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Bonjour. Soyez les bienvenus à cette séance qui sera la première consacrée à l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Mais avant, je veux seulement vous lire le deuxième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure pour que notre comité l'adopte, parce qu'il prépare essentiellement le terrain pour la séance d'aujourd'hui.
Votre sous-comité s'est réuni le jeudi 3 décembre 2020 pour discuter des travaux du Comité et a convenu de faire les recommandations suivantes:
Que, pour sa réunion du mercredi 9 décembre 2020 dans le cadre de son étude sur l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le Comité invite M. Amir Attaran de l'Université d'Ottawa, Muhannad Malas d'Environmental Defence et un troisième témoin à la discrétion du président.
Nous avons trois témoins. On m'informe que M. Attaran a été empêché, mais nous entendrons MM. David Wright, Muhannad Malas et Ben Sharpe, respectivement: retraité et ancien procureur de la Couronne de l'Ontario; gestionnaire du programme des substances toxiques à Protection environnementale Canada; chercheur principal et responsable de la région canadienne à l'International Council on Clean Transportation.
[Français]
Comme à l'habitude, vous pouvez utiliser la langue officielle de votre choix.
Lorsque vous n'êtes pas en train de vous adresser au Comité, s'il vous plaît, veuillez vous mettre en sourdine.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je me nomme David Wright. Retraité de fraîche date, j'ai été procureur adjoint de la Couronne au ministère du Procureur général pendant 32 ans. Je plaide pour Ecojustice, une organisation écologiste basée à Vancouver.
Le 10 mars 2017, à Détroit, au Michigan, Volkswagen a reconnu sa culpabilité de trois chefs d'accusation criminelle et s'est vu infliger une amende de 2,8 milliards de dollars pour avoir falsifié les résultats de tests d'émissions prescrits par l'agence de protection de l'environnement des États-Unis pour 590 000 véhicules à moteur diesel. L'amende revenait à 4 745 $ par véhicule.
Le 22 janvier 2020, l'industriel a reconnu sa culpabilité d'infractions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et s'est vu infliger une amende de 196,5 millions, pour avoir installé un logiciel de réduction frauduleuse des émissions dans 128 000 véhicules, soit 1 535 $ par véhicule.
Le constructeur automobile a bénéficié d'un traitement procédural particulier.
Permettez que j'explique brièvement le processus normal qui suit le dépôt d'accusations fédérales. À noter que le Code criminel s'applique aux poursuites en droit de l'environnement.
Trois ou quatre semaines après que les accusations ont été portées contre lui, l'accusé comparaît une première fois en justice. Le délai permet à la Couronne de préparer la divulgation, qui est communiquée à l'avocat de la défense à la première comparution.
L'étape suivante est une rencontre officielle avant procès entre la Couronne et la défense. Si l'affaire est grave, il faut une conférence préparatoire au procès entre un juge, la Couronne et la défense, pour déterminer si on peut trancher l'affaire ou si on peut réduire le nombre de points litigieux pour faire gagner du temps au tribunal. On tranche ensuite la question ou on fixe une date au procès. Si l'affaire est tranchée, on préviendra la victime avant le début de la plaidoirie. Normalement, il faut de trois à cinq mois pour trancher ce genre d'infractions.
Qu'est-il arrivé dans le cas de Volkswagen?
Le 9 décembre 2019, on a porté contre lui 60 chefs d'accusation sous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. La première comparution a eu lieu le 13 décembre, quatre jours plus tard.
L'accord conclu entre la Couronne et la défense prévoyait que Volkswagen reconnaisse sa culpabilité et soit condamné le même jour, comme l'atteste la transcription du débat judiciaire du 13 décembre.
Contrairement à l'usage auquel doit se plier tout autre accusé au Canada, Volkswagen a évité les comparutions répétées, la divulgation publique de la preuve, l'organisation, en public, d'une conférence préparatoire au procès avec la Couronne et d'une autre avec un juge et la Couronne.
Rien, dans le dossier du tribunal, ni d'autres renseignements judiciaires ne montre que Volkswagen ait reçu divulgation de la preuve, qu'il ait même assisté à une conférence préparatoire au procès avec un juge et la Couronne. Obligatoirement, le dossier ou l'information judiciaires doivent conserver la trace de ces faits, pour constituer un compte rendu officiel de tout ce qui suit le dépôt d'une accusation.
Il est inconcevable que Volkswagen ait reconnu sa culpabilité et ait accepté l'infliction d'une amende de 196 millions sans qu'on lui ait divulgué la preuve. Comme seulement 5 jours séparent l'accusation et la fixation de la date de la plaidoirie, la seule explication est que l'entreprise a reçu communication de la preuve avant que les accusations n'aient été portées le 9 décembre. Voilà une entorse majeure au protocole.
C'est important de le comprendre parce que, avant le 9, la Couronne avait encore le choix des chefs d'accusation, le cas échéant. Plus précisément, c'était sa prérogative de porter des accusations de conspiration, sous le régime du Code criminel, comme aux États-Unis, et non les accusations moins graves prévues dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Il est également inconcevable que la plaidoirie n'ait été précédée d'aucune conférence préparatoire au procès avec la Couronne ou avec un juge et la Couronne. Les dossiers judiciaires n'en conservent pas trace, mais il a fallu que les deux aient eu lieu, sinon les deux parties auraient fait preuve de négligence en ne les organisant pas. Vu la chronologie des faits, la deuxième conférence peut avoir eu lieu avant le dépôt des accusations.
Le plaidoyer en réponse aux 60 chefs d'accusation était prévu pour le 13 décembre. Mais il n'a pas eu lieu, parce qu'Ecojustice a demandé que les victimes soient autorisées à communiquer une déclaration des répercussions sur la collectivité, en application de l'article 722.2 du Code criminel.
L'affaire a été reportée au 22 janvier 2020, pour communication des déclarations, plaidoirie et prononcé de la peine.
Qu'est-ce qu'une déclaration des répercussions sur la collectivité?
Même si Environnement Canada a été empêtré pendant des années dans un litige avec Ecojustice, sur la conduite illégale de Volkswagen, il n'a informé aucune des parties intéressées de la date du dépôt des accusations ni qu'un plaidoyer était en suspens le 13 décembre 2019. Aucune organisation écologiste ni organisme de santé n'a eu le temps de préparer quelque type que ce soit de réponse, y compris une déclaration des répercussions sur la collectivité.
Le 22 janvier 2020, contrairement aux dispositions impératives du Code criminel, la Couronne rejetait unilatéralement les déclarations des répercussions sur la collectivité présentées par Ecojustice, sous prétexte que ce témoignage d'expert n'était pas vérifié...
Merci, monsieur le président, de votre invitation à venir témoigner sur cette question importante.
Je me nomme Muhannad Malas. Je suis le gestionnaire du programme des substances toxiques de Protection environnementale Canada.
Cette organisation canadienne de premier plan de défense de l'environnement collabore depuis plus de 30 ans avec le gouvernement, l'industrie et les collectivités pour la sauvegarde de nos eaux douces, la diminution de l'exposition des Canadiens aux substances chimiques toxiques et la construction d'une économie propre.
Les lois en matière d'environnement ne peuvent être efficaces que dans la mesure où on les applique. Dans le cas de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ça signifie faire rendre des comptes aux pollueurs qui mettent en péril la santé des Canadiens et leur environnement.
En 2015, on a surpris Volkswagen à installer dans plus de 11 millions d'automobiles diesels du monde entier un dispositif qui abaissait les émissions des véhicules pendant les essais, tandis que sur la route, ils émettaient jusqu'à 35 à 40 fois les concentrations autorisées d'oxydes nocifs d'azote, un groupe de polluants associés à de nombreuses morts, d'après Santé Canada, ainsi qu'au cancer et à d'autres maladies.
Pendant sept ans, au Canada, on a importé et vendu 128 000 de ces véhicules truqués.
Contre ce qu'on pourrait qualifier d'un des pires crimes contre l'environnement jamais commis au Canada, le gouvernement s'est montré, peu importe l'échelle de mesure employée, hésitant, faible et inapte.
Après avoir lancé son enquête, en septembre 2015, il lui a fallu plus de quatre ans pour accuser et poursuivre la compagnie, même si Volkswagen avait reconnu sa culpabilité devant les autorités fédérales américaines en janvier 2017, un aveu qui l'empêchait de se rétracter devant d'autres juridictions, même si, également, des vérifications faites dans les laboratoires fédéraux canadiens avaient servi de preuves au gouvernement américain.
En juillet 2017, inquiet de l'absence de progrès publiquement connu du gouvernement dans le dossier, seulement moins de deux ans après qu'il avait lancé son enquête, j'ai présenté une demande sous le régime de l'article 17 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement à la pour qu'elle ouvre une enquête transparente sur les infractions de Volkswagen. Prétextant l'enquête en cours, elle a refusé d'enquêter sur trois des infractions que je désignais dans ma demande, notamment celle d'avoir importé et vendu des véhicules truqués. Essentiellement, ça signifiait que le gouvernement pouvait poursuivre l'enquête sans être tenu de faire le point sur son avancement.
Pour l'enquête que la a consenti à ouvrir, qui couvrait la vente ininterrompue de voitures de l'année 2015 à demi rafistolées, j'ai reçu 12 rapports sur son évolution dans les trois années qui ont suivi, des rapports qui ne m'ont presque pas renseigné sur les progrès du gouvernement.
À la fin, après plus de quatre ans, le Canada a conclu un accord de plaidoyer avec la compagnie qui semblait avoir été négocié avant que des accusations aient été portées et il lui a infligé une amende de 196,5 millions de dollars. Même si c'est la plus forte jamais imposée au Canada, son montant est modeste par rapport à l'amende versée aux États-Unis. Elle aurait pu être bien plus lourde, si les accusations n'avaient pas été formulées de manière à diminuer la peine maximale. De leur côté, les États-Unis avaient accusé et poursuivi la compagnie et, au bout de 20 mois, ils lui avaient infligé une amende de 10 milliards de dollars.
D'après nous, l'omission fédérale de produire des mises à jour sur les progrès de l'enquête pendant les quatre années qu'elle a duré traduit un irrespect pour l'esprit et l'intention de la loi et du droit qu'elle accorde aux Canadiens de participer à la faire respecter.
L'enquête a mis en évidence un certain nombre de problèmes flagrants dans l'application de la loi, que votre comité a bien mis en relief dans son examen de la loi de 2017.
Par exemple, un problème décisif réside dans les dispositions de la loi régissant la participation des citoyens à l'application de la loi, qui les autorisent à intenter une action en protection de l'environnement contre l'auteur d'une infraction, mais qui sont trop pénibles et sont encombrées de barrières insurmontables.
Par exemple, pour en intenter une, le citoyen doit d'abord demander au ministre d'enquêter, puis démontrer qu'il a omis d'enquêter ou que les mesures qu'il a prises à la suite de l'enquête n'étaient pas raisonnables. De plus, il doit démontrer que l'infraction a causé une atteinte importante à l'environnement et il s'expose, s'il succombe, à de lourds dépens. Ces écueils ont empêché absolument toute action citoyenne de commencer ou d'aboutir depuis l'édiction de la loi, en 1999.
Comme le gouvernement s'apprête à élaborer un projet de loi qui la modernisera comme il l'a promis dans le discours du Trône, nous incitons vivement le Parlement à adopter les recommandations de 2017 de votre comité pour la renforcer grâce à la suppression de ces entraves et améliorer la participation du public à son application.
Merci beaucoup de votre temps. Il me tarde de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, bonjour. Je vous remercie de votre invitation à venir témoigner sur les accusations portées contre Volkswagen, en décembre 2019, sous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Je me nomme Ben Sharpe. Je suis chercheur principal et responsable de la région canadienne à l'International Council on Clean Air Transportation, l'ICCT, un organisme de recherche voué à la communication de renseignements techniques des États, à l'appui de leurs décisions stratégiques pour les principaux marchés de véhicules du monde entier.
Mes observations d'aujourd'hui porteront sur les éléments essentiels du programme réglementaire robuste de contrôle des émissions des véhicules et sur les défaillances qui ont conduit au scandale dit du Dieselgate, ou affaire Volkswagen. Je soulignerai ensuite l'écart important entre les peines imposées à Volkswagen au Canada, par rapport à celles qu'on lui a infligées aux États-Unis, et le préjudice important qu'il cause au Canada. Enfin, je résumerai une des conséquences du scandale, qui a fondamentalement modifié l'évolution du secteur automobile mondial, en contribuant notablement à accélérer son passage vers l'électrification.
Un solide programme réglementaire de surveillance des émissions des véhicules exige la réalisation de tests dans une large gamme de conditions de fonctionnement et des mesures précises de protection contre les truquages. Comment donc Volkswagen et beaucoup d'autres constructeurs automobiles ont-ils trompé le système? Pour le dire simplement, ils ont conçu des véhicules qui ont dupé les organismes de réglementation en se comportant bien en laboratoire et en satisfaisant à toutes les exigences en matière d'émissions. Mais dès que ces véhicules détectaient qu'ils roulaient dans des conditions réelles de conduite, leurs algorithmes faisaient augmenter radicalement les émissions d'oxydes d'azote, ou de NOx, pour favoriser l'économie d'essence. Ces dispositifs dits d'invalidation ont été au cœur de l'affaire Volkswagen.
Depuis sa découverte de l'existence des dispositifs d'invalidation, en 2014, l'ICCT s'est retrouvé au premier rang de la recherche et de l'analyse des politiques pour bien mesurer toute l'étendue du problème de falsification et présenter des solutions concrètes aux décideurs qui permettraient de renforcer les règlements régissant les véhicules et d'abaisser davantage les émissions dans les conditions réelles.
Le conseil a élaboré une méthode progressive pour aider les organismes de réglementation à reconnaître les véhicules dotés de ces dispositifs, ce qui peut être très difficile, parce que ces dispositifs sont intégrés à l'aide de codes informatiques sophistiqués.
L'ICCT est le chef de file mondial des organismes de recherche du secteur de la conformité, de l'application des règlements et de l'évaluation des émissions réelles des véhicules automobiles. En guise d'appendice à mon témoignage, j'ai joint une bibliographie d'une trentaine de publications, de rapports de consultants et de blogues publiés sur ces questions.
Il faut des règlements qui interdisent explicitement l'emploi d'algorithmes qui camouflent les émissions, mais il importe également qu'ils possèdent des dispositions suffisantes pour leur propre application et qu'ils prévoient des peines pour dissuader les industriels de commettre des actes illicites. L'écart entre les amendes infligées à Volkswagen dans les deux pays est important et mérite examen. Voilà pourquoi nous applaudissons le Comité de se charger de cette enquête.
Globalement, les amendes et les peines infligées à Volkswagen aux États-Unis totalisent 32 milliards de dollars canadiens, contre 196 millions au Canada.
Compte tenu de la vente de 580 000 et de 128 000 véhicules aux États-Unis et au Canada, respectivement, elles reviennent à 55 000 et à 1 500 $ par véhicule, respectivement. Il faudra plus de transparence pour déterminer comment le Canada a opté pour un règlement du dossier sensiblement plus indulgent qu'aux États-Unis.
Consécutivement à cette affaire, les véhicules diesel, depuis cinq ans, sont beaucoup moins attrayants pour les consommateurs et les fabricants. Par exemple, en Europe, leur part du marché a chuté de plus de 40 % depuis 2015. Vu les coûts additionnels de la modification de leur conception, pour se conformer aux exigences antipollution de plus en plus strictes, plusieurs fabricants ont abandonné la technologie du diesel et ont plutôt entamé un virage rapide vers l'électrification. Ce n'est peut-être pas un hasard, mais Volkswagen mène cette transition rapide et, en 2016, il annonçait que les véhicules électriques constitueraient le quart de ses ventes annuelles mondiales d'ici 2025.
Une autre conséquence du Dieselgate, qui a stimulé en grand l'électrification, est qu'une part importante du fonds créé pour le règlement de l'affaire, près de 3 milliards de dollars américains, est expressément destinée à aider des États américains par des programmes qui accéléreront la mise au point de véhicules électriques.
En résumé, le scandale « Dieselgate » a mis en évidence l'importance de mettre en œuvre une réglementation bien conçue et de solides dispositions en ce qui concerne la conformité, l'application de la loi et les sanctions, afin d'obtenir des réductions d'émissions dans le monde réel et non seulement en laboratoire.
Même si les mesures prises par le gouvernement du Canada contre Volkswagen représentent la plus grosse amende environnementale de l'histoire du pays, votre comité a tout à fait raison d'enquêter sur la manière dont cette entente a été conclue.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné la possibilité de faire une déclaration.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais également remercier les témoins de leur présence aujourd'hui et de leur travail pour aider à protéger les Canadiens contre les défis et les problèmes environnementaux qui pourraient les toucher.
Il s'agit d'une vaste étude sur les améliorations que nous pouvons apporter aux mécanismes d'application de la loi prévus dans la LCPE et sur les pouvoirs supplémentaires que nous pouvons donner au gouvernement pour lui permettre de mieux protéger les Canadiens. Puisque nous n'avons pas encore assisté à une séance d'information donnée par des fonctionnaires sur l'ensemble des activités d'application de la loi, je présume que je poserai des questions de nature plus générale.
Ma première question s'adresse à M. Sharpe.
Nous savons que d'autres pays disposent d'un large éventail de régimes d'application de la loi pour assurer la sécurité de leur population. En vous fondant sur votre expérience, pourriez-vous citer quelques exemples de réussites ailleurs dans le monde où des pratiques innovatrices en matière d'application de la loi ont permis d'améliorer les mesures de protection contre les substances nocives, par exemple, ou de mieux protéger la population en général?
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Je vous remercie, monsieur Sharpe.
Ma prochaine question concerne la gestion des produits chimiques, qui constitue une grande partie de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et du Plan de gestion des produits chimiques.
Monsieur Malas, le Canada s'est engagé à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et ses objectifs de développement durable, les ODD — et 12 d'entre eux visent à établir des modes de consommation et de production durables. L'objectif 12.4 vise à instaurer, d'ici 2020, une gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques et de tous les déchets tout au long de leur cycle de vie, conformément aux principes directeurs arrêtés à l’échelle internationale, et réduire nettement leur déversement dans l’air, l’eau et le sol, afin de minimiser leurs effets négatifs sur la santé et l’environnement.
Selon vous, comment la LCPE peut-elle nous aider à atteindre l'objectif 12.4 et comment pouvons-nous faire mieux à cet égard? Que pouvons-nous faire dans le cadre de la LCPE pour y parvenir?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur Malas. Vous me rejoignez quand vous parlez de produits chimiques, donc de pollution, et de ses effets sur la santé humaine.
Mon autre question s'adresse à M. Sharpe.
Je voudrais vous féliciter pour vos interventions lors du congrès de Mobilité électrique Canada. J'ai beaucoup appris en vous écoutant.
Vers la fin de 2017, votre organisme a publié un rapport sur les programmes d'observation et d'application des règlements relatifs aux émissions des véhicules dans 14 marchés. On voit que le Canada y fait piètre figure.
Depuis le début de l'enquête sur Volkswagen, quelles mesures le Canada a-t-il prises pour améliorer ces activités d'observation et d'application de la loi?
Répondez rapidement, s'il vous plaît, parce que j'ai une autre question à vous poser.
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Je tiens à remercier sincèrement les témoins d'être ici aujourd'hui.
Mes premières questions s'adressent à M. Wright.
On a mentionné qu'aux États-Unis, il ne s'était écoulé qu'un an et deux mois entre le moment où l'EPA, l'agence de protection environnementale américaine, a donné un avis de violation à Volkswagen et celui où la société a plaidé coupable aux délits criminels et a accepté de payer des milliards de dollars américains. Au Canada, Environnement et Changement climatique Canada a lancé une enquête, mais des accusations ont seulement été portées quatre ans plus tard.
Dans le cadre de son entente sur le plaidoyer aux États-Unis, Volkswagen a déposé, en 2017, un exposé conjoint des faits qui serait légalement admissible devant les tribunaux canadiens.
Monsieur Wright, cela ne signifie-t-il pas que l'enquête menée au Canada aurait pu être plus facile ou plus rapide?
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Oui, dans mon cas, après environ deux ans — je pense que cela faisait exactement 22 mois que l'enquête avait été lancée —, nous craignions que rien ne se passe, étant donné qu'aucune mise à jour publique n'avait été fournie durant cette période. De plus, je crois que la LCPE prévoit une prescription en ce qui concerne la limite de deux ans. Si quelqu'un n'intente pas une action en protection de l'environnement en tant que citoyen dans les deux premières années après une infraction, alors il ne peut pas le faire par la suite. C'est pourquoi j'ai déposé cette demande au titre de l'article 17 pour que la ministre ouvre une enquête.
Nous avons été troublés par le fait que la a refusé d'ouvrir une enquête sur trois des quatre infractions que j'avais décrites dans ma demande, en invoquant l'enquête qui était en cours pour justifier son refus. Il s'agissait pourtant d'infractions graves — l'importation et la vente de ces voitures et aussi le fait d'induire en erreur le gouvernement et l'organisme de réglementation et de leur mentir — et absolument essentielles par rapport à ce qui s'était passé avec Volkswagen. Ce refus a essentiellement eu pour effet d'empêcher la population de savoir ce qui se passait.
Par ailleurs, je ne veux pas me répéter, mais seulement souligner un point important. En ce qui concerne l'enquête que la a ouverte à ma demande, qui portait sur la vente ininterrompue de voitures de l'année 2015 à demi rafistolées, j'ai reçu, sur une période de près de trois ans, 12 rapports sur son évolution, qui ne contenaient aucune information sur l'état d'avancement de l'enquête. Souvent, on m'y indiquait simplement que des agents recueillaient des éléments de preuve et, dans de nombreux cas, on y fournissait un délai prévu pour l'achèvement de l'enquête. La plupart du temps, les délais fournis dans ces 12 rapports n'étaient pas respectés.
C'était vraiment un processus très déroutant. Il était très difficile de comprendre pourquoi l'enquête était si longue, et c'était contraire à l'esprit de la LCPE, qui prévoit un mécanisme permettant aux gens de participer à l'application de la loi.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
Monsieur Sharpe, avant d'être élu député fédéral, j'étais député à l'Assemblée législative de l'Ontario et j'ai beaucoup travaillé aux questions relatives à la protection des consommateurs. L'une des choses que j'ai apprises à l'époque, c'est que si l'on veut empêcher les gens d'enfreindre la Loi sur la protection des consommateurs — comme les personnes qui dupent les consommateurs ou qui font de la vente en porte-à-porte, ce qui est maintenant illégal en Ontario —, il faut garder à l'esprit qu'une personne qui est sur le point d'enfreindre la loi prend en compte deux facteurs: la probabilité de se faire prendre et la peine encourue si elle se fait prendre.
Si nous pensons à ces deux facteurs et à la LCPE, avez-vous des idées ou des conseils à donner? Y a-t-il des choses dans la LCPE qui pourraient être améliorées pour augmenter la probabilité que les contrevenants se fassent prendre? Y a-t-il une mesure qui, selon vous, devrait être prise pour nous assurer que nous renforçons les peines infligées à ceux qui se font prendre?
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur la question qui a été soulevée à quelques reprises concernant la proportionnalité de l'amende canadienne par rapport à l'infraction commise.
Monsieur Sharpe, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que l'amende s'élève à environ 55 000 $ par véhicule aux États-Unis contrairement à 2 800 $ au Canada. Le montant est beaucoup moins élevé au Canada par rapport aux milliards de dollars qui sont payés aux États-Unis.
Ma question s'adresse à la fois à M. Sharpe et à M. Malas. Pensez-vous que l'amende canadienne est proportionnelle à l'ampleur du crime commis et à son incidence sur l'environnement et la santé humaine? Si l'un d'entre vous veut prendre un moment, si cela semble pertinent, j'aimerais savoir quel est l'impact sur l'environnement et la santé humaine, et dans quelle mesure ce facteur a été, ou non, pris en compte dans l'entente sur le plaidoyer au Canada?
Merci à tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Je viens d'être élue dans la circonscription de York-Centre, et c'est ma toute première séance au sein du Comité de l'environnement et du développement durable. L'environnement est au coeur des préoccupations de mes commettants, non seulement dans le contexte des événements récents, mais aussi dans la perspective des mesures qu'il convient de prendre au bénéfice des générations futures. Je suis donc vraiment ravie de faire partie de ce comité. À mon sens, nous cherchons surtout aujourd'hui à voir comment nous pourrions dorénavant mieux conjuguer nos efforts pour assurer le respect de nos lois environnementales.
C'est dans ce contexte que je vais poser ma première question à M. Wright. Je note que notre gouvernement a investi 46 millions de dollars pour appuyer l'application des lois environnementales au cours des cinq prochaines années. J'aimerais que vous nous parliez, monsieur Wright, des efforts actuels de collaboration entre les différents ordres de gouvernement pour veiller au respect de ces lois. Pourriez-vous nous en dire plus long, à moi et à mes concitoyens ontariens, sur les moyens ainsi déployés en coopération pour que tous les Canadiens soient mieux protégés?
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Les amendes maximales qui auraient pu être appliquées à Volkswagen, avec les 60 accusations, auraient donc été de 265 millions de dollars.
Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites; je regarde simplement les chiffres bruts. Le montant aurait été de 265 millions de dollars, et nous avons imposé une amende de 196 millions de dollars, ce qui aurait représenté 73 % du montant total de l’amende.
Or, aux États-Unis, pour les mêmes accusations, savez-vous quelle aurait été la valeur de l’ensemble des sanctions pénales, si Volkswagen avait été condamnée à verser une amende maximale? Elle aurait été de 32 milliards de dollars, et les sanctions civiles se seraient situé entre 17 et 34 milliards de dollars. Si Volkswagen avait eu une amende maximale, celle-ci aurait alors été de 49 à 66 milliards de dollars.
Connaissez-vous le montant réel de l’amende que les États-Unis ont imposée?
Je pense plutôt à ne pas essayer de réexaminer une affaire ici. Les tribunaux font ce qu’ils font en fonction de ce que nous leur donnons comme règles. Je pense que nous avons fait valoir que le rapport de 2017 doit faire l’objet d’une véritable réflexion.
Malheureusement, nous n’avons pas encore été informés par le ministère, il est donc difficile de voir où ils en sont dans ce processus, mais nous l’apprendrons au cours des prochaines réunions. Dans le discours du Trône, nous envisageons d’investir 46 millions de dollars sur cinq ans dans des mesures supplémentaires d’application de la loi environnementale afin d’essayer de nous donner plus de ressources pour traiter en particulier les infractions graves.
Je voudrais revenir sur les oxydes nitreux, très brièvement.
L’incluons-nous dans notre liste des émissions de gaz à effet de serre liées aux changements climatiques, ou devons-nous également envisager de l’inclure?
Ma question s’adresse à M. Malas.
On a ici des chiffres qui nous sont donnés. Il y aurait eu par exemple, en Allemagne, 1 200 décès prématurés à cause de ces véhicules qui ont été mal faits ou dont les vices ont été cachés.
Je pense que, quand il y a une atteinte à l'environnement et à la santé humaine et que c'est dans le seul but de faire du profit, cela doit être sévèrement puni.
C'est mon introduction pour en arriver à ma question suivante.
La Chambre des communes a renvoyé l'examen de la loi canadienne au Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Au sujet de Volkswagen et de ses manquements, pourriez-vous nous suggérer des modifications à apporter pour l'application de la loi?
Je pense principalement à la partie 7 qui porte sur le contrôle de la pollution.
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Je peux tenter une première réponse, si le reste du groupe n’y voit pas d’inconvénient.
Je peux dès à présent formuler trois recommandations très simples. Elles ne s’inscrivent pas dans le contexte de la partie 7; elles sont probablement plus dispersées dans la loi, mais concernent l’application.
La première consisterait à supprimer la condition préalable d’enquête, ou la condition préalable pour qu’un citoyen puisse intenter une action en protection de l’environnement, ce à quoi j’ai été confronté dans ce dossier concernant Volkswagen. Le ministre doit d’abord lancer puis mener à bien une enquête, et ensuite le citoyen préoccupé qui veut intenter une action en protection de l’environnement doit démontrer que le ministre n’a pas bien enquêté et n’a pas réagi correctement. C’est un seuil très élevé et un obstacle important pour décourager les gens de lancer des actions en protection de l’environnement.
La deuxième consisterait à supprimer le seuil de préjudice grave. Si un citoyen est en mesure de franchir le premier seuil lors de l’enquête, il doit encore prouver, en tant que citoyen, qu’il y a eu un préjudice grave pour l’environnement. Ce libellé est très difficile et pourrait faire échouer n’importe quel citoyen, en gros.
La troisième porterait sur les coûts, afin de s’assurer que les citoyens ne paient pas de frais si leur plainte échoue.
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Le nombre d’accusations est totalement discrétionnaire. Ils ont choisi 60 accusations. Ils auraient pu en choisir 100, 200 ou même 128 000 s’ils le voulaient, mais c’est complètement déraisonnable.
Le chiffre est en fait un peu une chimère. C’est le chiffre maximal et le chiffre minimal pour les amendes. Il ne vous aide pas vraiment beaucoup.
Il semble que ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu une rencontre entre les avocats — le procureur de la Couronne et celui de la défense — avant que les accusations ne soient portées. La détermination du nombre d’accusations qui feraient l’objet du plaidoyer semblait être... On peut en déduire qu’il a fait l’objet d’une négociation entre l’accusation et la défense dans des circonstances très inhabituelles.
Le fait est que le montant de l’argent et son caractère punitif ont été déterminés par la Couronne, qui avait le champ libre. Elle aurait pu aller aussi haut et aussi loin qu’elle le souhaitait.
Dans mes documents, j’ai fini par ne regarder que le montant des amendes et non celui des recours civils. Certes, j’ai compris qu’en 2017, le montant des amendes — et non celui des recours civils — était de 4 745 $ par véhicule, et qu’au Canada, il était de 1 535 $ par véhicule. C’est moins du tiers de la gravité de l’amende.
Voilà les commentaires que je voulais faire.
:
Effectivement, j'aimerais remercier les témoins d'avoir mis leur grande expertise à notre disposition. Je crois que nous avons beaucoup appris, cet après-midi. C'est un très bon début pour notre étude.
J'aimerais également remercier les analystes. Ils ont bricolé un groupe témoin stimulant dans des délais assez courts. C'était vraiment bien.
Comme je l'ai mentionné au début, je voulais réserver 15 minutes pour discuter du 3e rapport du comité directeur. Je propose donc que nous en discutions à huis clos puisque nous allons parler du contenu du rapport et que c'est assez confidentiel.
Si personne n'a d'objection, nous allons siéger à huis clos. Cela implique que nous nous déconnections et que nous nous reconnections sous des codes différents qui vous seront envoyés.
Cela prendra cinq minutes pour faire la transition.
Je remercie encore les témoins...
[Traduction]
Je vois que M. Baker a la main levée.