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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er mai 2001

• 1040

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Bonjour.

Je vous demande de nous excuser, docteur McLennan, mais je ne sais pas où est votre insigne nominatif. Je vais en profiter pour vous présenter. Le Dr Barry McLennan et M. Charles Pitts représentent la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé. Le Dr Hudson et le Dr Hackett, membre du Conseil national de recherches, vont rester avec nous.

Je vais demander au Dr McLennan de bien vouloir commencer. Je vous demanderais de vous en tenir à une dizaine de minutes.

Je vous demande de m'excuser, docteur Hackett, mais vos collègues ont utilisé votre temps de parole la dernière fois.

Dr Barry D. McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à nous joindre à cette table ronde. Je ne vais pas vous présenter la CRBS. Vous trouverez une description rapide de cet organisme dans les documents que nous vous avons distribués. Je suis heureux de pouvoir vous présenter un exposé aujourd'hui.

Nous vivons à une époque très excitante, monsieur le président. J'ai entendu la fin des commentaires des intervenants qui nous ont précédés et je crois que vous les avez entendus exprimer les mêmes sentiments. Je vais répéter ces déclarations.

Cela ne fait que 30 ans que nos chercheurs ont découvert la recombinaison de l'ADN. Aujourd'hui, la recombinaison de l'ADN n'est qu'une technique mais elle est à l'origine de toute l'industrie de la biotechnologie. Comme vous l'avez peut-être entendu dire ce matin, la première découverte de la biotechnologie qui a été faite au Canada et qui a, d'après moi, profité à la population a été celle de l'insuline humaine. L'on peut dire que l'insuline humaine a été la première application du génie génétique. Cela remonte à 1982.

Depuis lors, on a découvert de nombreux traitements biopharmaceutiques pour le sida et pour d'autres maladies et il y a de nombreux projets en cours dans ce domaine. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui de les passer en revue.

Le monde a été très surpris il y a quelques années lorsque Dolly a fait les manchettes dans le monde entier; c'était la première fois qu'un mammifère avait été cloné à partir d'une truie adulte. Le projet du génome humain qui s'était donné comme but d'identifier la séquence de la composition chimique de l'ADN humain est maintenant achevé.

J'arrive, monsieur le président, de la conférence de l'AFMC à Toronto, qui se poursuit encore. Nous avons entendu hier un conférencier expliquer, de façon très concise, ce que cela voulait dire pour la médecine humaine. Dans un avenir très proche, nous allons pouvoir associer toutes les maladies avec un gène ou une série de gènes, parce qu'il y a des maladies qui sont associées à plusieurs gènes. Cela veut dire que, dans un avenir très proche, nous allons complètement modifier la façon dont nous diagnostiquons et traitons les maladies, et cela devrait pratiquement nous permettre d'empêcher l'apparition des maladies. Autrement dit, nous pourrons observer les maladies du point de vue génétique avant qu'elles ne soient visibles ou identifiables sur le plan clinique.

Nous sommes donc en train de vivre une révolution profonde dans le domaine de la recherche en santé—une révolution qui va nous donner un autre moyen, très différent, de comprendre le fondement moléculaire de la biologie et des maladies humaines.

Eh bien, qu'est-ce que cela veut dire pour le Canada?

La révolution génétique peut avoir un impact énorme ici même, au Canada. Nous possédons un secteur biotechnologique particulièrement dynamique. C'est un secteur de taille modeste mais de qualité. Nous bénéficions de l'appui du secteur privé qui emploie nos jeunes. Il y a l'apparition d'entreprises dérivées qui ont été créées pour la plupart en raison des découvertes réalisées dans nos universités et nos hôpitaux. Ces entreprises sont en train de mettre au point des thérapies pour le sida, les maladies du coeur, le cancer, les maladies infectieuses et la cécité.

La biotechnologie se développe à un rythme de plus en plus rapide mais cela nous pose un défi, parce que cela nous amène à nous demander, en tant que nation et en tant que peuple, et c'est même là le titre de notre mémoire, si les Canadiens sont prêts à répondre aux défis que pose cette course mondiale dans le domaine de la biotechnologie. Pouvons-nous rivaliser avec les autres? Allons-nous consacrer à ce domaine des ressources suffisantes pour être compétitifs?

Un des intervenants a dit que nous n'avions pas le choix, que nous devions le faire. Je suis d'accord avec lui. Il faut payer pour jouer. Nous devons participer à cette course. Au niveau international, j'ai déjà entendu cette discussion, je suis tout à fait d'accord sur le fait que nous ne pouvons pas attendre que les autres pays nous donnent gratuitement ou nous vendent les découvertes qu'ils vont faire. Nous devons participer à ce développement.

• 1045

La biotechnologie intéresse de nombreux secteurs économiques. Il y a lieu de noter qu'au Canada, les activités dans le domaine de la biotechnologie sont principalement concentrées dans la santé humaine et animale, elles représentent 46 p. 100 de ce secteur, près de 87 p. 100 de l'investissement dans la R-D et c'est le secteur qui crée le plus d'emplois à l'heure actuelle dans notre économie.

Nous sommes un petit pays mais nous sommes au deuxième rang pour ce qui est du nombre des sociétés qui ont recours à la biotechnologie. Par habitant, nous arrivons au deuxième rang dans le monde. Néanmoins, et même si notre gouvernement, et nous tenons beaucoup à dire que le gouvernement nous appuie. Le gouvernement a déjà mis sur pied un certain nombre de programmes très importants, il y a la Fondation canadienne pour l'innovation, le programme des chaires de recherche du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et plus récemment, Génome Canada. Ce sont là des programmes fédéraux fantastiques qui donnent la possibilité à tous les chercheurs canadiens de profiter de cette initiative. Je félicite et remercie le gouvernement d'avoir pris ces décisions stratégiques très importantes.

Je ne pense pas que le secteur privé canadien investisse suffisamment dans notre domaine. Je ne sais pas pourquoi mais je pose la question au comité. Comment pourrait-on encourager le secteur privé à investir davantage dans la biotechnologie? Je mets à part l'industrie pharmaceutique qui est différente. Cette industrie investit beaucoup au Canada.

Il existe une excellente raison pour cela. Le Canada est un pays qui favorise les activités commerciales. Nous disposons de chercheurs très bien formés, mais cela nous pose également un défi parce qu'il faut veiller à continuer à former des scientifiques et des techniciens qui peuvent travailler sur des projets de biotechnologie de classe mondiale.

Il y a donc deux aspects. Il faut d'un côté trouver le moyen d'amener les Canadiens à investir davantage dans la R-D dans le secteur de la biotechnologie. Il faut que le Canada continue à être un pays qui attire les investissements des sociétés pharmaceutiques et autres. Ces investissements apportent beaucoup et je ne vais pas prendre le temps de vous mentionner tous ces avantages, mais j'en mentionne un certain nombre à la page 2 de notre mémoire.

La biotechnologie peut donc contribuer à stopper la fuite des cerveaux, à créer des emplois et en fin de compte, à améliorer la santé individuelle et économique des Canadiens. Il faut savoir que c'est un secteur qui évolue très rapidement, une technologie qui bouge très vite, et nous devons être très vigilants si nous voulons garder la place qui nous revient dans le secteur de la biotechnologie.

J'aimerais attirer l'attention du comité sur un certain nombre de questions qui concernent ce secteur. J'ai mentionné l'appui accordé à la recherche dans le domaine de la santé et en particulier, l'appui donné par les Instituts de recherche en santé du Canada, une initiative gouvernementale importante qui doit se poursuivre et qui doit atteindre progressivement la cible de 1 p. 100 de nos dépenses de santé pour que nous puissions faire front à nos concurrents, le Royaume-Uni, la France et les autres. Tous les programmes que je viens de mentionner devraient aider le Canada à conserver ses meilleurs cerveaux. Il faut faire davantage, il faut réellement parvenir à ce résultat. Il faut rapatrier les Canadiens qui sont partis à l'étranger et empêcher que nos étudiants et nos chercheurs de talent nous quittent pour aller ailleurs.

Je crois que je vais m'arrêter ici, monsieur le président, et j'ai hâte d'entendre les autres intervenants.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le Dr Hudson.

[Français]

M. Thomas J. Hudson (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je vais faire mon allocution en anglais et en français.

[Traduction]

Bonjour. Je m'appelle Tom Hudson. Je suis le directeur adjoint du Centre for Genome Research au MIT et je dirige également le Centre génomique de Montréal. Le Centre génomique de Montréal est actuellement un organisme qui regroupe un certain nombre d'institutions comme McGill, l'Université de Montréal, et les instituts de recherche en milieu hospitalier. Nous avons pour mission d'utiliser l'information, les technologies et les ressources génomiques pour comprendre les maladies humaines, en vue de les éviter et de les traiter. Nous avons en ce moment à notre emploi 43 professeurs, techniciens et étudiants, dont les spécialités vont de la biologie, à la génétique, aux mathématiques, à l'informatique et au génie.

[Français]

J'ai été invité à me prononcer au comité il y a environ trois semaines. Je n'ai pas été invité à titre de porte-parole d'une organisation spécifique. J'aimerais donc parler seulement en mon nom, en tant que chercheur revenu au Canada il y a cinq ans. J'aimerais également souligner que je suis membre ou récipiendaire de fonds de plusieurs organisations publiques et parapubliques.

• 1050

J'aimerais que le comité prenne connaissance du document afin de comprendre un peu le contexte de certaines de mes recommandations.

[Traduction]

Je vous montre une biopuce. Ce petit morceau de plastique contient une plaquette de silicone. On a synthétisé sur chaque carré de dix microns de côté une molécule d'ADN différente. Sur une surface d'un centimètre carré, on a réussi à synthétiser un million de molécules d'ADN différentes. On utilise cette puce pour observer quels sont les gènes qui sont activés dans une cellule. Nous l'utilisons tous les jours au Centre génomique de Montréal. Nous étudions le cancer et comparons les différents types de cellules cancéreuses. Nous étudions quels sont les gènes qui sont activés par les médicaments. Nous étudions des maladies comme l'asthme, les maladies du coeur, le diabète, l'épilepsie, etc.

Cette technologie séquentielle est une des retombées du Projet du génome humain. Les technologies qui ont été découvertes grâce à lui sont révolutionnaires. Habituellement, les laboratoires étudient un gène à la fois, alors qu'ici nous étudions tous les gènes.

Je participe depuis dix ans au Projet du génome humain, le plus grand projet biologique jamais lancé. À mes débuts au MIT, je me suis joint à une équipe qui était composée de biologistes, d'informaticiens, et d'autres mais le projet—dresser la carte et la séquence de tous les chromosomes humains, était impressionnant. En 1990, cela paraissait aussi compliqué qu'envoyer un homme sur la lune.

Comme vous le savez, ce projet a été mené à bien. Le premier rapport à ce sujet a été publié il y a quelques semaines. Cela a fait les manchettes. On a parlé de percées dans le domaine de la médecine et du potentiel de cette réalisation, de brevets, de la propriété et de l'éthique.

J'aimerais vous parler de trois leçons que nous avons tirées de la réalisation de ce projet avec le MIT. Tout d'abord, il y a le fait que la science moderne est pluridisciplinaire. C'est parce que les ingénieurs, les chimistes, les mathématiciens, les biologiques et les informaticiens travaillent ensemble sur de grands problèmes que l'on peut en fait étudier des problèmes différents. L'innovation passe par la fusion de ces disciplines.

Deuxièmement, la science moderne est internationale. Il n'y a plus de barrières. Il y en a parmi vous qui savent que les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon ont fait de grandes contributions au projet du génome. Mais il y en a d'autres. Le Canada a également aidé à mettre au point certaines technologies. Des familles du Venezuela ont fourni leur ADN pour que l'on puisse dresser des cartes génétiques. Des équipes brésiliennes ont séquencé les génomes de micro-organismes, etc. Il y a beaucoup d'autres partenaires qui ont permis cette réussite.

Troisièmement, les communications modernes, en particulier Internet, ont supprimé les obstacles à la circulation de la connaissance. Cela a été extrêmement important pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la communication entre les groupes a facilité l'intégration des idées et une diffusion rapide de l'information. Il y a des milliers de groupes de recherche qui pouvaient ainsi avoir accès à cette information sur une base quotidienne.

La quatrième leçon est qu'il ne faut pas oublier le public. C'est un aspect dont il faut tenir compte depuis le début, pas seulement à la fin du projet. Pendant les dix ans qu'a duré le projet, on a toujours parlé d'éthique, mais ce projet n'a vraiment été connu qu'au cours de la dernière année.

Il faut également que l'information transmise au public soit équilibrée. On fait trop souvent des déclarations simplistes au sujet de l'existence d'un gène du suicide, par exemple, ou d'un gène du bonheur. Ces déclarations flamboyantes sont bien souvent tellement simplifiées qu'elles frôlent le mensonge.

Je participe à des forums publics, par exemple, pour le Montreal Breast Cancer Foundation, l'Association de L'Acidose Lactique du Saguenay-Lac-St-Jean, et pour des groupes de Birmingham et d'ailleurs. Je sais que le public souhaite recevoir une information équilibrée. Il veut connaître à la fois les avantages et les dangers.

[Français]

Le Canada n'a pas joué un rôle majeur dans le projet du génome humain malgré ses forces bien connues en biologie moléculaire et en génétique humaine. Je n'ai pas l'intention de donner une longue liste d'explications concernant cette situation, mais j'aimerais souligner que les occasions de participer aux prochaines étapes sont bien meilleures qu'elles ne l'étaient. Je souligne entre autres la Fondation canadienne pour l'innovation.

Mon message sera bref. S'il n'y avait pas eu de fonds pour démarrer le Centre de génomique de Montréal en 1999, j'aurais quitté parce que nous étions rendus à une phase critique, une phase où les développements se faisaient ailleurs. La Fondation canadienne pour l'innovation nous a fait confiance pour développer des projets de grande envergure au Canada.

J'ai également mentionné le Réseau canadien sur les maladies génétiques, le RCMG, un centre national d'excellence qui a été mis sur pied en 1990. Il s'agit d'un réseau de 50 chercheurs qui a été plutôt extraordinaire en termes de productivité. Depuis 1998, le réseau a produit 772 publications, dont 60 p. 100 dans le cadre de collaborations, et 104 demandes de brevets, identifié 16 gènes associés à des maladies humaines et initié 9 compagnies qui ont attiré des investissements de plus de 135 millions de dollars.

Il est plutôt surprenant qu'un investissement relativement mineur, quoique important, de 3 à 4 millions de dollars par année ait généré autant de croissance.

• 1055

Quels sont les secrets du succès?

Le premier secret est un modèle de réseautage unique au monde. Chaque fois que les Américains viennent voir et évaluer les réseaux canadiens, ils sont éblouis par leur force.

Le deuxième secret est la création de noyaux d'expertise, les core facilities qui donnent accès aux technologies. Par exemple, les membres du réseau ont accès à nos technologies, mais quand le core facility a été mis en opération, 30 groupes canadiens qui ne sont pas membres du réseau ont eu accès à la puce, par exemple.

Le troisième secret est la coordination. La coordination de la gestion de la propriété intellectuelle du modèle RCMG est très forte.

[Traduction]

Le mot clé à utiliser pour décrire le rôle unique que joue le Réseau canadien sur les maladies génétiques est celui de «catalyseur».

Pour ce qui est de Génome Canada, j'ai assisté il y a deux ans à une séance de votre comité au cours de laquelle j'ai présenté un mémoire en tant que scientifique, et non pas en tant que président, comme vient de le faire Marcel Godbout. J'avais décrit les raisons pour lesquelles nous devions investir dans la génomique.

Ce programme est tellement nouveau que je ne peux en dire grand-chose. Je tiens tout simplement à exprimer ma reconnaissance au gouvernement canadien d'avoir décidé d'investir dans ce programme. Je tiens également à vous dire que je suis tout à fait disposé à revenir ici dans deux ou trois ans pour parler de son impact sur la science, si vous le souhaitez.

Je tiens également à remercier le gouvernement du Québec qui a annoncé la semaine dernière l'octroi d'une somme 40 millions de dollars à Génome Québec.

Avant de présenter mes recommandations, je voudrais mentionner un autre point. Nous lisons souvent des choses au sujet des grandes découvertes scientifiques qui seraient le fruit du hasard. Cela est une illusion. Les découvertes scientifiques et l'utilisation de ces découvertes pour fabriquer des produits, des traitements et offrir des services de santé exigent qu'on y consacre des ressources et des structures.

C'est pourquoi je recommande notamment d'encourager la création d'équipes de recherche pluridisciplinaires qui puissent s'attaquer à des grands problèmes de santé comme l'asthme, le diabète et le cancer. Le Parlement a démarré les IRSC, il y a quelques années. C'étaient des instituts qui s'occupaient de différentes maladies, etc. Je fais partie de l'Institut génétique qui a pour mission de faire de la recherche non seulement sur les mécanismes génétiques et l'identification des gènes mais également sur la prévention et le diagnostic des maladies, la mise au point de systèmes de services de santé et l'analyse des répercussions sociales de la nouvelle médecine génétique. Ces activités vont donc de la recherche fondamentale à la prestation de soins de santé.

L'Institut de la génétique propose de lancer des initiatives stratégiques visant à étudier les maladies humaines courantes. Il est projeté de mettre sur pied un mécanisme permettant de traiter les demandes de propositions destinées aux chercheurs canadiens. Nous faisons déjà face à un obstacle important puisque notre budget annuel est de 2,5 millions de dollars. Cette somme ne permettra que de lancer une seule initiative de recherche sur une maladie. Il nous faudrait 20 fois plus. Je crois que les autres instituts sont dans la même situation.

La transformation du CRM en IRSC, avec un mandat élargi, est très certainement la bonne façon de créer des équipes pluridisciplinaires comprenant des biologistes, des scientifiques, des fournisseurs de soins de santé, des chercheurs en sciences sociales, etc. C'est également un milieu de formation stimulant pour les étudiants qui ont choisi cette nouvelle science. Le gouvernement canadien devrait toutefois trouver le moyen d'investir dans les programmes d'initiatives stratégiques des IRSC. Je crois que c'est la prochaine priorité qu'il devrait se donner.

La deuxième recommandation que j'aimerais vous présenter est de mettre sur pied des mécanismes efficaces pour le transfert de la technologie. Je propose au gouvernement canadien de revoir l'impact qu'a eu le Réseau canadien sur les maladies génétiques. Je propose également, et là je fais un peu de publicité, que le gouvernement canadien examine une décision qu'il a prise il y a 10 ans de limiter l'appui donné aux réseaux de centres d'excellence à des périodes de 14 ans. Je pense que cette politique aura des conséquences négatives pour des organisations très dynamiques comme le RCMG.

[Français]

Ma dernière recommandation est de créer et de renforcer les mécanismes qui permettent l'obtention d'une information publique et équilibrée dans le domaine de la biotechnologie, ainsi que la participation de la société à une application responsable des fruits de la biotechnologie.

Je vous remercie de m'avoir permis d'exprimer ce point de vue.

[Traduction]

Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup, docteur Hudson.

Je vais maintenant revenir au Dr Hackett.

Dr Peter A. Hackett (vice-président, Recherches et développement technologique, Conseil national de recherches du Canada): Merci encore une fois, monsieur le président. S'il est 11 heures, il doit s'agir de biotechnologie et non pas de nanotechnologie.

J'aimerais faire un certain nombre de choses ce matin. Premièrement, vous parlez un peu des réussites canadiennes et des stratégies que le Canada a utilisé pour construire son industrie biotechnologique et consacrer quelques moments à vous fournir quelques exemples des avantages que le Canada et les Canadiens ont retirés de ces investissements. J'aimerais en terminant vous donner une recette pour favoriser l'innovation en biotechnologie de façon à positionner le Canada comme chef de file de la nouvelle bioéconomie et pour veiller à ce que nous continuions à appuyer cette industrie pour qu'elle puisse s'emparer d'une part importante du secteur industriel de la biotechnologie.

• 1100

Le secteur de la biotechnologie au Canada s'est développé grâce à l'intervention du gouvernement fédéral qui a lancé en 1983 une stratégie nationale dans le domaine de la biotechnologie. Cette stratégie a permis d'effectuer de la R-D dans le secteur public, elle a entraîné la mise en place de nouvelles infrastructures importantes ainsi que la coordination des activités dans le secteur de la biotechnologie entre les divers gouvernements. C'est ce qui explique que le Canada soit le numéro deux de la biotechnologie dans le monde.

Nous pouvons maintenant nous enorgueillir d'avoir un jeune secteur prometteur qui comprend 350 sociétés, avec des revenus de 2 milliards de dollars et des exportations d'environ 720 millions de dollars. La plupart de ces sociétés sont des PME.

Nous sommes à la veille de connaître une autre révolution. La biologie est en passe de se transformer en une science fondée sur l'information. C'est cela la génomique. Nous assistons à la convergence de la biotechnologie et de la technologie de l'information. Nous assistons à la convergence des biotechnologies avec la technologie des matériaux, et la biotechnologie va avoir des répercussions sur tous les secteurs de l'économie.

Cette nouvelle économie est uniquement fondée sur la R-D. La R-D est l'alpha et l'oméga de la bioéconomie et la bioéconomie est l'avenir de la biotechnologie.

Encore une fois, nos entreprises dépensent près de 825 millions de dollars en recherche, par an, au Canada. D'autres pays ont toutefois également fait des progrès. Le Canada n'occupe donc plus le deuxième rang; il est peut-être quatrième en ce moment, à cause des gros investissements qui ont été faits en Europe, en particulier en Allemagne, au Royaume-Uni, et également, au Japon.

Ces pays reconnaissent le rôle que doit jouer le gouvernement pour favoriser la croissance de ce secteur. Nous devons donc continuer à investir. Si nous continuons effectivement à investir, nous en retirerons un triple avantage: tout d'abord, nous obtiendrons des avantages sur le plan de la santé, des avantages pour l'environnement et les produits d'exportation et enfin, la création d'un secteur industriel fondé sur la biotechnologie. Il faut toutefois continuer à investir.

Je dirai très rapidement que le Conseil national de recherches a mis sur pied un programme important dans le domaine de la biotechnologie, auquel il consacre environ 100 millions de dollars par an, soit 0,5 milliard de dollars sur cinq ans. Pendant cette période, nous allons en retirer environ 100 millions de dollars, sous la forme de revenus provenant des entreprises.

Notre rôle est de regrouper des gens qui viennent des universités, de l'industrie, et aussi des capitaux pour les affecter à un même projet: créer dans les collectivités où nous sommes actifs des pôles d'attraction pour les investissements économiques, en particulier pour l'investissement étranger direct.

Nous allons donc contribuer, avec l'Université de Montréal et l'université McGill, à la croissance du secteur biopharmaceutique de Montréal. Là encore, le Canada peut être très fier d'avoir dans le corridor Montréal-Québec un des deux grands centres de l'Amérique du Nord.

Parallèlement, à Saskatoon, notre Institut de biotechnologie des plantes, Agriculture Canada et l'Université de la Saskatchewan forment un puissant pôle d'attraction économique. Plus de 100 sociétés sont établies à Saskatoon et y construisent une économie fondée sur la biotechnologie des plantes.

Cette stratégie n'oublie pas la région atlantique. Récemment, le gouvernement fédéral a accordé au CNRC une somme de 110 millions de dollars sur cinq ans pour apporter dans cette région cette stratégie des grappes des technologies de l'innovation. À Halifax, nous nous concentrons sur la génomique. Nous sommes en train de construire, en partenariat avec l'industrie, une installation pour la génomique. De plus, en collaboration avec l'hôpital Queen Elizabeth d'Halifax, nous transférons les technologies d'imagerie par résonnance magnétique de façon à construire un centre de traitement des traumatismes cérébraux de niveau international.

J'ai parlé de notre institut d'Halifax. C'est lui qui a joué un rôle actif dans la création de Ressources de bio-informatique Canada, qui est un élément de l'infrastructure canadienne fonctionnant sur le CA*netII. C'est le réseau de base du transfert de l'information bio-informatique entre les centres canadiens et il relie ces centres aux centres internationaux.

• 1105

C'est cette structure qui a permis de séquencer le premier organisme séquencé intégralement au Canada, les trois millions de paires complémentaires du génome de l'archeobacterium sulpholobus solfataricus.

Je vais maintenant parler un peu des avantages. De l'autre côté de la ville, nous travaillons depuis 20 ans à élaborer des vaccins à partir des glycoprotéines. Ces vaccins viennent d'être mis en marché et d'être utilisés au Royaume-Uni. Les vaccins contre les maladies méningocoques du groupe C ont été utilisés dans une campagne de vaccination au Royaume-Uni: trois millions de vaccins. Ce vaccin va prochainement être commercialisé en Amérique du Nord.

Je vais encore vous parler des avantages. Je pourrais vous parler des 3 millions de dollars par an que procurent au CNRC les recettes de PI, mais ce n'est pas vraiment le principal avantage. Je pourrais vous parler du fait que l'on a vacciné au Royaume-Uni un million de personnes et qu'elles n'auront plus à craindre la méningite, la surdité et les maladies mentales, mais ce n'est pas encore là le véritable avantage. Je pourrais parler des 1 000 vies que l'on sauvera dans le monde d'ici 2015 grâce à ce vaccin. Ce n'est pas le véritable avantage.

Les enfants sont les derniers récepteurs de la méningite. Avec ce vaccin, nous allons réussir à éradiquer complètement cette maladie de la planète, et c'est là le véritable avantage que représente cette découverte biotechnologique.

Cette même technologie permet de s'attaquer à sept autres maladies enfantines. La recherche est en cours. Cela sera commercialisé prochainement.

J'aimerais faire une parenthèse ici. Je veux mentionner une situation qui est très canadienne. Le Dr Jennings a reçu des fonds de l'American National Institutes of Health au milieu des années 90; mais il n'a pas droit de recevoir des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada. Il faut faire quelque chose à ce sujet. À l'autre bout de la ville, Wayne Conlan va recevoir 2 millions de dollars sur cinq ans pour sa recherche. Lui non plus n'a pas droit aux fonds des IRSC.

Je vais passer aux avantages pour l'environnement. On a créé un modèle très original dans lequel la ville de Montréal, le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et le CNRC effectuent conjointement de la recherche pour que de petites entreprises puissent nettoyer les fiches industrielles de Montréal pour en faire des terrains réutilisables, là encore en ayant recours à des processus de détection et de restauration biotechnologiques.

Nous avons créé des puces à ADN pour détecter les éléments pathogènes de l'eau à un coût raisonnable. L'on peut maintenant déceler avec une puce à 5 $ le cryptosporidium parvum, etc.

Nous avons entendu parler de Walkerton. Deux jours après que Walkerton fasse les manchettes, j'avais le mémoire du Dr Malcolm Perry sur mon bureau. Il travaille à l'Institut des sciences biologiques et il m'a dit «J'ai la réponse, je travaille sur cette question depuis 20 ans.» Nous étudions maintenant un vaccin contre l'E. coli 0157:H7 qui va être mis au point par l'agence VIDO de l'Université de Saskatchewan.

L'ostéoporose. Nous avons lancé une petite entreprise qui produit une hormone parathyroïde synthétique. L'ostéoporose est la cause de 2,5 millions de visites médicales aux États-Unis, de 400 000 admissions à l'hôpital et de 180 000 admissions dans des foyers d'accueil. Je suis sûr que certains d'entre vous ont une mère ou une grand-mère qui souffre d'ostéoporose. Cette nouvelle technologie ne se contente pas de réparer l'os, elle le reconstruit. Bien sûr, il faudra encore plusieurs années de mise au point et beaucoup d'argent pour commercialiser cette technologie, mais nous travaillons dans cette direction.

Pour parler encore d'avantages, sur le plan économique, il faut parler de l'Institut de recherche en biotechnologie de Montréal qui est une pépinière de petites entreprises. Il s'occupe, je crois, à l'heure actuelle d'une vingtaine de petites entreprises. Elles ont 260 employés. Il y a parmi elles des entreprises qui sont venues des États-Unis et d'Europe.

• 1110

Bill, voudrais-tu projeter la diapositive suivante, qui est près de la dernière. Vous voyez là la liste des entreprises dont s'occupe actuellement l'Institut de recherche en biotechnologie.

Permettez-moi de citer Lloyd Segal, le président de Caprion Pharmaceuticals:

    L'IRB est un endroit unique pour les jeunes pousses en biotechnologie. Cet institut offre à une petite entreprise des installations qui lui permettent de bénéficier des mêmes avantages que les grandes sociétés pharmaceutiques. Il offre une infrastructure et un soutien que les petites entreprises ne pourraient rêver d'avoir à un prix raisonnable.

En conclusion, le Canada a bien raison d'être fier de ses réalisations. Nous avons fait beaucoup de choses. Nous avons fait des progrès non seulement sur le plan économique, mais également pour les citoyens et pour la société. Malgré toutes ces promesses, il faut reconnaître que notre secteur biotechnologique est encore jeune et vulnérable. Il est tombé de la deuxième à la quatrième place. Le financement de capital-risque est important pour le Canada mais pas comme il l'est à l'échelle internationale. La mise au point des nouveaux produits découlant de la biotechnologie canadienne se fait le plus souvent à l'étranger. Combien de fois avons-nous vu des petites entreprises canadiennes se développer et ensuite s'établir à l'étranger ou vendre leur PI à de grandes sociétés multinationales? Nous devons changer cela. Là encore, si nous voulons passer de la quinzième à la cinquième place, il faut que le Canada crée trois ou quatre Nortel de plus. Il faut aider nos petites entreprises à devenir des sociétés de classe internationale. Cela passe nécessairement par la R-D.

Nous avons collaboré avec tous les ministères fédéraux qui s'occupent de biotechnologie ainsi qu'avec les organismes de financement pour adopter une position commune, qui invite le gouvernement à prendre des mesures dans trois directions: l'accroissement rapide du soutien accordé à la R-D, toute cette industrie est fondée sur la R-D; la prise en compte des forces régionales et le soutien des grappes de technologie, de façon à construire des pôles d'attraction pour les investissements étrangers directs et pour bénéficier de la synergie que favorisent ces grappes.

Mon dernier point est que toutes ces mesures doivent répondre aux besoins d'innovation des entreprises canadiennes pour que nous puissions en retirer des avantages au Canada et faire bénéficier la population des résultats obtenus grâce aux fonds fédéraux consacrés à la R-D.

Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, AC): Docteur Hackett, vous avez mentionné le fait qu'il y a des chercheurs qui reçoivent du financement d'autres sources mais qui n'ont pas droit aux fonds des IRSC. Je me demande si vous pourriez nous expliquer cela brièvement.

Dr Peter Hackett: Je ne suis pas spécialiste de la question mais je crois que cela vient du contrôle que le Parlement doit pouvoir exercer sur ses fonctionnaires, de sorte que, s'il accorde des fonds à l'extérieur des IRSC, la Loi sur la gestion des finances publiques interdit que ces fonds soient remis à des laboratoires fédéraux pour appuyer la recherche. Je crois que c'est là la raison technique. Cela vient d'un système mis sur pied par les Anglais à la fin du XIXe siècle, et ce n'est sans doute pas un système qui convient au Canada de l'an 2000.

Cela entraîne comme résultat que le système fédéral de R-D n'est par relié au secteur universitaire, ni au secteur industriel, de sorte qu'il n'y a plus de concurrence directe. Je crois que les deux parties n'arrivent pas à réaliser leur potentiel. Je ne sais pas très bien comment l'on pourrait modifier la situation mais c'est un gros grain de sable dans le système d'innovation du Canada qu'il faudra faire disparaître à un moment donné.

M. James Rajotte: Je crois savoir, par exemple, que le centre de recherche sur le diabète d'Edmonton reçoit des fonds américains, des fonds du gouvernement de l'Alberta et des...

• 1115

Dr Peter Hackett: Le problème auquel je faisais allusion concerne le financement de chercheurs du gouvernement fédéral par des organismes fédéraux de financement, comme le CRSNG et les IRSC.

M. James Rajotte: Très bien.

J'aimerais demander aux trois témoins qui sont ici aujourd'hui de nous parler, d'une façon générale, du génome et de toute cette révolution de la biotechnologie et du changement qui est intervenu sur le plan de la santé, puisqu'on est passé d'un diagnostic fondé sur des symptômes à un diagnostic davantage axé sur la prévention. C'est la position classique sur ce que pourrait apporter l'exploration du génome humain mais j'aimerais savoir si nous sommes près d'être capables de diagnostiquer les maladies dont va souffrir quelqu'un à partir de ses gènes?

M. Thomas Hudson: Je suis également un médecin et je traite les gens qui souffrent d'asthme, une maladie du système immunitaire, et je peux vous dire que, du point de vue médical, nous n'en sommes pas très loin. C'est pourquoi je mentionnais le fait qu'on entendait parfois des nouvelles mirobolantes. Lorsque nous trouvons un gène qui multiplie le risque par deux ou trois, cela ne veut pas du tout dire que telle personne aura cette maladie; cela veut simplement dire que le risque d'avoir cette maladie peut passer de 2 à 4 p. 100, etc. En fait, la plupart des prédicteurs des maladies courantes, l'asthme, l'obésité, les maladies du coeur, le diabète, sont des gènes à faible valeur prédictive, et cela ne permettrait pas de dire à quelqu'un qu'il va souffrir du diabète mais qu'il ne souffrira pas d'arthrite.

Par contre, le fait de connaître ces gènes est très utile pour découvrir de nouveaux traitements. Par exemple, il y a un gène que l'on appelle le PPAR qui multiplie seulement par deux le risque d'avoir une maladie, mais on sait aujourd'hui que cette porte d'entrée va permettre d'élaborer de nouveaux médicaux pour lutter contre le diabète. La connaissance des gènes est donc un acquis.

Je ne veux pas être trop négatif, parce que ce n'est pas toujours le cas. Pour la prévention, il y a des gènes qui multiplient par cinq le danger d'avoir une maladie donnée et cette information peut être utile sur le plan clinique. Par exemple, le gène du cancer de la prostate qui multiplie par cinq le risque de souffrir de cette maladie pourrait entraîner l'adoption d'une politique consistant à faire passer annuellement des tests de la prostate aux hommes qui sont dans la quarantaine, et non pas dans la cinquantaine. On pourrait faire la même chose pour le cancer du côlon, qui met en jeu cinq gènes différents, et dans les familles à risque élevé où la connaissance de ces gènes est importante pour les membres de la famille. Ces avancées sont presque arrivées dans les cliniques médicales, et elles y seront dans quelques années.

Enfin, il y a des gènes qui ne permettent pas de prévoir si l'on va souffrir ou non d'une maladie mais qui vont indiquer, que certaines personnes atteintes de cette maladie répondent mieux à certains types de traitement qu'à d'autres. Nous le constatons pour la leucémie à l'heure actuelle, pour les lymphomes, pour lesquels la connaissance de la configuration génétique de la tumeur permet de savoir si elle va répondre ou non à un médicament donné. Ce type d'information est transmis aux cliniciens.

Il est possible de dire que c'est une question très complexe et que pour chaque cas, pour chaque gène et pour chaque maladie, il faut procéder à une évaluation fondée sur des études pour déterminer si l'information doit être transmise aux médecins et si l'on devrait pratiquement considérer les tests génétiques comme si l'on faisait des tests sur les médicaments ou des aliments. Il faut évaluer les risques et les avantages et lorsqu'il y a un avantage, il faut diffuser l'information; lorsqu'il n'y en a pas, il faut simplement mentionner que cette recherche a été faite.

Dr Barry McLennan: Puis-je ajouter quelque chose? Je suis tout à fait d'accord avec le point de vue du Dr Hudson. J'aimerais souligner que, si nous ne sommes pas tout à fait arrivés à ce point et qu'il faudra attendre encore un peu, nous sommes déjà en mesure d'expliquer de façon logique pourquoi certaines personnes répondent différemment à des traitements. Autrement dit, lorsque l'on connaîtra la carte génétique particulière d'une personne ainsi que les produits, les protéines, qui sont fabriqués, on pourra utiliser des traitements qui vont répondre à la configuration précise de cette personne et qui pourront réagir avec ces cibles. Cela va donc permettre d'affiner le traitement et de le rendre beaucoup plus efficace.

Vous avez tout à fait raison, l'information prise isolément n'est que le début et je suis d'accord avec le Dr Hudson lorsqu'il dit que cela va prendre un certain temps; nous avons toutefois les moyens actuellement d'examiner ces exemples et d'étudier chaque maladie. L'avenir est donc très prometteur.

M. James Rajotte: Le ministre de la santé va, je crois, présenter très prochainement un régime de réglementation, qui ne visera pas seulement à réglementer le secteur mais à également à favoriser la recherche. Je me demande si vous pourriez nous dire quel serait, d'après vous, le genre de régime de réglementation qui conviendrait. On suggère dans plusieurs pays un conseil consultatif national ou un tribunal qui jouirait d'une certaine indépendance par rapport au gouvernement. Un tel organisme pourrait établir des distinctions entre les divers types de recherche sans avoir recours au droit pénal, qui est bien souvent un instrument trop grossier.

• 1120

Quel serait d'après vous le meilleur régime de réglementation pour votre type de recherche?

Dr Barry McLennan: Je peux commencer.

Nous avons déjà un excellent système au Canada pour ce qui est de l'examen des projets de recherche sur des sujets humains sur le plan de l'éthique.

M. James Rajotte: C'est...

Dr Barry McLennan: La politique inter-conseils, oui. J'aimerais expliquer davantage cela.

Cela revient à confier cette question à un comité d'experts dans chaque institution. Les organismes de financement se sont déchargés de cette responsabilité sur les institutions de recherche qui effectuent le travail. C'est probablement une bonne chose.

Bien évidemment, ces questions ne sont jamais simples. La plupart des gens prennent une aspirine sans penser aux effets secondaires, mais statistiquement, à l'échelle mondiale, il y a des gens qui ont des problèmes après avoir pris une aspirine. Doit-on interdire l'aspirine? Non. C'est toujours une question d'équilibre. La question que tous les comités d'éthique se posent au sujet d'un protocole de recherche particulier est la suivante: «Est-ce que l'avantage que cette recherche pourrait apporter à la société l'emporte nettement sur les risques qu'elle fait courir à des individus?»

D'après moi, nous avons déjà le mécanisme dont nous avons besoin. Il suffit de l'utiliser et de ne pas chercher à réinventer la roue.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

M. Thomas Hudson: Puis-je poser une question au Dr McLennan?

À part la recherche, qui est importante, et il y a des lignes directrices, la politique inter-conseils est là, il faudrait mettre sur pied un organisme de réglementation qui serait chargé de contrôler le transfert des résultats des recherches à la médecine.

Je suis également membre du CCCB, qui effectue en ce moment une consultation sur cette question. Il est toutefois évident que le comité d'éthique ne peut décider comment l'on peut accorder à un laboratoire l'autorisation de faire des tests génétiques. Un comité d'éthique ne peut se prononcer sur ce qui est sécuritaire et sur ce qui ne l'est pas. Il faut faire de la recherche. Il faut des groupes de spécialistes capables d'évaluer l'innocuité d'un médicament, ou d'un test, etc. Il faut pour le faire s'adresser à un organisme indépendant composé de spécialistes venant de différentes disciplines—le droit, la médecine, les sciences sociales, etc.

Il faudrait élaborer une meilleure définition. Nous avons besoin d'un régime de réglementation, qui soit global et transparent non seulement pour la recherche fondamentale mais également pour le transfert des résultats de la recherche au système de santé.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Cannis.

M. John Cannis: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, permettez-moi de vous remercier tous d'avoir mentionné le soutien qu'accorde le gouvernement à ce nouveau secteur qui nous concerne tous. Vous avez trouvé les mots qu'il fallait.

Monsieur McLennan, vous avez parlé des difficultés auxquelles faisait face votre industrie, pour ce qui est de l'opposition secteur privé/secteur public, et du fait que le secteur privé hésite à s'engager et à appuyer... et vous avez comparé cela avec ce qui se passe ailleurs. Je suis d'accord avec vous.

Je vous demanderais toutefois d'expliquer davantage pourquoi ces entreprises hésitent à investir dans ces domaines? Est-ce à cause de notre processus d'approbation, de conformité ou de réglementation? Est-ce parce qu'il s'agit d'un secteur relativement nouveau et que ces entreprises veulent avoir des points de repère, des normes pour pouvoir faire des comparaisons? Il y a des petites entreprises qui ne reçoivent pas l'aide dont elles ont besoin et cela leur cause des difficultés. Nous perdons leur technologie et leurs cerveaux lorsqu'elles s'en vont.

Docteur Hackett, vous avez utilisé l'exemple de Walkerton. J'ai oublié le nom de la personne qui est venue vous dire qu'elle avait la solution.

Pourriez-vous expliquer ce qui est arrivé? Est-ce que ce produit a été approuvé sur-le-champ? Est-ce qu'il y avait un mécanisme qui permettait d'accélérer les choses?

Nous nous engageons dans des voies nouvelles. Le Dr Hudson en a parlé, tout comme les autres. Je ne pense pas que nous devrions progresser trop rapidement dans ces nouveaux domaines. Il y a des dangers. Mais j'ai eu l'impression qu'il est parfois très difficile de faire approuver certains produits avec ce système. C'est ce que j'ai entendu, on m'a dit que ces aspects constituaient des obstacles.

Dr Barry McLennan: Très bien, je vais essayer de répondre à votre première question.

Il est évident, et c'est une chose que nous avons tous mentionné, que nous faisons face à une concurrence mondiale. Tous les éléments dont les entreprises ont besoin pour réussir sont nécessairement des éléments clés. Autrement dit, si notre processus d'autorisation des médicaments est moins bon que celui du Royaume- Uni, des États-Unis, et des autres pays, c'est un obstacle qui gêne l'exploitation commerciale de ce médicament au Canada. C'est exact.

• 1125

D'après les dernières données que j'ai examinées, il semble que la direction de la protection de la santé ne répondait même pas à ses propres critères pour ce qui est du délai dont elle avait besoin pour approuver les nouveaux médicaments. C'est un point sur lequel il faut faire quelque chose. Au cours des interventions précédentes, la CRBS a affirmé que nous aurions peut-être besoin d'un nouvel organisme. C'est peut-être la façon de procéder; il faut en tout cas l'examiner. C'est un aspect du marché.

Les sociétés internationales sont très désireuses de faire affaires au Canada, même si c'est un petit pays, parce que nous avons un bassin de spécialistes très bien formés. Notre niveau scientifique est excellent, nos cliniciens sont bons, et cela est reconnu dans le monde entier. Il faut veiller à continuer à former des chercheurs. Le Dr Hudson a mentionné un de ceux qui étaient revenus. Mon Dieu, j'aimerais en avoir 5 000 de plus. Cela est excellent. Il est resté ici. Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui ne sont pas restés et nous devrions tout faire pour retenir des gens comme eux. C'est un autre aspect du marché.

Votre troisième question m'échappe pour le moment.

M. Thomas Hudson: Elle portait sur Walkerton.

Dr Barry McLennan: Je vais vous laisser répondre à cette question.

M. John Cannis: Walkerton, on a proposé immédiatement une solution. A-t-elle été approuvée et, avons-nous réussi à accélérer les choses?

Dr Peter Hackett: Oui, cela s'est fait très vite.

Je dirais que le lendemain, j'appelais le gouvernement de l'Ontario. Après cela, nous avons conclu une entente avec une société financière d'innovation. Nous avons confié la chose à VIDO, un organisme vétérinaire qui était en mesure de faire les premiers tests de ce produit. On vaccine les vaches en utilisant une autre bactérie; il n'est pas nécessaire de faire des injections. Cela est transmis très rapidement à toutes les têtes du troupeau et l'E. coli 0157 n'est pas expulsé dans les excréments. Tout ceci a été examiné.

Les conférences de presse que nous avons faites à ce sujet ont attiré l'attention d'une société multinationale qui était en train de mettre sur pied une division de la santé animale. Nous sommes aujourd'hui en train de négocier avec cette grande société.

Cela bouge très rapidement. Nous n'avons pas eu encore de difficulté avec les organismes de réglementation mais bien sûr, il faut faire preuve de mesure lorsque l'on modifie l'ordre naturel des choses. Je peux toutefois vous assurer que nous agissons le plus vite possible.

M. John Cannis: Bien sûr, vous voulez vous assurer que ce produit est sécuritaire.

Monsieur le président, j'aimerais terminer avec cette remarque. Je suis d'accord avec vous, docteur McLennan, lorsque vous dites que l'on devrait peut-être envisager de mettre sur pied un système parallèle, pas nécessaire pour accélérer le processus, mais d'après les commentaires que j'ai entendus, c'est une des raisons pour lesquelles le secteur privé est réticent, même avec tout le soutien qu'apporte le gouvernement à ce secteur. Si nous voulons remonter de la quinzième à la cinquième place, il faudra mettre sur pied des organismes de réglementation qui utilisent des processus rationalisés et qui soient prêts à travailler étroitement avec le secteur privé pour créer un environnement sûr, pas nécessairement un environnement où tout se fait rapidement, mais un environnement beaucoup plus dynamique. Merci.

Dr Barry McLennan: Je reviens à votre commentaire sur le fait que les Canadiens n'investissent pas suffisamment dans le secteur privé autre que celui des produits pharmaceutiques, ce n'est pas que les sociétés pharmaceutiques ne pourraient pas faire davantage, mais nous nous demandons: pourquoi les Canadiens n'investissent pas dans la R-D? Je n'ai pas la réponse mais c'est peut-être un aspect auquel il faut réfléchir, parce que cela fait partie de la solution.

Le gouvernement ne peut pas tout faire. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, nous dépensons l'argent du contribuable; nous le savons, mais pourquoi est-ce que les particuliers n'investissent pas dans ce secteur et pourquoi les autres entreprises du secteur privé n'investissent pas davantage dans la R-D? Est-ce parce que, comme quelqu'un l'a déjà dit, notre économie est trop petite par rapport aux autres? Je ne le pense pas. Nous pourrions faire davantage. Il faudrait peut-être secouer un peu les Canadiens et leur dire «Investissez dans votre pays!»

Il faut parler davantage de nos succès. Prenez la chose admirable qui s'est produite la semaine dernière avec le sauvetage par avion d'un médecin américain qui se trouvait dans l'Antarctique. Regardez ce qu'a réussi à faire Hadfield dans l'espace l'autre jour. Nous faisons des choses fantastiques mais nous ne faisons pas connaître suffisamment nos réussites. Cela pourrait attirer des investisseurs.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Parfois, nous ne savons pas comment célébrer des événements.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Merci. J'aimerais poursuivre la discussion sur ce sujet, monsieur McLennan.

Vous avez partiellement répondu à votre propre question, qui se rapportait à l'effort du secteur privé, en en vantant les succès. Mais quel est le rôle du gouvernement? Comment participe-t-il à l'effort de convaincre le secteur privé, ou les individus par le biais de leurs investissements, d'investir davantage dans des activités de recherche? À court terme, que pourrait-on faire concrètement?

• 1130

[Traduction]

Dr Barry McLennan: Je ne suis pas un économiste mais on pourrait peut-être rendre les investissements plus intéressants en accordant des crédits d'impôt ou des incitatifs fiscaux, je ne sais pas très bien.

Du point de vue de la recherche, je suis un biochimiste et je peux vous dire que le secteur de la recherche est absolument ravi des programmes qui ont été mis sur pied, les chaires de recherche, la FCI, les IRSC, etc. Excusez-moi d'utiliser des sigles mais je suis certain que vous les connaissez tous.

Cela constitue un bon départ. Il faut ensuite que les provinces fassent leur part, puisque la plupart des chercheurs sont rémunérés par les provinces. Ils sont employés par des institutions provinciales. Il faut favoriser une symbiose dans ce domaine. Mais je suis désolé, je n'ai pas de réponse précise à vous fournir pour ce qui est d'amener les particuliers à investir davantage. Bien évidemment, il faut les attirer. Nous devons signaler les opportunités et veiller à ce que les Canadiens les connaissent.

Il y a un exemple qui me vient à l'esprit. Le Fonds de découvertes médicales canadiennes, qui a été créé tout récemment, et qui est dirigé par Cal Stiller, a obtenu des résultats extraordinaires pour attirer des capitaux de risque destinés à financer la commercialisation des résultats des projets de recherche. Cela ne touche pas la partie initiale du processus de la recherche mais l'aboutissement en est un aspect très important. Je n'ai pas de chiffres récents mais je sais qu'ils ont réuni des centaines de millions de dollars et aidé à démarrer un grand nombre d'entreprises. C'est une activité qui a donné d'excellents résultats. Cela ne concerne qu'un petit secteur. Il faudrait développer ce genre d'activité.

Dr Peter Hackett: Il y a un aspect que nous devrions étudier très sérieusement, et nous le faisons pour la préparation du livre blanc sur l'innovation, c'est comment aider nos PME à devenir des sociétés d'envergure internationale. Cela dépasse le capital de risque. Le gouvernement pourrait créer un fonds de contrepartie pour la R-D grâce auquel les besoins de ces entreprises en R-D seraient comblés à mesure qu'elles se développent.

[Français]

M. Thomas Hudson: Vous pouvez voir à la page 2 de mon curriculum vitae d'affiliations que j'ai beaucoup de contrats de recherche. Les compagnies qui veulent investir ne le font pas pour avoir de l'information sur les protéines X, Y ou Z. Elles investissent dans une équipe. La recherche devient de plus en plus complexe. Il s'agit donc d'équipes de recherche qui veulent participer aux projets dans leur ensemble pour récolter l'ensemble des fruits de la technologie, de la découverte au produit.

Le monde de la science change et devient de plus en plus l'affaire d'équipes de recherche. Il y a des initiatives stratégiques, de gros projets, par exemple pour le diabète ou l'ostéoporose. Je suis certain que c'est un peu la même chose dans le domaine des communications. S'il existe des équipes de recherche canadiennes bien subventionnées et qui ont une masse critique, les compagnies seront intéressées à se joindre à de telles équipes. Si on veut qu'il y ait des investissements en recherche, il faut s'apercevoir que les compagnies sont intéressées à une masse critique, à une équipe de grande envergure. Elles n'investissent pas simplement pour obtenir le résultat d'une expérience, mais pour être partenaires à long terme d'une équipe. L'envergure d'une équipe est donc importante.

M. Pierre Brien: D'accord. Je voudrais vous poser une question, monsieur Hudson. Elle est un peu personnelle, mais on peut l'appliquer à d'autres personnes qui vivent une situation similaire à la vôtre.

Vous avez un profil très impressionnant. Vous êtes un chercheur de haut niveau. Vous avez dû faire un choix à un moment donné: pratiquer ici ou aller ailleurs. Vous dites que vous êtes revenu; j'imagine que vous étiez à l'extérieur durant un certain temps.

Quelles sont les variables clés? Je sais qu'il y en a plusieurs, mais pouvez-vous nous éclairer là-dessus? S'agit-il des conditions salariales, de la qualité des équipes de recherche auxquelles on appartient? Quelle est l'importance de ces variables dans la capacité de maintenir ou d'attirer des individus ici?

M. Thomas Hudson: Un chercheur, qu'il soit n'importe où au monde ou au Canada, qu'il soit à Brock ou à Montréal, veut être le meilleur dans son domaine. Un chercheur est très compétitif. Il n'y a aucun intérêt à être deuxième dans la course à la découverte d'un gène. Il faut être premier. Nous sommes compétitifs. La capacité d'être compétitif dans ses recherches est probablement le premier facteur qui fait qu'un chercheur choisira d'oeuvrer au Canada ou ailleurs, à une université ou à une autre.

• 1135

Cela dit, il y a d'autres variables. Je suis Québécois. Je suis du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Je ne suis pas retourné au Saguenay parce qu'il n'y avait pas là la possibilité de faire la recherche que je voulais faire. À Montréal, j'ai trouvé un environnement fertile, prêt à m'accueillir.

J'ai aussi gardé un pied à terre au MIT. Je suis encore directeur adjoint du Center for Genome Research du MIT. C'est le plus grand centre de génomique au monde. Pourquoi ai-je fait la navette pendant cinq ans, les lundis et mardis à Boston et le reste de la semaine à Montréal? Parce qu'à Montréal, le terrain n'était pas prêt pour accueillir des projets d'envergure comme ceux que je faisais au MIT. J'ai donc continué avec mes équipes à Boston et j'ai formé des équipes à Montréal. Aujourd'hui, avec 43 employés et de nouvelles subventions de Génome Canada, je vais laisser Boston et me concentrer complètement ici.

J'ai vécu une situation où j'ai eu le meilleur des deux mondes: la haute technologie à Boston et d'importants projets sur les maladies à Montréal. Ici, je suis dans une Faculté de médecine; je suis médecin. C'est un territoire que je voulais toucher. Je voulais me concentrer plus sur la maladie que sur la technologie.

Donc, la capacité d'être compétitif, un environnement fertile et les intérêts du chercheur figurent parmi les facteurs qui font qu'un individu veut rester. J'ai quatre enfants. Je préfère élever mes enfants au Québec plutôt qu'aux États-Unis; c'est aussi simple que ça.

M. Pierre Brien: J'ai une sous-question. Je ne veux pas savoir le montant exact, mais est-on compétitifs en termes de salaires? Certains argumentent qu'on paie moins d'impôt sous le régime fiscal américain. Est-on compétitif à cet égard et jusqu'à quel point cette variable joue-t-elle dans notre capacité de garder les individus?

M. Thomas Hudson: Nous ne sommes pas compétitifs en termes de salaires. Les salaires sont faibles. Le clinician scientist award de 55 000 $ que je reçois chaque année des Instituts de recherche en santé du Canada est pour moi une source de salaire, mais pour un médecin ayant terminé ses études en 1985, c'est plutôt bas comme salaire. Donc, en ce qui me concerne, ce sont les autres instituts et l'université qui supplémentent mon salaire. Cela devient un problème pour les universités de trouver des fonds pour supplémenter les salaires des chercheurs afin de les rendre compétitifs.

Encore une fois, pour mes collègues chercheurs, il y a une grosse différence, en termes de salaires, entre les États-Unis et le Canada. Il y a une grosse différence dans l'échelle salariale, et c'est sûrement une des raisons importantes pour lesquelles beaucoup de Canadiens ayant fait des études posdoctorales et ayant fait un entraînement de trois, quatre ou cinq ans aux États-Unis ne veulent pas revenir. Le salaire à Boston est de 120 000 à 140 000 $US. Si l'on veut qu'ils reviennent dans nos universités, il faut convaincre nos universités qu'un salaire de 55 000 $CAN n'est pas... Ce sont deux mentalités, deux environnements très différents. Il y a une grosse disparité. Les jeunes chercheurs qui ne sont pas établis aux États-Unis ont de la difficulté à penser revenir au Canada et à accepter des échelles salariales qui sont plus faibles que là-bas.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président. Pour continuer dans cette veine, vous faites essentiellement état des salaires du domaine public; selon vous, la même chose s'applique-t-elle au secteur privé?

M. Thomas Hudson: Je n'ose pas le dire. Même si je siège au conseil d'administration de plusieurs compagnies, je n'ai jamais connaissance des échelles salariales. J'ai remarqué et je reconnais qu'il y a beaucoup de compagnies qui se sont installées à Montréal et qui ont à leur bord des chercheurs américains. Je suis persuadé qu'ils se sont fait offrir des salaires compétitifs—à tout le moins les chefs d'entreprises—sinon ils ne seraient pas là.

[Traduction]

M. Mauril Bélanger: Je veux revenir aux commentaires qu'a faits le Dr McLennan au sujet du financement de ce secteur.

Je suis heureux de voir que vous avez mentionné le fonds de capital-risque mis sur pied par les organisations du travail, le fonds de découvertes médicales et il y en a beaucoup d'autres, qui montrent que les Canadiens semblent vouloir investir dans ce secteur. Le gouvernement a modifié légèrement les règles applicables ici, mais, d'une façon générale, ces fonds ont permis de drainer des sommes importantes, et il faudrait poursuivre dans cette direction.

Vous avez dit pour l'essentiel qu'il y avait un manque du côté des entreprises privées. Vous vouliez sans doute parler d'investissement. J'aimerais que vous précisiez davantage cet aspect? Il y en a qui pense qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'investissements parce que ces entreprises attendent que le gouvernement, le secteur public bougent en premier, et le gouvernement a tendance... Je n'ai rien contre le fait que la recherche soit financée par des fonds publics mais est-ce que cela est un facteur? Si c'est bien le cas, comment pensez-vous qu'il faudrait le modifier?

• 1140

Dr Barry McLennan: Je crois que cela en fait partie. Mais pour mentionner un autre aspect, il y a une partie des investissements dans la recherche qui concernent la formation d'entreprises dérivées dans les universités et les instituts de recherche. Nous avons été très longs à le faire au Canada. Les universités commencent aujourd'hui à s'engager dans cette voie et à y consacrer des crédits. C'est une excellente chose, il faut le faire. C'est encore plus vrai pour la biotechnologie que peu n'importe quel autre secteur.

À l'heure actuelle, les bureaux de transfert de technologie des universités concentrent leurs efforts dans cette direction. Ils ont encore du mal à trouver des fonds pour faire passer les idées de recherche du laboratoire à l'étape du développement, à l'étape de la précommercialisation, du prédéveloppement des produits. Il y a un manque de fonds pour ce genre de choses.

Je sais qu'Industrie Canada a mis sur pied un certain nombre de programmes de ce genre, et il y a aussi certains programmes provinciaux qui sont utiles mais du point de vue du chercheur qui veut prendre un peu de recul du milieu universitaire et créer une entreprise dérivée, c'est difficile.

Je n'ai donc pas de réponse précise à vous donner là-dessus, mais je pense que si nous parlions à des investisseurs et à des gens qui s'occupent du développement des petites entreprises, nous pourrions peut-être avoir des réponses. C'est donc une direction dans laquelle nous pourrions travailler.

Pour ce qui est de la façon d'amener les particuliers à faire davantage, je ne sais pas. Cela fait peut-être partie du syndrome de l'économie de succursale ici, et les gens pensent que la R-D dont ont besoin les petites entreprises canadiennes se fait ailleurs. Quelqu'un a mentionné que lorsque l'on crée une entreprise ici, elle est rachetée ou absorbée par une multinationale.

Je n'ai donc pas de réponse précise à vous fournir ici. Nous avons commencé à travailler dans cette direction mais il faut faire davantage.

Pour ce qui est des salaires et de retenir les chercheurs, un aspect qui est relié en partie à votre question, je suis d'accord avec mon collègue lorsqu'il dit qu'il n'y a pas que le salaire qui compte. Nous avons fait un sondage sur cette question il y a quelques années et nous avons demandé «Pourquoi les gens quittent- ils le Canada?» Le salaire arrivait en quatrième ou cinquième place sur la liste. C'est un aspect important, mais ce n'est pas toujours le plus important.

Pour un chercheur, l'important est qu'il existe un environnement qui lui permette de faire la recherche pour laquelle il a été formé? Autrement dit, y a-t-il des locaux? Y a-t-il de l'équipement? Y a-t-il des étudiants? Y a-t-il des post-docs? Tous ces éléments s'imbriquent. Il n'y a pas que le salaire, mais le salaire est un des facteurs.

J'ai entendu mentionner quelques données hier au sujet du Programme des chaires de recherche du Canada, qui vise à créer 2 000 chaires au Canada en cinq ans. Nous avons nommé les 400 premières chaires. Voilà qui est excellent. Malheureusement, et ce n'est pas la faute du gouvernement, la première réaction à ce programme a été d'amener un réalignement des positions au Canada.

Je crois qu'il faut voir là le souci de protéger nos propres ressources. Espérons que pour les 400 chaires suivantes, les comités qui travaillent à ce programme vont se dire, eh bien maintenant nous avons protégé les nôtres et ils n'iront pas à l'étranger, essayons donc de recruter 400 nouveaux chercheurs, c'était le but du programme, si je ne me trompe, lorsque le premier ministre a annoncé le lancement de ce programme.

M. Mauril Bélanger: Craint-on...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je crois que le Dr Hackett avait...

M. Mauril Bélanger: Pourrai-je revenir sur ce sujet par la suite?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Oui, vous le pourrez.

Dr Peter Hackett: Merci, Mauril. Je vais essayer d'être très bref.

Pour revenir à votre question, je pense qu'il ne s'agit pas simplement d'argent. Il y a la question de talent, d'administration, la possibilité de faire des essais cliniques, ce genre de choses pour que ces petites entreprises grandissent. Bien sûr, au Canada, il n'y a pas de grandes sociétés à cause de notre infrastructure industrielle, ce n'est pas comme à Ottawa où il y a des gens de talent qui quittent ces grandes sociétés et qui réussissent à démarrer assez rapidement de petites entreprises.

Il s'agit donc de développer cette capacité. Il faut garder le cap avec les investissements que nous avons faits pendant toute la durée du cycle de vie de la biotechnologie, qui n'est pas de un, deux ou trois ans, comme en informatique mais plutôt de 15, 20 et 30 ans. Il faut donc garder le cap.

Il faut investir dans des pépinières qui vont fournir à ces petites sociétés des locaux et l'accès aux spécialistes dont elles ont besoin. Nous avons mis sur pied des réseaux d'encadrement pour leur permettre d'acquérir une capacité suffisante dans le domaine de la gestion. Cela nous permettra, je crois, de régler ce problème par la croissance du secteur et d'arriver à créer une industrie à grande échelle ici au Canada.

• 1145

M. Mauril Bélanger: Très bien. Pour ce qui est de notre mandat, monsieur le président, il faudrait peut-être parler des fonds de capital-risque. Nous avons reçu des commentaires au sujet du crédit d'impôt pour la recherche. Nous venons d'apprendre aujourd'hui qu'il y a des chercheurs qui n'ont pas le droit d'obtenir des fonds provenant de certaines sources. Il serait utile de...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je crois que c'était parce qu'un organisme gouvernemental ne pouvait obtenir ce genre de financement.

M. Mauril Bélanger: Très bien, mais nous parlons de chercheurs, et c'est un aspect qu'il faudrait peut-être examiner.

J'aurais une dernière question. Je ne devrais peut-être pas la poser parce qu'elle appelle une longue réponse. Est-ce que les témoins qui sont ici aujourd'hui s'inquiètent du fait que notre recherche est de plus en plus motivée par le profit, et que nous oublions peut-être qu'il faut faire de la rechercher pure pour simplement élargir nos connaissances?

Dr Barry McLennan: C'est une préoccupation mais je ne pense pas que nous puissions, pour le moment, imaginer pouvoir fonctionner sans nous associer avec le secteur privé, bien au contraire. Nous avons conclu toute une série d'ententes à l'université, et je parle de mon propre établissement, l'Université de la Saskatchewan, qui a été mentionnée à quelques reprises, Mauril, et je n'ai même pas eu à vous demander de poser ces questions. Merci beaucoup. Nous sommes obligés de nous associer avec le secteur privé. Les gouvernements provinciaux et nationaux nous ont dit il y a 20 ans qu'ils ne pouvaient continuer à financer intégralement nos activités et que nous devions trouver d'autres sources de revenus. C'est ce que nous avons fait.

Pour travailler avec une société pharmaceutique, par exemple, on met sur pied un essai clinique ou un autre type de programme de recherche parrainé, et il faut examiner quels sont leurs objectifs, quelle est la raison d'être du projet; on conclut ensuite une entente, un protocole. Il faut examiner cela en tant qu'institution. Si l'on a des hésitations au sujet du projet, on ne signe pas l'entente. Par exemple, si le protocole interdit la publication des résultats, alors il ne faut pas le signer. Le moment de la publication des résultats de la recherche n'est pas un problème. Les sociétés vous demandent parfois d'attendre six mois avant de le faire. Il n'y a pas d'objection à cela, ce n'est habituellement pas un problème.

Nous pouvons et nous devons donc travailler avec le secteur privé mais il faut être vigilant. Il est déjà arrivé que le train déraille, et vous le savez fort bien. C'est tout autant la faute de l'institution, qui n'a pas été suffisamment prudente, que de l'entreprise en cause. Il faut être vigilant mais nous devons faire des affaires.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Docteur Hackett, une brève réponse s'il vous plaît.

Dr Peter Hackett: Ma philosophie personnelle est qu'il faut de la richesse pour pouvoir construire une société saine. La richesse et les connaissances sont deux éléments qu'il faut posséder si l'on veut construire une société qui puisse utiliser ses ressources de façon durable. Sans richesse et sans connaissance, nous aurions une société malade. Le fait que la recherche et les activités de découverte soient exercées étroitement avec le secteur privé ne me cause aucun problème, parce que c'est finalement de cette façon que l'on peut transmettre les résultats de la recherche à la population.

Je me pose cependant une question et je dois me rappeler de temps en temps que je dois répondre à cette question. Lorsque je choisis les secteurs où nous pourrions faire de la recherche, je me demande si nous choisissons ces secteurs parce qu'ils sont susceptibles de générer immédiatement ou éventuellement des bénéfices ou est-ce que je réfléchis aux avantages plus importants mais à plus long terme que l'on pourrait également réaliser tout en produisant de la richesse? Par exemple, faut-il travailler sur la malaria parce que c'est une maladie qui a des effets considérables sur le tiers monde et qui pourrait entraîner des bénéfices immenses, mais n'apporterait pratiquement rien immédiatement au Canada?

C'est la question que je me pose constamment lorsque je réfléchis à des nouveaux domaines de recherche. Y a-t-il des gens qui ne sont pas représentés à cette table, parce qu'ils sont trop pauvres, et qui devraient y être? C'est là une des questions d'éthique très délicate dont nous essayons tous de tenir compte.

• 1150

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Hudson.

M. Thomas Hudson: Je pense que s'il y avait cent chercheurs de mon âge dans cette salle, 98 p. 100 d'entre eux diraient que nous sommes trop proches du secteur privé. Ils diraient cela parce que la recherche que nous faisons à l'heure actuelle est encore de la recherche de base, de la recherche fondamentale, et qu'elle n'est pas encore ciblée. Nous savons que la plupart des grandes découvertes ont été faites par des gens qui faisaient de la recherche fondamentale, mais il est très difficile d'avoir des partenaires dans ce domaine. Nous savons dans quels secteurs de croissance vont les investissements. Il y a eu la Fondation canadienne pour l'innovation, il y a eu Génome Canada. Nous demandons de plus en plus que les chercheurs aient des partenaires pour leur attribuer des fonds. On peut constater que les subventions à la recherche fondamentale n'ont pas beaucoup augmenté. La subvention moyenne des IRSC est encore faible, et c'est bien souvent la subvention de base qui alimente les chercheurs au Canada. Ces fonds n'augmentent pas et il est irréaliste de penser qu'il est possible de trouver des partenaires pour ce genre de recherche, qui joue un rôle essentiel dans le monde de la R-D.

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président, j'ai bien aimé ces derniers commentaires.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.

Docteur McLennan, vous avez mentionné le fait qu'il y a des multinationales qui rachetaient les entreprises canadiennes. Il y a à Edmonton une société qui s'appelle Biomira, qui met au point des vaccins contre le cancer et le directeur général de Biomira a également soulevé cette question. Ce qui le préoccupe, c'est que le Canada sait très bien développer des idées et commencer à les commercialiser mais lorsqu'elles deviennent rentables et que l'entreprise qui les exploite se développe, il y a toujours une société américaine qui arrive pour racheter l'entreprise. Il a parlé d'un certain nombre d'entreprises de Montréal qui couraient ce risque et il a mentionné que, pour sa propre entreprise, si une grande société offrait un rendement de 1 000 p. 100 à ses investisseurs, il serait difficile de lui dire non. Je me demande si vous pouvez me fournir quelques éléments qui expliquent ce phénomène et ce que l'on pourrait faire pour lutter contre cela.

Dr Barry McLennan: C'est la concurrence avec les Américains, ils achètent aussi nos équipes de hockey. Je n'ai donc pas de réponse simple à vous offrir. Toutefois, comme nous l'avons dit ce matin, je crois qu'il faut encourager la croissance de nos petites entreprises. Nos universités ont été lentes à le faire. Certaines provinces ont fait davantage que d'autres et cela est très bien. Je n'ai pas de réponse toute faite à vous donner, c'est une question complexe. Lorsqu'une petite entreprise réussit très bien et qu'on fait une offre à ses actionnaires, ces derniers peuvent très bien décider de la vendre et cela est parfaitement légal. Je ne sais pas comment on pourrait les amener à rester au Canada ou à conserver l'entreprise.

M. Charles Pitts (directeur exécutif, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): La seule chose à laquelle je puisse penser est que cela est sans doute inévitable mais qu'il y a peut-être un bon côté à la chose, dans la mesure où, si nous continuons à créer des entreprises rentables et à enrichir le pays, en réinvestissant, peut-on l'espérer, une partie de ces bénéfices dans le capital humain, nous allons pouvoir continuer à nous développer. Mais c'est un danger qui menace même nos entreprises les plus prospères; on peut seulement espérer que les investisseurs vont placer leur argent ici et que nous allons continuer à faire des bénéfices.

Dr Barry McLennan: Monsieur le président, j'aimerais répondre aux questions qui ont été posées au sujet des IRSC? Je faisais partie du conseil de direction provisoire qui a amené la création des IRSC, et je peux vous apporter quelques explications qui répondent en partie à vos questions.

On peut dire dans un sens que les IRSC, le conseil de direction actuel et les instituts, sont victimes de leur propre succès. La création des IRSC a suscité de grandes attentes chez les Canadiens, les scientifiques, les physiciens, les chercheurs, dans le grand public, et cela est bon et fantastique. Ce qui est arrivé, c'est que les IRSC ont eu beaucoup de succès, il y a eu une augmentation incroyable du nombre des demandes de financement. Au dernier concours, on a enregistré une augmentation de 50 p. 100 des demandes de subvention à la recherche et une augmentation de 100 p. 100 des demandes de soutien en personnel. Un tel afflux exerce des pressions très fortes sur le système et cela me rappelle qu'il faut que je vous rappelle de rappeler au gouvernement qu'il faut continuer à financer cet organisme. Je suis sûr que le gouvernement va le faire mais je tiens simplement à vous rappeler que la cible est un financement correspondant à 1 p. 100 des dépenses de santé, soit 1 milliard de dollars d'ici deux ou trois ans. En fait, il est même possible qu'on doive parler, dans deux ou trois ans, de deux et non pas de 1 milliard de dollars. Restons-en pour le moment avec cette cible de 1 p. 100. Voilà le dilemme devant lequel se trouvent placés les IRSC. Il n'y a pas eu de budget fédéral cette année, en 2001, et aucun fonds n'a encore été attribué, à ce que je sache, alors que c'est habituellement à ce moment qu'ils le sont. Cela risque de causer un problème de trésorerie à l'organisme, aux IRSC.

• 1155

Le nombre des subventions a également augmenté. Mais je ne suis pas en désaccord avec mon collègue. Les chercheurs ne sont pas satisfaits parce que les choses ne se sont pas déroulées comme nous pensions qu'elles allaient se dérouler. Je soutiens qu'il s'agit d'un problème de trésorerie.

Un dernier point, si vous le permettez, monsieur le président. On a parlé du fait que les scientifiques qui travaillent dans les laboratoires fédéraux éprouvaient des difficultés à participer aux programmes des IRSC. Je me demande si on ne pourrait pas utiliser, et nous pourrions en parler en privé, les postes de professeur adjoint. Je ne sais pas si vous avez pensé à cette possibilité. C'est ce que nous faisons à Saskatoon pour que les chercheurs fédéraux qui travaillent à l'Institut de biotechnologie des plaintes puissent interagir avec les facultés de l'université.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Sur ce dernier point, je sais que lorsque nous avons annoncé le projet de recherche sur les substances toxiques, avec un budget de 40 millions sur trois ans, tout le monde a été surpris de voir les chercheurs universitaires collaborer avec les chercheurs du gouvernement, et ils disaient que c'était un des rares programmes qui les encourageait vraiment à travailler ensemble. Ils ont donc vanté les bienfaits du programme, en se plaçant de ce seul point de vue.

Vous étiez peut-être ici un peu plus tôt lorsque j'ai parlé des 40 meilleurs de moins de 40 ans, et j'ai beaucoup aimé voir les jeunes scientifiques et chercheurs des différentes régions du pays être choisis et félicités.

Il est intéressant de noter que, lorsqu'on leur a demandé si l'argent était important pour eux, ils ont répondu que, dans la mesure où ils pouvaient travailler à des projets de recherche, les faire progresser, savoir qu'il y aurait des fonds pour poursuivre ces projets, et le reste, ils étaient satisfaits. Cela en dit long sur les objectifs de ces personnes. Manifestement, si on gagne quelque chose comme 55 000 $, ce doit être ce qui vous motive.

Une voix: Je ne gagne pas autant.

Mme Paddy Torsney: Je n'ai pas très bien compris quelles étaient vos diverses sources de revenu. Vous n'avez pas besoin de nous mentionner les montants mais j'aimerais savoir comment vous gérez votre temps.

J'ai lu votre curriculum vitae, docteur Hudson, et je me demandais comment pouviez-vous trouver le temps de faire de la recherche avec toutes vos responsabilités administratives. Comment gérez-vous votre temps? Est-ce parce que vous êtes une étoile montante qu'on vous invite à participer à toutes ces choses? Vous êtes un des grands dans une petite cour d'école maintenant. Est-ce que cela est un peu lourd pour vous et est-ce que cela vous empêche de continuer à faire de la recherche?

M. Thomas Hudson: Je pratique également la médecine ce qui me donne un petit revenu, mais je ne veux pas parler de mes sources de financement.

Mme Paddy Torsney: Et pourtant au Québec, c'est un peu difficile.

M. Thomas Hudson: Nous ne parlerons pas de salaires.

Tout d'abord, j'ai probablement rédigé 28 articles depuis un an et demi, et...

Mme Paddy Torsney: Que vous avez publiés.

M. Thomas Hudson: ... publiés ou imprimés. Je suis encore un scientifique. Je fais encore de la recherche et je le fais parce que j'organise mon centre en équipes. J'ai mes chefs d'équipe et je ne m'occupe pas de faire des prélèvements. Je n'ai pas fait ça depuis dix ans, et je ne le faisais pas non plus au MIT. Ma spécialité c'est de constituer des équipes.

On me demande effectivement de faire partie de tous ces comités. Je ne le fais pas, et je refuse beaucoup de choses. Je me suis aperçu en 1997, à une époque où le financement pour la génomique s'élevait à 1 million de dollars, après la mort du CTAG, que, si des groupes de scientifiques ne se réunissaient pas pour faire la promotion de la recherche génomique, cela ne se ferait pas. C'est ce qui m'a amené à participer à tous ces comités, qui ne représentent, à eux tous, pas plus d'une demi-journée par semaine.

Je ne suis pas le seul scientifique canadien qui ait dû le faire, siéger sur différents comités. Tous ne se recoupent pas. Lorsque Génome Canada a démarré, j'en suis sorti pour mettre sur pied Génome Québec. Lorsque ce programme a été en bonne voie, je l'ai quitté.

Je consacre toutefois beaucoup de temps à préparer des demandes de subventions. En 1997, un des aspects qui faisait obstacle à la recherche sur la génomique au Canada était la fragmentation. Je me souviens qu'à cette époque, je vous avais présenté un transparent à ce sujet.

La situation s'est améliorée mais il faut demander de l'argent pour les salaires à un endroit, pour l'équipement, c'est ailleurs, et pour les budgets de fonctionnement, c'est encore à quelqu'un d'autre. Et on s'aperçoit tout d'un coup que nous parlons encore du même projet. J'ai les mêmes objectifs que je m'étais fixés lorsque je voulais faire de la génomique mais cela est rendu très compliqué. Il y a aussi le fait que la FCI ne verse qu'une partie des fonds parce qu'il n'y a pas encore de budget de fonctionnement.

Nous sommes donc toujours en porte-à-faux. J'ai l'impression d'être obligé de faire des acrobaties pour pouvoir construire quelque chose de grand.

• 1200

Ces comités existent pour favoriser l'apparition d'un nouvel environnement qui permettra de fabriquer des produits à grande échelle au Canada, quelque chose qui ne s'est pas produit en biologie, du moins de façon significative, avant 1997. Je continue à faire partie de ces comités parce qu'on continue à me demander de le faire mais tranquillement, je vais abandonner un certain nombre de ces activités. Il est tout de même important que des chercheurs donnent de leur temps, tout comme il est important de s'occuper des équipes de soccer de nos enfants.

Il faut participer à ces programmes non seulement en tant que spectateur mais en tant qu'exécutant. C'est donc un privilège pour moi que d'être membre de ces comités. Mais dans l'ensemble, comme je l'ai dit, ces obligations ne me prennent pas plus d'une demi- journée par semaine.

Mme Paddy Torsney: Comment comparez les tâches administratives au Canada à celles que vous accomplissiez aux États-Unis lorsque vous travailliez au MIT?

M. Thomas Hudson: J'ai été privilégié, encore une fois. Au MIT, nous avions une subvention de 50 millions de dollars pour cinq ans pour dresser la première carte du génome humain. Cela a permis de construire un robot. J'avais une équipe d'ingénieurs qui a construit un robot. Je versais les salaires, je m'occupais de tout. Cette subvention a permis de financer toute la recherche. Ainsi, pendant cinq ans, je n'ai pas été obligé de préparer des demandes de subventions.

Il y avait beaucoup moins de paperasserie aux États-Unis, mais il y avait tout de même tous les six mois des examens scientifiques et administratifs à cause de la somme en jeu. Il y a eu beaucoup d'examens tout au long de la réalisation de ce projet.

Au Canada, il y a beaucoup de papiers à remplir. Le dossier de mon curriculum vitae, que j'ai dû remplir pour les IRSC, a un pouce d'épaisseur. C'est la même chose pour Génome Canada, pour le CRSNG, pour le NSIS, et les autres. Ils utilisent tous une formule différente pour les CV. Ma secrétaire doit consacrer presque tout son temps à suivre cela.

On demande constamment aux scientifiques d'unie leurs efforts, de travailler ensemble, d'établir des réseaux. Mais la plupart d'entre eux diraient que les organismes de recherche semblent éprouver beaucoup de mal à travailler ensemble pour faciliter le travail des scientifiques, ne serait-ce que pour des choses aussi simples qu'adopter un seul formulaire pour les CV, mais cela touche également d'autres niveaux.

Pour ce qui est des obstacles dont parlait Peter Hackett qui bloquent l'attribution de fonds des IRSC aux scientifiques du CNRC, cela empêche de construire des équipes qui regrouperaient des spécialistes de l'IRB à l'Université de Montréal et à McGill, parce que nous demandons des fonds en sachant très bien qu'il y aura des chercheurs qui n'en obtiendront pas.

Les obstacles sont donc nombreux. Il nous faut d'une façon ou d'une autre... Je ne dirais pas que la mission, la mission particulière, que se donnent tous ces groupes n'est pas importante. Il est important qu'il y a des IRSC pour faire avancer les questions de santé et le CRSNG pour l'ingénierie. Il faudrait que l'on fasse davantage d'efforts aux plus hauts échelons pour adopter des politiques qui favorisent une approche unifiée au travail des scientifiques.

Mme Paddy Torsney: Monsieur le président, cela me paraît une chose que l'on pourrait recommander, parce que cela représente un coût administratif que tous ces organismes sont obligés d'assumer. C'est une perte de temps pour tout le monde. Si vous pouviez tous résoudre le problème, cela serait très utile pour tout le monde.

Merci beaucoup d'être venu nous donner de votre temps.

Enfin, sur le dernier point, le capital-risque et le reste, je crois qu'il faudrait en fait lancer une campagne pour veiller... c'est un peu comme pour les emprunts de guerre pendant la guerre.

Personnellement, j'aimerais que mon fonds rapporte un peu plus. Cela m'inciterait à investir davantage. Mais ce n'est pas le cas. Je sais qu'il faut investir et viser une période d'au moins sept ans. Mais il n'est pas facile de savoir comment vont les choses ou comment on pourrait les rendre plus rentables.

Mais si l'on faisait appel aux sentiments patriotiques, je crois que l'on pourrait obtenir des fonds supplémentaires.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vais lever la séance, parce que l'heure est venue de le faire.

Je remercie les témoins de nous avoir consacré leur temps ce matin pour nous aider à comprendre où nous allons.

Merci beaucoup. Bonne journée à tous.

Nous reprenons nos travaux à 15 h 30. La séance est levée.

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