élargi et approfondi grâce à un processus continu de recherche, d’action et de réflexion du conseil d’administration et de la direction de l’organisme pour s’assurer que nos programmes et services répondent aux questions relatives à la présence de nos clients et reflètent une connaissance approfondie du processus de guérison.
Quatre piliers de croyances et d’hypothèses essentielles guident notre travail.
Le premier est que le comportement criminel autochtone est lié à un traumatisme historique et au fait d’avoir été brimé à l’enfance, que l’on doit tous les deux aux lois et aux politiques coloniales, comme les pensionnats, héritage légué de génération en génération dans les familles et les collectivités autochtones.
Le deuxième se rapporte aux quatre dimensions du traumatisme historique, qui comprend l’isolement des réseaux de soutien familiaux et communautaires sains, l’identité colonisée, le désespoir et l’impuissance, et le fait d’être coupé de la tradition juridique.
En conséquence, nos interventions de guérison devraient s’attacher à régler ces questions.
Le troisième est la réparation de ces relations brisées. Il est primordial que les délinquants autochtones soient appuyés pour réparer les relations qui ont été brisées par des comportements criminels et malsains. En conséquence, nous croyons en la responsabilité.
Le quatrième est que la guérison est un cheminement autonome. Les délinquants autochtones doivent assumer la responsabilité de leur processus de guérison et de réconciliation, et ont besoin, pour ce faire, de recevoir un soutien qui tienne compte des traumatismes.
Voici les quatre piliers qui guident tout ce que nous faisons, non seulement dans les services correctionnels, mais aussi à la grandeur de l’organisme.
Je m’appelle Claire Carefoot. Je suis directrice des Corrections aux Native Counselling Services of Alberta et ancienne membre de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
En 1988, les Native Counselling Services of Alberta ont lancé leurs opérations dans le Grierson Community Correctional Centre, qui est ensuite devenu le Centre de guérison Stan Daniels. Il a été désigné comme établissement visé à l’article 81 en 1999.
Le Centre de guérison Stan Daniels est un établissement de 72 lits qui accueille les délinquants libérés sous condition en semi-liberté ou en liberté conditionnelle totale, les délinquants dont la libération d’office est assortie d’une assignation à résidence, ou les délinquants ayant le statut de détenu dans un établissement à sécurité minimale. Le bon fonctionnement de ce centre repose sur la croyance que les délinquants autochtones ont besoin de programmes et de soutiens adaptés à leur culture pour répondre à leurs besoins sociaux, émotionnels, éducatifs, physiques et spirituels.
Le centre combine les programmes et services de soutien avec une supervision communautaire diligente pour encourager à la fois la sécurité publique et la bonne réinsertion des hommes autochtones. On s’attend des résidents du centre qu’ils prennent en mains leur guérison en participant activement à l’élaboration d’un plan et d’objectifs de libération. On s’attend aussi à ce qu’ils aient l’occasion d’apprendre ainsi que de recevoir du mentorat et de l’accompagnement spirituel de nos anciens.
Depuis 1995, les Native Counselling Services of Alberta ont été à la fine pointe de l’innovation s’agissant des programmes de réinsertion des délinquants autochtones. Nous avons élaboré le premier programme de guérison des traumatismes historiques — le programme « à la recherche de votre guerrier » — qui a été mis au banc d’essai au Centre de guérison Stan Daniels. Depuis ce temps, nous avons aussi élaboré le programme « esprit d’une guerrière » pour les femmes autochtones ainsi que le programme « guerrier tapwe » pour les jeunes.
Fondé sur notre modèle de résilience, le programme de guerrier a trois principaux objectifs: aider les Autochtones à mieux comprendre leur cycle personnel et intergénérationnel de comportements attribuables à des traumatismes historiques; les aider à acquérir des connaissances et des compétences qui réduiront et finiront par éliminer ces types de comportements chez eux; et faciliter l’engagement des participants à l’égard de leur cheminement tout au long de leur vie.
Les programmes de guerrier sont reconnus à l’échelle nationale et internationale et, depuis plus d’une décennie, SCC travaille en partenariat avec les NCSA pour les offrir à ses détenus. Au cours de notre dernière cérémonie de remise des diplômes au Centre de guérison Stan Daniels, un des juges de l’Alberta était présent. Il se demandait comment le système judiciaire pourrait utiliser notre programme dans ses plans de libération des délinquants lorsque ceux-ci passent devant les tribunaux.
En 2010, les NCSA ont ouvert, au Canada, leur premier établissement pour femmes visé à l’article 81.
J’ai deux minutes? D’accord, je vais continuer.
À l’heure actuelle, la Maison de ressourcement Buffalo Sage est une installation de 16 lits. En fait, nous y avons maintenant ajouté 12 lits. C’est pour accueillir des femmes qui ont été condamnées au fédéral à purger une peine d’emprisonnement dans un établissement à sécurité minimale et les délinquantes bénéficiant d’une semi-liberté, en libération d'office avec assignation à résidence ou en liberté conditionnelle totale. Nous avons maintenant 28 lits.
Nous savons tous que les femmes et les hommes autochtones sont surreprésentés dans notre système correctionnel. Pour que ces gens puissent retrouver la plénitude, nous devons tenir compte des traumatismes historiques, des traumatismes générationnels, de la douleur et de la colère. Ils peuvent retrouver leurs enfants et leurs familles et retourner dans leurs collectivités de façon sécuritaire.
Je ne cesse de répéter aux femmes à Buffalo Sage qu’elles font partie de la génération de celles qui diront « Ça suffit. Nous en avons assez. Nous allons mettre fin à la violence et à l’abus de drogues et d’alcool, nous allons retrouver nos enfants et reprendre nos vies en mains ». Pour y arriver, nous avons besoin de financement supplémentaire, bien entendu. Nous avons besoin de financement pour les programmes, les facilitateurs, les agents de perfectionnement professionnel et les accompagnateurs pour la collectivité.
Nous avons eu de nombreuses réussites. Nous avons accueilli une femme connue à la grandeur du pays pour sa violence. Tout le monde ici présent saurait de qui je parle si je vous disais son nom. Il y a un certain nombre d’années, elle a passé six ans à la Maison de ressourcement Buffalo Sage. Elle est maintenant à l’université pour devenir avocate. Nous avons accueilli une femme qui est gérante d’un Tim Horton's. Cela ne semble peut-être pas une carrière extraordinaire pour quelqu’un dans cette pièce, mais croyez-moi, pour elle, c’est toute une avancée.
Nous avons simplement besoin de financement et de soutien. Ces femmes et ces hommes ont besoin d’aide pour faire ce qu’ils peuvent.
Ai-je dépassé mes deux minutes?
Vous arrêtez juste au bon moment. Mme Frank aussi arrive juste au bon moment.
Bienvenue au Comité. J’espère que nous ne vous bousculons pas, mais nous sommes intéressés de savoir ce que vous avez à dire pendant les 10 prochaines minutes. Merci.
J’aimerais parler du travail que je fais. J’ai une présentation, mais je vais essayer de faire vite.
Je m’appelle Lois Frank et je suis issue de la tribu des Blood dans le sud de l’Alberta. Je travaille dans le secteur de la justice et j’enseigne à l’Université de Lethbridge. Dans le milieu universitaire, mon domaine de spécialisation est la justice pénale. Je donne des cours sur les peuples autochtones dans le système pénal. Je siège aussi à la commission de la politique, que j’ai présidée, et j’ai créé des programmes comme celui du rétablissement de la paix.
Mes travaux récents ont été effectués à titre de rédactrice Gladue. Au fil des ans, j’ai interviewé bien des gens qui se trouvent dans le système, qui sont incarcérés ou attendent leur sentence, et j’ai beaucoup appris. Ces personnes m’ont donné une réelle éducation et j’en suis venue à voir bien des choses dans le système qui auraient peut-être besoin d’être améliorées ou modifiées.
Je vais terminer ma présentation et je pourrai ensuite répondre à vos questions.
J’ai vu le désespoir de certaines de ces personnes, mais j’ai aussi vu leur espoir. Bien des gens qui se trouvent dans le système ont subi de nombreux traumatismes en raison de mauvais traitements à l’enfance, de séjours en familles d’accueil, de négligence parentale et de choses du genre, et ils se sont retrouvés en prison parce qu’ils étaient institutionnalisés. Nombre de ces jeunes contrevenants sont le produit des pensionnats, car leurs parents et leurs grands-parents y sont allés, comme le prévoyait la Loi sur les Indiens.
Dans bien des cas, lorsque je finis par les voir, nombreux sont ceux qui se sont déjà vu imposer une peine. Ils ont été trouvés coupables ou ils ont plaidé coupable. Nombre de personnes dans le système sont assujetties à bien des abus systémiques et elles ne connaissent pas leurs droits. C’est là que j’interviens, et je rédige les rapports. J’ai l’occasion d’entendre leurs récits, de connaître leurs antécédents et de formuler des recommandations aux juges sur les mesures à prendre avec certaines de ces personnes.
C’est comme un modèle type. Nombreux sont ceux dont les parents sont allés dans les pensionnats. Ils étaient placés en famille d’accueil. Ils ont subi bien des sévices, mais il reste toujours de l’espoir. Je vois beaucoup d’espoir chez nombre de ces personnes.
Cela dit, une fois qu’ils sont incarcérés, il ne se passe rien. On les laisse dans des systèmes où ils sont forcés de choisir de faire partie d’un gang pour ne pas être laissés pour compte. Ces gangs deviennent leurs familles une fois qu’ils se retrouvent dans ces institutions, qu’elles soient fédérales ou provinciales, mais dans les établissements provinciaux, ils sont mis en détention provisoire. Il arrive souvent qu’ils n’aient pas accès aux programmes. Nombre d’entre eux se retrouvent en isolement cellulaire pour toutes sortes de raisons, 23 heures par jour. Je vois des femmes, des hommes et des jeunes à qui cela arrive.
Je m’étais bien préparée, mais en raison des limites de temps… Je crois vraiment que nous devons examiner le système en entier. À titre de rédactrice Gladue, j’ai des contraintes. Je ne suis pas ici pour représenter le ministère de la Justice de l’Alberta, bien que je lui soumette des rapports. Je suis une éducatrice, une mère, une grand-mère, et j’en suis venue à voir les choses sous un tout autre jour.
J’ai enseigné les études autochtones américaines, la justice et de nombreuses disciplines. Une des choses qui est ressortie de mes nombreux travaux de recherche est que les peuples autochtones des Amériques avaient leur propre justice, leurs propres philosophies, leurs propres systèmes judiciaires. La justice était rapide et fondée sur un modèle spirituel. Vos actions avaient des conséquences. Certains diraient que c’était semblable au karma. Ils croyaient que nos actions nous revenaient.
La justice était intériorisée. Ils n’avaient pas de prisons. Ils bannissaient les gens qui commettaient des infractions; ils ne parlaient pas de crimes. Il s’agissait de transgressions qui nécessitaient une guérison au sein des collectivités, mais les mesures étaient prises très rapidement par les anciens.
Les grands-mères étaient très importantes. Elles assuraient la discipline. J'ai recommandé à certains de mes clients de se placer sous la surveillance de leurs grands-mères. Certains sont en détention à domicile chez leur grand-mère, et c'est une véritable punition pour eux, car ils en ont peur.
Je pense qu'il faut remettre de l'avant certains de ces concepts, car une fois qu'ils se retrouvent en prison, la réadaptation devient impossible dans bien des cas. Dans les sociétés tribales, si on regarde leur histoire, on se rend compte qu'il n'y avait pas de prison. Dans les études sur les Autochtones américains, j'ai fait des recherches sur les tribus partout en Amérique, et il n'y avait pas de prison. Les gens étaient bannis. Ils étaient couverts de honte. Il y avait des façons de s'occuper de ceux qui déviaient du droit chemin. On les soumettait notamment à des rituels pour s'amender.
Les femmes étaient très respectées. Je suis surprise de voir dans mon travail qu'on ne fait pas intervenir davantage les grands-mères, les femmes, comme autrefois, pour régler divers problèmes. Je parle d'expérience, car j'ai moi-même des enfants. Je suis grand-mère et je suis même arrière-grand-mère depuis peu. J'ai des enfants qui vont et viennent à la maison, et certains y restent pendant un certain temps. Je n'ai pas besoin d'en dire plus. J'établis les règles. Je leur donne des directives. Je le fais avec amour et compassion, mais quand ils voient ce regard, et qu'ils ont fait quelque chose de mal, ils savent qu'ils doivent écouter leurs parents et leurs grands-parents.
Les politiques et la Loi sur les Indiens qui ont obligé les jeunes à aller dans les pensionnats ont causé des traumatismes profonds dans certaines de nos communautés. Sept générations ont parfois été colonisées. Ils ont été envoyés dans ces pensionnats. Ce sont les enfants et les gens de la communauté qui en paient le prix maintenant. Un grand nombre de jeunes n'ont pas passé par les pensionnats, mais ils ont parfois des parents qui y sont allés et qui ont perdu leurs compétences parentales ou qui en ont gardé des séquelles. Toutefois, les liens sont encore là avec les aînés, avec les grands-parents, et je pense que c'est un élément qu'il faut examiner.
Je suis touchée par ce qu'ont vécu beaucoup d'entre eux, qui ont subi de la négligence, des violences physiques et sexuelles, qui ont abusé de la drogue ou de l'alcool, et je vois la rage grandir en eux. Si on ne fait rien, je crois que ces problèmes vont se multiplier. Ce n'est pas au système de justice à régler les problèmes, mais je pense qu'il est possible de faire des choses, comme mettre en place des programmes. Beaucoup de mes clients qui cherchent de l'aide psychologique, des conseils d'ordre spirituel, ou autre chose, reçoivent un dépliant.
Un des abus concerne les gens qui ont un avocat de l'aide juridique. Je ne critique pas les avocats, mais il arrive souvent qu'ils demandent à leurs clients de plaider coupables, sans qu'il y ait de faits admis. En vertu du Code criminel, la peine doit être proportionnelle au crime, et dans bien des cas, ce n'est pas ce qui se produit.
Dans les rapports Gladue, il m'arrive d'irriter certains avocats parce que je présente la version de mes clients. Bien souvent, il n'y a pas eu d'enquête et ils plaident coupables parce qu'ils ont peur. Ils ne connaissent pas leurs droits. Je m'estime chanceuse de pouvoir les défendre, et d'instruire les juges par la même occasion. Les juges font souvent appel à moi. Les rapports Gladue sont censés être impersonnels et impartiaux, et j'essaie de suivre ces principes, mais je vais parfois aussi en cour, et les juges me demandent souvent mon avis.
Je vois les limites du système Gladue, des rapports, mais on peut faire quelque chose. J'aimerais qu'il y ait des changements, et j'ai des recommandations à cet égard.
Beaucoup reçoivent une condamnation. Ils vont en prison, où il y a de l'espoir, et où on peut faire beaucoup de réadaptation, mais il est très important de remettre les traditions à l'avant-scène. Je ne parle pas seulement des huttes de sudation et des cérémonies du calumet, mais de l'importance de miser sur la sagesse des grands-mères et d'autres membres dans les communautés.
J'ai toutes ces recommandations avec moi.
Merci, madame Frank. Je vous sais gré de vos efforts pour vous en tenir au temps alloué.
Comme il n'a pas été possible d'obtenir de l'information, M. Fragiskatos entamera les périodes de questions qui seront de sept minutes, puis ce sera au tour de M. MacKenzie, M. Dubé et M. Spengemann, dans l'ordre.
Allez-y, monsieur Fragiskatos. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui, et je vous remercie aussi pour le travail que vous faites.
J'ai d'abord une question sur les tribunaux autochtones, que j'aimerais vous poser à vous, madame Frank.
Vous avez parlé de vos recherches sur l'histoire des Autochtones et les méthodes utilisées face aux transgressions et aux infractions au sein de la communauté.
Je me demande si vous pourriez nous parler des tribunaux autochtones et nous dire si cela respecte, du moins en principe, ce qui se faisait par le passé dans la culture autochtone. Pensez-vous que les tribunaux autochtones ont une grande importance, du point de vue de la réconciliation, quand on tente de régler les problèmes de justice pénale et leurs conséquences en particulier pour les Autochtones?
Comme il y avait tellement de tribus différentes en Amérique, les méthodes étaient aussi différentes. Le fait d'institutionnaliser un autre problème présente toujours un danger.
Je pense que la Charte protège les tribus. Les gens respectent le système de justice. Je crois que les tribunaux Gladue, notamment, pourraient fonctionner, mais il n'y en a qu'une poignée au pays, si je comprends bien. Ce serait une façon unique de procéder.
Toutefois, le problème n'est pas seulement du côté des tribunaux, mais aussi des peines et des prisons. La prison est souvent ce qui les attend, mais les tribunaux pourraient travailler de pair avec les établissements correctionnels.
Je pense que le premier a été mis sur pied à Toronto en 2001. Je sais qu'il y en a également un maintenant à Ottawa depuis peu.
Je trouve que c'est une approche très intéressante, notamment dans un processus de réconciliation.
Il y a un organisme d'aide parajuridique depuis toujours au Canada. Je pense qu'il est très important d'examiner la situation, car les tribunaux ont la responsabilité d'agir de manière équitable dans l'administration de la justice.
Nous n'appuyons pas la création de tribunaux séparés. Il pourrait y avoir des circonstances spéciales dans les grands centres où des tribunaux Gladue pourraient être utiles parce qu'on y trouve une importante population autochtone, des tribunaux de santé mentale ou violence familiale, par exemple, mais je pense que les juges ont la responsabilité, partout et en tout lieu, d'administrer la justice selon la loi, et qu'il est aussi important qu'ils soient bien au fait des questions de justice autochtone.
Merci beaucoup.
Madame Frank, pouvez-vous nous parler des compétences et de la sensibilité qui sont nécessaires pour rédiger un rapport Gladue? Participez-vous à leur rédaction?
Je vous pose la question parce qu'il y a eu un article sur le sujet dernièrement, au réseau anglais de Radio-Canada, je crois, dans lequel on parlait de la difficulté de trouver des gens qui ont les compétences voulues pour rédiger ces rapports. Une firme d'avocats basée à Ottawa se spécialise dans les questions autochtones et elle fera maintenant équipe avec le Collège communautaire de Vancouver, si j'ai bien compris, pour mettre en place un programme à cette fin.
Parlez-nous-en un peu.
Eh bien, nous avons reçu des directives pour la rédaction de ces rapports. On examine habituellement le passé de la communauté, le passé de la personne, et le contexte. On vérifie s'il y a des problèmes liés à la santé mentale ou physique, au lieu d'origine, aux pensionnats, etc. Les gens que j'interroge sont souvent des jeunes. Ils n'ont pas connu les pensionnats, mais leurs parents y sont habituellement allés. Nous avons une sorte de liste de vérification, s'ils ont été dans des foyers d'accueil, s'ils ont eu des problèmes de consommation, s'ils ont été victimes de violence, etc. Nous avons une longue liste et je passe normalement à travers.
Une des choses que j'ai remarquées toutefois dans ces rapports, c'est qu'il n'y a pas de liste de vérification pour le système de justice. On ne demande pas, par exemple, si la police a mené une enquête en bonne et due forme, si la personne a obtenu un procès juste. Le fardeau est sur les épaules de la personne arrêtée et de celui ou celle qui rédige le rapport Gladue.
On nous dit de ne pas faire de recommandations au juge, mais uniquement de le renseigner sur les antécédents de la personne, ce qui n'a pas de sens selon moi. Je pense que le juge doit entendre des recommandations, mais c'est peut-être simplement parce que les rapports Gladue sont faits ainsi.
Merci beaucoup.
Madame Carefoot, vous avez abordé la question dans votre exposé. J'aimerais que vous nous parliez du travail de la Wellness House, notamment auprès des femmes autochtones, et du prix qu'elle a reçu pour son travail. Pourriez-vous nous parler de votre façon de mesurer le succès? Un faible taux de récidive? Comment procédez-vous pour obtenir de bons résultats, et qu'entendez-vous par « bons résultats »?
J'aimerais dire, tout d'abord, que nous sommes d'accord avec Mme Frank. Nous avons une aînée qui habite dans la maison des femmes, et un aîné dans la maison des hommes également. La femme qui habite dans la maison des femmes arrive le lundi et y reste pendant trois jours et trois nuits. Elle se trouve donc sur place en soirée également. Croyez-moi: j'aimerais mieux parler à un juge ou à un avocat qu'à Vicky, notre aînée, car elle ne mâche pas ses mots. C'est une femme merveilleuse, et elle impose des normes très élevées aux femmes.
Nous avons de nombreux succès. Nous avons aussi... je ne dirais pas des échecs, mais il faut parfois s'y prendre à plus d'une ou deux fois pour réussir. Nous considérons avoir réussi quand une femme récupère ses enfants. Nous avons un programme mère-enfant. Quand la mère s'est assez bien rétablie, elle peut amener ses enfants et en prendre soin sur place. Beaucoup d'entre elles n'ont pas de compétences parentales en raison des traumatismes hérités de leur histoire. Elles n'ont jamais eu de parents qui avaient les compétences pour prendre soin d'elles.
On me dit de ralentir. J'aime passionnément mon travail, comme vous pouvez le constater. J'ai souvent tendance à m'emporter.
C'est maintenant dans vos réponses aux questions de M. MacKenzie que vous aurez l'occasion de parler de votre passion.
Merci beaucoup de votre présence.
Notre étude est très intéressante, car on examine la situation des Autochtones en prison, mais nous sommes nombreux à penser que nous avons échoué quand ils aboutissent dans le système carcéral. Si nous arrivons à rompre ce cycle, nous aurons fait un grand pas.
Nous avons entendu dire que les gens en prison et dans le système précisent toujours d'où ils viennent. Je pense que cela soulève des enjeux sur la façon d'intervenir. Une de mes préoccupations est de savoir comment déterminer les pourcentages, si cela se fait, qui viennent des réserves et des centres urbains. Il existe de toute évidence une différence entre traiter avec des aînés dans un centre urbain et dans une réserve, où les aînés sont proches, et les grands-mères... J'ai déjà eu affaire à des grands-mères et ce sont les plus sévères, si on veut. Elles sont intraitables sur ce qui est bien et ce qui est mal, et elles règlent les problèmes à leur façon.
Comment définiriez-vous les différences entre les détenus qui viennent des réserves et ceux qui viennent de milieux urbains?
C'est difficile de les séparer, en raison des gens qui sont de passage. Dans une ville comme Edmonton, il y a beaucoup de va-et-vient entre la ville et les communautés isolées dans le Nord. Nous avons une importante population urbaine qui est née, a grandi et vit à Edmonton. Dans des cas comme celui-ci, il est difficile de séparer ceux qui ont des connaissances ancestrales de ceux qui n'en ont pas, en grande partie parce qu'on étend les services entourant les connaissances ancestrales aux Autochtones qui habitent en milieu urbain. Nous avons créé, en collaboration avec la ville d'Edmonton, la première zone culturellement sensible et où on trouve des lieux cérémoniels dans ce but.
Il est souvent difficile de les séparer. Notre agence sert une clientèle de plus de 100 000 personnes dans la seule ville d'Edmonton, et leur offre différents services. Environ 60 % d'entre eux profitent des services culturels.
Un grand nombre de femmes et d'hommes — les femmes en particulier — ne connaissent pas leur culture avant d'arriver en prison. C'est très intéressant de pouvoir les aider à la découvrir et de voir la lumière s'allumer quand, pendant le programme du guerrier, ils s'exclament: « Bon sang, c'est pour cette raison que j'agis comme ça ». Nous leur enseignons beaucoup d'éléments culturels. Nous avons aussi nos propres huttes de sudation.
Je pense que c'est plus difficile dans des endroits comme... J'habite dans une réserve, alors je sais très bien ce qui se passe dans les communautés. Beaucoup de jeunes ne découvrent pas leur culture en prison, car très souvent, ils n'ont pas accès à des programmes. Le seul qui leur est offert est le perlage, et je suis contre, car il leur faut des programmes axés sur les compétences personnelles, les aider à se préparer au marché du travail, les aider à leur sortie, etc.
J'ai beaucoup de clients, et je sais que nous aimerions croire que les prisons sont des lieux de réadaptation, mais ce n'est pas le cas. Beaucoup de jeunes se joignent à des gangs pour assurer leur protection. La prison est parfois une maison pour eux, parce qu'ils ont vécu dans des foyers d'accueil. Mon dernier client mercredi avait connu 15 foyers d'accueil. La drogue est aussi en train de devenir un problème très important.
On ne peut pas seulement se tourner vers les aînés. J'y vois un problème, car nos aînés sont aussi parfois des produits des pensionnats. Ils ont été forcés d'y aller. Si nous voulons avoir recours aux aînés, nous devrons aussi les former. Je prépare des programmes d'enseignement. J'enseigne aux aînés comment être des artisans de paix. Je leur ai fait étudier le Code criminel, etc.
C'est tellement facile pour un juge de dire: « Envoyez-le dans un centre de traitement ». C'est une mesure temporaire. Ce ne sera pas suffisant de les confier à un aîné ou de les envoyer dans une hutte de sudation. Ils doivent redécouvrir leur culture et leur identité. Je pense que des Autochtones qui sont des professionnels et qui connaissent bien les traditions peuvent le faire, mais si on se contente de les envoyer dans une hutte de sudation pour régler rapidement le problème...
Comment peut-on le faire avant qu'ils se retrouvent en prison, afin de rompre le cycle? Vous dites qu'une fois en prison, ils découvrent leur culture. Que pourrait-on faire pour qu'ils la découvrent avant d'aboutir en prison?
Je pense que c'est possible. C'est quelque chose avec quoi on grandit. C'est un avantage qu'ont les gens qui habitent dans une réserve — ils sont en contact avec leurs traditions — mais c'est aussi une source de traumatismes. Je pense que faire la distinction entre les Indiens qui habitent dans une réserve et ceux qui habitent en ville... ils ont les mêmes problèmes. Comme on l'a mentionné précédemment, ils sont parfois de passage. Ils font des allers-retours entre la ville et la réserve. Un de mes clients jeudi — j'en ai vu trois cette semaine — m'a dit: « La réserve est ma prison; je me sens plus en sécurité ici. » Encore là, il est possible de faire plus.
Merci.
J'ai une dernière question. Si une personne est bannie par les grands-mères, comment peut-elle réintégrer la communauté?
Les grands-mères ne bannissaient pas les gens; il s'agissait de sociétés tribales comme les Brave Dogs. Nous avions des sociétés qui protégeaient ou qui faisaient régner l'ordre...
Cela se faisait par la réparation. Il y avait des cérémonies où la communauté permettait à des gens de la réintégrer.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence devant le Comité.
J'aimerais discuter de la manière dont le choix est fait entre des établissements à sécurité moyenne ou maximale. Cette question a été soulevée à quelques reprises. Je me demande si l'un d'entre vous a des commentaires en ce qui concerne la différence que ce choix peut faire et la façon dont le SCC réalise l'évaluation et si c'est adéquat.
L'outil d'évaluation du risque suscite des questions depuis de nombreuses années. Le regretté Joe Couture, qui était un psychologue, un ancien frère de l'Église catholique et un aîné autochtone qui a travaillé dans le milieu correctionnel durant de nombreuses années, soutenait que nous étions à côté de la plaque en ce qui concerne l'outil d'évaluation du risque qui est utilisé.
Cet outil est sans cesse défendu. L'outil d'évaluation du risque n'a jamais adéquatement tenu compte des besoins d'un délinquant autochtone. Par conséquent, les facteurs de risque sont établis et utilisés pour déterminer le type d'établissement entre un établissement à sécurité moyenne, maximale ou minimale. Voilà pourquoi il y a une surreprésentation de délinquants dans les établissements à sécurité maximale. C'est rare de voir une personne passer rapidement d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne et c'est certainement rare de voir une personne passer d'un établissement à sécurité moyenne à un établissement à sécurité minimale. C'est l'un des défis avec lesquels nous devons composer.
L'autre élément qui a trait à cet aspect est les programmes. La philosophie relativement à l'accès aux programmes dans un établissement à sécurité maximale est vraiment irréaliste. Les établissements à sécurité maximale devraient accueillir les délinquants qui représentent un risque pour les autres délinquants et un risque élevé pour la société. Nous devrions envoyer la majorité de nos délinquants dans des établissements à sécurité moyenne pour leur offrir des programmes de traitement et de réadaptation. Nous pourrions ensuite fournir les bons outils pour évaluer les délinquants en vue de leur transfèrement dans des établissements à sécurité minimale et de leur mise en liberté dans la collectivité.
Nous consacrons beaucoup trop d'énergie et d'efforts aux établissements à sécurité maximale. Nous en voyons le résultat lorsque nous avons un très grand nombre de délinquants mis en liberté d'office ou maintenant de libérations d'office assorties d'une assignation à résidence, ce qui est un défi pour l'ensemble de la société. Nous devrions nous en inquiéter sérieusement.
Si vous me le permettez, j'aimerais parler de la question des mises en liberté d'office. La Commission nationale des libérations conditionnelles a recours aux libérations d'office assorties d'une assignation à résidence. Il arrive parfois que le délinquant soit averti seulement quelques jours avant sa mise en liberté que sa libération est assortie d'une assignation à résidence. Lorsqu'il est mis en liberté, il est vraiment en colère et il est très mécontent. Il se rendra dans une maison de transition ou un pavillon de ressourcement et sera normalement déclaré illégalement en liberté un jour ou deux après son arrivée, parce qu'il ne croit pas avoir l'obligation de purger plus de temps et qu'il considère avoir purgé sa peine.
Toute la question des libérations d'office est davantage un risque pour la société qu'une question de sécurité.
Merci.
Quelqu'un d'autre aimerait-il faire un commentaire?
L'autre élément que j'aimerais aborder est la question des jeunes, et vous en avez parlé un peu. C'est un enjeu qui a été soulevé à l'échelle fédérale. Disons que c'est de 18 à 35 ans. Je lance des chiffres comme ça. Je ne suis pas certain de ce qu'est le groupe d'âge officiellement.
D'excellents arguments ont été soulevés concernant l'endroit où ce groupe se sent à la maison et certaines des conséquences à long terme sur la santé mentale, les problèmes de dépendance, etc. Lorsque des représentants du SCC ont témoigné devant le Comité, ils ont confirmé qu'il n'y avait aucun programme conçu spécifiquement pour ce groupe d'âge. Compte tenu de la grande population de jeunes Autochtones et de sa croissance comparativement au reste de la population, est-ce quelque chose qui devrait être une priorité?
La question des jeunes en milieu correctionnel est un véritable défi, et cela devrait être la priorité. Le Service correctionnel du Canada a évalué il y a quelques années le programme En quête du guerrier en vous qui mettait l'accent sur la guérison, et 87 % de ces délinquants n'ont pas récidivé avec violence. C'est un excellent taux de réussite. Ce programme était offert aux jeunes délinquants; or, il n'est plus pris en charge ou offert dans les centres correctionnels.
Nous formons des gens partout au Canada pour offrir ce programme. À mon avis, c'est important que le Service correctionnel du Canada réexamine les programmes de guérison ou de réadaptation destinés aux jeunes délinquants plus violents.
Je côtoie bon nombre de ces jeunes délinquants; ce ne sont pas des tueurs en série. Ils sont diabolisés lorsqu'ils sont dans le système carcéral, mais un grand nombre d'entre eux s'y retrouvent pour non-respect des conditions. Ils n'avaient pas les moyens de payer une amende ou de se présenter devant la cour, par exemple. Ils se retrouvent donc dans le système carcéral.
Je crois que des programmes comme celui qu'il a mentionné, ainsi que des programmes de mentorat, par exemple, seraient très utiles. C'est parfois vraiment important de tout simplement écouter ces jeunes délinquants, de les laisser trouver ce qu'ils veulent faire et de leur offrir un tel soutien. Ce sont des programmes d'un an, et le financement prend fin.
Nous avons actuellement une jeune femme de 19 ans à Buffalo Sage. Il y a deux semaines, des policiers du service de police de Regina voulaient s'entretenir avec elle, et nous avons accepté qu'ils le fassent. Ils sont allés dans une pièce, et les policiers voulaient lui poser des questions sur son comportement dans la collectivité. Au moment de quitter le centre, l'un des policiers a dit à notre chef de la sécurité qu'il n'avait jamais vu un tel changement chez une jeune femme et que les policiers ne reviendraient pas la voir.
Merci de votre commentaire.
Pour essayer d'expliquer un peu cette situation, le SCC a mentionné qu'une partie du processus imparfait d'évaluation du risque inclut des éléments comme l'appartenance ou l'appartenance possible à un gang. C'est loin d'être scientifique; c'est drôlement plus anecdotique qu'autre chose. Pour conclure, j'aimerais vous entendre sur l'aspect suivant. En entendant certains des facteurs qui sont utilisés, j'ai eu l'impression que ces éléments nous amènent inévitablement à dresser un profil différent pour les jeunes autochtones en ce qui a trait au risque qu'ils peuvent présenter; ils aboutissent alors dans un établissement à sécurité maximale, ce qui peut occasionner des problèmes relativement aux programmes, par exemple.
Selon vos expériences, est-ce une évaluation juste de la situation?
C'est une évaluation juste.
Lorsque vous envoyez un jeune délinquant, en particulier un nouveau délinquant, dans un établissement à sécurité maximale, où ils deviennent des victimes et où ils seront exposés à plus d'activités criminelles ou de gangs, cela se veut davantage une mesure qui cause du tort à la société qu'une mesure de sécurité.
Il vous restait 15 secondes, mais je vous remercie de ces secondes de plus. Je suis persuadé que M. Spengemann vous en sera reconnaissant.
Vous avez sept minutes. Allez-y.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins de leur présence devant le Comité.
Monsieur le président, nous avons entendu des témoignages convaincants jusqu'à présent. Je crois que nous avons notamment entendu que nous devons faire très attention de ne pas perpétuer ou même reproduire par inadvertance des éléments du système des pensionnats indiens dans notre système correctionnel. Nous avons également entendu ce matin nos précédents témoins nous expliquer de façon très convaincante que c'est un enjeu qui dépasse largement le milieu correctionnel. Nous parlons ici de justice pénale, mais ce sont des questions ayant trait à la justice sociale.
J'aimerais tout d'abord vous demander de sortir des sentiers battus. Je suis très conscient que notre comité a ces paramètres, que les autres comités du Parlement ont leurs paramètres et qu'ils sont maîtres de leur propre destin. Si ce sont des enjeux horizontaux et profondément interconnectés, nous pouvons inspirer les autres et leur donner des idées, et ce sera aux parlementaires que reviendra la tâche d'établir les liens nécessaires.
J'aimerais demander à chaque témoin de cerner le plus précisément possible, peut-être sous la forme d'une demande ou sous la forme qui vous convient, le premier ou les deux premiers facteurs externes qui expliquent pourquoi des délinquants autochtones aboutissent dans notre système carcéral au départ. Autrement dit, si vous affirmez que le système correctionnel ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait et que nous perpétuons encore dans la société canadienne une mentalité qui mène à une forte population de délinquants autochtones, que devons-nous changer en dehors des paramètres du système correctionnel pour arriver à une réconciliation de nation à nation?
Je crois que je peux vous répondre, parce que j'enseigne la justice pénale.
Je crois qu'il y a un fossé entre les policiers, les tribunaux et les services correctionnels. Leurs actions doivent être plus coordonnées.
Des jeunes se font demander leur carte d'identité lorsqu'ils marchent dans la rue. L'une des choses que j'entends sans cesse, c'est que des policiers interceptent ces personnes et les fouillent chaque fois qu'un crime est commis. Il y a du racisme au sein des services de police. La majorité des juges avec lesquels j'ai eu affaire sont très impartiaux et très généreux à l'égard des gens. Cependant, lorsque les délinquants arrivent en milieu carcéral, certains d'entre eux se battent, parce qu'il y a également du racisme dans le système correctionnel. Certains en viennent aux coups et ils sont placés en isolement. J'ai connu beaucoup de gens qui étaient en isolement, et il faut vraiment nous pencher sur cette pratique. Je crois qu'une meilleure coordination serait utile.
Nous avons une femme à Buffalo Sage qui a vécu dans 58 foyers d'accueil. Son dernier père de famille d'accueil l'a mise enceinte à 14 ans. Il faut examiner le système de placement en famille d'accueil.
Le placement en famille d'accueil, l'éducation et la justice pour les jeunes sont les trois domaines qui ont le plus de répercussions sur nos communautés.
Nous avons assisté à de nombreux examens de notre système scolaire. En Alberta, nous mettons beaucoup d'efforts pour établir de nouveaux liens entre l'éducation autochtone et l'éducation régulière.
En ce qui concerne le bien-être de l'enfance, nous avons un groupe de travail sur le système d'intervention auprès des enfants. L'un des membres de notre communauté siège à ce groupe, de même que ma femme et d'autres spécialistes, et ce groupe traite du système d'intervention auprès des enfants.
Toute la question de la justice pour les jeunes a trait à cette question. Pour ce qui est des tribunaux de la jeunesse et pour adolescents, je ne crois pas que nos juges reçoivent une orientation et un soutien adéquats des tribunaux. Notre système de justice pour les jeunes mettait autrefois l'accent sur la réadaptation, alors qu'il est maintenant de nature punitive.
C'est très utile. Merci beaucoup.
Monsieur le président, nous avons récemment entendu le témoignage devant le Comité de l'enquêteur correctionnel. En fait, un rapport a été publié. Nous avons discuté d'aspects relatifs à l'égalité entre les sexes. Dans le rapport, il n'y a aucune recommandation sexospécifique.
Dans votre témoignage ce matin, vous avez parlé d'aspects relatifs à l'égalité entre les sexes. Quels changements devons-nous apporter en ce qui concerne précisément les femmes et les filles, outre augmenter seulement le nombre d'établissements et de lits? À certains égards, ce sont des évidences. Si nous poussons la réflexion un peu plus loin, compte tenu du nombre disproportionné de femmes et de filles autochtones dans le système correctionnel, quels changements nous recommandez-vous?
Puis-je répondre à la question?
Avec toute la question des femmes disparues et assassinées et de l'enquête, nous parlons de l'expérience vécue par des membres des Premières Nations et du risque réel que courent les femmes. Voilà pourquoi je crois que les grands-mères seraient utiles à cet égard.
Ces programmes éducatifs seraient utiles, mais bon nombre de mes clientes ont abandonné leurs études. Ces gens pourraient apprendre ces choses dans les institutions actuellement en place pour eux. Je crois que nous pourrions prendre une partie des fonds qui ont été investis dans l'initiative de vérité et de réconciliation et l'investir dans de tels programmes destinés aux femmes.
Comme nous le savons, la population de femmes autochtones est celle qui connaît la croissance la plus rapide dans le système de justice. J'aimerais aborder certains éléments importants. Nous croyons que les hommes dans nos communautés doivent commencer à assumer la responsabilité des mauvais traitements infligés dans nos communautés. Les femmes ont travaillé très fort pour être des chefs de file dans notre mouvement de guérison et elles ont fait les changements nécessaires. C'est maintenant au tour des hommes de se secouer.
C'est vrai à plusieurs égards. Nous devons d'abord éduquer adéquatement nos jeunes hommes et leur offrir la bonne éducation quant au rôle des hommes dans notre communauté. Ensuite, à titre de présidente du Comité d'examen des décès dus à la violence familiale, je peux dire que nous reconnaissons que la victimisation et la violence ont trait le plus souvent à nos hommes. Par conséquent, nous constatons que des délinquantes qui ont été victimes deviennent des agresseuses.
Je m'excuse, monsieur Spengemann.
La sonnerie d'appel se fait entendre. Techniquement, je dois mettre fin à la réunion à moins d'avoir le consentement unanime du Comité pour continuer nos travaux 10 minutes et nous rendre jusqu'à la fin.
Ai-je le consentement unanime du Comité pour continuer?
Des députés: Oui.
Le président: Merci.
Monsieur Spengemann, vous avez 45 secondes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aborder avec nos témoins la possibilité d'avoir des modèles dans la communauté autochtone. Est-ce une possibilité?
Je sais que les aînés sont très importants sur le plan culturel. Est-il possible de définir des modèles et de présenter des exemples de personnes qui ont fait un séjour dans le milieu correctionnel, qui ont repris leur vie en main et qui pourraient vraiment servir de leaders et d'exemples?
Je peux répondre à votre question, parce que ce point me tient vraiment à coeur.
Lorsque nous parlons d'exemples à suivre, nous regardons à l'extérieur de la communauté. À mon avis, un engagement accru de nos chefs tribaux est nécessaire. Ils devraient vraiment participer à des initiatives comme ce qui se passe ici. Il arrive souvent qu'ils soient en train de s'occuper de quelque chose ayant trait aux traités ou au développement économique, par exemple. Ils ne prennent pas soin de leurs propres membres.
Beaucoup de gens voulaient qu'il y ait une reddition de comptes au sein des conseils tribaux concernant les finances. Lorsque le nouveau gouvernement a éliminé cette transparence, cette mesure a vraiment nui à beaucoup de gens, parce que nous pourrions offrir des programmes avec cet argent. Notre tribu reçoit plus de 120 millions de dollars, et peu de gens en ressentent les effets.
Monsieur Spengemann, nous devons nous arrêter là. Monsieur Motz, vous avez les cinq dernières minutes.
Merci.
Tout d'abord, je tiens à tous vous remercier énormément de votre présence devant le Comité.
Je remercie tout particulièrement mon amie Lois. Merci d'être là. Vous aviez préparé un exposé, mais vous n'avez pas eu le temps de le faire. Pouvez-vous nous le soumettre pour que cela fasse partie des témoignages entendus par le Comité? Ce serait merveilleux.
Merci.
J'apprécie vos dernières observations. J'aimerais explorer cet aspect. Nous avons eu ces conversations auparavant, et je suis d'accord. Beaucoup de gens de ma circonscription, votre réserve, me disent qu'ils n'ont pas besoin d'un dollar de plus pour faire ce qu'ils doivent faire pour améliorer les choses dans la réserve; ils ont besoin que l'on remette en place la Loi sur la transparence. Ils ont besoin que leur chef et leur conseil soient responsables des fonds dont ils disposent et qu'ils s'occupent de leur propre peuple, parce que votre propre peuple porte préjudice aux siens. Ce sont des choses que je tiens de la bouche des membres de votre propre peuple, et je suis d'accord avec vous. Merci.
J'aime vous entendre dire que nous devons revenir à l'aspect plus traditionnel des grands-mères, c'est-à-dire de faire en sorte que les familles retrouvent leur importance dans les réserves. Nous savons qu'autrefois, les grands-mères — les matriarches — étaient celles qui établissaient les règlements et dictaient comment les choses devaient se passer. Par exemple, en Ontario, mes grands-mères ont toujours dit bien franchement ce qu'elles pensaient de la présence de cigarettes et de tabac de contrebande dans les réserves, alléguant que ces produits ouvraient la porte aux armes à feu, aux gangs et aux drogues. Elles n'en voulaient pas. Le chef et le conseil ont fait fi de ces mises en garde, et maintenant, nous avons tous ces problèmes.
Que faut-il faire pour réparer la rupture que j'ai constatée chez les Blood? Il y a une rupture entre, d'un côté, ce que veulent les anciens et un très grand nombre de gens, et de l'autre, ce que le chef et le conseil recherchent, distraits qu'ils sont par d'autres enjeux qui n'améliorent pas vraiment la situation des leurs. C'est la raison pour laquelle nous essayons de renverser la vapeur, vous, moi et beaucoup d'autres personnes des trois collectivités voisines de la réserve. Je m'en réjouis et je trouve cela formidable. Je suis impatient de voir les résultats. Que faut-il faire pour réparer la rupture, c'est-à-dire le fait que le chef et le conseil ne soient pas engagés dans ce processus?
À l'heure actuelle, au gouvernement, la moitié des gens qui sont au pouvoir sont des femmes. Je crois que c'est un point de départ pour que nous puissions nous faire entendre. Dans notre collectivité, la plupart du temps, il n'y a qu'une femme au sein du conseil; parfois, il n'y en a pas du tout.
C'est assurément quelque chose qui pourrait nous servir de point de départ.
Je viens de la Première nation de Beaver Lake, qui est située dans le nord de l'Alberta. Notre chef est une femme, et elle n'en est pas à son premier mandat. Pour notre communauté, la question est de faire en sorte que les dirigeants soient tenus responsables de leurs actes.
Je vais vous parler des 87 anciens qui viennent de se réunir avec nous pour s'attaquer aux problèmes de culture et de direction dans la communauté. Leur réponse, c'est qu'il n'appartient pas au gouvernement de tenir les chefs et les conseils responsables de leurs actes: cette responsabilité nous appartient collectivement, en tant que peuple. En tant que leader au sein de ma collectivité, cette question me tient beaucoup à coeur et je la traite avec sérieux. Nous devons faire davantage pour tenir nos dirigeants responsables de leurs actes. Nous ne devrions pas nous en remettre au gouvernement pour régler ce problème.
Il reste deux minutes.
Monsieur Spengemann, voulez-vous profiter de ces dernières minutes pour poser d'autres questions?
Merci, monsieur le président. Voilà qui est utile.
La question que j'aimerais poser porte sur les disparités entre les régions urbaines et les régions rurales. C'est une question assez générale.
Dans quelle mesure ces disparités entrent-elles en jeu? Nous sommes à Ottawa et, à l'instar d'autres villes comme Toronto, Montréal ou Vancouver, notre centre-ville compte beaucoup d'Autochtones. Quelle est la dynamique qui s'opère entre les réserves en milieu rural et la population autochtone des villes? Où les gens sont-ils relâchés? Où veulent-ils se retrouver? Sur le plan de la réinsertion, quels sont les pronostics des deux milieux?
Vous pouvez consulter Rupert Ross. Il a catégorisé cet enjeu. Ce n'est pas seulement une question de milieu urbain-milieu rural. Il y a des gens qu'il appelle les « nouveaux traditionalistes », mais il y a aussi les traditionalistes, les biculturels... C'est beaucoup plus nuancé que le simple fait d'être dans une réserve ou à l'extérieur d'une réserve.
Une voix: Oui.
Avez-vous des recommandations à formuler sur la façon dont nous pouvons tenir compte de ces complexités et de ces sensibilités dans notre système correctionnel?
Je crois qu'il y a deux choses à considérer. D'abord, nous devons nous entendre sur le fait qu'il y a une diversité, comme l'a mentionné notre ami, et qu'il faut, à l'intérieur de cette diversité, tenter de mettre au point des stratégies pour répondre à ces besoins.
Par exemple, le maire et le conseil municipal de la ville d'Edmonton ont décidé de réserver un endroit particulier et des ressources pour la culture et les événements cérémoniels à l'intention de ceux et celles qui veulent profiter de ce service à l'intérieur des murs de la ville. La ville a aussi ouvert un centre d'accueil où les personnes qui arrivent des collectivités isolées et du Nord peuvent recevoir les divers services dont ils ont besoin. Le centre sert aussi aux personnes qui vivent dans la collectivité et qui ont grandi à Edmonton. Ils y trouvent les services qu'il leur faut pour se reprendre en main et faire face à leurs problèmes.
M. Sven Spengemann: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Spengemann.
Avant de mettre fin à la présente séance, je veux, au nom du Comité, remercier chacun de vous et vous faire savoir que nous apprécions les efforts que vous avez faits pour être ici. Il s'agissait d'efforts considérables qui méritent d'être salués.
Distingués collègues, notre dernière réunion aura lieu jeudi prochain. À cette occasion, nous entendrons trois témoins. La portion témoin de la réunion durera environ une heure et demie. Nous prendrons le temps qui restera pour discuter de ce que nous allons faire pour la suite des choses.
Encore une fois, merci beaucoup.
La séance est levée.
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