INST Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 24 avril 2001
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons aujourd'hui les politiques relatives à la science et à la technologie. Nous en sommes aujourd'hui à la première de nos tables rondes portant sur les contributions des sciences et de la technologie à l'économie axée sur le savoir.
Nous accueillons avec plaisir aujourd'hui M. John Baldwin, directeur de la Division des études de l'analyse micro-économique à Statistique Canada. Il n'est pas inconnu à notre comité et nous lui souhaitons à nouveau la bienvenue.
Nous recevons également, de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, M. Jason Myers, premier vice-président et économiste en chef ainsi que coprésident de la Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts. Lui aussi a déjà comparu, et nous l'accueillons à nouveau avec plaisir.
Je propose à nos deux invités de nous faire d'abord une déclaration, après quoi nous pourrons leur poser des questions, si cela leur convient. Commençons par M. Baldwin, à moins que nos témoins préfèrent procéder autrement.
M. John R. Baldwin (directeur, Division des études de l'analyse micro-économique, Statistique Canada): Non, cela nous convient.
Bonjour. On m'a demandé de vous parler de certaines de nos recherches qui pourraient vous intéresser en matière d'innovation, et de vous parler particulièrement de ce dont il est question aujourd'hui, soit de la contribution des sciences et de la technologie à l'économie.
Nos travaux trouvent leur origine dans une initiative de Statistique Canada qui remonte à six ans et qui était censée nous faire mieux comprendre la démarche que constituait l'innovation. L'initiative avait pour but d'élaborer diverses nouvelles sources de données afin de nous fournir des renseignements sur les différentes démarches.
Nous avons commencé par l'innovation au Canada, en mettant particulièrement l'accent sur l'hétérogénéité du mécanisme sous-jacent. Nous avons également tenté de comprendre la nature du réseau de soutien qui facilite l'innovation, notamment le rôle des multinationales, la R-D et les tierces parties comme les universités.
Comme deuxième série de données, nous avons élaboré des sondages portant sur la nature du mécanisme d'innovation des petites entreprises, ce qui, je le sais, intéressera certains d'entre vous. Nous nous sommes demandés tout particulièrement si les petites entreprises fonctionnaient différemment des grandes dans leur mécanisme d'innovation. Nous avons voulu savoir si elles faisaient face à des difficultés de financement particulières.
Enfin, nous sommes à mettre au point une série de sondages qui nous permettront de nous pencher sur le lien qui existe entre le capital humain, les compétences des travailleurs et le mécanisme d'innovation.
Je tenterai de résumer brièvement les grandes leçons que nous en avons tirées et je commencerai par certaines des conclusions que nous avons tirées de nos sondages sur l'innovation.
En premier lieu, l'innovation est généralisée. Il ne convient pas—et c'est inutilement limitatif—de diviser le monde entre la nouvelle économie axée sur le savoir et, par déduction, l'«ancienne» économie. En effet, on trouve de l'innovation dans toutes les industries, mais cette innovation varie considérablement, depuis des changements mineurs et des produits qui sont d'abord accessoires jusqu'à la mise au point de produits flambant neufs qui deviennent des découvertes mondiales.
Il est vrai que l'innovation est en tout temps plus intense dans certains endroits plutôt qu'à d'autres. Mais peu importe l'industrie, il y a partout des entreprises novatrices qui introduisent sur le marché de nouveaux produits et de nouveaux procédés, ou parfois les deux simultanément.
En second lieu, l'innovation est hétérogène. L'innovation consiste en différents types de résultats et l'intensité de cette innovation varie d'une industrie à l'autre et d'une entreprise à l'autre. Aucune dimension ne domine en elle-même les autres, mais certaines ont plus de poids que d'autres.
Une des dimensions qui a attiré considérablement l'attention sur elle, c'est la différence entre l'innovation dans les produits et l'innovation dans les procédés. Dans le sondage sur l'innovation mené en 1993, le groupe d'entreprises le plus important a signalé des procédés novateurs sans que ceux-ci soient accompagnés simultanément de nouveauté dans les produits. Toutefois, il ne conviendrait pas de conclure que le Canada se spécialise uniquement dans ce type d'innovation. Un certain nombre d'entreprises suivaient de près le premier groupe et nous signalaient qu'elles avaient introduit à la fois des nouveaux produits qui comportaient des changements technologiques et une combinaison des deux. Autrement dit, l'innovation au Canada est polyvalente.
Nos études ont également démontré que les innovations varient considérablement en ce qui concerne leur nouveauté. Les innovations les plus originales et de classe mondiale sont évidemment plus rares que celles qui introduisent sur le marché canadien de nouveaux produits ou de nouveaux procédés qui ont été créés à l'étranger. Mais les deux sont relativement importants.
• 0915
En troisième lieu, les possibilités technologiques varient
d'une industrie à l'autre, de même que l'intensité de l'innovation.
Autrement dit, à peine une poignée d'industries de base, comme on
les appelle—les industries chimiques, de l'électronique, de la
machinerie et des instruments—sont à l'origine d'une grande
proportion d'innovations.
Les industries plus évoluées des secteurs secondaires et autres, reçoivent leurs nouveaux matériaux et leurs produits intermédiaires du secteur clé, tout comme leur nouvel équipement et leur nouvelle machinerie. Ces industries produisent généralement un plus grand nombre de biens homogènes standardisés qui se font concurrence au niveau des prix, ou alors des produits de consommation différenciés qui se font concurrence au niveau de la marque. Nous avons constaté que les entreprises du secteur clé font état de deux fois plus d'innovations que les entreprises de l'autre secteur.
Toutefois, il est évident que ces dernières font preuve elles aussi d'innovation. Il y a ingestion, digestion puis adaptation de l'innovation, ce qui exige considérablement d'efforts.
Vous avez donc un noyau d'industries qui produisent des nouveaux biens et un autre réseau d'industries qui ont appris à ingérer la nouvelle machinerie et les nouveaux matériaux et dont la croissance et la productivité économique découlent de ce noyau. Cette démarche d'apprentissage est essentielle pour assurer la productivité et la croissance de ces secteurs.
En quatrième lieu, on assiste à une spécialisation considérable des fonctions d'un acteur à l'autre dans le mécanisme d'innovation. Chez les petites entreprises, le taux d'innovation les grandes entreprises, mais elles appartiennent d'habitude à un réseau d'innovation qui regroupe des grandes entreprises. Cet effet dû à la taille se retrouve dans la plupart des industries. À preuve, le taux d'innovation chez les multinationales était beaucoup plus élevé que chez des entreprises purement canadiennes. Mais si ces entreprises canadiennes sont également exportatrices, elles font alors preuve d'autant d'innovation—ou presque—que les multinationales étrangères.
En cinquième lieu, on peut se demander quelle est l'incidence des innovations? Les innovations du côté des procédés peuvent viser à tirer parti des économies d'échelle, ou peuvent avoir principalement comme objectif de rendre le procédé de production plus souple, en réduisant les économies de volume dans une chaîne de fabrication, en permettant un roulement rapide des produits ou en facilitant la personnalisation rapide des produits.
Nous constatons que l'innovation au Canada agit surtout sur la capacité d'une entreprise de répondre avec souplesse aux besoins de sa clientèle. Bien que l'innovation joue effectivement un rôle, sur les économies d'échelle et permette d'améliorer les coûts, c'est la flexibilité accrue et la capacité de répondre aux petits marchés qu'elle offre semblent être ce que recherchent avant tout les entreprises canadiennes.
En sixième lieu, l'innovation semble améliorer les compétences. Chez des entreprises que nous avons étudiées, l'innovation a permis d'accroître la demande de cols blancs plutôt que de cols bleus.
En septième lieu, on se demande quelles sont les sources d'information. Nous avons étudié de façon approfondie à quel point l'innovation avait dépendu principalement de connaissances produites à l'interne de même que l'importance de l'une de ces formes particulières de connaissances, soit la R-D.
Nous avons constaté que l'innovation dépend à la fois de connaissances produites à l'interne et de connaissances acquises de l'extérieur. Les processus d'innovation sont alimentés par des sources multiples, certaines internes et d'autres externes. Les idées de produits et de procédés nouveaux et améliorés naissent lors de transactions commerciales avec clients et fournisseurs, avec des entreprises connexes ou indépendantes, et avec d'autres sources externes. Les idées concernant de nouvelles possibilités commerciales sont saisies—et adaptées à l'avantage de l'entreprise—par ses cadres dirigeants, son unité de recherche et sa division de mise en marché et de génie. Vous voyez que l'innovation dépend de plusieurs joueurs.
Bien que les sources d'information soient multiples, dans la plupart des sondages, la R-D est citée comme étant la source la plus importante de renouvellement des idées—mais venant après les idées émises par la direction de l'entreprise. Bien que les résultats confirment l'importance généralisée de la R-D, ils démontrent également que dans certains cas, il faut faire appel à d'autres sources pour venir compléter la R-D.
En ayant recours à l'analyse statistique, nous avons constaté qu'il existe effectivement trois grappes de types d'entreprises qui combinent des liens externes avec des capacités internes. Les deux premiers groupes dépendent de la R-D. L'un d'entre eux développe des réseaux avec des partenaires commerciaux; quant à l'autre, il dépend plus fortement de ses ressources internes et développe la capacité d'intégrer des sources de connaissances extérieures en combinant les capacités internes de R-D aux retombées des connaissances extérieures tirées d'instituts de recherche.
Toutefois, il existe une troisième grappe qui vaut son pesant d'or pour le Canada, et c'est une solution de rechange au modèle classique de R-D. Il s'agit du type d'entreprises qui mettent l'accent sur les capacités de génie et leur savoir-faire en matière de production à l'interne et combinent ces compétences aux retombées des connaissances des universités. En effet, il semble que les universités soient un maillon important de la chaîne d'innovation, tout particulièrement lorsque vient le temps de soutenir la recherche appliquée.
En résumé, la production de savoir relié à l'innovation fait beaucoup appel, mais pas exclusivement, à la R-D.
• 0920
Je vais parler un petit peu de ce processus de R-D. À cet
égard, et si l'on compare les dépenses de recherche et de R-D par
rapport à la production brute générale, le Canada n'est pas à la
tête des pays de l'OCDE. Ce n'est pas que nos entreprises ignorent
la fonction R-D au Canada. En réalité, près des deux tiers des
firmes du secteur manufacturier, dans l'enquête sur l'innovation de
1993, déclarent faire de la R-D. Et les statistiques à cet égard
montrent que plus des deux tiers des entreprises en font sous une
forme ou sous une autre, mais dans la plupart des cas il s'agit
d'une activité occasionnelle. C'est-à-dire qu'une minorité de
firmes seulement consacrent une partie de leur activité à la R-D de
façon permanente, et parmi celles-ci seules quelques firmes ont des
installations spéciales où l'on se consacre à la R-D.
L'économie canadienne se caractérise alors par l'existence d'un nombre relativement petit d'innovateurs et de firmes qui font de la R-D spécialisée. Les réseaux de recherche sont d'ailleurs à ce niveau extrêmement importants.
À quel point la R-D joue-t-elle un rôle clé? Nous nous sommes demandé, dans notre recherche, si cette R-D est effectivement une condition du processus d'innovation. Et si l'activité de R-D est relativement modeste au Canada, c'est peut-être la preuve que les résultats ne sont pas très bons, et que ça n'a finalement aucun effet sur l'innovation à proprement parler une fois que les dépenses ont été engagées. Eh bien, rien ne semble confirmer cette supposition.
Nous constatons, bien au contraire, que cette R-D aboutit à une certaine innovation. Les entreprises qui font de la R-D sont plus susceptibles d'innovations, et c'est une probabilité assez élevée.
Mais nous constatons également que l'innovation au Canada est liée très étroitement aux connaissances dans le secteur de l'ingénierie, et à la capacité d'adapter des techniques de pointe à la production canadienne. À cet égard, les multinationales étrangères jouent un rôle important puisqu'elles sont un canal par lequel les transferts de technologie peuvent se faire de façon continue.
Les installations de R-D permettent également d'autres activités de complément, ou de substitution. Le fait pour une firme de faire de la R-D fait passer ses chances d'innover de 10 à 40 p. 100, soit une augmentation de 30 p. 100. Si, par ailleurs, il s'agit d'une firme où la technologie joue un rôle essentiel, c'est-à-dire la production et l'ingénierie, les chances pour cette firme de devenir novatrice augmentent dans la même proportion que dans l'exemple précédent.
Dixièmement, nous avons constaté que l'effet des sciences et de la technologie s'inscrit dans le processus d'innovation de diverses façons. Il y a d'abord la R-D, mais ça n'est pas la seule possibilité. C'est-à-dire que les entreprises traduisent les progrès des sciences et de la technologie dans leurs produits en développant ou en adaptant de nouvelles technologies. Ainsi, un cadre supérieur d'une entreprise canadienne extrêmement performante m'a confié que la raison de son succès n'était pas qu'il ait dépensé un seul sou en R-D—il ne consacrait effectivement aucun budget à ce poste—mais plutôt qu'il ait consacré des sommes énormes pour se doter de la meilleure équipe d'Amérique du Nord dans le domaine des technologies de l'ingénierie. C'est ce qu'il m'a dit.
Onzièmement, les droits sur la propriété intellectuelle sont là, comme nous le savons, pour protéger des investissements en matière d'innovation. Les firmes de notre enquête ont reconfirmé l'importance de cette dimension. C'est-à-dire que ce sont des entreprises qui se prévalent de ces droits, qui ont recours à la marque de commerce et aux brevets fréquemment. Et notamment à chaque fois qu'elles veulent défendre une innovation.
Douzièmement, quelle est l'importance des spécialistes du savoir dans cette économie? Nous avons constaté une augmentation importante, dans tous les secteurs, de la proportion de ces spécialistes qui ont une formation supérieure. Tout cela confirme bien ce que nous avons constaté jusqu'ici. C'est-à-dire que l'économie du savoir est un fait omniprésent. Et l'on voit partout un mouvement se dessiner en direction de cette économie du savoir.
Ainsi, le pourcentage des travailleurs qui peuvent être définis comme appartenant à cette économie du savoir, est passé de 14 p. 100 en 1971 à 22 p. 100 en 1996, dans ce pays. Si nous nous en tenons aux catégories professionnelles scientifiques, nous constatons la même tendance avec une augmentation qui a presque doublé sur la même période.
Bien sûr, ces travailleurs du savoir se retrouvent plus dans certaines industries que dans d'autres, mais on voit les pourcentages augmenter partout. Certaines de ces augmentations les plus importantes se retrouvent même parfois dans ce que l'on considère être de vieux secteurs d'activité dans ce pays, les forêts et les mines. Autrement dit, dans le secteur primaire.
Mais les services financiers et commerciaux, dont il est évidemment souvent question, ont aussi vu ces pourcentages augmenter de façon radicale. L'augmentation des scientifiques a également été la plus importante dans les services commerciaux, les communications, les forêts et les mines.
Voilà donc un résumé général de l'importance de la R-D, en même temps que de la technologie et des sciences, dans la structure industrielle du Canada. Je vais dire quelques mots sur la façon dont on peut utiliser cette mesure de la R-D pour évaluer la place du Canada dans l'ensemble des nations industrialisées.
Je vais d'abord me permettre un petit avertissement, ayant été moi-même un grand défenseur de la R-D.
• 0925
Il est bien connu maintenant que la R-D n'est pas une activité
à laquelle on consacre beaucoup de temps et d'argent au Canada. Le
ratio des dépenses de R-D par rapport au PIB est plus bas au Canada
que dans bien des pays de l'OCDE. Cela ne veut pas dire que notre
industrie est en retard pour ce qui est de notre capacité de
profiter des connaissances découlant de la R-D.
N'oublions pas que plus de la moitié des industries du secteur manufacturier canadien sont la propriété de capitaux étrangers, ce qui veut dire que la R-D qui est faite dans les maisons mères à l'extérieur du Canada profite à ces entreprises. Si vous tenez compte des dépenses de R-D au Canada, et de ce que nos entreprises paient pour ce qui est fait à l'étranger dans ce domaine, nous voyons que notre pays retrouve alors un rang tout à fait honorable dans la liste.
Certaines recherches faites dans les universités, par des gens comme Jeff Bernstein à Carleton qui se sont penchés sur la question, constatent que la croissance de la productivité au Canada profite largement des retombées des dépenses de R-D aux États-Unis. Nos propres études montrent que les entreprises du secteur manufacturier canadien qui sont la propriété de capitaux étrangers ont une productivité de main-d'oeuvre supérieure à celle des usines à proprement parler canadiennes, et que l'écart entre ces deux catégories a augmenté au cours des 20 dernières années.
Il faut aussi remarquer que cette liste qui compare les ratios de R-D et de PIB devient une source d'erreurs si l'on n'apporte pas de corrections pour tenir compte de la nature particulière des tissus industriels d'un pays à l'autre. Comme je l'ai dit au début, l'innovation diffère beaucoup d'une industrie à l'autre.
Certaines études ont montré que certains secteurs d'activité, l'électronique et la construction de machines, sont des secteurs clés pour l'innovation. C'est-à-dire qu'une partie importante de la R-D s'y est faite, et que le volume d'innovation dépasse les besoins. Dans d'autres secteurs, l'alimentation par exemple, on utilise des nouveaux matériaux et des nouvelles machines qui viennent de ces secteurs clés; on ne dépense pas autant en R-D, mais plus en technologie, ingénierie et systèmes de production. Les deux secteurs collaborent dans un rapport de véritable symbiose, mais on fait plus de R-D dans le premier, alors que le deuxième dépense en technologie et en processus de production.
Dans certains pays le secteur clé est plus développé, dans d'autres pays c'est le contraire, et c'est le cas du Canada qui va alors dépenser moins en R-D, même si l'on y dispose d'un secteur industriel hautement novateur.
Il y a une deuxième raison pour laquelle nous devons être prudents lorsque nous utilisons les ratios de R-D par rapport au PIB, pour nous situer dans l'ensemble des pays industrialisés. Après tout, ce ratio est un rapport entre un intrant et un extrant total.
Il n'est pas toujours sûr que nous voulions maximiser le ratio intrants-extrants. Voulons-nous par exemple essayer de maximiser nos dépenses de transport ou notre coût de main-d'oeuvre? Si c'était le cas, cela signifierait que nous voulons des ratios de productivité bas pour la main-d'oeuvre, et non pas élevés.
Ce que nous voulons en réalité, c'est maximiser le rendement par rapport aux intrants, ou réduire au minimum le ratio intrant-extrant. D'une certaine manière, avoir une économie prospère et forte qui fait plus avec moins, y compris en matière de R-D, doit être notre objectif final.
Même si l'on ne fait pas de R-D de façon intensive au Canada—les chiffres sont souvent cités pour dire que nous avons là un problème grave—cela ne doit pas être interprété comme signifiant que les scientifiques canadiens ne sont pas efficaces. Nous avons énormément de preuves montrant que les universités canadiennes qui font de la R-D réussissent, et que le nombre de documents produits, le nombre de brevets déposés, est relativement élevé, si l'on ramène ça au nombre d'universitaires.
Vous pouvez utiliser cette même mesure pour juger de l'efficacité de la R-D au Canada. Si nous créions un indice du nombre de brevets utilisés sur les marchés américains par rapport au nombre de scientifiques de R-D du pays d'origine, et si nous faisions ce calcul pour le Canada et les pays européens, nous nous retrouverions dans la bonne moyenne. C'est-à-dire que les scientifiques canadiens en R-D sont d'une efficacité tout à fait honorable.
Voilà donc la première partie de mon exposé. Il y aura un certain nombre d'autres points qui traiteront des petites entreprises. J'en ai déjà touché un mot à M. Lastewka, et je pourrai aborder cela plus tard. Mais pour l'essentiel et pour les petites entreprises, c'est à peu près la même chose.
Les petites entreprises s'engagent elles aussi dans de nombreuses activités d'innovation. Elles font moins de R-D. Elles se concentrent plus sur les technologies de la production. Les petites entreprises qui réussissent et qui grandissent sont, de loin, les plus novatrices. Ces petites entreprises qui utilisent de nouvelles technologies, c'est-à-dire en réalité toutes les entreprises du secteur manufacturier canadien qui adaptent de nouvelles technologies, ont connu une croissance plus rapide et une augmentation plus importante de la productivité de leur main-d'oeuvre. En quelque sorte nous nous répétons. Je voulais donc dire que le secteur des petites entreprises est aussi novateur de façon générale que celui des grandes firmes.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Baldwin.
Nous allons maintenant passer à M. Myers pour sa déclaration liminaire.
M. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada): Merci beaucoup.
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui, au début de vos audiences sur une question extrêmement importante pour l'avenir de l'économie canadienne.
J'ai préparé quelques notes pour une déclaration liminaire, et je vais vous les lire. Il s'agit d'une réflexion, sur la contribution des sciences et de la technologie à cette économie du savoir, en privilégiant notamment le point de vue de la fabrication.
• 0930
J'ai également apporté quelques articles. L'un d'eux—et on
m'a rappelé ce matin que l'on y voit ma photo—est un article qui
a paru dans la revue des Manufacturiers et exportateurs du Canada,
article qui traite du paradoxe de la productivité canadienne. J'y
reviendrai plus tard, mais je pensais que ce serait peut-être utile
de mettre en rapport certaines réflexions sur les sciences et la
technologie, le développement du savoir et l'investissement dans la
R-D, avec les thèmes de la productivité et de la compétitivité.
Pour ce qui est des autres documents que j'ai apportés, je n'en ai pas beaucoup à distribuer, malheureusement, mais je les ai donnés au greffier. Je vous en laisserai juges. Il s'agit d'un catalogue d'un de nos programmes les plus importants destinés à nos membres, intitulé Aperçus novateurs. Il est en rapport avec un autre programme de notre MEC, les Visites technologiques.
Ces deux programmes doivent montrer quelles sont les meilleures pratiques et doivent également permettre de diffuser toute une information sur les pratiques manufacturières de calibre mondial, sur la gestion de la technologie, la gestion de la main-d'oeuvre et les nouveaux systèmes de production. Ces visites, qui sont des visites d'usines, sont ouvertes à tous les manufacturiers. Nous en avons à peu près 100 chaque année, auxquelles participent 3 000 personnes du secteur manufacturier, personnel essentiellement opérationnel—les vice-présidents des ressources humaines, des opérations, de la R-D, etc.
Je vous laisserai ce catalogue. Les entreprises qu'on y présente, membres de notre association, viennent de toutes les régions du pays et sont des chefs de file dans le domaine des pratiques commerciales de calibre international. J'aimerais inviter le comité à participer à un des aperçus novateurs. Si vous disposiez du temps nécessaire, nous serions certainement très heureux de vous faire visiter des installations qui vous intéressent. Je suis convaincu que nous pourrions vous faire voir des pratiques de calibre international en ce qui a trait aux investissements, à la façon dont les manufacturiers gèrent la R-D, les sciences et la technologie ainsi que de leurs employés aujourd'hui.
Comme je l'ai déjà dit, je désire aujourd'hui faire quelques observations générales. Certains de ces commentaires seront de nature très générale et d'autres un peu plus pointus et porteront sur certains des changements qui se produisent dans le secteur de la fabrication; j'aimerais vous dire pourquoi les sciences et la technologie, la R-D et l'innovation, comme l'a signalé John Baldwin, sont très importants non seulement pour l'avenir de l'économie canadienne mais également pour l'avenir du secteur manufacturier au Canada.
J'aimerais faire d'abord des commentaires très généraux qui pourraient vous être utiles lors de vos prochaines réunions et orienter la façon dont vous évaluez la contribution des sciences et de la technologie à la croissance économique.
Mon premier commentaire n'est pas vraiment nécessaire, mais je crois qu'il permettra peut-être d'orienter quelque peu les discussions—en effet, l'objectif d'une politique en matière de sciences et de 3technologie doit être la transformation de la connaissance en une valeur concrète. Le savoir c'est bien joli, mais si nous voulons contribuer à une économie fondée sur le savoir, il faut absolument puisse utiliser ces connaissances.
Pour les entreprises, il importe de commercialiser ce savoir, de traduire les idées et les résultats de la technologie en emplois hautement rémunérés et en profits parce qu'il s'agit là des deux composantes de la valeur économique. Il importe également, du point de vue de la politique publique, de transformer le savoir, les sciences et la technologie, et les capacités de l'industrie canadienne en des mécanismes qui permettront aux entreprises d'atteindre les objectifs de politique publique qu'on leur a fixés.
• 0935
Dans le domaine de l'environnement, par exemple, le secteur de
l'amélioration de l'efficacité énergétique et la façon dont les
entreprises relèvent le défi que pose le changement climatique
dépendent dans une large mesure de leur capacité à innover, à
utiliser les nouvelles sciences et les nouvelles technologies pour
réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tout cela dépend de
leur capacité à investir dans cette nouvelle technologie. La
transformation du savoir en valeur est une chose très importante.
Mon deuxième commentaire général est le suivant: la connaissance découle, comme John l'a signalé, de bien des choses. Elle découle du processus de recherche scientifique et de développement expérimental. Elle fait partie intégrante des nouvelles technologies. Mais ce n'est pas les seuls aspects de la connaissance qui comptent aujourd'hui dans une économie novatrice. La capacité de résoudre des problèmes et la créativité de la population active sont également des facteurs très importants. L'expérience et les connaissances techniques des employés ainsi que les habiletés en gestion sont également des facteurs très importants.
D'après les membres de notre association, un de leurs plus grands problèmes aujourd'hui consiste à conserver et à attirer une main-d'oeuvre qualifiée. Ils doivent également tenir compte du fait qu'au cours des 10 prochaines années, ils perdront, à cause des mises à la retraite, un certain nombre d'employés hautement qualifiés et chevronnés. Je crois que la même chose vaut pour l'infrastructure d'innovation. C'est un problème auquel font aussi face les universités et les collèges, ce taux de roulement attribuable à la retraite.
Comment remplacer ces gens? Il ne s'agit non pas seulement de remplacer les compétences, mais également l'expérience et le savoir-faire.
Le troisième commentaire est également de nature très générale et reprend ce que John a déjà dit, soit que le savoir est une ressource planétaire. Évidemment, il est très important de s'assurer que nous avons une infrastructure d'innovation solide au Canada, mais il importe également de se pencher sur la capacité des entreprises canadiennes d'avoir accès au savoir, aux compétences et aux technologies de toutes les régions du monde.
Quatrième commentaire général: même si le savoir se traduit en recherche scientifique et en technologie, l'une des meilleures façons de le transférer aux entreprises, c'est l'éducation et le perfectionnement des compétences. Autrement dit, c'est dans l'esprit de ceux qui travaillent pour les entreprises de fabrication, dans les compétences qu'ils ont acquises et les connaissances qu'ils incarnent. C'est extrêmement important et l'un des moyens les plus efficaces de transférer le savoir entre les organisations de recherche et les universités et le milieu des affaires.
Je ferai une dernière observation très générale. Quand on regarde l'histoire des politiques et des programmes d'aide aux sciences et à la technologie—au Canada et ailleurs—on constate qu'il est très important de ne pas gaver les milieux d'affaires avec de l'information scientifique et technique. L'idéal, c'est d'améliorer les capacités des entreprises et leur demande d'information.
À mon avis, trop de programmes ont échoué au Canada et ailleurs parce qu'ils reposaient sur la prémisse qu'il suffisait de fournir à l'entreprise l'information sur les percées technologiques ou encore de renforcer la capacité de recherche au pays et que l'entreprise allait l'assimiler. Eh bien, les entreprises ont une multitude de brevets dans leurs dossiers. Elles ont quantité d'informations sur les nouvelles technologies. Elles peuvent aujourd'hui avoir accès à l'information sur la recherche scientifique d'une multitude de sources. Ce qui compte, c'est de renforcer la capacité d'absorption des entreprises et leur capacité non seulement d'imaginer de nouveaux produits mais d'investir dans les nouvelles technologies habilitantes.
Ce sont des observations très générales. Je ne les énumérerai pas toutes. Je tiens toutefois à souligner l'importance du secteur manufacturier pour le Canada. Comme John l'a dit, il n'y a pas d'antinomie entre la nouvelle et la vieille économie. Dans le secteur manufacturier canadien, celui qui représente une grande partie de notre R-D, de nos exportations, de nos emplois, etc., j'aurais bien du mal à dire d'un secteur qu'il ne fait pas partie de la nouvelle économie. Il y a une concurrence sur le plan soit de l'innovation et de la conception de nouveaux produits ou services, soit sur celui de l'investissement dans les travailleurs du savoir, les nouvelles technologies habilitantes et les nouveaux services à la clientèle.
• 0940
J'aimerais dire toutefois quelques mots à propos des
considérations économiques relatives à la restructuration que nous
avons observée dans le secteur manufacturier, surtout au cours des
10 dernières années. Aujourd'hui, ce qui est essentiel à la
croissance, c'est que les sociétés créent quelque chose qui ait de
la valeur pour leurs clients. Nous avons assisté à une ouverture
considérable des marchés ici au Canada et dans le monde. Cela a
rendu plus intense la concurrence entre les entreprises de
fabrication, non seulement ici mais aussi à l'étranger.
Peu d'entreprises aujourd'hui peuvent se payer le luxe—ou se payer tout court la possibilité—de refiler des coûts de production plus élevés à leurs clients sous forme de prix plus élevés. De fait, depuis 1989, il y a 10 ou 11 ans, en moyenne, les prix de vente des manufacturiers ont augmenté d'environ 20 p. 100. Cela fait moins de 2 p. 100 par année. Pourtant, peu de coûts de production ont si peu augmenté. Les coûts de main-d'oeuvre directe ont augmenté de 45 p. 100. Ceux des matériaux de 52 p. 100. Les coûts de l'énergie ont plus que doublé et ont en fait augmenté de 140 p. 100 pendant cette période, surtout au cours des deux dernières années. Les coûts des immobilisations ont aussi augmenté d'environ 36 p. 100.
Les entreprises de fabrication disposent donc d'un faible effet de levier pour ce qui est des prix aujourd'hui. De fait, dans bien des secteurs, les prix chutent. Pensez au secteur de l'électronique ou à celui de l'automobile, où les réductions de prix sont prises en compte dans les contrats. Pourtant, les coûts de production, eux, montent.
La seule façon dont les entreprises peuvent survivre à cette compression de marge, c'est d'augmenter leur productivité; autrement dit, produire davantage que la valeur des intrants. C'est ce que les entreprises ont fait. Elles ont cherché à abaisser leurs coûts de production unitaires en réduisant leurs frais généraux le plus possible, non seulement au moyen de la réduction des stocks et des activités non essentielles, mais aussi en réduisant le gaspillage, la durée de fabrication et les délais de mise sur le marché et en réduisant l'espace nécessaire à la fabrication. Dans cette opération, l'automatisation et l'adoption de nouvelles pratiques commerciales ont été déterminantes. C'est ici qu'intervient le savoir.
La deuxième question—et je trouve qu'elle est extrêmement importante, car il est tentant d'opter pour la solution de facilité quand il faut réduire les coûts—consiste à savoir comment cibler le réinvestissement pour favoriser la croissance. Par ailleurs, les entreprises canadiennes cherchent à donner à leurs produits et services une plus grande valeur ajoutée. Elles cherchent notamment à individualiser et à améliorer la conception de leurs produits et services, à offrir des gammes de produits spécialisés, à se tailler des créneaux et à mettre au point de nouveaux produits et services. Elles ont dû assumer ce rôle d'innovation générateur de valeur ajoutée afin de rentabiliser leurs activités.
Troisièmement, il y a bien sûr l'extension de l'activité commerciale à l'échelle internationale. Je n'ai sûrement pas besoin de vous dire à quel point le secteur industriel canadien est intégré dans le secteur industriel américain. Plus de 60 p. 100 des biens manufacturés canadiens sont vendus sur le marché américain. Comme l'a fait remarquer John, les États-Unis sont aussi une source extrêmement importante de savoir, d'informations scientifiques et de technologies.
Je peux vous citer des exemples d'entreprises manufacturières, dans presque tous les secteurs d'activité, qui offrent un produit de calibre mondial et qui ont vraiment réussi à prendre un nouvel essor. L'exemple le plus frappant pour moi est celui de Guigné International. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de cette entreprise. Elle a son siège à Paradise, à Terre-Neuve. C'est une entreprise qui avait été mise sur pied à l'origine pour faire la commercialisation de technologies du savoir permettant de cartographier le fond marin pour déceler la présence de poisson au large de Terre-Neuve. La quasi-disparition du poisson a obligé l'entreprise à se trouver un nouveau secteur d'activité.
J'ai visité Guigné International il y a deux ans. C'est une micro-entreprise, qui ne comptait que 15 employés à l'époque. Quand je suis arrivé là, j'ai vu au milieu de la salle un chaudron, qui semblait être en métal, où une balle de ping-pong se trouvait suspendue dans les airs par des ondes sonores de basse fréquence. L'entreprise était passée de la cartographie du fond marin à une nouvelle technologie de lévitation sonique.
• 0945
Cette technologie trouve son application dans la fabrication
de matériaux industriels spécialisés, avec lesquels rien ne doit
entrer en contact. Quand on fabrique des fibres optiques pures, on
veut éviter que le matériau entre en contact avec quoi que ce soit
qui puisse le contaminer. En lévitant le verre, on peut le
bombarder de lasers et en extraire un brin de fibre optique assez
pur. L'application de la technologie se fait dans une atmosphère de
faible gravité.
Guigné International est la seule entreprise au monde à avoir été invitée à assurer la toute première application commerciale de cette technologie dans l'espace. C'est une réussite extraordinaire, et je recommande fortement au comité qu'il entende Jacques Guigné, car non seulement la technologie est époustouflante, mais l'historique de l'évolution de l'entreprise saura aussi frapper votre imagination.
Je conclus rapidement en vous disant que la contribution des sciences et de la technologie—du savoir—a été manifeste dans tout le processus de restructuration. L'avènement de nouveaux systèmes d'informatisation et la conception, la mise au point, la modélisation et la mise à l'essai de nouveaux produits, notamment l'intégration des systèmes d'information qui, de nos jours, permettent aux entreprises d'exercer leurs activités dans le contexte de réseaux élargis qui s'étendent à l'échelle mondiale, sont autant de facteurs d'une importance vitale pour répondre aux nouveaux besoins des clients, qui ne cessent d'évoluer.
Le secteur industriel canadien a d'énormes défis à relever au cours des cinq à 10 années à venir. Il y a tout d'abord l'écart de productivité qui s'élargit entre le Canada et les États-Unis de même qu'entre le Canada et ses autres concurrents internationaux. Dans la conclusion du court article que j'ai rédigé pour le magazine des MEC, je fais remarquer que, si nous ne sommes pas aussi performants que les Américains, c'est notamment parce que nous n'avons pas su investir comme eux dans la technologie. Nous accusons un retard pour ce qui est des investissements visant à nous doter de nouvelles utilisations et d'une nouvelle capacité de production. Aussi nos machines doivent travailler plus longtemps et la technologie que nous utilisons ne nous assure pas la même croissance de la productivité que connaissent nos voisins du Sud.
De nos jours, les entreprises, notamment les petites entreprises, doivent assumer de nouvelles responsabilités; elles doivent assurer elles-mêmes la conception, la construction, le service, le financement de même que la qualité. Elles doivent répondre à ces nouvelles exigences pour pouvoir conserver leurs clients, surtout dans un contexte où ces clients ont recours à l'externalisation et à l'investissement à l'échelle mondiale. Je parle aussi d'autres défis, et vous pourrez y jeter un coup d'oeil. Je crois qu'ils sont extrêmement importants.
Partout dans le monde, les procédés de fabrication sont en train de changer. Ils se fondent de plus en plus sur la science: la science de l'usinage, la science des matériaux et la science de la gestion et de l'organisation commerciale de même que sur de nouvelles technologies révolutionnaires de mise en service. Nous voyons déjà l'effet de la technologie de l'information, mais nous n'avons encore rien vu. L'intelligence artificielle, les nanotechnologies, les biotechnologies, le micro-usinage et les nouveaux capteurs et matériaux évolués vont vraiment révolutionner, non pas seulement les procédés de fabrication, mais aussi les produits eux-mêmes, de même que la structure de l'activité de fabrication.
Un projet réalisé par le Conseil national de recherches en collaboration avec la Fondation nationale des sciences et un certain nombre d'autres organisations américaines, appelé Systèmes de fabrication de prochaine génération, a permis de repérer plusieurs autres caractéristiques. Il me semble que votre comité pourrait s'y reporter avec profit.
J'énumère aussi des priorités très générales pour l'élaboration d'une politique scientifique et technologique. En voici deux. Il y a d'abord le soutien à la R-D qui doit englober tout le cycle de vie du développement du produit, de façon à viser non pas seulement la conception de départ mais aussi la commercialisation des produits et services. Le soutien à l'infrastructure d'innovation est certainement une priorité pour ce qui est tant de la dotation dans les établissements de recherche universitaires et publics que des moyens matériels qui sont mis à leur disposition.
Enfin, il faut aussi un soutien au transfert du savoir entre les organisations de recherche, les établissements de recherche et les entreprises, car ces échanges sont d'une importance vitale, comme l'est d'ailleurs l'échange de savoir-faire et d'information entre les entreprises.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Myers.
Nous passons maintenant aux questions, en commençant par M. Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, AC): Merci de votre présence ici aujourd'hui, messieurs.
Monsieur Baldwin, j'ai retenu de votre exposé que l'innovation peut prendre diverses formes grâce à la R-D qui nous vient d'autres pays, grâce aux entreprises qui viennent s'installer chez nous—je crois que vous avez parlé de multinationales. C'est là un avantage dont le Canada peut profiter. Les entreprises innovent là où elles doivent innover pour être compétitives et, quand elles ont le personnel de recherche ou d'ingénierie voulu pour s'adapter à de nouvelles méthodes de production, elles peuvent aussi innover de ce côté-là. C'est le genre de choses qui se fait régulièrement.
En fin de compte, comme le dit le proverbe, nécessité est mère d'invention, et il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller tout en demeurant compétitif. Il semble toutefois que l'innovation soit un élément moteur, comme l'a dit M. Myers, pour les entreprises qui ont du mal à rester compétitives.
Les idées peuvent venir d'une multitude de sources, souvent de sources auxquelles on n'aurait pas pensé normalement. Prenons le cas de l'agriculture et du secteur pétrolier en Alberta. Les pétrolières voudraient pouvoir forer des puits dans les terres agricoles, mais quand on est rendu à trois ou quatre puits par quart de section, il devient assez difficile de cultiver la terre. Les agriculteurs se plaignaient donc du nombre de puits que foraient les pétrolières—pourquoi ne pas forer en un seul endroit et bifurquer ensuite? Voilà que 10 ou 12 ans après que cette idée a été lancée, les pétrolières en sont venues à considérer qu'il s'agit là d'une technologie extraordinaire. Elle leur permet d'explorer un territoire bien plus large, de trouver bien plus de gisements qu'auparavant, si bien qu'il n'est pas si difficile maintenant de les rallier à cette technologie. Voilà comment les choses se sont passées.
Cela m'amène à ma question: quel devrait être le rôle de la politique publique en ce qui concerne la R-D? Devrions-nous simplement attendre que le besoin fasse naître l'innovation? Ou le gouvernement devrait-il donner aux entreprises des fonds pour la R-D? Je songe notamment aux fonds accordés dans le cadre du Programme de partenariats technologiques. C'est là ma première question.
Ma deuxième question, monsieur Baldwin, découle de ce que vous avez dit au sujet des retombées de la R-D. Cela va de soi il me semble. Les entreprises qui viennent s'installer au Canada arrivent ici avec leur capacité de recherche. Elles ont déjà fait beaucoup de R-D, dont nous profitons. N'en est-il pas de même toutefois des entreprises canadiennes qui exercent leur activité à l'étranger? Même dans le cas d'entreprises comme la General Electric, qui reçoit des subventions de recherche du gouvernement canadien, nous ne sommes sûrement pas les seuls à en profiter. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
La présidente: Monsieur Baldwin.
M. John Baldwin: Permettez-moi de répondre à la deuxième question en premier. Il ne fait aucun doute qu'il y a d'importantes retombées qui sont largement diffusées. C'est l'argument qu'invoquent les économistes du milieu universitaire pour justifier la majeure partie des fonds publics accordés pour la R-D—ce sur quoi portait votre première question. Ces dépenses, disent-ils, que les entreprises ne sauraient assumer elles-mêmes, produisent des retombées importantes qui profitent essentiellement à l'ensemble de la société.
En ma qualité de représentant d'un ministère qui ne participe pas à l'orientation de l'action gouvernementale, je dois éviter de faire des recommandations, mais je peux vous parler des tendances qui se dessinent à cet égard. Chose certaine, ce qui intéresse les économistes et les universitaires, c'est de savoir où les retombées se font surtout sentir.
Nos enquêtes révèlent qu'il existe des retombées qui, bien souvent, comme disent les universitaires, sont internalisées: les entreprises exploitent des réseaux qui leur permettent d'internaliser de manière efficace les retombées, si bien qu'elles peuvent en récolter les fruits. Elles trouvent des moyens efficaces de faire fonctionner les marchés. Quand j'ai parlé des diverses façons dont les entreprises s'organisent en réseaux, surtout quand il s'agit de petites entreprises qui travaillent avec de grandes entreprises, ou encore de la collaboration entre clients et fournisseurs, je ne faisais qu'énumérer les moyens efficaces qu'ont trouvés les entreprises pour internaliser les retombées.
Or, il n'est pas toujours possible de protéger ainsi le savoir. Nous avons ciblé en tant que société des secteurs où il semble très difficile d'internaliser les retombées.
• 0955
Ainsi, nous avons consacré pendant bien des années d'énormes
sommes à l'agriculture, tant au Canada qu'aux États-Unis, y voyant
essentiellement un moyen de subventionner la R-D qui est
susceptible de produire des retombées et des avantages très
considérables pour notre société. C'est là un volet, à mon sens, de
l'action gouvernementale.
L'autre volet, bien sûr, c'est le soutien public que nous accordons depuis une trentaine d'années à quelque chose qu'on appelle la R-D, qui qu'il n'est pas aisé de définir. Les statisticiens, ceux du Canada et ceux des autres pays, essaient d'en arriver à une définition commune. À cette fin, ils ont élaboré, en collaboration avec l'OCDE, un manuel dit manuel Frascati, qui vise à définir et à codifier ce qui doit être inclus dans les catégories de dépenses de la R-D. Ils veulent ainsi pouvoir faire des comparaisons valables à l'échelle du pays, à faire en sorte que les mesures soient les mêmes. Il y a toutefois énormément de dépenses de R-D au Canada qui engendrent du savoir—Jayson en a parlé tout à l'heure—mais qui ne sont pas englobées dans la définition officielle.
M. Charlie Penson: Monsieur Baldwin, n'aurions-nous pas le même type d'innovation, le même type de R-D qui est difficile à mesurer, s'il n'y avait pas d'intervention de l'État? Deux optiques différentes s'offrent à nous. Il y a la recherche fondamentale qui se fait dans les universités et qui ne pose pas de problème. Ce qui me préoccupe, cependant, c'est que nous accordons des crédits aux entreprises pour la R-D au lieu de les laisser innover d'elles- mêmes. Cette innovation ne se ferait-elle pas de toute façon?
M. John Baldwin: Ce qu'on entend dire généralement, c'est qu'il y en aurait dans une certaine mesure, mais pas autant qu'on le souhaiterait dans les secteurs plus marginaux. Autrement dit, on a moins tendance à investir dans les secteurs où on risque de ne pas pouvoir récolter les fruits de ses innovations. Il y a du travail d'innovation qui se fait, mais il y en a tout simplement moins, et il est très difficile de mesurer le manque à gagner. Je n'ai pas encore vu d'études qui expliquent bien quel est le manque à gagner sur le plan de la recherche dans les circonstances.
M. Charlie Penson: Je veux vous interroger un peu plus en profondeur au sujet du modèle PTC. Je sais bien que vous avez indiqué ne pas vous occuper de l'orientation de l'action gouvernementale, mais vous avez fait beaucoup de recherche—je le vois dans votre document—dans bien des domaines différents. Vous vous êtes sans doute donc penché sur certains de ces aspects. Une entreprise comme Pratt & Whitney, par exemple, qui profite du programme de partenariats technologiques va sûrement utiliser cette technologie ici au Canada. Cependant, par le biais des retombées, la technologie sera aussi largement diffusée sur l'ensemble de son réseau. Ne nous trouvons-nous pas de ce fait à financer ses activités internationales?
M. John Baldwin: Jayson, pensez-vous pouvoir répondre de façon plus précise à cette question?
M. Jayson Myers: Les retombées de la R-D ne se limitent certainement pas au territoire canadien, mais il y a là aussi une question d'investissement. Dans le secteur de l'aérospatial à tout le moins, il est important aussi d'égaliser les règles du jeu ici et de se rendre compte que beaucoup de subventions sont accordées à de très gros fabricants d'aéronefs à l'étranger. Dans une certaine mesure, il est difficile dans le cadre de ce programme de faire la distinction...
M. Charlie Penson: Je préférerais en fait que ce soit M. Baldwin qui réponde à la question.
Des voix: Ah, ah!
La présidente: Monsieur Baldwin, avez-vous une réponse?
M. John Baldwin: Je peux répondre en me servant d'un exemple autre que celui de Pratt & Whitney. Nous venons tout juste de réaliser une enquête sur le secteur de la transformation des aliments, sur la dimension technologie et innovation de ce secteur extrêmement important pour la communauté agricole du Canada. Nous avons demandé aux entreprises: «vers quels pays vous tournez-vous pour la plupart de vos idées?» Au Canada français, plusieurs universitaires ont réalisé des enquêtes dans le cadre du programme de «veille technologique». Ces universitaires nous disent que c'est vers l'Europe qu'on se tourne. Ils nous disent que les idées en matière de nouvelles technologies qui sont assimilées avec le plus de succès par le secteur alimentaire proviennent d'Europe.
Nous profitons donc en ce moment de ce qui se fait dans cette partie du monde, et pas seulement de ce qui se fait aux États-Unis. Nous tirons un bénéfice énorme des idées qui nous viennent des autres pays du monde. Il y a un échange qui se fait.
M. Charlie Penson: N'est-il pas bon...
La présidente: Monsieur Penson, vous allez devoir garder cette question pour le prochain tour.
Monsieur Lastewka, vous avez la parole.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à vous, messieurs, de votre présence ici aujourd'hui.
• 1000
Les visites que nous avons faites au cours des dernières
années dans les divers laboratoires universitaires et publics qui
font de la R-D et les nombreuses discussions que nous avons eues
autour de cette table nous ont permis de nous rendre compte des
préoccupations relatives au transfert des résultats de la R-D qui
se fait dans les laboratoires universitaires et publics, et il
semble que le transfert ne se fait pas comme il se devrait à cause
d'un manque de talents.
Voici donc ma question: avez-vous fait des études ou des travaux sur le transfert de technologies des universités au public?
M. John Baldwin: Non, je n'en ai pas faits moi-même.
Nous avons à Statistique Canada un nouvel élément de programme qui s'intéresse aux échanges entre les universités et le secteur privé et qui devrait, d'ici un an ou deux, nous fournir de l'information à ce sujet.
Nous avons cherché à déterminer ce que les entreprises canadiennes considéraient comme des obstacles à l'innovation et à la réussite. Nous avons posé aux petites entreprises les mêmes questions qu'aux grandes entreprises. Les deux nous disent que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée est sans doute plus aiguë qu'elle ne l'a jamais été, et Jayson a déjà parlé de cela.
Quant aux autres problèmes liés à la difficulté d'obtenir de l'information, notamment sur les marchés étrangers et les nouvelles technologies, à la difficulté d'obtenir de l'information au moyen de la collaboration avec d'autres entreprises, il s'agit là d'obstacles importants pour les petites entreprises, mais pas pour les grandes entreprises.
Les grandes entreprises assimilent bien l'information. C'est ce qui explique qu'elles prennent de l'ampleur. Elles mettent au point des systèmes pour obtenir de l'information. Les petites entreprises nous disent qu'elles ont du mal à obtenir de l'information sur les possibilités d'exportation, sur les nouvelles technologies, et qu'elles ont aussi du mal à acquérir de nouvelles technologies par le biais d'autres intervenants, en l'occurrence des universités et des autres entreprises.
Nous savons que ce que vous percevez comme étant un problème est effectivement un problème généralisé, mais nous avons très peu d'information sur les moyens qui pourraient ou qui devraient être pris pour le résoudre. C'est une question pour laquelle les études de cas sont en fait plus utiles que les enquêtes à grande échelle.
M. Jayson Myers: À ce propos, je siège aussi au conseil d'administration du centre d'excellence Materials and Manufacturing Ontario, qui a été créé par le gouvernement de l'Ontario pour assurer le transfert des résultats de la recherche technologique et scientifique des universités ontariennes aux entreprises, notamment aux petites entreprises manufacturières. Je crois qu'il serait utile de communiquer avec Geoff Clark, qui est président du MMO. À ma connaissance, il s'agit du seul centre d'excellence qui se concentre sur la technologie manufacturière.
D'après mon expérience, le transfert de ce type de technologie pose un certain nombre de difficultés. Il y a tout d'abord la difficulté d'élaborer un protocole convenable sur la propriété intellectuelle qui attirerait les chercheurs universitaires sans pour autant faire peur aux entreprises.
Il y a aussi la difficulté d'assurer simplement le contact et la communication en fonction d'un objectif commun entre les universitaires et les entreprises, ce qui n'est pas peu dire. Le problème est encore plus important qu'on ne l'imagine dans bien des cas. Il faut beaucoup plus qu'un simple apport d'argent pour que les partenariats de ce genre fonctionnent. Le MMO a pour sa part consacré beaucoup de temps à l'établissement de relations fondées sur une collaboration réciproque entre les chercheurs universitaires et les services de R-D des entreprises.
M. Walt Lastewka: Il m'apparaît très évident qu'il y a beaucoup de travail à faire du côté du transfert technologique aux petites et moyennes entreprises, pour mettre en place un système plus accessible aux petites entreprises. C'est pourquoi j'ai posé ces questions car je sais ce que c'est que d'être propriétaire d'une petite entreprise.
Monsieur Myers, vous avez parlé de l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis, mais vous n'en avez pas expliqué les causes. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est et nous dire ce que votre organisation recommande comme intervention de la part du gouvernement canadien?
M. Jayson Myers: Je crois qu'il y a beaucoup de facteurs qui ont en fait contribué à l'élargissement de l'écart de productivité, et c'est là un phénomène surprenant étant donné l'intégration plus poussée des marchés industriels canadiens et américains depuis l'avènement du libre-échange. On se serait attendu à ce que ce soit le contraire. Notre performance à ce chapitre devrait se rapprocher de celle de nos voisins, mais elle s'en éloigne, et le phénomène a donné lieu à beaucoup de travaux de recherche statistique. Il ressort de ces recherches que nos deux économies sont différentes, les industries étant réparties différemment. Chez nous, il y a plus de petites entreprises. C'est peut-être là un facteur qui explique ce phénomène.
Les définitions statistiques donnent lieu à un certain nombre d'arguments, mais la principale conclusion à laquelle j'arrive dans l'article dont je vous ai remis copie—je ne m'en suis rendu compte qu'après avoir écrit l'article—c'est une conclusion à laquelle le Conseil économique du Canada était aussi arrivé dès 1982, dans une étude où il se penchait sur l'écart de productivité entre le secteur manufacturier canadien et le secteur américain qui allait en s'accroissant, à savoir que le secteur canadien n'investit pas au même rythme que le secteur américain dans les nouvelles technologies et les nouveaux moyens de production. Par conséquent, les machines, l'équipement qui est en place, servent plus longtemps, et les technologies auxquelles on a recours ne sont pas utilisées de manière à assurer une production et une valeur optimales.
À vrai dire, cette cause, plus que toutes les autres, mérite qu'on s'y arrête davantage, car on a beau avoir les employés les plus qualifiés, on a beau avoir des méthodes de gestion de calibre mondial, si l'on n'a pas des outils de classe mondiale et si l'on a du retard sur le plan de l'investissement et de la technologie, la productivité va en souffrir.
M. Walt Lastewka: Est-ce que cela s'explique, dans bien des cas, du fait que les grandes sociétés canadiennes sont des succursales de manufacturiers américains, ou est-ce à cause de notre méthode de calcul de la dépréciation du matériel?
M. Jayson Myers: Comme M. Baldwin l'a dit, le rendement au pays des grandes sociétés et des sociétés multinationales a en fait dépassé celui des compagnies de propriété canadienne et des petites compagnies. Il faut reconnaître la valeur très utile que représentent les grandes multinationales au Canada.
Je pense que cela s'explique certainement en partie en raison du traitement fiscal réservé à la technologie et nous avons constaté que de moins en moins les fabricants peuvent défalquer leur matériel, utiliser des crédits d'impôt pour appuyer leurs investissements dans la nouvelle technologie. De façon plus générale, étant donné que les dépenses en immobilisations dépendent des bénéfices, il y a beaucoup d'autres facteurs qui interviennent dans le bilan des entreprises, surtout les petites, de sorte qu'il faudrait peut-être chercher de ce côté-là. Cela va encore plus loin. Les instruments fiscaux sont une composante importante du problème, mais pas la seule.
M. John Baldwin: Permettez-moi d'ajouter quelques mots. La dernière fois que j'ai comparu devant le comité, j'ai longuement parlé du rang que nous occupons en matière de productivité et j'ai apporté un dépliant publié par Statistique Canada. C'est un peu différent. On y trouve sept ou huit articles qui portent sur un grand nombre des questions que me posaient alors les membres du comité quant à savoir quelles sont les causes de...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Les causes sont toujours difficiles à établir. Évaluer la situation est plus simple.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
...tout d'abord. Deuxièmement, le grand écart de productivité...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
...sur une longue période, on constate que le Canada et les États-Unis ont eu des rendements très semblables. Vous vous doutez bien que la technologie passe d'un côté à l'autre de la frontière. En fait, sur une période de 30 ans, la corrélation entre le taux de croissance et de productivité des manufacturiers américains et des entreprises canadiennes est très élevé d'un point de vue statistique. Ce que l'on constate aux États-Unis est pareil à ce qui se trouve au Canada, sauf dans deux secteurs: le secteur des machines et le secteur de l'électronique. C'est là essentiellement que les ordinateurs ont une très grande incidence. Nous accusons un retard par rapport aux Américains dans ces secteurs particuliers et également dans toutes les autres industries. Le taux de croissance et de productivité de ces industries est tout simplement phénoménal, et nous n'avons pas de grands secteurs...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
• 1010
Ailleurs, nos manufacturiers canadiens réussissent
relativement bien parce qu'ailleurs on constate qu'ils réussissent
aussi bien que les Américains. Nous rencontrons donc un grave
problème structurel à cet égard.
Pour ce qui est des machines, de l'équipement, et de l'investissement, vous trouverez un chapitre là-dessus qui traite de la question que Jayson vient de soulever, c'est-à-dire le niveau d'investissement des entreprises canadiennes dans leurs usines. C'est grâce à une augmentation des immobilisations qu'on obtient des gains de productivité, en augmentant la quantité de capital que l'on peut mettre à l'oeuvre. Depuis environ 30 ans, nous avons suivi la même cadence que les Américains sauf dans un secteur, c'est-à-dire les machines...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Il est intéressant de constater que l'écart s'est élargi à la fin des années 80 et au début des années 90, et ce de façon assez spectaculaire. Il est vrai que l'investissement dans l'équipement et les machines a été plus intense dans la deuxième partie des années 90, mais nous sommes encore en train d'essayer de rattraper les Américains sur ce plan.
Nous parlons ici d'investissements en dollars, et il s'agit d'agrégats. Nous avons également fait des études sur la mise en oeuvre de la technologie de fabrication avancée et de la haute technologie. Nous avons formé un groupe d'experts pour découvrir où cela se faisait et nous avons demandé aux entreprises si elles les utilisaient. À trois reprises, à la fin des années 80, en 1993 et en 1998, nous avons posé cette question aux manufacturiers canadiens. Nous pouvons donc voir quelle est l'utilisation des technologies avancées. Dans certains cas, nous avons pu faire des comparaisons avec les Américains.
Ce sont là des chiffres assez bruts. Il ne s'agit pas de savoir avec quelle intensité on l'utilise dans l'usine—il s'agit de savoir si c'est utilisé oui ou non. Constatant que nous traînons de l'arrière à cet égard, il y a de quoi s'inquiéter.
M. Charlie Penson: Leur avez-vous demandé pourquoi ils n'investissaient pas?
M. John Baldwin: Oui, nous l'avons fait...
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Il fallait alors se demander quel retard nous avions accumulé. Nous avons découvert que, pour les grandes sociétés—essentiellement de propriété étrangère—à peu près rien n'avait changé. Pour les PME, et les PME canadiennes sont nombreuses, nous avions accumulé beaucoup de retard. Maintenant, il faut dire que cela remonte à la fin des années 80 de sorte que nous avons entamé les années 90 avec du retard. Pendant les années 90, on a procédé à la mise en oeuvre et par conséquent l'investissement dans ces technologies a ni plus ni moins stoppé dans le secteur canadien au pays. Il faut des liquidités pour investir dans ce genre d'appareils, et pendant cinq ou six ans, la situation des liquidités était désastreuse. Nous avons traversé une très longue récession, quelle qu'en soit la raison. Pendant cette période, entre 1989 et 1993, le secteur interne a pris encore plus de retard.
Comme la situation s'est améliorée au Canada entre 1993 et 1998, les courbes deviennent donc parallèles, mais nous sommes déjà très en retard—et je parle ici des PME canadiennes. L'écart s'est maintenu, sauf dans un secteur, un secteur que nous considérons crucial pour la croissance de la productivité—à savoir, celui du matériel de haute technologie, des communications, des réseaux locaux, des ordinateurs, et tous les éléments associés à ces entreprises—où nous avons pris encore plus de recul.
Ainsi, nous avons la preuve que sur le plan technologique, pour l'aspect que j'ai décrit tout à l'heure comme étant de la plus haute importance pour l'innovation au Canada et la croissance de la productivité, outre la R-D, nous avons du retard et nous avons reculé encore davantage. Plusieurs sources indiquent cela.
La présidente: Merci. Merci beaucoup, monsieur Penson.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Monsieur Baldwin, les secteurs qui comptent sur les ressources, les secteurs de base, si l'on veut, l'agriculture, l'exploitation forestière et les mines... Je sais que les représentants du secteur minier pourraient nous dire qu'il existe un gros potentiel pour l'innovation dans le secteur minier et vous avez abordé ce sujet. Ne serait-il pas bon d'essayer de promouvoir ces secteurs davantage grâce à la recherche et à la technologie parce que nous possédons les ressources? Au fil de notre histoire, ils ont été source de croissance pour le Canada. Je sais que dans certains secteurs, on s'inquiète que la politique gouvernementale tende à les oublier—il ne s'agit pas de la nouvelle technologie, des nouvelles économies. Selon moi, ces secteurs peuvent, et devraient être prospères, s'ils pouvaient compter sur la technologie dont nous parlons. Par contre, il faut bien pouvoir compter sur un rendement sur l'investissement si l'on veut attirer les investissements.
• 1015
Monsieur Baldwin, que penseriez-vous de mettre davantage en
valeur les industries de base grâce à une plus grande productivité
découlant d'activités de R-D?
M. John Baldwin: Il est extrêmement important d'introduire de nouvelles technologies et de nouvelles innovations dans tout le secteur. Comme je l'ai dit, nous avons pu constater que les secteurs que nous appelons nos secteurs primaires—le secteur forestier, l'agriculture, le secteur minier—ont fait preuve d'innovation. Nous n'avons pas de nombreuses enquêtes sur ces secteurs. C'est le secteur manufacturier qui fait l'objet du gros des efforts parce qu'il est plus facile d'y y faire enquête.
Dans les enquêtes sur les petites entreprises, nous avons pu constater l'existence de ce que j'appelle des profils remarquables de haute innovation. Quand nous avons regardé de quelles industries il s'agissait, nous avons constaté qu'il s'agissait du secteur primaire. À Statistique Canada, nous qualifions ces industries comme auxiliaires au secteur primaire. Il s'agit essentiellement des services de très haute technologie dans le secteur de l'agriculture et dans le secteur minier et forestier, où le pourcentage de professionnels, c'est-à-dire des gens qui ont un diplôme universitaire, a augmenté de façon spectaculaire et où le pourcentage des travailleurs du savoir, défini de façon plus large—car DRHC a sa propre définition—a grimpé rapidement. On peut à vrai dire constater les augmentations. Je ne pense pas que l'on puisse dire que ceux-là traînent de l'arrière. En fait, ces secteurs ont augmenté leur pourcentage de travailleurs du savoir plus rapidement que les secteurs que nous appelons communément les secteurs axés sur le savoir, comme les secteurs des sciences de l'informatique et des entreprises informatiques.
C'est en quelque sorte une question de politique publique; il s'agit de savoir comment continuer cela.
M. Jayson Myers: Comme je l'ai indiqué, un investissement est extrêmement important, tant sur le plan de la commercialisation des nouveaux produits et services que de l'investissement dans la nouvelle technologie. Il y a bien des entreprises qui ont des brevets qui ramassent de la poussière sur des étagères. Les entreprises devraient investir dans bien des technologies nouvelles, et bien entendu, il faudrait investir ailleurs également, notamment dans la restructuration et le perfectionnement des compétences, ce qui devrait se faire continuellement.
Toutes les entreprises doivent faire face à deux questions cruciales. Premièrement, où trouver de l'argent pour investir? Comme John l'a dit, cela est tributaire des liquidités dont dispose une entreprise. Soit dit en passant, ce sont ces facteurs qui déterminent également si les sources externes de financement investiront dans une nouvelle technologie. Toutefois, toutes les entreprises cherchent à rentabiliser les investissements dans la nouvelle technologie. À titre d'exemple, nous avons calculé le taux de rendement moyen ou le taux de rendement minimal pour un fabricant canadien, et nous avons constaté qu'au Canada, les fabricants doivent attendre environ deux ans et demi avant de rentabiliser leur capital investi, y compris dans la nouvelle technologie—bien entendu, cela n'est pas vrai dans tous les secteurs. Il existe donc un taux de rendement minimal, soit le rendement du capital investi, que les entreprises doivent atteindre. Pour les petites entreprises en particulier, il est très difficile d'envisager l'avenir avec confiance en se disant qu'il est possible d'atteindre ce taux minimal.
M. Charlie Penson: Monsieur Myers, le problème de la dépréciation accélérée du coût des investissements a été cerné. Pour pouvoir faire des investissements considérables, les entreprises doivent savoir qu'elles peuvent amortir ces placements rapidement. Connaissez-vous d'autres obstacles qui empêchent les entreprises ou les industries d'investir dans la nouvelle technologie?
M. Jayson Myers: Il existe d'autres instruments fiscaux qui constituent des obstacles. En effet, on peut citer les taxes sur la nouvelle technologie, les taxes provinciales, l'impôt sur le capital et les taxes de vente. Sans vouloir pointer du doigt une province en particulier, la Colombie-Britannique impose une taxe de vente sur les investissements et le matériel et l'outillage. Or, l'un des principes fondamentaux de l'économie veut que l'on ne fasse rien qui puisse augmenter les coûts de production, si l'on veut favoriser l'activité économique.
M. Charlie Penson: Autrement dit, si nous voulons surmonter ce problème de productivité, nous devrons élaborer des politiques publiques, notamment en matière de fiscalité, pour aider les entreprises à investir dans la nouvelle technologie sans pour autant qu'elles se retrouvent dans des situations les empêchant de faire des placements.
M. Jayson Myers: Certes, la politique fiscale est cruciale, mais il y a d'autres aspects également.
Monsieur Penson, vous avez parlé tout à l'heure du rôle de la politique publique dans le soutien aux sciences et à la technologie. Si le rôle du gouvernement est d'encourager les entreprises à assumer ce qui ne serait pas fait sur le marché autrement, la réduction des risques techniques, commerciaux ou financiers est un rôle tout aussi important, notamment pour les petites entreprises. Il ne s'agit pas uniquement des coûts, mais aussi des risques pris par les entreprises. La structure réglementaire et le cadre des services financiers dans lesquels les entreprises doivent évoluer sont également extrêmement importants.
M. Charlie Penson: D'accord.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.
Monsieur Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Je suppose, monsieur Myers, que... J'ai jeté un coup d'oeil à ce document, je l'ai lu, et je présume que c'est vous qui l'avez écrit. En fait, j'en suis sûr. À quand cela remonte-t-il?
M. Jayson Myers: Je crois que c'est paru en janvier ou février de cette année.
M. Mauril Bélanger: C'est l'énoncé post-économique du dégel.
M. Jayson Myers: C'est bien cela.
M. Mauril Bélanger: Très bien, je voulais simplement m'en assurer.
Je vais vous poser quelques questions et je vous demanderais d'être très bref, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, car j'aurai des questions complémentaires.
Vous dites qu'il faudrait adopter des politiques fiscales dans un cadre réglementaire qui encouragerait les entreprises canadiennes à commercialiser de nouveaux produits et services et à investir dans les nouvelles technologies. Vous avez évoqué l'amortissement fiscal et certaines taxes de vente provinciales. Pourriez-vous donner d'autres exemples?
M. Jayson Myers: Je crois que le gouvernement pourrait notamment évaluer l'efficacité de son régime de crédit d'impôt pour la R-D. On recense trois problème à ce chapitre. D'abord, le ministère des Finances ne cesse de changer les règles année après année. Par conséquent, les entreprises ont énormément de difficulté à comprendre clairement les règles qui les régissent.
M. Mauril Bélanger: Vous dites que les règles régissant le crédit d'impôt en matière de R-D ne cessent de changer chaque année?
M. Jayson Myers: C'est bien cela. En fait, pas annuellement, mais régulièrement. Les règles sont redéfinies, ou clarifiées, par le ministère des Finances, qui les change rétroactivement. En d'autres mots, les entreprises font des placements en se conformant à un ensemble de règles, lesquelles sont constamment réévaluées.
M. Mauril Bélanger: Ensuite.
M. Jayson Myers: Ensuite, il y a l'administration du régime, et l'ARCD est en train d'améliorer tout cela. Je pense que nous avons encore du chemin à faire et...
M. Mauril Bélanger: Qu'est-ce que l'ARCD?
M. Jayson Myers: L'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Enfin, le régime de crédit d'impôt pour la R-D ne peut être utilisé que par les entreprises qui réalisent des profits, et ce, pour l'élaboration de nouveaux projets de R-D, notamment les entreprises de haute technologie et les jeunes entreprises. Or ce n'est pas toujours la meilleure façon de procéder.
M. Mauril Bélanger: Vous n'êtes pas forcément en train de demander des allégements fiscaux.
M. Jayson Myers: En réalité, un changement au... disons qu'il y aurait effectivement des réductions d'impôt, si l'on pouvait utiliser le régime de crédit d'impôt pour la R-D comme façon de...
M. Mauril Bélanger: En d'autres mots, vous souhaitez que l'on améliore le crédit et que l'on réduise les impôts, car c'est là la priorité...
M. Jayson Myers: C'est bien cela.
M. Mauril Bélanger: ... pour la politique canadienne en matière de sciences et technologie; c'est ce que j'ai cru comprendre. La prochaine étape serait d'accroître les dépenses du gouvernement ou l'exposition du gouvernement au risque. Comment pourrait-on alors réduire le risque si c'est quelqu'un d'autre qui l'assume?
M. Jayson Myers: Je suis d'accord avec vous, et je pense que le gouvernement a un rôle à jouer.
M. Mauril Bélanger: Vous voulez donc moins d'impôt, mais plus d'investissements de la part de l'État?
M. Jayson Myers: Dans ce domaine.
M. Mauril Bélanger: D'accord. C'était la première chose dont je voulais m'assurer.
La deuxième concerne la page 3. Mon collègue vous a déjà posé la question. Vous avez cerné l'un des principaux défis auxquels fait face l'industrie canadienne, celui du retard accusé en matière d'investissement et d'adoption de nouvelles technologies. Je ne crois pas que vous nous ayez fourni une réponse claire. Pourquoi le secteur privé n'investit-il pas davantage au Canada? Le secteur privé se rend bien compte qu'il s'agit là d'un défi de taille, et pourtant les entreprises n'investissent pas.
M. Jayon Myers: C'est un défi de taille, mais les entreprises recherchent également à rentabiliser leurs investissements. Elles doivent garder à l'esprit leur situation de trésorerie. Comme John l'a signalé, les entreprises ont traversé une période de forte récession. Je pense...
M. Mauril Bélanger: Permettez-moi de revenir à la page 2 de votre déclaration. Vous dites que depuis 1989, les prix de vente des fabricants ont augmenté d'environ 20 p. 100, et vous énumérez toute une kyrielle d'autres éléments. Avez-vous à l'esprit des chiffres reflétant la période correspondant au rendement des capitaux engagé—profits, avant et après impôt?
M. Jayson Myers: Je peux vous dire qu'en 1991, après impôt...
M. Mauril Bélanger: Non, non. Depuis 1989, sur toute cette période. Pas en 1991, car nous étions déjà au milieu d'une récession.
M. Jayson Myers: J'ai effectivement cette information.
M. Mauril Bélanger: Auriez-vous l'obligeance de nous en faire part?
M. Jayson Myers: Bien sûr.
La présidente: Vous pourrez nous la faire parvenir plus tard.
M. Mauril Bélanger: Le rendement des capitaux propres a-t-il été stable? A-t-il diminué ou augmenté?
M. Jayson Myers: Le rendement des capitaux propres a augmenté.
M. Mauril Bélanger: Pourquoi ne pas l'avoir inclus ici alors?
M. Jayson Myers: Si vous le permettez, j'aimerais vous montrer que le rendement des capitaux propres aujourd'hui n'est pas aussi élevé qu'il l'était en 1989. Il a augmenté depuis 1991, quand on était au coeur de la récession.
M. Mauril Bélanger: D'accord. Mais depuis 1991, le rendement des capitaux propres a augmenté, et pourtant les investissements en R-D n'ont pas suivi.
M. Jayson Myers: Pas du tout, l'investissement dans la R-D s'est accru durant cette même période.
M. Mauril Bélanger: Proportionnellement? Je me demande tout simplement... Vous semblez établir une corrélation entre la situation de trésorerie et le rendement des capitaux engagés dans la R-D. J'essaie simplement de voir s'il y a eu concordance.
M. Jayson Myers: Je peux vous fournir la réponse à cela. En fait, il y a une corrélation très étroite entre les mouvements de trésorerie et l'investissement en capital. Je peux vous montrer cette corrélation dans un graphique.
M. Mauril Bélanger: Ma dernière question se rapporte à votre toute première phrase.
Vous dites que s'agissant des politiques et des programmes canadiens en matière de sciences et de technologie, l'objectif premier devrait être de traduire le savoir en une valeur. C'est peut-être vrai pour le secteur privé, mais à mon avis, ce n'est qu'une partie de l'objectif de la politique publique canadienne en matière de sciences et de technologie.
L'autre partie, qui est cruciale pour tous, et pas au seul secteur privé, consiste à élargir la base de connaissances. Pour cela, il faudra injecter des fonds dans la R-D fondamentale, par opposition à la R-D appliquée. Je trouve plutôt étroite cette vision des politiques et programmes canadiens en matière de sciences et de technologie.
M. Jayson Myers: J'ai expressément indiqué que pour les entreprises, la commercialisation est la question la plus importante, et non l'enrichissement de la base des connaissances. Je crois encore qu'il faudrait miser là-dessus. En revanche, j'estime que pour investir l'argent des contribuables dans ce domaine, il faudrait attacher à la recherche une certaine valeur pour la société ou une valeur éducative, notamment au chapitre de la formation technique du personnel.
M. Mauril Bélanger: Comment définissez-vous cette valeur, monsieur Myers?
M. Jayson Myers: Pour les entreprises, cela est facile.
M. Mauril Bélanger: Pour les entreprises, c'est facile. Mais pour la société?
M. Jayson Myers: Je présume que l'objectif de la politique publique est justement de déterminer quelle est cette valeur.
M. Mauril Bélanger: D'accord. Autrement dit, vous reconnaissez que l'enrichissement de la base des connaissances répond à un besoin réel et qu'il comporte une valeur, et qu'il ne s'agit pas uniquement...
M. Jayson Myers: Bien entendu.
M. Mauril Bélanger: ... de l'appliquer ou d'en extraire une certaine valeur.
M. Jayson Myers: Évidemment.
M. Mauril Bélanger: Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Bélanger.
Je m'excuse de vous avoir interrompu, monsieur Baldwin, mais je crois que vous avez quelque chose à dire en réponse à M. Penson. Avant de redonner la parole à M. Penson, peut-être voudriez-vous...
M. John Baldwin: M. Penson m'a demandé si nous avons effectué un sondage ou si nous disposions d'informations concernant les obstacles à l'adoption de technologies avancées. J'aimerais lui répondre.
La plupart des entreprises qui ont répondu au sondage en indiquant qu'elles faisaient face à des obstacles nous ont informés que ces obstacles étaient de nature financière. Le problème est attribuable soit au risque perçu de l'investissement dans des nouvelles technologies, soit au manque de financement interne pour l'adoption de nouvelles technologies.
Quand j'ai commencé à travailler dans ce domaine, je pensais que les nouvelles technologies consistaient en des machines difficiles à installer dans une usine, mais que l'on pouvait se procurer sur le marché. Or, j'ai appris qu'il ne suffisait pas d'acheter la machine pour l'installer dans une usine, mais qu'il fallait engager des dépenses substantielles.
Lorsque nous avons demandé à des entreprises quel pourcentage de leur budget total d'investissement était consacré à la formation ou à la R-D... Nous avons obtenu des chiffres encore plus importants quand la question a porté sur l'achat de la technologie, le droit d'utilisation de la technologie—je ne parle pas de la machine comme telle, mais du droit d'utilisation de la technologie. Tout cela est financé par la trésorerie, comme c'est le cas de la R-D. Pour les entreprises, cela constitue un problème de taille.
Je reviens à l'enrichissement de la base de connaissances et à la pénurie de travailleurs qualifiés. Il faut dire que cela n'empêche pas les entreprises d'adopter les nouvelles technologies parce que la plupart nous disent que le manque de travailleurs qualifiés ne les empêche pas d'instaurer ces nouvelles technologies. Dans de tels cas, elles trouvent diverses solutions au problème, par exemple l'instauration de nouveaux programmes de formation.
• 1030
Nous faisons ensuite des sondages pour voir si les entreprises
répondent aux questions que nous posons. Un PDG m'a dit: «Le
principal problème pour moi, c'est de trouver des ingénieurs. Une
de mes usines du sud de l'Ontario a une exclusivité mondiale parce
qu'elle a accès à six des meilleures écoles de génie du pays dans
un rayon de 300 milles de Toronto. C'est pour cela que j'ai cette
exclusivité mondiale et pour cela que nous réussissons tellement
bien.»
C'est un exemple de la base de connaissances créée dans le secteur public et c'est très utile pour cette entreprise.
La présidente: Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Pour poursuivre dans la même veine, jetez un coup d'oeil aux niveaux de rémunération des nouveaux ingénieurs au Canada par opposition aux niveaux aux États-Unis et comparez leurs revenus après impôt. D'après moi, le problème vient en partie de cela.
Monsieur Myers, quand vous avez parlé des obstacles qui existent dans votre réponse à M. Bélanger, vous n'avez pas parlé de l'accès au marché. Est-ce que ce n'est pas aussi un problème important pour le Canada? Regardez ce qui se passe maintenant dans l'industrie du bois d'oeuvre de résineux. Si les entreprises investissent énormément d'argent, comme bon nombre le font, et qu'elles ne soient pas ensuite certaines de pouvoir livrer leurs produits à cause de problèmes d'accès aux marchés, est-ce que ce n'est pas un problème grave?
M. Jayson Myers: C'est un problème dans les deux sens. Si les entreprises investissent dans la nouvelle technologie ou dans la R-D, elles ont besoin de débouchés pour des produits très spécialisés, ce qui veut dire des débouchés à l'extérieur du Canada. Le marché canadien est simplement trop petit.
Les compagnies de haute technologie ont donc besoin d'accès aux marchés, non seulement en Amérique du Nord, mais aussi en Europe, en Amérique latine et en Asie. Il existe un certain nombre de petites entreprises qui ont des produits de haute technologie tout à fait nouveaux et innovateurs, mais ces produits sont vendus partout dans le monde.
L'accès aux marchés est donc très important, et ce dans les deux sens. Nous avons bien des problèmes dans notre système réglementaire, par exemple pour le recouvrement des coûts, ce qui veut dire que cela coûte plus cher aux entreprises qui veulent exporter des technologies de pointe ou de nouveaux produits au Canada. Le marché canadien est relativement petit, surtout le marché des produits très nouveaux.
M. Charlie Penson: Mais le fait que nous ne posons plus d'obstacles aux pays étrangers qui veulent exporter au Canada, surtout en passant par les États-Unis, où il n'existe essentiellement pas de tarifs, n'a-t-il pas incité le secteur commercial canadien à être plus innovateur? Les compagnies américaines peuvent maintenant venir s'établir au Canada alors que le marché canadien était auparavant protégé.
Est-ce que ce n'est pas l'une des causes de l'écart qui s'est créé dès les années 90 quand les entreprises canadiennes ont dû s'adapter à cette réalité? Elles n'ont plus l'exclusivité du marché canadien. Elles doivent faire concurrence au secteur international.
M. Jayson Myers: C'est un fait, je pense, que la concurrence a incité les entreprises canadiennes à innover et à mettre au point de nouveaux produits. C'est exact. Je ne suis cependant pas d'accord pour dire que le marché canadien est entièrement ouvert. Il existe encore certaines restrictions réglementaires qui font obstacle à l'arrivée de nouvelles technologies au Canada, notamment les approbations de produit et le coût d'obtention de ces approbations. Dans certains cas, c'est une bien bonne chose. Il importe d'approuver les nouveaux produits qui arrivent sur le marché, surtout les médicaments, les aliments, et ainsi de suite.
M. Charlie Penson: Mais il y a aussi bien d'autres obstacles, n'est-ce pas? Il y a les limites à l'investissement étranger dans l'industrie aérienne, par exemple, qui empêchent les nouvelles entreprises et les nouvelles technologies de venir au Canada.
M. Jayson Myers: Il existe des obstacles à l'investissement étranger dans certains secteurs. C'est un problème. Ces obstacles existent peut-être pour d'autres raisons, mais sur le plan de la capacité des entreprises à vendre leur technologie et à innover au Canada, c'est en effet...
M. Charlie Penson: Nous discutons maintenant des obstacles que peut poser la politique du gouvernement aux entreprises canadiennes. Si nous voulons favoriser les nouvelles technologies, il faut que les entreprises multinationales étrangères investissent dans la R-D, comme l'a signalé M. Baldwin. Cela serait aussi avantageux.
M. Jayson Myers: Oui, et je pense que nous devrions aussi jeter un coup d'oeil aux politiques réglementaires relatives à l'investissement et à l'approbation des produits. Ce sont des questions importantes à examiner dans le cadre de l'étude de la politique des sciences et de la technologie si nous voulons encourager l'innovation.
La présidente: Merci beaucoup. Merci, monsieur Penson.
Allez-y, monsieur Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je voudrais d'abord quelques précisions, monsieur Baldwin. Dans le cadre de vos études, et je vois qu'elles portent sur toutes sortes de produits, établissez-vous des comparaisons entre les provinces ou vos études portent-elles sur l'ensemble du Canada?
M. John Baldwin: Nous faisons des comparaisons entre les provinces, mais nous avons surtout examiné l'instauration des technologies de pointe. Nous voulions savoir dans quelle mesure il y a des différences importantes entre les provinces sur le plan des tendances, des avantages perçus et des problèmes qui surgissent.
Nous n'avons pas mené autant d'études du côté de l'innovation, notamment parce que c'est très difficile de dire qu'une grande entreprise est établie dans une province donnée, ce qui veut dire qu'on peut difficilement attribuer un climat d'innovation à une province plutôt qu'à une autre.
M. Reg Alcock: Oui. Dans les cas où vous avez mené ces études, pourriez-vous fournir vos données au comité?
M. John Baldwin: Certainement.
M. Reg Alcock: Je vous pose la même question, monsieur Myers. Votre groupe a-t-il fait des comparaisons entre les provinces en examinant tous ces facteurs?
M. Jayson Myers: Nous en avons fait quelques-unes. Nous avons tendance à examiner les mêmes questions relatives à l'adoption de nouvelles technologies, mais aussi certains des autres défis que doivent relever les petites entreprises, par exemple pour obtenir des travailleurs et s'adapter au changement. Nous avons mené quelques études interprovinciales et je vous transmettrai volontiers les résultats de ces études.
M. Reg Alcock: Merci beaucoup.
Je pense que c'est M. Myers qui a dit que les amortissements et les crédits d'impôt aux États-Unis sont plus avantageux qu'au Canada. Vous pourriez peut-être nous fournir des données à l'appui de cette affirmation.
M. Jayson Myers: Je ne pense pas avoir dit que les amortissements et les crédits d'impôt étaient plus avantageux aux États-Unis qu'au Canada, mais plutôt que le traitement fiscal des investissements de capitaux au Canada s'était érodé graduellement à cause de la disparition du système de crédits d'impôt des fabricants.
M. Reg Alcock: Je voudrais revenir là-dessus. Nous voulions savoir ce qui explique la différence entre les taux de productivité aux États-Unis et au Canada. Vous avez mentionné les amortissements et les crédits d'impôt disponibles aux États-Unis.
M. Jayson Myers: C'est un fait que le traitement fiscal des investissements de capitaux est plus avantageux dans certaines régions des États-Unis qu'au Canada. Je peux vous fournir des détails là-dessus.
M. Reg Alcock: Voudriez-vous le faire? Je voudrais bien avoir des données qui appuient cette affirmation parce qu'on nous dit souvent quelque chose d'assez différent.
Je voudrais aussi parler d'une question qui semble revenir souvent, soit ce que vous avez dit au sujet des incitatifs fiscaux pour la R-D. On nous dit souvent que le Canada a l'un des régimes les plus généreux du monde, mais on ne produit pourtant pas les investissements auxquels on pourrait s'attendre. S'il est faux que les incitatifs fiscaux du Canada sont parmi les plus généreux du monde, je voudrais qu'on nous en donne des preuves.
Il y a aussi la question de l'application rétroactive par l'ADRC. Avez-vous des preuves à l'appui de cette affirmation? Je ne pose pas vraiment une question là-dessus parce qu'on m'a déjà signalé d'autres cas du genre. J'aimerais bien qu'on puisse examiner cette question. Si vous avez des données à ce sujet, nous voudrions bien les voir.
• 1040
Je voudrais cependant dire quelque chose à propos d'une
question qui revient constamment sur le tapis. Apparemment, un
crédit d'impôt n'est pas considéré comme une dépense alors qu'une
subvention l'est et j'ai bien du mal à faire la distinction entre
les deux.
Je voudrais aussi faire un commentaire à propos de ce que vous avez dit au sujet de la valeur et de la définition de la valeur en réponse à la question de M. Bélanger. C'est ce qu'a signalé... Je ne me rappelle plus son nom. Bell lui appartenait auparavant. Ce n'était pas Monty, mais plutôt BCE. L'organisation avait été restructurée autour du groupe des experts informatiques. On avait ensuite décidé qu'il fallait que les lignes commerciales produisent quelque chose à partir des résultats de la R-D. La R-D avait donc été rattachée aux lignes commerciales pour les rentabiliser.
Peter Nicholson, leur vice-président pour la stratégie, a commencé à s'occuper de l'affaire parce qu'on a constaté quelque chose d'étonnant après quelques années. On a constaté qu'on pouvait écouler le capital intellectuel et que ce capital finirait par disparaître entièrement si personne ne comblait ce que Peter Nicholson appelle le pipeline des possibilités. L'investissement dans la recherche pure ne produit peut-être pas quelque chose immédiatement, mais cela peut être rentabilisé dans 20 ou 30 ans. J'ai l'impression que les investissements de ce genre ont perdu beaucoup de leur valeur au cours des dix dernières années. C'est ce que disent les laboratoires de recherche de certaines des grandes entreprises maintenant, soit qu'on peut rentabiliser les recherches seulement jusqu'à un certain point. Quelqu'un doit effectuer les recherches de base et je serais donc quelque peu inquiet si vous nous recommandiez de faire le rapport entre la recherche et la rentabilité d'un produit.
Enfin, je voudrais poser une question aux deux témoins. L'un des arguments qu'on pourrait invoquer pour expliquer la différence entre le taux de productivité aux États-Unis et au Canada serait que, jusqu'à tout récemment, cette menace incroyable de la concurrence—et je signale, même si cela risque de scandaliser certains de mes collègues ou changer l'opinion qu'ils ont de moi, que je suis presque d'accord avec M. Penson à ce sujet...
M. Charlie Penson: Il a bien dit presque.
M. Reg Alcock: Presque, en effet. Je pense que les entreprises canadiennes, les grandes comme les petites, ont fait preuve de paresse parce qu'elles ont pu s'enrichir en profitant de l'énorme marché américain et des innovations technologiques des États-Unis. C'est seulement parce qu'on les y a forcées que les entreprises canadiennes ont dû faire mieux.
C'est ce que certaines d'entre elles disent encore quand elles réclament plus d'aide du gouvernement pour rester concurrentielles et cela m'inquiète.
La présidente: Merci.
Voulez-vous répondre, monsieur Myers?
M. Jayson Myers: Puis-je répondre à quelques points seulement?
Il y a d'abord la question de la valeur. Je suis d'accord là-dessus. Je n'avais pas l'intention de dire que la politique du gouvernement pour appuyer les sciences et la technologie ne devrait pas aussi promouvoir l'investissement dans l'établissement d'une base de connaissances. Nous devons nous assurer que cette base de connaissances, cette infrastructure du savoir, existe au Canada.
Néanmoins, du point de vue commercial, je ne pense pas que ce soit à cela que les gens d'affaires accordent la plus grande valeur. Je ne dis pas qu'ils devraient le faire et je ne dis pas non plus...
M. Mauril Bélanger: Ils le devraient.
M. Jayson Myers: C'est vrai.
La présidente: Merci. Attendez qu'il ait terminé.
M. Jayson Myers: Je suis d'accord. L'une des choses les plus importantes pour les entreprises, c'est de trouver des gens qui peuvent réfléchir de façon indépendante, résoudre des problèmes, communiquer, réfléchir et compter. Bon nombre de ces compétences ne sont pas enseignées dans le cadre de programmes de recherche scientifique dans les écoles. Les entreprises devraient donc comprendre la valeur qu'il y a à créer la base des connaissances et c'est ce que nous considérons aussi comme important.
Je suis tout simplement en train de dire que si vous envisagez de transférer le savoir du milieu universitaire au milieu des affaires, alors le milieu universitaire examine comment il peut commercialiser ce savoir. C'est ce que je voulais faire valoir.
Deuxièmement, je conviens que l'un des plus grands défis auxquels nous faisons face pour ce qui est de développer de meilleures capacités d'innovation, pour ce qui est d'investir dans la nouvelle technologie et d'accroître la productivité réside dans la gestion des entreprises canadiennes. L'opinion que l'on a sur le rendement des investissements, les changements et dans une certaine mesure la faiblesse du dollar... Le vaste marché américain a permis dans une certaine mesure aux entreprises de poursuivre le statu quo. C'est l'un de nos principaux défis, c'est-à-dire montrer aux entreprises que si elles ne modifient pas leur façon de faire des affaires, elles ne survivront pas très longtemps.
La présidente: Monsieur Alcock, si vous estimez devoir répondre, n'hésitez pas.
M. Reg Alcock: Dans un sens, je pense que ce que M. Bélanger est en train de faire valoir... et je partagerais sa préoccupation jusqu'à un certain point: Trop souvent, lorsque certains des groupes qui représentent le milieu des affaires comparaissent devant nous, ils présentent la chose comme une question de choix plutôt que de complémentarité. Je pense que l'expérience des grands laboratoires indique que sans investissement public, les avantages secondaires ne durent pas très longtemps. Plutôt que de venir ici pour préconiser, comme certains le font, de détourner les ressources des universités afin de les transférer au secteur privé, je pense qu'il faudrait préconiser l'octroi des ressources à ces deux secteurs.
M. Jayson Myers: C'est effectivement ce que je fais. Je n'avais pas l'intention de préconiser que l'on détourne...
M. Reg Alcock: Non, mais...
La présidente: Je vous remercie, monsieur Alcock.
C'est au tour de Mme Torsney qui sera suivie de M. Penson.
Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je vous remercie.
L'une de mes questions portait sur les différences régionales. Certains renseignements nous ont été communiqués hier à propos des niveaux d'enseignement postsecondaire en Alberta comparativement à ceux qui existent dans d'autres provinces, et je me demandais si on pouvait en tirer certaines informations concernant l'adaptation technologique.
Ma deuxième question est la suivante: Existe-t-il de l'information qui fait le lien entre notre investissement dans les affaires et les nouvelles technologies et l'innovation et nos choix personnels? Existe-t-il certains problèmes au niveau de la culture nationale? Nous adaptons-nous rapidement? Possédons-nous le dernier cri en matière de technologie et de design dans nos vies personnelles comparativement aux populations d'autres pays, et comment cela influe-t-il sur leur vie professionnelle également? Je me demandais simplement s'il existait des données comparatives et si nous pouvions contribuer à faire des ajustements concernant cette culture nationale.
Ma prochaine question s'adresse particulièrement à vous, monsieur Myers. À Burlington, par exemple, il existe un très bon groupe de travail entreprises-État établi par le biais de la Burlington Economic Development Corporation, et certaines autres collectivités ont probablement des organismes semblables. Elles mettent vraiment l'accent sur les enjeux, entre autres perfectionner les compétences, encourager l'innovation, établir quels sont les problèmes de gestion et créer une culture d'innovation et de dynamisme qui permet aux gens de déborder le cadre de leurs petites entreprises et de partager leur savoir de façon à créer une micro-économie plus novatrice.
Lors de la réunion de notre chambre de commerce l'autre soir, les responsables de Contact, qui est une entreprise plus récente à Burlington, indiquaient qu'il fallait aller dans la collectivité dire aux jeunes de devenir des techniciens, des ingénieurs entre autres choses. Car il y a une pénurie de compétences. Bien entendu, nous savons que pour les jeunes qui doivent décider de leur carrière, il ne s'agit pas uniquement d'une question d'argent. Ils veulent aussi faire des choses vraiment intéressantes, vraiment novatrices, donc il faut qu'ils sachent que cela existe dans les diverses entreprises du Canada.
Ma dernière question—car je crois qu'il est préférable de toutes les poser en même temps—concernent les nouveaux brevets. Il y a un type à Burlington qui est assez célèbre, Lou Eckebrecht, qui depuis soixante ans essaie de convaincre les gens d'adopter de nouveaux brevets et de nouvelles technologies. Une partie du problème, c'est que les gens se contentent de faire leur travail et d'utiliser de l'équipement qui leur semble acceptable. Ils sont tellement occupés à servir le marché qu'ils n'ont pas le temps d'aller à la recherche de nouveaux débouchés, ou ils y sont obligés lorsque le marché rétrécit—ils ne savent même pas où regarder et ils ne peuvent même pas en prendre la peine. Donc, ce type a toujours essayé d'établir des liens entre les gens et de les motiver, et si nous avons besoin d'une organisation quelconque qui pourrait contribuer à le faire, que ce soit le secteur privé ou une initiative conjointe du secteur public et du secteur privé... Allons-y. Voilà mes questions. Si vous pouviez répondre à certaines d'entre elles, ce serait formidable.
La présidente: Je vais devoir vous demander, messieurs, de tâcher d'être brefs car il y a un autre comité qui va venir ici à 11 heures.
Monsieur Myers ou monsieur Baldwin.
M. Jayson Myers: Je répondrai en premier, et sur les trois points... Si vous examinez l'utilisation des technologies d'Internet par les Canadiens, nous avons été parmi les premiers à nous adapter à ce type de technologie. En tant que Canadiens, nous sommes des chefs de file dans un certain nombre de domaines en ce qui concerne notre adoption personnelle de nouvelles technologies, de produits MIR et ainsi de suite.
• 1050
Parallèlement, les investissements dans ces nouvelles
technologies sont très conservateurs. Arrivées au stade des
affaires, vous avez tout à fait raison, les entreprises mettent
souvent l'accent sur la vente de leurs produits et la survie de
leur entreprise, surtout les petites entreprises.
Je pense qu'il y a aussi un autre problème, et à cet égard nous sommes tous coupables. Combien de personnes ont-elles des logiciels installés sur leur ordinateur qu'elles ne savent pas vraiment utiliser et qui pourraient pourtant être très utiles dans le travail qu'elles effectuent? C'est certainement mon cas et j'ignore pourquoi j'ai acheté ces logiciels. Mais je pense que de nombreuses entreprises ont des technologies ou du matériel qu'elles n'utilisent pas aussi pleinement qu'elles le devraient. Je crois que c'est un autre problème.
En ce qui concerne le groupe de développement économique que vous avez mentionné, je pense que l'une des choses les plus importantes que nous pouvons faire, c'est d'établir des consortiums ou des groupes qui réunissent des gens d'affaires et des membres de la collectivité, des milieux universitaires, du secteur des services et des jeunes, de les réunir ensemble pour qu'ils discutent de ces idées car nous ne vivons pas suffisamment longtemps pour faire toutes les erreurs possibles et il faut vraiment que les gens partagent leur expérience, surtout en matière d'innovation et de nouvelle technologie.
Enfin, si nous n'arrivons pas à convaincre nos jeunes qu'un avenir stimulant les attend dans le domaine de la technologie, que ce soit dans l'industrie ou dans les entreprises, alors je crois que le milieu des affaires ne fait pas son travail. Je ne crois pas que le milieu des affaires ait bien fait son travail, mais c'est un élément indispensable si nous voulons nous assurer de disposer des gens qualifiés et expérimentés dont nous avons besoin.
La présidente: Monsieur Baldwin, avez-vous des commentaires?
M. John Baldwin: Je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter. Il existe de nouvelles enquêtes qui nous permettent d'examiner dans quelle mesure les Canadiens sont branchés et l'efficacité du programme de connectivité. Bien entendu, ce n'est qu'une faible portion de cet exercice.
Savons-nous beaucoup de choses à propos du caractère conservateur des entreprises? Pour revenir à une question que vous avez posée plus tôt, sont-elles paresseuses? Ce sont des choses extrêmement difficiles à évaluer. Ces enquêtes nous ont en fait permis de déterminer que pour réussir dans le monde de l'innovation, il ne suffit pas d'être un technologue. Ce n'est pas un monde où la science... Bien sûr, la science est importante mais au bout du compte la réussite dépend de la gestion dans la plupart de ces organisations. Il faut que les gestionnaires regardent ce qui se fait autour d'eux et ne se limitent pas simplement à leurs marchés principaux, mais voient plus loin, non seulement pour ce qui est d'investir dans l'avenir pendant certaines années en matière de R-D, mais aussi songent aux nouveaux marchés qu'ils pourraient essayer. Ces enquêtes ont constamment permis de constater que les gestionnaires les plus prévoyants semblent mieux réussir.
De plus, il existe d'autres compétences au sein de ces organisations qui sont indispensables. La gestion des ressources humaines est une fonction importante dans les petites entreprises. Cela signifie simplement engager les bonnes personnes. Cela prend beaucoup de temps et d'efforts, qu'il s'agisse de scientifiques ou de préposés à la commercialisation. Ici encore, les petites entreprises nous indiquent que si elles s'en préoccupent... Nous constatons que si elles s'en préoccupent, elles ont aussi tendance à connaître une certaine croissance et à être plus novatrices, si on se fie aux preuves de l'extérieur.
Par conséquent, tous ces aspects sont extrêmement importants. Quant à savoir si nous sommes à la traîne d'autres pays, cela est beaucoup plus difficile à évaluer.
La présidente: Je vous remercie.
Merci, madame Torsney.
Vous avez 60 secondes, monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Monsieur Baldwin, je crois comprendre qu'à Statistique Canada vous commencez à utiliser une autre méthode d'évaluation des données reliées à la productivité, ce qui pourrait modifier l'appréciation de notre productivité par rapport à celle des États-Unis. Pourriez-vous nous dire si en fait vous utilisez cela en ce moment?
M. John Baldwin: Je ne sais pas si je comprends bien la question. Dans l'équipe sur la productivité, nous examinons constamment différentes autres solutions pour l'appréciation de la productivité. Cet ouvrage que j'ai laissé au greffier comprend un examen des différentes méthodes d'évaluation.
Cependant, vous faites peut-être référence aux nouvelles façons de calculer le produit intérieur brut, qui incluent les logiciels à titre d'investissement plutôt qu'à titre de dépense seulement. Il s'agit d'un processus continu qui vise à recalculer le PIB. Ces évaluations devraient être disponibles au cours de l'été. Je ne peux pas faire de suppositions sur notre performance par rapport aux États-Unis. Les résultats indiqueront une croissance plus forte que par le passé, mais je ne connais pas la réponse finale. On travaille toujours sur ces calculs.
La présidente: Merci.
Vous avez 60 secondes, monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: J'ai une très petite question pour M. Myers.
Nous parlons de nos exportations et d'exporter dans un plus grand nombre de pays. Chaque fois, nous finissons par exporter encore plus aux États-Unis. Pourquoi?
M. Jayson Myers: Nous avons de la chance d'avoir ce marché ouvert à côté de nous, pour une raison. Évidemment, nos exportations sont en grande partie intégrées à la structure des sociétés multinationales, donc c'est Ford qui exporte chez Ford, IBM qui exporte chez IBM, et Nortel qui exporte chez Nortel.
Pour les petites entreprises, pourtant, il s'agit d'un des marchés les plus faciles à percer. Il est aussi parmi les plus concurrentiels, un marché qui offre des possibilités d'expansion et des débouchés pour les technologies.
Je devrais dire également, s'agissant des exportations, qu'on ne doit pas se limiter à l'exportation des produits parce qu'aujourd'hui l'exportation des services est importante aussi. Si on n'est pas en mesure de fournir le financement, les services techniques... ce sont des choses extrêmement importantes.
La présidente: Merci.
Je sais qu'il y a beaucoup d'autres questions, mais je sens le besoin de faire quelques observations pour le compte rendu.
Monsieur Myers, vous avez parlé des obstacles. Certains de ces obstacles ou barrières sont importants pour les Canadiens.
Nous nous sommes penchés aujourd'hui sur ce que nous croyons être les obstacles commerciaux, mais il y a aussi des questions environnementales qui sont terriblement importantes pour les Canadiens et pour la formulation des politiques publiques dans le secteur de l'investissement commercial. Étant originaire d'une région où les problèmes de qualité de l'air sont parmi les plus graves, et sachant qu'une grande partie de notre smog nous vient des États-Unis, je crois qu'il faut tenir compte de ces questions.
Nous avons aussi tendance à parler d'obstacles au niveau de l'investissement, des mesures et de la réglementation qui s'appliquent à l'investissement, mais nous ne parlons jamais du revers de la médaille. Nous parlons toujours du Canada, nous ne parlons jamais des États-Unis. Puisque j'ai eu l'occasion de faire des études aux États-Unis et d'y étudier le droit fiscal, je suis toujours stupéfaite de constater à quel point nous avons l'impression que tout le droit fiscal américain pourrait être contenu dans un petit ouvrage comme celui-ci.
Quand j'ai fait mes études de droit au Canada, j'avais un livre comme celui-ci qui expliquait le droit fiscal canadien. J'en ai reçu six aux États-Unis. Alors, je crois que les gens ont une fausse idée des lois, de la réglementation et du processus applicables aux États-Unis, et que nous nous comparons régulièrement à quelque chose que nous ne comprenons pas et que nous ne connaissons pas.
Nous parlons également des économies de succursale et de l'investissement. Si je regarde Windsor, ma ville natale, ainsi que le Michigan qui est de l'autre côté de la frontière, je peux constater que DaimlerChrysler constitue un bon exemple d'un investissement au Canada qui est bon pour le Canada et pour l'ensemble de leur compagnie à l'échelle mondiale. Les investissements faits aux États-Unis sont une bonne chose pour les États-Unis, mais aussi pour l'entreprise dans son ensemble, ce qui fait du bien au Canada.
J'ai des emplois à Windsor parce qu'il y a un énorme centre de haute technologie juste de l'autre côté de la frontière à Rochester Hills qui emploie 5 000 personnes. Ce centre emploie beaucoup d'ingénieurs canadiens qui vivent en fait au Canada mais qui font la navette pour aller y travailler. Ces genres d'entreprises comportent des avantages transfrontaliers, et je ne vois pas comment les investissements dans la recherche dans le domaine automobile au Canada pourraient être une mauvaise chose, parce que la compagnie en profite à l'échelle mondiale.
En réalité si nous ne faisons pas ce genre de chose, nous n'aurons plus ces emplois au Canada et nous ne continuerons plus au même rythme. Nous ne sommes vraiment pas à la hauteur de la situation dans ce domaine. J'aimerais bien entamer toute une discussion sur le domaine de l'automobile ici, mais quand on prend ce que les États-Unis font et ce qui se fait en Angleterre du côté des investissements dans l'automobile par rapport à ce que nous investissons, c'est une histoire triste.
Donc je crois qu'on devrait y revenir en un autre temps et un autre lieu, car notre temps est écoulé et le Comité de la santé nous attend.
M. Mauril Bélanger: Je voudrais remercier M. Baldwin pour sa présentation, et je me demandais si les documents sont mis à notre disposition sans frais.
M. John Baldwin: Bien sûr.
Ah, les études. Je suis certain que Johanne vous fournira tout ce qui est nécessaire.
La présidente: Je veux remercier M. Baldwin, M. Myers, et tout le monde aujourd'hui.
Merci. La séance est levée.