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D'accord. Nous pouvons maintenant entamer la première séance de notre étude sur le plastique.
Je vois des témoins que nous connaissons déjà. Puisqu'ils ont témoigné récemment, j'imagine qu'ils connaissent la procédure, et tous les autres aussi. Nous vous demandons de garder votre micro en sourdine jusqu'à ce que vous ayez la parole. C'est essentiellement ce qu'il faut faire. C'est assez logique, mais il vaut la peine de le rappeler.
Vous pouvez bien sûr vous exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, et vous avez le choix entre trois canaux: le parquet, l'interprétation en anglais ou l'interprétation en français.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Chelsea Rochman, de l'Université de Toronto. Nous recevons aussi les représentants du Pacte canadien sur les plastiques: George Roter et Usman Valiante. Nous écouterons également les représentants de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie: M. Masterson et Mme Elena Mantagaris, que nous connaissons tous les deux. M. John Galt nous parlera au nom de Husky Injection Molding Systems, tandis que Mme Sophie Langlois-Blouin représente RECYC-QUÉBEC.
Chaque groupe a cinq minutes pour son exposé. Nous devrions pouvoir compléter trois tours. Dans le cas contraire, s'il manque cinq minutes, ce que je ne prévois pas, nous terminerons simplement à 17 h 35 ou 17 h 40, au plus tard. Je ne pense toutefois pas que ce sera nécessaire. Je crois que nous finirons à temps.
Nous allons commencer par Mme Rochman, qui a cinq minutes. Allez-y, je vous prie.
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Je vous remercie infiniment de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité. Je suis ravie d'avoir l'occasion de vous faire part de mes connaissances et de contribuer à l'élaboration de politiques qui reposent sur la science et des données probantes.
Je m'appelle Chelsea Rochman, et je suis professeure d'écologie à l'Université de Toronto. Mon programme de recherche est mondialement connu pour ses travaux sur le développement de méthodes, la contamination des microplastiques dans l'environnement et les effets sur la faune, les humains et l'écologie. Nous étudions les débris de plastique dans le monde entier, y compris localement dans les Grands Lacs, dans la Région des lacs expérimentaux de l'IIDD et dans l'Arctique canadien.
Je suis actuellement la déléguée scientifique au Canada pour le groupe de travail de l'UNE sur la pollution plastique. Je conseille également à Environnement et Changement climatique Canada d'ajouter le plastique comme indicateur de la santé des Grands Lacs dans le cadre de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Je dirige aussi un groupe de travail international en Californie pour conseiller cet État sur une méthode de surveillance des microplastiques et l'établissement d'un seuil de risque pour la faune et les humains.
J'aborderai aujourd'hui la question spécifique des déchets plastiques et des articles en plastique à usage unique, puis les conséquences négatives de la pollution plastique en général.
Nous estimons que 24 à 34 millions de tonnes de déchets plastiques ont été émises dans les écosystèmes aquatiques en 2020 et que si nous continuons d'agir comme si de rien n'était, ce chiffre pourrait tripler d'ici 2030. Il n'y a pas de temps à perdre. À moins que la croissance de la production et de l'utilisation du plastique ne soit stoppée, une transformation fondamentale de l'économie du plastique est essentielle. Nous devons passer à une économie circulaire, où les produits en plastique en fin de vie sont valorisés au lieu de devenir des déchets. C'est pourquoi je soutiens les objectifs de la stratégie pancanadienne visant l'atteinte de zéro déchet de plastique et la proposition de gérer les plastiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ou LCP. J'ai été heureuse de voir le gouvernement du Canada adopter une approche véritablement intégrée de la gestion des plastiques, qui s'attarde à la gestion des plastiques à usage unique, à l'adoption de normes de rendement et à l'établissement du principe de la responsabilité en fin de vie.
Chacune de ces voies, y compris la réduction de notre dépendance aux articles inutiles de plastique à usage unique, est nécessaire pour infléchir notre économie linéaire du plastique vers une économie circulaire. La réduction des articles en plastique à usage unique qui sont des polluants environnementaux courants, qui ne sont pas réutilisables ou recyclables, et qui ont un substitut, est un élément important de cette transition. J'applaudis la décision d'interdire certains plastiques à usage unique dès cette année.
Je suis également d'accord avec chaque élément de la liste. En effet, ces articles se trouvent couramment dans l'environnement, ne sont pas essentiels et n'ont pas une fin de vie pratiquement durable. Je suggère également que nous fassions preuve d'esprit critique lorsqu'il faudra déterminer comment définir le « plastique » dans le cadre de la loi. Si les plastiques compostables ou biodégradables peuvent faire l'objet d'exemptions, ils doivent être réellement compostables au-delà d'une installation de compostage industrielle, ou biodégradables dans l'environnement dans un délai relativement rapide, soit moins de six mois. À ma connaissance, il n'existe actuellement aucun produit sur le marché qui réponde à ces critères.
J'aimerais consacrer mes dernières minutes à aborder les effets des plastiques en tant que source de pollution.
Mes recherches portent principalement sur les petites particules. Le terme « microplastique » englobe une grande diversité de plastiques, y compris des morceaux dégradés de produits en plastique plus grands, comme les produits en plastique à usage unique. Mes recherches démontrent que les microplastiques sont omniprésents dans l'environnement, y compris dans l'Arctique et dans les produits de la mer et les eaux extraites pour l'eau potable dans les Grands Lacs.
Elles démontrent également que les microplastiques peuvent être toxiques pour les poissons et les invertébrés. De nombreuses études ont testé leurs effets sur les organismes. Bien que les résultats soient variables, il existe des preuves irréfutables que les microplastiques peuvent avoir un impact sur les organismes à des concentrations qui se trouvent déjà à certains endroits dans l'environnement. Bien que nous ne comprenions pas encore comment ils affectent la santé humaine, nous savons que nous y sommes exposés et que des recherches sont nécessaires.
En ce qui concerne les grands débris de plastique, il ne fait aucun doute que cette pollution peut avoir un impact sur la faune et la flore. Des études ont fait état d'une contamination par enchevêtrement ou ingestion chez des centaines d'espèces sauvages. Cette contamination peut entraîner la lacération des tissus, la mortalité d'un organisme individuel, le déclin de la taille des populations ou des changements dans les assemblages d'espèces. Le poids des preuves de l'impact des débris microplastiques sur la faune sauvage suggère qu'il est temps d'agir.
Comme vous le savez, il n'existe pas de solution universelle. Il faut plutôt avoir une boîte à outils de solutions, y compris celles qui nous aident à construire une économie circulaire. L'une des solutions est la réduction des articles en plastique à usage unique inutiles. Au Canada, nous avons fait preuve d'un grand leadership dans ce domaine, et je vous en remercie. Nous devrions poursuivre sur cette voie en construisant une économie circulaire, en réduisant les émissions de déchets plastiques dans l'environnement, et en nettoyant ce qui est une source de pollution.
J'envisage diverses politiques qui fonctionneraient de pair. Elles devraient inclure ce qui a déjà été mis en place, y compris une harmonisation et une expansion des régimes de responsabilité élargie des producteurs existants, la mise en œuvre de normes qui augmentent l'utilisation de contenus recyclés dans les nouveaux produits, et l'élimination des articles en plastique à usage unique qui sont problématiques.
Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de vous parler, et je serai très heureuse de répondre à vos questions aujourd'hui ou à l'avenir.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me permettre de donner cette présentation.
J'ai le plaisir, encore une fois, d'être accompagné de ma collègue, Elena Mantagaris.
Comme nous l'avons mentionné la dernière fois où nous nous sommes parlé, il y a quelques semaines à peine, l’industrie de la chimie et des matières plastiques du Canada partage le point de vue du Parlement et de la société canadienne selon lequel les plastiques n’ont pas leur place dans l’environnement. Nous convenons que nous aussi avons la responsabilité de trouver des solutions au problème des matières plastiques post-consommation. Nous concevons des produits destinés à être recyclés, nous utilisons des matières recyclées, nous faisons progresser les programmes de responsabilité élargie des producteurs mis en œuvre par l’industrie, nous investissons dans la technologie et l’infrastructure, et nous prenons des mesures pour lutter contre la pollution marine dans les économies émergentes.
Nous sommes convaincus qu’une économie circulaire pour les matières plastiques est non seulement envisageable, mais bel et bien réalisable dans un avenir relativement proche. Je répète d'ailleurs — et M. Roter vous dira sûrement la même chose —, que nos consommateurs l'exigent.
L'un des objectifs de cette étude est d'examiner les retombées économiques de l’approche proposée par le gouvernement fédéral visant à ajouter les « articles fabriqués en plastique » à l’annexe 1 (Liste des substances toxiques) de la LCPE et à interdire certains plastiques à usage unique. Je rappelle qu'il est important de comprendre que l’industrie des matières plastiques est très hétérogène. C’est pourquoi je vais me concentrer sur deux composantes très distinctes, pour vous simplifier les choses.
Il existe d’une part, en amont, les grands fabricants de résine, de très grandes multinationales qui possèdent de grandes usines en Ontario, en Alberta et au Québec.
D’autre part, il y a en aval les fabricants de produits en plastique — sur lesquels les retombées seront très différentes —, qui convertissent les résines en produits de plastique que nous utilisons au quotidien. Cette industrie en aval est très dispersée. Il y a presque 2 000 entreprises dans le secteur du plastique, au Canada, 86 % d'entre elles sont des PME et bon nombre d’entre elles sont des entreprises familiales. Nombre de ces entreprises fabriquent un seul type de produit, comme les sacs de plastique, ou une petite gamme de produits. L’interdiction nuira fortement à ces entreprises et à leurs employés et leur fermera parfois l’accès à tous les marchés intérieurs.
En outre, le Canada est un pays relativement petit pour ce qui est de sa population et de la taille de ses marchés. Comme la plupart des industries canadiennes, de nombreuses entreprises desservent à la fois les marchés intérieurs et d’exportation. Dans son approche, le gouvernement fédéral propose ou évoque une interdiction des exportations de plastique, même vers les économies qui n'imposent pas d'interdiction comparable. Ces entreprises n'auront d'autre choix que de se relocaliser ou d’arrêter complètement leurs activités, puisqu'il ne sera plus possible de produire des produits sans marchés d'exportation.
Je crois toutefois — et vous m'avez entendu le dire à maintes reprises déjà — que la plus lourde conséquence économique des mesures fédérales proposées sera leur effet sur les futures possibilités d’investissement. Le Canada est un producteur d’envergure mondiale de plastiques à faibles émissions de carbone. Nous sommes le troisième plus grand fabricant au Canada. Nous faisons partie des 10 plus grands producteurs de résines de plastique. Le secteur connaît une croissance mondiale qui équivaut chaque année à près de deux fois le PIB mondial. Si tous les articles fabriqués en plastique sont considérés comme toxiques en vertu de la LCPE, nous croyons que cela enverra le message que le Canada est au mieux ambivalent, voire complètement opposé à l’investissement dans ce secteur et à sa croissance.
Nous ne pourrons pas créer une économie circulaire ni attirer les investissements nécessaires pour cela sans miser sur les investissements étrangers. Cette économie naîtra du secteur déjà en place.
Le Canada a une occasion en or à saisir. Vous m'avez déjà entendu dire qu'au cours des six dernières années, 300 milliards de dollars ont été investis dans le secteur aux États-Unis. Le Canada aurait dû voir des investissements en parallèle de 30 milliards de dollars dans son propre secteur. Au lieu de cela, les investissements n’y atterrissent même pas. Désigner les produits comme « toxiques » en inscrivant tous les articles fabriqués en plastique à l’annexe 1 de la loi ne fera qu’exacerber le problème.
De leur côté, les plus grandes provinces canadiennes — l’Alberta, l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique — accordent toutes la priorité à la croissance économique, en misant en partie sur la reprise qui suivra la pandémie de COVID et en partie sur les nouveaux investissements dans le secteur de la chimie. Comme dans la lutte contre la pandémie de COVID, nous avons besoin que le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces travaillent de concert avec les gens de l'industrie et les autres parties prenantes, de façon harmonisée et intégrée.
Merci.
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Merci, monsieur le président, de me donner le temps de présenter mon point de vue sur cette question extrêmement importante.
Je vois trois grands principaux problèmes dans les modifications proposées à la LCPE.
Le premier problème, c'est que les plastiques ne sont pas toxiques, surtout quand on tient compte des solutions de rechange possibles.
Le deuxième problème, c'est qu'on ne s'attaque pas autant qu'il le faudrait à la source du problème environnemental, c'est-à-dire aux méthodes de gestion des déchets inefficaces et épouvantablement dépassées du Canada.
Enfin, il y a les effets économiques et sur l'emploi.
Premièrement, revenons aux raisons pour lesquelles les plastiques ne sont pas toxiques du tout, au sens classique du terme. Ce sont des substances chimiques extrêmement stables qui n'interagissent pas facilement avec les autres substances. Ils sont parmi les matières les plus communément utilisées dans l'industrie médicale. Pas moins de 73 % de l'équipement médical jetable dans le monde est fait de plastique. Le plastique est de qualité médicale. Comparativement à l'aluminium ou au verre, quand le plastique se brise en plus petits morceaux, il ne cause pas autant de coupures que ces autres matières. L'avantage des qualités médicales, combinées au caractère incassable des plastiques explique pourquoi ceux-ci ont remplacé toutes les autres matières dans les emballages pour aliments et boissons. Les plastiques sont sûrs pour emballer les produits, ils permettent de réduire au minimum les déchets alimentaires et sont bien adaptés au transport.
Contrairement au plastique, l'aluminium est très réactif, chimiquement. C'est la raison pour laquelle toutes les canettes en aluminium produites sont recouvertes d'un enduit de plastique.
Le papier est aussi une matière fantastique, mais son utilisation est très limitée. Les produits de papier ne peuvent pas contenir de liquides comme l'eau ou l'huile, à moins qu'on y ajoute des additifs ou des structures multicouches, comme des doublures en plastique. Beaucoup d'emballages de papier ou de carton multicouches contiennent des composés chimiques perfluorés, soit des PFAS. Les PFAS ne se décomposent pas.
C'est donc le rejet non contrôlé de déchets dans l'environnement qui justifie qu'on qualifie les plastiques de toxiques, et je suis totalement d'accord pour dire qu'il faut nous attaquer au problème.
Si vous voulez mettre fin au concept obsolète de l'économie linéaire et comprendre pourquoi il est si fondamental de créer une économie circulaire pour protéger nos ressources naturelles, j'aimerais vous faire part des réflexions suivantes sur les plastiques.
Le terme « plastique à usage unique » est mal choisi. La seule raison pour laquelle la majorité des plastiques utilisés aujourd'hui ne peuvent pas être utilisés plus d'une fois, c'est qu'il faudrait moderniser les politiques de gestion des déchets du Canada afin de mettre l'accent sur la gestion des ressources; il faudrait ainsi favoriser l'investissement dans le recyclage et établir des normes minimales de contenu recyclé pour tous les articles, pour les plastiques comme les autres matières.
Au pays, l'industrie des boissons recycle près de 75 % de tous les contenants de plastique. Les technologies nécessaires pour recycler les PET, soit les plastiques qui entrent dans la composition de ces contenants, sont matures. Elles sont efficaces et doivent être valorisées davantage.
Le recyclage et la réutilisation sont des solutions éprouvées, mais la loi ne réussit pas à combattre les problèmes autant qu'il le faudrait, selon moi.
Enfin, pour ce qui est des effets sur l'environnement, les plastiques ont le point de fusion le plus bas de toutes les matières d'emballage, si bien qu'il faut moins d'énergie pour les produire ou les recycler. Comparativement à l'empreinte carbone du PET utilisé pour fabriquer des contenants de boissons, l'empreinte carbone des composites de papier est 1,6 fois supérieure, celle de l'aluminium 1,7 fois supérieure et celle du verre 4,4 fois supérieure.
Le plastique PET ne nécessite pas de déforestation ni d'exploitation minière à ciel ouvert comme le papier et l'aluminium.
Sur le plan de l'emploi, Husky fait partie de l'industrie canadienne des plastiques, une industrie d'une valeur de plus de 35 milliards de dollars. Elle emploie directement et indirectement 370 000 personnes, dont la plupart dans des petites ou moyennes entreprises, comme je l'ai déjà dit, un segment de l'économie qui a été dévasté par le confinement imposé pour lutter contre la COVID.
Husky elle-même emploie environ 1 100 personnes au Canada et 4 000 personnes dans le monde. Nous investissons 60 millions de dollars chaque année par l'intermédiaire de 190 fournisseurs différents, qui emploient eux-mêmes 10 000 Canadiens. Au cours des 10 dernières années, Husky a contribué à la masse salariale canadienne à hauteur de plus de 1,8 milliard de dollars. Nous sommes un chef de file mondial de l'industrie 4.0, et nos investissements devraient atteindre les 190 millions de dollars sur trois ans dans nos activités canadiennes, pour mettre nos effectifs à niveau en vue de passer à l'ère numérique. Notre objectif est de faire en sorte que nos activités au Canada soient concurrentielles partout dans le monde.
Cependant, depuis le dépôt de ce projet de loi, Husky, comme beaucoup de ses clients et de ses cofournisseurs de l'industrie, a reporté ses investissements au Canada.
À mon avis, la solution serait de mobiliser l'industrie et ses 1 700 petites et moyennes entreprises dans la recherche d'une solution. La création d'une économie circulaire créera de l'emploi.
Bref, l'ère du consommer-jeter, soit celle de l'économie linéaire, est révolue, et je pense que nous serons tous d'accord là-dessus. Nous — et j'entends par là les 7,8 milliards de personnes qui peuplent la planète et qui cherchent toutes à élever leur niveau de vie — avons dépassé le point de non-retour. Nous sommes simplement rendus au stade où nous exploitons plus rapidement les ressources de notre terre mère qu'elle ne peut se régénérer. Grâce aux partenariats public-privé, nous pourrions faire de ce que nous appelons les déchets aujourd'hui nos ressources de demain, et pour longtemps encore.
Les plastiques forment une famille de matières idéalement adaptées à l'économie circulaire. Beaucoup de plastiques sont réutilisables à l'infini. Ils sont purifiés et décontaminés pendant le processus de recyclage.
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Je reprendrai depuis le début. La troisième fois est la bonne.
Merci infiniment de votre patience, encore une fois.
Je suis très heureux de me joindre à vous en ma qualité de directeur général du Pacte canadien sur les plastiques.
Le Pacte canadien sur les plastiques s'attaque aux déchets et à la pollution à la source. Nous sommes membres du Global Plastics Pact de la Fondation Ellen MacArthur et sommes nés d'une initiative indépendante de The Natural Step Canada, un organisme de bienfaisance national ayant plus de 25 ans d'expérience à favoriser une économie forte qui prospère dans les limites de la nature.
Plus de 50 organisations de premier plan ont rejoint le Pacte canadien sur les plastiques, et toutes prennent des mesures afin de créer une économie circulaire pour les plastiques. Il s'agit d'un réseau en croissance, qui rassemble des fabricants de produits chimiques et de résines, des conditionneurs, des détaillants, des producteurs de biens de consommation, des entreprises de collecte des déchets, de tri et de recyclage. Il comprend à la fois des sociétés lucratives, des organisations à but non lucratif et des organismes publics. C'est le seul réseau du genre à rassembler tous les acteurs de la chaîne de valeur des plastiques du Canada en un même endroit.
Nous avons récemment terminé une étude qui met en lumière qu'environ 1,9 million de tonnes d'emballages de plastique sont produites au Canada chaque année. Du lot, 88 % des emballages finissent dans des sites d'enfouissement, sont brûlés dans des incinérateurs ou se perdent dans l'environnement. Seuls 12 % de ces plastiques sont recyclés.
Ces 88 % sont un véritable gaspillage, ce ne sont pas que des déchets. Il s'agit d'une occasion économique ratée, d'une chance ratée d'investir dans l'innovation et le développement industriel, comme ce sont des émissions de gaz à effet de serre gaspillées.
Si l'on se demande comment se dissocier de l'actuelle consommer-jeter des plastiques, la réponse passe par l'économie circulaire, comme d'autres témoins l'ont déjà dit. Les plastiques peuvent ainsi rester dans l'économie et hors de l'environnement. Cela sous-entend d'éliminer les emballages plastiques inutiles tout en innovant pour faire en sorte que les emballages plastiques dont nous avons vraiment besoin soient réutilisés ou recyclés. Dans une économie circulaire pour les plastiques, les déchets génèrent des milliers d'emplois et des milliards de dollars en valeur économique, tout en stimulant l'innovation et en protégeant l'environnement.
En 2019, un rapport du Recycling Council of Alberta concluait qu'un recyclage accru dans la province pourrait générer 700 millions de dollars par année en valeur économique et près de 6 000 emplois. C'est vrai ailleurs au Canada également, puisqu'une économie circulaire pour les plastiques peut créer des emplois d'avenir de grande qualité. Imaginez un peu tous les emplois permanents, sûrs et bien rémunérés ainsi créés dans le tri, le recyclage et les installations industrielles de Kelowna jusqu'à Kitchener, d'un océan à l'autre, en région urbaine comme en région rurale.
Pour le secteur pétrochimique, c'est une occasion en or de favoriser une innovation de pointe de calibre mondial. Prenons l'exemple d'un partenariat établi récemment entre Merlin Plastics, une entreprise de la Colombie-Britannique, et NOVA Chemicals, à Calgary, pour transformer du polyéthylène recyclé en résine de plastique de qualité alimentaire.
Le Canada a déjà une bonne infrastructure de R-D, qui bénéficie de l'appui d'universités de renom et qui stimule déjà l'innovation dans les entreprises établies et celles en démarrage. Nous pouvons en faire encore plus.
Les avantages environnementaux sont indéniables. Il est sain pour nos communautés autant que pour la santé humaine et animale de garder les plastiques loin des sites d'enfouissement et des incinérateurs. Le recyclage des plastiques génère moins du tiers des émissions de gaz à effet de serre de la fabrication de résines à partir de ressources vierges.
S'il y a une chose que les débuts du Pacte canadien sur les plastiques nous prouvent, c'est que l'industrie est très investie dans ses efforts pour créer une économie circulaire des plastiques au Canada.
La participation de tous les ordres de gouvernement est également essentielle. L'interdiction des produits de plastique à usage unique est un outil possible parmi de nombreuses options à la disposition des gouvernements. Les partenaires qui font partie du Pacte canadien sur les plastiques ont diverses opinions sur le sujet, mais nos signataires sont tous déterminés à retirer les emballages plastiques problématiques des chaînes de valeur de la collecte et du recyclage.
Je dois toutefois mentionner quelques outils de plus que le gouvernement fédéral pourrait envisager.
Premièrement, il est clair que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle dans la coordination des efforts pour recueillir et diffuser des données sur les plastiques. À l'heure actuelle, les données sont trop incohérentes et insuffisantes pour brosser le portrait des plastiques dans le système et déterminer où ils aboutissent. On ne peut tout simplement pas gérer ce qu'on ne peut pas mesurer.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral pourrait établir des politiques industrielles afin de régir l'économie circulaire des plastiques. Plus précisément, il pourrait adopter des définitions nationales et des normes de rendement pour la collecte et le recyclage des plastiques; offrir un soutien aux provinces dans l'établissement de règlements sur le rendement, notamment sur l'élargissement de la responsabilité des producteurs, et établir des normes nationales de contenu recyclé tout en utilisant l'approvisionnement public pour stimuler la demande. Ces politiques sur l'offre et la demande jetteraient les bases de l'innovation technologique dans l'économie circulaire des plastiques.
Troisièmement, aucun acteur de la chaîne de valeur des plastiques ne peut solutionner le problème des déchets à lui seul, il est donc important que les gouvernements investissent dans des plateformes multilatérales pour favoriser la collaboration essentielle pour stimuler une transformation en profondeur des systèmes.
Pour conclure, je tiens à préciser que les membres du Pacte canadien sur les plastiques ne partagent pas tous le même avis quant aux interdictions proposées. Nous convenons tous cependant qu'il incombe au gouvernement de mettre en place un programme plus vaste s'appuyant sur un ensemble de politiques pour profiter pleinement des avantages que nous procurera l'essentielle transition vers une économie circulaire des plastiques en positionnant le Canada parmi les chefs de file en la matière.
Je vous remercie.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité.
Je suis Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente de RECYC-QUÉBEC. Je suis responsable des opérations.
RECYC-QUÉBEC est une société d'État qui relève du ministre de l'Environnement et qui travaille chaque jour à réduire, à réutiliser et à recycler le maximum de matières en accompagnant à la fois les citoyens, les municipalités et les entreprises dans l'adoption de pratiques de production et de consommation responsables. Notre vision, c'est de faire du Québec une société sans gaspillage.
Vous examinez la question des plastiques et des produits à usage unique. C'est un dossier dans lequel RECYC-QUÉBEC est très actif depuis de nombreuses années. L'ensemble de nos interventions, que ce soit pour les plastiques ou d'autres matières, repose essentiellement sur la hiérarchie des 3RV, que vous connaissez peut-être. Nos actions principales touchent donc la réduction à la source et le réemploi.
Au cours de la dernière année, RECYC-QUÉBEC a offert du soutien financier à des projets concrets permettant de réduire les plastiques et les produits à usage unique. Dix projets ont été retenus au mois de février dernier, dans 10 régions du Québec, pour un peu moins de 900 000 $.
Je dirais qu'il y a un engouement de la part des citoyens, des entreprises et des municipalités, qui souhaitent faire la transition et réduire à la source les produits de plastique ou à usage unique. Ceux-ci peuvent être complètement éliminés en sensibilisant les gens. Il y a une adhésion à ce genre d'initiative. Il est très important pour nous de continuer d'appuyer et de documenter cela. Nous travaillons également à promouvoir le réemploi, soit la transition vers les produits durables. Il s'agit de s'éloigner des produits à usage unique et des produits jetables. Nous avons documenté différentes fiches à cet égard.
Nous avons également mené des campagnes de sensibilisation par le passé pour démontrer qu'il y avait non seulement des bénéfices environnementaux découlant de la réduction des produits de plastique ou à usage unique et de l'utilisation de produits réutilisables, mais aussi des bénéfices sur le plan économique. C'est important d'en parler. Les entreprises et les commerçants qui font la transition vers des produits durables peuvent constater rapidement des économies, notamment sur le plan de leurs acquisitions.
On voit émerger de plus en plus de nouvelles entreprises et de nouveaux modèles d'affaires. L'exemple québécois dont je veux vous parler, c'est La tasse, une création de l'organisme La vague. Il s'agit d'une tasse visuellement reconnaissable qui est bleue et qui a été adoptée par plusieurs commerçants et cafés dans plusieurs villes. Cela permet aux consommateurs de prendre cette tasse à un endroit et de la ramener ailleurs. C'est vraiment ce genre d'initiative que nous souhaitons appuyer et déployer à plus grande échelle dans les différentes régions du Québec.
S'agissant de plastiques et de produits à usage unique ou d'emballages, il y a deux éléments auxquels nos travaux nous ont amenés à porter une attention particulière.
Premièrement, réduire les produits de plastique, c'est bien, mais il faut faire attention de ne pas créer d'effet rebond, notamment lorsqu'on veut réduire l'emballage des aliments. On sait que l'emballage peut jouer un rôle dans la conservation et la prolongation de la durée de vie des aliments. Il est possible de réduire à la fois l'emballage et le gaspillage alimentaire, mais il faut le faire d'une façon éclairée. RECYC-QUÉBEC a notamment participé à une étude du Conseil national zéro déchet qui portait justement sur le lien entre l'emballage et la réduction du gaspillage alimentaire.
Deuxièmement, quand on cherche des solutions pour remplacer les plastiques à usage unique, il faut faire attention aux répercussions de ces solutions. Dans le passé, nous avons réalisé une analyse du cycle de vie des sacs d'emplettes. Nous avons regardé les sacs réutilisables et les sacs à usage unique, et nous avons constaté que le sac de plastique à usage unique était celui qui avait le moins de répercussions environnementales sur l'ensemble de sa durée de vie. On dit souvent que de remplacer un produit jetable par un autre produit jetable n'est pas la meilleure solution. Il faut d'abord regarder si l'on peut réduire leur utilisation ou même opter pour des produits durables.
En terminant, j'aimerais souligner que RECYC-QUÉBEC est très actif également dans le domaine de la transition vers l'économie circulaire. Il s'agit d'un ensemble de stratégies visant à atteindre notre objectif. Le recyclage en fait partie, mais, pour nous, c'est l'une des dernières stratégies à regarder.
Au Québec, nous nous employons à mettre à jour et à moderniser nos systèmes de récupération et de recyclage, particulièrement la collecte sélective et le système de consigne. En mars dernier, une loi a été adoptée pour que ces deux systèmes soient modernisés selon une approche de responsabilité élargie des producteurs. La consigne sera également élargie de façon à inclure tous les types de contenants de boissons. On parle donc ici d'une consigne élargie et modernisée.
En résumé, la réduction à la source et le réemploi sont nos priorités.
Merci à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. C'est vraiment une excellente façon d'amorcer notre étude sur les plastiques.
Madame Rochman, j'aimerais en savoir plus long sur les recherches que vous menez. Comme mon collègue, M. Albas, a parlé de toxicité, je veux d'abord obtenir un éclaircissement.
Lorsqu'il est question de toxicité, on pense aux répercussions sur la biodiversité ainsi que sur la santé humaine. Si l'on considère ces deux aspects dans le contexte de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, l'objectif est en fait de se donner les moyens de protéger notre biodiversité. Pour ce qui est des risques environnementaux de la pollution de l'écosystème par les plastiques, et particulièrement les microplastiques, pourriez-vous préciser pour ma gouverne et celle du Comité quels organismes et espèces sauvages sont affectés par ces microplastiques et leurs effets toxiques possibles?
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Merci pour la question. Je vais parler d'abord de la faune avant de vous répondre concernant la santé humaine.
Pour ce qui est de la faune, il ne fait aucun doute que certains organismes sont exposés. C'est le cas d'espèces à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Pour prendre l'exemple du lac Ontario, on trouve ici parfois des poissons qui ont plus de 100 particules de microplastiques dans leur système digestif. Ils sont donc exposés aux plastiques, et ce, à forte concentration à certains endroits.
Différentes études ont permis d'évaluer les effets sur les organismes, des zooplanctons au niveau inférieur de la chaîne alimentaire jusqu'aux poissons, en passant par les mollusques comme les moules, les palourdes et les huîtres. Si l'on synthétise le travail ainsi effectué pour analyser la situation dans son ensemble, on peut connaître les risques pour les différentes espèces. À titre d'exemple, je peux ainsi déterminer à quel niveau de concentration 5 % des espèces dans l'environnement vont être affectées. Je peux vous dire que ce niveau de concentration est d'environ 100 à 120 particules par litre. On trouve déjà une telle concentration dans certains secteurs de nos Grands Lacs.
Nous en avons encore beaucoup à apprendre pour ce qui est des différents types de plastiques, mais nous savons que les microplastiques en forte concentration peuvent être toxiques pour l'eau douce et les espèces marines.
Pour ce qui est de la santé humaine, nous savons qu'il y a des microplastiques dans notre eau potable. Nous savons également qu'il y a des microplastiques dans les produits de la mer que nous consommons du fait qu'ils quittent le système digestif pour se retrouver dans les parties de l'organisme qui aboutissent dans nos assiettes. Nous n'en connaissons pas encore les répercussions sur la santé humaine. C'est toujours une inconnue.
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Je vous remercie, madame Langlois-Blouin.
Mes prochaines questions s'adressent à Mme Rochman.
D'abord, je vous remercie, madame Rochman, de vos études sur le sujet d'aujourd'hui. Je pense particulièrement aux microplastiques dans la chaîne alimentaire, dont nous venons de parler avec Mme Saks.
Considérez-vous qu'il serait pertinent d'inclure plus d'articles de plastique à usage unique dans l'annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement?
Pensons, par exemple, aux gobelets, aux assiettes et aux emballages de plastique.
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Les seuls points principaux que je voulais soulever portaient sur les solutions de rechange.
Je pense que tout le monde ici s'entend pour dire qu'il est important d'empêcher que les plastiques se retrouvent dans l'environnement. L'idée fondamentale que je voulais faire valoir, c'est que si nous passons à une matière de rechange, assurons-nous qu'elle n'aura pas un impact environnemental plus important dans la production, qu'elle n'aura pas de répercussions environnementales plus importantes au moment de la collecte et de la réutilisation et, enfin, que lorsqu'elle se décomposera et se retrouvera dans l'environnement, il ne s'agira pas d'une substance encore plus dangereuse. Pour l'essentiel, ce sont les trois points dont nous avons débattu ici, mais je ne sais pas si nous les avons intégrés.
Le dernier point que j'allais soulever à ce sujet, et je conclurai par la suite, concerne les observations que j'ai faites par rapport à des visites dans des entreprises de gestion des déchets et d'autres choses que nous avons faites pour essayer de comprendre la question. Nous sommes plutôt en train de dresser les groupes les uns contre les autres. Le dernier point que je voulais soulever, c'est qu'à mon avis, c'est une erreur de procéder ainsi. Personne n'y gagnera quoi que ce soit.
De nombreuses personnes ont avancé des arguments importants et valables pour dire que nous devons faire en sorte que les plastiques ne se retrouvent pas dans l'environnement. Je ne conteste aucun de ces principes fondamentaux. Ce qui me préoccupe, c'est que lorsqu'il s'agit de la manière de procéder, comment nous assurer que non seulement les plastiques, mais aussi tous les déchets ne se retrouvent pas dans l'environnement? Qu'est-ce que cela signifie de déterminer quelles matières peuvent être réutilisées? Qu'est-ce que cela signifie pour ce qui est de faire en sorte que, dans le cadre de la gestion des déchets, on en ramène suffisamment pour qu'il soit rentable de les transformer à nouveau et de les réutiliser efficacement?
Ce sont les dernières observations. Il s'agit d'un problème lié au système, et je trouve que nous l'examinons trop en plusieurs petits morceaux, plutôt qu'en un tout. C'est probablement mon commentaire le plus important.
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Absolument, et parce que notre entreprise est une multinationale, nous avons la possibilité de travailler partout dans le monde avec divers pays.
Je vais parler de l'Allemagne et de la Norvège, car ce sont les modèles d'excellence en matière de collecte et de réutilisation des plastiques. Ces deux pays demandent et assurent un taux de récupération et de réutilisation de 97 % aujourd'hui. C'est la situation aujourd'hui. En fait, l'Allemagne à elle seule récupère et recycle trois fois plus de matières plastiques que le Canada tout entier en utilise chaque année. Elle a donc des solutions éprouvées.
Nous avons examiné la recette du succès. Elle comprend, par exemple, des exigences minimales en matière de contenu recyclé sur tous les contenants, ce qui crée une demande.
Le deuxième élément, c'est que les systèmes de contrôle des déchets sont beaucoup plus efficaces.
J'ai vécu en Europe, au Luxembourg, pendant cinq ans, et il y a 20 ans, il existait des systèmes qui me permettaient de placer les matières dans un endroit approprié facilement. Au Canada, dans les 15 minutes de route qui séparent ma ferme de Husky, la façon de collecter les matières diffère. C'est le deuxième élément qui est absolument essentiel à mon avis.
Le troisième élément consiste à encourager l'industrie à investir dans l'infrastructure de recyclage. C'est une partie importante de l'équation allemande aujourd'hui.
Enfin, je pense que le modèle d'excellence consiste à lui attribuer une valeur. Je parle ici — et bien des gens ont une opinion différente, y compris au sein de mon industrie — de la consigne. Si l'on prend un système de consigne, on voit que ce qui est vraiment utile à cet égard, c'est que, que la personne retourne le contenant pour la consigne ou qu'elle le jette dans l'environnement, le système de consigne incite quelqu'un à le ramasser et à le récupérer avant qu'il ne se retrouve dans nos cours d'eau, dans nos lacs et dans nos océans, donc [Difficultés techniques] que c'est bien.
À vrai dire, 300 entreprises sont membres de l'association de recyclage des plastiques en Allemagne. [Difficultés techniques] c'est aussi très bon pour l'emploi et les affaires.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai quelques questions pour M. Galt.
Si j'ai bien compris, dans votre exposé, vous vous êtes opposé à l'idée que les plastiques soient considérés comme étant des substances toxiques dans le cadre de la définition fournie dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement — ou la LCPE.
J'ai lu la définition de la LCPE. Je suis un peu novice en la matière, puisque je ne suis pas un membre permanent du Comité. J'ai toutefois du mal à comprendre comment ces plastiques ne correspondent pas parfaitement à cette définition. En effet, la définition indique qu'il s'agit d'une substance qui a, « immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique », qui met « en danger l'environnement essentiel pour la vie » et qui constitue « un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines ».
J'aimerais donc savoir si vous êtes d'avis que le plastique ne correspond pas à cette définition ou si vous pensez que la définition n'est pas appropriée. Pourriez-vous approfondir ce point?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais également remercier les témoins, car ils nous ont fourni d'excellents renseignements et je pense que nous apprenons tous beaucoup de choses.
Madame Rochman, j'aimerais d'abord vous poser quelques questions. Je ferai référence à un article scientifique que vous avez écrit en 2018. J'aimerais aborder l'aspect humain de cette question [Difficultés techniques] de la bioaccumulation des microplastiques et des nanoplastiques dans la chaîne alimentaire marine.
Vous avez mentionné que les niveaux de toxicité varient en fonction des produits chimiques liés aux différents plastiques et de leurs sources. Je vais également faire référence à un autre document. Comme vous vous en souvenez sûrement, un rapport publié par l'ONU en 2016 a indiqué que plus de 800 espèces animales étaient contaminées par du plastique par ingestion ou par enchevêtrement. [Difficultés techniques] non seulement à titre d'industrie, mais reconnaître que cela représente 6,7 % des protéines du monde.
Êtes-vous en mesure de cerner les sources de microplastiques qui représentent les plus grandes menaces pour la santé marine et humaine? Quel est le meilleur moyen d'atténuer cette menace?
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Chaque année, le nombre de publications augmente considérablement, et nos connaissances sur le risque des microplastiques aussi [
Difficultés techniques], en ce qui concerne les fruits de mer, l'objet, je pense, de votre question.
Nous savons que ces microplastiques peuvent se loger dans le filet ou les parties comestibles du poisson. Nous possédons même des statistiques sur les quantités observées dans les filets de poissons du lac Simcoe et sur l'éventuelle exposition qu'elles peuvent engendrer. Actuellement, comme je l'ai dit, des publications en parlent.
Vous avez dit que certains plastiques peuvent être plus nocifs que d'autres. Actuellement, je travaille pour l'État de Californie à une évaluation des risques pour les humains et la faune. Même s'il se peut que nous révisions nos opinions à la faveur de l'augmentation de nos connaissances, pour les besoins de cette évaluation des risques, nous ne faisons aucune distinction entre les différents types de microplastiques, nous ne tenons compte que de la concentration et du volume, qui découlent de la taille des particules et de leur nombre.
D'ailleurs, les sources de microplastiques dans l'environnement sont très nombreuses et très différentes. Je ne saurais vous dire laquelle est la plus importante en ce qui concerne le type de plastique le plus toxique. Je reconnais l'importance réelle des fruits de mer. J'estime que peut-être beaucoup moins de personnes sont exposées par les fruits de mer que par l'eau de boisson ou la poussière. Actuellement, ce que nous savons sur la santé humaine et l'exposition attribuable aux fruits de mer ne suffit pas pour que nous conseillions quoi consommer et comment le consommer. Actuellement, pour le faire, on commence en certains endroits par l'eau de boisson.
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Vous parlez de l'article de Brahney et collaborateurs, publié dans
Science Magazine, l'année dernière, qui, essentiellement, explique et présente le cycle des microplastiques dans celui de l'eau et celui, mondial, des poussières. Nous commençons à comprendre comment il s'imbrique dans celui du carbone.
J'en déduis que les microplastiques sont partout et sont assez persistants pour intervenir dans les cycles planétaires fondamentaux. Ensuite, vous demandez ce que ça signifie et ce que nous pouvons faire à ce sujet.
Il est urgent d'agir. Plusieurs moyens sont à notre disposition. Le problème est semblable au problème climatique, en ce sens qu'il n'a pas de solution unique. Nous devons actionner plusieurs leviers en même temps, dont l'un qui réduit notre production de déchets de plastique, le sujet de discussion d'aujourd'hui.
Les autres sont l'installation de filtres sur les lave-linge, les sécheuses, dans les systèmes de retenue des eaux pluviales, comme les bassins de biorétention. Il faut également songer à augmenter l'efficacité de l'opération Clean Sweep pour que des pastilles de plastique ne s'échappent plus dans l'environnement. C'est le genre de mesures à prévoir.
Malheureusement, je ne préfère aucune solution. Je les estime toutes importantes et, comme contre les émissions carbonées, nous devons faire flèche de tout bois.
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C'est une bonne question.
La donnée que nous avons au Québec est un peu plus élevée, mais vous avez raison: il y a des pertes dans la chaîne de récupération et de recyclage, notamment à la maison, parce que les gens ne savent pas différencier les types de plastique. Ainsi, la notion d'étiquetage ou [difficultés techniques], où il y a des indications de la part du Bureau de la concurrence du Canada, fait aussi partie des pistes de solution à explorer pour faciliter le tri chez le citoyen et pour réduire, voire éliminer les matières plastiques directement à la maison.
Effectivement, il y a des démarches en cours et il y a eu des ateliers de maillage au Québec, notamment en ce qui concerne les fibres. Il y a de plus en plus de collaboration. Par exemple, au Québec, il y a le Groupe d'action plastiques circulaires, ou GAPC, qui regroupe différentes entreprises mettant des produits de plastique sur le marché. Il a fait des investissements et des recherches pour bien couvrir tous les aspects de la question et évaluer les besoins non seulement dans les centres de tri, mais aussi chez les conditionneurs et les recycleurs pour éviter qu'un maillon de la chaîne bloque le processus. Il faut travailler sur l'ensemble des maillons, c'est-à-dire ce qui est mis en marché et les consignes de tri pour le citoyen, mais aussi l'optimisation du tri et du recyclage.
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Avant de parler des pertes d'emplois, je dois dire que je redoute la création de ce [
Difficultés techniques] qui se trouve entre les plastiques à usage unique et les autres plastiques. Si nous investissions dans une économie circulaire, nous n'aurions plus cette notion de plastique à usage unique. Je crois que nous devons réfléchir aux répercussions de cette approche qui consiste à interdire des choses, sachant qu'il suffit de faire les bons investissements pour changer tout le cadre de référence.
En particulier, quand nous examinons les effets sur les emplois dans l'économie, si nous devions tenir compte de tous les plastiques à usage unique et si ces derniers étaient généralement interdits au pays, cela mettrait en péril probablement quelque chose entre 6 et 7 milliards de dollars en ventes annuelles à l'échelle nationale.
Ces ventes représentent entre 13 000 et 20 000 emplois directs au Canada. Il y a deux emplois indirects pour chaque emploi direct, ce qui signifie qu'entre 26 000 à 40 000 emplois supplémentaires seraient menacés à la suite de l'interdiction des plastiques à usage unique. Toutefois, si nous renversions la situation et investissions dans l'économie circulaire, comme nous le préconisons tous ici, nous n'aurions plus ce débat ni ce risque économique.
Pour répondre plus précisément à la question de M. Albas, ces emplois se trouvent dans tout le pays. Près de 2 000 entreprises sont présentes dans presque toutes les circonscriptions du pays, dont environ 60 % en Ontario et 25 à 30 % au Québec, le reste étant dispersé en Alberta et en Colombie-Britannique, et un peu dans d'autres provinces. Dans chaque circonscription, il y a des petites et moyennes entreprises qui fabriquent ces produits en plastique dont nous bénéficions et que nous utilisons abondamment depuis des décennies.
Le problème n'est pas l'utilisation des plastiques; c'est la gestion des déchets ou, bien franchement, la reconception générale pour en faire une ressource réutilisable. Si nous nous concentrions sur ce problème, plutôt que sur l'interdiction du produit, nous n'aurions plus ce débat.
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Je vous remercie. Nous avons un groupe de témoins très intéressants.
À bien des égards, pour ce qui est de reconnaître l'importance des matières plastiques dans nos vies, nous avons plus de points en commun que de divergences. Bien franchement, nous allons connaître une période économique difficile, et nous devons chercher des solutions pour préserver les emplois et soutenir notre économie, tout en protégeant l'environnement. Nous ne pouvons pas nous permettre d'aller trop loin dans une seule direction. C'est possible, et c'est vraiment important.
J'ai déjà été infirmière. L'équipement de protection et les seringues que nous utilisions avant étaient fabriqués en verre, mais ils ont été remplacés par du plastique. C'était important pour nous, notamment sur le plan du contrôle des infections. Je m'inquiète de ce que j'entends dire au sujet de [Difficultés techniques] en ce qui concerne les répercussions sur d'autres produits [Difficultés techniques]. Le plastique sera de plus en plus nécessaire dans l'économie à faibles émissions de carbone.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet aspect précis?
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Prenez l'exemple du secteur de l'automobile. Si nous voulons alléger nos véhicules, les rendre moins énergivores et les électrifier, nous devrons diminuer leur poids, ce qui signifie qu'il faudra utiliser plus de matières plastiques.
Dans n'importe quelle voiture en circulation aujourd'hui, il y a beaucoup plus de plastiques qu'à l'époque que vous venez d'évoquer en parlant du secteur des soins infirmiers. Dans l'industrie automobile, on assiste à la même transformation que celle que vous avez observée en soins infirmiers. C'est le même constat dans le secteur de l'aérospatiale.
Pourquoi en est-il ainsi? C'est parce qu'on veut réduire le poids. Avant la pandémie, des sociétés comme Air Canada ont remplacé graduellement toutes les vitres des avions par du plastique, parce qu'en éliminant ne serait-ce qu'un peu de poids supplémentaire à chaque vol, on obtient des avions plus légers et moins polluants.
Je pourrais certes parler encore longtemps de l'utilisation du plastique comme matériau léger et écoénergétique, qui s'est imposé dans tous les secteurs de l'économie. Croyez-le ou non, c'est surtout très important dans le secteur des aliments et des boissons, car l'emballage coûte souvent plus cher que le produit lui-même et peut souvent peser plus lourd si l'on choisit les mauvais matériaux. Bref, dans la plupart des secteurs, les matières plastiques sont tout à fait propices à l'économie à faibles émissions de carbone.
À vrai dire, je serai l'avant-dernier intervenant, car je vais poser une question à Mme Rochman, après quoi je céderai la parole à mon collègue, M. Longfield, qui utilisera le reste de mon temps, si cela vous convient, monsieur le président.
Madame Rochman, je voulais vous poser une question sur l'interdiction des plastiques à usage unique. Je pense que de nombreux habitants de ma circonscription, Etobicoke-Centre, comprennent certains des effets néfastes que les plastiques peuvent avoir sur l'environnement et sur la santé humaine, mais pourriez-vous nous dire quels sont, selon vous, les avantages d'interdire les plastiques à usage unique, comme le propose le gouvernement?
Vous avez peut-être une minute et demie ou deux minutes, tout au plus, pour nous donner une réponse; je dirais plutôt une minute et demie.
Comme je l'ai déjà dit, il ne fait aucun doute que les plastiques, petits et grands, présentent des risques mesurables pour l'environnement et, par conséquent, nous savons qu'il faut agir dès maintenant. Nous avons effectué des évaluations pour tenter d'estimer la quantité de matières plastiques qui se retrouvent dans l'environnement chaque année, et nous avons obtenu un chiffre de l'ordre de 20 à 30 millions de tonnes métriques. Nous savons que si nous continuons comme si de rien n'était, cette quantité pourrait tripler.
Afin de réduire ce chiffre, nous avons effectué des exercices pour déterminer dans quelle mesure nous devons miser uniquement sur la gestion des déchets, la réduction du plastique ou, encore, l'assainissement. Si nous ne faisons qu'une seule chose, nous aurons à accomplir un travail immense, et ce, dans toutes les économies du monde; c'est pourquoi, à mon avis, la réduction des déchets plastiques est un élément important. Je suis consciente que si nous passons à une économie circulaire, nous réduirons également les déchets plastiques, mais nous devons agir rapidement. Cela fait des décennies que nous parlons de recyclage, et cela n'a pas encore fonctionné. J'aime bien le recyclage, mais nous n'avons pas obtenu les résultats nécessaires.
D'après ce que j'observe dans l'environnement, je crois que la réduction des produits de plastique à usage unique sur le marché permettra de réduire la quantité de déchets qui se retrouvent dans l'environnement, notamment les microplastiques, ce qui permettra de protéger la faune et, en fin de compte, la santé humaine, une fois que nous aurons mieux compris ces risques. Cela a fonctionné dans le cas des microbilles, et je pense qu'il s'agit d'une autre étape à franchir pour réduire davantage la quantité de déchets plastiques avant d'aller plus loin.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
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C'est moi qui vous remercie.
Il est maintenant 17 h 30, ce qui met fin à notre série de questions.
Merci à tous les témoins de cette discussion fort intéressante, qui a englobé différents points de vue, dans bien des cas. Nous en sortons tous avec une bonne compréhension du sujet à l'étude.
Chers collègues, comme vous le savez, nous allons nous réunir de nouveau jeudi. La séance commencera un peu plus tard parce qu'il y aura des votes. Nous lancerons alors notre étude du projet de loi . Le lundi 19 avril, nous n'aurons pas de réunion en raison du budget. Nous reprendrons nos travaux le 21.
Merci encore à nos témoins, et merci à vous, chers collègues, de vos excellentes questions.
Merci aux analystes d'avoir préparé la documentation, et merci aussi à la greffière d'avoir géré le tout.
Bonne soirée à tous. Je suis sûr que nous nous reverrons à un moment donné pour discuter des différentes questions qui découlent de cette étude. Merci beaucoup.
La séance est levée.