:
Bienvenue. Nous commençons avec un léger retard. Comme M. Albas l'a fait remarquer, je pensais travailler jusqu'à 18 heures, mais il n'y a pas de consentement unanime, comme c'est le droit de M. Albas, bien entendu. Nous pouvons continuer aussi longtemps que nous avons le quorum, tant que nous avons quatre membres, y compris la présidence, et que deux partis de l'opposition sont représentés. Nous verrons ce qu'il se passe à 17 h 30, mais j'ai l'intention de continuer jusqu'à 18 heures même si des membres doivent partir, tant que nous avons le quorum.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous tenons la 16e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous nous réunissons aujourd'hui en vertu d'une motion adoptée par le Comité le 1er février. Le Comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude sur le commissaire à l'environnement et au développement durable.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, je voudrais rappeler à tous les règles suivantes.
Les membres du Comité et les témoins peuvent s'exprimer dans l'une ou l'autre des langues officielles. Des services d'interprétation sont mis à leur disposition. Vous pouvez écouter dans la langue officielle de votre choix. Vous verrez qu'il se trouve au bas de votre écran un petit icône vous permettant de choisir l'anglais ou le français. Vous n'avez pas à changer d'icône quand vous changez de langue.
Avant de parler, veuillez attendre que la présidence vous nomme. Toutes les interventions devraient s'adresser à la présidence. Quand vous ne parlez pas, veuillez désactiver votre micro.
Nous recevons deux groupes de témoins aujourd'hui, accordant essentiellement 55 minutes à chacun. Je voudrais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe, qui disposera de cinq minutes pour présenter une allocution d'ouverture, après quoi il répondra aux questions des membres. Nous recevons aujourd'hui Paul Fauteux, avocat, médiateur et arbitre accrédité, ainsi que Corinne Le Quéré, professeure en science du changement climatique à l'Université d'East Anglia, et Richard Lindgren, conseiller juridique pour l'Association canadienne du droit de l'environnement.
Nous commencerons par M. Fauteux.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de contribuer aux travaux du Comité.
J'ai été au service du gouvernement du Canada comme diplomate et cadre supérieur de 1980 à 2010. Depuis, je pratique le droit, la médiation et l'arbitrage chez CMKZ.
Le droit international de l'environnement a été l'un des fils conducteurs de ma carrière à compter de 1981, alors que je préparais l'adoption par les Nations unies d'un programme pour le développement du droit de l'environnement, jusqu'à 2004, quand j'ai quitté mes fonctions de directeur général du Bureau des changements climatiques d'Environnement Canada.
Je suis donc sensible au rôle que pourrait jouer le commissaire à l'environnement et au développement durable, insuffisamment exploité, à mon avis, pour que les politiques du Canada soient à la hauteur des défis environnementaux auxquels est confrontée notre planète, au premier chef l'urgence climatique.
Par conséquent, je suis heureux que, à l'initiative de la députée Collins, le Comité entreprenne aujourd'hui une étude sur la possibilité que le commissaire à l'environnement et au développement durable devienne un haut fonctionnaire du Parlement. Les raisons pour lesquelles cette idée me paraît excellente sont nombreuses. Vu les contraintes de temps, je n'en mentionnerai brièvement que quatre.
Premièrement, c'était l'idée de départ. En effet, ce poste devait à l'origine être un poste indépendant, comme l'avait promis le Parti libéral au cours de la campagne électorale de 1993. Par contre, quand le gouvernement Chrétien l'a créé, deux ans plus tard, il l'a placé au sein du Bureau du vérificateur général en tant que subordonné nommé par le vérificateur général.
Deuxièmement, l'histoire démontre que le lien de subordination du commissaire au vérificateur général impose des limites à l'efficacité de son travail. On se souviendra du conflit, en 2007, qui a opposé très publiquement la vérificatrice générale, Sheila Fraser, et la commissaire à l'environnement et au développement durable, Johanne Gélinas. La seconde présentait publiquement son rapport dévastateur sur le bilan du gouvernement fédéral en matière de lutte contre les changements climatiques quand elle a appris, par les médias, que la première venait de mettre fin à son mandat. Mme Gélinas insistait pour déposer auprès des parlementaires son propre rapport et pour le défendre et l'expliquer elle-même. La même année, votre comité a adopté une motion recommandant de faire du commissaire à l'environnement et au développement durable un haut fonctionnaire du Parlement. Cette motion a été appuyée par le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD, mais le gouvernement Harper n'y a pas donné suite.
Troisièmement, le sous-financement chronique qui afflige depuis maintenant 10 ans le Bureau du vérificateur général limite, lui aussi, l'efficacité du commissaire à l'environnement et au développement durable. Mme Karen Hogan l'a déclaré en mai dernier: « [...] les contraintes en matière de ressources mettent à rude épreuve notre capacité à remplir notre mandat de la manière dont nous le souhaiterions. » De 2010 à 2020, le Bureau du vérificateur général est passé de 27 audits de performance par année à 14. Cette pénurie de moyens entrave non seulement les activités de Mme Hogan, mais aussi, à fortiori, celles de son subordonné M. DeMarco. Le prochain budget fédéral devrait donc permettre que ces deux fonctions soient remplies par deux hauts fonctionnaires du Parlement et que chacun dispose d'un financement prévisible, permanent et conséquent avec son mandat.
Quatrièmement, il y a urgence d'agir pour le climat. C'est, à mon avis, la raison la plus importante de faire enfin du commissaire à l'environnement et au développement durable, 26 ans après la création du poste, un haut fonctionnaire du Parlement.
Soyons clairs: les résultats atteints par les gouvernements canadiens successifs en matière de lutte contre les changements climatiques, par opposition à leurs promesses, sont une honte nationale. Chaque fois que le Canada s'est fixé des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il les a ratées, puisque les émissions ont continué d'augmenter.
D'ailleurs, il est loin d'être sûr que le plan climatique renforcé du fédéral, annoncé en décembre dernier, permettra au Canada d'atteindre l'objectif convenu dans le cadre de l'Accord de Paris, qui est de réduire d'ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005.
En fait, l'édition de 2021 de l'Indice de performance climatique démontre que non seulement le Canada demeure résolument dans le peloton de queue, mais sa position relative recule: tandis que, l'an dernier, seuls six pays...
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Merci, monsieur de président.
Bonjour à tous. Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui.
[Traduction]
Je reprendrai là où M. Fauteux a arrêté. J'ai trois observations à formuler. Toutes concernent les actions climatiques.
Ma première observation, c'est que la gouvernance des actions climatiques ne fonctionne pas au Canada et doit évoluer. Le Canada n'a pas atteint ses objectifs climatiques au cours des 20 dernières années. Dans le cadre de mes recherches, je surveille les émissions de gaz à effet de serre à titre de principales responsables des changements climatiques. Le Canada est le seul pays du G7 dont les émissions ne diminuent pas. Elles sont 20 % plus élevées que celles enregistrées en 1990. Au cours de la dernière décence, elles ont encore augmenté. Les émissions ont décru dans au moins 43 pays alors que leur économie croissait. Les politiques en matière de climat fonctionnent dans d'autres pays, mais pas au Canada. La gouvernance des actions climatiques doit par conséquent être considérablement renforcée. Dans le document que je vous ai remis, vous trouverez un graphique sur les pays du G7.
Ma deuxième observation, c'est qu'une solide gouvernance climatique est bénéfique pour les gouvernements. Je veux vous faire part de mon expérience avec la France. En 2018, la France a établi le Haut Conseil pour le Climat, dont la tâche principale consiste à évaluer la stratégique climatique du gouvernement. Je préside ce haut conseil et puis témoigner de son influence positive. Dès son instauration, il a aidé à clarifier les débats en France et à mettre l'accent sur les questions qui comptent vraiment.
Le Haut Conseil a fourni de solides éléments de preuve et des renseignements de plus en plus précis sur ce qui bloque les progrès, ce qui a permis au gouvernement d'agir. Il a assuré la transparence et la reddition de comptes, et accru le soutien à l'égard de l'action climatique au sein de la population. Le conseil français et d'autres organes indépendants semblables constituent des mécanismes qui permettent aux voix des experts de se faire entendre. Ils fournissent la justification et la légitimité nécessaires pour entreprendre des actions ambitieuses si les gouvernements le souhaitent.
Ma troisième observation, c'est que nous savons ce qui constitue une bonne gouvernance climatique. Nous bénéficions maintenant d'une expérience considérable acquise dans un grand nombre de pays du monde où elle a porté fruit. Le Climate Change Committee du Royaume-Uni, dont je fais partie, est le plus ancien comité de ce genre, et le Royaume-Uni est le pays qui réussit le mieux à atteindre ses objectifs climatiques. En fait, ses émissions ont diminué de 28 % au cours des 10 dernières années seulement, alors que celles du Canada ont augmenté de 3 % pendant la même période.
Selon l'expérience d'autres pays, voici les mesures dont l'efficacité est démontrée: des examens annuels des progrès réalisés par un organe entièrement indépendant; une voix directe au Parlement; l'obligation qu'a le gouvernement de réagir annuellement aux rapports de progrès; des objectifs provisoires établis longtemps d'avance; des budgets quinquennaux utilisés au Royaume et en France pour fixer les niveaux d'émissions de carbone 15 ans d'avance, ce qui fournit des signaux clairs aux entreprises et à la population; et la formulation de conseils pour rectifier les politiques si elles ne permettent pas d'atteindre leur objectif.
Il faut disposer d'une solide équipe de soutien pour mener ces tâches à bien. Cette équipe doit posséder de l'expertise technique, scientifique, sociale et économique nécessaire pour analyser les problèmes. Elle doit être dotée de ressources suffisantes et protégées, et pouvoir établir et exécuter son propre programme de travail.
La motion examinée aujourd'hui, laquelle vise à faire du commissaire à l'environnement et au développement durable un haut fonctionnaire indépendant, s'inscrit dans l'orientation qui a fonctionné dans d'autres pays. Ce serait une première étape vers l'instauration de la gouvernance nécessaire pour garantir — et je dis « garantir » — l'atteinte des objectifs au Canada en matière de climat.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité.
Je m'appelle Richard Lindgren, avocat pour l'Association canadienne du droit de l'environnement, ou ACDE. Je voudrais remercier le Comité de m'offrir l'occasion de traiter d'une importante question: le commissaire à l'environnement et au développement durable devrait-il devenir un haut fonctionnaire indépendant du Parlement? S'appuyant sur sa collaboration et son expérience avec le commissaire à l'environnement de l'Ontario en vertu de la Charte des droits environnementaux de la province, l'ACDE est d'avis que la réponse est « oui ».
En adoptant cette position, l'ACDE ne critique pas l'excellent travail réalisé par le commissaire fédéral au fil des ans. Au contraire, nous avons beaucoup aimé les rapports qu'il a déposés au cours de son présent mandat, comme je l'explique plus en détail dans le mémoire que je vous ai remis vendredi dernier en après-midi.
Sachez que l'ACDE a été nommée au sein du groupe de travail du ministre afin de rédiger la Charte des droits environnementaux, ou CDE, de l'Ontario. J'ai eu l'honneur d'y représenter l'ACDE. Le groupe de travail n'a pas tardé à se heurter à la question suivante: comment peut-on assurer le mieux possible la surveillance et la reddition de comptes au titre de la CDE? Le bureau de la vérificatrice générale provinciale figurait au nombre des possibilités. Nous avons également envisagé de confier cette tâche aux tribunaux ou à des comités législatifs afin d'obliger le gouvernement à rendre des comptes en vertu de la CDE. Au bout du compte, cependant, le groupe de travail a recommandé que la CDE stipule que le commissaire à l'environnement soit un haut fonctionnaire indépendant du Parlement ontarien.
Nous avons également recommandé que la CDE dresse une liste exhaustive de pouvoirs, de tâches et de fonctions confiés au commissaire à l'environnement, et ces recommandations du groupe de travail figuraient dans la Partie III de la CDE quand elle a été promulguée en 1993 par le Parlement ontarien. Depuis lors, je pense qu'il est juste de dire que le commissaire à l'environnement a utilisé pleinement les pouvoirs que lui confère la CDE non seulement pour réaliser des audits environnementaux, mais aussi pour améliorer le cadre législatif et stratégique de l'Ontario.
Dans l'ensemble, nous considérons que le commissaire à l'environnement a agi de manière bénéfique, efficace et transformatrice au titre de la CDE.
Le gouvernement de l'Ontario a malheureusement aboli le poste de commissaire à l'environnement en 2018, malgré l'opposition et les préoccupations importantes de la population. L'ACDE recommande néanmoins qu'il envisage de rétablir cette fonction à titre de haut fonctionnaire indépendant du Parlement. S'il suit cette recommandation, il devrait le faire en adoptant une nouvelle loi et non en modifiant la Loi sur le vérificateur général.
En outre, monsieur le président, il faut s'attarder à cinq facteurs fondamentaux si on fait du commissaire à l'environnement un haut fonctionnaire indépendant.
Premièrement, le Parlement devrait nommer le commissaire de manière non partisane pour un mandat déterminé renouvelable et devrait être le seul à pouvoir le destituer pour des motifs valables.
Deuxièmement, l'ensemble des devoirs, des responsabilités et des obligations du commissaire devraient être enchâssés dans la loi.
Troisièmement, le commissaire doit jouir des mêmes pouvoirs que le vérificateur général afin d'obliger la présentation de documents, d'avoir accès à l'information et d'interroger des témoins.
Quatrièmement, le commissariat devrait être doté d'employés expérimentés de haut niveau possédant de la formation et de l'expertise dans un éventail de disciplines.
Cinquièmement, le commissariat aura besoin d'affectations budgétaires suffisantes de la part du Parlement pour être en mesure d'exécuter son mandat législatif.
En conclusion, l'ACDE admet que le fait de faire du commissaire fédéral un haut fonctionnaire indépendant présente des avantages et des inconvénients. Cependant, en nous fondant sur les résultats de la CDE en Ontario, nous sommes d'avis que les avantages surpassent les inconvénients perçus.
C'était là mon allocution d'ouverture, monsieur le président. Je répondrai à vos questions avec grand plaisir.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de prendre le temps de discuter avec nous de cet important sujet. Bien sûr, nous n'avons pas beaucoup de temps, puisque les audiences ne durent qu'une seule journée.
Ma première question s'adresse à tous les témoins.
Premièrement, en ce qui a trait au travail général du Bureau du vérificateur général, je dirais que l'institution est tout à fait digne de confiance. Je dirais aussi que le commissaire à l'environnement fait un excellent travail et a évoqué de nombreux éléments sous contrôle fédéral. Il a même abordé les initiatives climatiques des divers gouvernements dans le cadre de son travail.
Selon votre souvenir, y a-t-il déjà eu des problèmes avec le travail du vérificateur général ou du commissaire à l'environnement?
J'aimerais entendre les trois témoins à ce sujet.
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Monsieur le président, je peux répondre en premier et mes collègues interviendront ensuite.
Je dirais qu'il y a consensus au sujet de l'exercice approprié du commissaire fédéral dans le cadre de son mandat en vertu de la loi. Le problème, c'est que son mandat est restreint. Sur le site Web du vérificateur général, on reconnaît expressément que le commissaire à l'environnement n'examine pas les politiques environnementales du gouvernement, et n'en discute pas non plus. On ne fait que suivre les propositions du gouvernement et ses réalisations.
C'est important, car il faut maintenir la pression sur le gouvernement. J'aimerais toutefois voir un commissaire à l'environnement indépendant qui pourrait jouer un rôle plus stratégique, ce qui correspond aux anciennes versions ou conceptions de ce qu'est un commissaire à l'environnement. Il pourrait examiner et critiquer le caractère suffisant ou le mérite des politiques gouvernementales, au lieu de réaliser de simples vérifications de l'optimisation des ressources ou du rendement après coup.
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Monsieur Lindgren, avant de passer au prochain témoin, j'aimerais vous poser une question à ce sujet.
Lorsqu'il est question des mesures que devrait prendre le gouvernement, il ne faut pas oublier qu'il y a le gouvernement, et qu'il y a la Chambre des communes et ses divers membres, qui font partie du gouvernement ou qui sont dans l'opposition. Selon ce que je comprends, toutefois, le Parlement décide des mesures à prendre — par l'entremise des comptes publics — et s'assure ensuite auprès du vérificateur général et du commissaire à l'environnement que les mesures sont prises.
En suggérant que le commissaire à l'environnement devrait définir les conditions associées à ces décisions, ne suggérez-vous pas qu'il supplanterait les politiciens et la responsabilité électorale?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de s'être joints à nous pour discuter de ce processus.
Je suis nouvellement membre du Comité et plutôt nouvelle au Parlement. Cette conversation au sujet du rôle du commissaire à l'environnement est très importante pour moi, puisque mon élection ne date que de quelques mois. Je vous remercie de m'aider à mieux saisir le contexte.
Je ne suis aucunement conservatrice, mais je crois que lorsqu'on propose de nouveaux rôles ou des changements aux structures en place, il faut examiner de près ce qui existe déjà et déterminer ce qui fonctionne, ce qui doit être amélioré — et c'est en partie pour cela que nous sommes ici aujourd'hui — et si la grande transformation ou les changements mineurs auxquels vous avez fait référence sont les plus appropriés pour répondre aux préoccupations.
J'aimerais souligner que dans l'Énoncé économique de l'automne, le gouvernement prévoyait accorder un financement permanent au Bureau du vérificateur général pour le travail du commissaire à l'environnement, ce qui ajoute à la discussion d'aujourd'hui.
Selon ce que je comprends, les agents du Parlement ne dépendent pas du gouvernement. Ils disposent de budgets protégés, ils ont leur propre personnel et relèvent directement du Parlement. Selon ce que j'ai vu jusqu'à présent, le commissaire à l'environnement en poste a ces pouvoirs et fait partie du Bureau du vérificateur général, selon la structure que nous avons évoquée.
En ce qui a trait au rôle actuel du commissaire, selon vous, qu'est-ce qui fonctionne bien? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Qu'est-ce qu'on pourrait améliorer?
J'aimerais entendre M. Lindgren pour commencer.
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Je suis tout à fait d'accord avec vous, on peut faire les deux, et pour revenir aux préoccupations de M. Albas au sujet du déficit démocratique, je ne crois pas — et je n'ai rien entendu de la part des témoins qui puisse le suggérer — que le pouvoir décisionnel doive revenir au commissaire. Selon son nouveau mandat renforcé et amélioré à titre d'agent du Parlement, le commissaire sera un expert indépendant qui conseille le Parlement, le gouvernement et peut-être le public également.
On a entendu beaucoup de choses. Monsieur Lindgren, vous avez souvent évoqué la nature restreinte du mandat du commissaire. À l'heure actuelle, ce mandat se résume à une ligne et demie dans la Loi sur le vérificateur général. De façon plus précise, son mandat désigné au paragraphe 15.1(2), qui prévoit que le commissaire aide le vérificateur général à remplir ses fonctions en matière d’environnement et de développement durable.
C'est un mandat très restreint qui a malheureusement donné lieu à des résultats limités. Je crois que nous devons nous inspirer de ce qui a fonctionné dans les autres pays qui ont réussi à réduire leurs émissions, que Mme Le Quéré a cités en exemple. Elle a parlé du Royaume-Uni et de la France. La Nouvelle-Zélande a aussi un commissaire à l'environnement indépendant qui relève directement du Parlement et qui fait un excellent travail. Son mandat est beaucoup plus vaste que celui du commissaire canadien. Je crois qu'il s'agit d'un autre modèle utile dont on pourrait s'inspirer.
Merci.
:
À mon tour, je tiens à remercier nos invités.
Je tiens également à souligner que la note d'information préparée par les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement est bien explicite et donne beaucoup d'information.
Comme on a pu le constater, il a été question à plusieurs reprises des attributions et du mandat du commissaire entre la création du poste, en 1993, et les événements survenus en 2007, que Me Fauteux a rappelés. Compte tenu des enjeux environnementaux qui ne cessent de s'accentuer depuis 20 ans, il me semble juste de dire que le commissaire devrait pouvoir agir en toute indépendance et objectivité, conformément à son rôle de gardien de l'environnement. Il faudrait peut-être se défaire de la logique stricte de la vérification.
Mme Le Quéré a longuement parlé de ce qui s'est passé en Angleterre et en France. C'était très intéressant. Cela dit, je vais solliciter l'opinion de Me Fauteux.
À votre avis, quel devrait être le mandat du commissaire à l'environnement et au développement durable, une fois qu'il sera devenu haut fonctionnaire du Parlement canadien?
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Je vous remercie de cette question, madame Pauzé.
Ce mandat devrait être très vaste, vu l'ampleur du rattrapage à faire au Canada, après des décennies d'inaction sur le plan climatique.
Je rappelle en passant que la première conférence internationale sur le climat s'est tenue à Toronto en 1988. Il y a donc très longtemps que le gouvernement du Canada aurait dû agir. C'est en raison de cette inaction qu'il faut, à mon avis, donner au commissaire un mandat renforcé.
J'ai mentionné l'exemple de la Nouvelle-Zélande. Le commissaire à l'environnement de la Nouvelle-Zélande a un mandat très vaste, et c'est un mandat tout aussi vaste que je recommande pour le nôtre. Ce mandat comprend les éléments suivants: enquêter sur toute affaire pouvant avoir ou ayant eu des répercussions négatives sur l'environnement; évaluer la capacité, la performance et l'efficacité du système gouvernemental de gestion de l'environnement; ainsi que fournir des conseils et des informations qui aideront les gens à maintenir ou à améliorer la qualité de l'environnement.
Dans le cadre d'un tel mandat, le commissaire canadien pourrait donner son avis sur des projets de loi et recommander des modifications législatives, tout comme le fait son homologue néozélandais depuis fort longtemps.
Je reviens à Me Fauteux.
Le vérificateur général dit qu'il y a une frontière entre la gestion et la politique. Toutefois, cette frontière m'apparaît plutôt poreuse, car la Loi sur le vérificateur général lui laisse le soin de déterminer où cette frontière se situe.
Selon vos observations et vos connaissances, maître Fauteux, cette prérogative du vérificateur général ne s'exerce-t-elle pas au détriment de l'indépendance actuelle du commissaire, si indépendance il y a, bien sûr?
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Il m'en reste une autre? Alors, je vais continuer.
Je reviens à Mme Le Quéré.
Dans votre document, vous insistez sur la gouvernance des actions climatiques, qui est nécessaire pour le Canada et qu'il faudra immanquablement renforcer. On sait qu'une mesure législative sur le climat sera étudiée, soit le projet de loi .
Pourriez-vous nous parler de l'importance d'avoir un commissaire à l'environnement qui soit indépendant? Quels seraient les avantages pour le Canada de revoir le rôle et les pouvoirs du commissaire dans le cadre d'un projet de loi comme celui-ci sur le climat?
J'aimerais d'abord remercier nos trois témoins. D'après vos commentaires, en ce qui a trait au débat entre une vérification pure et simple et un mandat élargi pour le commissaire, qui pourrait juger du mérite des politiques du gouvernement, vous semblez tous d'avis que le mandat du commissaire devrait être plus vaste. Nos collègues conservateurs — et peut-être aussi une collègue libérale — se sont demandé si une telle fonction était justifiable dans le cadre de la démocratie canadienne.
Le commissaire aux langues officielles est responsable de protéger les droits linguistiques des Canadiens. Nous avons déjà en place des structures de ce genre et des commissaires indépendants qui évaluent le mérite des politiques du gouvernement. Le mandat consiste notamment à vérifier ce qui a été fait avant. C'est la fonction de vérification. L'autre consiste à regarder vers l'avant.
J'aimerais que M. Lindgren nous parle un peu de cette fonction, qui vise à aller de l'avant.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Avant de passer à mes questions, j'aimerais répondre à un commentaire de Mme Saks. Elle a dit qu'elle n'est certainement pas une conservatrice.
Je vous invite à y réfléchir quand il vous plaira, madame Saks. Nous formons un groupe amical, ici. Ne rejetez pas l'idée si tôt dans votre carrière parlementaire.
Je demande aux témoins de m'aider un peu. J'ai écouté la discussion et j'ai essayé de comprendre l'intérêt d'élargir ce rôle.
Monsieur Fauteux, vous avez dit que la Nouvelle-Zélande l'a fait. Son bureau a la capacité d'embaucher du personnel, d'évaluer l'efficacité, de donner des conseils sur les projets de loi et les amendements, et de faire des recommandations plus ciblées.
J'aimerais poursuivre dans la même veine que certains des commentaires de Mme Collins, dans une perspective d'avenir, je suppose. En quoi le rôle élargi de commissaire à l'environnement proposé dans le projet de loi changerait-il la donne par rapport à son rôle actuel?
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Je veux bien être le premier à tenter une réponse.
Comme Mme Le Quéré l'a indiqué, le Canada a un grand défi à relever pour inverser la tendance actuelle à l'augmentation des émissions et retourner à la baisse. Dans ce contexte, je pense que la contribution potentielle d'un agent indépendant du Parlement ayant un budget et la capacité d'obtenir des conseils d'experts serait inestimable.
Les contraintes imposées à la vérificatrice générale, malheureusement, sont aussi imposées au commissaire. La vérificatrice générale n'a pas le budget nécessaire pour faire son travail. Le maintien du lien de subordination du commissaire à la vérificatrice générale fait en sorte que l'insuffisance actuelle des ressources de la vérificatrice générale continue de se répercuter sur le commissaire à l'environnement.
L'incapacité du commissaire à l'environnement d'embaucher suffisamment de personnel, d'effectuer les vérifications nécessaires, sans parler de son incapacité de formuler des recommandations stratégiques pour l'avenir, n'aide certainement pas le Canada à relever son défi, qui est de respecter ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
J'aimerais revenir sur les observations de M. Albas et de Mme Pauzé au sujet de l'indépendance et de l'objectivité du Bureau du vérificateur général.
Je suis le vice-président du comité des comptes publics et j'ai souvent interagi avec le Bureau du vérificateur général et le commissaire à l'environnement et au développement durable, qui ont dans les deux cas un rôle de vérification. En fait, ils sont presque détachés des politiques, mais ils veulent en connaître les résultats. L'idée est de maintenir ces fonctions distinctes.
Monsieur Lindgren, je pense que vous tendez vers un organisme consultatif quelconque ou vers un groupe chargé d'examiner les politiques, plutôt que de laisser ce rôle à ceux qui ont les instruments pour déterminer si elles sont efficaces ou non.
Pourriez-vous parler d'organismes externes, comme l'Agence d'évaluation d'impact ou d'autres, qui pourraient conseiller le gouvernement sur les politiques et sur la possibilité de mesurer les résultats par l'intermédiaire du Bureau du vérificateur général?
:
En lisant votre témoignage, je me disais... Je viens de l'Ontario et j'ai connu les deux commissaires précédents. En fait, l'un d'entre eux s'est présenté contre moi à Guelph lors d'élections fédérales.
Ils traitaient souvent de politiques, à leur détriment, je pense, alors que le gouvernement provincial pensait vraiment qu'ils s'occupaient des politiques plutôt que de trouver d'autres façons de les gérer.
Le danger de se lancer là-dedans, c'est qu'il faut tenir compte, pour l'avenir, des objectifs de 2050, des objectifs de 2030. Nous devons traverser les changements du cycle politique par l'intermédiaire d'un quelconque mécanisme de surveillance indépendant, et je pense que c'est ce dont nous discutons aujourd'hui.
Nous entendrons le nouveau commissaire et la vérificatrice générale, qui ont tous les deux indiqué, dans l'autre comité, qu'ils aiment la structure et la façon dont ils peuvent travailler avec les provinces et les territoires.
J'aimerais maintenant parler des provinces et territoires avec M. Fauteux, partant de l'exemple de la Nouvelle-Zélande. J'aimerais savoir s'il y a des questions de compétence que nous avons ici qui ne se posent pas là-bas.
Je passe rapidement à M. Lindgren.
Un des points soulevés par M. Longfield est la possibilité de confier une partie de l'examen des mandats et des politiques du gouvernement à un organisme consultatif. Le gouvernement a récemment créé un organisme consultatif sur l’atteinte de la carboneutralité. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la perspective que le gouvernement opte pour cette solution.
Parlez simplement de certains dangers et de certaines pertes par rapport aux importants travaux liés à la crise de la biodiversité, aux menaces à la disponibilité de l'eau douce, aux répercussions de l'humain sur la santé environnementale, ce genre de choses.
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Premièrement, je suis très favorable aux groupes ou comités consultatifs multipartites, qui sont une source de renseignements très importants et crédibles pour les décideurs du gouvernement. En fait, le groupe de travail sur la Charte des droits environnementaux dont je faisais partie était en soi un comité consultatif qui conseillait le gouvernement de l'époque sur la pertinence d'une CDE et sur son contenu.
Ce qui me préoccupe, si l'on confie certaines de ces importantes tâches à un groupe, un comité ou un conseil consultatif non élu, peu importe le nom qu'on lui donnera, c'est qu'il n'aura ni la structure, ni les pouvoirs juridiques, ni les fonctions que j'accorderais à un agent indépendant du Parlement.
Les groupes et conseils consultatifs, notamment, ont leur place, mais nous avons vraiment besoin d'un agent du Parlement indépendant, autonome, reconnu et pleinement efficace chargé des questions environnementales.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Ce qui me vient fondamentalement à l'esprit, en écoutant tout cela, c'est qu'il semble presque que si nous allons de l'avant et que nous scindons cet organisme en deux, cela s'accompagnera comme par magie de multiples ressources supplémentaires, de sorte que nous pourrions embaucher du personnel supplémentaire pour faire toute cette recherche et tout ce travail.
Je demande aux témoins si ce sont là les attentes et, le cas échéant, si elles sont réalistes dans le contexte actuel.
:
Je vais peut-être commencer.
Je pense que la réponse est que vous avez raison car le fait de donner au commissaire fédéral à l’environnement un rôle à la fois de vérification et de politique exigera un bon ensemble de compétences de la part du commissaire et du personnel. C’est pourquoi je crois sincèrement — j’oublie qui l’a dit plus tôt, mais l’un des témoins l’a signalé — qu’il faudrait un bon personnel multidisciplinaire pour s’acquitter de ces fonctions élargies. Il faudra évidemment aussi un budget suffisant.
Je dirai par ailleurs que vous êtes entre de bonnes mains. Je connais M. DeMarco depuis un certain nombre d’années, et je suis tout à fait convaincu qu’il sera en mesure de s’acquitter de son rôle dans le cadre du mandat actuel, mais la question est de savoir s’il faut l’élargir et, le cas échéant, de quelle façon et dans quelle mesure.
J'ajouterais seulement que tout cela devrait faire l'objet d'une loi spécialisée et distincte. Cela ne peut pas se faire en remaniant ou en modifiant la Loi sur le vérificateur général. Le nouveau commissaire fédéral indépendant a besoin de sa propre loi, avec toutes les tâches, fonctions et responsabilités qui y sont énoncées.
En réponse à la question qui a été soulevée plus tôt, « N'est-ce pas tout simplement un dédoublement de ce que le vérificateur général fait? », la réponse est non. Nous essayons de confier au commissaire fédéral un rôle différent sur le plan fonctionnel, un rôle qui s'étendra à la politique. C'est quelque chose que le vérificateur général ne peut pas faire et ne fera pas en vertu de la loi actuelle. Ce n'est aucunement un chevauchement.
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Trois pays, oui. Le temps est écoulé.
Je veux simplement remercier les témoins de cette excellente discussion. Nous avons beaucoup appris.
On m'a informé qu'il y a une autre réunion après la nôtre, donc nous ne pouvons pas vraiment dépasser 17 h 45. Cela nous permettra de procéder à une série de questions, qui sera lancée par quelques remarques liminaires de Mme Hogan et de M. DeMarco.
Merci encore une fois aux témoins du temps qu'ils nous ont accordé. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous avons grandement bénéficié de vos témoignages.
Madame Hogan, vous vouliez prendre quelques instants pour faire une déclaration, et monsieur DeMarco, on me dit que vous voulez un peu moins de temps.
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Monsieur le président, merci de nous inviter à comparaître devant le Comité aujourd’hui.
J’ai le plaisir de vous présenter Jerry DeMarco, notre nouveau commissaire à l’environnement et au développement durable, qui s’est joint au Bureau du vérificateur général le 1er février. Avant son entrée en fonction, M. DeMarco occupait le poste de commissaire à l'environnement au sein du Bureau de la vérificatrice générale de l'Ontario. Auparavant, il a supervisé plusieurs organisations fédérales et provinciales de justice administrative. Il a un baccalauréat en droit et des maîtrises en études environnementales, en gestion et en sciences. Nous sommes honorés que M. DeMarco se soit joint à notre bureau.
Je suis aussi accompagnée du sous-vérificateur général et ancien commissaire à l’environnement et au développement durable par intérim, M. Andrew Hayes.
Monsieur le président, je reconnais que la question dont nous allons discuter aujourd’hui est de nature politique, et qu’elle relève donc entièrement de la volonté du législateur. J’aimerais toutefois profiter de cette occasion pour vous faire part du mérite d’avoir le commissaire à l’environnement et au développement durable au sein du Bureau du vérificateur général du Canada.
Le BVG applique des normes d’audit rigoureuses pour fournir au Parlement une information objective et factuelle qu’il peut utiliser pour tenir les organisations fédérales responsables envers la population canadienne. Ces normes régissent tous nos audits, y compris ceux du commissaire. Nous sommes des auditeurs, et non les défenseurs d’une cause.
Le commissaire agit en vertu de la Loi sur le vérificateur général, laquelle lui confère un accès large à tout renseignement du gouvernement dont il a besoin pour ses travaux, et il doit présenter ses rapports directement au Parlement. Les rapports du commissaire sont tous renvoyés à votre comité, pour l’appuyer dans son rôle de surveillance.
Depuis la création du poste de commissaire en 1995, le BVG a acquis une expertise en environnement et en développement durable en se dotant d’un effectif diversifié de professionnels spécialisés, notamment en biologie, en sciences environnementales, en droit environnemental et en économie. Vous avez peut-être conscience du rôle du commissaire dans les audits de performance, mais il faut savoir que cette expertise en environnement profite à l’ensemble des travaux du Bureau, y compris les audits d’états financiers et les examens spéciaux des sociétés d’État.
Par exemple, lorsque nous examinons des états financiers, nous auditons le passif du gouvernement pour les sites contaminés. Lors de l’audit de sociétés, comme Énergie atomique du Canada limitée, nos travaux tiennent compte de facteurs environnementaux et de leur incidence sur les résultats financiers et les processus opérationnels de la société.
[Français]
Selon nous, cette synergie d'expertise au sein de notre bureau est une force. Je tiens à souligner que deux bureaux d'audit législatif provinciaux, à savoir celui de l'Ontario et celui du Québec, ont un commissaire à l'environnement ou un commissaire au développement durable.
Alors que les questions environnementales sont si étroitement liées aux facteurs socioéconomiques, il est important de ne pas travailler en vase clos. En mobilisant et en intégrant notre expertise en matière d'environnement et de développement durable dans tous nos travaux, nous pouvons examiner les dossiers dans une perspective globale et avec plus de profondeur.
C'est justement cette poussée vers l'intégration qui a incité le Bureau, au cours des dernières années, à intégrer dans tous ses travaux d'audit les objectifs de développement durable des Nations unies que le Canada a adoptés. Alors que le pays doit faire face à diverses crises, comme celle des changements climatiques et la perte de la biodiversité, et qu'il est appelé à promouvoir le développement durable dans les décisions prises par le gouvernement, l'approche intégrée du Bureau peut servir de modèle à une approche horizontale pour aborder les problèmes multisectoriels.
Le volume de nos travaux d'audit de performance, y compris ceux menés par le commissaire, a diminué en raison des contraintes budgétaires qu'a connues le Bureau. Grâce au nouveau financement permanent annoncé pour notre bureau dans l'Énoncé économique de l'automne de 2020, je peux vous assurer que la tendance va s'inverser. En fait, à compter de cette année, le commissaire présentera plusieurs rapports d'audit par année.
En terminant, le Bureau a une réputation enviable sur la scène nationale et internationale et est considéré comme le chef de file de l'audit environnemental dans le secteur public et de l'audit de la mise en oeuvre des objectifs de développement durable des Nations unies. Des auditeurs du monde entier font appel à notre expertise.
Monsieur le président, je vais maintenant laisser le dernier mot à M. DeMarco.
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Merci d’être venu aujourd’hui et félicitations, monsieur DeMarco, de votre nomination. Nous avons hâte de travailler avec vous et d’entendre davantage vos points de vue.
Je veux revenir sur certaines des questions que j’ai posées lors de votre dernière visite, en mars et en novembre 2020, je crois. Au cours de ces réunions, en mars et en novembre, j’ai posé des questions sur certains programmes gouvernementaux précis et sur la capacité ou l’incapacité de faire votre travail de vérificateur lorsque le gouvernement se livre à des tours de passe-passe avec la responsabilité ministérielle par l’entremise du transfert horizontal.
En tant que comptable, il me semble que le transfert horizontal est une excellente stratégie pour cacher de l’argent et embrouiller les gens. Par exemple, dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), le ministère de l’Environnement a transféré 3,3 millions de dollars au ministère des Ressources nationales pour planter des arbres, ainsi que 5,2 millions de dollars à Relations Couronne-Autochtones pour les déchets plastiques. À mon sens, cela fait partie des complexités auxquelles on est confronté lorsqu’on fait des vérifications. Les chiffres peuvent être assez déroutants.
Si vous vous souvenez, madame Hogan, en novembre, je vous ai demandé si, dans l’éventualité où le ministre néglige d’assumer la responsabilité de l’action climatique, le gouvernement s’oriente délibérément vers ce type de faux-fuyants pour éviter de rendre des comptes.
Vous avez dit:
Certes, le gouvernement se dirige de plus en plus vers une mise en œuvre interministérielle des programmes.
Madame Hogan, dans un premier temps, les transferts horizontaux facilitent-ils ou compliquent-ils la tâche pour le ministère en ce qui a trait aux vérifications?
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Merci de poser la question. Je vais voir si M. Hayes, qui était jusqu’à tout récemment gestionnaire des audits environnementaux, aimerait ajouter quelque chose.
Lorsque les fonds sont distribués horizontalement, nous suivons l’argent. L’endroit où ils aboutissent n’est pas vraiment important. Même si notre audit porte sur un ou plusieurs ministères, nous pouvons l’effectuer.
Le problème que pose l’horizontalité, c’est que l’organisation ou le ministère qui dirige ne peut pas vraiment obliger un autre ministère à faire quelque chose, comme chaque administrateur général peut utiliser à sa discrétion les fonds et les programmes. Ce qui est compliqué, c’est veiller à ce que la bonne mesure soit prise et à ce que tout le monde joue son rôle, mais cela ne complique pas nos efforts d’audit.
Je ne sais pas, monsieur Hayes, si vous vouliez ajouter quelque chose.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur DeMarco, je vous félicite pour votre nomination récente au poste de commissaire à l'environnement et au développement durable et pour vos 25 années de service dans le domaine de l'environnement.
[Français]
Je vous remercie d'être parmi nous cet après-midi.
Ma circonscription, Vaudreuil—Soulanges, est située au Québec. Je sais que mes concitoyens suivent attentivement les progrès accomplis dans ce domaine.
À titre d'exemple, j'ai suivi l'adoption du projet de loi no 44 du gouvernement du Québec. Il prévoit entre autres la création d'un comité consultatif dont le rôle est de conseiller le ministre et le gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques. Ce comité doit être formé d'experts indépendants provenant majoritairement du milieu scientifique. De plus, le commissaire au développement durable du Québec, sous l'autorité du vérificateur général du Québec, se voit confier la nouvelle responsabilité de faire rapport annuellement de ses recommandations.
Pouvez-vous nous dire en quoi le rôle et les responsabilités du commissaire du Québec diffèrent des vôtres, au fédéral? Peut-on s'inspirer de certains aspects du rôle du commissaire québécois pour renforcer le rôle du commissaire au fédéral?
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Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Je vais répondre en anglais, car il y a certains termes que je ne connais pas bien en français.
Les modèles utilisés à l'échelle fédérale, en Ontario et au Québec par les commissaires tombent dans la même catégorie. Ils s'appuient tous sur un bureau de vérificateur. Les témoins que vous avez entendus plus tôt aujourd'hui ont parlé d'autres modèles utilisés, par exemple en Nouvelle-Zélande. Il existe d'autres modèles infranationaux dans l'État de Victoria et dans le Territoire de la capitale de l'Australie.
Il existe un éventail de modèles. Les différences entre le modèle fédéral, celui du Québec et celui de l'Ontario sont relativement petites. Je ne connais pas le nouveau projet de loi dont vous parlez, les changements à venir, ou qui pourraient venir, au Québec.
De façon générale, mon rôle en tant que commissaire à l'environnement et au développement durable est relativement semblable à celui du commissaire à l'environnement de l'Ontario et du commissaire au développement durable du Québec.
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Merci pour ces explications, monsieur le commissaire.
Je suis très heureux que vous ayez parlé d'autres administrations. C'est un bon enchaînement pour la prochaine question que je vais vous poser.
Nous cherchons des moyens de renforcer votre rôle en tant que commissaire, de l'améliorer. Je me demande, dans la même veine que la question précédente, si nous pouvons emprunter quelque chose dans ce qui se fait ailleurs, à l'échelle locale ou internationale. J'aimerais que vous me parliez de la façon dont d'autres commissaires jouent leur rôle important.
Je sais que vous êtes nouveau dans ces fonctions. La question est peut-être pour vous ainsi que pour Mme Hogan.
Je crois que le projet de loi , monsieur le commissaire, constitue une étude de cas intéressante pour examiner ce que d'autres pays mettent en place afin d'assurer une surveillance indépendante alors qu'ils sont de plus en plus nombreux à s'engager eux aussi à rendre des comptes en vue d'atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050. Nous savons qu'au Royaume-Uni, par exemple, le comité sur les changements climatiques a un organisme indépendant constitué par une loi qui a été établi pour faire un suivi des efforts du gouvernement en vue d'atteindre la cible de carboneutralité d'ici 2050.
Le projet de loi du gouvernement, en plus d'habiliter le commissaire à jouer un rôle de surveillance, obligerait le ministre à établir un organisme responsable de la carboneutralité qui donnerait des conseils pour y parvenir.
Y a-t-il d'autres pays dans le monde qui assurent ce genre de surveillance au moyen d'un commissaire et d'un groupe d'experts chargés de demander des comptes au gouvernement, et y a-t-il d'autres moyens selon vous de renforcer la surveillance?
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Pendant la première heure, vous avez entendu les témoins en discuter en long et en large. Il y a des modèles en Europe, ainsi qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, que vous pourriez examiner.
Je vous recommanderais probablement d'évaluer l'efficacité de ces modèles, car il n'y a pas de solution universelle. Il y a de nombreuses approches possibles. Pour connaître les pratiques exemplaires, vous pouvez certainement regarder ce que ces pays font.
Dans mon poste précédent en Ontario, j'ai participé à une vérification du rendement du plan sur les changements climatiques de la province. Le rapport qui a suivi en 2019 comprenait, en annexe, une analyse approfondie des pratiques exemplaires, notamment dans le domaine des changements climatiques.
Rappelez-vous que le mandat du commissaire à l'environnement et au développement durable n'est pas de séparer les questions d'environnement et de développement durable des questions économiques et sociales. Quand on regarde les 17 objectifs de développement durable des Nations unies, on peut constater à quel point ces questions sont transversales et horizontales. Il est donc avantageux d'examiner ces choses dans une optique plus intégrée. Il y a également des avantages à une approche plus spécialisée.
Je serai heureux d'assumer toutes les fonctions prévues dans la loi, mais je vous conseille d'examiner attentivement l'efficacité de tous ces modèles avant d'apporter des changements au modèle actuellement utilisé au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier Mme Hogan et M. Hayes d'être de nouveau parmi nous. J'aimerais aussi féliciter M. DeMarco pour sa nomination et lui souhaiter la bienvenue.
Madame Hogan, votre expérience au sein du Bureau du vérificateur général est vaste. Vous êtes au fait des enjeux. Vous mentionnez que le Bureau a un rôle important à l'égard des objectifs de développement durable des Nations unies, que le Canada a adoptés. Par contre, une témoin nous a dit tantôt que la gouvernance des actions climatiques au Canada ne fonctionnait pas, que le Canada n'avait jamais atteint ses objectifs au cours des 20 dernières années et qu'il était le seul pays du G7 où les émissions ne baissaient pas.
À ce sujet, j'ai deux questions à vous poser.
D'abord, j'aimerais savoir pourquoi, dans ces conditions, vous défendez le statu quo.
Ensuite, M. Hayes a dit, lors d'une entrevue avec le Toronto Star, que le commissaire faisait l'objet d'un sous-financement chronique et qu'aucun auditeur n'était chargé exclusivement des dossiers environnementaux. Est-ce que cela explique que le Canada ne réussisse pas à atteindre ses objectifs?
Vous dites aimer la structure actuelle. Pour ma part, j'aime l'efficacité. Nous sommes au XXIe siècle et, compte tenu de ce que nous vivons en matière de changements climatiques, il faut une structure efficace.
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Je vous remercie de la question.
Je défends le statu quo parce que j'estime que le Bureau du vérificateur général est plus efficace en raison de son indépendance. Tous les individus, y compris le commissaire, sont indépendants du gouvernement. Le Bureau a un accès très large à l'information que d'autres agents du Parlement n'ont pas.
Vous avez parlé des individus qui se consacreraient exclusivement aux audits de performance en environnement. En effet, tout le monde au Bureau peut travailler sur des audits de performance. Cela dit, nous avons des spécialistes et des experts qui, tout en appuyant d'autres initiatives du Bureau, se consacrent principalement aux rapports du commissaire, bien que je ne puisse vous dire le pourcentage exact de leur travail que cela représente. Cette approche d'intégration tient compte des objectifs de développement durable, puisqu'elle encourage la prise en considération des questions environnementales et de développement durable lors de l'analyse ou de l'audit de tous les programmes, et pas seulement ceux axés sur l'environnement.
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Oui, s'il vous plaît. Nous en aurions besoin.
Tantôt, Mme Le Quéré, qui siège au Comité sur le changement climatique, au Royaume-Uni, ainsi qu'au Haut Conseil pour le climat, en France, a énuméré les éléments clés d'une bonne gouvernance climatique, par exemple des évaluations annuelles, un corps indépendant et des objectifs. Elle a insisté sur des aspects qui ont fait leurs preuves ailleurs, notamment au Royaume-Uni, à commencer par l'indépendance du commissaire.
Monsieur DeMarco, vous avez occupé le poste de commissaire à l'environnement en Ontario, un poste indépendant. Pouvez-vous nous parler de l'expérience que vous avez acquise dans le cadre de vos fonctions en Ontario?
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Je remercie la députée de la question.
[Traduction]
Je vais encore une fois m'exprimer en anglais afin de pouvoir employer tous les termes nécessaires pour répondre à cette question intéressante.
Oui, je vais parler de mon expérience limitée dans mes fonctions actuelles, qui est de cinq semaines, et de mon expérience précédente en Ontario.
Il y a deux questions. Il y a le débat d'aujourd'hui sur le rôle du commissaire et le débat plus vaste sur les lois, les politiques et les structures nécessaires à une gouvernance climatique efficace et à l'établissement efficace de cibles, y compris la cible de l'Accord de Paris et ainsi de suite.
Nous sommes plus précisément ici pour discuter de la première.
Nous discutons de la possibilité que le commissaire à l'environnement examine les mérites des politiques gouvernementales et du mandat, et de la question des politiques prospectives par rapport aux politiques rétrospectives.
Je crois que je vais d'abord m'adresser à M. DeMarco.
Félicitations pour votre nomination. Comme vous êtes nouveau dans vos fonctions, j'aimerais vraiment vous entendre dire s'il serait avantageux d'avoir une sorte d'évaluation prospective des politiques environnementales qui s'ajouterait au travail d'audit rétrospectif, qui est vraiment important.