:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à tous mes collègues et aux témoins.
Nous en sommes à la 23e séance du Comité permanent de la sécurité publique, qui se réunit conformément à un ordre adopté le 8 octobre 2020 afin de mener une étude sur la Commission des libérations conditionnelles du Canada et les circonstances entourant la mort d'une jeune femme.
Je suis persuadé que mes collègues connaissent maintenant le protocole des réunions en format hybride, donc je ne vais pas le répéter.
Aujourd'hui, nous avons deux groupes de témoins. Au cours de la première heure, nous accueillerons Michel Lafrenière et George Myette, qui disposeront tous les deux de sept minutes pour faire leur déclaration préliminaire.
Je ne vois pas d'ordre particulier, donc nous allons commencer avec M. Lafrenière pendant sept minutes, je vous prie.
:
Je vais lire ma déclaration. J'espère respecter les sept minutes qui me sont allouées.
Je comparais devant vous aujourd'hui à titre de partisan de la libération conditionnelle et de son utilisation dans le cadre du processus de réinsertion sociale des personnes incarcérées. Je reconnais que la mort de Marylène Levesque est une tragédie terrible et souhaite exprimer mes plus sincères condoléances à sa famille et à la collectivité.
Je suis actif au sein du système de justice pénale à titre de professionnel et de bénévole depuis 1973. Dans le cadre des groupes d'entraide de la 7th Step Society, j'ai personnellement accompagné des détenus à maintes reprises dans leur préparation à la libération conditionnelle. Ces groupes sont conçus pour enseigner l'imputabilité et la conscience de soi pendant que les délinquants franchissent diverses étapes au sein du système.
Nos groupes d'entraide en établissement utilisent la confrontation et le soutien pour aider les détenus à concevoir un plan de libération réaliste. Une fois libérés, ils bénéficient de l'aide de nos groupes de soutien communautaires, composés d'anciens détenus qui ont réussi leur transition ainsi que de bénévoles. Les personnes en liberté conditionnelle peuvent régulièrement se tourner vers ces groupes pour discuter des difficultés et des réussites dans leur vie.
Je suis moi-même un ancien délinquant. J'ai été reconnu coupable de plusieurs infractions quand j'étais jeune. Après avoir réussi ma libération conditionnelle, j'ai poursuivi mes études, puis obtenu mon diplôme en justice pénale du Mount Royal College de Calgary en 1975. Ensuite, j'ai participé à la mise sur pied de centres résidentiels communautaires et à la supervision de personnes en liberté conditionnelle, sous les auspices de l'Alberta 7th Step Society et en collaboration avec les services correctionnels de l'Alberta et le service national des libérations conditionnelles de l'époque. J'ai été réhabilité en 1980 après le délai d'adhésion applicable et j'estime qu'il s'agit là d'un événement positif dans ma vie.
J'ai choisi de quitter mon emploi au sein du système de justice pénale en 1982 pour entamer une carrière dans le secteur pétrolier et gazier, mais suis demeuré membre bénévole du conseil d'administration ainsi que membre d'un groupe d'entraide. Je suis devenu directeur général bénévole de la 7th Step Society of Canada en 2002, rôle que j'occupe toujours aujourd'hui. En plus d'être membre du comité de direction des Associations nationales intéressées à la justice criminelle, j'ai eu le privilège d'avoir une carrière fructueuse dans le secteur pétrolier et gazier et de pouvoir consacrer au système de justice pénale mon temps et mes compétences sans avoir à exiger de contrepartie.
Au cours des cinq dernières années, j'ai été un bénévole dynamique au sein de l'établissement William Head, sur l'île de Vancouver. Son groupe d'entraide 7th Step était essentiellement composé de détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre. Tous les membres ont travaillé activement à l'élaboration de plans de libération conditionnelle à l'approche de leur date d'admissibilité. Ils ne l'ont pas tous obtenue à leur première tentative, voire à leur deuxième. Toutefois, en faisant preuve de persévérance, en collaborant avec les équipes de gestion de cas, puis en travaillant à leur développement personnel et leur imputabilité, ces détenus ont pu obtenir leur libération dans la collectivité et sont aujourd'hui des membres utiles à la société. Des huit détenus à l'origine, le dernier membre actif du groupe a obtenu sa semi-liberté en septembre dernier et se trouve désormais dans un centre résidentiel communautaire de Victoria. Dès que le relâchement des contraintes associées à la COVID nous le permettra, nous comptons créer un autre groupe, ce qui me confirme qu'un système de libération sous surveillance est un volet important et nécessaire du processus de réinsertion sociale.
Je suis tout à fait en faveur du mandat de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et j'ai quelques connaissances sur sa façon de sélectionner ses commissaires, puisque j'ai fourni des références à deux personnes qui ont posé leur candidature à un poste de commissaire à temps partiel. Je crois que le processus de sélection est très rigoureux et que la personne, si elle est retenue, reçoit une formation poussée. Je sais que les membres de la Commission ont la lourde responsabilité d'appliquer les décisions relatives aux permissions de sortir, à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale. Je n'interagis pas directement avec les membres actuels de la Commission, mais je reçois de la rétroaction des détenus qui comparaissent devant celle-ci, et je sais que les audiences sont intenses, sérieuses et poussées.
En tant que citoyen et membre de la collectivité, je suis réconforté par le fait que, en plus des professionnels et bénévoles qui œuvrent auprès des délinquants dans le système, il y a un organe de surveillance qui prend la décision finale quant à l'admissibilité d'un détenu à la libération dans la collectivité. Une fois la décision prise de libérer un détenu, la Commission ou le Service correctionnel du Canada a la responsabilité de surveiller cette personne dans la collectivité. Bien que la responsabilité finale revienne à la Commission, la surveillance directe est gérée à l'échelon communautaire.
J'ai lu le rapport de la commission d'enquête sur la libération d'Eustachio Gallese et sur sa surveillance dans la collectivité. Je crois que la mort tragique de Marylène Levesque était une anomalie, mais je ne peux pas juger de sa prévisibilité, puisque je ne suis pas un expert en psychiatrie et que je ne sais rien de la personnalité du délinquant. Si on a fait fi de signes précurseurs, c'est bien sûr très préoccupant et il faut se pencher là-dessus.
Tout ce que je peux dire, en me fondant sur mon expérience de surveillant de liberté conditionnelle, quoiqu'elle date de nombreuses années déjà, c'est que la communication et la reddition de comptes étaient très bonnes entre mon organisme et le service des libérations conditionnelles pour chaque personne sous notre surveillance, puisque c'était ce service qui était ultimement responsable du délinquant dans la collectivité.
Je ne crois pas que la surveillance par une tierce partie des personnes en liberté conditionnelle pose un risque indu pour la collectivité si les protocoles adéquats sont respectés et que la communication est claire entre tous ceux concernés.
Dans ce cas précis, si je me fie au rapport de la commission d'enquête, la façon dont la surveillance directe de M. Gallese s'est faite est quelque peu ambiguë. J'espère que, s'il y avait des lacunes, on y remédiera.
Ce n'est pas à moi de jeter le blâme dans ce dossier, puisque je n'ai qu'une compréhension marginale de celui-ci. Je peux seulement affirmer que même si, à bien des égards, prédire le comportement humain n'est pas une science exacte, il est improbable que cela se reproduise si on a recours à une évaluation, à une préparation et à une surveillance adéquates, de même qu'à un suivi s'appuyant sur des communications claires.
Je recommande…
:
Je témoigne aujourd'hui à titre personnel, non seulement comme avocat retraité, mais également comme ancien commissaire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. J'ai commencé ma pratique privée en 1979, à Drummondville. Tout en continuant ma pratique, j'ai occupé les fonctions de commissaire à temps partiel à compter de 1986. Cinq ans plus tard, en 1991, j'étais nommé commissaire à temps plein pour un mandat de cinq ans, qui s'est terminé en 1996.
Pendant la première partie de ma carrière, j'ai travaillé 10 ans à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, soit de 1986 à 1996. Mon mandat n'a malheureusement pas été renouvelé en 1996, malgré des évaluations faisant mention de rendement supérieur. Par la suite, j'ai poursuivi ma carrière au Service correctionnel du Canada, notamment au Collège national du personnel comme responsable de la formation juridique des agents correctionnels, des agents de libération, des surveillants correctionnels, des équipes d'urgence et des nouveaux employés. J'y suis resté 11 ans, soit jusqu'en 2008. De nouveau, j'ai postulé pour un poste de commissaire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Mon mandat a été renouvelé en 2013 pour cinq ans, et il a pris fin en 2018.
Je cumule donc 20 ans d'expérience à la Commission des libérations conditionnelles du Canada et 11 ans au Service correctionnel du Canada, en plus de mes années en pratique privée. À la fin de mon mandat en 2018, j'ai demandé un renouvellement de mandat à temps partiel. J'avais alors 66 ans et je considérais être en mesure, à titre de commissaire, de faire bénéficier les nouveaux commissaires de mes connaissances et d'agir comme mentor. J'ai fait une demande et passé un test écrit, mais je n'ai malheureusement jamais eu de réponse. J'ai bien compris à ce moment que mon mandat ne serait pas renouvelé. La Commission des libérations conditionnelles du Canada est une organisation formidable, qui donne des résultats très intéressants. Or, c'est à peu près la seule organisation qui est incapable de garder ses membres les plus expérimentés et qui se voit constamment imposer de nouveaux commissaires, comme si elle était dotée d'une porte tournante ou de postes avec siège éjectable.
Je vais maintenant vous parler de ce qui s'est passé un peu plus récemment. De 2015 à 2017, aucun mandat de commissaire n'a été renouvelé, ce qui a provoqué un manque de commissaires et une importante surcharge de travail, au point où la sécurité du public a parfois été mise en danger. Par la suite, en 2017-2018, il y a eu une arrivée massive de nouveaux commissaires. La Commission des libérations conditionnelles du Canada possède, bien entendu, un bon plan de formation pour les nouveaux commissaires: elle se déroule deux semaines à Ottawa et trois semaines dans les régions. Toutefois, cela demeure une formation de base, la suite s'acquérant au moyen d'une formation continue au fil des ans et par l'expérience acquise au quotidien. Je sais par expérience que cela prend entre 18 et 24 mois avant qu'un commissaire se sente à l'aise avec le système et devienne autonome. Pendant cette période, les nouveaux commissaires sont normalement encadrés, jumelés avec des commissaires cumulant 5, 10, 15, et même 20 ans d'expérience.
Au moment où est survenu l'événement tragique qui nous réunit ici aujourd'hui, il n'y avait pas suffisamment de commissaires expérimentés à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, l'obligeant à faire siéger des commissaires peu expérimentés dans des cas lourds, comme celui de M. Gallese. J'ai noté que, dans la première décision, les commissaires avaient 8 mois d'expérience et, dans la deuxième, 14 mois. C'est peu au regard de cas aussi complexes.
Lorsque je suis arrivé à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, en 1986, nous étions cinq commissaires pour traiter les cas semblables à celui de M. Gallese. Au fil des années, ce nombre est passé à quatre, puis à trois, et, maintenant, ils sont deux. Je pense que le travail peut se faire par deux commissaires, pourvu que...
:
En décidant de ne pas recourir à la révocation, les commissaires auraient pu prolonger la semi-liberté du détenu, mais pas pour six mois. Ils auraient pu la prolonger pour un ou deux mois, fixer une nouvelle audience ainsi que demander un nouveau plan de sortie et une nouvelle évaluation psychologique à jour. L'évaluation que possédaient les commissaires datait de 2017, alors que nos politiques disent que ces évaluations sont valables pour deux ans. Ils auraient pu demander une nouvelle évaluation en vue d'une nouvelle audience et, entre-temps, garder le délinquant en semi-liberté en lui retirant certains privilèges de sortie ou certains accès dans la communauté, de telle sorte qu'il ne puisse sortir que pour aller travailler.
De plus, dans la première décision, j'ai noté que les commissaires avaient imposé une condition spéciale de suivi psychologique à M. Gallese. Or, six mois après la décision, ce suivi n'avait pas encore commencé. Je pense donc qu'une nouvelle évaluation des risques était nécessaire, d'autant plus qu'on avait appris, en cours d'audience, que M. Gallese avait été autorisé à fréquenter des salons de massage.
Je pense aussi que les commissaires auraient dû imposer une condition spéciale interdisant spécifiquement à M. Gallese de se trouver dans des salons de massage. Je sais que ce point a été discuté au cours de l'audience, mais les commissaires ont préféré, sur recommandation de l'agent de libération conditionnelle, lui donner uniquement une interdiction verbale. Le désavantage d'une interdiction verbale, par rapport à l'imposition stricte d'une condition spéciale, c'est qu'en cas de manquement, l'agent de libération conditionnelle n'a d'autre choix que de suspendre le détenu et d'informer la Commission des libérations conditionnelles. Si c'est seulement une instruction verbale qui est donnée, cela donne beaucoup de latitude à l'agent de libération conditionnelle, qui peut prendre des mesures différentes et décider de ne pas suspendre le détenu. À ce moment-là, il n'a pas l'obligation d'informer la Commission.
Un autre avantage de l'imposition d'une condition spéciale, c'est qu'elle apparaît sur le certificat de libération que le détenu doit avoir sur lui en tout temps. De plus, en cas d'interpellation par les policiers, ceux-ci ont accès au système, ce qui leur permet de connaître les interdictions qui ont été imposées au détenu. Ils peuvent donc procéder à une suspension et aviser le Service correctionnel du Canada.
Par ailleurs, si l'on avait imposé une condition spéciale, le Service correctionnel en aurait été automatiquement informé, et il aurait été au fait de la situation de M. Gallese. Or tous ces éléments ne se sont pas retrouvés dans la décision écrite, ce qui a ainsi privé le Service d'être au courant de la situation réelle. Cela a aussi privé de cette information les futurs commissaires qui auraient été appelés à prendre des décisions, ainsi que les futurs agents de libération conditionnelle, puisque l'on sait que plusieurs agents se relayent sur un même dossier.
J'ai également noté une importante disparité entre la décision qui a été exprimée verbalement au détenu et la version écrite. Par conséquent, beaucoup d'éléments ont été perdus. À mon avis, des commissaires expérimentés n'auraient pas agi nécessairement de cette manière. Ils auraient plutôt imposé une condition spéciale interdisant à M. Gallese de fréquenter des salons de massage. Les commissaires auraient probablement pu demander une nouvelle évaluation psychologique, puisque celle au dossier n'était plus à jour.
Est-ce que cela répond à votre question?
:
Merci, monsieur Lightbound.
Je crois que la préparation en établissement et l'un des aspects les plus importants de la réinsertion sociale.
J'aimerais aussi préciser une chose, au cas où ce point ne serait pas relevé ailleurs. Selon moi, tout cas comme celui-ci, où il est question de violence conjugale, doit être examiné encore plus minutieusement que toute autre forme de meurtre.
Comme je l'ai précisé dans ma déclaration, j'ai travaillé avec des personnes qui ont commis un meurtre et qui ont reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité. La 7th Step Society a tendance à travailler avec des récidivistes, des personnes qui entrent et sortent du système et qui réagissent mal à d'autres traitements ou formes de réinsertion sociale. Le plus important, c'est d'essayer d'amener la personne à vraiment affronter la vérité sur elle-même et le monde qui l'entoure, puis à changer. C'est d'ailleurs notre première étape. Si nous sommes réalistes, la préparation durant la peine de la personne, avant qu'elle puisse envisager de quitter l'établissement, est probablement au cœur de tous les cas, car il est question de régime correctionnel, de réadaptation et de réinsertion sociale.
Bien franchement, je suis d'accord avec la majeure partie de l'évaluation de la situation faite par M. Lafrenière, mais pas nécessairement avec tout ce qu'il a dit.
Pour répondre à votre question sur la façon de préparer les personnes à établir des relations saines et positives avec ceux qui se rendent dans l'établissement, surtout des membres de la collectivité qui sont en mesure de s'y rendre... N'oubliez pas que, dans un établissement, surtout s'il s'agit de détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité, les personnes deviennent en fait dépendantes. Leurs points de référence sont dans l'établissement. Le type de programmes dont ils bénéficient a peu d'importance s'ils n'ont pas de contact avec le monde extérieur. Cela ne veut pas dire que les problèmes qu'ils avaient au départ se sont réglés simplement parce qu'ils ont passé 10, 15, voire 20 ans, dans certains cas, dans un établissement. La véritable préparation a lieu quand la personne passe graduellement d'un établissement à sécurité maximale, où la majorité des peines d'emprisonnement à perpétuité commencent, à un établissement à sécurité minimale. La dernière période, surtout dans un établissement à sécurité minimale, est celle de l'exposition à la collectivité et à des bénévoles qui viennent pour l'aider à entreprendre son développement. C'est une question fondamentale, surtout si la personne a déjà eu des problèmes liés aux relations interpersonnelles. Évidemment, si la personne a un problème de dépendance, elle doit y remédier, ce qui fait que le processus doit commencer bien avant qu'elle puisse obtenir sa libération.
Dans le cas de M. Gallese, je ne sais pas du tout si ses permissions de sortir étaient avec ou sans escorte ou s'il sortait d'un établissement à sécurité minimale. Je ne l'ai pas nécessairement vu dans le rapport de la commission d'enquête. Je ne suis pas certain de ces renseignements et ne peux pas vraiment me prononcer dans les circonstances.
Certes, une fois que quelqu'un, et surtout quelqu'un ayant ce type d'incident violent à son dossier, est libéré dans la collectivité, il a déjà passé... Je crois que, dans ce cas-ci, c'était 13 ans.
Par exemple, j'ai remarqué que, dans la journée suivant son arrivée à la maison de transition, on lui a accordé une liberté sans surveillance dans la collectivité. Selon moi, il y a des mesures de sauvegarde qui peuvent être incluses ici, sans compter une libération plus graduelle.
Puisque j'ai été en établissement, je peux vous dire d'expérience que j'ai cru que mes problèmes étaient réglés dès que j'ai franchi le pas de la porte. C'est une fausse conception très courante chez nombre de délinquants, car leurs problèmes ne sont pas réglés. La vie vous frappe de plein fouet et beaucoup des difficultés que vous aviez avant votre emprisonnement sont toujours là.
Pour tenter de répondre à votre question — et je ne suis pas certain que je vais vous donner la réponse tout à fait précise que vous souhaitez —, je crois que la préparation avant la libération est très importante. Il n'est pas seulement question des programmes du SCC offerts en établissement. J'estime que d'être exposé à la collectivité est vraiment un facteur clé.
:
Il est difficile de déterminer si ces facteurs ont eu des répercussions directes. Après tout, le responsable de ces événements, c'est le délinquant lui-même. Il n'en demeure pas moins que des commissaires expérimentés auraient pu rendre des décisions différentes.
Je n'affirme pas qu'il s'agit d'une mauvaise décision. Elle est conforme à la loi, aux règlements et aux politiques. Toutefois, des commissaires expérimentés peuvent rendre des décisions qui ne se limitent pas à répondre ou à ne pas répondre aux recommandations du service correctionnel. Ils peuvent rendre des décisions intermédiaires.
À la lumière de la lecture de la décision et de certains faits qui ont été portés à ma connaissance, je dirais que l'on aurait pu rendre une décision un peu différente dans ce cas. Je pense, entre autres, au fait que M. Gallese avait été autorisé à fréquenter des salons de massage. Cette information n'a pas été consignée dans la décision écrite.
Il y a aussi le fait que M. Gallese ne faisait toujours pas l'objet de suivi psychologique après six mois de semi-liberté. Pourtant, dans la décision initiale, on avait imposé cette condition spéciale, car on avait estimé que M. Gallese avait des problèmes liés à la gestion de ses émotions, qui n'étaient pas encore complètement réglés. Si j'avais pris part à l'audience en tant que commissaire, j'y aurais pensé à deux fois avant de renouveler pour six mois les conditions qui existaient lors du premier mois.
J'aurais plutôt renouvelé ces conditions pour un mois ou deux. De plus, j'aurais exigé que le suivi psychologique soit commencé. J'aurais exigé qu'un nouveau plan correctionnel soit établi compte tenu de la permission qui avait été accordée à M. Gallese de fréquenter des salons de massage. Finalement, j'aurais exigé qu'on élabore un nouveau plan de sortie, que j'aurais revu un mois ou deux plus tard pour réévaluer la situation relativement à ces manquements.
Encore une fois, je ne veux pas dire que la décision n'était pas bonne, mais elle aurait pu être différente.
:
Oui. Tout d'abord, l'adhésion se fait sur une base volontaire. En fait, les groupes choisissent eux-mêmes leurs membres. Contrairement aux AA, pour qu'une personne devienne membre d'un groupe 7th Step, il faut qu'elle soit acceptée par les membres du groupe et que son adhésion soit entérinée par un vote unanime, car le programme fonctionne essentiellement sur la confiance et l'engagement.
Voici ce qui se passe: si quelqu'un est intéressé, oui, il doit tout d'abord être motivé à changer. Deuxièmement, on ne peut pas l'obliger à se joindre au groupe. Troisièmement, le processus d'adhésion consiste pour cette personne à prouver au groupe qu'elle veut effectivement changer.
Pour répondre à votre deuxième question, cela n'est pas considéré comme faisant partie des programmes correctionnels, car l'adhésion se fait sur une base volontaire. Cependant, dans la pratique, nous constatons que le programme est largement accepté par les établissements où nous nous rendons en raison des résultats qu'obtiennent les participants; le programme les incite à s'engager à respecter leur plan correctionnel. Nous ne considérons pas le groupe comme une panacée; il s'agit simplement d'une occasion pour une personne d'entamer un véritable processus de changement. Dans de nombreux cas, nous organisons même ce que nous appelons des audiences fictives de la Commission des libérations conditionnelles. En effet, si les personnes qui se préparent à la libération conditionnelle n'arrivent pas à convaincre les membres du groupe de leur sincérité, membres qui sont eux-mêmes passés par le processus et qui comprennent toutes les bêtises — j'utilise ce mot à dessein — que les gens peuvent inventer pour expliquer pourquoi ils ont fait quelque chose, comment seront-elles en mesure de convaincre la Commission qu'en fait, elles comprennent ce qui les a poussées à faire ce qu'elles ont fait en premier lieu?
Oui, je pense que c'est un complément... Ce n'est pas un programme. Il s'agit plutôt d'adhérer à un groupe. Or, si vous deviez sonder les établissements où les groupes sont présents, je pense que vous trouveriez que la validité du travail de ces groupes est largement reconnue.
:
Tout d'abord, il faut savoir qu'en tant qu'organisme bénévole, nous obtenons un certain financement de soutien de la Sécurité publique pour le perfectionnement des bénévoles. Maintenant, pour répondre à votre question, sachez que nous sommes en train de créer une section à Montréal. La situation devrait donc changer sous peu.
Notre organisme n'a jamais fait l'objet d'un financement important, comme c'est le cas pour la John Howard Society, la Société Elizabeth Fry ou d'autres. Comme nous sommes essentiellement un organisme d'entraide, nous dépendons de bénévoles de la collectivité. Lorsque nous parvenons à trouver des bénévoles locaux dans une région donnée — en particulier, d'anciens délinquants qui se mobilisent —, nous créons une section pour cette région. En fait, grâce à une initiative supplémentaire que nous avons réussi à mettre en œuvre au cours des deux dernières années, nous avons étendu nos activités au sud de l'Ontario et à la Saskatchewan. Nous étions sur le point de démarrer à Winnipeg avant la COVID. D'ailleurs, grâce à la COVID, nous avons suscité un certain intérêt dans la région de Montréal et au Nouveau-Brunswick.
Oui, nous sommes limités à certains égards, mais là où nous sommes en mesure d'établir une base, nous fournissons des services. Il reste que, de façon générale, nous sommes un organisme de bénévoles.
Au sein de notre organisme en particulier, nous avons eu affaire à beaucoup de personnes ayant des antécédents de violence et ayant tué des gens... Dans de nombreux cas, cependant, les circonstances étaient différentes, car il ne s'agissait pas de violence entre partenaires intimes. Parmi les délinquants condamnés à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre qui ont participé à notre programme, il n'y en a pas un qui se trouvait dans la même situation. La plupart des gens que nous avons accueillis étaient impliqués dans des actes de violence liés à la drogue, aux gangs, à des bagarres dans des bars, etc.
Dans le cas de M. Gallese, je dirais que c'était plutôt un problème psychiatrique, je crois, et quelque chose qui n'avait peut-être pas été réglé. Encore une fois, je ne connais pas tous les détails, et j'ignore au juste comment le système correctionnel s'occupe de ce genre de problèmes. Je sais qu'on tâche d'y remédier au moyen d'évaluations psychologiques.
L'imputabilité est l'élément clé pour toute personne qui se trouve dans cette situation. Si ces gens devaient faire partie de notre groupe, c'est surtout là-dessus que nous nous concentrerions.
:
Merci, monsieur le président.
Très brièvement, pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas, je suis avocate de formation. J'ai travaillé au ministère du Solliciteur général du Canada, puis à Sécurité publique Canada de 1984 à 2013 — vous pouvez faire le calcul — sous quatre premiers ministres différents et trois gouvernements différents.
J'aimerais faire deux observations, et la première porte sur les rôles respectifs du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, car j'entends encore beaucoup de propos contradictoires et déroutants sur les responsabilités de chacun.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada est responsable de la prise de décisions, un point c'est tout. Une fois qu'elle a pris une décision au sujet d'un cas, celui-ci est transféré au Service correctionnel du Canada qui en assure la surveillance et la gestion, mais si quelque chose commence à dérailler ou si des changements s'imposent, il faut renvoyer le dossier à la Commission des libérations conditionnelles. La Commission n'a aucun rôle à jouer lorsque la personne se trouve dans la collectivité sous une telle surveillance. La Commission se fie aux renseignements que le Service correctionnel du Canada lui fournit. C'est fondamental pour bien comprendre l'affaire qui nous occupe.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les faits, car je constate, si je peux me permettre, une absence de certains faits.
Lorsque nous jetons un coup d'œil à la décision de mars, nous pouvons voir que le délinquant avait déjà deux ans de retard par rapport à son admissibilité à la libération conditionnelle. Ce n'était donc pas une décision précipitée. Il avait obtenu plus de 300 permissions de sortir avec escorte dans la collectivité — je le répète, 300. C'est sans compter les 11 permissions de sortir sans escorte. Il avait suivi des programmes de traitement: AA, NA. Il avait le soutien de sa famille, de la maison de transition, de l'agent de libération conditionnelle.
En ce qui a trait à cette décision, si vous pouvez indiquer où se trouvent les erreurs — les numéros de page et de paragraphe —, je vous en serais vraiment reconnaissante, car cette décision semble tout à fait solide. C'est l'une des meilleures décisions que j'ai lues, et sachez que j'en ai lu pas mal.
En ce qui concerne la décision de septembre, il restait neuf jours de semi-liberté — neuf jours. Une audience avait été convoquée pour l'examen d'une nouvelle demande de semi-liberté. Or, la Commission a été essentiellement, je dirais, prise de court par ce qu'elle a entendu. Elle ne savait pas que la personne fréquentait des travailleuses du sexe.
Elle a immédiatement suspendu l'audience. Les deux commissaires ont discuté entre eux, et ils ont parlé de révocation. L'option de révoquer la libération était donc à l'étude. Ils ont repris l'audience avec l'agent de libération conditionnelle et M. Gallese, et ils ont fait savoir très clairement qu'ils étaient tellement inquiets à ce sujet qu'ils envisageaient la révocation. L'agent de libération conditionnelle s'y est opposé, en affirmant qu'il pouvait gérer la situation. M. Gallese a évidemment dit qu'il se comporterait bien, qu'il suivrait les conditions fixées par la Commission. Tout compte fait, la Commission en est venue à la décision qu'il valait la peine de maintenir la semi-liberté.
Deux ans plus tard et environ 800 kilomètres plus loin, je suppose qu'on aurait peut-être pris une décision différente. Cependant, une fois de plus, la loi et les faits ont vraiment justifié la décision qui a été prise ce jour-là, et la Commission n'a pas manqué de tenir compte de la gravité de la situation.
Tout a déraillé après coup, lorsque la Commission n'avait plus rien à voir là-dedans. Le 24 septembre, M. Gallese a rencontré l'agent de libération conditionnelle pour parler de la décision. Malheureusement, le 9 octobre, un nouvel agent de libération conditionnelle a été affecté à son cas. Ainsi, à peine trois semaines après cette audience, M. Gallese avait un nouvel agent de libération conditionnelle. Ce dernier a admis ne pas avoir lu tout le dossier, ne pas avoir pris connaissance de tous les documents et ne pas avoir parlé à M. Gallese de l'infraction initiale.
Pour savoir ce que M. Gallese faisait au sein de la collectivité, il aurait fallu effectuer des vérifications auprès de tiers. Si M. Gallese avait dit qu'il travaillait quelque part, normalement, on aurait dû se rendre au lieu de travail pour s'assurer qu'il s'était entretenu avec quelqu'un. Il aurait fallu parler à cette personne. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé. L'agent de libération conditionnelle, je regrette de le dire — et je cite — « a tenu pour acquis » que M. Gallese se conformait à la décision de la Commission; il a tenu cette conformité pour acquise. Tragiquement, comme nous le savons maintenant, M. Gallese ne s'y conformait pas du tout. Résultat: l'agent de libération conditionnelle ne s'est pas rendu compte du dérapage et n'a donc pas communiqué avec la Commission des libérations conditionnelles.
Normalement, dans une telle situation, nous organisons une audience de libération conditionnelle pour dire qu'il faut soit modifier les conditions — en l'occurrence, il y avait six conditions spéciales —, soit demander à la Commission des libérations conditionnelles d'envisager la révocation, car c'est peine perdue. Rien de tel n'a été fait.
Nous nous demandons comment les choses auraient pu être différentes ou qui aurait pu faire quelque chose de différent ou de mieux, mais, à mon avis, le problème en l'occurrence, ce ne sont pas ces deux décisions; c'est plutôt la surveillance de M. Gallese.
Nous pouvons également parler un peu de statistiques, si vous le souhaitez, à un moment donné. Les statistiques n'ont aucune importance lorsqu'une famille est en deuil; oubliez-les. Elles ne sont d'aucune utilité pour une famille en deuil. En revanche, les statistiques sont très importantes pour vous, puisque vous êtes les législateurs. Si vous voulez un système différent, un système dans lequel la surveillance est plus en adéquation avec le processus décisionnel de la Commission des libérations conditionnelles, c'est tout à fait votre droit.
J'étais au nombre des créateurs de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il existe d'autres modèles et, à une certaine époque, la surveillance relevait de la Commission des libérations conditionnelles du Canada; par conséquent, il n'y a rien de particulièrement magique dans le système actuel. D'ailleurs, on pourrait avoir un système de mise en liberté sans aucune commission de ce genre. Toutes ces options sont sur la table.
Pour ce qui est des solutions possibles ou des mesures qui auraient pu changer la situation, il n'y a qu'une personne à blâmer, et c'est M. Gallese. Entendons-nous bien là-dessus. De toute évidence, il y avait des lacunes dans la surveillance au sein de la collectivité; si ces failles avaient été corrigées, cette tragédie aurait pu être évitée.
Comme je l'ai dit, si vous pouvez m'indiquer où il y a eu erreur dans les décisions de la Commission des libérations conditionnelles, je serai ravie d'en discuter.
:
Bonjour, chers membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invitée à vous faire part de mon point de vue. J'espère que je saurai vous communiquer une vision qui, souvent, est malheureusement oubliée, soit celle des proches des victimes ou celle des victimes elles-mêmes, lorsqu'elles survivent, bien entendu.
J'ai une formation universitaire en criminologie et en droit. J'ai travaillé dans plusieurs milieux communautaires qui s'occupent de la défense des droits. J'ai consacré ces huit dernières années à l'accompagnement des familles et des proches de personnes assassinées. Nous avons plus de 800 membres au Québec seulement. J'ai travaillé au sein de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, l'AFPAD, en tant que directrice générale. J'y ai rencontré des familles courageuses et résilientes, mais il faut malheureusement dénoncer plusieurs constats.
Ces personnes doivent traverser le choc, le deuil et la médiatisation du drame qui les afflige, et elles n'y sont guère préparées. Un long processus judiciaire, souvent inconnu, s'ensuit. Ce processus arrive souvent quelques mois, voire quelques années, après le drame, et il vient les appauvrir, car la grande majorité doit assumer les frais liés au processus judiciaire.
Viennent ensuite la condamnation et l'incarcération de la personne qui a arraché un être cher à la famille et aux proches. Le sentiment de justice doit être complètement redéfini. Il est difficile pour ces personnes de comprendre les assises judiciaires et les droits consentis aux délinquants. Pourtant, il y a quelques années, on s'est doté de la Charte canadienne des droits des victimes. Malheureusement, les droits consentis aux criminels, si violents soient-ils, sont plus importants que ceux accordés aux proches des victimes. C'est une question constitutionnelle difficilement compréhensible pour ces personnes brisées par le drame. Notre système judiciaire donne malheureusement la priorité aux droits des délinquants. Il faut donc bien comprendre la portée de certains droits énoncés dans la Charte canadienne des droits des victimes.
Comment le droit à l'information est-il appliqué? Les proches et les familles sont peu informés des dangers. Du moins, c'était le cas des proches de Marylène ou des proches de la victime précédente — il ne faut pas l'oublier. Il faudrait aussi penser davantage aux proches des victimes, les consulter et entendre ce qu'ils ont à dire sur les répercussions du crime.
Je parlerai maintenant du droit à la protection. Comment a-t-on protégé les proches de la précédente victime de M. Gallese? Qu'a-t-on fait pour protéger la vie de Marylène? À mon avis, le droit à la vie et le droit à la sécurité, des droits constitutionnels, ont été complètement bafoués.
Mme Marylène Levesque avait le droit d'être protégée. Elle avait droit à la vie et à la protection de sa personne. On a tous suivi la médiatisation de ce drame. Par contre, ce que je retiens des constats du Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, c'est que le 22 janvier 2020, Mme Marylène Levesque a été assassinée à Sainte-Foy, au Québec, par un délinquant en semi-liberté. Le délinquant Gallese a ensuite plaidé coupable à l'accusation de meurtre au premier degré, et il a été condamné. Le 3 février 2020, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et Service correctionnel Canada ont convoqué un comité d'enquête national.
Les conclusions étaient les suivantes. Premièrement, les décisions rendues par les décideurs quant à la libération conditionnelle le 26 mars 2019 et le 19 septembre 2019 répondaient, semble-t-il, à toutes les exigences liées à la formation et au niveau de connaissance nécessaire pour accomplir leurs tâches. Laissez-moi vous dire que je ne suis pas d'accord. Les ressources du milieu, telles que l'AFPAD ou les centres d'hébergement pour les femmes victimes de violence, ne sont jamais invitées aux séances de formation qui sont destinées aux commissaires ou au Service correctionnel Canada concernant les répercussions d'un crime. Les familles sont donc résignées et n'ont qu'un seul droit, soit de lire une déclaration qui prend toute leur énergie et les replonge dans le drame.
Deuxièmement, les commissaires ont, semble-t-il, appliqué les critères de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ils ont appliqué le cadre d'évaluation du risque, comme il est énoncé dans le manuel, et ils disposaient de tous les renseignements pertinents et accessibles pour prendre des décisions judicieuses. À mon avis, les commissaires n'avaient pas les connaissances ni la formation adéquate pour déceler les signes avant-coureurs d'une violence pourtant annoncée. La formation sur le cycle de la violence et l'expertise des organismes auraient très bien pu servir à cette décision ou à la formation des commissaires.
On se déresponsabilise très facilement en se laissant réconforter par les statistiques et en se disant que cela arrive rarement. Selon moi, c'est une vie volée, une de trop, qui aurait dû être protégée par un système qui devrait privilégier la sécurité de la société avant le droit d'un individu reconnu coupable d'homicide, le crime le plus grave au Canada.
Voilà ce que je retiens de ces constats. Voilà un bel exemple de déresponsabilisation de la part de la Commission. Selon ce rapport, rien n'aurait pu être prévenu. C'est insultant pour les proches des victimes et pour la société, qui se croit protégée chaque fois qu'un dangereux criminel est libéré malgré la dangerosité qu'il représente, malgré les crimes odieux qu'il a commis et malgré le faible potentiel de réinsertion.
Je suggère qu'il y ait une forme de mea culpa plus transparente et plus ouverte à la culture du changement centrée sur le respect et la protection des proches et des potentielles victimes. Nous ne pouvons être contre la vertu, évidemment, mais on ne peut formuler des recommandations basées simplement sur une plus grande surveillance ou des mesures coercitives. C'est un peu utopique de penser que l'on peut surveiller des milliers de détenus. On le réalise en voyant le nombre de féminicides au Québec seulement. Comment a-t-on protégé ces femmes? Non, il ne s'agissait pas de récidivistes dans tous les cas, mais, pour parler de protection et augmenter les effectifs ou le financement des maisons de transition, il faut avoir fait un bon travail en amont. Le problème se situe justement avant la libération, soit lors de l'analyse des risques. Cela prend une formation et des compétences professionnelles adéquates pour déceler les dangers potentiels. Je recommande donc certains changements urgents.
Premièrement, les décisions doivent être prises exclusivement en fonction de la protection des victimes ou des potentielles victimes lorsqu'il y a un doute ou une possibilité de préjudice ou de récidive.
Deuxièmement, il faut une plus grande formation des commissaires et des intervenants en matière de violence faite aux femmes, notamment en ce qui a trait aux cycles de la violence et aux effets sur les ressources du milieu. Il faut exiger, comme le fait le Barreau du Québec, dont je suis membre, et d'autres ordres professionnels, un nombre d'heures minimal de formation continue.
Troisièmement, on doit prendre exemple sur certains tribunaux administratifs...
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais d'abord prendre un moment pour saluer la famille et les amis de Mme Marylène Levesque, qui ont vécu beaucoup de souffrance depuis le 22 janvier 2020. Je sais à quel point le meurtre de Marylène a changé leur vie à jamais. Je partage leur peine.
Ce crime m'a amené à déposer la motion à l'origine de cette étude. Cette étude est née de l'urgence de faire la lumière sur les failles profondes et systémiques du système correctionnel et des libérations conditionnelles qui ont conduit à un meurtre évitable.
Un criminel violent coupable du meurtre atroce de sa conjointe est libéré. Une permission de sortie assortie du droit d'avoir des relations sexuelles avec des femmes vulnérables est accordée. Les commissaires sont mal formés et ferment les yeux. Les premières failles étaient créées dans un système censé protéger le public. Qui aurait pu imaginer une telle situation?
Il était et il demeure important et nécessaire de faire toute la lumière sur les circonstances de cet assassinat pour s'assurer que ce genre de meurtre insensé ne se reproduit plus.
Qu'avons-nous appris? La première constatation, c'est qu'aucun dirigeant au sommet de la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou du Service correctionnel du Canada ne s'estime responsable. Personne au sommet de ces organisations ne savait, avant le 22 janvier 2020, que la Commission avait donné le feu vert à des conditions de libération qui mettaient le public en danger.
Deuxièmement, nous avons constaté que le processus de nomination et la formation des membres de la Commission des libérations conditionnelles comportaient des lacunes graves. La Commission était aux prises avec un manque de commissaires expérimentés. Les commissaires se sont basés sur un rapport psychologique datant de plus de deux ans. Ils auraient pu immédiatement suspendre la libération et attendre des données à jour sur le profil de cet individu pour rendre leur décision. Une autre barrière de sécurité du public est tombée. La maison de transition aurait pu surveiller les allées et venues de ce criminel et l'évolution de son comportement. Cela n'a pas été fait. Un autre filet de sécurité est tombé.
Selon les témoignages que nous avons entendus, la Commission des libérations conditionnelles du Canada n'est pas responsable, la maison de transition n'est pas responsable et le gouvernement n'est pas responsable. Nous devons donc en conclure que d'autres meurtres de ce type risquent de se reproduire dans nos rues.
Personne à la Commission des libérations conditionnelles n'a pris le meurtre de Marylène au sérieux. Il n'y a même pas eu d'excuses. Imaginez si c'était votre enfant qui avait connu le sort de Marylène. C'est une honte. L'incompétence ne peut pas être tolérée. J'en conclus que ce comité devra produire un rapport qui exige un suivi sur les mesures à prendre. Ce rapport devra dire les vraies choses et recommander les actions nécessaires, quelles qu'elles soient.
Madame Roy, j'aimerais vous permettre de continuer et de nous parler de vos recommandations, car elles semblaient très bonnes.
:
Oui, j'ai quelques observations à faire, en particulier, sur les nominations à la Commission des libérations conditionnelles parce que, comme je l'ai dit, j'étais là sous les gouvernements Mulroney, Chrétien, Martin et Harper. J'ai donc vu beaucoup de nominations. Cela faisait partie de mon travail.
Tout d'abord, il faut comprendre le modèle en place. Les commissaires sont nommés pour un mandat fixe, habituellement de trois ou cinq ans. C'est tout. Personne ne doit s'attendre à ce que son mandat soit renouvelé. Tel est le modèle en vigueur. Il s'agit d'une nomination à court terme ou de durée déterminée. Certains voient leur mandat renouvelé et d'autres, non. Si vous voulez avoir une soi-disant commission professionnelle dont les membres sont nommés à titre permanent, il s'agit alors d'un modèle différent. Vous êtes des parlementaires. Si c'est le modèle que vous jugez préférable, alors vous rédigerez les lois nécessaires, mais celui que nous avons actuellement prévoit un mandat fixe.
La Commission doit prendre en compte d'autres facteurs, comme la diversité de ses membres. En effet, la loi exige que sa composition soit à l'image de la collectivité. Cela signifie différentes origines ethniques, différentes races, différentes identités sexuelles, différentes expériences de vie, et le tout se fait à l'échelle régionale. Les commissaires sont affectés à une région donnée. Il faut donc gérer toutes ces choses, et si d'aventure, pour une raison quelconque, on se retrouve avec une commission où tout le monde se ressemble et parle la même langue, il faudra alors rétablir l'équilibre. C'est pourquoi, parfois, lorsque le mandat d'un commissaire prend fin, même s'il a rendu de grands services, on lui dit: « Merci beaucoup; maintenant, nous devons combler d'autres lacunes afin d'avoir une commission qui ressemble à la collectivité. » Il s'agit d'un point important que les gens doivent comprendre.
:
Mon Dieu, cela remonte à l'automne 2015; j'avais alors dressé une liste des mesures qui s'imposaient. D'ailleurs, cette liste, je l'ai toujours.
À mon avis, certaines choses se sont améliorées. D'aucuns ont fait remarquer que le nombre de personnes en liberté conditionnelle avait augmenté et que c'était une mauvaise chose. Non. Je pense qu'il faut analyser ce chiffre. Oui, le nombre de personnes en liberté conditionnelle a augmenté, mais ce n'était que par rapport à la baisse spectaculaire avant 2015, lorsque le nombre de libérations conditionnelles avait chuté. Il n'y a pas vraiment eu d'augmentation inhabituelle depuis 2015; c'est simplement un retour à la normale.
Dans l'ensemble, le système fonctionne bien, mais je pense que le comité d'enquête a formulé des recommandations importantes. J'ai été choquée d'apprendre que les agents de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada n'avaient pas reçu de formation sur la violence conjugale, comme l'a dit George Myette. Selon moi, tant les agents de libération conditionnelle que les commissaires ont besoin d'une formation sur ce type de violence.
Je crois qu'il y a lieu d'améliorer grandement l'efficacité de la surveillance des personnes en liberté conditionnelle. Ce n'est pas tout le monde qui est un monstre psychopathe, et beaucoup trop de ressources sont consacrées à ceux qui n'en ont pas vraiment besoin.
On pourrait apporter des modifications en vue de simplifier le processus. Selon moi, certaines des mesures qui ont été prises ont vraiment nui au processus. Je peux vous transmettre ma liste à un moment donné.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'être avec nous. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Madame Campbell, vous êtes revenue sur les différents rôles des instances que nous examinons en ce moment, ainsi que sur les faits et sur les décisions qui ont été prises. Selon vous, la plupart des décisions qui ont été prises étaient très bonnes. Il y aurait probablement eu une lacune concernant l'agent des libérations assigné au dossier quelques semaines ou quelques mois avant le drame.
J'aimerais que vous nous parliez davantage des décisions qui ont été prises par cet agent, justement.
Selon votre lecture du cas, est-ce que c'est lui qui a donné la permission à M. Gallese de fréquenter des salons de massage, ce qui lui a permis de connaître Mme Levesque et, au bout du compte, ce qui a mené au meurtre?
J'aimerais aussi avoir vos commentaires au sujet de cette décision, peu importe la personne qui l'a prise. Selon vous, est-ce qu'il est habituel ou approprié de rendre une telle décision?
:
Non, le nouvel agent de libération conditionnelle n'était pas le premier à autoriser ces visites.
Ici encore, il faut revenir aux six conditions spéciales imposées au printemps de cette année-là par la Commission. Il existe une différence fondamentale entre les conditions imposées par la Commission des librations conditionnelles et les instructions données par l'agent de libération conditionnelle. Il y a des conditions d'une part et des instructions de l'autre. Pour utiliser un terme technique, j'ai vu des instructions aberrantes qui ne sont pas conformes aux conditions. Elles vont au-delà de ces conditions et sont contraires aux conditions et à la loi. Dans un document, je pense avoir qualifié les instructions de Far West du système correctionnel, car elles sont très peu surveillées. Seules les personnes en liberté conditionnelle savent en quoi elles consistent.
Ces instructions sont destinées à étoffer les conditions. Si une condition indique de ne pas aller dans les lieux où on sert de l'alcool, on peut l'interpréter d'une myriade de façons. L'instruction vise à préciser qu'il ne faut pas se rendre dans les bars et dans les endroits qui ne servent pas de nourriture. Dans le cas présent, le premier agent de libération conditionnelle a autorisé les visites aux travailleuses du sexe, et c'est vraiment là que les choses ont déraillé. Je ne veux pas clouer d'agent au pilori, mais il me semble évident que c'est à partir de là que les choses ont vraiment dégénéré.
Vous avez entendu d'excellents témoignages de deux travailleuses du sexe qui ont, selon moi, formulé des observations très utiles sur la manière dont les lois actuelles en matière de travail du sexe mettent réellement en danger un grand nombre de travailleuses. J'espère que vous et vos collègues du Comité de la justice vous pencherez sur les lois actuelles. Les observations que ces femmes ont faites étaient vraiment utiles.
:
Je vous remercie. Je pense que c'est source d'une certaine confusion.
Je veux revenir à l'article auquel Mme Michaud a fait référence, mais à un autre sujet. Vous avez indiqué qu'au chapitre de la libération conditionnelle, ce n'est pas tant le délinquant que vous et moi qui importons, ajoutant que lorsque la libération conditionnelle est adéquatement utilisée pour des détenus admissibles, elle contribue à faciliter leur réintégration dans la société, réduisant ainsi leurs risques de récidive. Fort bien.
L'article continue ainsi:
Selon Mme Campbell, lorsqu'on envisage d'accorder une libération conditionnelle à un détenu, le risque que ce dernier présente pour la population devrait constituer le principal facteur à prendre en compte. D'autres facteurs pèsent dans la balance, mais au bout du compte, si un candidat présente peu de risque pour la communauté, il devrait être libéré sous supervision.
Si je comprends bien ce que vous avez dit dans votre exposé et dans vos réponses aux questions, vous considérez que la décision de libérer M. Gallese sous conditions était correcte, que cet homme avait été adéquatement évalué et qu'il présentait donc un faible risque, définissant ce facteur, je suppose, en indiquant qu'un risque de 20 % est jugé faible.
Maintenez-vous ces propos?
:
Ce n'est pas ainsi que j'évalue la situation.
Dans le cadre des évaluations du risque, le délinquant à faible risque est évalué en fonction d'au moins un des outils d'évaluation du risque, selon le principe voulant que quatre délinquants sur cinq ne récidivent pas. Ce n'est toutefois pas le délinquant qui est au cœur de la question: l'outil indique que des personnes ayant son profil, quatre sur cinq sont peu susceptibles de récidiver.
C'est toujours la sécurité publique qui prime, et il existe peut-être différentes manières de l'assurer. Le fait de libérer les gens pendant qu'ils purgent leur peine présente l'avantage de leur offrir la possibilité de faire quelque chose pour redonner à la communauté pendant leur libération conditionnelle au lieu de rester assis dans leur cellule à passer d'un poste de télévision à l'autre. On peut leur imposer des conditions qui seront beaucoup plus utiles lorsqu'ils font du bénévolat ou suivent des cours ou une formation.
Je n'invente rien. Nous avons réalisé une importante étude sur la population carcérale, car la question me préoccupait. Certains délinquants à risque élevé reçoivent beaucoup d'attention. Je me demandais combien de délinquants à faible risque il y a et à quelle étape ils sont libérés sous conditions, me demandant si nous dépensions ou gaspillions beaucoup d'argent si nous les gardons en dedans. Cette étude a été très révélatrice. Elle n'a pas reçu beaucoup d'attention, mais elle a montré qu'environ la moitié de la population carcérale est en fait considérée comme à faible risque et qu'il existe d'autres solutions. Dans certains cas, il faut créer ces solutions. On ne peut pas se contenter de dire: « D'accord, vous êtes libre. »
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je réitère ma demande de renseignements supplémentaires. Peut-être que si vous trouvez la liste de 2015 ou si certaines informations se trouvent dans un article que vous et M. Doob avez écrit, cela pourrait nous être utile.
Je me préoccupe à propos de l'affaire suivante. Il s'agit du cas d'une personne ayant des antécédents de violence envers des partenaires intimes, un comportement manifestement jugé comme présentant un risque élevé de récidive qui devrait susciter l'inquiétude.
M. Zinger a également fait savoir au Comité qu'il y a, dans les établissements de Service correctionnel du Canada, beaucoup trop d'employés par rapport au nombre de détenus comparativement à l'extérieur.
D'abord, est-ce une situation à laquelle le gouvernement devrait s'attaquer dès que possible? S'agit-il d'une grande priorité ou est-ce que les agents correctionnels ont tant à faire dans les prisons qu'il faut qu'ils s'y trouvent également. Devons-nous accroître le budget?
En outre, puisque les agents correctionnels ne sont pas adéquatement formés au sujet du problème des détenus ayant des antécédents de violence envers des partenaires intimes, existe-il quelque chose d'équivalent dans le réseau carcéral lui-même?
:
Oui, je dirais qu'ils ont eu une incidence sur la sécurité publique.
L'une des répercussions les plus substantielles que ces changements ont eues est l'immense charge de travail qu'ils imposent à la Commission des libérations conditionnelles. Le fait qu'un membre de la Commission doive rendre une décision pour chaque réhabilitation a détourné ces ressources des prises de décisions normales qu'elles prenaient au sujet des libérations conditionnelles. La Commission a toujours manqué de ressources, et cette charge de travail exerce réellement une pression énorme...
Je pense qu'à un moment donné — et peut-être encore aujourd'hui —, la Commission utilisait quatre modes différents de réhabilitation; un pour les délinquants de longue date bénéficiant d'un droit acquis; un pour les nouveaux délinquants; un pour le mécanisme relatif à l'ancienne infraction sur l'homosexualité; et un pour le pardon des infractions liées aux stupéfiants. La Commission n'a donc pas le temps à accorder aux autres dossiers.
Cela signifie aussi que les personnes qui ont réellement fait ce qu'on leur demandait, soit reprendre leur vie en main et respecter la loi, attendent et attendent. Pendant ce temps, elles ne peuvent pas travailler, voyager ou faire autre chose. Voilà qui a une incidence sur la sécurité publique.
Brièvement, en ce qui concerne le registre des délinquants à risque élevé, le gouvernement l'a créé il y a quelques années. Je ne pense pas qu'il ait changé quoi que ce soit, mais nous en reparlerons un jour.
Pour ce qui est des victimes et de leur rôle lors des audiences de libération conditionnelle, oui; ici encore, c'est en partie de la jurisprudence. Le rôle de la victime consiste à expliquer le préjudice subi et toute préoccupation qu'elle peut avoir au sujet de la sécurité. Son intervention ne vise pas à influencer la décision proprement dite. Cela s'apparente aux déclarations que font les victimes lors de la déclaration de la peine. Vous êtes le Parlement, toutefois, et si vous voulez changer cela, vous avez certainement le pouvoir de le faire.
Je dirai enfin que si quelqu'un n'a pas lu les deux décisions de la Commission des libérations conditionnelles ou le rapport d'enquête de 104 ou 108 pages dans son intégralité, je me ferai un plaisir de les lui transmettre par courrier électronique. Ils sont largement accessibles.