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Bienvenue à la 33
e réunion du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi , soit la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Je ne passerai pas en revue toutes les règles du jeu, car elles sont assez évidentes.
Je demande aux témoins de s'adresser au Comité par l'intermédiaire du président. Lorsque vous n'avez pas la parole, fermez vos microphones.
Cet après-midi, nous avons parmi nous cinq groupes de témoins. Nous accueillons, à titre personnel, M. Robert McLeman, du département de géographie et des études environnementales de l'Université Wilfrid-Laurier; du Réseau action climat Canada, Mme Caroline Brouillette, analyste des politiques; d'Équiterre, M. Marc-André Viau et M. Émile Boisseau-Bouvier; de Mères au front, nous accueillons la Dre Kelly Marie Martin et Mme Laure Waridel; et de Pulse Canada, nous recevons M. Corey Loessin et M. Greg Northey.
Chaque groupe de témoins disposera de cinq minutes pour faire son allocution d'ouverture. Ensuite, il y aura deux tours de questions, qui seront posées par les membres du Comité.
Je vais suivre l'ordre de la liste dont je dispose.
Monsieur McLeman, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Je vous remercie beaucoup.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je ferai ma présentation en anglais, mais je serai capable de répondre aux questions en français.
[Traduction]
Merci.
Tout d'abord, je tiens à remercier le Comité et ses membres de me donner l'occasion de parler du projet de loi , qui est probablement l'une des initiatives de politique publique les plus importantes entreprises par le gouvernement du Canada depuis de nombreuses années. J'espère que mes commentaires et le mémoire écrit que j'ai présenté plus tôt aideront à peaufiner davantage le projet de loi, et à l'adopter et le mettre en œuvre.
Je suis un environnementaliste de formation, mais de 1990 à 2002, j'étais un agent du service extérieur canadien. J'ai travaillé dans les ambassades et les consulats du Canada en ex-Yougoslavie, en Inde, à Hong Kong, à Seattle et à Vienne, alors j'ai une certaine expérience pratique de la façon dont les politiques fédérales sont appliquées une fois qu'elles sont mises en œuvre.
J'ai quitté le gouvernement, il y a une vingtaine d'années, et je suis depuis chercheur et professeur spécialisé dans l'étude des impacts humains des changements climatiques. J'ai d'abord enseigné à l'Université d'Ottawa, et je suis maintenant à l'Université Wilfrid Laurier.
En particulier, je me spécialise dans l'étude des effets des changements climatiques sur les migrations humaines, les déplacements et ce qu'on appelle souvent dans les médias populaires les « réfugiés environnementaux ». J'ai été nommé par le gouvernement du Canada et je siège actuellement au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, où je suis l'auteur principal et le coordonnateur d'une équipe de 13 scientifiques du monde entier qui évaluent actuellement les répercussions des changements climatiques sur la santé humaine, le bien-être, la migration et les conflits. Ce que je vais dire maintenant reflète cela.
Les décisions prises par les gouvernements aujourd'hui, y compris dans le cadre de ce projet de loi, auront une influence considérable sur notre bien-être et notre prospérité économique pour les décennies à venir, et si nous n'atteignons pas l'objectif de la carboneutralité d'ici 2050, cela aura des conséquences, qu'on peut vraiment qualifier de catastrophiques, pour nos enfants — y compris les miens — et nos petits-enfants — que j'espère avoir. Permettez-moi de vous donner quelques brefs exemples.
Nous entrons actuellement dans un printemps de sécheresse dans l'Ouest du Canada, avec tous les défis que cela représente pour les agriculteurs et les gestionnaires des bassins hydrographiques municipaux urbains, entre autres. Si nous ne faisons rien pour contrôler nos émissions de gaz à effet de serre, la trajectoire actuelle de ce que nous verrons au cours de la deuxième moitié du siècle est une augmentation allant jusqu'à 500 % de la fréquence des graves sécheresses que nous voyons dans les Prairies tous les 20 à 30 ans — les plus importantes — dans l'Ouest de l'Amérique du Nord.
Pour chaque degré Celsius de réchauffement de la planète par rapport à aujourd'hui, nous augmentons d'environ 50 % le risque d'inondations graves ou catastrophiques, ce qui touche de nombreuses circonscriptions représentées dans ce groupe aujourd'hui. Selon les estimations de la Banque mondiale, d'ici 2050, le statu quo pourrait entraîner le déplacement de 140 millions de personnes, principalement en Afrique subsaharienne, en Amérique centrale et en Asie du Sud. Pour vous donner un peu de contexte, à l'heure actuelle, le nombre annuel de personnes déplacées dans le monde est d'environ 21 millions, ce qui veut dire que ce nombre sera multiplié par sept d'ici 2050.
L'an dernier, la communauté de Tuktoyaktuk m'a demandé de la conseiller et de l'aider pour planifier son déménagement, parce que d'ici 2050, le lieu où le village est situé ne sera plus viable en raison des inondations, de la perte de pergélisol et de l'érosion.
Le fait est qu'il ne s'agit pas de risques hypothétiques. Ce sont des choses qui se produisent ou qui se produiront. Ce qu'il y a de positif, c'est qu'il est possible de l'éviter si nous prenons des mesures, comme le projet de loi .
J'aimerais attirer l'attention du Comité sur trois points précis du mémoire que j'ai présenté.
Premièrement, en ce qui concerne l'article 16 du projet de loi, il n'y a aucune conséquence à ne pas atteindre les cibles de réduction des émissions fixées par le ministre. Essentiellement, on dit au ministre de formuler un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et si ce plan échoue, le ministre est alors chargé d'élaborer un nouveau plan. C'est ainsi que les gouvernements de notre pays gèrent les politiques sur les émissions de gaz à effet de serre depuis que nous avons signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, en 1992. Nous fixons des objectifs, nous faisons des plans, nous n'atteignons pas les cibles, nous élaborons de nouveaux plans et la boucle se répète. Les membres du Comité reconnaîtront, je pense, que nous devons éviter cette situation dans ce projet de loi.
Deuxièmement, le projet de loi comporte maintenant des jalons précis en ce qui concerne les cibles de réduction des émissions. Il dit simplement que, pour certaines années, le ministre doit fixer des jalons et aller de l'avant. Nous avons déjà des cibles établies par le gouvernement du Canada. Nous savons déjà quelle est la destination finale. Il s'agit d'une réduction de 100 % des émissions actuelles d'ici 2050. Je crois donc qu'il est assez simple, à ce stade-ci, d'inscrire les cibles dans le projet de loi et de procéder rapidement à l'élaboration des plans d'action.
Enfin, pour conclure mon exposé, ce qui manque dans le projet de loi , c'est un mécanisme officiel pour veiller à ce que les gouvernements provinciaux et territoriaux participent activement à la formulation des plans ainsi qu'à leur mise en œuvre et à leur exécution. La consultation ne suffit pas. Nous avons vu cela. Je ne suis pas naïf. Je reconnais qu'il n'est pas facile d'amener les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à s'entendre sur quelque chose, sans parler d'agir en conséquence, mais même si c'est difficile, cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas essayer de le faire et insister pour que ce soit fait.
Je reconnais également que les défis liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre seront plus grands pour certaines provinces et certains secteurs que pour d'autres. En même temps, les secteurs et les provinces qui feront les plus grands progrès sont ceux qui bénéficieront le plus des avantages qu'une transition vers une économie verte apportera sur le plan des innovations, des technologies, des avantages économiques et des améliorations générales du bien-être.
La réalité, c'est que le monde est en train de passer à une économie sobre en carbone et que soit le Canada sera laissé pour compte, soit il en fera partie, et je vous encourage à en faire partie grâce à ce projet de loi.
Merci.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous recevoir.
Aujourd'hui, je prends la parole à partir de terres non cédées kanien'kehá:ka.
Je représente le Réseau action climat Canada, qui rassemble plus de 130 organisations, dont des groupes syndicaux, des organismes de développement, des organisations confessionnelles et des groupes autochtones, ainsi que les principales organisations environnementales du pays travaillant sur les changements climatiques.
[Traduction]
Le Canada se fixe des objectifs climatiques depuis des décennies, mais il n'a respecté aucun de ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Canada est le seul pays du G7 dont les émissions demeurent bien au-dessus des niveaux de 1990 et continuent d'augmenter depuis la signature de l'Accord de Paris, en 2015. Si nous avons raté une cible après l'autre, ce n'est pas parce que ces cibles étaient trop ambitieuses ou inatteignables, bien au contraire. C'est à cause de l'absence criante de gouvernance climatique dans notre pays.
[Français]
Le projet de loi nous offre une chance de rectifier le tir, mais pas sans être amendé. Avec nos membres et nos collègues des organisations Ecojustice, West Coast Environnemental Law et Équiterre, nous avons remis une note de breffage au Comité, qui met l'accent sur cinq recommandations visant à renforcer le projet de loi C-12 afin d'en faire une loi robuste en matière de responsabilité climatique. Ces cinq éléments sont l'action ambitieuse à court terme, la certitude à moyen et à long terme, des plans crédibles et efficaces, la reddition de comptes, la science et les avis d'experts.
Lundi, vous avez entendu mes collègues discuter de plusieurs de ces éléments, qui sont tout aussi importants les uns que les autres. Je concentrerai mes remarques d'aujourd'hui sur l'action ambitieuse à court terme et la reddition de comptes.
Pour restreindre l'augmentation de température à 1,5 degré Celsius, ce seuil critique au-delà duquel nous nous exposons aux répercussions les plus catastrophiques et irréversibles des changements climatiques, nous devons complètement décarboner l'économie d'ici 2050. Cet objectif à long terme est important, mais le chemin que nous empruntons pour nous y rendre l'est tout autant. Pour respecter cet objectif lié à la température, nous devons aplatir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, ou GES, le plus rapidement possible, et cela requiert de commencer le travail dès maintenant. Je vais utiliser une métaphore. Je suis certaine que les membres du Comité se rappellent que le fait de commencer à étudier en avance plutôt que la veille de l'examen est une stratégie garante de meilleurs résultats.
L'absence d'une cible jalon en 2025 est donc inquiétante. Le projet de loi devrait au minimum offrir un point de contrôle avant 2030, exiger que les plans fournissent une modélisation qui rend compte du niveau des émissions pour chaque année, y compris en 2025, et fournir des rapports réguliers sur les progrès réalisés dès 2023.
[Traduction]
Bien que le budget carbone ne soit pas l'approche choisie par les rédacteurs du projet de loi, des exemples internationaux ont clairement démontré les avantages de la budgétisation pour faciliter les choix qui ont une incidence sur les émissions. Le CAN-Rac croit toujours que le Canada bénéficierait d'une telle approche, mais en l'absence de budgets carbone, le projet de loi doit à tout le moins exiger que les plans montrent des projections annuelles des émissions si nous voulons nous rapprocher de l'efficacité des exemples internationaux.
[Français]
Parlons maintenant de la reddition de comptes, un élément essentiel de la responsabilité. Les lois ailleurs dans le monde définissent clairement qui est responsable de l'atteinte des cibles et comment celles-ci seront atteintes. Comme c'est le cas pour une approche financière, quelqu'un doit être ultimement responsable de s'assurer que toutes les mesures adoptées pour répondre aux engagements sont suffisantes.
Cet aspect est toujours manquant dans le projet de loi , et l'on devrait exiger du ministre qu'il démontre que, prises ensemble, les mesures décrites dans les plans permettront d'atteindre les cibles. Le choix des mots est également important lorsqu'on parle d'obligations légales. Le langage choisi devrait éviter de renvoyer à des obligations « d'essayer » et plutôt fixer des obligations « d'atteindre » des résultats.
[Traduction]
En conclusion, le renforcement du projet de loi pourrait mettre fin à notre cycle de promesses non tenues sur le climat et tracer notre voie vers un avenir plus sain, plus résilient et plus juste, et qui accorde la priorité à l'abondance et au bien-être de tous. Nous demandons à tous les partis de collaborer pour renforcer et adopter rapidement le projet de loi C-12. Si vous, les membres du Comité et vos collègues de la Chambre relevez le défi, l'histoire se souviendra de vous comme des parlementaires qui ont ouvert la voie à une nouvelle ère de responsabilité climatique dans notre pays.
[Français]
Je vous remercie beaucoup.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, bonjour.
Je m’appelle Marc-André Viau, et je suis le directeur des relations gouvernementales chez Équiterre. Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques.
J'aimerais d'abord dire quelques mots sur notre organisation. Nous existons depuis plus de 25 ans, et nous comptons plus de 150 000 membres et sympathisants. Nous avons une expertise en matière de politiques climatiques et énergétiques, de mobilité, de système alimentaire et de consommation, tant sur la scène québécoise que sur la scène fédérale.
Nous avons récemment défendu la compétence fédérale relativement au système de tarification du carbone devant la Cour suprême, dans le respect des compétences provinciales, évidemment, avec nos collègues du Centre québécois du droit de l’environnement, que vous entendrez lorsque le prochain groupe de témoins prendra notre place.
Nous vous remercions de nous donner l’occasion d’échanger sur le projet de loi . Je vais commencer par un petit rappel. Le premier projet de loi sur la responsabilité climatique a été déposé il y a près de 15 ans déjà. Pour toutes sortes de mauvaises raisons, le projet de loi adopté par la Chambre des communes à l’époque, le projet de loi , n’a pas obtenu la sanction royale en 2010. On peut donc dire que l'on a déjà manqué le premier jalon établi dans ce projet de loi, qui consistait à réduire de 25 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport au niveau de 1990.
J’espère qu'on ne manquera pas le rendez-vous...
:
Je vous remercie beaucoup.
Je vais continuer là où mon collègue a malheureusement dû s'arrêter.
Cette fois-ci, nous espérons ne pas manquer le rendez-vous avec l'histoire. Pour ce faire, il faudra toutefois apporter quelques changements.
L'objectif de notre présentation est justement de proposer des améliorations au projet de loi afin qu'il garantisse la mise en place de meilleurs mécanismes pour atteindre nos objectifs.
Nous avons déposé un mémoire en collaboration avec des collègues d'Ecojustice, de West Coast Environmental Law et du Réseau action climat Canada. Nous vous invitons à le consulter pour obtenir plus de détails.
Comme vous l'avez déjà entendu lundi, nous avons établi qu'il faudrait cinq piliers pour solidifier le projet de loi C-12. Premièrement, il faut agir rapidement et avoir de l'ambition. Deuxièmement, il faut une prévisibilité à moyen et à long terme. Troisièmement, il faut rédiger des plans et des rapports crédibles. Quatrièmement, il faut des mécanismes de reddition de comptes robustes. Cinquièmement, la planification doit être guidée par l'avis d'experts et les meilleures données scientifiques disponibles.
Nous attirerons votre attention sur les deux derniers piliers.
Le quatrième pilier est très important en raison de notre fâcheuse tendance à ne pas atteindre nos objectifs. À l'heure actuelle, dans le projet de loi C-12, les mécanismes de reddition de comptes sont faibles, voire inexistants. Par exemple, aucune obligation n'est prévue pour qu'il y ait adéquation entre les mesures proposées dans les plans et les réductions nécessaires pour atteindre les cibles. Nous sommes donc d'avis que, pour s'occuper de cette partie du problème, le gouvernement doit principalement mettre l'accent sur les réductions des émissions de GES absolues et non sur les crédits compensatoires ou les technologies à venir.
Cela ne veut pas dire que nous ne devrons pas faire de recherche-développement, mais plutôt que nous devrions baser nos décisions sur ce qui existe actuellement, et non sur ce que nous aimerions voir dans un monde idéal.
Nous demandons dans notre mémoire que le projet de loi C-12 fasse en sorte que les efforts pour atteindre la carboneutralité soient concentrés à 90 % sur des réductions absolues, en plus de faire la démonstration qu'il y a adéquation entre les cibles établies et les mesures proposées dans les plans sur le climat.
Le cinquième pilier est tout aussi important. En effet, les Canadiens doivent avoir la certitude que les décisions sont prises sur la base des meilleures données scientifiques disponibles, et non sur la base de compromis politiques.
La science permet de dépolitiser les décisions, qui peuvent parfois être émotives ou polarisantes, ce qui mène à une meilleure gouvernance. Par exemple, au Royaume-Uni, le comité sur l'atténuation des changements climatiques découlant de sa loi sur le climat est totalement indépendant et base ses décisions sur les preuves scientifiques les plus récentes. Cela fonctionne. Les avis de ce comité sont respectés par tous les partis, malgré les changements de gouvernement, et le Royaume-Uni est en meilleure voie que le Canada pour ce qui est d'atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES.
Concrètement, il est essentiel que les objectifs et les plans prévus dans le projet de loi C-12 soient fondés sur les meilleures informations scientifiques disponibles. En ce moment, l'article 8 de ce projet de loi dispose que le ministre doit seulement tenir compte des meilleures données scientifiques pour établir sa cible.
Se baser sur la science veut aussi dire que les conseils fournis par l'organisme consultatif doivent être fondés sur les meilleures données scientifiques disponibles concernant les trajectoires crédibles pour atteindre la carboneutralité et respecter les engagements du Canada dans le cadre de l'Accord de Paris.
Justement, l'Agence internationale de l'énergie annonçait hier qu'aucun nouveau projet d'énergie fossile ne peut être autorisé si nous voulons limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius. Il s'agit du genre d'information essentielle à une prise de décision crédible qui doit être considéré et transmis par le comité consultatif.
En conclusion, je dirai que le projet de loi C-12 a le potentiel de devenir le cadre législatif structurant nécessaire à la réalisation de l'ambition climatique canadienne et à l'atteinte de nos cibles. Pour que ce soit effectivement le cas, nous invitons les parlementaires à intégrer les amendements dont nous venons de discuter, lesquels sont complémentaires à ceux proposés par nos collègues des autres organisations environnementales qui ont témoigné devant le Comité.
Je vous remercie de votre attention.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
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Je suis ici aujourd'hui au nom de dizaines de milliers de mères, de pères et de grands-parents de partout au Canada, représentés par deux réseaux nationaux, Mères au front et For Our Kids. For Our Kids est présent partout au Canada, et Mères au front œuvre dans de nombreuses provinces, où des dizaines de milliers de personnes demandent que des mesures soient prises pour lutter contre les changements climatiques.
Nous sommes ici pour vous demander, quel que soit votre parti politique, d'agir avec courage face à la crise climatique. Nous avons désespérément besoin d'une loi sur la responsabilité en matière de climat au Canada qui protégera nos enfants contre l'urgence climatique, mais le projet de loi n'est pas assez ambitieux et nous avons des propositions concrètes pour en faire le projet de loi dont nos enfants ont besoin.
D'abord et avant tout, vous devez savoir que notre population et nos enfants meurent déjà des effets des changements climatiques. Par exemple, une publication publiée en 2021 par la Harvard School of Public Health montre que près de 900 bébés meurent chaque année en Amérique du Nord à cause des particules dans l'air, qui sont le résultat direct de la combustion de combustibles fossiles. Les données probantes montrent que l'augmentation des températures, des vagues de chaleur et des émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles non seulement exacerbe les maladies respiratoires et la mort des enfants, mais en est aussi la cause.
Si vous cherchez des excuses pour ne pas prendre des mesures plus audacieuses à l'égard de la crise climatique, je vous invite à me laisser vous expliquer l'un des nombreux cas que j'ai vus dans notre urgence pédiatrique, où un bébé en parfaite santé a perdu la vie parce qu'il ne pouvait plus respirer.
Alors que les feux de forêt font rage dans bon nombre de nos provinces à l'heure actuelle, que les sécheresses menacent notre sécurité alimentaire et les moyens d'existence de nos agriculteurs, et que les décès causés par des épisodes de chaleur extrême sont de plus en plus fréquents, nous, les parents, croyons fermement qu'il nous incombe de veiller à ce que vous protégiez nos enfants. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous croyons fermement que quatre aspects du projet de loi doivent être améliorés pour protéger les générations actuelles et futures.
Premièrement, un aspect clé est que nos enfants ont besoin d'une loi sur la responsabilité climatique assortie d'une véritable reddition de comptes pour veiller à ce que les objectifs progressifs soient atteints. Cela exige un comité consultatif impartial. Ce comité doit être composé en majorité d'experts en climatologie et exclure les représentants de l'industrie. Le comité, tel qu'il existe actuellement, doit être réévalué. Le Royaume-Uni a une loi sur la responsabilité climatique qui fonctionne, comme l'un des intervenants précédents l'a dit. Il a un comité consultatif indépendant, vraiment dirigé par des experts, qui peut prendre des mesures lorsque les décisions du gouvernement menacent les engagements envers les cibles.
Deuxièmement, le projet de loi doit être une course à la carboneutralité. Nous devons aller plus vite que ce qui est proposé dans ce projet de loi. Les données scientifiques à ce sujet sont très claires. Rétablir la première cible à 2025, avec un plan clair d'ici là. Le Canada a déjà 30 ans de retard dans l'atteinte de ses objectifs climatiques. Par conséquent, le report de l'échéance à 2030 nous mènera à l'échec.
Troisièmement, le projet de loi doit être modifié pour que chaque décision prise par le gouvernement soit soumise à un test climatique afin d'évaluer l'incidence des politiques sur nos cibles de réduction. Comme les émissions de gaz à effet de serre transcendent les compétences et les secteurs, nous devons nous assurer que toutes les décisions du gouvernement sont en harmonie avec nos objectifs climatiques.
Enfin, il incombe au gouvernement, c'est-à-dire à vous, d'assurer l'équité intergénérationnelle et de prendre des mesures pour protéger les générations futures. Nos enfants ne peuvent pas voter, mais ce sont eux qui seront le plus touchés par un projet de loi dont les cibles actuelles entraîneraient une hausse de température de 3° C au cours de leur vie. Nous vous demandons de ne pas oublier votre obligation à l'égard de leur avenir pendant que vous vous efforcez de modifier ces cibles pour qu'elles correspondent à la science.
C'est la lutte pour la vie de nos enfants. La pandémie de COVID-19 nous a montré ce qui se passe lorsque nous faisons passer les avantages économiques à court terme avant la vie et la réussite économique à long terme des Canadiens. La crise climatique n'est pas différente.
Je crois que vous vous souciez tous, en tant que membres de différents partis politiques, de l'avenir de nos enfants et de vos enfants et que vous comprenez que notre industrie et notre économie doivent changer rapidement pour être concurrentielles à l'échelle internationale, compte tenu de la réalité de la crise climatique. Nos enfants comptent sur vous pour assurer une planète vivable et des emplois dans la nouvelle économie ou l'économie verte qui soutiendront leur génération à l'avenir.
Nous ne demandons pas plus que ce que les Canadiens veulent, et nous ne vous demandons pas plus que ce que vous pouvez faire. Nos enfants méritent votre action et votre protection. Ils ont besoin que vous agissiez en politiciens courageux dans cette crise pour leur assurer un avenir viable.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président, et merci de me donner l'occasion de m'adresser au Comité au nom de 30 000 producteurs canadiens de légumineuses. Je m'appelle Corey Loessin. J'exploite une ferme avec mon épouse et mon fils, au nord-ouest de Saskatoon. Nous cultivons des pois, des lentilles, du canola, du blé, de l'avoine et de l'orge. Nous pratiquons l'agriculture ici depuis 30 ans. Ma famille exploite la même terre depuis 125 ans.
Au cours de la dernière année, j'ai été président du conseil d'administration de Pulse Canada. Pulse Canada est l'organisation nationale qui représente les producteurs, les négociants, les transformateurs et les exportateurs de légumineuses canadiennes, ce qui comprend les pois, les lentilles, les pois chiches, les haricots secs et les fèves de fava. Nos membres sont des associations de producteurs de partout au pays, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario, ainsi que l'Association canadienne des cultures spéciales, qui représente plus de 100 transformateurs et exportateurs de légumineuses.
Le Canada est le plus grand exportateur de légumineuses au monde. Notre industrie des légumineuses est bien établie et continue de croître en termes d'acres ensemencés et de demande intérieure et internationale. Nous exportons des légumineuses dans plus de 130 pays, nos principaux marchés étant la Chine, l'Inde, l'Union européenne et les États-Unis.
En 2017, l'industrie des légumineuses s'est fixé l'objectif « 25 d'ici 2025 », un objectif à l'échelle de l'industrie visant à fournir 25 % de notre production canadienne dans de nouveaux marchés diversifiés et pour de nouvelles utilisations finales d'ici 2025. Notre stratégie consiste à créer une nouvelle demande pour les légumineuses canadiennes tout en réalisant des gains d'efficience dans le contexte commercial et en continuant de garder les marchés existants ouverts.
Les légumineuses sont très bien placées pour tirer parti des nouvelles tendances alimentaires mondiales qui mettent l'accent sur des régimes alimentaires et des produits alimentaires sains et durables. Bien que la durabilité ne soit peut-être pas le principal facteur influençant les choix alimentaires des consommateurs, nous croyons qu'elle deviendra de plus en plus importante à mesure que le monde trouvera un moyen de nourrir une population croissante avec des aliments nutritifs provenant de systèmes alimentaires durables.
Chez Pulse Canada, nous avons deux objectifs qui orientent notre travail en matière de durabilité. Premièrement, il s'agit de créer les conditions qui permettront aux producteurs, aux transformateurs et aux exportateurs de saisir les débouchés de grande valeur découlant des engagements mondiaux en matière de durabilité. Deuxièmement, le secteur canadien des légumineuses doit donner l'exemple en fournissant des aliments et des ingrédients qui contribuent aux cibles de réduction du carbone du Canada et qui démontrent que notre industrie est un chef de file mondial dans la lutte contre les changements climatiques.
En ce qui concerne le projet de loi , bien sûr, si le Canada veut profiter de l'occasion extraordinaire qui s'offre à lui, il doit faire preuve de leadership au niveau des politiques. Pulse Canada appuie entièrement la politique qui crée des conditions axées sur le marché pour que les producteurs, les transformateurs et les exportateurs monétisent les engagements pris à l'égard de la durabilité environnementale mondiale. Les légumineuses et les ingrédients à base de légumineuses sont parmi les aliments les plus durables en raison de leur capacité de fixer l'azote, de leur efficacité sur le plan de l'utilisation de l'eau et de leur contribution à la santé des sols. Grâce aux pratiques d'intendance de calibre mondial de nos producteurs, le secteur des légumineuses canadien est un chef de file des cultures durables.
Au fur et à mesure que la conversation sur la durabilité prend de l'ampleur, les producteurs de légumineuses canadiens et le secteur commercial s'attendent à réaliser et à monétiser les possibilités qui existent. Avec le projet de loi , le gouvernement cherche à tracer la voie que le Canada devra suivre pour atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050. L'industrie canadienne des légumineuses jouera un rôle clé dans l'atteinte de cet objectif.
La demande alimentaire mondiale pour des ingrédients produits de façon durable nous ouvre des possibilités économiques bien réelles, et cette demande a été créée par le marché. Les solutions axées sur le marché permettront aux entreprises canadiennes de demeurer concurrentielles. C'est important pour tous les agriculteurs qui ont la possibilité de répondre à la demande mondiale croissante, dans la mesure de leurs moyens, à titre de propriétaires de petite entreprise.
Pour faire en sorte que le Canada s'engage sur la voie de la carboneutralité, Pulse Canada préconise l'attribution de sièges aux organismes consultatifs de l'agriculture canadienne, tant aux agriculteurs qu'aux représentants de la chaîne de valeur agricole dans son ensemble. Le gouvernement devrait s'inspirer de l'expertise que notre industrie a déjà acquise en participant à la réduction des émissions au cours des dernières décennies.
Je peux vous dire que dans notre propre exploitation agricole, nous avons constaté des gains énormes sur le plan de la conservation des sols en particulier, et de la santé des sols.
Enfin, veuillez noter qu'au Canada, nous exportons environ 85 % des légumineuses que nous cultivons. Il y a plus d'une façon d'atteindre les cibles climatiques, et à l'avenir, il va falloir examiner de façon plus générale la façon dont le Canada atteint ses cibles en appuyant et en élargissant le libre-échange. En investissant dans l'infrastructure propice au commerce et en appuyant les exportations agricoles, le gouvernement peut faire en sorte que le Canada continue de jouer un rôle clé dans la carboneutralité à l'échelle mondiale.
En terminant, je voudrais souligner de nouveau que le secteur agricole, et plus particulièrement le secteur canadien des légumineuses, contribuera grandement au succès du Canada sur la voie de la carboneutralité. Merci.
:
Je pourrais ajouter deux choses. L'agriculture, l'entreprise agricole, est une entreprise à long terme, alors il faut planifier à long terme. Bon nombre des pratiques que nous employons sont mises en place pour l'intérêt qu'elles présentent à long terme. Dans notre cas, c'est surtout une question de sol. La préservation du sol est tellement importante que nous avons des stratégies et des méthodes à long terme pour faire de notre mieux pendant cette période.
Lorsque les choses changent, oui, il faut s'adapter, mais lorsque les coûts augmentent soudainement ou de façon spectaculaire, cela limite essentiellement la capacité d'adaptation. Une bonne partie de l'adaptation à, disons, la culture sans labour, comme nous l'avons déjà mentionné, a nécessité des investissements considérables de la part des agriculteurs. Si l'augmentation des coûts limite la capacité de s'adapter selon les besoins, je dirais que cela ralentit le processus.
Deuxièmement, en ce qui concerne la fiabilité pour les clients des marchés d'exportation, c'est absolument essentiel. Un certain nombre de maillons de notre chaîne d'exportation, si vous voulez, connaissent des problèmes de temps à autre, et cela préoccupe toujours nos clients exportateurs. Plus nous pouvons être un fournisseur fiable pour d'énormes marchés comme l'Inde et la Chine, et je devrais ajouter les marchés de qualité comme l'Union européenne, plus l'ensemble de l'industrie se porte bien à court et à long terme.
:
J'aurais deux choses à dire. Premièrement, c'est le pire des scénarios. C'est ce qui se passera si nous continuons essentiellement à suivre la trajectoire que nous avons suivie en extrayant le charbon, le pétrole et le gaz naturel du sol le plus rapidement possible et en les brûlant le plus rapidement possible. J'espère que nous ne suivrons pas cette voie. C'est ce que les scientifiques appellent un scénario RCP 8.5.
Oui, la pénurie d'eau est un défi constant dans l'Ouest de l'Amérique du Nord. Il y aura des variations localisées.
Pour ce qui est des répercussions économiques d'une augmentation de 500 % de la gravité ou de la fréquence des sécheresses dans l'Ouest du Canada, je ne pense pas que qui que ce soit ait étudié l'aspect économique agricole de cette question, mais je pense que ce serait assez facile à calculer, si on voulait le faire, simplement en tenant compte des pertes de récolte assurées qui se produiront, disons, au cours des cinq prochaines années. À partir de là, on peut faire des extrapolations. De plus, il y a les répercussions urbaines. Une ville comme Edmonton, par exemple, a besoin d'une certaine quantité d'eau de surface dans la rivière pour accepter les eaux usées à des fins de traitement et pour fournir de l'eau potable, etc. C'est quantifiable. Évidemment, on peut supposer, par des calculs très simples, qu'une augmentation de 500 % de la fréquence ou de la gravité des sécheresses aurait un coût économique correspondant.
J'ai également étudié des sécheresses historiques comme celles des années 1970 dans les Grandes Plaines. Il y a souvent un effet de cascade. La sécheresse n'est que le début d'une crise économique. Si vous regardez les années 1970 et 1980, les sécheresses dans les Grandes Plaines ont coïncidé avec une période de hausse des taux d'intérêt. De nombreux agriculteurs se sont trouvés dans l'obligation d'emprunter de l'argent pour traverser la sécheresse, et les taux d'intérêt ont alors augmenté. Cela a contribué à déclencher la crise agricole, aux États-Unis, dans les années 1980.
Tout cela pour dire, monsieur Bittle, que oui, c'est quantifiable, et c'est évidemment quelque chose que nous voudrions éviter.
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Je tiens d'abord à remercier les témoins d'être avec nous et de nous faire partager leur expertise. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Je m'adresserai d'abord à Mme Brouillette.
Madame Brouillette, on parlait des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans sa version actuelle, le projet de loi n'en contient aucune. L'article 7 prévoit que le ministre va établir la cible au cours des six mois suivant l'entrée en vigueur de la Loi.
Lors de sa comparution d'hier au Comité, le m'a assurée que sa nouvelle fourchette de cibles, soit une réduction de 40 à 45 % des émissions de GES, serait insérée dans la Loi. Cependant, certaines projections du ministère de l'Environnement montrent un manque à gagner. Même les mesures annoncées dans le budget de 2021 indiquent que l'on arriverait à une réduction d'environ 36 %.
Selon vous, même si cette nouvelle fourchette de cibles était insérée dans la Loi, serait-ce suffisant?
Comment ce projet de loi pourrait-il être amendé pour renforcer les cibles prévues pour 2030?
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Je vous remercie de la question.
Il importe de noter que c'est une bonne chose que la cible soit révisée périodiquement. Cela fait partie du processus de rehaussement des contributions de l'Accord de Paris, soit que les parties revoient leurs cibles, normalement tous les cinq ans. Nous accueillons positivement la nouvelle cible du gouvernement. Toutefois, elle est encore insuffisante pour représenter la juste part du Canada à l'effort mondial visant à restreindre l'augmentation de température à 1,5 degré Celsius.
Au Réseau action climat Canada, nous avons évalué qu'une cible qui représenterait une juste part serait une réduction d'environ 60 % des émissions par rapport au niveau de 2005 d'ici 2030, ce qui comprend une réduction de 80 % du financement visant à appuyer la lutte contre les changements climatiques dans les pays du Sud.
Cela étant dit, le projet de loi devrait refléter l'Accord de Paris en permettant que l'on révise seulement les objectifs à la hausse, et ce, dans cette optique d'augmentation des contributions.
Comme vous l'avez mentionné, l'article 7 devrait idéalement être amendé pour permettre cela.
Tout à l'heure, j'ai entendu parler de certitude pour les marchés. L'une des recommandations que nous proposons est de fixer les cibles et les plans 10 ans à l'avance, justement pour donner cet élément de certitude au marché et aux investisseurs. Lorsqu'il faut les réviser en cours de route, comme le demande le processus lié au rehaussement des contributions de l'Accord de Paris, il est possible de réduire l'écart, car on s'y prend beaucoup plus à l'avance.
Vous disiez tout à l’heure que ce projet de loi faisait souvent mention d’« essayer » d'atteindre les cibles plutôt que de « contraindre » le gouvernement à les atteindre. Dans cette optique, même si ce projet de loi comporte de belles ambitions, je me demande s'il ne conviendrait pas d'y insérer une cible minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme celle énoncée dans l’Accord de Paris.
Cela pourrait constituer une garantie juridique additionnelle en cas d’échec pour ce qui est de l'atteinte des cibles. Cela pourrait arriver dans le cas où, justement, les mesures annoncées par le gouvernement n'étaient pas toutes mises en place ou si, dans quelques années, un nouveau gouvernement prenait le pouvoir, par exemple, et qu'elles n'étaient pas mises en place.
Devrions-nous nous doter de cette garantie en insérant une cible minimale dans le projet de loi?
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Ces mécanismes devraient effectivement être interreliés.
L’Accord de Paris n’impose pas de cibles aux parties signataires. Ce sont plutôt les cibles elles-mêmes qui fournissent ce que l’on appelle les CDN, mieux connues sous le sigle anglais NDC.
L’Accord de Paris énonce que, tous les cinq ans, les pays doivent communiquer leurs nouvelles CDN liées à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. En vertu de l’Accord, les pays doivent rendre compte régulièrement des progrès accomplis dans la mise en œuvre de leurs CDN.
Il faudrait effectivement synchroniser les mécanismes prévus dans le projet de loi avec les CDN du Canada. Cela se traduirait par une plus grande responsabilité en matière de lutte contre les changements climatiques, car les deux suivent un cycle similaire en matière de contributions, qui obligent le Canada à présenter des objectifs plus ambitieux tous les cinq ans.
Faire rapport sur le progrès est une exigence minimale d’un point de vue international. C’est pourquoi nous recommandons que le projet de loi C-12 inclue des mesures correctives quand le gouvernement ne respecte pas ses cibles. Les rapports d'étape devraient notamment obliger le à préciser les mesures qui seront prises pour rectifier le tir lorsqu'un objectif n’est pas ou ne sera pas atteint.
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C'est une bonne question.
Le rapport de l'Agence internationale de l'énergie nous donne plusieurs pistes quant à des politiques publiques concrètes. Au bout du compte, l'Agence nous informe sur le rôle que joue la science. C'est l'objectif du rapport de l'Agence: démontrer, d'un point de vue scientifique, ce que nous devons faire pour réduire nos émissions de GES pour rester sous le seuil critique de 1,5 degré Celsius.
Je pourrais vous parler de plusieurs autres choses, notamment de la nécessité de cesser l'expansion de l'industrie pétrolière et gazière, de la nécessité de ne plus vendre des véhicules à essence d'ici 2035 et du fait que le secteur du gaz naturel liquéfié doit être plafonné relativement rapidement.
Il y a donc plusieurs constats, mais le projet de loi doit prendre en compte les constats de la science, à l'aide des différents mécanismes, et les appliquer dans le contexte propre au Canada pour assurer que le pays atteint les objectifs fixés.
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Je vous remercie de la question.
En fait, nous recommandons d'opter pour des réductions absolues. Nous avons tenté, par le passé, d'utiliser des systèmes compensatoires ou des technologies qui ne sont pas éprouvées. Toutefois, pour avoir une feuille de route qui fonctionne, nous devons nous baser sur ce qui est existant. Comme mon collègue l'a dit, les réductions que nous pouvons planifier sont les réductions existantes.
Nous pouvons tout de même continuer à faire de la recherche et du développement pour trouver des technologies qui vont nous permettre de séquestrer du carbone. Nous pourrions aussi avoir des solutions axées sur la nature. En fait, tout à l'heure, et à la séance de lundi dernier, nous avons beaucoup parlé des solutions axées sur la nature, notamment sur l'agriculture. Cependant, si nous nous basons sur des technologies inexistantes, nous nous fondons sur des probabilités, et non sur du concret. Ce que nous voulons, c'est de nous assurer que nous pouvons réduire les émissions que nous produisons actuellement, et non que nous produirons éventuellement.
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Oui, j'adore Guelph, et j'ai beaucoup aimé le temps que j'ai passé à l'université là-bas. À mon avis, Guelph a l'une des meilleures écoles d'agriculture au monde.
Oui, nous avons beaucoup parlé de l'impact économique des mesures à prendre pour passer à une économie verte. C'est le genre de discussion que l'on voit à ces conférences des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, auxquelles j'ai assisté et où le Royaume d'Arabie saoudite dit de ne pas s'en faire avec les impacts des changements climatiques. Mais qu'en est-il de l'impact sur notre économie? Je vois bien que la conversation tourne autour de cette dimension, qui est très réelle — ne vous méprenez pas. Je ne produis pas de légumineuses en Saskatchewan, mais mon régime de retraite profite probablement d'une bonne partie de l'industrie agricole basée en Saskatchewan, et ainsi de suite.
Néanmoins, en même temps, il y a des impacts humains. J'ai parlé de la collectivité de Tuktoyaktuk, qu'il faudra quitter d'ici 2050. C'est une grosse affaire pour les gens, les Autochtones surtout, qui ont vécu longtemps au même endroit et qui se font dire qu'ils doivent partir et déménager leurs maisons, leurs familles, leurs écoles, et ainsi de suite, à cause de mesures auxquelles ils n'ont rien à voir. C'est un microcosme des risques qui nous guettent si nous n'adoptons pas ce projet de loi et n'agissons pas rapidement pour réaliser des réductions nettes des émissions de gaz à effet de serre.
La Dre Martin a parlé plus tôt des répercussions sur la santé. J'ai travaillé avec le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, à nos rapports actuels, qui portent non seulement sur les impacts sur la santé, mais aussi sur les avantages communs pour la santé humaine d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre, parce que, bien sûr, la pollution atmosphérique coûte la vie à quatre millions de personnes par année dans le monde. Si nous réduisons les émissions de gaz à effet de serre qui sont la cause des changements climatiques, ainsi que des problèmes de qualité de l'air en milieu urbain, des problèmes de santé chez les enfants, et ainsi de suite, nous pourrons arriver à des solutions où tout le monde sera gagnant. Ces risques en cascade que nous nous imposons en ne nous attaquant pas aux émissions de gaz à effet de serre, nous pouvons les inverser.
Pour revenir à votre premier point, vous avez raison: c'est un débat économique, mais c'est aussi un débat sur qui nous sommes en tant que personnes, sur notre qualité de vie et sur notre bien-être général, qui ne concerne pas seulement notre portefeuille.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais encore une fois prendre la parole et je vais m'adresser à Mme Waridel, de Mères au front.
Madame Waridel, j'ai lu attentivement votre mémoire, dans lequel vous dites que l'action climatique doit impliquer une approche contraignante, transversale et pangouvernementale se traduisant par un « test climat » applicable à toutes les décisions gouvernementales d'importance.
Vous proposez que le projet de loi spécifie que le gouvernement doit faire passer toutes ses décisions par ce « test climat » pour véritablement prendre en compte leurs répercussions, comme le gouvernement le fait déjà relativement aux questions de genre ou de racisme, par exemple.
Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon ce « test climat » pourrait prendre forme dans le projet de loi C-12?
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Je vous remercie de la question, madame Michaud.
Je remercie aussi tous les députés de leurs interventions.
Quand on consulte le moindrement l'actualité scientifique, on constate à quel point l'humanité est à la croisée des chemins. La fenêtre se referme quant à la possibilité d'agir et de prévenir l'emballement climatique et toutes les conséquences néfastes que l'on connaît sur la santé et la sécurité des populations. C'est aussi ce que nous avons entendu aujourd'hui.
On sait que toutes les mesures mises en place jusqu'à maintenant ressemblaient davantage à de bonnes intentions et qu'elles n'ont pas permis d'atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut que, à partir de maintenant, toutes nos décisions soient passées au crible quant à leurs répercussions sur le climat. Quand on dit que l'on est à la croisée des chemins, cela veut dire qu'il faut se demander si chaque décision, politique, réglementation ou mesure fiscale aura pour effet de réduire ou d'augmenter les émissions de GES.
C'est la question qui devrait être posée par tous ceux qui prennent des décisions au sein de l'appareil gouvernemental fédéral. Dans la mesure du possible, il faut par la suite déterminer comment cela peut se transposer dans les relations avec les provinces et divers intervenants ainsi que dans les politiques qui sont appliquées aux provinces et à tous ceux qui interagissent avec le gouvernement fédéral. Cela semble fondamental puisque, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas de tels mécanismes, on va continuer à dire que l'on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais on va subventionner le secteur des énergies fossiles, alors que l'on sait que c'est au cœur du problème.
En ce moment, on finance l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Depuis le début de la pandémie, 30 milliards de dollars provenant de fonds publics ont été accordés à ce secteur. On sait que le projet Trans Mountain va coûter plus de 12,6 milliards de dollars. Un « test climat » nous empêcherait d'aller dans cette direction et nous encouragerait plutôt à subventionner les gens qui dépendent du secteur des énergies fossiles afin qu'ils s'engagent dans la transition.
Nous ne devons pas abandonner les travailleurs et les travailleuses du secteur des énergies fossiles. Nous devons être solidaires des gens de l'Alberta, de Terre-Neuve et de la Saskatchewan. Selon moi, c'est fondamental. Cette transition, nous devons la faire ensemble, mais il faut qu’à partir de maintenant, toutes nos décisions soient passées au crible quant à leurs répercussions sur le climat et sur l'avenir de nos enfants.
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D'abord, je vais parler brièvement du budget carbone. Un budget carbone permet d'avoir un portrait plus clair quand vient le temps de prendre des décisions en matière de réglementation ou d'infrastructure, par exemple, qui ont des répercussions sur nos émissions de GES.
Je vais employer une métaphore. Si je veux réduire mes dépenses de 40 % à 45 % au cours des neuf prochaines années, je dois connaître le montant qui se trouve dans mon compte bancaire et celui que je peux dépenser sur des périodes plus courtes que les neuf ans, sinon je n'y arriverai pas.
Je réitère le fait que, selon le Réseau action climat Canada, une telle approche est toujours pertinente pour le Canada, même si elle n'a pas été choisie par le gouvernement. Nous croyons qu'elle est possible dans le contexte d'une fédération, parce que le gouvernement fédéral a des outils à sa disposition, comme la réglementation, les politiques fiscales et le pouvoir de dépenser.
Par contre, si l'on veut s'assurer d'un minimum de transparence dans les plans et les rapports de progrès en l'absence d'un budget carbone, il faudrait absolument que le projet de loi soit amendé pour que l'on retrouve une modélisation annuelle des émissions de GES dans les plans.
Le groupe consultatif et l'Institut canadien pour des choix climatiques pourraient se pencher sur le sujet dans leurs futurs travaux.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins. Encore une fois, nous avons un dialogue très important.
J'espère accomplir deux choses dans mes cinq minutes. J'aimerais d'abord faire un bref retour sur l'organisme consultatif en matière de carboneutralité. Je trouve que le gouvernement aurait peut-être dû attendre que le projet de loi soit adopté, car nous avons un bon dialogue sur ce à quoi ressemblerait l'organisme consultatif. Un témoin nous a dit qu'il doit absolument ne compter que des scientifiques, sans représentation de l'industrie. Bien sûr, M. Loessin a parlé de la grande contribution que l'industrie pourrait faire au débat. Prenez la composante actuelle du comité consultatif; c'est un peu... Ce sont tous des gens très compétents, mais je ne suis pas certaine que le gouvernement ait pris le temps de chercher les meilleurs conseils possible.
Dans mon optique, nous pouvons aller plus loin lorsque nous incluons l'industrie, parce que nous comprenons les défis, mais nous pouvons aussi comprendre ce qu'on peut accomplir. Je pense que nous sommes tous d'accord sur l'importance des légumineuses dans notre alimentation, pas seulement au Canada, mais partout dans le monde. De plus en plus de personnes augmentent leur consommation de légumineuses.
Je pourrais peut-être demander à M. Loessin de revenir rapidement là-dessus. J'espère pouvoir poser certaines questions plus génériques ensuite.
Merci.
Nous avons entendu les Cattlemen il y a deux jours et, bien sûr, ce que j'ignorais — pourtant je vis dans un pays d'élevage —, c'est l'importante contribution aux prairies, à la santé des prairies et à la séquestration qui se fait dans cette industrie particulière.
Ces cinq dernières années, je me suis concentrée sur le dossier des Autochtones. Donc, je suis la petite nouvelle dans le dossier de l'environnement. Pour ceux qui s'y connaissent beaucoup plus, j'apprécierais vraiment... Ce projet de loi est clairement une affaire de processus. Il s'agit d'un processus, et tous nos témoins nous ont dit qu'il comportait même des lacunes pour ce qui est de leur processus.
Lorsque nous parlons de carboneutralité, M. McLeman serait peut-être le mieux... Le Canada a essentiellement été mis sur pause l'an dernier. Quelles ont été les répercussions sur nos émissions? Dans quelle mesure cela nous a-t-il rapprochés de notre objectif, et comment expliqueriez-vous aux Canadiens qui nous écoutent ce que l'avenir nous réserve: sera-ce comme l'an dernier, où personne ne prenait sa voiture ou l'avion? Pourriez-vous nous en parler un peu pour mieux faire comprendre aux Canadiens qui nous écoutent ce que le Canada essaie de faire?
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Oui, les émissions de gaz à effet de serre au Canada ont essentiellement cessé d'augmenter dans la dernière année, parce que, vous avez raison, les gens sont restés à la maison et ont travaillé plus près de chez eux, et l'industrie a été paralysée. Ce n'est pas ce qu'on préconise ici, je ne pense pas.
Ce que nous visons, c'est la croissance économique, basée sur une économie à base d'énergie, où le pétrole et le gaz ne sont pas nécessairement la source d'énergie.
C'est l'une des choses que nous devons examiner désormais. Personne ne dit que la carboneutralité signifie un retour aux charrettes à cheval. De fait, si nous avons abandonné les charrettes à cheval, ce n'est pas parce que nous avons manqué de foin pour les chevaux; c'est parce que nous avons découvert de nouvelles technologies. Notre société est arrivée au seuil technologique où la raison pour laquelle nous délaissons les automobiles à essence, les autres appareils et les choses qui fonctionnent aux combustibles fossiles, n'est pas que nous manquerons de combustibles fossiles à court terme; c'est que nous avons de meilleures technologies.
Un point à retenir du rapport publié hier par l'Agence internationale de l'énergie, c'est que les technologies et les innovations nécessaires à l'atteinte de la carboneutralité existent déjà, si bien que la science a déjà fait sa part. La clé, c'est la façon de faire la transition vers une économie fondée sur ces nouvelles technologies et innovations.
C'est possible, selon moi, et c'est le message que je demanderais à tous les membres de votre comité de retenir. Vous avez raison, ce projet de loi est une affaire de processus, mais il est important parce que le gouvernement fixe le processus qui aide l'économie à faire la transition à la nouvelle technologie.
Je devrais commencer par dire que ma femme est une immigrante et que ma mère est une immigrante, ce qui explique mon penchant pro-immigration. Différentes voies... L'an dernier, j'ai fait une étude pour l'Institut politique de la migration à Washington, et des décisions comme celle que traduit ce projet de loi et les trajectoires des gaz à effet de serre d'ici 2050 ont transformé le paysage du tout au tout. Si nous arrivons à la carboneutralité dans le monde et au Canada d'ici 2050, nous pourrons réduire le nombre de personnes qui sont chassées chaque année de leur domicile. Actuellement, environ 21 millions de personnes dans le monde sont délogées chaque année par les inondations, les tempêtes, les sécheresses et ainsi de suite. Nous pourrons réduire ce nombre en atteignant la carboneutralité.
À l'inverse, si nous ne changeons rien, des centaines de millions de personnes seront déplacées. Le Canada, terre d'accueil de réfugiés et de migrants, subira les pressions de la communauté internationale, et les pays d'origine des Canadiens qui sont ici maintenant et dont des proches sont à risque presseront le gouvernement de faire quelque chose. Selon moi, à moins de nous donner ces types de lois maintenant, nous verrons naître des pressions de sources que nous n'aurions pas prévues auparavant.
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Je vous remercie de la question.
D'abord, il est important de faire une distinction: Mme Catherine Abreu siège au comité à titre personnel, et je suis ici aujourd'hui pour présenter les remarques du Réseau action climat Canada. De concert avec nos membres et nos alliés, nous travaillons en ce sens depuis plusieurs années, c'est-à-dire que nous recommandons la mise en place d'un comité d'experts indépendants. Il est important de noter que le comité qui a été mis en place par le gouvernement est un comité de parties prenantes, alors que nous recommandions un comité d'experts indépendants.
J'ai entendu plusieurs témoins, aujourd'hui, demander que telle ou telle industrie soit représentée. En fait, il s'agit de nommer des personnes ayant une expertise liée à des questions scientifiques, à des savoirs traditionnels autochtones et à différents types de sciences sociales. Cela peut inclure un savoir sur la façon dont les changements climatiques vont toucher l'agriculture ou l'emploi. La question de la transition juste est importante. Il faut avoir un comité indépendant, mais la question de l'expertise scientifique au sein de celui-ci pourrait être renforcée.
J'ajouterais un dernier point. Mme Abreu possède certainement l'expertise en matière de changements climatiques que nous avons en tête, laquelle diffère d'une expertise liée à la représentation des intérêts financiers d'une industrie, par exemple.
Je vous remercie, monsieur Saini.
Cela conclut la première partie de notre séance d'aujourd'hui, qui était réservée au premier groupe de témoins. J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les témoins, qui ont formulé des commentaires très intéressants. Nous savons qu'une comparution devant un comité demande beaucoup de préparation, et nous leur sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de se préparer pour comparaître aujourd'hui.
Nous allons maintenant prendre une petite pause de cinq minutes pour permettre au deuxième groupe de témoins de se connecter à la réunion. Il est 15 h 57. Je vous reviens vers 16 h 3 pour accueillir le deuxième groupe de témoins.
Je remercie encore une fois le premier groupe de témoins. Comme ils le savent, la semaine prochaine, nous procéderons aux amendements au projet de loi, et leurs idées intéressantes vont alimenter nos discussions.
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Nous sommes prêts à poursuivre nos travaux.
Je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. Je souligne la présence de Me Paul Fauteux, qui témoignera à titre personnel.
[Traduction]
Nous avons aussi Shannon Joseph, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.
Nous recevons Mme Sabaa Khan, de la Fondation David Suzuki.
Et nous avons Geneviève Paul, du Centre québécois du droit de l'environnement.
James Meadowcroft, professeur à la School of Public Policy, de l'Université Carleton, représente l'Accélérateur de transition.
Vous connaissez probablement tous la formule, c'est-à-dire que chaque groupe de témoins peut faire une déclaration préliminaire de cinq minutes avant que nous passions aux questions.
Veuillez fermer votre micro lorsque vous ne parlez pas, et adressez-vous aux membres du Comité par l'entremise du président.
Commençons par Me Fauteux, pour cinq minutes.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour et merci à tous de m'avoir donné l'occasion de contribuer à vos travaux.
J'ai été au service du gouvernement du Canada, comme diplomate et cadre supérieur, de 1980 à 2010. J'ai notamment dirigé le Bureau des changements climatiques d’Environnement Canada et la délégation canadienne dans les négociations internationales sur la mise en œuvre du Protocole de Kyoto.
Le projet de loi que vous étudiez présentement est un pas dans la bonne direction, mais il est nettement insuffisant pour répondre aux impératifs de l'urgence climatique. Les améliorations à y apporter sont, à mon avis, nombreuses. Vu les contraintes de temps, j'en mentionnerai six.
Premièrement, son titre trahit son manque d'ambition. Si l'objectif de carboneutralité pour 2050 est légitime, il ne doit pas servir à camoufler l'échec actuel de la trajectoire des émissions canadiennes. L'Accord de Paris établit clairement que, pour atteindre la carboneutralité à la moitié du siècle, il faut d'abord parvenir au plafonnement mondial des émissions de GES dans les meilleurs délais. Ce sont ces efforts de réduction rapide que les Canadiens attendent de leur gouvernement. Cette ambition devrait être reflétée dans le titre, ce qui suppose évidemment que le texte du projet de loi soit bonifié.
Deuxièmement, les États qui sont les leaders en matière de lutte contre les changements climatiques, comme certains de nos partenaires du G7 et d'autres, adoptent de plus en plus des lois climat qui fixent dans la loi les cibles à atteindre en matière de réduction d'émissions de GES. L'objectif général de ces lois est de rendre les gouvernements responsables de leur action pour le climat et d'éviter les échecs répétés en matière de réduction d'émissions, comme ceux que le Canada a toujours connus.
L'expérience récente de l'Allemagne à cet égard offre des leçons importantes. Le projet de loi devrait à tout le moins inclure, et ainsi rendre obligatoire, la cible de réduction des émissions de 30 % d'ici 2030, par rapport à 2005, qui a été annoncée par le premier ministre Harper en 2015, sinon la nouvelle cible de 40 % à 45 % annoncée par le premier ministre Trudeau le 22 avril dernier. Le projet de loi devrait également prévoir l'établissement de cibles intermédiaires, à partir de 2025, et tous les cinq ans par la suite. Une loi sur le climat qui, comme le projet de loi C-12, n'inclut aucune cible est inutile, selon moi.
Troisièmement, le projet de loi n'établit aucun mécanisme crédible quant à l'obligation de rendre des comptes. La seule obligation qu'il impose au ministre à cet égard est de faire rapport, autrement dit d'évaluer lui-même son propre travail. Le projet de loi devrait au contraire prévoir que le plan d'action et les mesures prévues par le gouvernement seront examinés par une autorité indépendante. Il pourrait s'agir du commissaire à l'environnement, qui devrait alors devenir un haut fonctionnaire du Parlement pour renforcer son indépendance.
Quatrièmement, le projet de loi prévoit qu'un organisme consultatif fournira des conseils au ministre, qui le constituera, fixera son mandat et pourra modifier ce dernier en tout temps. L'urgence climatique et la réduction rapide qui s'impose quant aux émissions du Canada exigeraient au contraire que les experts soient mobilisés pour fournir des avis sur les objectifs à court terme, les cibles intermédiaires et l'objectif de 2030. Il faudrait donc amender le projet de loi pour y inscrire la constitution d'un conseil scientifique indépendant, composé d'experts issus des milieux universitaires et de la recherche dont le mandat serait de désigner les politiques susceptibles de favoriser l'atteinte des cibles de réduction des émissions du Canada.
Cinquièmement, le rapport d'étape prévu par le projet de loi doit se faire aux cinq ans, alors que nous disposons de données sur les émissions produites chaque année. Afin de permettre que soient évalués les progrès ou l'absence de progrès à l'égard de chaque cible intermédiaire, le projet de loi devrait être amendé de sorte que ce rapport soit annuel.
Sixièmement, le projet de loi ne dit pas que les mesures doivent être évaluées en fonction de leur capacité à permettre au Canada de respecter ses engagements liés à l'Accord de Paris. Rien n'assure donc que les cibles établies par le ministre le feront. Il faudrait amender le projet de loi pour préciser que le rôle du commissaire à l'environnement serait de déterminer si les mesures prévues permettraient au Canada d'atteindre ses cibles et si l'atteinte de celles-ci lui permettrait de respecter ses engagements liés à l'Accord de Paris.
En conclusion, je dirai qu'une loi canadienne sur le climat digne de ce nom devrait assurer à la population et à la communauté internationale que le Canada remplira à tout le moins ses propres engagements, même si ces derniers sont insuffisants pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris, soit la limitation de l'élévation des températures à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-12 ne permet aucunement d'assurer que le Canada respectera ses engagements relatifs au climat. Pour qu'il puisse les respecter, il faudra que le projet de loi soit amendé pour établir une cible obligatoire, prévoir l'établissement de cibles intermédiaires aux cinq ans dès 2025, établir des mécanismes de reddition de comptes et faire appel à l'expertise nécessaire.
Je vous remercie de votre attention.
Je suis Shannon Joseph, vice-présidente aux Relations gouvernementales et affaires autochtones de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, c'est-à-dire l'ACPP.
L'ACPP représente l'industrie du pétrole et du gaz naturel en amont. Nous tenons à remercier le Comité de l'occasion qui nous est donnée de participer à l'étude du projet de loi .
Ce projet de loi et le travail que fait le Canada pour concrétiser ses engagements en matière de changements climatiques sont importants pour toutes les industries et tous les Canadiens. L'ACPP et nos sociétés membres appuient solidement, par leurs investissements, la performance et l'innovation en matière environnementale. Nous voulons aider le gouvernement fédéral à atteindre ses objectifs de changement climatique. Cela dit, nous tenons à souligner au Comité que la voie vers la carboneutralité que propose le projet de loi vise aussi à créer des possibilités économiques pour le Canada.
Nous avons noté le commentaire qu'a fait le , à l'occasion du Sommet des dirigeants sur le climat du 22 avril 2021, selon lequel notre réponse aux changements climatiques peut être « notre plus grande opportunité économique ». Comme les membres du Comité le comprendront, on gère ce que l'on mesure, d'où l'inclusion dans le projet de loi de cibles clés en matière de changements climatiques pour répondre aux exigences de la mesure de la performance de 2050. Si la carboneutralité passe par la création de croissance, d'investissements et d'emplois, de même, en plus de la performance environnementale, il nous faut des cibles économiques, ainsi que des mesures quantitatives de performance économique intégrées dans le projet de loi.
Après cela, les voies d'accès à la carboneutralité seront différentes dans les diverses régions du pays, pendant l'application du programme. Le projet de loi doit aussi en tenir compte dans les façons dont sont développées et évaluées les stratégies. Cela doit se faire en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et tenir compte de leurs stratégies et politiques en matière de changements climatiques. Le Canada est un pays exportateur, et le pétrole et le gaz naturel sont notre première exportation.
Notre contribution à l'économie du Canada dépasse le 1,1 milliard de dollars par année. Nous avons plus d'un demi-million de femmes et d'hommes dans des emplois spécialisés et bien rémunérés, d'un littoral à l'autre, dont 63 000 en Ontario et 18 000 au Québec. Notre chaîne d'approvisionnement nationale à l'extérieur de l'Alberta comprend plus de 2 700 entreprises dont les achats annuels dépassent les 4 milliards de dollars. De plus, nos achats à des entreprises autochtones dépassent les 2,4 milliards de dollars par année, qui représentent 11 % de nos approvisionnements dans les sables bitumineux. Nous sommes parmi les plus importants employeurs d'Autochtones au Canada et sommes engagés à jouer un rôle important dans la réconciliation.
Je souligne ces points parce que notre industrie occupe une grande place dans le tissu économique et social du Canada et que nous avons joué et voulons continuer de jouer un rôle dans la prospérité du Canada et dans l'atteinte des objectifs environnementaux du pays.
L'innovation est un moyen important de jouer ce rôle. Un autre témoin vous a parlé des technologies disponibles. Il en reste encore beaucoup à développer. Selon une étude réalisée en 2018 par le Global Advantage Consulting Group pour le Réseau d'innovation pour les ressources propres, environ 75 % de tous les investissements en technologies propres au Canada proviennent de l'industrie du gaz naturel et du pétrole.
Non seulement notre leadership en matière d'innovation contribuera à réduire les émissions chez nous, mais, grâce au partage et à l'exportation de sa technologie, le Canada pourra aider à les réduire partout dans le monde. Le captage, l'utilisation et le stockage du carbone l'illustrent bien. Le projet Weyburn-Midale en Saskatchewan est l'un des plus importants et des plus anciens au monde. Nous espérons voir davantage de ces projets.
Notre nouvelle industrie du gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique a aussi joué un rôle dans la réduction des émissions mondiales et dans la production de résultats d'atténuation ou de crédits de carbone échangeables à l'échelle internationale dans le cadre de l'Accord de Paris pour le Canada.
À elle seule, la Chine ajoute une grande centrale au charbon à son réseau électrique toutes les deux semaines. La production d'électricité à partir de charbon continue également de croître en Inde et en Asie du Sud-Est, tout en mettant l'accent sur l'amélioration du niveau de vie des citoyens. Si elles fonctionnaient au gaz naturel canadien, ces installations produiraient nettement moins de polluants atmosphériques et d'émissions de gaz à effet de serre, comme l'Ontario l'a constaté lorsqu'elle a remplacé ses sources d'énergie.
Nous ne pouvons pas nous permettre, ni sur le plan environnemental ni sur le plan économique, d'adopter une vision étroite de ce à quoi pourra ressembler l'atténuation des changements climatiques au Canada. Le projet de loi devrait préciser le rôle que les secteurs économiques et les autres intervenants joueront dans l'élaboration des plans et l'atteinte des cibles. Il devrait faire en sorte que l'expertise des technologies et les occasions qui s'offrent aux différents secteurs et régions soient mises à contribution dans le processus décisionnel de l'organisme consultatif et décisionnel global du Canada.
Nous recommandons d'élargir le rôle du gouverneur en conseil et en particulier du dans l'élaboration de cibles, de plans et de politiques de soutien en vertu de la loi, compte tenu surtout de leurs effets éventuels sur l'ensemble de l'économie et de la société canadiennes. Nous ne jugeons pas opportun de confier tout cela à un même ministre.
En travaillant ensemble, l'industrie et le gouvernement pourront accélérer l'innovation et mettre au point les technologies qu'il faudra pour réduire les émissions tout en fournissant de l'énergie produite de façon responsable pour répondre à la demande mondiale. Nous espérons que nos recommandations à votre comité pourront aider le Canada dans ce processus.
Merci.
Les approches législatives nationales de la politique climatique sont devenues impératives pour l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris. Non seulement elles peuvent refléter des engagements étatiques qui font autorité et sont transparents, mais encore elles peuvent faciliter et accélérer considérablement la décarbonisation à l'échelle de l'économie en assurant des environnements prévisibles de réglementation et d'investissement intersectoriels.
La législation climatique du Canada n'existera pas en vase clos. Elle fera partie d'un nouveau réseau mondial de lois climatiques nationales, toutes motivées par l'objectif juridique mondial commun de lutter contre les changements climatiques anthropiques. Bien qu'il n'y ait pas deux lois climatiques nationales qui soient identiques, leurs cadres s'appuient sur certaines exigences, obligations et procédures clés communes.
Notre mémoire au Comité s'appuie sur des exemples internationaux dans le domaine de la législation climatique nationale pour expliquer les amendements de fond et de procédure au projet de loi , qui donneraient à cette mesure les normes de spécificité, de concrétisme, de transparence et de reddition de comptes nécessaires pour paramétrer, surveiller et réduire efficacement les émissions au Canada.
Bien qu'il comporte, dans sa forme actuelle, tous les éléments de base communs à la plupart des lois climatiques, le projet de loi accuse un retard sur les pratiques exemplaires internationales à plusieurs égards. Nous comprenons que l'intention du gouvernement est d'exiger des cibles fondées sur la science, mais nous craignons que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n'ouvre la porte à la possibilité de contourner les données scientifiques et les recommandations du GIEC. Pour ce qui est de l'établissement de cibles et de l'élaboration de plans climatiques obligatoires, un organe scientifique indépendant se voit confier un rôle consultatif. Toutefois, selon les dispositions actuelles, la composition, les ressources, la capacité et les fonctions de cet organe restent vagues.
Une loi climatique canadienne robuste pourrait déclencher la transformation collective rapide qu'il faut dans les secteurs public et privé pour atténuer les pires incidences des changements climatiques, renforcer les efforts d'adaptation et accroître la résilience à l'échelle du pays. La législation climatique devrait favoriser une plus grande transparence publique, assurer la responsabilisation du gouvernement, et fournir une vision claire, quantifiable et pratique de la façon dont le Canada entend réduire les émissions de GES à l'échelle de l'économie.
Un cadre juridique robuste pour les changements climatiques peut garantir un rôle de premier plan pour la science indépendante dans la définition de l'ambition climatique du Canada et faire en sorte que cette ambition ne régresse jamais. Il peut aussi faire en sorte que les plans d'action du Canada pour l'atteinte de cibles de réduction périodique d'émissions jusqu'à la carboneutralité ne s'écartent pas des dernières recommandations scientifiques du GIEC.
Certaines lois climatiques vont jusqu'à exiger l'harmonisation explicite de la politique budgétaire fédérale et de la politique climatique, à attribuer à des ministères précis des obligations de réduction des émissions dans certains secteurs, et même à obliger le gouvernement à se donner une stratégie climatique globale reliée aux biens importés, à la coopération bilatérale et au financement international pour le climat. Dans le meilleur des cas, les lois sur le climat confient à des organismes scientifiques indépendants un rôle important dans la prestation de conseils et la surveillance des mesures gouvernementales en matière de changements climatiques, et forcent le gouvernement à répondre publiquement à leurs avis, recommandations et rapports. Ces mécanismes font en sorte que l'élaboration des politiques climatiques ne soit pas guidée par les cycles électoraux, mais plutôt par l'objectif à long terme de carboneutralité pour 2050.
Nous avons aujourd'hui l'occasion d'assurer l'adoption d'une loi robuste sur le climat, qui nous propulserait sûrement et collectivement à l'ère de la décarbonisation à l'échelle de l'économie. Il est essentiel que notre législation sur le climat lie les rapports entre la science du climat, les mesures prises par le gouvernement et la participation du public si nous voulons faire une contribution significative à l'atteinte de la carboneutralité pour 2050 et à l'objectif de l'Accord de Paris pour la fin du siècle.
Pour que le projet de loi devienne un catalyseur du changement, il faut renforcer considérablement l'établissement des cibles, la mise en œuvre des plans, les obligations de rapport, les procédures de surveillance et le cadre de responsabilisation.
La question des compensations devrait aussi être clairement abordée. À cet égard, la Fondation David Suzuki appuie les amendements recommandés lundi au Comité par Ecojustice et West Coast Environmental Law, qui aideraient à aligner le projet de loi sur la norme internationale de l'Accord de Paris, en tenant compte des émissions et des absorptions anthropiques de manière à favoriser l'intégrité environnementale, la transparence, l'exactitude, l'exhaustivité, la comparabilité et l'uniformité.
J'exhorte les membres du Comité à travailler à renforcer le projet de loi dans le sens des pratiques exemplaires internationales, et à l'approuver.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner.
L'adoption d'une loi climat est urgente et nécessaire, et nous saluons le dépôt de ce projet de loi. Toutefois, pour que la loi se donne les moyens de ses ambitions, nous sommes aussi d'avis qu'il est nécessaire que le projet de loi soit bonifié. Le projet de loi nous permettrait de nous doter d'une carte essentielle. Nous proposons d'y ajouter une boussole et des points de repère qui sont nécessaires afin de ne pas s'y perdre et d'arriver à bon port.
Voici donc nos cinq recommandations principales.
D'abord, il est essentiel, selon nous, de faire de l'organisme consultatif non pas une instance multipartite, mais plutôt une instance indépendante ayant l'expertise nécessaire, ce que les dispositions actuelles ne garantissent pas. Il faut s'inspirer des meilleures pratiques à l'international qui ont fait leurs preuves, comme le Québec vient de le faire en mettant en place le Comité consultatif sur les changements climatiques.
Nous proposons donc que le processus de sélection soit indépendant. Les membres seraient recommandés par un comité de sélection diversifié comptant notamment sur des représentants autochtones nommés par le gouverneur en conseil. Ces membres doivent être indépendants, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas avoir de relations ou d'intérêts susceptibles de nuire à la réalisation de la mission du comité, comme cela est exigé au Québec.
Nous recommandons fortement que les scientifiques soient majoritaires au sein de l'organisme, comme c'est le cas, par exemple, en France, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et au Québec. Nous proposons que son mandat soit précisé et élargi dans la loi et qu'il ne soit pas assujetti au pouvoir discrétionnaire du ministre de l'Environnement, comme c'est le cas actuellement. Par exemple, l'organisme doit être consulté pour les questions d'importance comme celle de fixer des cibles intermédiaires.
Pour que la science guide nos actions en matière climatique, nous suggérons que l'organisme puisse fournir des avis à toutes les entités gouvernementales. Ces avis devraient être rendus publics, et le rapport annuel de l'organisme devrait par ailleurs être présenté au Parlement et non au ministre.
Pour bonifier le paragraphe 22(2), qui est déjà un pas dans la bonne direction, nous proposons que le ministre de l'Environnement ainsi que tout autre ministre qui décide d'écarter un avis scientifique de l'organisme consultatif soient contraints de justifier sa décision, comme c'est notamment le cas au Royaume-Uni. Étant donné que les problèmes sont trop importants et qu'ils évoluent rapidement, le ou la commissaire à l'environnement et au développement durable devrait faire rapport tous les deux ans plutôt qu'aux cinq ans.
Pour appuyer l'administration dans cette tâche qui, nous le reconnaissons, n'est pas simple, nous proposons d'imposer une grille d'analyse climatique déterminée par l'organisme consultatif. Cette grille d'analyse permettrait d'évaluer les décisions du gouvernement et de l'administration à la lumière de leurs répercussions climatiques et de leurs répercussions sur l'atteinte des cibles dans le but d'assurer la cohérence des actions de l'ensemble de l'appareil étatique.
En plus d'un organisme fort, nous proposons que la loi prévoie aussi des cibles intermédiaires et des budgets carbone fédéraux quinquennaux. Le projet de loi mentionne que l'un des objectifs est d'assurer le respect des engagements internationaux du Canada. Pour ce faire, la loi devrait donc faire directement mention des normes phares de l'Accord de Paris en fixant des balises normatives de réduction des émissions de GES et en prévoyant des obligations de moyens. De plus, elle devrait prévoir une cible jalon dès 2025, et non pas seulement en 2030, comme c'est prévu dans l'Accord de Paris et sur la base des meilleures données scientifiques disponibles. Enfin, la loi devrait prévoir une obligation de résultat pour assurer le respect des cibles, car nous ne pouvons simplement plus nous permettre de passer à côté des cibles que l'on se fixe, sans parler du retard à rattraper.
Nous avons été rassurés d'entendre, plus tôt cette semaine, la volonté de renforcer la reddition de comptes dans le projet de loi, et nous espérons que ce sera reflété dans les amendements.
J'aborderai maintenant le dernier point, mais non le moindre. Il s'agit de la participation du public. Le projet de loi n'est pas à la hauteur des obligations internationales du Canada en matière de droits liés à la participation aux affaires publiques et à l'accès à l'information, qui doit se résumer à davantage qu'une occasion pour le public de présenter ses observations. En plus de prévoir une obligation de consulter les provinces, comme c'est le cas dans d'autres lois, nous proposons que la loi prévoie également des mécanismes pour engager, sensibiliser, former et éduquer le public. Nous avons besoin de tous et de toutes si nous voulons arriver à surmonter la crise climatique.
Monsieur le affirmait cette semaine que sauver la planète n'était pas une question politique, mais que cela se résumait simplement à croire ou non en la science. Nos propositions visent justement à placer la science au cœur du projet de loi tout en s'assurant de mettre en place les balises nécessaires pour véritablement affronter cette crise. Il en va de l'intérêt de nous toutes et de tous, et nous comptons sur les deux Chambres pour ce faire. Nous avons soumis des propositions d'amendements en annexe de notre mémoire et demeurons disponibles pour accompagner le législateur, afin que l'on puisse répondre adéquatement à la plus grande menace qui pèse actuellement sur l'humanité.
Je vous remercie de votre attention.
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Je fais partie de l'Accélérateur de transition, un organisme national sans but lucratif qui s'est donné pour mission de créer des voies de transition dans les régions et les secteurs partout au Canada.
Nous avons publié récemment un rapport intitulé « Pathways to Net Zero: A Decision Support Tool », que nous enverrons au Comité. Je vous exhorte à le lire. Il donne une foule de détails sur les mesures concrètes à prendre dans divers secteurs pour arriver à la carboneutralité.
Je vais parler de certaines des conclusions de haut niveau de ce rapport. Je ne propose pas d'amendements particuliers au projet de loi; je suis sûr que les membres du Comité sont déjà saisis de toute une série de propositions. De fait, mes commentaires s'articulent davantage sur le contexte et sur la façon dont il faut comprendre la carboneutralité.
La première chose que j'ai à dire, c'est que la carboneutralité, dans notre perspective, change tout. Une fois adoptée formellement comme objectif, elle change la façon de présenter le problème climatique. La carboneutralité signifie la mise en équilibre des émissions résiduelles avec les absorptions et, puisque les résultats, la permanence et le coût de la plupart des technologies d'émissions négatives sont très incertains, cela signifie de fait une réduction des émissions vers la carboneutralité dans tous les secteurs de l'économie.
Pourquoi cela change-t-il tout? Essentiellement, c'est parce que cela signifie que l'enjeu climatique n'est plus la réduction d'un certain pourcentage des émissions avant un certain point, mais tout simplement la cessation de la production de gaz à effet de serre; c'est-à-dire une purge complète de l'économie.
Pendant des années, nous nous sommes demandé comment trouver des émissions à faible coût pour atteindre un pourcentage x. Oubliez cela. Ce qu'il nous faut, ce sont de nouveaux systèmes qui n'émettent tout simplement pas de gaz à effet de serre. La seule façon de se débarrasser de ces GES, c'est que les grands systèmes sociaux d'approvisionnement — les transports, notre façon de transporter les marchandises, notre façon de déplacer les personnes, le mode de fonctionnement du réseau agroalimentaire — doivent prendre le parti de la carboneutralité. Cela signifie des changements à grande échelle dans ces systèmes. Ces systèmes, par contre, changent déjà sous l'effet de toutes sortes de courants perturbateurs. On n'a qu'à penser aux voitures autonomes, qui repoussent les limites des systèmes de transport.
La tâche ne consiste donc pas à éliminer certaines émissions découlant de notre façon de faire les choses aujourd'hui, mais plutôt à concevoir de nouveaux systèmes qui seront meilleurs à bien des égards et aussi à faibles émissions de carbone. Cela nécessitera des changements majeurs dans le réseau d'électricité, notre façon de construire les bâtiments, les transports et l'agroalimentaire.
L'une des conséquences de cette façon de voir les choses est l'accent à mettre sur les secteurs et les régions. Pourquoi? C'est parce que les problèmes ne sont pas les mêmes dans l'agroalimentaire que dans les bâtiments ou les transports, et que ces changements ne peuvent pas venir d'un seul instrument de politique. Il y a différents obstacles et différents facteurs habilitants. Il en va de même pour l'identité régionale du Canada, et les différentes économies politiques régionales. Les voies d'accès seront donc régionales et sectorielles.
Nous devons également réfléchir à ce dont le système aura l'air lorsque nous arriverons à la carboneutralité et à la fonction de planification pour cela. Nous éviterons ainsi certaines voies sans issue.
Prenons l'exemple du mélange d'éthanol avec l'essence que le Canada fait fièrement depuis plus d'une décennie et qui ne nous rapproche pas de la carboneutralité, même s'il peut nous assurer certaines nouvelles réductions, parce que le monde se dirige vers un système de transport de véhicules personnels électrifiés. L'industrie a déjà fait ce choix, et, de toute façon, il n'y a pas suffisamment de terres pour produire des biocarburants partout.
Ce qu'il nous faut, c'est une analyse de ce que sont ces voies d'accès à la carboneutralité au niveau du système, plutôt que d'ensembles de politiques qui favorisent de nouvelles émissions lorsqu'elles semblent fantaisistes ou prometteuses, si vous voulez, car nous allons gaspiller d'énormes quantités d'investissements dans la construction d'infrastructures qui se révéleront inutiles une décennie plus tard parce qu'elles ne seront pas vraiment une voie d'accès à la carboneutralité.
Enfin, je dirai que c'est formidable que le Canada s'oriente vers une compréhension carboneutre du problème climatique, mais que ce qu'il nous faut vraiment maintenant, c'est une vision stratégique sur les voies à suivre pour y arriver.
Depuis longtemps, la tendance est de faire un petit peu de tout, de financer ceci et de financer cela. Il y a quelques grandes choses qui font une différence, et nous devrions y investir le plus possible: l'électrification des transports personnels, la décarbonisation des bâtiments et l'élimination du carbone qui reste dans le réseau électrique. C'est gros. Nous avons les technologies. Nous savons comment les appliquer, maintenant.
Beaucoup d'autres choses, comme les émissions de l'aviation, sont importantes et devront être faites, mais elles ne sont pas prioritaires pour l'instant. Dans ces cas-là, il nous faut de la recherche-développement et des expériences pour dégager des solutions que nous saurons déployer à grande échelle.
Merci.
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Merci beaucoup pour la question.
Oui. Lorsque nous avons vu ce projet de loi la première fois, nous nous sommes demandé ce qu'il en était de l'aspect économique, vu que l'environnement et l'économie vont de pair. Il faut les envisager comme un tout.
Nous avons proposé des amendements qui visaient vraiment à intégrer ces objectifs, à établir une cible économique allant de pair avec ce que nous essayons d'atteindre avec la carboneutralité. Plus précisément, selon nous, si l'objectif est de créer des emplois, etc., nous devrions mesurer s'il en est effectivement créé. Comment cela se présente-t-il à l'échelle régionale et nationale? Attirons-nous des investissements? Comment cela se présente-t-il à l'échelle régionale et nationale? Notre PIB réel augmente-t-il? Comment cela se présente-t-il à l'échelle régionale et nationale? Nous posons ces questions parce que, au bout du compte, les industries — et pas seulement la nôtre, mais aussi les industries manufacturières et les autres — auront besoin d'une économie en santé et d'investissements pour innover comme elles le devront.
S'il ne mesure ses résultats qu'en fonction des réductions des émissions et oublie cet autre membre de l'équation, le gouvernement va peut-être chercher des solutions inefficaces présentant des problèmes imprévus. Considérées ensemble, les solutions seront optimales, surtout si l'on tient compte de la perspective régionale. Nous pensons qu'il est essentiel d'inscrire les cibles et les rapports dans la loi.
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J'estime qu'il serait dommage que le groupe d'experts soit privé de l'expertise de gens qui savent faire les choses.
Quant à certains des commentaires que d'autres témoins ont pu formuler au sujet de la fabrication du ciment, de la sidérurgie, du pétrole, du gaz et de l'extraction minière, toutes ces industries ont une expertise très pointue et sont hautement technologiques. On ne saurait laisser à un comité de climatologues le soin de décider de la voie à suivre pour atteindre la carboneutralité; nous devons pouvoir compter sur tous ces autres experts.
Parlons donc des experts du secteur des affaires. Je conviens qu'il doit y avoir d'autres types d'experts pour parler des meilleures technologies, à l'heure actuelle, des perspectives qui s'ouvrent à l'échelle régionale en fonction des sources d'énergie disponibles, de la façon d'atteindre nos objectifs de réduction d'émissions, tout en préservant la capacité des entreprises de rester en santé et opérationnelles.
Pour nous, c'est indispensable. Il serait bon de laisser le Cabinet décider du mandat et de la composition du groupe et de préciser dans la loi le rôle que joueront ces secteurs, surtout lorsqu'il y aura des plans sectoriels à établir en vertu de la nouvelle loi.
Merci à tous les témoins.
[Français]
J’aimerais poser des questions à tout le monde, mais je n’aurai malheureusement pas le temps de le faire. J’espère que les témoins le comprendront.
[Traduction]
À maintes reprises aujourd'hui, M. Jeneroux a laissé entendre que personne n'aime ce projet de loi. Personnellement, j'estime que c'est précisément le processus que doit suivre un projet de loi, c'est-à-dire que le gouvernement présente une proposition et que les gens donnent ensuite leur avis pour l'améliorer.
Je ne perçois pas la même interprétation de l'autre côté de cette table virtuelle, mais je vais vous relancer la balle, parce que je veux m'assurer de comprendre où vous en êtes tous. Je ne pourrai pas vous poser la question à tous parce que cela prendrait trop de temps.
Alors, maître Fauteux, êtes-vous contre l'adoption de ce projet de loi?
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Je vous remercie de la question, monsieur Baker.
Nous ne nous opposons absolument pas à l’adoption de ce projet de loi, et nos réponses vont exactement dans le même sens que celles de Me Fauteux.
Comme nous le soulignions, c’est un projet de loi nécessaire. Il faut que nous nous dotions d’un cadre législatif pour répondre à l’urgence climatique, mais, tant qu’à légiférer, autant bien faire les choses. C’est évidemment notre rôle de faire des propositions.
Comme le disait Me Fauteux, il y a des amendements clés et très clairs, qui se fondent sur des pratiques qui ont fait leurs preuves. Ce processus est donc utile. Nous sommes à la traîne, mais nous pouvons nous baser sur ce que font d’autres gouvernements, qui ont pu tester ces mécanismes et ces propositions d’amendement. Il est tout à fait à la portée du gouvernement fédéral d'inclure ces amendements dans le projet de loi actuel.
Je suis d’accord avec vous, il est urgent d'agir, mais il est surtout urgent d’adopter un bon projet de loi pour rectifier le tir.
J'ai parlé brièvement de la Grande-Bretagne. Je peux maintenant vous dire deux mots sur l'Allemagne, qui a fait les manchettes récemment. Elle avait une loi climat depuis plusieurs années, qui incluait une cible précise, comme je le recommandais en ce concerne le projet de loi C-12. Cette loi climat a été invalidée par la Cour constitutionnelle allemande, parce qu'elle n'allait pas assez loin et qu'elle ne prévoyait que des réductions d'émissions de gaz à effet de serre jusqu'à l'horizon de 2030. L'année 2030, ce sera dans 9 ans. C'est après-demain à l'échelle géologique.
J'abonde tout à fait dans le sens de ce que Mme Paul a dit en ce qui concerne l'aspect des droits de la personne. C'est pour des raisons de droits de la personne que la loi allemande a été invalidée. Elle faisait porter aux générations futures une proportion disproportionnée du fardeau. Autrement dit, comme le disait le professeur Meadowcroft, il faut tout changer. Atteindre la carboneutralité au milieu du siècle exige une transformation radicale. Il y a donc un énorme effort à faire pour y arriver, et cet effort doit être équitablement réparti sur les différentes générations. Nous ne pouvons donc pas dire que nous allons n'en faire qu'un peu pour corriger la situation, et que ce sera à nos enfants, à nos petits-enfants et à leurs enfants de se débrouiller avec le problème.
La loi a donc été invalidée pour cette raison, et une nouvelle loi a été adoptée par le Cabinet allemand, tout récemment, qui sera approuvée par le Parlement le mois prochain. Il y a donc des avancées importantes en Allemagne.
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Je vous remercie de la question, madame Pauzé.
Il est effectivement essentiel de préciser dans la loi le mandat de l'organisme consultatif, les critères de sélection et les expertises requises. Il y a eu des propositions en ce sens, par exemple celle d'un amendement au paragraphe 21(2), qui s'inspire aussi d'autres lois sur le climat ayant cours dans le monde.
Il est important de ne pas assujettir le mandat de l'organisme consultatif au pouvoir discrétionnaire du ministre et, surtout, d'éviter le piège que représente une instance multipartite. C'est un peu ce qui m'inquiète de ce que j'entends et voici pourquoi.
Nous sommes évidemment d'accord que les changements climatiques nous concernent tous et toutes. C'est notamment pour cette raison que le Centre québécois du droit de l'environnement, ou CQDE, a aussi proposé des amendements visant à renforcer la participation du public, y compris celle de tous les acteurs. Il est important d'entendre la voix de tous, y compris des acteurs de l'industrie, parce que nous devons tous avancer ensemble si nous voulons y arriver. Il y a des manières de le faire. On pourrait, par exemple, utiliser diverses tribunes pour accroître la participation du public et des parties prenantes lorsqu'on mettra en œuvre cette loi.
Par contre, il faut éviter que l'organisme consultatif soit une instance composée de plusieurs parties prenantes et ainsi esquiver le piège sous-jacent. Il faut absolument que ce soit la science qui guide nos décisions. Nous devons faire face à cette urgence aujourd'hui, parce que nous n'avons pas suffisamment écouté les scientifiques. C'est l'une des clés du succès des lois que nous avons pu analyser et qui ont été adoptées il y a une dizaine d'années ainsi que plus récemment.
Il est donc primordial que la loi précise la nécessité que l'organisme consultatif soit indépendant et que ses membres soient majoritairement issus du milieu scientifique. L'expertise doit également être multidisciplinaire.
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Merci, monsieur Bachrach, pour cette excellente question. Oui, je pense que nous pouvons nous appuyer sur certaines des pratiques exemplaires que nous avons constatées dans d'autres pays.
Je dirais qu'il y a deux critères principaux — peut-être plus, mais il y en au moins deux — que nous pouvons examiner et que nous devrions inclure dans la loi. Le premier est le critère d'indépendance, mais comment le définir? J'y ai fait allusion dans nos remarques liminaires. Une façon de le faire est de s'assurer que la personne qui détient le mandat n'a pas d'intérêts risquant de nuire à sa capacité de s'acquitter de son mandat. Un examen permet de réduire assez rapidement le nombre de candidats possibles, pour dire franchement, mais il faut ensuite s'assurer que la personne est vraiment indépendante et que ses recommandations ne sont pas dirigées à un seul parti politique, mais qu'elle fait passer la science en premier.
Nous avons recommandé un amendement au deuxième critère, d'après ce que nous avons constaté dans d'autres pays. Nous énumérons certaines des disciplines qui devraient faire partie du comité. La première qui me vient à l'esprit est bien sûr la science des changements climatiques. Nous avons aussi constaté qu'il est très intéressant de pouvoir compter sur des gens en mesure d'évaluer les différents impacts des changements climatiques sur les populations et les régions vulnérables. Il y a aussi la politique publique, par exemple, ainsi que les sciences sociales, mais surtout, bien sûr, la climatologie.
J'espère que cela répond à votre question.
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Je vous remercie de cette question très importante. Elle exige une réponse franche et brutale.
Mme Joseph a parlé de l'importance de l'industrie canadienne du pétrole, du gaz et du charbon — moins le charbon maintenant, mais plus le pétrole et le gaz. Ceci explique cela. Le Canada est un État producteur de pétrole. Le Canada exporte des combustibles fossiles. Les combustibles fossiles génèrent une forte activité économique.
Cela étant, la politique climatique du Canada a eu comme principal objet de protéger l'industrie pétrolière et gazière du Canada. Elle n'a pas vraiment été conçue pour protéger le climat. La preuve en est qu'après toutes ces années de politique climatique, les émissions ne cessent d'augmenter, surtout dans le cas des émissions provenant du pétrole et du gaz.
Nous parlons de captage et de stockage du carbone. Nous avons un merveilleux projet de démonstration à Weyburn, en Saskatchewan. PTRC est un chef de file mondial dans ce domaine. Comme le professeur qui a parlé plus tôt l'a dit — je suis désolé, mais son nom m'échappe —, cette technologie n'est absolument pas fiable pour séquestrer efficacement le carbone à un coût acceptable, à une échelle acceptable, afin de répondre aux besoins de l'urgence climatique. Ce professeur avait tout à fait raison. Il nous faut un changement radical.
Voilà en bref pourquoi la politique climatique canadienne a échoué. Le véritable objectif poursuivi n'était pas de protéger le climat, mais de protéger l'industrie pétrolière et gazière.
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Merci, monsieur le président, et merci encore une fois aux témoins pour ce dialogue vraiment important. Je commencerai par une remarque, puis je poserai ma question.
M. Baker, du parti ministériel, a parlé de l'importance de ce processus pour améliorer la loi. On a beaucoup discuté de la forme que devrait prendre le groupe d'experts. À cet égard, je tiens à souligner que le gouvernement n'a pas attendu d'entendre nos importantes réflexions sur la forme que devrait prendre ce groupe d'experts, puisque ces gens ont déjà été nommés. Bien entendu, cela a réduit nos possibilités d'influencer le processus, malgré le bon dialogue que nous avons eu à ce sujet.
Il vient d'être question de notre secteur pétrolier et gazier. Je vais d'abord donner un exemple, puis je passerai peut-être à Mme Joseph. Le gouvernement a interdit six produits plastiques sans faire d'analyse d'impact. Si on lui demande quelles entreprises au Canada produisent du plastique, quelles seront les répercussions, si nous les importons, d'où viennent nos pailles en plastique, le gouvernement ne peut répondre parce qu'il n'a pas fait d'analyse. Je pense que beaucoup d'entre nous sont d'accord pour dire que c'est important, mais l'analyse d'impact est également importante.
Mme Joseph a parlé d'une analyse économique. J'ai entendu de nombreux témoins dire qu'à la faveur de cette transition, nous créerons beaucoup d'emplois, mais des emplois différents de ceux d'aujourd'hui. Je ne sais pas ce que vous craignez dans l'idée de faire une analyse économique relativement à ce projet de loi. Nous avons parlé d'autres types de points de repère.
J'aimerais que vous réagissiez à certains des propos tenus sur le pétrole et le gaz, de même que sur l'importance d'une analyse économique. Si cette transition crée plus d'emplois, nous devrions faire preuve de transparence.
Je vous cède la parole.
Je tiens à remercier tous nos témoins. Nous avons eu d'excellents échanges qui m'ont beaucoup appris, ce que j'apprécie.
Je vais commencer par Mme Khan, si vous me le permettez.
Tout à l'heure, Mme Paul a parlé en détail des questions législatives que nous examinons en ce qui concerne les amendements.
Ce qui, selon moi, manque dans cette discussion, c'est l'importance de consulter les Canadiens autochtones et de tenir compte du savoir autochtone dans la lutte contre les changements climatiques. Nous avons beaucoup parlé des détails de ces éléments, mais les Autochtones sont des intervenants déterminants dans cette conversation.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, madame Khan.
Je vais passer à Mme Paul, si vous me le permettez.
Nous avons entendu un certain nombre de préoccupations au sujet de la constitution du comité consultatif avant l'adoption du projet de loi , et cela me laisse un peu perplexe.
Je détecte une hésitation à agir chez certains, même en ce qui concerne la création d'un organisme consultatif, alors que nous avons déjà établi les cibles de 2030 et de 2050. Il me semble que le projet de loi codifie dans la loi ce que nous essayons déjà de faire pour nous assurer que le gouvernement apporte des changements et qu'aucun nouveau gouvernement ne puisse désormais ignorer la question. Vous avez tous dit très clairement qu'il s'agit d'une mesure législative cruciale dans la période actuelle.
Il me semblerait logique que nous établissions des exigences officielles au niveau de l'organisme consultatif, comme en matière de production des rapports prévus dans le projet de loi . N'est-il pas raisonnable d'inscrire un organisme dans la loi, même si des amendements s'imposent?
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Je vous remercie de la question, madame Pauzé.
En général, si l’on prend le projet de loi dans sa forme actuelle, tous les éléments sont là.
Ce qu'il est vraiment important de garantir, c'est une cible liée à la science. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous sommes du même avis que les autres organisations non gouvernementales et nous sommes en faveur d'une cible de 60 % d'ici 2030.
Ce qui est vraiment important et qui ne figure pas dans le projet de loi présentement, c'est que la cible soit basée sur la science. Cela est impératif, sinon, il n’y a aucune chance que nous prenions, dans la prochaine décennie, les mesures de l'ampleur nécessaire pour atteindre notre objectif de carboneutralité d’ici 25 ans.
On a dit tantôt qu'il semblait exister une dichotomie entre l’économie et l’environnement. Selon moi, cette dichotomie est fausse. Nous avons vu qu'une perspective climatique est maintenant intégrée dans le budget fédéral. Nous avons également vu dans le budget une analyse climatique et une analyse de la qualité de vie.
Je trouverais intéressant que l'on aborde le projet de loi de la même manière.
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Voilà une question intéressante. Le fédéralisme n'est pas un défi que pour le Canada. L'Allemagne est une fédération au sein de l'Union européenne, et pour les Allemands, c'est aussi un défi complexe. Comme il s'agit là d'une loi-cadre, nous ne cherchons pas à établir une politique prescriptive. Ce texte jette des bases, établit un processus, afin que le gouvernement puisse organiser la transition inévitable vers la décarbonisation.
Nous avons, au Canada, un modèle de fédéralisme coopératif. Nous avons des jugements de la Cour suprême qui énoncent soigneusement, par le biais de doctrines juridiques, que le caractère véritable d'une mesure législative détermine sa constitutionnalité. Il y a toujours des effets accessoires sur différentes administrations — c'est inévitable —, mais nous avons une longue histoire.
En 1887, le Conseil privé a statué que la taxe provinciale sur les banques était constitutionnelle parce qu'il ne s'agissait pas d'une tentative de réglementer les banques, mais qu'il était simplement question d'aller chercher des recettes fiscales. Je pense qu'il faut tenir compte du fait que chaque loi nationale est adoptée en fonction d'une certaine culture juridique. Au Canada, nous avons une solide culture juridique de fédéralisme coopératif qui peut assurer un esprit de coopération.
Pendant la COVID, nous avons assisté à une démarche de type Équipe Canada, et nous avons vu des transferts discrétionnaires fédéraux aux provinces. Nous savons donc que le gouvernement fédéral et les provinces peuvent collaborer très étroitement en situation de crise sanitaire publique, outre que celle-ci est la crise sanitaire publique de notre vie.