:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour aux distingués membres du Comité. Merci de nous accueillir aujourd’hui pour discuter de l’extrémisme violent motivé par l’idéologie au Canada.
Je me présente, Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal responsable du Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité de Sécurité publique Canada. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’être accompagné de mes collègues, Tim Hahlweg du SCRS, Michael Duheme et Mark Flynn de la GRC, Artur Wilcynski du Centre de la sécurité des télécommunications, et Jill Wherrett qui représente le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence de Sécurité publique Canada.
Prévenir l’extrémisme violent et lutter contre ce dernier, quelle qu’en soit la forme, est un défi complexe qui ne cesse d’évoluer. Pour déployer des efforts efficaces et durables, nous devons adopter une approche exhaustive, qui allie mesures nationales et internationales et implique une gamme d’intervenants.
Sécurité publique Canada, les organismes de son portefeuille et des partenaires comme le Centre de la Sécurité des Télécommunications jouent chacun des rôles distincts, mais complémentaires en ce qui a trait à l’extrémisme violent, au processus d’inscription sur la liste des entités terroristes et à l’application des mesures de la loi, et c’est avec plaisir que nous aborderons ces sujets avec vous aujourd’hui.
L’extrémisme violent à caractère idéologique ou EVCI est le terme adopté par le Canada pour décrire ce qu’on appelait auparavant l’extrémisme de droite ou l’extrémisme de gauche. Mes collègues de la SCRS en parleront en détail dans un moment, mais en bref, la rhétorique de l’EVCI et les actes violents posés par ses adeptes sont motivés par le suprémacisme blanc, l’antisémitisme, l’islamophobie, la violence misogyne et la violence antiautoritaire et bien souvent par tous ces éléments à la fois, faisant de l’EVCI l’une des menaces les plus importantes auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
[Français]
L'inscription de ces groupes sur la liste des entités terroristes est l'un des outils à la disposition du gouvernement du Canada.
En 2019, comme vous vous en souvenez peut-être, le gouvernement du Canada a ajouté à la liste le réseau néonazi international Blood & Honour et sa filiale armée Combat 18.
L'inscription de ces groupes sur la liste des entités terroristes est l'un des outils à la disposition du gouvernement du Canada.
En 2019, comme vous vous en souvenez peut-être, le gouvernement du Canada a ajouté à la liste le réseau néonazi international Blood & Honour et sa filiale armée Combat 18.
Sur le plan opérationnel, ces inscriptions ont contribué à la suppression de la présence en ligne de ces groupes. Les plateformes de médias sociaux qui vendaient des produits affiliés au groupe ont maintenant interdit les comptes associés. En outre, les fournisseurs de services canadiens ont aussi fermé les sites Web affiliés.
[Traduction]
Plus tôt cette année, le gouvernement a inscrit 13 nouveaux groupes sur la liste, dont quatre groupes prônant l’extrémisme violent à caractère idéologique: le Mouvement impérial russe, Atomwaffen Division, The Base et Proud Boys. Il en est ainsi parce qu’une telle inscription entraîne d’importantes conséquences. Bien qu’être inscrit sur la Liste ne constitue pas un crime, une fois qu’une entité y est inscrite, elle correspond à la définition de « groupe terroriste » du Code criminel, qui est invoquée dans plusieurs infractions de terrorisme, notamment le recrutement, la formation, les déplacements et le financement du terrorisme. Inscrire une entité sur la liste peut donc aider la GRC à mener à bien une enquête criminelle et possiblement à déposer des accusations. Cela peut également mener à des mesures non criminelles comme la perte pour l’entité du statut d’organisme de bienfaisance ou l’interdiction de territoire imposée par le Canada à un ressortissant étranger.
Le gouvernement du Canada adopte une approche générale pour déterminer quelles entités on devrait en priorité envisager d’inscrire sur la Liste. On se tourne ensuite vers les rapports du renseignement criminel et du renseignement de sécurité pour étayer ces choix, qui sont ultimement soumis à l’examen indépendant du ministère de la Justice; ce dernier veille à ce que le critère établi dans le Code criminel soit respecté. Il est important de souligner que le critère juridique ne vise pas uniquement les groupes qui ont commis des actes de violence. Il s’applique également chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une entité a tenté de se livrer à une activité terroriste, a conspiré en vue de s’y livrer ou a conseillé à quelqu’un de s’y livrer.
Le régime comporte plusieurs mécanismes visant à garantir que le processus d’inscription à la Liste est équilibré et juste. Une entité qui y est inscrite peut demander que le ministre de la Sécurité publique recommande au gouverneur en conseil de l’en retirer. Cette démarche peut avoir lieu à tout moment. Le Code criminel prévoit également la possibilité que la Cour fédérale se prononce sur la décision du ministre. Finalement, la loi exige qu’un examen de chaque entité inscrite sur la Liste ait lieu aux cinq ans afin de vérifier s’il est justifié ou non qu’elle y demeure.
[Français]
Nous sommes conscients que la lutte contre la menace de l'extrémisme violent à caractère idéologique n'est pas seulement une question d'application de la loi ou de technologie.
Le Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence est chargé de diriger les efforts nationaux du Canada en matière de prévention de la radicalisation menant à la violence. Le Centre fournit des fonds, par l'entremise de son programme de subventions et de contributions, pour soutenir les efforts des chercheurs et des praticiens de première ligne, afin de comprendre, de prévenir et de contrer la radicalisation menant à la violence au Canada.
Le gouvernement du Canada travaille aussi activement avec les partenaires du Groupe des cinq et les alliés du G7, le secteur technologique, les experts et la société civile pour contrer plus efficacement l'extrémisme violent à caractère idéologique dans l'espace virtuel.
Le Canada est également signataire de l'Appel à l'action de Christchurch pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne.
Notre gouvernement continuera donc de mettre à contribution toute la gamme de ressources dont il dispose pour traiter cette question et pour protéger nos communautés contre l'extrémisme violent.
[Traduction]
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Hahlweg.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le Comité de m’avoir invité et lui suis reconnaissant qu’il prenne le temps d’étudier la question de l’extrémisme violent à caractère idéologique, l’EVCI, au Canada. Cette menace demeure une grande priorité pour le SCRS.
Comme je l’ai mentionné, je m’appelle Tim Hahlweg et je suis directeur adjoint, Exigences, au SCRS.
Comme vous le savez à ce comité, le mandat du SCRS consiste à enquêter sur les menaces pour la sécurité du Canada, à conseiller le gouvernement sur ces menaces et à prendre des mesures pour les réduire.
Depuis 2014, des Canadiens motivés, en tout ou en partie, par une idéologie extrémiste ont tué 21 personnes et en ont blessé 40 autres en sol canadien. Cette menace est complexe. Ses ramifications vont bien au-delà de l’application de la loi et de la sécurité nationale. Pour la neutraliser, il faut une réponse pangouvernementale mettant en jeu des intervenants des domaines social, économique et sécuritaire. Vous entendrez mes collègues vous répéter la même chose.
Il est important de bien choisir ses mots pour discuter des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, en particulier lorsqu’il est question d’extrémisme violent. Pour cette raison, en 2019, le SCRS a pris les devants pour établir, en collaboration avec ses partenaires du Groupe des cinq et de l’appareil du renseignement et de la sécurité, une terminologie qui décrit mieux les menaces que représente l’extrémisme violent.
Grâce à ces efforts, le gouvernement du Canada utilise maintenant les expressions suivantes pour discuter d’extrémisme violent: extrémisme violent à caractère religieux; extrémisme violent à caractère politique et extrémisme violent à caractère idéologique.
En ce qui a trait à l’EVCI, en particulier, les analyses du SCRS ont montré que les termes extrême droite et extrême gauche étaient trop simples et à saveur trop politique: ils ne reflétaient pas adéquatement la complexité du contexte de la menace.
Il est difficile de trouver des termes qui qualifient parfaitement bien les menaces dans un contexte complexe. Cela dit, les expressions retenues, soit EVCP, EVCR et EVCI, ont aussi été conçues de manière à refléter les textes législatifs actuels, en particulier l’alinéa c) du paragraphe 2 c) de la Loi sur le SCRS et l’article 83.01 du Code criminel. Ces catégories d’extrémisme ne sont pas nécessairement exclusives, car les discours extrémistes sont souvent fondés sur les doléances personnelles des intéressés.
Même l’EVCI n’est pas universel. Les acteurs de l’EVCI sont motivés par des griefs, des idées et des discours très variés, dont des théories conspirationnistes. Ils peuvent avoir l’intention de commettre des actes de violence ou inciter des personnes à commettre de tels actes pour réaliser des changements dans la société.
Le SCRS a établi quatre catégories d’EVCI. Il regroupe donc les idéologies axées sur la xénophobie, le genre, l’opposition à l’autorité et les autres motifs de violence fondés sur des récriminations personnelles. Ces catégories ne sont pas étanches. Une personne peut être motivée par plusieurs idéologies ou passer d’une idéologie à une autre. Les partisans de l’EVCI continuent de prendre pour cible des groupes qui ont droit à un traitement équitable, comme les personnes racisées, les minorités religieuses, les membres de la communauté LGBTQ2 et les femmes.
Comme nous le savons, il n’est pas illégal d’être haineux, raciste ou misogyne. La liberté d’expression est un droit protégé par la constitution. Pour cette raison, il est expressément interdit au SCRS d’enquêter sur les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord.
Le SCRS n’enquête que sur les personnes dont les activités correspondent aux menaces définies dans la Loi sur le SCRS, c’est-à-dire celles dont les activités visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique. Seule une petite partie des adhérents à des discours s’inscrivant dans l’EVCI passent du clavardage aux actes. Le SCRS enquête sur les personnes qu’il soupçonne de poser une menace pour la sécurité du Canada et travaille en étroite collaboration avec les organismes d’application de la loi, comme la GRC, pour répondre adéquatement à ces menaces.
La propagation rapide des discours de l’EVCI en ligne ajoute à ce défi. Les services en ligne peuvent faire écho à la haine. Les partisans de l’EVCI peuvent tisser des liens et communiquer anonymement en ligne. La mobilisation à la violence peut survenir rapidement. Aussi, le nombre de jeunes qui adhèrent à ces discours et inspirent d’autres personnes à commettre des actes de violence est particulièrement troublant.
La pandémie de COVID-19 a amplifié la menace liée à l’EVCI. Les mesures de santé publique ont intensifié les propos xénophobes et antiautoritaires ainsi que les théories de complot, dont certains rationalisent l’usage de la violence. Nous pouvons voir clairement les effets de ces discours pendant la vaccination.
Par ailleurs, je vous invite à lire le Rapport public 2020 du SCRS, qui a été déposé plus tôt ce printemps. Il décrit en détail l’important travail que le SCRS a effectué l’année dernière pour protéger le Canada et sa population dans un contexte de la menace qui changeait rapidement.
Le rapport public indique clairement que l’extrémisme violent continue de capter une partie importante de notre attention et de nos efforts, en particulier les menaces inspirées par l’EVCI en ligne et dans le monde réel. L’EVCI est une menace complexe et polyforme qui mine la cohésion sociale, et le SCRS, qui travaille en étroite collaboration avec les collectivités et nos partenaires de partout au pays, est déterminé à s’acquitter de son mandat qui consiste à assurer la sécurité de tous les Canadiens.
Enfin, je tiens à remercier les employés du SCRS, nos collègues policiers et tous ceux qui travaillent dans le domaine de la sécurité nationale. C’est un travail difficile, qui exige souvent l’exposition à du contenu ignoble et odieux pour détecter et enquêter sur ces menaces, et je les en remercie.
Ainsi se termine mon exposé et je serai heureux de répondre à toutes vos questions durant cette séance.
Merci, monsieur le président.
:
Monsieur le président et membres du Comité, bonsoir.
Je m'appelle Michael Duheme. Je suis sous-commissaire à la GRC et je suis responsable du programme de la Police fédérale.
[Traduction]
Je suis accompagné du commissaire adjoint Mark Flynn, qui est le directeur général de la sécurité nationale et de la police de protection de la GRC.
Nous nous réjouissons d’être parmi vous aujourd’hui pour répondre à des questions sur l’EVCI, en compagnie de mes collègues du gouvernement fédéral qui sont également touchés par ce sujet très préoccupant.
Le contexte de la menace que constitue l’EVCI est complexe et évolue rapidement, et il exige une collaboration étroite entre les partenaires de la sécurité et du renseignement à tous les niveaux. Du point de vue de l’application de la loi, les incidents violents motivés par la haine et les menaces criminelles découlant de l’EVCI sont de plus en plus fréquents dans tout le pays. Les auteurs de la menace les plus courants que nous voyons sont des individus sans affiliation claire à un groupe, qui sont motivés par des idéologies très personnalisées et nuancées qui amènent les individus à inciter à la violence ou à se mobiliser en faveur de la violence.
Ce qui est peut-être le plus important, c’est que la GRC constate une croissance effrénée du contenu haineux et EVCI en ligne. Nous sommes profondément préoccupés par les opinions extrémistes qui sont d’abord encouragées en ligne et qui peuvent mener — et ont mené — à la violence physique. La GRC a vu plusieurs exemples de cette évolution, mais je ne peux pas fournir de détails dans cette tribune ouverte, car plusieurs de ces enquêtes sont en cours ou ont donné lieu à des poursuites actuellement en instance devant les tribunaux.
La nature de plus en plus individualisée et sans leader de ce contexte de menace, combinée au caractère central et à l’effet amplificateur du monde virtuel, occasionne des difficultés de détection et d’autres défis qui entraînent un changement dans les priorités de la GRC en matière de sécurité nationale. Dans cette optique, nous réévaluons les éléments de notre positionnement actuel en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi que nos stratégies de lutte contre les menaces EVCI et les besoins en ressources. La GRC prend son mandat de prévention très au sérieux, et la clé de la prévention est une information et une intervention opportunes, avant qu’il ne soit trop tard.
La nature de la menace posée par l’EVCI soulève également des considérations de compétence et de mandat qui renforcent le besoin de coordination et d’échange d’information entre les partenaires nationaux d’application de la loi et le milieu de la sécurité et du renseignement.
En vertu du Programme de services de police fédérale et de sécurité nationale, la GRC a pour mandat d’enquêter sur les activités criminelles liées à l’EVCI qui constituent une menace pour la sécurité nationale au sens de la Loi sur le SCRS. À ce titre, nous entretenons des partenariats étroits avec le SCRS et d’autres organismes nationaux de sécurité et de renseignement, et nous participons à l’échange d’informations tactiques avec des partenaires étrangers pour contrer les menaces liées à l’EVCI.
Par ailleurs, les services de police compétents ont la responsabilité principale d’enquêter sur les activités criminelles motivées par la haine. Ces réalités liées aux administrations soulignent l’importance de la coordination de l’application de la loi à tous les niveaux pour combattre cette menace en évolution, ainsi que la valeur des services de police axés sur le renseignement.
Comme il y a souvent chevauchement entre les crimes motivés par la haine et la criminalité liée à l’extrémisme violent motivé par une idéologie, la GRC travaille en étroite collaboration avec les services de police compétents afin de cerner les menaces criminelles qui intéressent la sécurité nationale et afin de mener des enquêtes coordonnées. Nous travaillons également, à l’interne, à l’élaboration de lignes directrices et d’indicateurs uniformes pour déterminer si une menace ou une activité criminelle particulière relève du mandat de la GRC en matière de sécurité nationale.
En ce qui concerne les enquêtes criminelles, la priorité absolue de la GRC est de protéger la sécurité des Canadiens. Il est également important de remarquer que les Canadiens minoritaires sont, de façon disproportionnée, les victimes — et non les auteurs — de la violence motivée par la haine et liée à l’EVCI. Il incombe au milieu de la sécurité et du renseignement d’utiliser tous les outils à sa disposition pour protéger ces collectivités contre des actes violents.
La GRC a le mandat rigoureux de prévenir les activités criminelles, et nous pouvons suivre diverses pistes d’enquête pour atténuer les menaces potentielles à la sécurité publique ou nationale, lorsqu’elles sont portées à notre attention. Lorsque des accusations criminelles s’appliquent, la GRC travaille de concert avec les procureurs de la Couronne, y compris le Service des poursuites pénales du Canada, afin de déterminer avec soin quelles infractions ont les meilleures chances d’aboutir à des poursuivies fructueuses.
Sur ce, je vous remercie. J’espère que ma présence et celle de Mark Flynn pourront vous aider à clarifier la situation en ce qui concerne EVCI.
Merci, monsieur le président.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui pour discuter de l'extrémisme violent à caractère idéologique au Canada.
Mon nom est Artur Wilczynski. Je suis le chef adjoint associé du Renseignement électromagnétique, ou SIGINT, auprès du Centre de la sécurité des télécommunications, aussi appelé le CST.
Le CST relève du ministre de la Défense nationale et est l'un des principaux organismes de sécurité et de renseignement du Canada, dont le mandat est de fournir du renseignement étranger à l'appui des nombreuses priorités du gouvernement. Le CST est aussi la principale autorité technique du pays en matière de cybersécurité.
[Traduction]
Comme mes collègues l’ont indiqué, le paysage de la menace liée à l’extrémisme violent à caractère idéologique continue d’évoluer, amplifié par l’utilisation accrue d’Internet et des médias sociaux par les auteurs de menaces. Ce phénomène a donné lieu à une augmentation de la production de messages terroristes et extrémistes violents, que les groupes continuent de diffuser tout en tentant de recruter des personnes aux vues similaires pour les allier à leur cause et à leurs activités de planification.
En vertu de son mandat de renseignement étranger, le CST s’efforce de découvrir des extrémistes basés à l’étranger, notamment ceux motivés par une idéologie, dont les efforts visent à concrétiser des attaques au Canada et à l’étranger. Il est important d’insister sur le fait que le CST ne peut pas diriger ses activités contre les Canadiens ou quiconque se trouvant au Canada. Nos efforts doivent cibler des auteurs de menaces qui se trouvent à l’extérieur du Canada.
En plus du renseignement étranger, le CST peut fournir du soutien technique à des partenaires clés du gouvernement du Canada qui exercent des fonctions de sécurité nationale, de police fédérale, et aux organismes de défense. Toute assistance offerte se déroule conformément aux pouvoirs et aux paramètres juridiques et politiques du mandat de l’organisme demandeur.
Le CST travaille en étroite collaboration avec ses partenaires internationaux. Nous échangeons entre partenaires de précieux renseignements sur des auteurs de menaces, y compris sur l’EVCI. Ces échanges ont d’importants effets positifs sur le maintien de la sûreté et de la sécurité de nos pays respectifs.
[Français]
La collaboration avec nos partenaires du gouvernement fédéral et nos partenaires internationaux est essentielle pour lutter contre l'extrémisme violent à caractère idéologique, et je tiens à vous assurer que le CST continuera de travailler en vertu de son mandat et avec ses partenaires pour appuyer les efforts contre l'extrémisme.
Je vous remercie.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup pour la question.
Je peux peut-être commencer par le bas de la liste. Je pense parvenir à être un peu plus clair si je commence par la catégorie « autres », qui va m'aider à cerner la réalité de l'univers de l'EVCI.
Dans cet univers, la catégorie « autres » est évidemment liée aux quatre catégories que j’ai énoncées au début, qui comprennent la xénophobie, le suprémacisme blanc ou le néonazisme et l’ethnonationalisme; l’antiautorité et le ciblage du gouvernement et des forces de l’ordre; et le ciblage du genre, qui peut mener à la misogynie violente. La catégorie « autres » exemplifie la fluidité de cet environnement parce qu'un certain nombre de personnes n’ont pas d’idéologie définie, ne sont pas liées à un complot donné ou passent d'un groupe à l'autre, et qu'il est dès lors très difficile de les situer.
Dans l’univers de l'EVCR, on trouve d'autres auteurs de menace comme Al-Qaïda et Daech. Nous avons affaire à une idéologie commune à laquelle ces gens adhèrent.
Dans l’univers de l'EVCI, les choses sont très différentes. Nous assistons à beaucoup de mouvements selon la nature des doléances qui changent constamment au gré des situations. C'est ce que nous avons constaté à la faveur de l'épidémie de COVID-19, certains s'étant enthousiasmés pour les causes soutenues, de sorte que cette catégorie n’est pas aussi fluide que les autres, plus typiques et plus traditionnelles de de l'univers de l'EVCR.
J’espère que cela répond à votre question.
En 2014, il y a d'abord eu la fusillade de Moncton, perpétrée par Justin Bourque. Trois personnes ont été tuées et deux autres blessées. En 2015, un projet d'attentat contre un centre commercial d’Halifax a été déjoué, et il n’y a pas eu de victimes. En 2016, il y a eu l’agression à coups de pied, à Edmonton, qui a laissé une personne morte. En 2017, Alexandre Bissonnette a attaqué la mosquée de Québec et a fait six morts et 19 blessées.
En 2018, Alek Minassian a attaqué une fourgonnette à Toronto. Dix personnes ont été tuées et 16 ont été blessées. En 2019, il y a eu l’attaque au couteau à Sudbury, qui a fait deux blessés. Enfin, en 2020, il y a eu l’attaque dans un salon de massage à Toronto qui a fit un mort et un blessé.
Je pense ne rien avoir oublié, mais au cas où, je vais inviter mes homologues de la GRC vous répondre.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous nos témoins d’être ici aujourd’hui, surtout à si court préavis. Vos témoignages sont très appréciables.
Ma première question s’adresse au SCRS.
Vous avez parlé de la haine en ligne et de la prévalence des « caisses à résonance de la haine », qui accélèrent le passage à la violence. L'Association nationale pour les armes à feu est un groupe qui publie des photos offensantes en ligne et qui a répercuté des tweets sympathiques à des groupes considérés de la mouvance de l'EVCI. L’un des tweets en question disait ceci: « Si la police ne vous protège pas pendant une émeute violente, vous devrez vous protéger et protéger les autres. »
J’ai personnellement été la cible de leurs commentaires. Récemment, le Comité a voté pour condamner les propos tenus par ce groupe qui dans des échanges où les gens proposaient de passer à la guillotine les parlementaires qui appuient le contrôle des armes à feu, qualifiant ce qui se passe au Canada de « tyrannie ».
Ma question est simple. Nous avons vu beaucoup trop d’exemples où des propos répréhensibles sont d'abord présentés comme des blagues, puis donnent lieu à une violence réelle, soit par les auteurs mêmes de ces propos, soit par leurs disciples. Je me demande simplement quel impact ce genre de propos peut avoir sur ceux qui les lisent? Ils peuvent se radicaliser à cause de cela, et ne devrions-nous pas dénoncer ces propos pour ce qu’ils sont.
:
C’est une excellente question, et je pense qu’il serait utile à ce moment-ci que je vous donne une idée de la façon dont le SCRS enquête dans ce domaine. Je pense que cela nous aidera à mieux définir l'univers dans lequel nous évoluons par rapport à celui d’autres acteurs.
Sur le plan organisationnel, nous abordons les choses suivant trois volets.
Le premier volet concerne l’engagement passif qui repose sur des livres, des vidéos et des clavardoirs. Beaucoup de gens écoutent ou regardent les contenus violents et odieux, mais ils demeurent passifs. À ce stade-ci, ils ne passent pas à la violence.
Quand ils passent à ce que nous considérons être le deuxième niveau de menace, leur engagement est plus actif. Non seulement ils écoutent, mais en plus, ils font de la propagande. Ils ajoutent du contenu, communiquent et font connaître leurs positions. Une grande partie de tout cela relève encore de la liberté d’expression, mais à ce stade, les gens commencent à glisser vers ce que nous appelons le troisième niveau, celui où nous intervenons activement.
Au troisième niveau, les gens se mobilisent pour devenir violents. On constate une nette augmentation des mesures de sécurité opérationnelles qui les entourent. Ils n'agissent plus à découvert, mais dans des salles de clavardage privées et dans des forums chiffrés. Ils se tournent vers bien d’autres plateformes. À l'analyse de ce que nous devons faire à ce troisième niveau, il est vraiment important pour nous d'agir dans les limites du mandat du SCRS. Nous avons beaucoup travaillé dans ce domaine au cours des dernières années avec nos partenaires de la communauté de la sécurité et du renseignement.
Que faut-il pour que nous puissions ouvrir une enquête sur ce genre de menaces? Nous devons avoir constaté une volonté de tuer ou d’inspirer d’autres personnes à tuer; une menace de violence grave; une tentative de changer la société, pas seulement par un discours personnel, mais par une action plus radicale; et une influence idéologique. Dès que nous sommes en présence de ces déclencheurs, nous pouvons enquêter sur les menaces. Nous nous entendons régulièrement avec nos collègues policiers, surtout ceux de la GRC, et décidons ensemble de qui de nous est le mieux placé pour prendre le dossier.
J’espère que cela répond à votre question.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. Je leur en suis très reconnaissante.
La semaine dernière, nous avons reçu M. McGuinty, du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui nous a présenté son rapport annuel. Il expliquait justement à quel point les membres de ce comité dressaient un état de la situation et présentaient des recommandations au gouvernement.
De quelle façon le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile reçoit-il cet état de la situation? Qu'en fait-il?
On reconnaît encore le terrorisme comme la plus grande menace contre le Canada. Je me demandais si nous percevions toute cette montée de l'extrémisme violent à caractère idéologique comme une forme de terrorisme, actuellement.
Mes questions s'adressent à M. Rochon, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Si les représentants du Service canadien du renseignement de sécurité et du Centre de la sécurité des télécommunications veulent ajouter quoi que ce soit, je les invite à le faire.
:
Je vous remercie de la question.
Je crois qu'il serait plus approprié que la GRC et le SCRS parlent de leur définition des menaces.
Cela dit, je peux vous donner une réponse rapide. Comme mes collègues l'ont dit, il s'agit d'un travail d'équipe sur un sujet très complexe. Il est vrai que, jusqu'à ce jour, le terrorisme était vraiment la menace la plus exigeante. L'extrémisme violent constitue une sous-catégorie de cette menace. Cela fait partie du terrorisme, mais, comme l'ont expliqué mes collègues du SCRS, il nous faut de meilleures définitions.
Nous sommes en train de définir ces différentes catégories pour savoir exactement d'où viennent ces menaces et pour mieux pouvoir y répondre.
Voilà ma réponse à votre question. Mes collègues de la GRC ou du SCRS aimeraient peut-être ajouter quelque chose.
:
Je parlerai de ce que la GRC peut faire en ce qui a trait aux sites Internet.
La majorité des enquêtes que nous menons sur des commentaires haineux propagés sur les réseaux sociaux sont déclenchées lorsque nous recevons des signalements de gens qui ont observé cela sur un site et qui nous le rapportent. Dans la plupart des cas, nous déclenchons une enquête.
Évidemment, si les réseaux sociaux retirent l'information sans nous en aviser, nous n'avons pas accès à cette information. Ce n'est pas différent de ce qui se passe quand quelqu'un appelle la police pour faire un signalement et que la police déclenche une enquête, sauf que cela se passe sur les réseaux sociaux.
Si les plateformes retirent cette information sans nous en aviser, nous ne pouvons plus agir en toute connaissance de cause relativement à la plainte.
Il arrive souvent que des députés du Parlement reçoivent un message à caractère désobligeant ou haineux sur les réseaux sociaux. Dans ces cas également, la GRC déclenche une enquête et nous la menons jusqu'au bout. Parfois, cela représente un défi parce que les gens peuvent utiliser toutes sortes de mécanismes sur les réseaux sociaux pour ne pas être retrouvés.
Je ne vous cacherai pas qu'il s'agit de l'une de nos préoccupations, et cela ne concerne pas que les réseaux sociaux. Lorsqu'on met en œuvre une nouvelle loi ou un nouveau processus, les gens trouvent toujours des moyens de contourner cela grâce à d'autres mécanismes.
Vous avez tous entendu parler du dark Web, ou Web caché. Il y a probablement déjà beaucoup de groupes d'EVCI sur le Web caché.
:
C’est une excellente question.
Je dirais d’abord que c’est là que réside toute la complexité des enquêtes que nous menons, parce qu’un grand nombre de doléances personnelles et de théories du complot ne se rattachent pas à une idéologie solide apte à motiver les masses. Nombreux sont ceux qui pourraient passer très rapidement de l’un à l’autre. Du point de vue du SCRS, il est essentiel de constater que la personne est arrivée au seuil de la violence ou qu'elle profane des menaces de violence, selon les quatre étapes dont j’ai parlé un peu plus tôt, avant de pouvoir enquêter activement sur elle.
Pour ce qui est des chiffres globaux, si l'on imagine un entonnoir, le premier palier dont j’ai parlé est composé de centaines de récits différents, d’idéologies différentes, de théories de conspiration différentes. Une grande partie de tout cela relève encore de la liberté d’expression. Bon nombre de ces personnes resteront tout simplement passives. Du point de vue du SCRS, ces personnes ne deviendront pas violentes et ne nous obligeront donc pas à agir.
J’espère que cela répond à votre question.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d’être parmi nous aujourd’hui et de nous éclairer sur ce sujet très important.
Je vais poursuivre dans la même veine avec M. Hahlweg, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur.
Nous avons beaucoup parlé aujourd’hui des trois catégories de motivation de l’extrémisme violent. Je me demande à quel point il est important de les définir. Par exemple, un de nos témoins a parlé des 21 morts dues à l'extrémisme violent caractérisé par l'idéologie, dont la fusillade à la mosquée de Québec. J’aurais plutôt pensé que cet événement aurait été attribué à des motifs religieux.
Dans quelle mesure est-il important, monsieur Hahlweg, de bien catégoriser les choses? En quoi ces catégories constituent-elles outil qui permet au SCRS d’assurer la sécurité des Canadiens et d’intenter des poursuites?
:
Je vais commencer, monsieur le président, mais je pense que votre question s'adresse un peu à Sécurité publique et au SCRS aussi.
Ce qui est important ici, c’est qu'en vertu du mandat de la GRC, en ce qui touche à la sécurité nationale et à l’EVCI, la Gendarmerie est concernée dès qu’il y a un élément criminel.
M. Hahlweg a mentionné que nous travaillons bien ensemble. C'est vrai. Nous ne nous disputons pas pour savoir qui va assumer la responsabilité de tel ou tel dossier, mais dès qu’il y a un élément criminel dans un dossier, cela devient notre responsabilité. Nous travaillons toujours en étroite collaboration avec le SCRS, tout au long du processus.
Dans le cas des anciens combattants de l'EI rentrant au pays, nous commençons par examiner la liste gens qui sont déjà connus de nos services pour d'autres activités criminelles. Le SCRS peut avoir une liste différente correspondant à son mandat et à ses renseignements.
Ces gens-là représentent-ils une menace? Nous en parlons beaucoup au sein de la communauté du renseignement pour savoir quel genre de suivi exercer à leur retour — dans le cas de ceux qui reviennent — et pour nous assurer que nous avons les ressources appropriées, les moyens de surveillance et les informations nécessaires pour agir. Vous comprendrez que, dans le cas d'une personne qui a passé six, sept ou dix ans hors du pays, on ne sait pas exactement ce qu'elle a fait ni là où elle en est.
Ce n’est pas un problème facile, mais nous sommes une communauté unie et qui surveille la situation de près pour être certaine d'avoir les ressources nécessaires afin de remédier aux problèmes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins pour leurs témoignages extraordinaires. Je vous remercie d'être ici.
Personnellement, je suis heureux que nous parlions de tout cela aujourd'hui. Dans ma circonscription, Dartmouth—Cole Harbour, les gens sont extrêmement préoccupés par la présence d'organisations comme les Proud Boys.
Ma question s'adresse à M. Rochon, de la Sécurité publique.
Ce n'est qu'en 2019 que deux organisations de suprémacistes, motivées par des considérations d'ordre idéologique — il en a été question aujourd'hui, soit Blood & Honour, qui s'appelle elle-même, je crois, B&H, et Combat 18 ou C18 — ont été ajoutées à la liste des organisations terroristes du Code criminel. Plus tôt cette année, quatre autres groupes avaient été ajoutés à cette liste, dont les Proud Boys.
J'en ai parlé avec M. McGuinty l'autre jour, mais quel objectif espérez-vous atteindre par le biais du processus d'inscription sur la liste? Quel message cela envoie-t-il aux Canadiens?
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Je vous remercie de la question.
Franchement, je pense que j'ai peut-être rendu un mauvais service à Mme Michaud tout à l'heure, parce que je pense que c'est là où elle voulait en venir en ce qui concerne l'EVCI et le terrorisme, et c'est là où les deux se rejoignent en quelque sorte. La question qui vient d'être posée au sujet des voyageurs extrémistes canadiens a également portée sur cela.
Ce ne sont pas des catégories qui s'excluent mutuellement, et c'est une situation très complexe. Pour lutter contre l'extrémisme violent à caractère idéologique, l'extrémisme violent à caractère religieux et toutes les autres formes d'extrémisme que nous commençons à définir, nous devons utiliser au mieux les outils dont nous disposons.
Le régime d'inscription en vertu du Code criminel est l'un de ces outils. Je pense que nous avons parlé des enquêtes criminelles liées à la sécurité nationale, ou des enquêtes du SCRS, comme étant d'autres outils potentiels. Vous avez la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, qui est un autre outil. Nous avons la disposition sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public appliqué au terrorisme. Ce sont là autant d'outils qui nous aident à faire face à l'évolution des menaces que nous observons.
Jusqu'en 2019, comme vous l'avez souligné à juste titre, l'extrémisme violent à caractère idéologique ne faisait pas partie des caractéristiques susceptibles de donner lieu à une inscription sur la liste. Le Canada a été l'un des premiers pays du Groupe des cinq, en 2019, à inscrire un groupe d'EVCI sur la liste, comme vous l'avez souligné. Plus tôt cette année, nous avons ajouté quatre autres groupes.
Je pense qu'on constate que ces groupes d'EVCI commencent à atteindre correspondre à la définition que le Code criminel donne d'activité terroriste justifiant une inscription sur la liste. Au fur et à mesure que les groupes atteignent ce seuil, nous les couchons sur la liste qui devient un autre outil nous permettant de mieux faire face à la situation.
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Je vais essayer de répondre à cette question.
Je pense que mon collègue du SCRS, M. Hahlweg, a bien décrit les dangers qui continueront de se présenter après l'inscription de ces entités sur la liste. A priori, le fait de les énumérer permet aux plateformes de médias sociaux de supprimer leurs comptes. Ce que je veux dire par là, c'est que ces entités pourraient avoir être présentes dans les médias sociaux afin d'essayer de recueillir des fonds pour leur cause, par exemple. Comme elles figurent sur la liste, cela permet aux plateformes de médias sociaux de leur dire: « Non, nous ne vendrons pas vos gaminets destinés à promouvoir votre idéologie. » Les plateformes peuvent donc commencer à éliminer ce genre de présence.
Cela ne veut pas dire que vous les priverez de leur capacité à propager leur message. Je pense que c'est mon collègue de la GRC, M. Duheme, qui a dit qu'inévitablement, ces entités reviendraient sur le Web profond ou sur des canaux cryptés ou cachés pour pouvoir continuer à répandre leur discours. Au moins, avec cet outil qu'est la liste du Code criminel, ils ne pourront pas le faire aussi ouvertement.
Toutefois, comme je l'ai dit, la liste du Code criminel n'est qu'un outil parmi d'autres. Elle nous aide à certains égards, mais elle ne fait que repousser dans le temps le moment où il faudra affronter certains défis liés à la diffusion de leurs discours dans d'autres contextes.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs Rochon et Duheme, de vos réponses précédentes.
Je vais continuer dans la même veine. Vous avez dit que la GRC peut intervenir lorsqu'une situation est portée à son attention, pas nécessairement par le dépôt d'une plainte de citoyen, mais aussi par un appel pour vous la signaler. J'imagine donc que vous pouvez documenter le genre de situation à caractère violent ou d'extrémisme violent à caractère idéologique.
Je pense à la fameuse idéologie des incels, les célibataires involontaires. Vous avez dit qu'une accusation avait été portée à cet égard. Au-delà de cette accusation, en cette époque où l'on observe une montée des féminicides et où l'on parle beaucoup de violence envers les femmes et des moyens à prendre pour trouver des solutions, l'idéologie des incels est extrêmement inquiétante.
Comment y faites-vous face? Trouvez-vous inquiétante la façon dont on vous signale les cas?
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Je vais répondre à cette question.
Il est certain qu'il faut des outils pour passer du renseignement à la preuve, et c'est une priorité pour nous. L'approche que nous adoptons, du point de vue de l'application de la loi, est toujours axée sur la sécurité publique.
Si vous examinez les statistiques sur les condamnations pour terrorisme ou les infractions et les accusations pour terrorisme, vous constaterez que les chiffres ne sont pas très élevés. Du point de vue de l'application de la loi, nous saisissons toute occasion d'avoir un impact sur les personnes concernées pour les empêcher de progresser au sein de cet univers violent. Il suffit de frapper à leur porte et de les informer. Il pourra s'agir pour nous d'ajouter un groupe particulier, ou de préconiser l'ajout d'un groupe particulier à la liste pour que les gens sachent que tel ou tel comportement est inacceptable et qu'ils s'en dissocient. Vous verrez également des accusations récentes liées à des infractions commises avec des armes à feu, à la profération de menaces, à la possession d'explosifs, à des attaques contre des infrastructures essentielles, etc.
Même s'il nous est difficile de mettre la main sur des renseignements qui pourraient nous apporter une bien meilleure connaissance de l'ensemble du problème, en tant que forces de l'ordre, nous tirons parti des possibilités qui existent déjà, où des éléments législatifs peuvent être appliqués, afin de nous assurer que des mesures sont prises et que nous intervenons le plus tôt possible.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie, d'entrée de jeu, tous les témoins présents aujourd'hui.
Je vous remercie des services que vous rendez au Canada en protégeant nos communautés, et également de vos témoignages, aujourd'hui, qui sont très poignants. Ils confirment l'importance pour le Comité de s'intéresser à l'enjeu de l'extrémisme violent à caractère idéologique.
Ma première question s'adresse au Centre de sécurité des télécommunications.
La semaine dernière, nous avons entendu le président du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, soit le CPSNR, nous mentionner, entre autres, que le caractère de la menace de l'extrémisme violent est beaucoup plus diffus qu'il ne l'était dans l'extrémisme inspiré par l'idéologie de Daech ou d'Al-Qaïda. C'est souvent une constellation de différents acteurs diffus et pas nécessairement reliés. Il s'ajoute à cela la multiplicité des moyens de communication, c'est-à-dire des canaux plus souterrains. On n'a qu'à penser à Parler, Telegram et Gab. Ce sont de nouvelles plateformes pour communiquer. Dans son rapport, le président nous mentionnait qu'on avait maintenant répertorié 6 600 voies de communication pour des groupes extrémistes, souvent d'extrême droite.
Quels défis est-ce que cela représente pour le Centre de la sécurité des télécommunications?
Comment vous adaptez-vous à ce nouvel environnement?
J'adresse ma prochaine question aux membres du SCRS.
Vous mentionniez que la crise de la COVID-19 avait amplifié non seulement le sentiment xénophobe chez certains groupes, mais aussi les attitudes antigouvernementales et anti-autorité.
Est-ce qu'il y a eu une mouvance de certains groupes davantage portés sur la xénophobie, vers les théories de conspiration et la mouvance antigouvernementale, anti-autorité et anti-mesures sanitaires?
On rapportait dans les médias, par exemple, que bien des membres d'un groupe ouvertement xénophobe et particulièrement présent au Québec, la Meute, s'étaient redirigés vers des groupes s'opposant aux mesures sanitaires et à tendance conspirationniste.
Avez-vous observé ce changement?
L'ingérence étrangère est l'une des plus importantes menaces stratégiques qui pèsent sur la sécurité nationale du Canada. Le directeur du SCRS l'a dit sur bien des tribunes. Elle mine la souveraineté du Canada, ses intérêts nationaux et, plus précisément, ses valeurs. C'est une menace très complexe.
C'est aussi une menace nationale. Elle cible tous les ordres de gouvernement, comme vous le savez, dans toutes les villes et localités de notre pays. La menace a toujours été persistante dans l'univers du renseignement étranger au Canada, mais à la faveur de la mondialisation et du développement de la technologie, le phénomène a considérablement progressé par l'ampleur, la vitesse, la portée et l'impact. Il fait appel toute une gamme de techniques, y compris les opérations de renseignement humain, les médias parrainés par l'État ou influencés par l'étranger et les cyberoutils de pointe.
Je suis certain que mon collègue, M. Wilczynski, pourra vous en dire plus à ce sujet, mais c'est une menace importante dont, au SCRS, nous sommes absolument conscients.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être là et, surtout, de tout le travail qu'ils accomplissent.
Ma question s'adresse au SCRS.
En 2010-2011, le gouvernement de l'époque a informé les Canadiens que l'extrémisme de droite n'était pas un problème important dans leur pays et que les bouffonneries de certains suprémacistes blancs très en vue étaient extrêmement rares.
Depuis, nous avons vu proliférer les menaces posées par l'EVCI, comme celles des incels et des personnes inspirées par la xénophobie. Comment peut-on expliquer cette croissance? Ces menaces ont-elles toujours été importantes sans que nous cherchions à lutter contre elles, ou y a-t-il vraiment eu une progression rapide qui a pu être stimulée par des forces externes au cours des dernières années?
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C'est une très bonne question, mais elle est compliquée.
Si je remonte à l'époque où on parlait encore d'extrémisme de droite et où il y a eu des attentats au Québec et d'autres attentats... À ce moment-là, pour mettre les choses en contexte, nous nous occupions, en 2014, des attentats ciblant la Colline du Parlement et de beaucoup d'autres attentats qui s'inscrivaient davantage dans la catégorie de l'extrémisme violent à caractère religieux. C'est un travail que nous recommençons tous sans cesse. Il s'agit de redéfinir l'ordre de priorité des menaces et d'affecter les ressources nécessaires pour les contrer.
Avec la réémergence de l'EVCI et le recalibrage du Service, nous avons constaté, en ce qui concerne la deuxième partie de votre question, que ceux qui sont à l'origine des menaces ont des moyens plus avancés que ce que nous avons vu par le passé. Il y a de nouveaux outils en ligne, de nouveaux moyens de communication, une interaction plus rapide, de sorte que ces gens peuvent rester tranquillement chez eux sans avoir jamais à se rencontrer en personne. Cela a donné un élan à l'univers de l'EVCI, qui prend de l'ampleur, de sorte que la surveillance est très difficile et complexe.
Merci.
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Lorsque nous examinons des groupes comme les incels, c'est-à-dire les célibataires involontaires, nous remarquons que cette idéologie présente beaucoup de caractéristiques de nombreuses idéologies dont nous étions conscients par le passé.
Les incels appartiennent à un groupe d'hommes misogynes. Comme la plupart des autres personnes violentes, ils se rassemblent principalement sur des plateformes en ligne. Ils utilisent une terminologie unifiée. Ils ne constituent pas vraiment un groupe organisé, de notre point de vue, et il n'existe pas de structure ou de planification centralisées. Ils croient toutefois que leur génétique détermine la qualité de leur vie et de leurs relations, ce qui signifie qu'ils blâment leurs caractéristiques physiques peu attrayantes pour leur incapacité à attirer les femmes. Ils attribuent leurs lacunes perçues à la femme et à la société en général.
Il y a aussi des sous-catégories dans ce genre d'idéologie. L'androsphère a émergé. Il s'agit d'un réseau de groupes misogynes et suprémacistes masculins en ligne qui parlent des droits des hommes pour glorifier la violence dans la misogynie violente. Ces sous-groupes nous inquiètent beaucoup.
Du point de vue du service, je dirais que ces hommes ne sont pas tous violents. Pour ce qui est de la loi et de l'atteinte de notre seuil d'intervention, une grande partie de cette activité se situe au premier niveau dont j'ai parlé. Toutefois, c'est tout à fait un sujet de préoccupation au plan national.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
On comprend que l'extrémisme violent à caractère religieux qui dépend des réseaux sociaux représente une menace extrêmement moderne, et qu'il devient difficile de légiférer à cet égard. Comme vous le disiez, monsieur Duheme, les gens vont vraisemblablement trouver une manière de contourner ces nouvelles lois, les rendant rapidement caduques.
Vous être probablement tous au courant du massacre de Christchurch, que la première ministre de Nouvelle-Zélande avait qualifié de geste destiné à être diffusé sur Internet. À la suite de cet événement, l'Australie a adopté la Criminal Code Amendment (Sharing of Abhorrent Violent Material) Act 2019, qui modifie le Code criminel australien en ajoutant comme infraction le fait d'héberger ou de diffuser du contenu violent sur les réseaux sociaux ou sur tous sites.
Selon vous, le Canada devrait-il adopter une loi similaire?
[Français]
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Je ne dirai pas un mot de la politique gouvernementale sur le plan législatif, mais je répondrais que, comme mes collègues l'ont expliqué, il y a vraiment une variété d'outils qui peuvent être utilisés — mesures législatives, collaboration avec des organisations de la société civile ou bénévolat —, et les gouvernements, les plateformes des médias sociaux et l'industrie du numérique peuvent travailler ensemble. C'est certainement un aspect important, en fait, de l'appel de Christchurch dont mon collègue vient de parler; il y a une série d'engagements pour les gouvernements, des engagements pour les entreprises de technologie et des engagements communs.
L'un des éléments — et nous y travaillons ici —, c'est que, outre la dimension législative, des protocoles de crise peuvent être mis en place, de sorte que lorsqu'il y a certaines activités de diffusion en continu, comme dans le cas de Christchurch, nous puissions nous mobiliser rapidement pour travailler avec les entreprises et stopper la diffusion du contenu. C'est un autre outil que nous pouvons utiliser. Les mesures législatives ont leur rôle à jouer.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins d'être parmi nous pour répondre à nos questions.
Avant que je n'oublie, et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, pourriez-vous communiquer au Comité, après la séance, la ventilation des 273 événements violents à caractère idéologique qui ont eu lieu au Canada?
Ma question s'adresse au SCRS. Elle se rattache plus ou moins à ce dont vous avez déjà parlé. Vous avez parlé du groupe des célibataires involontaires, sur lequel j'ai fait des recherches par le passé. Selon vous, ce n'est pas vraiment un groupe violent, mais il agit davantage en ligne. Ce n'est pas vrai. En 2018, Alek Minassian a foncé avec un véhicule bélier dans une foule de piétons à Toronto, tuant 10 personnes, et il a affiché sur Facebook un message disant que la rébellion incel avait commencé.
Que faut-il de plus pour qu'un groupe soit considéré comme violent?
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Je vous remercie de la question, monsieur Lightbound.
[Traduction]
Le Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence a été inauguré en 2017. Il s'agit vraiment d'un centre d'excellence où on coordonne les efforts du gouvernement du Canada pour contrer la radicalisation menant à la violence et où on complète par la prévention et l'intervention certaines des mesures de sécurité dont vous entendez parler aujourd'hui.
Le Centre canadien s'occupe de tous les types de radicalisation menant à la violence, peu importe l'idéologie ou les motifs politiques ou religieux. Comme on peut le lire dans la Stratégie nationale de lutte contre la radicalisation menant à la violence, qui a été publiée il y a plusieurs années, il y a trois priorités. La première: acquérir, communiquer et mettre en application des connaissances. Il s'agit vraiment d'enrichir la base de connaissances que nous avons au Canada et à l'étranger. La deuxième: s'attaquer à la radicalisation menant à la violence en ligne. Comme vous le savez bien d'après la conversation d'aujourd'hui, c'est un souci primordial à l'heure actuelle. Enfin la troisième: soutenir les interventions de première ligne.
Soyons clairs, le Centre canadien ne travaille pas directement avec les personnes à risque ou celles qui se sont radicalisées vers la violence, mais ce que nous avons, c'est le programme de résilience communautaire. Chaque année, nous consacrons sept millions de dollars à des projets de recherche qui servent à enrichir notre base de connaissances, ainsi qu'à des praticiens de première ligne et des organismes communautaires qui préviennent et combattent la radicalisation au Canada. Ce sont des organismes de ce genre qui s'occupent des personnes qui donnent des signes de radicalisation menant à la violence.
À ce jour, nous avons financé environ 42 projets au Canada. Il y a les projets de recherche, mais les fonds vont en grande partie aussi à des programmes de prévention et d'intervention.
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Sur les 273 dossiers, il y en a environ un cinquième, dont la majorité sont contre le gouvernement et contre la police. Ce que nous voyons, ce sont des propos désobligeants, des propos blessants à l'égard de représentants élus ou nommés. Je dirais que la plupart du temps, ou pour une bonne part, ils ne franchissent pas le seuil à partir duquel on peut porter des accusations au criminel.
C'est là que nous faisons de l'interruption. L'équipe qui s'en charge travaille avec celle des sciences du comportement pour essayer de mieux comprendre les personnes. Il y a des enjeux de santé mentale à considérer, mais souvent, ce que nous constatons, c'est qu'il suffit de cogner à la porte pour que cessent les propos en question.
Les gens se sentent parfois en sécurité dans leur sous-sol. Ils se sentent protégés parce qu'ils sont en ligne et non face à face, mais une simple interruption fait aussi bien l'affaire.
Est-ce que cela a augmenté? Oui. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons constaté une augmentation des agissements que nous surveillons, pas nécessairement envers tous les députés élus, mais envers les ministres. À mon avis, ce que nous voyons, ce sont des gens qui sont à domicile en raison de la COVID et qui se sentent protégés sur Internet. Je dirais que nous avons constaté une augmentation des propos négatifs. Ce ne sont pas toujours des menaces.
Je pense que M. Flynn aimerait ajouter quelque chose, monsieur le président.
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Je ne peux pas me dérober. C'est moi qui ai dit cela.
Pour les menaces à la sécurité nationale, il y a un numéro 1-800 à la GRC, 1-800-420-5805, mais je pense que le message qu'en veut lancer ici à la population canadienne est d'appeler la police locale, la police compétente. Nous avons des liens dans les différentes provinces avec les corps de police compétents. Ils comprennent les rôles, les responsabilités et les mandats. Si c'est urgent, évidemment, il y a le 911, et il y a d'autres façons de communiquer avec la police compétente.
Pour moi, c'est très important, parce que, je le répète, les forces de l'ordre, les services de sécurité, ne peuvent pas détecter tout ce qui se passe. La plus grande partie du travail que nous faisons dans ce domaine part des signalements que nous font les citoyens.
Au nom du Comité et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier du service que vous rendez à notre pays. Beaucoup d'entre vous font carrière en toute discrétion parce que c'est une nécessité du travail, mais je pense qu'il faut reconnaître publiquement le service immense que vous rendez à notre pays.
Je tiens aussi à vous remercier d'avoir bien voulu comparaître aujourd'hui malgré le court préavis et de vous être pliés aux caprices des calendriers parlementaires. Vous avez été très généreux de votre temps, et nous vous en sommes reconnaissants. Vous avez certainement donné un excellent coup d'envoi à notre étude.
Sur ce, chers collègues, je pense que nous allons prendre congé. M. Harris pourra voir à ses besoins nutritionnels, et M. Fisher fera de même, en partageant sans doute un repas avec M. Harris.
Merci beaucoup et à plus tard. La séance est levée.