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Je déclare ouverte la septième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous poursuivons notre étude sur le racisme systémique au sein des services policiers.
Je vous rappelle, chers collègues, que nous commençons la réunion avec 40 minutes de retard, puisque l'un des témoins a dû partir. Elle a convenu de revenir pour la deuxième partie de la réunion. M. Paul a gentiment accepté de se joindre au premier groupe de témoins.
Ainsi, au cours de la première partie de la réunion, nous allons entendre M. John Paul de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, de même que Christopher Sheppard et Jocelyn Formsma de l'Association nationale des centres d'amitié.
Chers collègues, je serai un peu arbitraire afin d'accélérer les choses: je vais raccourcir votre temps de parole d'une minute — tant pour les témoins que pour les questions — et nous pourrons peut-être rattraper un peu du temps que nous avons perdu. Les votes grugent beaucoup de temps aux comités ces jours-ci.
Sur ce, nous allons commencer avec M. Paul. Pour faciliter un peu les choses, je vous demanderais, monsieur Paul, de me regarder de temps à autre; je vous ferai signe lorsqu'il vous restera deux minutes, et une minute. Je sais que vous deviez disposer de sept minutes pour votre déclaration préliminaire, mais étant donné les contraintes de temps, je vous demanderais de vous en tenir à six minutes, si c'est possible.
Merci, monsieur Paul.
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Je vais aller aussi vite que je le peux pour tout couvrir.
Je tiens à vous remercier de me permettre de vous donner mon point de vue sur ce sujet très important aujourd'hui.
Je suis le directeur exécutif de notre organisation à but non lucratif qui représente 33 collectivités dans l'ensemble du Canada atlantique et dans la région de la Gaspésie, au Québec. Notre organisation se spécialise dans la recherche sur les politiques; nous analysons et mettons en place des solutions de rechange pertinentes sur le plan culturel aux politiques fédérales qui ont une incidence sur les collectivités et les populations micmaques, malécites, pescomodys et innues. Je travaille pour les collectivités autochtones depuis plus de 35 ans et j'ai eu divers rapports avec les services policiers au cours de ma carrière.
Le racisme et la présence continue de comportements, de gestes ou d'incidents racistes impliquant la police continuent d'inquiéter les leaders autochtones. La question doit être abordée directement par les gouvernements et par les intervenants clés. Elle démontre le besoin d'une stratégie officielle à long terme visant à s'attaquer à tous les gestes ou comportements racistes et à ce que des mesures appropriées soient prises pour permettre une transformation et la mise en œuvre des vrais changements dont nous avons besoin pour habiliter et soutenir les Autochtones.
Dans de nombreux cas, le racisme s'est installé dans un large éventail d'institutions fort traditionnelles, et il ne semble pas évident ou apparent pour les personnes qui en font partie. Que la structure policière soit locale, provinciale ou nationale, le simple fait d'évoquer la question du racisme entraîne une réponse négative ou hostile chez certaines personnes, qui se sentent attaquées personnellement.
Il ne faut pas oublier que le racisme est un comportement appris qui n'est peut-être pas évident ou apparent pour les gens. Il peut être invisible pour certains, en raison des préjugés personnels ou des attitudes et valeurs encrées en nous.
Bon nombre d'Autochtones du Canada et de l'Atlantique ont un grand respect pour les services policiers, qui s'est acquis sur plusieurs décennies. Les Autochtones à l'intérieur et à l'extérieur des structures policières établissent des relations à long terme avec les policiers en misant sur la confiance, de même que sur les engagements et les actions manifestes. Lorsque la confiance s'érode, la relation est, elle aussi, touchée. Il faut beaucoup de temps pour la rebâtir ou la rétablir, et il est parfois impossible de le faire.
Depuis la création du Canada, après la Confédération en 1867 et avant, les policiers ont joué un rôle important dans la relation avec les groupes et peuples autochtones, notamment en ce qui a trait à la mise en œuvre de politiques coloniales centrées sur l'assimilation et à la mise en place de mesures nocives. Cette fondation malsaine est à l'origine du racisme apparent ou réel, passé et présent, au sein des forces policières.
Aujourd'hui, en nous centrant sur le racisme au sein des services policiers, nous pourrons aborder certains enjeux et préoccupations critiques et élaborer des stratégies concrètes pour favoriser le changement, améliorer la situation et obtenir des résultats. Il est important de tenir compte de la perception d'un problème comme le racisme, qu'il soit réel ou non. Le changement ne sera pas facile et il doit être encouragé par toutes les parties, notamment par le gouvernement, les services policiers de tous les niveaux et les intervenants touchés.
Le racisme et les comportements racistes font ressortir le pire des gens. Ceux qui adoptent de tels comportements doivent être tenus responsables de leurs gestes. Récemment, des pêcheurs non autochtones de la Nouvelle-Écosse ont clairement démontré de tels comportements dans le cadre d'un conflit associé à la mise en œuvre des droits issus des traités et à la pêche pour subsistance convenable. L'intervention tardive de la GRC et le temps qu'il lui a fallu pour prendre les mesures de suivi nécessaires ont soulevé bien des préoccupations parmi nos leaders et nos collectivités. Une grande partie de la population générale a aussi exprimé ses inquiétudes face à la situation. Les mesures prises par la police étaient inadéquates. Elles ont été prises trop tard.
Il est important de tirer des leçons essentielles de ces incidents, qui doivent être évités à tout prix afin de rétablir la crédibilité des services policiers et la confiance des collectivités qu'ils servent à leur égard.
Mon expérience avec la police a commencé il y a très longtemps, avec la condamnation injustifiée de Donald Marshall Jr. dans ma communauté de Membertou, et la commission royale qui s'en est suivie. Les recommandations visaient les changements fondamentaux qui devaient s'opérer dans le système judiciaire et soulevaient d'importantes préoccupations au sujet des services policiers de Sydney. Depuis ces événements, moi et bon nombre des membres de diverses collectivités portons une attention particulière au travail des policiers et aux services offerts.
Au fil des années, les modèles de prestation et les approches des services policiers à l'égard des collectivités ont changé et évolué. Nous avons connu la police municipale, la GRC et le service de police autochtone, qui ont tous été associés à divers problèmes et préoccupations.
Par le passé, on a déterminé qu'il fallait cibler et aborder les préoccupations des Autochtones, et apporter les changements nécessaires. Dans bon nombre des cas, la relation s'est améliorée et s'est solidifiée au fil du temps.
Au fond, pour éliminer le racisme, il faut que la conception et la prestation des services policiers se fassent en partenariat avec les leaders autochtones et directement...
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Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Christopher Sheppard. Je suis le président de l'Association nationale des centres d'amitié. Je tiens à souligner que je me joins à vous à partir du territoire visé par le Traité no 6, territoire ancestral des Métis, où j'ai reçu un accueil incroyable depuis que je m'y suis installé. Notre directrice exécutive, Jocelyn Formsma, se joint à moi.
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui.
L'Association nationale des centres d'amitié représente plus de 100 centres d'amitié locaux, de même que des associations provinciales et territoriales dans chaque province et territoire du Canada, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard.
Les centres d'amitié sont des carrefours pour les collectivités autochtones et offrent divers programmes et services pour tous les groupes démographiques autochtones. Ensemble, nous formons le plus grand réseau de prestation de services pour la population autochtone urbaine au Canada.
En 2019, 93 centres d'amitié ont offert des services à environ 1,4 million de Premières Nations, d'Inuits, de Métis et de personnes non autochtones par l'entremise de plus de 1 200 programmes dans 238 établissements, et ont employé plus de 2 700 personnes. Nous sommes fiers d'être un réseau géré en grande partie par des femmes autochtones.
En ce qui a trait au sujet d'aujourd'hui, en 2016-2017, 72 centres d'amitié ont offert 93 programmes de justice, dont 28 sont considérés à titre de programmes de justice réparatrice.
Les centres d'amitié interagissent souvent avec les services policiers locaux et régionaux, et d'autres organismes d'application de la loi. Le Comité a déjà entendu des témoignages au sujet du racisme systémique au sein des services de police et des nombreux rapports qui cumulent les preuves et les expériences sur de longues périodes. Nous pourrions nous aussi vous donner de nombreux exemples d'après nos propres expériences et celles des collectivités que nous servons.
Par souci de concision, nous allons nous centrer sur les mesures à prendre.
L'Association nationale des centres d'amitié a procédé à un examen des rapports et des recommandations sur la justice autochtone. À la suite de cet examen, nous avons classé les recommandations récurrentes par thèmes. Nous avons examiné les stratégies, programmes et autres interventions officielles du gouvernement fédéral associés à ces rapports. Nous avons dégagé trois grandes recommandations.
Le premier thème vise la formation et l'éducation des non-Autochtones sur l'histoire autochtone, le patrimoine, la culture, l'identité, les droits, les lois et les réalités actuelles. Toutefois, dans le cadre de notre examen des réponses publiques du gouvernement fédéral, nous n'avons pas trouvé grand-chose au sujet d'une formation obligatoire ou continue sur les questions autochtones pour les organismes nationaux ou fédéraux d'application de la loi.
Le deuxième thème vise une augmentation du financement pour les collectivités autochtones et pour les programmes et organismes publics dont l'objectif est d'aider les Autochtones. Nous avons déjà présenté certains des programmes offerts par les centres d'amitié. Les fonds nécessaires au fonctionnement de ces programmes proviennent en grande partie des municipalités ou des provinces.
Le troisième thème vise une participation accrue des aînés au système judiciaire, à l'éducation et à la formation des Autochtones au sujet du système de justice canadien, et le recours accru aux rapports et tribunaux de type Gladue. Ces activités sont offertes de façon très aléatoire dans l'ensemble du pays.
La population autochtone urbaine est toujours coincée dans les affaires judiciaires entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. L'application de la loi ne fait pas exception.
Pour que les recommandations soient interprétées et mises en œuvre correctement, il faut que le financement offert aux Autochtones qui vivent en zone urbaine et à ceux qui vivent dans les régions rurales ou éloignées soit équitable. On ne peut se limiter à un paiement unique ou à une intervention à court terme pour régler un problème générationnel. Il faut plutôt une solution durable pour permettre aux programmes et aux organisations de continuer de servir la collectivité à long terme.
Il est important de souligner que ces rapports ont été commandés et publiés par le gouvernement fédéral du Canada, les gouvernements provinciaux, les organisations intergouvernementales et les organisations indépendantes. Les rapports s'échelonnent sur une période d'environ 50 ans. Cela signifie 50 années d'occasions ratées pour instaurer des changements fondamentaux et durables.
Ce laps de temps nous mène à deux recommandations générales: il faut travailler en collaboration pour mettre en place des mécanismes de reddition de comptes en vue de l'application des recommandations des rapports énumérés dans mon mémoire, et établir des structures qui permettent des conversations honnêtes sur les mesures qui sont prises et qui peuvent être prises.
L'Association nationale des centres d'amitié propose une étape supplémentaire essentielle en vue de garantir la reddition de comptes: appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de manière à ce que les droits des Autochtones soient respectés et à ce que la transportabilité des droits et des Autochtones en milieu urbain ne soit pas oubliée dans une approche fondée sur les distinctions, comme c'est le cas aujourd'hui.
L'Association nationale des centres d'amitié a offert — et continue d'offrir— son point de vue, son expertise et ses connaissances des communautés autochtones urbaines et des membres de la communauté pour orienter le gouvernement fédéral et adopter des mesures réparatrices efficaces maintenant et tout au long de notre périple.
Nous sommes heureux de pouvoir prendre part à cette conversation et de nous investir dans notre travail. Je m'attends à ce que vous nous posiez d'excellentes questions aujourd'hui.
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Ce qui est probablement le plus important, c'est d'inclure les Autochtones dans la conception et la prestation des services policiers. Si nous n'y participons pas, alors nous n'aurons pas non plus notre mot à dire en ce qui a trait aux résultats.
Il faut aussi une surveillance civile à titre de moyen essentiel pour évaluer ces activités et pour démontrer les résultats émanant des interventions policières, afin de promouvoir des améliorations ou des changements fondamentaux dans les collectivités autochtones.
On peut suivre les chiffres, mais il faut surtout tenir compte de la réduction du racisme et de la contribution au règlement sécuritaire d'enjeux très difficiles auxquels font face les membres de nos collectivités.
Que ce soit dans les réserves ou ailleurs, les membres de nos collectivités vivent dans la pauvreté et ont une santé précaire, et ce sont toujours eux qui ont des interactions avec la police, pour une quelconque raison. Dans la majorité des cas, ces interactions ne sont pas positives. Il faut trouver un moyen de changer la donne.
Il était évident, lorsque nous avions en place un service de police autochtone, que les policiers et la direction se souciaient réellement de la communauté. Ils appliquaient la loi, mais faisaient aussi tout en leur possible pour améliorer la communauté et le bien-être de la population.
Ce sont les éléments essentiels d'une stratégie pour l'avenir.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Avant de poser ma question, je veux m'assurer que M. Sheppard a bien accès à l'interprétation en français, puisque ma question s'adressera à lui.
Vous disiez que votre organisation fait souvent affaire avec les corps de police locaux ou régionaux, et que vous avez été témoin d'exemples de racisme systémique dans le passé.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
Selon vous, que devrait faire le gouvernement fédéral pour s'assurer que ce genre de situations ne se reproduisent plus dans les communautés?
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Je peux donner deux ou trois exemples, en fait, parce que, premièrement, je suis un Autochtone qui vit au Canada et qui a eu des interactions avec la police. J’ai aussi été directeur général d’un important centre d’amitié qui œuvrait dans une prison pour femmes et dans un centre correctionnel pour jeunes. Nous aidions les jeunes et les femmes qui évoluaient dans ces milieux. Nous avons aussi essayé de travailler avec la police locale de la ville par rapport à nos expériences et à celles des membres de notre communauté. De plus, depuis mon arrivée en Saskatchewan, nous luttons contre le racisme dans diverses régions.
Personnellement, il m’est arrivé que la police se préoccupe plus de savoir si j’étais en état d’ébriété après un accident de voiture que du fait que j’avais la jambe cassée. Dans le cadre de mon travail, j’ai vu un Autochtone être sorti d’un véhicule de police et laissé sur le banc de neige devant mon centre d’amitié en pleine tempête de neige, car je suppose qu’ils pensaient que c’était un bon endroit où laisser quelqu’un au milieu de l’hiver.
Nous avons vu tant d’exemples, individuellement ou non, qu’il devient extrêmement important pour nous de rappeler aux gens que nous en parlons depuis longtemps. Nous recommandons des choses depuis longtemps. Le nombre de fois où nous avons recommandé de mettre en œuvre les recommandations de la Commission royale d’il y a 30 ans... Je pense qu’il est important de reconnaître qu’au-delà de ces recommandations, et à l’origine de ces recommandations, il y a des gens qui ont subi du racisme systémique intense dans un système qui a été conçu et utilisé pour imposer la colonisation tout au long de notre histoire.
J’ai toujours essayé de garder espoir qu’un moment donné, on lirait les recommandations et on les mettrait en œuvre. Toutefois, cela devient de plus en plus difficile lorsque des choses comme la Commission de vérité et réconciliation, qui comprend des pans entiers sur la formation et l’éducation... J’ai parlé à des présidents d’université qui m’ont dit qu’en trois générations, il serait possible de transformer les mentalités dans tous les secteurs, mais qu’on ne le fait pas.
Je veux simplement rappeler aux gens que derrière mon expérience et derrière l’expérience d’autres personnes, il y a ces rapports. Nous y avons contribué, nous en avons parlé et nous nous sommes efforcés de les mettre en œuvre, mais cela ne s’est pas encore concrétisé. Nous demeurons optimistes et nous espérons être un partenaire, mais voilà ce que vivent nos gens chaque jour, partout au pays, dans des systèmes qui détiennent un si grand pouvoir.
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Je vous remercie de votre témoignage. C'est assez émouvant d'entendre cela. On sait ce qui se passe, en fait, et on n'en parle pas assez. Je vous remercie d'en discuter avec nous.
Vous le disiez si bien, le passé colonial est encore trop présent. Dans vos remarques d'ouverture, vous parliez d'un meilleur enseignement de la culture, du passé et de l'histoire. Je suis complètement d'accord avec vous sur le fait que nous devons mettre cela en oeuvre.
Selon vous, quelle forme doit-il prendre?
Devrait-on, au départ, l'inclure directement dans la formation des policiers, peu importe le corps de police?
Doit-on financer davantage la formation des agents?
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux que ces témoins soient ici aujourd'hui. J'ai aussi été très ému par la dernière présentation, mais permettez-moi aussi de dire que vous semblez tous les trois avoir espoir que cela peut être réglé, que des mesures concrètes peuvent être prises pour modifier, dans le cas des personnes que vous représentez, les interactions des Autochtones avec la police.
Dites-le-moi si ce n'est pas le cas, mais j'ai l'impression qu'on s'attend à ce que nous présentions des recommandations utiles.
Pour commencer, j'aimerais poser une question à M. Paul à ce sujet. Le 22 septembre, votre organisme a envoyé à la , avec copie à , le , et à , la , et à tous les députés de la région de l'Atlantique, une lettre dans laquelle vous traitez du conflit relatif à la question de la subsistance convenable.
Je vais lire des extraits de deux phrases.
La première se lit comme suit:
Une de nos communautés s'emploie à lancer une [...] pêche de subsistance convenable dans un climat de racisme et de menaces de violence contre les personnes, de dommages matériels et de destruction des pièges et des équipements.
La lettre se poursuit, puis on arrive à la phrase suivante:
La violence et le conflit ne sont pas une solution, et le racisme ou le statu quo des politiques n'est pas une voie réaliste vers une solution durable.
C'était près d'un mois avant que la situation que nous avons tous vue à la télévision ne dégénère avec la destruction des pièges, les menaces de violence, puis la violence. S'agissait-il d'un avertissement quelconque ou d'un simple énoncé des faits?
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C'est ce qu'il y a de plus important pour une loi sur les services de police des Premières Nations. Cela n'incombera pas vraiment à une majorité de la population autochtone.
Je suis de la Nation Nishnawbe Aski. Le service de police Nishnawbe Aski existe depuis plusieurs années, et je pense que c'est un modèle formidable. Cela n'a pas été sans difficulté, bien sûr, surtout au début, mais avoir un service de police qui nous appartient et que nous gérons nous-mêmes a certainement été un important facteur de changement dans nos communautés.
J'aimerais savoir comment transposer certains de ces éléments en milieu urbain aussi. Dans beaucoup de cas, nos membres reçoivent des services de police des corps policiers municipaux et provinciaux, et de la GRC. Nous aurons besoin de multiples solutions si nous voulons atteindre tous les Autochtones. C'est probablement l'une des questions pour lesquelles nous ne sommes pas les mieux placés pour parler, mais nous examinerons certainement les façons de nous assurer d'introduire certains de ces aspects en milieu urbain. Je pense que cela comprend les initiatives de justice réparatrice et de justice alternative, qui sont très axées sur la prévention.
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Je ferai de mon mieux pour être concise.
Étant donné le racisme systémique et institutionnel dans les services de police, je pense qu'il y a deux choses que nous devons vraiment rétablir, ou instituer en général: l'intégrité et la confiance des membres des communautés autochtones. Il incombe aux services de police de le faire.
On a beaucoup parlé de supprimer le financement de la police. Pour nous, à mon avis, cela signifie consacrer des ressources aux services de première ligne, comme la prévention, le logement, les relations humaines, les soins de santé, les services de santé mentale, les interventions par des gens outillés pour agir sans violence, et l'aide communautaire, notamment en matière de toxicomanie et de santé mentale. Je suis convaincue que beaucoup de policiers vous diront qu'une grande partie de leurs arrestations sont liées à des personnes qui ont enfreint leurs conditions de probation et qui ont des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Donc, pourquoi est-ce que nous arrêtons et incarcérons des gens qui ont besoin d'aide plutôt que ceux qui commettent réellement un crime? Les arrestations liées à...
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Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici. Je m'excuse encore une fois. J'ai l'impression que c'est ce que je fais principalement.
Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Paul plus particulièrement de la flexibilité dont il a fait preuve, ainsi que le président Sheppard et Jocelyn Formsma de leurs contributions. Comme vous pouvez le voir, le Comité est très engagé et s'intéresse beaucoup à ce que vous avez à dire. Si vous avez l'occasion de terminer vos remarques et de nous les faire parvenir par écrit, n'hésitez pas à le faire.
Chers collègues, nous étions 40 minutes en retard, et maintenant nous avons 30 minutes de retard. Je vais suspendre les travaux. Je pense que nous pourrons continuer jusqu'à 18 h 30.
Est-ce que ce serait approprié? Je regarde le greffier. Est-ce que ce serait possible?
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[
La témoin s’exprime en innu ainsi qu’il suit:]
Kuei! Kassinu etashiek, tshipushukatitunau, nin mak nussim Uasseuiat, kuei! Tshika itatunau innuat ute utassiuau Malécites, Abénakis, Wendat mak (Abe) Atikamek
[La témoin fournit un texte anglais dont voici la traduction:]
Je remercie les nations wendat, innue, atikamekw, malécite et abénaquise de m'accueillir sur ce territoire.
[Français]
Bonjour à tous et à toutes, je vais parler en français.
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Ce soir, je serai accompagnée de ma petite-fille Waseha, qui est de la nation atikamekw et innue, pendant les six belles minutes que j'aurai avec vous.
En quelques mots, je veux vous remercier de l'invitation et remercier les nations qui m'accueillent ici, sur le territoire qu'on appelle le Québec.
Mes paroles, mes émotions et mes pensées vont être guidées par une démarche qui a été remplie d'émotions et inspirée par des femmes, des familles, des gens tels nos gardiens du savoir et des gens ayant eu la qualité pour agir, quand j'étais commissaire dans une ancienne vie. Bien sûr, je serai aussi guidée par ma capacité d'avoir chaussé des mocassins et traversé ce grand pays, le Canada, et d'avoir reçu beaucoup de vérités et d'enseignements.
Peu importe les mocassins que j'ai chaussés ou l'expertise et le mandat qui m'ont été donnés à quelques moments de ma vie, il y a eu des témoignages percutants en matière de sécurité publique. Ici, on fera référence au rôle, au mandat ou à la compréhension d'un policier, d'une policière ou de son institution à l'égard des femmes, des femmes autochtones et des individus.
Je vais commencer par vous lire une citation, qui est longue, mais qui en vaut la peine, de Melanie Morrison, une femme de Kahnawake:
Je souhaite qu’un changement immédiat soit apporté à la façon dont la police gère les dossiers des Autochtones, tant dans les réserves qu’en dehors des réserves, afin que rien ne retarde les recherches des personnes disparues ou assassinées. Selon ma propre expérience, le clivage était flagrant. Dans la réserve, le cas de ma sœur n’était pas important, à l’extérieur de la réserve les gens ne se sentaient pas interpellés. Si la police locale et les services de police à l’extérieur de la réserve avaient communiqué entre eux, peut-être aurions-nous pu tourner la page.
Une autre femme d'une autre province nous a communiqué un message. Nous allons tous et toutes nous sentir interpellés par son témoignage. Elle a l'impression d'être en mode de survie depuis qu'elle est toute petite. Elle se sent sur ses gardes, elle se sent surveillée. Elle doit surveiller ses arrières. Voici ce qu'elle dit:
Parce que j'ai vu mes tantes et mes cousines être rudoyées par la police. Et, parce que le fait de grandir dans cette ville, cette province et ce pays en tant que femme issue d'une Première Nation, ça revient à se promener avec une cible dans le dos.
Nous sommes en 2020. Nous avons tous et toutes entendu le témoignage frappant, émouvant et inacceptable de l'une de nos sœurs atikamekw, Joyce Echaquan. Ce n'est pas la police qui est en cause, mais il reste que c'est une institution où elle pensait trouver le bien-être et des réponses, et où elle pourrait être prise en charge. On ressent alors que, peu importe les institutions, ce racisme systémique est malheureusement trop présent.
Je vais poursuivre brièvement, car le temps est précieux. Je pourrais vous dire que beaucoup de rapports et de commissions d'enquête vous ont donné des preuves. Ce sont des commissions que vous nous avez ordonné de faire en tant que démocratie canadienne, ainsi que dans les provinces et les territoires. Maintenant, c'est au tour des élus, des députés, hommes et femmes, et de nos institutions démocratiques d'honorer les appels à la justice et à l'action, et toutes les recommandations qui en découlent. Plus de 1 200 recommandations ont été faites au cours des 40 dernières années.
Du côté de la police, beaucoup d'exercices ont été faits. Ils ont démontré et prouvé qu'il y a des lacunes et des endroits où l'on doit apporter de grands changements. Le Québec, étant une province qui fait partie du Canada, dispose d'une force policière: la Sûreté du Québec. Il dispose aussi de corps policiers autochtones, comme en Ontario où l'on en retrouve en très grand nombre.
Partout, je vais entendre et lire que ces organisations sous-financées vont aussi apporter des problèmes concernant la violence faite aux femmes. Le manque de financement et de ressources est criant depuis longtemps et c'est problématique. Le problème de compétences entre le Canada, les provinces et les communautés autochtones ajoute aussi une complexité.
Comment agir en tant qu'intervenants de première ligne?
Alors, je crois qu'on mérite une attention...
:
Précisément. Nous sommes en train de nous mettre à jour avec la technologie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup, mesdames et messieurs les députés.
Je vais faire ma présentation dans les deux langues, parce que nous sommes au Québec, mais aussi au Canada, qui a deux langues officielles.
[Traduction]
Je suis le directeur exécutif d'un petit organisme à but non lucratif établi à Montréal. Nous traitons des relations interraciales, et ce, depuis le milieu des années 1980.
L'un des domaines sur lesquels nous nous concentrons est celui des relations entre la police et la collectivité, et plus particulièrement les relations interraciales. Je suis très honoré d'être invité à participer à la discussion sur le racisme systémique dans les services de police. J'aimerais possiblement en parler sous l'angle de l'application de la loi et de la sécurité publique en général, en mettant l'accent sur le niveau provincial, mais aussi sur le niveau fédéral.
Il est évident que ces jours-ci, la notion de racisme systémique suscite beaucoup de débats. Je crois qu'il y a une sorte de clivage pour établir si ce racisme existe et sous quelle forme. J'aimerais souligner d'emblée que cette notion fait partie de la jurisprudence canadienne ou des précédents. Plusieurs tribunaux de différentes instances ont reconnu le racisme systémique.
[Français]
Je voudrais juste souligner que, même au Québec, notre organisme a été derrière l'une des premières décisions sur le racisme systémique au Québec en 2013, qui concernait la discrimination raciale dans l'emploi à la Ville de Montréal.
En outre, au Québec, nous avons eu des décisions judiciaires concernant la discrimination systémique basée sur le genre et contre les femmes dans l'emploi. En 2010, il y a eu le cas de Gaz Métro. Il y a aussi le cas de la discrimination systémique basée sur le handicap, qui fait l'objet d'un recours collectif dans lequel participe notre organisme à titre d'organisme d'appui, un recours collectif qui a été autorisé par la Cour supérieure en 2017.
Donc, on doit se fonder sur les prémices voulant que la discrimination systémique existe, qu'elle soit basée sur le genre, le handicap ou la race.
Il est difficile de dire que cela n'existe pas.
[Traduction]
Je tiens à mentionner tout de suite que ceux qui nient le racisme systémique, qui fait maintenant partie de la jurisprudence canadienne, c'est comme nier l'existence des changements climatiques. C'est un fait et une question de droit, alors il faut aller de l'avant.
En ce qui concerne l'application de la loi, je pense que l'un des enjeux sur lesquels nous nous sommes penchés, plus particulièrement au cours des 15 dernières années, c'est le profilage racial. Différents tribunaux sont actuellement saisis de causes à ce sujet. Nous aidons les gens à déposer des plaintes auprès de la Commission des droits de la personne au niveau provincial et au commissaire à la déontologie policière au niveau provincial également. Certaines des expériences que nous avons vécues nous montrent, je pense, qu'il y a de nombreuses mesures que les législateurs doivent envisager, dans le but de promouvoir l'accès à la justice pour les gens ordinaires qui estiment avoir été victimes de discrimination et de profilage par des agents d'application de la loi.
De plus, pour ce qui est de l'accès à la justice, nous devons nous assurer qu'il existe une protection efficace dans le système des droits de la personne, le système d'examen des plaintes concernant la police, le système de déontologie policière, pour que ces systèmes fonctionnent vraiment pour les gens qui estiment que leurs droits ont été violés.
Le troisième aspect que nous devons examiner concerne le principe de Jordan. Les retards excessifs dans le système, que ce soit pour traiter des droits de la personne à n'importe quelle instance du système judiciaire, comprennent la notion de protection efficace. C'est d'ailleurs une notion qui est enchâssée dans de nombreux instruments internationaux en matière des droits de la personne.
J'aimerais soulever la question de la mise en oeuvre de changements systémiques au niveau fédéral pour que nous puissions trouver des façons de veiller à ce que les gens aient accès à la justice et à une protection efficace dans le cadre de l'application des lois fédérales et de la sécurité publique.
[Français]
Merci beaucoup.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
:
Merci au député de la question.
À la lumière de l'expérience et des connaissances que nous avons, nous sommes d'avis que la structure à l'heure actuelle doit être clarifiée en ce qui concerne son mandat pour traiter des questions raciales, du racisme ou de la discrimination. Il y a un manque de clarté en ce qui concerne l'inconduite policière et les normes policières, ainsi que les normes de pratique et toute la question de la discrimination et des droits de la personne. Je crois que le bureau du commissaire se penche sur ces questions à l'heure actuelle. Nous avons besoin de plus de précisions.
À la lumière de notre expérience et de notre connaissance du système, je crois que nous devons accroître la sensibilisation et renforcer l'engagement communautaire. D'après mon expérience avec l'Association canadienne des chefs de police dans les années 1990, les services de police et les chefs de police ont très bien réussi à joindre les collectivités parce qu'il faut du leadership. Il faut un leadership proactif pour entrer en contact avec les collectivités. N'attendez pas que les problèmes se présentent à votre porte. Le leadership de la personne en charge peut faire une grande différence.
L'expérience que nous avons avec de nombreuses personnes de différentes origines, c'est que les gens ne sont pas contre la police. Les gens veulent avoir des services de police efficaces, des services de police adaptés, accessibles et conviviaux. Ils sont prêts à s'engager, mais il y a souvent un grand fossé qui sépare les services et les dirigeants de la police et les collectivités — les gens ordinaires. C'est le conseil que j'aimerais donner aux chefs de police et à ceux qui cherchent à promouvoir des relations positives entre les services de police et les collectivités.
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Merci beaucoup, monsieur Niemi.
J'ajouterais qu'il y a sûrement une bonne volonté de la part d'individus au sein de la GRC, comme dans les 300 autres corps policiers. Il reste que les structures amènent peut-être ce que nous dénonçons depuis très longtemps, soit le fameux racisme systémique et la discrimination systémique. Cela est prouvé.
En matière de confiance envers la GRC, souvenons-nous que la GRC a été créée pour enlever les enfants autochtones des territoires lorsqu'on a imposé les pensionnats. Il existe peut-être encore de vieux fantômes. Tout cela est frais dans nos mémoires. Nous ne sommes pas à l'aise et il y a de la méfiance.
Comme vous l'avez bien dit, monsieur Niemi, il y a aussi l'attitude descendante, du haut vers le bas.
Je vais marcher aux côtés de M. Niemi, en disant que nous voulons de vrais policiers, des hommes et des femmes qui ont cette sensibilité-là pour nous protéger, sauver nos vies et assurer un mode de vie dans lequel nous nous sentons en sécurité dans nos communautés.
Selon moi, ce n'est pas une formation de quelques heures qui suffira. Il faut une réflexion profonde au sein même de cette institution, comme celle de la Sûreté du Québec ou des corps policiers. Nous devons refaire les formations en incluant la beauté des diversités culturelles du milieu.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Je suis très heureux de vous revoir, madame Audette. Ma question s'adresse à vous.
D'abord, je vous remercie pour le travail que vous avez fait en tant que commissaire dans le cadre de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ma question porte sur une des recommandations de la commission. Vous avez fait état dans votre témoignage du problème de zone de responsabilité. L'une des recommandations est d'avoir un organisme autochtone civil chargé, nonobstant des responsabilités, d'enquêter sur les inconduites de la police et les abus qui peuvent être survenus d'un bout à l'autre du pays.
Pouvez-vous donner des détails sur cette recommandation?
Comment cela pourrait-il améliorer le travail des policiers?
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Le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires le mentionnent depuis longtemps, notamment lors des rencontres fédérale-provinciales auxquelles j'ai participé depuis 2000 jusqu'à tout récemment. Tous et toutes s'entendent pour dire que l'histoire en général, avec un grand « H », est à refaire, avec toute sa diversité et sa complexité.
Les provinces et la province de Québec sont responsables en matière d'éducation, mais je crois que le gouvernement du Canada a aussi son rôle à jouer sur la question autochtone et la Loi sur les Indiens.
Comment se fait-il qu'encore en 2020 dans nos écoles primaires, secondaires et universitaires l'on nourrisse nos leaders d'aujourd'hui et de demain avec une histoire qui n'est pas adéquate?
Ce ne sont pas seulement les jeunes autochtones qui nous le demandent; tous les jeunes nous le demandent. Tous les jeunes de différentes cultures, horizons et origines disent qu'ils veulent comprendre. Pour moi, c'est l'outil le plus fort pour éliminer tranquillement les préjugés, la méconnaissance, l'ignorance, le racisme, la discrimination parce que l'on comprendrait. On redonnerait aussi la fierté à nos nations, parce qu'on a effacé un pan d'histoire trop important, qui est notre identité culturelle.
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On n'a qu'à regarder les plaintes déposées, que ce soit auprès des commissions des droits de la personne ou d'instances comme des commissions qui reçoivent des plaintes concernant l'inconduite policière.
Je dois faire une mise en garde. La plupart des commissions des droits de la personne, au moins la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au Québec, n'ont pas de politiques en matière de racisme systémique. Donc quand les plaintes de racisme systémique sont déposées, on ne sait pas comment cela va être traité. Je crois qu'il faut absolument qu'on arrive à établir un cadre de politiques ou de lignes directrices pour mieux traiter les plaintes et à partir de là, déterminer comment c'est documenté.
On a fait un survol des données de la Commission canadienne des droits de la personne. Par exemple, par rapport aux plaintes de racisme systémique, c'est un peu difficile de voir, notamment en ce qui a trait aux services, parce qu'il y a aussi la discrimination systémique au chapitre de l'emploi ou dans les services. Je crois que la Loi canadienne sur les droits de la personne, entre autres, doit éventuellement être modifiée parce que l'article 5 de la Loi actuelle ne permet pas une approche systémique claire quand il est question des services. Or, l'article 10 de la Loi permet une approche systémique dans la classification des discriminations en matière d'emploi.
Finalement, sur le plan quantitatif, je crois qu'il faut trouver une meilleure façon...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir accepté l'invitation, particulièrement Mme Audette. Je suis certaine que son expérience pourra servir aux travaux de notre comité.
Madame Audette, j'aimerais vous questionner sur une notion dont nous avons moins entendu parler dans le cadre de cette étude, soit celle de l'intersectionnalité. Quand je pense aux femmes autochtones en milieu urbain qui se retrouvent dans des situations d'itinérance, de pauvreté et de dépendance ou avec des problèmes de santé mentale, je trouve que ce concept d'intersectionnalité n'est pas suffisamment pris en considération dans l'approche des policiers qui interagissent avec elles.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à partir des témoignages que vous avez entendus.
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Oui, certainement. Je pourrais aussi tenter d'expliquer ce que les policiers que j'ai rencontrés m'ont rapporté dernièrement. C'est que, parfois, on espère que ces gens seront des superpoliciers qui agissent à titre d'intervenants sociaux, d'intervenants de première ligne, d'intervenants psychosociaux, de spécialistes en toxicomanie, et ainsi de suite.
En milieu autochtone, ils doivent avoir beaucoup de connaissances, parce que les individus, souvent des femmes, ont un assortiment complexe de problèmes sociaux et de santé mentale majeurs. Alors, si on essaie de dire aux policiers qui ont choisi cette carrière qu'ils devront également tenir compte des aspects spirituel et psychosocial et des problèmes de santé mentale, ce qui n'est pas un réflexe naturel pour eux, sans dire qu'ils n'ont pas d'émotions, cela pourrait s'avérer plus difficile.
L'approche intersectionnelle est une valeur que nous appelons depuis longtemps l'approche globale, et, selon celle-ci, ce n'est pas tout le monde qui peut avoir cette expertise. Alors, personnellement, cela ne m'effraie pas qu'on propose que les policiers soient accompagnés d'expertes ou d'experts en la matière, afin de faire de bonnes interventions et d'établir un lien de confiance, parce que c'est urgent. Ainsi, lorsqu'un policier intervient auprès d'une femme autochtone, que ce soit judiciarisé ou non, en fin de compte, il saura qu'il a fait de son mieux pour lui donner sa chance.
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Il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur sur un plan très personnel — je dirai « mocassins libres », dans ce cas-ci. Le Cégep de Baie-Comeau a proposé une technique policière en milieu autochtone et en région, ce qui sera une première. Sans dire que cela me dérange, je suis déçue que ce ne soit qu'un projet provisoire. Ce genre de programme devrait être accessible partout au Canada afin d'aider la relève.
J'ai été abordée par d'anciens policiers québécois qui travaillent maintenant dans des restaurants ou des boutiques. Ils m'ont dit qu'ils m'avaient vue à la télévision et ils m'ont remerciée pour ce que je faisais. Certains d'entre eux avaient travaillé pour la Sûreté du Québec, d'autres pour la Gendarmerie royale du Canada. Ils m'ont dit que le fait d'avoir travaillé dans des communautés pour lesquelles ils n'étaient pas préparés les avait démolis. Je vous parle d'hommes québécois ou canadiens qui n'ont pas été préparés à cette réalité frappante et traumatisante, mais aussi enrichissante. Il y a du beau et du bon.
Alors, si on crée des programmes officiels, comme l'initiative du Cégep de Baie-Comeau, dont le programme scolaire comprend des stages en milieu autochtone et une expertise autochtone, on pourra abolir les préjugés. Les étudiants vont se dire que, finalement, les Anishinabes, les Pieds-Noirs et les Haïdas, par exemple, sont des peuples passionnants.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins de leurs déclarations.
Madame Audette, j'aimerais vous interroger sur les recommandations du Rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Plus particulièrement, je veux mettre l'accent sur une recommandation qui pourrait nous être utile.
À la section 9.4, on peut lire ceci: « Nous demandons à tous les services de police non autochtones d'avoir la capacité et les ressources requises [...] pour protéger les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. » Il poursuit avec la déclaration suivante: « Nous leur demandons également d'établir des unités autochtones spécialisées au sein de leurs services, dans les villes et les régions où se trouvent des populations autochtones. » Je me concentre là-dessus, car je pense que nous cherchons des moyens de maintenir l'ordre non seulement dans les collectivités autochtones, mais aussi dans les régions urbaines.
Est-ce une méthode potentielle de commencer, à toutes fins pratiques, à intégrer les Autochtones dans les services de police pour mieux servir l'importante population autochtone — plus de la moitié des gens — qui se trouve dans les régions urbaines? Cela fonctionnerait-il?
Deuxièmement, parce que je n'aurai peut-être pas l'occasion de poser une deuxième question, en tant que personne qui a une certaine expérience au gouvernement provincial du Québec, pensez-vous que cela pourait être financé par le gouvernement du Canada pour soutenir son mandat relatif aux Autochtones dans les services de police non fédéraux?
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me les poser.
Lorsqu'on traverse le Canada comme commissaire, il est certain qu'on est très conscient du fait que les 300 corps policiers du Canada n'ont pas tous la chance ou l'occasion d'embaucher du personnel autochtone. D'un autre côté, il peut être difficile d'attirer une main-d'œuvre autochtone dans le domaine de la sécurité publique, ce dont nous sommes conscients.
Dans une transition, l'important est de promouvoir cette expertise et cette richesse dans les milieux de travail et de s'assurer que les institutions sont prêtes s'y ouvrir. Il peut s'agir d'une ou de plusieurs personnes, que ce soit des aînés ou des intervenants de première ligne ou de deuxième ligne, ou même de futurs policiers ou policières.
Il y a eu des succès dans certaines régions. Des gens ont embauché des Autochtones pour patrouiller, ce qui donne confiance et peut rendre l'intervention bénéfique.
Le gouvernement fédéral pourrait établir des projets pilotes avec les provinces, les municipalités et les communautés qui auraient envie de faire ces essais. Je vous invite à le proposer.
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Merci beaucoup. Je vais tirer pleinement parti de ces huit secondes supplémentaires.
Merci aux témoins, merci à la petite-fille de Mme Audette, et merci d'avoir ajouté un peu de plaisir à cette conservation très sérieuse.
Je vais seulement faire une remarque avant de poser quelques questions.
Madame Audette, votre déclaration selon laquelle la formation ne doit pas se limiter à quelques heures ou à un manuel — et je paraphrase ici — m'a vraiment interpellé. Je suis d'accord. Il doit y avoir un changement d'attitude et de culture pour nous assurer que ces problèmes sont pris au sérieux.
Je serais curieux d'entendre vos observations sur les obstacles que vous voyez pour les femmes autochtones qui veulent s'engager et qui veulent occuper des postes dans les services de police ou assumer d'autres rôles qui permettraient de réduire la violence dans les collectivités et les obstacles à la justice.
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En quelques secondes, je dirais que les barrières sont multiples. Il existe de la méfiance, c'est sûr, et la relation est rompue, parce que les gens ne sont pas crus ou ils ont l'impression d'être déjà jugés quand ils font appel à la police.
Il y a donc toute une sensibilisation extrêmement importante à faire. Il faut utiliser des endroits où l'on va voir des familles qui ont témoigné et d’anciens policiers de la GRC qui, eux, faisaient un travail normal. Ils expliquaient le mandat, la procédure, le protocole et la marge de manœuvre et, aussitôt que la communication était établie entre la famille et le corps policier ou l'agent, on pouvait voir une confiance palpable.
Cela nous dit que les gens, humains, sont capables de le faire. Ce sont des exemples comme ceux-là qu'il est important de maintenir et de développer. Il faut accepter aussi que l'on puisse être fâchés contre les policiers, et à raison.
Cependant, après avoir fait ce travail, il existe des organisations et des groupes, dont M. Niemi pourra vous donner des exemples, grâce à la collaboration desquels on arrive à surmonter ces barrières des préjugés ou des craintes, pour arriver à se dire qu'on en fait, des belles choses: on sauve des vies, on fait notre travail et on s'améliore.
Il ne faut pas abandonner, car c'est un travail de longue haleine, mais qu'il est important de commencer.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de leur présence ici et de leurs témoignages très importants.
Monsieur Niemi, je peux peut-être commencer avec vous. Je veux parler un peu de la collecte de données fondées sur la race. Vous avez dit récemment que la collecte de données fondées sur la race est essentielle à toute campagne ou lutte contre le profilage racial dans les services de police. Nous savons que ce peut être extrêmement utile pour améliorer la reddition de comptes publique et éclairer les politiques publiques.
Comme vous le savez peut-être, le gouvernement a annoncé au cours de l'été que Statistique Canada commencerait à recueillir des données sur la race pour les victimes d'actes criminels et les individus accusés de crimes. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu les raisons pour lesquelles c'est si important et nous dire tout ce que nous devons prendre en considération pour la collecte de ces données et comment elles seront utilisées, car il y a certainement des préoccupations concernant la vie privée et le fait de veiller à ce que les données ne ternissent pas une communauté ou ne renforcent pas des stéréotypes racistes.
Si vous pouviez nous éclairer sur la manière de concilier tout cela, ce serait extrêmement utile au Comité.
Compte tenu du temps dont je dispose, je serai très bref.
Les données portent sur la science. Les données portent sur la quantité et la qualité. Si nous appuyons la science, nous avons besoin de données pour mesurer.
C'est la même chose pour les taux d'infection et de mortalité liés à la COVID-19. Nous avons besoin de données fondées sur la race. Nous avons besoin de données fondées sur la race dans tous les domaines. Même la commission Viens au Québec l'année dernière a recommandé la collecte de données fondées sur la race pour les peuples autochtones.
La Commission des services policiers de Toronto, si je ne m'abuse, a élaboré un modèle exhaustif et robuste sur la manière de participer à la collecte, à l'analyse et à la communication des données fondées sur la race, et d'appliquer et de traduire cela dans la mesure du rendement, la qualité et la reddition de comptes. Il suffit de regarder le modèle de la Commission des services policiers de Toronto. Je crois que de nombreuses mesures ont été prises. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue.
Nous devons revenir à l'idée que sans données, nous ne pouvons pas élaborer de politiques publiques solides fondées sur des données. Les données fondées sur la race sont importantes pour travailler avec les peuples autochtones. Comme tant de comités l'ont recommandé, nous avons besoin de données fondées sur la race pour traiter avec les personnes racialisées, ainsi que tout autre facteur démographique que nous jugerions pertinent pour mieux comprendre l'incidence des politiques publiques, et aussi pour nos assurer que nos ressources publiques et nos budgets sont bien dépensés.
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Je ne pense pas que nous devrions discuter d'éliminer le financement de la police dans le but de ce que vous venez de mentionner. Je pense que l'expression peut être très chargée. Nous devons élaborer une approche en matière de politiques publiques très avisée, stratégique et économique pour établir les affectations budgétaires, que ce soit pour les services de police ou tout autre programme social ou économique. Nous devons nous pencher là-dessus.
Je pense que l'expression « élimination du financement » est souvent perçue comme une attaque contre la profession de policier, l'institution policière et les policiers eux-mêmes. La grande majorité d'entre eux, je crois, sont dévoués au maintien de l'ordre, au service et à la protection du public.
Nous devons trouver une approche différente, et même une terminologie différente. Je pense que nous devons également nous assurer, en tant que législateurs et gouvernement, que nos budgets sont dépensés judicieusement, de manière à répondre aux besoins des collectivités.
S'il y a un manque de financement pour la santé mentale ou l'itinérance, pouvons-nous obtenir l'argent ailleurs, par exemple? Il y a de nombreux autres enjeux. Je pense que le fait de se concentrer uniquement sur la police peut créer beaucoup de confusion et de dissension, et cela ne nous permet pas d'examiner le vrai problème objectivement.
Madame Audette, c'est très impressionnant que vous puissiez fournir une réponse et vous occuper de votre enfant aussi.
Chers collègues, avant de demander à M. Harris une dernière minute, vous avez tous été très disciplinés, tout comme les témoins, et le personnel me dit que nous pourrions procéder à une autre série d'interventions. Je pense octroyer trois minutes aux conservateurs, trois minutes aux libéraux et une minute pour le NPD et le Bloc.
Êtes-vous d'accord pour que nous procédions à un troisième tour?
D'accord, même si vous n'êtes pas d'accord, nous allons le faire.
Monsieur Harris, vous avez une minute, s'il vous plaît.
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Pour avoir été moi-même victime d'intimidation et de menaces de mort sur Facebook au mois de septembre, je dirais que même quand on est une militante qui a un bon réseau de gens, cela peut être déstabilisant. Cependant, il faut vite se ressaisir et c'est là qu'on se rappelle facilement que beaucoup d'entre nous n'auront peut-être pas un réseau comme le mien ou des gens pour leur expliquer quels sont leurs droits et leurs protections, et comment surmonter ces épreuves.
Certaines jeunes femmes et des femmes de tous âges nous font savoir qu'elles vivent de l'intimidation et de la violence parce qu'elles prennent position ou parce qu'elles ont un mode de vie qui leur est propre et qui dérange un mouvement ou un dirigeant.
Je dirais que c'est un phénomène pancanadien qui ne touche pas que les femmes autochtones. Pourtant, lorsque ce sont des Autochtones qui dénoncent ces agressions, la réponse est parfois plus lente, comme l'a expliqué M. Niemi. Les commissions ne sont pas préparées à cela, pas plus que nos policiers, et nos institutions autochtones et québécoises ne savent pas comment prendre la chose non plus. On finit par se demander ce qu'on doit faire.
D'un autre côté, il s'agit d'une forme de violence inacceptable. Certaines des personnes qui la subissent vont même faire des tentatives de suicide, lesquelles réussissent parfois, malheureusement.
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Je pense qu'il sera toujours important de maintenir le dialogue pour demeurer à jour et prêt à répondre aux besoins criants, surtout si les dirigeants inuits participent à ces discussions et proposent leurs solutions pour l'immédiat. Ils rappelleront que l'ENFFADA a proposé certaines solutions, mais ils pourraient soulever de nouveaux problèmes auxquels ils font face, comme la COVID-19.
Je dirais que ce qui fait beaucoup de peine et est le plus difficile, c'est la rétention de la relève qui vient parfois du sud vers le nord. En effet, rares sont les gens qui vont faire carrière dans le Nord. Pourtant, les habitants s'habituent à eux, leur font confiance, mais un jour, pouf! ils sont repartis. La culture du Nord n'est guère célébrée, comme me l'ont appris mes nombreux déplacements partout au Canada. La question est donc de savoir comment réagir à cette situation.
Certaines communautés inuites suggèrent le concept de Rangers ou d'une police plus communautaire. Il faut honorer ces communautés et les encourager, voire appliquer leurs suggestions de façon plus généralisée si telle est la volonté du milieu.
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Merci, monsieur Harris.
C'est tout le temps que nous avions en compagnie de ces deux excellents témoins.
C'était très utile, très instructif et, comme vous pouvez le constater à l'intensité des questions de nos collègues, très captivant. Je vous remercie encore une fois du temps que vous nous avez accordé.
À moins que cela ne fasse sourciller le greffier, je vais mettre fin à la séance.
Est-ce que cela vous va, monsieur le greffier? Bien.
La séance est levée.