INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 mars 2001
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous sommes ici pour étudier les politiques relatives à la science et à la technologie.
Nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui le président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, M. Tom Brzustowski.
Nous savons que vous avez une présentation à nous faire et nous l'attendons avec impatience. Ensuite, j'espère que vous voudrez bien répondre à nos questions.
M. Thomas A. Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Merci, madame la présidente, et merci de votre invitation.
J'ai fait distribuer une feuille très colorée aux membres du comité en guise d'introduction au CRSNG et à ce que nous faisons, non pas en termes de chiffres, mais en ce qui concerne l'aspect humain de notre activité: notre vision, les raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons, et les moyens que nous prenons pour le faire.
Ma présentation de ce matin est encore à l'état d'ébauche, madame la présidente.
[Français]
C'est un travail en cours. L'ébauche actuelle a été écrite. Elle a été finie seulement hier. La traduction est commencée, mais elle n'est pas finie.
[Traduction]
Dès que nous aurons la traduction de cet avant-projet, que nous distribuerons à la fin de la séance, nous fournirons évidemment la version française au comité.
Je vais laisser à l'intention des membres du comité un exemplaire sur papier de la version définitive des diapositives que je vais vous présenter avec mes commentaires. Je pense que ce sera un rappel utile de ce que vais vous dire. Mais si vous voyiez ces diapositives au complet tout de suite, sans entendre mes commentaires, vous ne vous y retrouveriez probablement pas; je ne vous les remettrai donc pas immédiatement. Je vous fournirai également plus tard des exemplaires du texte de ma présentation.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais maintenant commencer la présentation de mes diapositives.
• 0910
Je vais essayer de vous faire comprendre un système très
complexe, avec lequel nous nous familiarisons depuis un certain
temps. Comme je l'ai dit, ce n'est qu'une ébauche, et nous allons
faire part au comité de ce que nous avons appris. Nous serons
heureux d'entendre vos commentaires sur les erreurs ou les
omissions que nous aurions pu commettre. Si les lecteurs peuvent
ajouter leurs commentaires, je pense que ce sera utile pour tout le
monde.
Permettez-moi de commencer par vous présenter la situation générale. Nous allons examiner de près un secteur particulier de l'économie canadienne. Dans les deux dernières diapositives—il y en a huit en tout—, je vais vous montrer comment les résultats de la recherche fondamentale sont liés au marché, sous forme d'innovations, tout comme les résultats de la recherche articulée autour de projets—qu'on appelle parfois aussi «recherche thématique»—effectuée en collaboration avec l'industrie.
Il y a le Canada, et il y a le monde. Au fur et à mesure de ma présentation, je vais vous expliquer le code de couleurs dont je me suis servi.
D'abord, j'ai choisi le bleu pour la circulation des connaissances. Il s'agit de la diffusion des nouvelles connaissances résultant de la recherche effectuée par des Canadiens, dans les universités, les laboratoires gouvernementaux et l'industrie. Cela représente 4 p. 100 des nouvelles connaissances mondiales, et les 96 p. 100 restants découlent de la recherche qui se fait ailleurs dans le monde.
Je peux tout de suite vous faire part de ma première conclusion, à savoir que ces 96 p. 100 sont à la disposition de tous ceux qui sont à même de comprendre ces connaissances. Mais il faut être très bon pour ce qui est de nos 4 p. 100, et ce dans tous les secteurs importants, pour pouvoir comprendre ces 96 p. 100.
Il y a aussi des flux de ce qu'on appelle les connaissances «tacites», c'est-à-dire les connaissances que les gens ont entre les mains et dans la tête, et qu'ils apportent avec eux, que ce soit quand ils immigrent au Canada ou quand ils émigrent à l'extérieur du pays. J'ai dessiné des flèches à peu près égales. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans un débat sur l'exode des cerveaux, mais le brun représente les échanges de personnes.
Il est aussi très important d'avoir des investissements étrangers directs, consentis par les multinationales qui apportent du savoir avec elles. Quand une entreprise construit une usine ici et qu'elle importe au Canada la technologie liée à cette usine, elle nous apporte en même temps son savoir-faire et sa connaissance du marché. De la même façon, quand les multinationales canadiennes investissent dans d'autre pays, il y a un flux dans l'autre sens.
Je n'ai pas indiqué le flux des connaissances qui accompagne cela. Je ne voulais pas encombrer mon diagramme. La circulation des investissements est représentée en mauve, celle des personnes en brun, et celle des connaissances en bleu.
En ce qui a trait aux échanges de biens et de services, les produits que le Canada vend sur les marchés mondiaux, qu'il s'agisse de biens ou de services... S'il s'agit de produits de base—autrement dit, s'ils proviennent de nombreuses sources dans le monde, s'ils sont offerts dans une qualité comparable et s'ils ont à peu près la même utilité—, il faut prendre les prix fixés sur le marché mondial.
Évidemment, de nos jours, les produits de base, ce n'est pas seulement du blé en vrac. Il y a des innovations mises au point il y a 20 ans, comme les magnétoscopes, qui sont aujourd'hui des produits de base. On peut en acheter d'une foule de sources, pour le même usage et de la même qualité.
Nous exportons beaucoup de produits de base, et nous en importons aussi. Les biens et les services qui ne sont pas des produits de base sont des innovations, c'est-à-dire de nouveaux produits offerts par un nombre limité de sources. Les gens qui les fournissent peuvent en fixer le prix comme bon leur semble afin de récupérer leurs coûts de production. Nous importons beaucoup plus d'innovations que nous n'en exportons.
Voilà donc à quoi ressemble la situation générale. Je vais maintenant vous parler de nos rapports avec le reste du monde en termes de flux de connaissances, d'investissements, de personnes et de produits. Les produits de base sont en vert et les innovations en rouge.
• 0915
Je voudrais vous parler de l'économie canadienne et vous
montrer la recherche qui se fait dans l'industrie, sur le marché,
dans les universités—je tiens à vous expliquer où se situe la
recherche universitaire en sciences et en génie—et au
gouvernement. Voici comment je vais vous présenter les échanges à
cet égard.
L'industrie canadienne exporte des produits de base et en importe également sous forme de matières premières. Certains de ces produits s'en vont directement sur le marché, et d'autres passent par notre industrie, qui les vend ensuite sur le marché canadien.
Nous importons aussi des innovations. Celles qui sont destinées à l'industrie sont en général de nouveaux équipements, de nouveaux instruments et de nouveaux procédés, mais celles qui sont vendues sur le marché canadien montrent que nous ne nous rendons pas toujours compte qu'il s'agit d'innovations au sens économique. Les produits de la mode sont des innovations, qu'on ne peut se procurer qu'auprès d'une seule source: leur créateur. Les produits de divertissement sont aussi des innovations, tout comme les nouveaux produits électroniques grand public. Et toutes ces innovations s'en vont directement sur le marché.
Nous exportons aussi. L'industrie canadienne exporte des innovations et en fournit directement au marché.
Les nouvelles connaissances consignées proviennent de trois sources. Il se fait de la recherche dans l'industrie, au gouvernement et dans les universités. Quand je parle de nouvelles connaissances «consignées», je veux parler de choses qui peuvent être écrites dans un livre: les publications, les brevets, et ainsi de suite.
Les connaissances venant du reste du monde sont transmises directement aux chercheurs de l'industrie, des gouvernements et des universités. Ce qu'il y a d'intéressant au sujet des connaissances, évidemment, c'est que s'il y a une source de nouvelles connaissances, le fait de s'en servir n'empêche pas les autres d'en faire autant. À cet égard, c'est un produit de base un peu spécial. Mais pour tirer profit de ces connaissances, il faut les comprendre. Autrement, elles ne servent à rien. Elles ne sont pas accessibles. Donc, il y a 96 p. 100 des connaissances qui nous viennent d'ailleurs.
Il y a un type de connaissances qui est extrêmement important pour l'industrie, et qu'on n'acquiert ni à l'école de commerce ni dans les livres. C'est la connaissance du marché sur lequel on travaille; la connaissance des produits offerts par la concurrence; la connaissance des caractéristiques de ces produits; et la connaissance des besoins des consommateurs et des lacunes concernant la réponse à ces besoins. C'est ce que j'appelle la connaissance du marché et des produits. L'industrie canadienne tire cette information des marchés mondiaux et du marché canadien.
C'est ainsi que les investissements des multinationales et les connaissances tacites peuvent entrer au Canada. Quand General Motors, par exemple, ouvre une usine ici ou qu'elle monte une nouvelle chaîne de montage, ou encore quand elle sort du pays... ou quand JDS Uniphase, par exemple, ouvre une usine quelque part en dehors du pays. On m'a dit que, d'après les données les plus récentes, la flèche devrait être plus épaisse pour les flux vers l'extérieur que pour les flux vers l'intérieur, et que les investissements directs des multinationales canadiennes à l'étranger dépassent ceux que nous avons pu attirer ici. Mes flèches ne sont pas toutes de la bonne épaisseur.
En ce qui concerne les travailleurs hautement qualifiés, ils se déplacent évidemment des centres de recherche universitaires vers l'industrie. Et, dans une moindre mesure, ils viennent aussi des centres de recherche gouvernementaux. Il y a une certaine circulation entre les milieux de la recherche gouvernementale et de la recherche universitaire. Il y a une immigration directe vers l'industrie, et aussi vers les universités. Et il y a de l'émigration provenant de ces deux secteurs.
La tendance est la même pour la recherche effectuée par les gouvernements. Vous comprenez sûrement, en voyant ce diagramme, pourquoi je n'ai pas voulu vous en distribuer la version finale avant de vous la commenter. J'espère que ce sera un rappel utile, mais vous n'auriez pas compris grand-chose si vous l'aviez vue en premier.
Il y a un autre flux de personnes hautement qualifiées dont nous n'avons pas à être fiers. Il s'agit des gens qui arrivent ici et qui ne sont pas autorisés, à cause de restrictions diverses, à exercer leur profession dans notre pays. Il y a peut-être un exode des cerveaux, mais aussi un gaspillage de cerveaux. Il est là.
Il y a des connaissances qui circulent entre les centres de recherche gouvernementaux et l'industrie, et entre les centres de recherche universitaires et l'industrie. Nous verrons cela plus en détail tout à l'heure. Assez souvent, la circulation des connaissances—je pense surtout aux petites entreprises et au PARI—s'accompagne d'investissements. Le programme PARI, du CNRC, fournit à la fois des connaissances et des fonds aux petites entreprises, alors que le flux des connaissances des centres de recherche universitaires vers l'industrie se fait en retour du versement de fonds dans l'autre direction.
• 0920
Je vais maintenant vous parler brièvement de la circulation
des connaissances et des investissements dans le triangle formé par
les universités, l'industrie et les gouvernements. Il y a
l'industrie, les chercheurs gouvernementaux et les chercheurs
universitaires. Quels sont les échanges entre eux?
Eh bien, les chercheurs gouvernementaux peuvent fournir des solutions à l'industrie en vertu d'un contrat. Par exemple, quand vous vous rendez à l'aéroport, vous pouvez voir à votre droite, en arrivant, la soufflerie portant le sigle du CNRC, où Bombardier fait l'essai de surfaces portantes de diverses formes. C'est là que ce travail se fait, à contrat.
C'est la même chose dans l'industrie, parfois dans le cadre d'un contrat et parfois grâce à une subvention. C'est ainsi que des chercheurs universitaires fournissent des solutions à l'industrie.
Il y a des échanges de découvertes et d'inventions. La recherche gouvernementale—il s'en fait beaucoup à Ottawa—fournit à l'industrie des éléments dont elle peut acquérir la propriété intellectuelle. C'est la même chose pour la recherche universitaire. L'aide à la R-D, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, celle qui combine les connaissances et les investissements, est particulièrement utile pour les petites entreprises. Je pense en particulier au programme PARI. L'industrie appuie aujourd'hui la recherche universitaire, tant en dollars qu'en nature. Quand je dis «en nature», je veux dire que les chercheurs et les universités ont accès à l'équipement et au personnel de l'industrie.
Il y a aussi des échanges de connaissances entre les chercheurs gouvernementaux et les chercheurs universitaires, en particulier entre scientifiques qui constatent qu'ils ont des intérêts complémentaires et qu'ils disposent d'un équipement complémentaire. Donc, les gens des universités se servent de l'équipement des laboratoires gouvernementaux, et les chercheurs des gouvernements supervisent des étudiants dans les universités lorsqu'ils ont des intérêts communs.
Il y a un autre type d'échanges extrêmement importants entre les gouvernements et l'industrie; c'est ce que j'ai intitulé «normalisation et homologation». Il s'agit par exemple de l'approbation des médicaments par Santé Canada, de l'élaboration du code national du bâtiment par le CNRC, ou de l'établissement de normes de sécurité pour les automobiles par Transports Canada. Les activités de ce genre représentent une part très importante des échanges de connaissances entre les chercheurs gouvernementaux et l'industrie.
Voyons maintenant d'un peu plus près quelles sont les interactions entre l'industrie, les laboratoires gouvernementaux et les universités. J'ai mis la recherche universitaire en haut de la page parce que j'avais besoin d'espace.
Je dirais qu'il y a trois types d'entreprises dans l'industrie: celles qui font ou qui achètent de la R-D, celles qui n'en font pas du tout, et enfin, les entreprises vouées à la recherche et les nouvelles entreprises de technologie.
Les entreprises qui font ou qui achètent de la R-D produisent des innovations, mais il y en a d'autres qui ne s'occupent pas de R-D et qui en produisent aussi. Par exemple, l'industrie du design—les gens qui dessinent des vêtements et des meubles—et l'industrie du divertissement produisent des innovations sans faire de R-D. On ne peut pas négliger le fait que leurs produits sont des innovations au sens économique, des innovations très importantes.
Ces entreprises exportent aussi des produits de base, tout comme certaines de celles qui font ou qui achètent de la R-D. Les entreprises de notre industrie des ressources naturelles font de la R-D, mais elles exportent aussi des produits de base. L'amélioration de l'efficacité dans la production d'un baril de pétrole brut à partir des sables bitumineux, chez Syncrude, résulte de 30 années de R-D intensive qui a permis d'abaisser le coût de production du baril de 30 $ à 12 $ environ, si je ne me trompe pas. Il s'agit d'un effort soutenu de R-D, mais l'entreprise exporte aussi un produit de base.
Il y a des échanges d'innovations entre les entreprises qui font de la R-D et celles qui n'en font pas. Il peut s'agir par exemple d'outils ou d'équipement. Les entreprises émergentes ne vivent que grâce aux innovations, qu'elles fournissent à tout le monde. La connaissance du marché et des produits est extrêmement importante pour elles toutes. En fait, ces entreprises n'obtiennent jamais de financement à moins qu'il ait été démontré, avec toute la diligence nécessaire, qu'il existe un créneau pour leur produit sur le marché, que le produit offert répond à une demande et qu'il est meilleur que ceux qui existent déjà. C'est donc leur principale activité.
• 0925
Les résultats de la recherche effectuée au Canada vont surtout
aux entreprises qui s'occupent de R-D. Les investissements
étrangers directs vont aux entreprises établies. Il est très rare
qu'une grande entreprise étrangère connaisse l'existence d'une
nouvelle entreprise canadienne tant que celle-ci n'a pas produit
quelque chose qui s'est retrouvé sur le marché. Évidemment, l'aide
gouvernementale à la R-D ne va qu'à celles qui en font. Les
découvertes, les inventions et la propriété intellectuelle
découlent de la recherche universitaire, et profitent aux
entreprises émergentes et à celles qui font de la R-D.
Il y a là un phénomène très important, que nous avons souvent tendance à oublier même si nous en avons des exemples ici même dans la région d'Ottawa. Je veux parler des flux dans l'autre sens, depuis les entreprises établies qui font ou qui achètent de la R-D vers les entreprises émergentes. Ce sont des flux de personnes, parfois de personnel technique, mais très souvent aussi de directeurs techniques qui possèdent des compétences et de l'expérience en gestion. Il y aussi des flux de connaissances, qui sont parfois protégées par des droits de propriété intellectuelle, tout comme il peut s'agir de connaissances non protégées et de savoir-faire, avec un apport d'argent.
Nous en avons vu d'innombrables exemples. Pensez à la façon dont Bell Northern Research a servi de point d'ancrage pour une foule de nouvelles entreprises de la région. C'est un phénomène très important.
Il y a donc les flux évidents de gens qui viennent du secteur de la recherche, et il y a aussi les autres flux découlant de l'immigration, de l'émigration, et ainsi de suite—tout ce à quoi on peut s'attendre.
Ce qu'il est important de souligner à cet égard, c'est qu'il y a des entreprises qui font de la R-D. Et il y en a qui n'en font pas. Il y a aussi des entreprises émergentes. Et il existe des liens entre toutes ces entreprises, des liens qui ne sont pas toujours évidents, en ce qui concerne par exemple les flux des entreprises établies vers les entreprises de démarrage, ainsi que les flux de produits. Il peut en découler des innovations de nombreux types.
Voilà qui nous rapproche du principal message que j'aimerais vous laisser, à savoir le rôle de la recherche universitaire dans tout ceci. Nous allons donc voir d'encore plus près quelles sont les retombées de la recherche universitaire en science et en technologie.
Nous allons commencer par la recherche universitaire en science et en génie, que nous diviserons en deux catégories. Je pense vraiment que cela mérite d'être souligné. Il y a beaucoup de gens qui sont très vagues quand ils parlent de la recherche. Quand on envoie un étudiant du secondaire à la bibliothèque pour qu'il prépare un travail, est-ce que c'est de la recherche? Non. La recherche vise à découvrir ce que personne, nulle part, ne connaît.
La recherche fondamentale permet de faire des découvertes sur la nature, sur nous-mêmes et sur notre place dans la nature. La recherche thématique, articulée autour de projets, vise quant à elle à résoudre des problèmes, qui sont soumis très souvent par l'industrie, mais parfois aussi par les gouvernements, et qu'il est impossible de solutionner avec les connaissances que nous avons déjà. Il faut donc créer des connaissances pour résoudre ces problèmes. C'est très différent de la recherche fondamentale. Le CRSNG subventionne ces deux types de recherche.
Et qui contribue le plus à tout cela? Les étudiants. Quelqu'un a déjà dit que les étudiants sont aux nouvelles connaissances ce que les moustiques sont à la malaria, et que nous devrions nous en féliciter. Ils sont les véritables transmetteurs des nouvelles connaissances. Et les connaissances existantes, qui découlent de la recherche déjà effectuée, représentent un autre apport important.
Il faut parler aussi des coûts opérationnels liés à la recherche. Il y en a deux types. D'abord les coûts directs, financés par le CRSNG, puis les coûts indirects, qu'assument les universités. Je vais m'interrompre un instant pour vous dire deux mots à ce sujet-là.
Les universités doivent supporter certains coûts pour faire de la recherche. Elles doivent payer pour pouvoir acheter de l'instrumentation moderne, pour avoir la capacité comptable nécessaire afin de s'occuper de tous les règlements que nous leur imposons, et pour être en mesure de fournir des soins aux animaux, des laboratoires de service, des réseaux informatiques et des bibliothèques.
Ces choses-là ne se rattachent pas directement à un projet de recherche bénéficiant d'une subvention. Elles sont payées par les universités grâce aux frais de scolarité et aux budgets d'exploitation qu'elles reçoivent des provinces. Les coûts directs assumés par le CRSNG incluent les petites fournitures, le soutien des techniciens, l'équipement d'entretien et de réparation, ainsi que le fonctionnement de l'équipement, la logistique, les déplacements, et ainsi de suite.
• 0930
Ce qu'il y a de bizarre, dans le système canadien—un système
unique au monde, qui ne me satisfait pas du tout—, c'est que,
quand on additionne les coûts indirects et les coûts directs, on
n'obtient pas le total des coûts. Ce qui manque, dans notre
formule, c'est le temps des principaux chercheurs: les professeurs.
Ce n'est pas inclus ni dans les coûts indirects, ni dans les coûts
directs. Les salaires des professeurs viennent de deux sources: la
plupart du temps des fonds provinciaux affectés aux budgets
salariaux des universités et maintenant, dans certains cas, du
Programme des chaires de recherche du Canada.
L'infrastructure servant à la recherche est payée par trois groupes: les provinces, la FCI et les sources privées. Il y a parfois des accords prévoyant une contribution égale de ces trois groupes.
Et maintenant, quels sont les liens avec les entreprises qui font ou qui achètent de la R-D? Eh bien, elles soutiennent la recherche fondamentale avec leurs impôts, mais elles appuient aussi la recherche thématique très directement, dans les domaines qui les intéressent tout particulièrement. Elles paient une partie des coûts en dollars et en espèces, et elles définissent les problèmes.
Le résultat? Des gens hautement qualifiés, de véritables travailleurs du savoir, des gens qui sont familiers avec la recherche fondamentale et qui savent où se trouvent les sources de connaissances partout dans le monde. Ils peuvent évaluer ce qu'il y a de bon et ce qu'il y a de moins bon. Ils comprennent ce qui se fait. Ils connaissent les gens qui produisent les connaissances et ils ont formé des réseaux avec des gens de leur génération. Ils sont en mesure de produire de nouvelles connaissances au besoin. Et ils savent comment s'en servir.
Mais il y a aussi des gens hautement qualifiés qui connaissent surtout la recherche thématique. Ils peuvent aller travailler dans n'importe quel secteur, mais ils sont particulièrement utiles aux entreprises qui se sont associées à eux en appuyant des projets de recherche thématique. Ce sont des étudiants qui connaissent les activités de ces entreprises.
Les connaissances consignées, la contribution aux 4 p. 100 venant du Canada, découlent dans une large mesure de la recherche fondamentale, mais pas uniquement. Certaines viennent aussi de la recherche thématique. Certaines retournent aux entreprises qui ont commandité cette recherche, puisqu'elles leur permettent de résoudre leurs problèmes. Il peut s'agir de rapports, de brevets ou de logiciels, mais il y a aussi, d'un autre côté—et ce sera le sujet de mes deux dernières diapositives—, des découvertes ou des inventions qui présentent le potentiel nécessaire pour devenir des innovations, pour être commercialisées comme nouveaux produits sur le marché.
La proportion n'est pas grande. Ces produits passent par les premières étapes de la commercialisation dans les universités, après quoi ils peuvent être fabriqués sous licence par une entreprise établie ou servir de point de départ au démarrage d'une nouvelle entreprise. C'est ensuite que viennent les flux d'innovations. Ce sont des liens très complexes, mais si nous les comprenons bien, nous pourrons voir où se trouvent les goulots d'étranglement et où il est possible d'améliorer les choses.
Les deux dernières diapositives portent sur les deux points auxquels je voulais vous amener, à savoir les liens entre la recherche universitaire fondamentale—qui n'a aucun objectif commercial et qui ne vise pas à résoudre des problèmes, mais bien à découvrir des choses—et le marché. Qu'est-ce qui se passe sur ce plan-là?
Eh bien, la recherche fondamentale est financée grâce aux fonds publics. Elle débouche sur des découvertes, et parfois sur des inventions. Une bonne partie de ce qui en résulte devient de nouvelles connaissances codifiées. Cela contribue aux 4 p. 100 venant du Canada, mais pas tout le temps. Il peut y avoir des découvertes ou des inventions susceptibles de devenir des innovations sur le marché, mais il faut que quelqu'un en prenne conscience. Il faut que quelqu'un se rende compte qu'il y a des possibilités, et qu'il soit en mesure d'en faire la démonstration. C'est alors qu'il est possible de parler de propriété intellectuelle.
Les membres du comité ont peut-être entendu parler du rapport Fortier, sur la commercialisation de la recherche universitaire. Les auteurs de ce rapport ont mis le doigt sur un goulot d'étranglement, à savoir la pénurie de gens, dans nos universités, qui sont capables de reconnaître que quelque chose pourrait susciter de l'intérêt sur le marché et de le démontrer ensuite aux autres. Nous n'avons vraiment pas assez de gens de ce genre.
La propriété intellectuelle entre ensuite dans un processus de commercialisation alimenté par une succession d'investissements privés de plus en plus considérables. Il y a d'abord ce qu'on appelle «l'argent de l'affection», fourni par la famille. Puis viennent les «anges», le financement de début de croissance et enfin le capital-risque, et ainsi de suite. Et le produit est mis sur le marché.
Bien sûr, les produits ne se rendent pas tous jusque-là, et ceux qui y arrivent n'y ont pas tous du succès, mais il y en a qui peuvent devenir des innovations populaires, qui se vendent bien et qui rapportent de l'argent.
• 0935
Qu'est-ce que cela entraîne? Cela crée une nouvelle activité
économique à valeur ajoutée, dont le produit retourne dans les
fonds publics par l'intermédiaire du système fiscal. Cela assure
aussi un rendement aux investisseurs privés et procure des
avantages à la société, parce que cela permet d'offrir un service
ou un produit, de créer des emplois, et ainsi de suite.
Il y a donc là quelque chose de très intéressant. Nous finançons, grâce aux fonds publics, de la recherche dont les coûts s'avèrent nettement inférieurs aux coûts de la commercialisation par le secteur privé. Il y a des gens qui disent que la commercialisation d'une invention typique découlant de la recherche universitaire peut coûter dix, cent ou même mille fois plus cher que la recherche elle-même. Donc, la recherche fondamentale fait office, dans ces rares cas, de catalyseur qui met en branle d'importants fonds privés générateurs d'activité économique.
C'est un processus très difficile parce que c'est presque uniquement le fruit d'une poussée technologique. Il n'y a personne qui réclame ces choses-là. Au départ, il y a un gars qui dit «j'ai une excellente idée», mais il n'y a personne qui dit «j'ai un besoin important». C'est un système très différent.
La dernière diapositive vous montre comment la recherche thématique effectuée dans les universités, qui fait déjà appel à des partenaires de l'industrie, est reliée au marché. Quand j'ai commencé à préparer cette présentation, je pensais que ce serait beaucoup plus simple. Je me suis rendu compte que ça ne l'était pas. En termes de diagrammes, c'est en fait beaucoup plus compliqué.
Il ne faut pas oublier que la recherche thématique vise à résoudre un problème que quelqu'un soumet—généralement l'industrie—et qui ne peut pas être résolu grâce aux connaissances existantes. S'il pouvait l'être, l'entreprise n'aurait qu'à embaucher un consultant pour s'en occuper. Mais quand il ne peut pas l'être, c'est là que la recherche commence.
Donc, dans ces cas-là, la recherche n'est financée qu'en partie grâce aux fonds publics, le reste étant assuré par une entreprise partenaire, qui offre son appui non seulement en dollars, mais aussi en espèces. Une fois les problèmes définis, il y a des résultats, des découvertes et des inventions, dont une petite partie fait l'objet d'une publication dans des articles, des rapports, et ainsi de suite. Une partie constitue la solution aux problèmes. Et on se rend compte qu'une autre partie a le potentiel nécessaire pour devenir un nouveau produit, une innovation, un élément de propriété intellectuelle, ce qui amorce un processus de commercialisation interne dans une entreprise.
Vous pensez peut-être que c'est facile. Cela se fait dans une certaine mesure en fonction des besoins du marché, parce que l'entreprise voulait le produit et qu'elle a ses propres moyens internes pour le mettre sur le marché. En effet, c'est ce qui arrive parfois, mais il y a des produits qui ne se rendent jamais sur le marché ou qui n'y connaissent aucun succès.
De plus, il arrive très souvent que les entreprises n'essaient même pas de mettre en marché un produit dont elles ont la propriété intellectuelle. Peut-être parce que le produit en question n'est pas conforme à leur stratégie, qu'il coûterait trop cher à commercialiser ou qu'il est trop différent de leurs principales gammes de produits. C'est alors qu'elles créent une nouvelle entreprise. Cela ne se produit pas toujours au début du processus de commercialisation, mais parfois en cours de route.
Il arrive aussi qu'un produit soit développé, puis mis de côté pour des raisons stratégiques: «Nous ne pouvons pas lancer ce produit parce qu'il ferait concurrence à notre principal produit, qui rapporte beaucoup. Tant que nos concurrents n'arriveront pas avec quelque chose de similaire, nous allons tout simplement garder ce produit en réserve.» C'est une excellente stratégie d'affaires.
Donc, la nouvelle entreprise amorce le processus de commercialisation, comme nous l'avons déjà vu, et peut lancer sur le marché des innovations qui auront du succès. Mais il y a une nouvelle façon de faire les choses. J'en ai entendu parler tout récemment. Il arrive souvent qu'une entreprise, parfois celle-là même qui s'était associée à la recherche, achète la nouvelle entreprise et la technologie qu'elle a mise au point. Pourquoi? Pour contourner ses propres frictions internes. Il s'agit d'innovations destructrices plutôt que constructives. Il se fait beaucoup de recherche à ce sujet-là à la Harvard Business School.
Vous pouvez essayer de vous mettre à la place d'une entreprise pour comprendre comment les choses se passent. Le vice-président aux ventes peut dire par exemple: «Nous ne pouvons pas développer ce produit. Mes vendeurs devraient alors aller voir les clients, à qui nous avons toujours affirmé que nous avions le meilleur produit au monde, et leur dire que ce produit arrive maintenant en deuxième place parce que nous en avons un autre, encore meilleur, qui s'en vient. Nous ne pouvons pas faire ça. Nous faisons déjà des profits avec notre produit. Nous avons investi de l'argent. C'est ce que les clients veulent. Alors, pourquoi devrions-nous développer ce nouveau produit?» Donc, l'entreprise confie le dossier à une entreprise dérivée. Mais une fois que le produit est prêt pour le marché, elle peut l'acheter et dire: «Nous venons d'élargir notre gamme de produits.» Cela se produit régulièrement.
• 0940
Bien sûr, cela génère une activité économique à valeur
ajoutée, des retombées avantageuses pour la société, des rentrées
de fonds publics sous forme de taxes, et un rendement pour les
investisseurs privés.
Ce que j'ai essayé de faire aujourd'hui, c'est d'expliquer aux membres du comité—dans la mesure où nous croyons maintenant le comprendre—quel est le rôle de la recherche universitaire en science et en technologie dans le système d'innovation au Canada. Ces diapositives ne sont encore qu'une ébauche. Dans mon texte, j'invite expressément les lecteurs à me signaler les erreurs que j'aurais pu y faire, et à nous aider à en combler les lacunes et à mieux comprendre la situation. Tout le monde en profitera.
Il semble se passer tellement de choses que j'ai jugé qu'il serait utile d'essayer d'y mettre un peu d'ordre en fonction de certains principes d'organisation. C'est ce que j'ai fait. Nous allons bientôt pouvoir vous distribuer la copie papier de tous ces diagrammes dans leur forme finale, avec le texte de la présentation que je viens de vous faire.
Madame la présidente, ce sera tout pour le moment. Je me ferai un plaisir d'essayer de répondre à toutes vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brzustowski.
Nous allons commencer le tour de questions en donnant la parole à M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, AC): Merci, madame la présidente.
Votre exposé était très intéressant. Merci.
J'aimerais commencer par ce que vous appelez le «gaspillage» des cerveaux. D'après ce que vous dites, le Canada accueille des immigrants qui ont certaines compétences mais qui sont incapables de pratiquer leur métier ou d'utiliser leurs compétences lorsqu'ils arrivent au pays. J'aimerais vous demander de nous expliquer quels sont les facteurs auxquels ils doivent faire face et pourquoi ils ne peuvent pas utiliser leurs compétences au Canada.
M. Thomas Brzustowski: C'est un phénomène courant dans de nombreuses professions régies par diverses lois provinciales—par exemple la loi de la province qui s'applique aux ingénieurs, aux comptables, aux avocats ou aux médecins. Les membres de professions libérales qui ont reçu leur formation à l'étranger ou même qui ont pratiqué dans leur pays doivent parfois attendre longtemps et passer de nombreux examens, suivre plusieurs cours, avant d'être autorisés à pratiquer. D'autres, estimant que le processus est trop long, finissent par abandonner.
Le résultat, c'est qu'ils exercent des métiers pour lesquels je dirais qu'ils sont surqualifiés, au lieu d'utiliser pleinement l'expérience qu'ils ont acquise. À mon sens, c'est une perte pour le pays.
M. James Rajotte: Cela se produit donc surtout au niveau provincial?
M. Thomas Brzustowski: Oui, c'est au niveau provincial, à cause des associations.
M. James Rajotte: Est-il possible de faire quelque chose au niveau provincial pour améliorer la situation?
M. Thomas Brzustowski: Je ne suis pas bien placé pour répondre à cette question. Je ne sais pas. Je sais tout simplement que c'est un phénomène qui se produit au niveau provincial.
M. James Rajotte: Vous avez parlé de l'apport des cerveaux et de l'exode des cerveaux. D'après vos observations les plus récentes, quelle est la situation au Canada en ce qui concerne les scientifiques ou chercheurs professionnels que nous attirons au pays, par comparaison à ceux que nous perdons?
M. Thomas Brzustowski: Je n'ai pas analysé la situation. Je me base simplement sur les données de Statistique Canada—à savoir que les deux tendances s'équilibrent à peu près et même que le Canada bénéficie d'un léger avantage si l'on tient tout simplement compte du nombre de personnes que nous attirons et de la formation théorique que ces personnes ont acquise.
• 0945
Par contre, il y a un autre phénomène que j'appelle la
«disparition des chefs de file». Dans nos universités—c'est le
groupe que je connais le mieux—les chercheurs qui ont de
nombreuses années d'ancienneté, dans lesquels nous avons investi
pendant une décennie ou plus, quittent le Canada, en général pour
les États-Unis, entraînant souvent avec eux un groupe de collègues.
Le départ d'un chef de file est-il compensé par l'arrivée de cinquante nouvelles personnes ayant une bonne formation théorique? Tout dépend des individus. Je me garde bien de donner des chiffres. Mais il semble que dans plusieurs cas, les gens que nous avons perdus sont surtout partis parce qu'ils avaient l'impression de pouvoir obtenir de meilleurs résultats dans d'autres contextes qui leur accorderaient plus de temps pour la recherche, un meilleur équipement, de meilleures installations et très souvent, un plus grand nombre de collègues. Ils préfèrent se joindre à un autre groupe de chercheurs afin de constituer une masse critique, plutôt que d'être le chercheur principal dans un petit groupe.
À mon avis, la disparition des chefs de file est grave. Je pense que le Programme des chaires de recherche du Canada permettra de freiner un peu cette tendance, mais c'est encore trop tôt pour le dire. Je suis tout à fait prêt à accepter les conclusions de Statistique Canada quant aux chiffres.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.
Monsieur Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'aimerais peut-être revenir à la question soulevée d'abord par M. Rajotte. L'un des problèmes, c'est qu'il y a également des associations professionnelles qui barrent la route aux immigrants qui ont fait leurs études à l'étranger, les empêchant de pratiquer au Canada.
Permettez-moi de poser ici deux questions dont nous avons déjà discuté ensemble. La première concerne la politique du CRSNG au sujet des partenariats et de l'influence des sources extérieures de financement qui viennent s'ajouter aux subventions du CRSNG. C'est une question que nous avons déjà eu l'occasion de soulever depuis trois ou quatre ans, étant donné qu'une telle pratique risque éventuellement de permettre aux collectivités qui disposent d'un bassin de financement extérieur plus vaste, de récolter plus de fonds auprès des grandes entreprises ou d'un gouvernement provincial qui est prêt à investir plus que d'autres régions du pays.
Est-ce que cet aspect a eu un impact sur la politique de financement du CRSNG?
M. Thomas Brzustowski: Non, cela n'a pas eu d'impact sur la politique de financement. Mais il y aurait eu un impact sur les résultats, de la manière suivante. Ma dernière diapositive indiquait que dans le secteur de la recherche thématique, par exemple lorsqu'une compagnie ou peut-être un gouvernement ou une institution publique soumet à une université un problème qui ne peut être résolu avec les connaissances existantes, les initiateurs de la recherche sont prêts à payer les coûts d'un projet. Cependant, un projet se définit en fonction des résultats livrables. Il faut produire un résultat. Par conséquent, l'argent supplémentaire est assorti d'une obligation supplémentaire.
Ces partenaires fournissent en moyenne 1,60 $ ou 1,70 $ pour chaque dollar de subvention accordé par le CRSNG à l'appui de ces projets. Les projets sont examinés par des pairs qui s'assurent de la qualité de la démarche scientifique, mais il est certain que, lorsque les universités nous présentent les demandes, elles sont déjà associées à un partenaire. Les universités ne sollicitent généralement pas ce type de financement tant qu'elles n'ont pas un partenaire local qui leur demande d'étudier un problème particulier.
Par conséquent, cette façon de faire ne contrevient pas aux politiques, mais elle biaise les résultats.
M. Reg Alcock: Par conséquent, il y a un impact sur la répartition, le résultat final...
M. Thomas Brzustowski: Il y a un impact sur la répartition.
M. Reg Alcock: ... et, parallèlement, il y a une incidence sur la masse critique de recherche qui serait possible dans la collectivité qui n'a pas eu accès à ces fonds supplémentaires.
M. Thomas Brzustowski: Mais alors, quelle est la cause première? Les gens qui cherchent une solution à leurs problèmes vont s'adresser à l'université qui dispose des compétences ou des capacités de recherche, si bien qu'il est difficile de savoir quelle est la cause première. C'est l'éternelle question de la poule ou de l'oeuf.
Il est évident que la multiplication des recherches thématiques renforce la capacité, mais je pense que les entreprises partenaires s'adressent avant tout aux chercheurs qui ont les compétences nécessaires pour leur fournir une aide immédiate plutôt que dans cinq ans.
M. Reg Alcock: Mais, à la réflexion et si l'on se penche sur la répartition de la recherche au Canada, est-ce qu'il serait juste de dire que les grandes localités qui disposent de ressources extérieures plus abondantes attirent une grande proportion de la recherche?
M. Thomas Brzustowski: Oui, je pense que c'est tout à fait clair et il y a plusieurs raisons à cela.
M. Reg Alcock: Bien.
• 0950
J'ai remarqué que, dans votre énoncé de mission, vous évoquiez
l'économie canadienne et l'amélioration de la qualité de vie de
toute la population canadienne. Est-ce que le CRSNG considère qu'il
est de sa mission de lutter contre cette tendance?
M. Thomas Brzustowski: Le CRSNG considère qu'il a pour mission d'encourager le plus possible l'excellence dans la recherche qui se pratique au pays. Comme vous le savez, la haute direction du CRSNG a consacré l'an dernier beaucoup de temps à visiter onze universités dans la région de l'Atlantique et cinq dans l'Ouest, à la suite notamment d'une conversation que nous avons eue vous et moi.
Voici ce que nous avons constaté. Pour diverses raisons, un certain nombre de ces établissements se heurtent à ce que j'appellerais des obstacles à la productivité—non pas des obstacles à l'excellence potentielle, mais des obstacles à la productivité. Ces obstacles sont par exemple l'obsolescence des laboratoires; l'absence d'installations consacrées à la recherche; le manque de techniciens de recherche dans l'université qui a dû réduire son budget en raison de compressions budgétaires provinciales; et la situation des universités où seulement une poignée d'enseignants se livrent à la recherche, étant donné que l'établissement n'avait pas auparavant de mandat de recherche et que cette dimension est nouvelle pour lui.
Aussi, ces obstacles à la productivité ont de nombreuses causes, telles qu'une moins grande capacité à produire des résultats que d'autres universités.
La présidente: Une dernière question, monsieur Alcock, s'il vous plaît.
M. Reg Alcock: Mais je ne fais que commencer, madame la présidente.
La présidente: Ce sera votre dernière question pour ce tour.
M. Reg Alcock: Alors, inscrivez-moi pour le second tour.
Mais cela renforce le point de vue selon lequel le manque de ressources est à l'origine de l'incapacité des universités situées dans de petites localités à participer aux travaux...
M. Thomas Brzustowski: En effet. Les raisons du manque de ressources sont nombreuses et variées, mais c'est exact.
La présidente: Merci monsieur Alcock.
[Français]
Monsieur Brien, s'il vous plaît.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Dans votre présentation, vous avez touché brièvement ce point, mais je suis assez préoccupé par la difficulté que je constate, tout particulièrement dans les petites universités, par rapport aux coûts indirects. Les budgets des conseils subventionnaires ont été augmentés; les chaires sont en place; la fondation canadienne a d'importantes sommes d'argent, mais souvent des projets sont difficiles pour les petites universités où les choix sont déchirants parce qu'elles n'ont pas la capacité de financer les coûts indirects. Est-ce que vous constatez aussi ce problème-là? Est-ce qu'il est plus particulier aux petites universités? Est-ce qu'il se retrouve aussi dans les grandes universités?
M. Thomas Brzustowski: C'est un grand problème partout, à mon avis. C'est un problème uniquement canadien. Aux États-Unis, la National Science Foundation paie les coûts directs tels que nous les connaissons, les coûts indirects et le coût des salaires des professeurs qui sont impliqués dans la recherche. C'est un système complètement différent du nôtre, un système plus complet que le nôtre.
M. Pierre Brien: Qu'est-ce que vous suggérez au gouvernement fédéral comme piste de solution pour améliorer cette situation-là?
M. Thomas Brzustowski: Il faut reconnaître l'existence des coûts indirects et aider les universités. Il faut déterminer le niveau nécessaire, mais on pourrait commencer par un pourcentage. Les universités demandent un pourcentage d'à peu près 40 p. 100 des coûts directs. Les universités sont convaincues que ce niveau-là est le niveau approprié pour cela.
M. Pierre Brien: Est-ce que ce pourcentage vous paraît raisonnable?
M. Thomas Brzustowski: À mon avis, ça peut être un bon pourcentage, oui.
M. Pierre Brien: Outre les coûts indirects, si vous deviez nous suggérer de corriger autre chose ou d'investir dans un autre endroit de façon prioritaire, qu'est-ce que ce serait?
M. Thomas Brzustowski: Ce serait la croissance du nombre de professeurs qui arrivent dans les universités maintenant. Les universités se trouvent dans une situation de relève des professeurs. Plusieurs prennent leur retraite et il y a beaucoup de nouveaux professeurs qui arrivent. Nous faisons face à une croissance incroyable pour nous. Sept cent soixante-deux nouveaux professeurs ont présenté des demandes lors d'un concours touchant moins de 3 000 personnes. C'est 25 p. 100 de croissance. La première priorité pour nous, c'est de subventionner la recherche de ces nouvelles personnes, qui se trouvent à la fois dans les petites et les grandes universités.
M. Pierre Brien: L'an passé, vous aviez aussi parlé du renouvellement du corps professoral. Est-ce qu'un an plus tard le portrait a changé? Vous dites qu'il y a plusieurs demandes de nouveaux professeurs. C'est donc qu'il y a plusieurs jeunes professeurs, mais il y a eu de nombreux départs. Y en a-t-il encore plusieurs?
M. Thomas Brzustowski: La croissance est plus grande qu'on l'avait prévu.
M. Pierre Brien: Elle est plus grande qu'on l'avait prévu. Et quelle est la tendance pour les prochaines années?
M. Thomas Brzustowski: On ne le sait pas. On a été surpris par les résultats cette année. ll serait difficile de le prédire, mais je pense que la tendance sera à la croissance continue pour les deux ou trois prochaines années.
M. Pierre Brien: J'ai une dernière question. Quels sont les liens directs entre le conseil et, par exemple, la Fondation canadienne pour l'innovation? Comment coordonnez-vous vos interventions avec la fondation ou avec les chaires universitaires? Vous êtes plusieurs à avoir des moyens financiers. Donc, comment coordonnez-vous votre travail pour vous assurer qu'il soit le plus efficace possible?
M. Thomas Brzustowski: Le programme des chaires est géré par les trois conseils subventionnaires ensemble. La fondation est indépendante et elle doit l'être pour recevoir les fonds qu'elle reçoit. Ce sont les mêmes personnes qui font la recherche qui présentent leurs demandes à la fondation et aux conseils. Elles sont nommées par les universités pour être candidates pour les chaires. On connaît ce monde. La coordination est plus formelle dans le cas des chaires que dans le cas de la fondation.
M. Pierre Brien: Est-ce que cela crée des problèmes opérationnels?
M. Thomas Brzustowski: Non.
M. Pierre Brien: D'accord. Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Bélanger, s'il vous plaît.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci.
J'aimerais faire une comparaison entre ce que j'appelle la recherche «fondamentale» ou «pure» par rapport à la recherche appliquée et examiner la direction que prend le Canada dans ce domaine. Pouvez-vous me dire quelle devrait être, à votre avis, la proportion idéale de recherche pure ou fondamentale et de recherche appliquée?
M. Thomas Brzustowski: Dans notre cas, je pense que la répartition est excellente. Quelle est-elle? Nous consacrons 56 p. 100 de notre budget à la recherche fondamentale et environ 25 p. 100 à la recherche thématique.
Ce sont les mêmes chercheurs qui effectuent les deux types de recherche. Néanmoins, la recherche fondamentale est le fondement de tous les autres types de recherche. Lorsque vous effectuez de la recherche fondamentale, vous développez les compétences et la capacité de créer de nouvelles connaissances et de réaliser des recherches thématiques.
Nous n'appuyons aucune recherche dans le domaine qu'on pourrait qualifier de développement de produits. Le type de recherche que nous appuyons n'est pas une recherche si appliquée. Entre la recherche thématique qui représente environ 25 p. 100 de notre budget et...
M. Mauril Bélanger: Selon notre définition, la recherche thématique est celle qui vous est présentée par le secteur privé. Autrement dit, les gens s'adressent à vous lorsqu'ils ne savent pas comment résoudre...
M. Thomas Brzustowski: C'est exact, lorsqu'ils ne savent pas résoudre un problème particulier.
M. Mauril Bélanger: Mais ces projets de recherche viennent du secteur privé.
M. Thomas Brzustowski: Les problèmes sont très souvent définis par le secteur privé. Parfois, ils sont définis par le secteur public lorsqu'on doit disposer d'une matière première pour l'élaboration des politiques publiques.
M. Mauril Bélanger: Vous me donnez l'impression, lorsque je vous écoute, que votre mot d'ordre, votre inspiration, c'est l'innovation. Est-ce qu'il serait faux de dire que l'innovation est le mantra du CRSNG?
M. Thomas Brzustowski: Oui, dans une certaine mesure ce serait exagéré. Selon la définition économique stricte que nous appliquons, l'innovation consiste à introduire de nouveaux produits et services sur le marché.
M. Mauril Bélanger: Très bien.
M. Thomas Brzustowski: Même lorsque les recherches se penchent spécifiquement sur les problèmes que rencontre l'industrie, elles ne résultent pas toujours dans la production de nouveaux biens et services commercialisables lorsque les problèmes sont résolus. Les recherches permettent par exemple d'améliorer le procédé de fabrication. Dans le cas de la recherche fondamentale, ce sont les découvertes qui, à long terme, produisent les plus grands changements sur le marché, les innovations. Mais, l'innovation n'est pas la raison d'être de la recherche fondamentale. L'innovation est une conséquence accessoire, bien qu'elle puisse être extrêmement importante.
M. Mauril Bélanger: Donc, vous consacrez 56 p. 100 de votre budget à la recherche fondamentale.
M. Thomas Brzustowski: Oui, et 25 p. 100 à la recherche thématique, 15 p. 100 environ aux bourses de recherche et 4 ou 5 p. 100 vont à nos dépenses de fonctionnement.
M. Mauril Bélanger: Je reconnais que la recherche fondamentale est la plus importante. Par exemple, dans le cas de la génomique, la recherche fondamentale permet actuellement d'élaborer le tableau périodique organique qui servira de référence à notre société pendant des années. Cela représente un domaine. Notre pays est en retard et nous commençons tout juste à nous intéresser à ce domaine.
Il semble que nous soyons en retard dans plusieurs domaines prometteurs. J'ai demandé au ministre l'autre jour quelle était notre situation dans le domaine de la nanotechnologie. Vous pourriez peut-être nous en parler. Le CRSNG travaille-t-il à augmenter nos connaissances et notre capacité de recherche dans le domaine de la nanotechnologie?
M. Thomas Brzustowski: Nous commençons à nous y intéresser. Nous allons procéder à la création de ce qui est peut-être la première des «plates-formes de l'innovation» au CRSNG. Nous offrirons nos services à tout groupe, quel que soit son financement et ses objectifs, qui s'intéresse à la recherche universitaire à long terme et à la formation dans ce secteur de recherche, si nous partageons des intérêts communs en matière de recherche, afin d'accélérer les recherches et d'en hausser le niveau.
Nous allons sans doute investir très prochainement et accélérer la recherche dans le secteur de la nanotechnologie. Nous n'avons pas l'intention de constituer un petit groupe de recherche en nanotechnologie qui inclurait certains chercheurs selon qu'ils se situeraient d'un côté ou de l'autre d'une ligne arbitraire—mais nous allons plutôt attirer tous les chercheurs qui peuvent faire une contribution—nos physiciens, ingénieurs, électriciens, chimistes, spécialistes en sciences des matériaux, sciences de la vie, etc.
M. Mauril Bélanger: C'est un secteur pluridisciplinaire.
M. Thomas Brzustowski: Oui totalement pluridisciplinaire.
M. Mauril Bélanger: Très bien, nous sommes donc d'accord.
Est-il nécessaire au Canada d'encourager une quantité équivalente de recherche fondamentale et pure à la Fondation canadienne de l'innovation qui se voue essentiellement aux innovations dans ses laboratoires spécialisés? Est-il nécessaire de disposer au Canada d'une fondation autonome qui se consacrerait uniquement à la recherche fondamentale?
M. Thomas Brzustowski: Voilà qui est intéressant; à mon avis, le nom de la Fondation canadienne pour l'innovation est trompeur. En effet, la fondation vise avant tout à offrir des installations de recherche. Certaines de ces installations serviront, comme je l'ai indiqué, à la promotion des innovations. D'autres serviront à la recherche fondamentale.
M. Mauril Bélanger: Je faisais partie de la tournée au cours de laquelle le ministre a annoncé un financement supplémentaire de 750 millions de dollars. Une des recherches portait sur un nouveau filtre solaire. Si je ne m'abuse, il ne s'agit pas là de recherche pure.
Je me demande en fait... si vous pensez que la FCI est vouée à la recherche pure.
M. Thomas Brzustowski: Je dis en fait que la FCI a pour objectif d'appuyer les installations de recherche qui sont absolument essentielles à tous les types de recherches, dont certaines sont axées sur les innovations, comme je l'ai indiqué. Si vous posiez la question à des représentants de la FCI, ils vous diraient sans doute que chaque cent qu'ils dépensent est investi dans un nouveau produit ou service offert sur le marché. Ce n'est pas tout à fait exact.
Est-ce qu'il existe une fondation vouée à la recherche fondamentale? Le problème le plus criant de la recherche fondamentale en ce moment, et également celui de la recherche thématique, c'est l'insuffisance des crédits de fonctionnement.
La présidente: Une dernière question, monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Estimez-vous que le secteur des sciences et de la technologie—secteur énorme—est actuellement plus au service de la société qu'au service des entreprises du Canada ou des entreprises étrangères?
M. Thomas Brzustowski: Je ne sais pas comment il faut interpréter l'expression «être au service de». Les connaissances que produit la recherche fondamentale sont à la disposition de toutes les personnes qui sont capables de les comprendre. Certaines de ces personnes travaillent dans des entreprises, c'est clair, et certains principes découverts par la recherche fondamentale auront une incidence énorme sur notre façon de vivre.
• 1005
Les travaux dans le domaine de la physique des composants
électroniques réalisés il y a une cinquantaine d'années ont permis
la fabrication de tous les produits électroniques de consommation
que nous trouvons de nos jours et qui ont totalement changé nos
vies. Peut-on dire que ce type de recherche était au service des
entreprises? Dans un sens, tous les produits électroniques de
consommation sont produits par une entreprise et ce point de vue
est donc valable, mais à l'origine, la recherche n'a pas été faite
dans ce but.
L'être humain est très intelligent. À partir des connaissances existantes, il va chercher à créer un produit qui répond à un besoin identifié. Selon les circonstances, il s'agira d'un besoin du marché ou d'un besoin auquel on peut répondre d'une autre façon. Mais je ne peux me prononcer que sur la façon dont nous travaillons.
Peut-on dire que la recherche thématique entreprise par les universités est axée sur les besoins de l'industrie? Oui, dans une certaine mesure. Si l'industrie présente un problème qu'elle ne peut résoudre et qu'une recherche de bonne qualité peut contribuer à lui trouver une solution, je pense que ce type de recherche est très important. La population active représente la moitié de notre population et nous dépendons de ce genre de choses. La commercialisation est une façon de transférer une partie de ces résultats sur le marché.
Je préférerais de loin que notre pays dispose d'une source de conseils crédible, totalement indépendante de tout intérêt, disposant de son propre budget, afin de décider non seulement des réponses à donner, mais également des questions à poser. Cet établissement pourrait se pencher sur les questions découlant de l'actualité scientifique afin de conseiller le personnel de toutes les institutions sur ce qui est bon, ce qui est dangereux, ce qu'on pourrait essayer et sur les secteurs auxquels il serait préférable de ne pas toucher.
Il n'existe rien de tel. Une telle capacité n'existe pas au Canada. Le comité d'experts de la Société royale du Canada fait un excellent travail, mais il attend que les questions lui soient soumises et fait ensuite appel à des chercheurs pour trouver la réponse. Il nous faudrait un organisme capable de définir par lui-même les questions et que cet organisme ne fasse pas appel uniquement à des scientifiques, mais également à des non- spécialistes.
La présidente: Merci beaucoup monsieur Bélanger.
Madame Desjarlais, s'il vous plaît.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci.
Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer au départ, je crois que nous nous en allons dans la même direction. C'est inquiétant, n'est-ce pas?
D'après vos commentaires et surtout votre mémoire, j'ai l'impression que le seul but de la recherche, du génie et de la science est en quelque sorte un but économique, que nous considérons leurs résultats uniquement dans une perspective strictement économique.
Bien sûr, il est question, dans le magnifique mémoire que vous avez présenté, d'améliorer la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes—et tout le monde associe la prospérité à la richesse financière—, mais cette dimension paraît simplement accessoire à la recherche scientifique concurrentielle et à l'utilisation productive des nouvelles connaissances dans tous les secteurs de l'économie et de la société. À vous entendre parler, j'ai eu la même impression.
Ne pensez-vous pas que l'on peut envisager une sorte de recherche coopérative dont la rentabilité financière ne serait pas le seul objectif?
M. Thomas Brzustowski: Absolument. Permettez-moi de répondre à certains points de votre question.
Pour commencer, mon exposé était axé sur l'innovation définie comme l'introduction sur le marché de nouveaux biens et services.
Mme Bev Desjarlais: Permettez-moi de souligner un détail. L'innovation, dans une perspective économique étroite—selon vos propres termes—consiste à introduire de nouveaux produits sur le marché. Pourrait-on envisager d'introduire de meilleurs produits sur le marché, plutôt que de les multiplier inutilement?
Par exemple, il me semble qu'il n'y a rien de plus simple qu'un tube de pâte dentifrice... Il n'y a rien de plus pratique et de plus utile que cette chose toute simple qu'est un tube de pâte dentifrice. Et pourtant, qu'a-t-on inventé? La pompe à dentifrice. Quelqu'un peut-il me dire quelle amélioration représente une pompe à dentifrice par rapport à un tube?
C'est une chose toute simple, mais pour moi c'est l'illustration parfaite de l'innovation à tout prix. La pompe à dentifrice n'est pas aussi pratique que le tube. Tous ceux qui ont essayé la pompe à dentifrice, surtout avec des enfants, vous le diront. On ne semble pas tenir compte...
M. Thomas Brzustowski: Permettez-moi de vous répondre en prenant une perspective plus large. Une grande partie de la recherche se pratique en dehors de tout objectif commercial. De fait, je dirais même que toute la recherche fondamentale se fait sans aucun objectif commercial. Les travaux de recherche dans tous les secteurs de l'environnement appartiennent à cette catégorie, la recherche portant sur les risques naturels qui permet de gérer ces risques pour la population, des secteurs entiers de la recherche n'ont absolument aucun objectif commercial.
• 1010
Nous devons bien nous rendre compte que les connaissances
seront mises en pratique sous une forme ou une autre une fois
qu'elles sont établies. La structure économique dans laquelle nous
vivons est telle que beaucoup d'entre nous sommes employés par des
sociétés dont le but est de faire des profits en produisant des
articles qui seront proposés aux consommateurs.
Ce qui me pousse personnellement à vouloir améliorer la capacité de la recherche universitaire canadienne, à vouloir en fait commercialiser les découvertes qui ont un potentiel de commercialisation, c'est le constat terrible que des inventions ou des découvertes financées par des fonds publics au Canada sont ignorées chez nous, mais utilisées ailleurs pour la création d'un produit que nous devons par la suite importer et acheter.
Il y a d'importants secteurs de recherche—de la recherche pluridisciplinaire et non pas dans une seule discipline—où nous devons apprendre à mieux utiliser l'information sur la nature. C'est une énorme motivation pour la recherche fondamentale. C'est aussi une forte motivation dans le cadre de certaines recherches thématiques.
Mme Bev Desjarlais: Pensez-vous que le gouvernement consacre suffisamment de fonds à ce type de recherche par rapport aux recherches essentiellement axées sur le marché?
M. Thomas Brzustowski: Oui, je pense que l'équilibre est juste, mais je crois que l'on devrait consacrer plus de crédits à tous les types de recherche. Cependant, il ne faut pas oublier que les milieux de la recherche sont convaincus que la recherche fondamentale est essentielle et que sans elle on ne progresse pas. Il y a des mécanismes de contrôle très puissants dans le milieu de la recherche.
Mme Bev Desjarlais: Merci.
La présidente: Madame Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
Vous avez soulevé la question concernant le moment opportun pour commercialiser les découvertes. Je me demande ce qu'on fait à ce sujet. Savez-vous ce que font les différentes organisations pour tenter d'intégrer cette dimension dans le programme d'études de premier cycle? Si les chercheurs ne savent pas reconnaître l'utilité commerciale de leurs découvertes, il faudrait peut-être qu'ils suivent un cours de marketing—pas un cours approfondi qui les détournerait totalement du but premier de la recherche et qui les amènerait uniquement à penser à la commercialisation, mais un cours qui leur ferait prendre conscience de cette dimension.
M. Thomas Brzustowski: Vous avez, dans votre question, utilisé les mots magiques qui me font automatiquement réagir. Laissez-moi vous décrire les gens rares, les personnes dont nous avons besoin et les compétences qu'elles doivent avoir. Ces personnes-là sont impressionnantes.
Ce sont des personnes qui travaillent à l'université afin de pouvoir visiter les laboratoires et prendre connaissance des recherches qui s'y font. Elles doivent connaître assez bien la science en question pour pouvoir être crédibles lorsqu'elles communiquent avec les professeurs et les étudiants. Elles doivent comprendre pourquoi et comment certains produits ont été fabriqués.
Elles doivent connaître suffisamment bien le marché afin de pouvoir imaginer l'utilisation d'un produit—c'est là qu'intervient l'intuition. Elles doivent connaître les milieux locaux des investisseurs afin de savoir exactement s'il est possible d'obtenir des investissements suffisants. Ce sont là des détails trop précis pour les sociétés financières d'innovation qui se chargeront d'investir des sommes plus importantes une fois que la préparation du produit en vue de son introduction sur le marché sera plus avancée.
Ces personnes doivent comprendre le droit de la propriété intellectuelle. Elles doivent savoir comment protéger la propriété intellectuelle et être suffisamment intelligentes pour réaliser, comme les gens d'affaires, que l'on peut parfois augmenter la valeur de sa propriété intellectuelle en faisant l'acquisition d'une autre propriété intellectuelle afin d'associer les deux.
Par-dessus le marché, ces personnes doivent être de bons gestionnaires et savoir faire avancer les dossiers.
Nous avons quelques personnes comme cela au Canada. Elles ont essentiellement reçu leur formation en cours d'emploi dans les bureaux de liaison entre les universités et l'industrie, les bureaux de recherche universitaire.
Je continue d'espérer que les écoles de commerce qui prétendent qu'elles tiendront le haut du pavé dans les années à venir, commenceront à proposer des cours sur la protection de la propriété intellectuelle, l'amélioration de la propriété intellectuelle, la structure du système d'innovation, etc. Pour le moment, il n'y a pas grand-chose qui se fait dans ce domaine.
Mme Paddy Torsney: Et les cours de marketing pour les écoles de sciences?
M. Thomas Brzustowski: Certaines universités proposent déjà des programmes de «science et affaires». Certains étudiants sont également détournés par l'industrie. L'université perd des universitaires hautement qualifiés. Ce n'est pas un exode des cerveaux vers les États-Unis—où il y a beaucoup plus d'étudiants qu'au Canada, au point qu'ils se spécialisent dans des secteurs très pointus—il s'agit d'un exode des universités vers le secteur financier canadien.
Mme Paddy Torsney: J'ai soulevé cette question parce que, lorsque j'étais à l'école de commerce, les professeurs s'étaient aperçus que les diplômés ne savaient pas écrire. C'est pourquoi, dès la première année, les étudiants devaient suivre un cours de rédaction anglaise. Les étudiants protestaient contre ces cours qu'ils détestaient, mais c'est peut-être grâce à eux qu'ils ont pu faire une meilleure carrière. Aussi, il serait peut-être possible de proposer un cours aux étudiants de première année, ou pendant leur cycle d'études scientifiques de trois ou quatre ans... Certains étudiants poursuivront leur carrière à l'université et d'autres se dirigeront vers différents secteurs. S'ils deviennent chercheurs, ils auront au moins une formation de base.
Vous avez également parlé de la collaboration entre les scientifiques du gouvernement et les scientifiques universitaires. Au moment de l'annonce de l'initiative de recherche sur les substances toxiques, nous avons réuni des chercheurs des deux milieux et un des commentaires que nous avons entendus, en particulier de la part des chercheurs universitaires, était qu'autrefois les échanges étaient très nombreux, mais qu'ils sont très limités depuis 10 ou 15 ans. Ils ont dit que cette initiative de 40 millions de dollars était en fait une magnifique occasion pour eux de collaborer à nouveau et de rétablir les anciens contacts.
Je me demande si cette situation existe ailleurs que dans le secteur des substances toxiques. Est-ce qu'il y a eu des problèmes? Est-ce que nous nous penchons sur ces questions afin de restaurer la collaboration entre les chercheurs? Les chercheurs semblent dire qu'il s'agit là d'un changement énorme qui fait avancer la recherche et que les efforts en ce sens n'avaient pas été suffisants au cours des dernières années.
M. Thomas Brzustowski: Je crois que c'est une question de perception. À mon avis, les efforts de collaboration sont nombreux. Je connais beaucoup de scientifiques du gouvernement qui sont professeurs adjoints à l'université. Cela leur donne accès à des étudiants diplômés qu'ils peuvent superviser. Beaucoup de scientifiques collaborent avec d'autres parce qu'ils travaillent dans des domaines complémentaires. Les laboratoires gouvernementaux possèdent tels types d'installations, les universités tels autres. Les scientifiques travaillent en étroite collaboration et donnent à leurs collègues l'accès à leurs installations.
À mon avis, la collaboration est assez bonne. M. Bélanger a évoqué par exemple le secteur de la nanoscience. Il y a quelques semaines, plusieurs scientifiques et universitaires du pays ont rencontré au cours d'un atelier des scientifiques du CNRC et d'autres laboratoires gouvernementaux, ainsi que des chercheurs de l'Alberta Research Council, un institut provincial. La réunion qui avait lieu en Alberta portait sur la nanotechnologie. Tous les scientifiques réunis se considéraient comme partie intégrante de cet effort de collaboration.
Je ne pense pas qu'il y ait de problème. Il est possible que l'activité ait diminué dans certains secteurs, mais à mon avis, il n'y a pas de problème. Nous ne manquons jamais une occasion de l'encourager.
La présidente: Dernière question madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Nous ne pouvons être des experts dans tous les domaines et nous ne pouvons financer toutes les recherches et pourtant, lorsque vous sélectionnez les lauréats, vous vous demandez si les critères ne seront pas obsolescents bientôt ou s'ils ne sont importants qu'à court terme. Comment procédez-vous? Comment le CRSNG choisit-il les lauréats et s'assure-t-il d'investir dans des projets de recherche qui seront importants pour les dix années à venir?
M. Thomas Brzustowski: Nous ne choisissons pas de lauréats. Nous choisissons des secteurs dans lesquels les chercheurs, s'il y investissent suffisamment de travail et s'ils sont suffisamment perspicaces, pourront devenir des gagnants.
Mme Paddy Torsney: Je voulais parler des secteurs de recherche.
M. Thomas Brzustowski: J'avais bien compris.
Nous appliquons, dans un cycle de quatre ans, un processus de réaffectation, un jeu à somme nulle qui regroupe en permanence 25 disciplines de recherche fondamentale. Chacune d'entre elles évolue constamment, mais nous conservons 25 groupes différents. Au cours du processus de réaffectation des crédits, chacun des groupes perd 10 p. 100 de son budget et ceux qui obtiennent plus d'argent récoltent beaucoup plus que les 10 p. 100 qu'ils ont perdu. Les décisions sont prises par un comité indépendant en fonction des réponses à une question simple: Pourquoi est-il important pour le Canada que votre discipline obtienne plus d'argent pour poursuivre ses recherches dans ce domaine? Les candidats peuvent répondre de la manière qu'ils jugent appropriée, à condition que la réponse soit présentée dans une langue simple et contenue dans une dizaine de pages.
Nous entamons actuellement le troisième de ces exercices. La dernière fois, les chercheurs des disciplines de la micro-électronique, de la technologie des communications et de la biologie moléculaire ont très bien défendu leurs programmes de recherche et ont obtenu des fonds supplémentaires. Le mouvement des fonds n'est pas très rapide. En moyenne, cela représente 10 p. 100 tous les quatre ans. Le processus est lent, mais c'est un exercice stratégique extrêmement important pour la discipline.
• 1020
Voilà une des mesures que nous prenons. Cependant, il y a un
inconvénient. Comment peuvent se faire entendre les chercheurs qui
travaillent dans plusieurs disciplines? Nous tentons de mettre au
point des moyens permettant d'identifier les secteurs où les
disciplines se combinent et où de nouvelles perspectives se
dessinent. Cela nous permettra, lorsque suffisamment d'éminents
penseurs auront confirmé l'importance d'un domaine tel que la
nanoscience, qui fait appel à six ou sept disciplines différentes,
d'accélérer le développement dans ce secteur.
L'intéressant dans le cas de tous ces processus qui sont traités différemment dans le monde, c'est de constater que les gens aboutissent aux mêmes idées et aux mêmes réponses. Il faut être fort en nanoscience. Il faut être fort en électronique plastique—on imprime maintenant des circuits électroniques sur des pellicules de plastique. Il faut être fort en optique. Il faut être fort dans certains aspects de la biotechnologie. Quel que soit le processus appliqué, les mêmes domaines de recherche émergent partout.
Ce n'est pas surprenant. La science est une activité très internationale et les scientifiques sont tous en contact les uns avec les autres.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brzustowski.
Mme Paddy Torsney: Est-ce que je peux poser une question supplémentaire à ce sujet?
La présidente: Non.
Monsieur Penson, s'il vous plaît.
M. Charlie Penson (Peace River, AC): Merci.
Monsieur Brzustowski, lorsque des fonds sont alloués au CRSNG, fait-on une distinction pour la recherche dans des secteurs où le Canada a toujours été fort, comme celui des ressources de base? Nous avons de vieilles industries, par exemple celles des mines et des forêts.
Nous savons qu'il serait possible d'apporter de grandes améliorations dans ces industries. La question que j'ai à poser n'a pas trait à la recherche fondamentale—quoiqu'elle pourrait peut-être comporter de nombreux avantages pour ces industries également. Mais est-ce que quelqu'un a examiné nos vieilles industries de base pour voir s'il n'y aurait pas moyen de les mettre plus en valeur encore par la recherche scientifique et ainsi créer plus d'emplois et de retombées?
M. Thomas Brzustowski: Je suis heureux que vous me posiez cette question parce que s'il y a une chose que j'ai oublié de dire, c'est que l'impact de la recherche se fait sentir dans tous les secteurs de l'économie.
Je ne crois pas que la recherche intéresse uniquement la biotechnologie et la technologie de l'information. Elle améliore chacune de nos industries. Prenez nos industries des ressources naturelles qui sont extrêmement importantes pour notre balance des paiements et qui continueront à l'être longtemps encore.
Même si nous ne vendions que des matières premières, la recherche sur les procédés d'extraction pourrait entraîner certains avantages sur le plan des coûts. J'espère qu'on pourra arriver même dans le secteur primaire, celui des produits de base, à mettre en place certains processus pour ajouter de la valeur aux produits parce que nous nous y connaissons en processus. Nous sommes bons là-dedans et nous pouvons obtenir des avantages additionnels ce faisant.
J'ai mentionné Syncrude. Le CRSNG a appuyé de nombreuses recherches en collaboration avec Syncrude et nous finançons depuis de nombreuses années déjà une chaire à l'Université de l'Alberta. Le but est d'améliorer les processus entre le moment de la fluidisation du sable et de la pierre concassée à la mine et celui où le combustible en suspension sort de l'usine de séparation. C'est la raison pour laquelle nous n'avons plus de transporteurs à courroies mécaniques entre la mine nord de Syncrude et l'usine principale.
Dans toutes sortes de domaines, les réseaux de centres d'excellence... Je n'ai pas parlé de ce programme. Mais nous y participons, bien sûr, comme les autres conseils. Le Réseau de centres d'excellence sur la gestion durable des forêts, dont le siège administratif est situé à Edmonton, s'occupe de toutes sortes de questions allant de la biotechnologie des espèces forestières aux revendications territoriales des Autochtones en passant par les animaux de la forêt et l'usage mixte des forêts pour la coupe du bois et le tourisme.
Je dirais qu'une bonne partie de la recherche fondamentale a une incidence sur notre secteur primaire. Je pense qu'elle en aura toujours une et qu'elle devrait en avoir une.
M. Charlie Penson: Je suis d'accord avec vous.
J'aimerais qu'on fasse un peu plus de recherche sur des projets comme celui des sables bitumineux de Peace River, qui présentent un énorme potentiel, et celui des sables bitumineux du nord de l'Athabasca. Ce sont des sables bitumineux profonds qui nécessitent une méthode différente, parce qu'ils sont trop profonds pour qu'une simple extraction suffise. Je crois savoir que des travaux sont en cours.
• 1025
J'aimerais changer un peu d'optique. Une fois qu'un produit a
été découvert, si je peux m'exprimer ainsi, grâce à la recherche
universitaire—et je peux comprendre ce que vous dites—sa mise en
marché doit comporter d'énormes difficultés. J'ai entendu des gens
dire que le plus facile était de l'inventer...
M. Thomas Brzustowski: Oui, c'est vrai.
M. Charlie Penson: ... et que le plus difficile était de le commercialiser. Il y a des produits que les consommateurs n'utilisent pas vraiment avant 20 ou 30 ans parce que personne ne s'y intéresse.
Mais lorsqu'un produit a été mis au point, la législation sur la propriété intellectuelle que nous avons au Canada est-elle adéquate pour protéger ceux qui veulent le mettre en marché ou, selon vous, faudrait-il faire plus?
M. Thomas Brzustowski: Lorsque je rencontre le comité, j'essaie de lui dire tout ce que je sais sur le sujet. Je ne veux pas commencer à parler de choses que je ne connais pas.
Je sais que dans le cas de la recherche, les universités canadiennes ont deux séries très différentes de politiques. Dans certains cas, la propriété intellectuelle est entre les mains de l'inventeur, le chercheur, et dans d'autres, entre les mains de l'établissement. Ce qui arrive après peut être le résultat d'un certain nombre de décisions de gestion. L'université peut acquérir une participation dans une entreprise créée par essaimage ou encore vendre la propriété intellectuelle.
Il est très clair que les investisseurs, surtout les investisseurs en capital risque, se montrent très prudents et définissent des stratégies pour protéger leurs intérêts. Un certain nombre d'universités ont une très grande expérience dans ce secteur et détiennent en fait des portefeuilles de propriété intellectuelle qu'elles gèrent elles-mêmes. Leurs profits ne sont pas mirobolants, parce qu'une fois que le produit issu de la propriété intellectuelle a été mis en marché grâce aux investissements privés, leurs avoirs sont très dilués. Elles ont une toute petite fraction de quelque chose, cela parce que le processus de commercialisation, comme vous l'avez dit, est un processus très coûteux.
M. Charlie Penson: Je ne parlais pas vraiment des universités elles-mêmes; je pensais plutôt aux entreprises ou aux particuliers qui souhaitent utiliser un produit né de la recherche universitaire. Avez-vous entendu dire que cela posait un problème?
M. Thomas Brzustowski: Non. Différentes industries abordent la question différemment. Certaines ne prennent pas la peine de demander un brevet, de faire toutes les démarches nécessaires, parce que l'avantage pour elles est de pouvoir mettre le produit en marché quatre mois avant leurs concurrents, de simplement être au courant de son existence et d'être les premières à le commercialiser. D'autres industries, comme celles de la biotechnologie et des produits pharmaceutiques, doivent protéger leur propriété intellectuelle en raison du long délai qu'il faut pour acheminer un produit vers le marché. D'autres utilisent les secrets de fabrication, par exemple, le savoir-faire dans une usine de produits artisanaux ou la façon d'assembler un meilleur compresseur pour un moteur d'avion. Tout dépend, mais je n'ai pas entendu parler de problèmes, non.
M. Charlie Penson: C'est parfait.
La présidente: Ce sera votre dernière question.
M. Charlie Penson: Oui, c'est la dernière question.
Vous avez piqué ma curiosité quand vous avez parlé de la nécessité d'un organisme scientifique quelconque—vous l'avez comparé à la Royal Society, je crois—pour aider le public à décider en quoi consiste une bonne recherche, vers quoi nous devrions nous orienter et ce que nous ne devrions pas faire. Iriez-vous jusqu'à dire que cet organisme pourrait aider le Parlement à choisir où les fonds devraient être alloués pour appuyer la recherche?
M. Thomas Brzustowski: Je pense que ce serait difficile. Laissez-moi vous donner un exemple.
Une question qui est très d'actualité aujourd'hui est celle de la recherche sur les cellules souches qui soulève un certain nombre de questions morales. De plus, même si je ne suis pas un spécialiste du domaine médical, je peux imaginer toutes les nouvelles technologies sur lesquelles la médecine pourra compter dans 10 ou 20 ans. On sera en mesure de procéder rapidement à des analyses sanguines et autres au chevet du patient. Les opérations se feront de l'intérieur et j'entends par là que les chirurgiens n'auront plus à entailler des tissus sains pour atteindre les parties touchées. Et les gens guériront d'eux-mêmes, c'est-à-dire que les cellules de votre propre corps répareront les organes endommagés et ainsi de suite.
Un grand nombre de questions morales entrent en jeu et il y a des questions de risque qui sont très difficiles à prévoir. J'aimerais bien que nous ayons en fait un groupe qui soit capable d'offrir une opinion scientifique qui serait digne de confiance parce qu'elle serait complètement désintéressée. Par la même occasion, le groupe tiendrait compte des vues des citoyens, des profanes, sur l'incidence de ces questions sur leurs vies. Si ce groupe était au service du pays entier et non du seul promoteur d'un groupe d'experts, je pense que nous serions bien servis comme nation.
• 1030
Les Américains ont un tel groupe. Leur académie des sciences
et leur académie du génie dirigent le National Research Council qui
tient lieu d'organisme consultatif. Il est autonome et jouit de
pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et il a le droit
d'établir son propre programme. Je pense que ce serait excellent
pour nous d'avoir la même chose.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): On a dit que le financement de la recherche au Canada laissait à désirer par comparaison à d'autres pays. Avez-vous observé un changement à cet égard?
M. Thomas Brzustowski: Oui. Si on regarde les pays du G-7—je ne peux pas parler du G-8 parce que je ne connais pas la situation en Russie—alors le Canada ressort à deux points de vue: le pourcentage élevé de la recherche universitaire financée par les industries, qui est environ de 10 à 11 p. 100 ici, et le pourcentage élevé de la recherche effectuée dans les universités, qui est de 5 ou 6 p. 100 à peu près. Ces deux pourcentages sont élevés par comparaison aux autres pays.
À mon avis, c'est dans notre histoire qu'il faut en chercher les raisons. Nous sommes encore novices. Nous prenons la recherche au sérieux depuis moins d'un demi-siècle. Nous n'avons pas les couches institutionnelles entre la recherche et le marché qui existent dans d'autres pays. J'ai lu récemment qu'aux États-Unis environ 70 p. 100 de tous les chercheurs travaillent dans des laboratoires de recherche d'entreprises. Il y a aussi un très grand nombre de chercheurs dans les universités et les laboratoires du gouvernement. Cela veut dire que le laboratoire de recherche d'une entreprise est une vaste opération. Nous n'en avons qu'un très petit nombre.
Viennent au deuxième rang les établissements de recherche publics à but non lucratif. Il y a le Battelle Memorial Institute, l'Argonne National Laboratory, SRI International et un certain nombre de laboratoires du ministère de l'Énergie qui essaient de joindre leurs rangs. Les Allemands ont le Fraunhofer Institute.
Nous avons le CNRC qui est très bon et fait tout ce qu'il faut, mais il est à peu près dix fois trop petit par rapport à la taille de notre économie. Nous manquons donc d'institutions ici. C'est la raison pour laquelle les universités font tant de recherche industrielle. Je dirais cependant qu'il ne se fait pas autant de recherche industrielle qu'il devrait s'en faire.
M. Walt Lastewka: On a toujours eu peur et on continue à avoir peur que si de plus en plus de fonds sont consacrés à la recherche, il risque d'y avoir plus de chevauchements, moins de partenariats et moins de réseautage. Vous et moi avons discuté dans le passé de l'importance des partenariats et des réseaux. Est-ce une de vos peurs ou pensez-vous que nous ayons en place un système qui empêcherait les chevauchements et garantirait le rendement des investissements?
M. Thomas Brzustowski: Je pense que nous avons en place un système de partenariats qui est meilleur que—si vous me le permettez—n'importe quel autre. Je pense que notre programme de réseaux de centres d'excellence, qui sont maintenant au nombre de 22, est un merveilleux exemple de ce que nous devons faire. Nous excellons à ce que nous devons faire. Nous devons rassembler une masse critique de chercheurs d'institutions éparpillées à travers le pays pour qu'ils puissent travailler ensemble à un difficile problème. Nous avons appris à le faire à l'aide des réseaux de centres d'excellence et d'autres accords de partenariat.
Une voix: Ils ne travaillent pas tous au même endroit.
M. Thomas Brzustowski: Ce n'est pas nécessaire. Ils demeurent dans leurs propres établissements, parce que nous en avons besoin dans les régions. En les gardant là où ils sont pour qu'ils puissent enseigner et donner des conseils à l'échelle locale tout en faisant partie d'un réseau virtuel pour créer cette masse critique intellectuelle, nous avons un très bon système qui répond à nos besoins. Je ne vois donc aucun problème. Je pense que nous allons simplement continuer à nous améliorer.
M. Walt Lastewka: Vous avez déjà parlé, et vous en avez encore parlé aujourd'hui, de l'importance des bureaux de commercialisation et de liaison dans les universités, etc., et dit que nous n'avions pas tellement d'experts dans ce domaine. C'est une chose dont j'entends personnellement parler depuis quatre ou cinq ans.
• 1035
J'ai eu l'occasion de visiter certaines universités et
d'observer la différence d'une université à l'autre pour ce qui est
des bureaux de commercialisation et de liaison. Est-ce quelque
chose qui devrait vraiment nous préoccuper? Vous disiez dans votre
tableau qu'il fallait non seulement mettre l'accent sur la
commercialisation, mais aussi contribuer à la recherche
universitaire.
M. Thomas Brzustowski: Je pense que c'est une chose qui devrait nous préoccuper. Le rapport Fortier en a fait mention et renfermait des recommandations particulières. Reste à savoir quelles mesures seront prises. Nous avons un très petit programme qui a pour titre la gestion de la propriété intellectuelle et qui aide les universités à constituer des réseaux et à se familiariser avec ces choses. Si c'est la voie que le gouvernement choisit de suivre, nous essaierons de quadrupler ce programme pour répondre à la situation que vous décrivez. J'espère bien que cela intéressera aussi les écoles de commerce.
M. Walt Lastewka: C'est ce que nous espérons depuis un certain nombre d'années déjà. J'en suis arrivé à croire que le temps est venu d'agir et si les écoles de commerce veulent être elles aussi de la partie, tant mieux.
M. Thomas Brzustowski: C'est pourquoi je dis que si le rapport Fortier ne donne rien ou que si le gouvernement choisit de ne pas y donner suite, nous mettrons l'accent sur notre programme de gestion de la propriété intellectuelle.
M. Walt Lastewka: Me dernière question a trait à votre stratégie. Je sais que par le passé vous avez soumis votre stratégie à des examens et adopté certaines positions. Vous avez dit que votre stratégie était presque vivante parce qu'elle est animée par le changement. Pourriez-vous résumer pour le comité?
M. Thomas Brzustowski: Oui, avec plaisir. Tout part de notre nom. La stratégie fait suite à la vision qui est rattachée à notre nom. Nous avons un nom compliqué en anglais: Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada. Dans cette ville-ci, la plupart des gens pensent que la première lettre du sigle, «N», veut dire «National», mais ils se trompent.
[Français]
Même en français, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, c'est un peu long. Ce n'est pas un nom vivant.
[Traduction]
C'est notre dénomination sociale. Nous devons nous en accommoder.
Nous avons commencé à parler du «Canada en tête». Nous entendons par là tous les gens que nous appuyons, y compris les étudiants et les chercheurs. Nous avons un énoncé de ce qu'est le Canada en tête, que nous utilisons comme partie intégrante de la vision. Nous le définissons ainsi: le Canada en tête est le meilleur endroit au monde où vivre et travailler parce que les Canadiens excellent à créer et à utiliser le savoir pour améliorer tous les aspects de leur vie et de leur travail—pas seulement l'industrie, tous les aspects de leur vie et de leur travail. Alors, dans ce cas, notre stratégie est de faire de notre mieux pour promouvoir la création du savoir. Soit dit en passant, lorsque nous parlons de recherche concurrentielle, nous ne voulons pas dire concurrentielle sur le marché. Nous voulons dire aussi bonne que n'importe où ailleurs dans le monde. C'est de là que vient notre stratégie. Nous devons investir dans les gens. C'est essentiel. Nous devons les aider à apprendre comment créer le savoir et l'utiliser, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, pour fabriquer un nouveau produit ou améliorer l'environnement. C'est là la stratégie.
Elle comporte aussi un autre aspect. Nous sommes un organisme fédéral. Nous ne pouvons rien dire au sujet de l'éducation dans notre mandat, mais nous pouvons exercer une influence en devenant partenaires de ceux qui dans les provinces sont responsables de l'éducation, par exemple, en aidant les enseignants à devenir de meilleurs professeurs de sciences en leur permettant d'acquérir de l'expérience dans un laboratoire de recherche pendant l'été, par exemple. C'est donc là notre stratégie.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Brien, avez-vous d'autres questions? Madame Desjarlais? Monsieur Alcock, alors.
M. Reg Alcock: Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de la recherche et de l'élaboration des politiques auxquelles le CRSNG s'intéresse, surtout pour ce qui est des quelques dernières années et de la création du programme de chaires de recherche? Le CRSNG a-t-il été consulté à propos de la conception de ce programme?
M. Thomas Brzustowski: Oui, je faisais personnellement partie d'un petit groupe à qui on a demandé d'étoffer le concept. On nous l'a présenté et nous avons été appelés à l'étoffer et à concevoir la façon dont le programme pourrait être mis en oeuvre. Les trois conseils sous la direction de Marc Renaud gèrent le programme et en sont responsables, avec la FCI et Industrie Canada. C'est un comité directeur de cinq membres.
M. Reg Alcock: Donc, le petit groupe auquel la conception a été confiée est composé de vous-même, de M. Renaud du CRSH—et de qui d'autre?
M. Thomas Brzustowski: À ce moment-là, Henry Friesen des Instituts canadiens de recherche en santé du Conseil de recherches médicales en faisait partie. Il y avait aussi des universitaires—l'Association des universités et collèges du Canada était représentée à la table. Certains fonctionnaires en faisaient partie. J'oublie leur nom.
M. Reg Alcock: La FCI en faisait-elle partie?
M. Thomas Brzustowski: Oui, la FCI en faisait partie.
M. Reg Alcock: Et le programme est actuellement géré par un comité directeur composé, comme vous l'avez dit, des trois conseils subventionnaires, de la FCI et du ministère?
M. Thomas Brzustowski: Industrie Canada y est représenté également, oui.
M. Reg Alcock: Ce groupe est-il donc d'avis que l'excellence n'est possible que dans les grandes universités traditionnellement structurées?
M. Thomas Brzustowski: Non, je ne pense pas du tout que ce soit l'opinion du groupe.
M. Reg Alcock: Comment alors les chaires ont-elles été réparties? Comment se fait-il que les cinq grandes universités en comptent un nombre disproportionné?
M. Thomas Brzustowski: Eh bien, je pense qu'il faut se rappeler le but énoncé par le premier ministre lorsqu'il a annoncé la création de ce programme: tabler sur les forces et essayer d'atteindre des niveaux internationaux.
Nous avons un défi intéressant à relever ici. Nous reconnaissons que nous avons besoin d'une capacité raisonnable, parce que c'est important dans les régions. Nous reconnaissons aussi que nous devons soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Il est parfois difficile de concilier les deux. Mais nous nous sommes fiés à l'évaluation par les pairs pour nous confirmer où étaient les forces, et notre but était de répartir les chaires en fonction de celles-ci.
M. Reg Alcock: Eh bien, les évaluations par les pairs ont été influencées par les ressources financières. Quelques villes ont influencé la répartition des ressources et ce groupe a décidé d'accepter cette répartition pour l'allocation des chaires. Les chaires devaient appuyer l'excellence, mais il n'y a eu aucun concours. Ce sont les concepteurs du programme qui ont décidé de leur répartition.
J'essaie simplement de comprendre pourquoi vous mettriez délibérément en place une politique qui crée une situation peu attrayante. Pour recevoir la meilleure éducation possible, les enfants de mon ami Andy Scott des Maritimes doivent déménager à Toronto. Je pense qu'en tant qu'organisme national vous aviez des responsabilités additionnelles que vous semblez avoir oubliées.
M. Thomas Brzustowski: J'ai l'impression que nous n'arriverons pas à nous entendre.
M. Reg Alcock: J'en suis certain.
M. Thomas Brzustowski: Prenez par exemple l'Université du Nouveau-Brunswick. Elle compte 17 ou 18 chaires d'études canadiennes. Et récemment, suite à un examen par les pairs, le CRSNG a attribué un de ses prix les plus importants—le prix Steacie—à Bruce Balcom de cette université.
La qualité et la productivité des gens influent sur l'examen par les pairs. Cependant, la qualité passe avant tout. Il en a toujours été ainsi.
M. Reg Alcock: La notation interuniversitaire qui existe actuellement ne vous préoccupe-t-elle pas? Parce que les chaires sont attribuées aux plus grandes universités, elles peuvent dépouiller les plus petites de leurs capacités.
M. Thomas Brzustowski: Vous n'êtes pas le premier à exprimer cette crainte, mais je n'ai pas vraiment constaté jusqu'à maintenant que c'était le cas. Le fait que l'Université de l'Alberta ait obtenu quelqu'un de l'université Queen's... Avez-vous des preuves?
M. Reg Alcock: Je peux vous en donner.
M. Thomas Brzustowski: Ça peut aller dans un sens ou dans l'autre.
M. Reg Alcock: En fait, quand une personne remporte un prix important, comme ceux qui ont été attribués récemment en recherche médicale, le mois qui suit, elle reçoit des offres de l'une des cinq grandes universités qui utilise l'argent des chaires pour la déménager.
Vous savez, monsieur Brzustowski: je suis personnellement d'avis que c'était là une décision tout à fait irresponsable de votre part, et de la part de tous les membres des conseils subventionnaires. Ils ont appuyé un petit groupe élitiste qui a une vue particulière de la recherche—et, honnêtement, ce n'est pas la vue que j'en ai.
J'ai entendu M. Bélanger parler des réseaux et de la création de liens entre les chercheurs. Je vois ce que les Instituts canadiens de recherche en santé font pour essayer de créer des liens entre les chercheurs et renforcer les capacités à l'échelle du pays. Je ne comprends pas pourquoi les conseils traditionnels ont adopté cette vue très étroite de ce qui constitue l'excellence en recherche.
M. Thomas Brzustowski: J'ai l'impression que je n'arriverai pas à vous faire changer d'avis. Mais vous n'arriverez pas non plus à m'en faire changer facilement. Je pense que l'expérience nous dira, non pas qui a tort ou raison, mais comment renforcer les capacités de recherche et l'excellence à l'échelle du pays.
Prenez les petites universités qui ne s'étaient jamais vraiment intéressées à la recherche jusqu'à ces toutes dernières années peut-être et qui n'avaient pas d'étudiants de deuxième ou troisième cycle. Elles doivent renforcer leurs capacités, ce qui les distingue des chaires. Nous essayons d'utiliser les chaires pour attirer les meilleurs chercheurs au monde. Les plus petites universités ont besoin d'investissements; elles ont besoin qu'on s'occupe d'elles.
M. Reg Alcock: Tout à fait. Mais pourquoi ne pas avoir organisé un concours pour l'attribution des chaires? Si l'excellence doit nous guider, pourquoi ne pas avoir simplement dit que vous aviez 2 000 chaires à attribuer, organisé un concours et laissé l'excellence l'emporter? Non. Vous avez décidé à l'avance de leur attribution. C'est le problème que le programme pose: vous avez décidé où se trouve l'excellence.
M. Thomas Brzustowski: Nous avons pris cette décision, parce que ces universités avaient fait preuve d'excellence.
M. Reg Alcock: Mais cette excellence est fondée sur des critères financiers qui ont faussé la répartition des ressources. Vous-même l'avez dit tout à l'heure.
La présidente: Merci, monsieur Alcock.
Madame Torsney, vous aviez une question supplémentaire? Allez-y rapidement.
Mme Paddy Torsney: Tout le monde fait de la recherche en haute technologie—vous avez dit que d'autres pays s'intéressaient à l'optique et à un certain nombre d'autres choses. Mais les Américains, pour ne mentionner qu'eux, ont des tonnes et des tonnes d'argent et d'excellents investissements consécutifs. Le Canada ne jouit pas du même accès au financement. Comment alors être certains que nous pouvons continuer à prendre part aux travaux de recherche et nous maintenir au même niveau que tout le monde? Ne risquons-nous pas de passer à côté de créneaux parce que nous mettons l'accent sur les mêmes secteurs que tout le monde?
M. Thomas Brzustowski: C'est un véritable défi. La question est de savoir quelle devrait être notre stratégie nationale. Je pense qu'elle ne devrait pas consister simplement en une tentative de rattrapage.
Mme Paddy Torsney: C'est exact.
M. Thomas Brzustowski: Nous avons du rattrapage à faire. Le monde n'a pas arrêté de tourner parce que nous avons annoncé que nous voulions passer du quinzième au cinquième rang. Je pense que nous devrons faire preuve de beaucoup d'astuce dans la définition des créneaux vers lesquels nous pouvons progresser par bonds.
Mme Paddy Torsney: C'est exact.
M. Thomas Brzustowski: Je pense que nous avons la capacité intellectuelle qu'il faut pour y arriver. Mais nous avons besoin de certaines ressources et nous avons besoin d'environnements dans lesquels prendre ces décisions.
Mme Paddy Torsney: D'accord.
La présidente: Merci, madame Torsney.
Monsieur Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger: Premièrement, j'aimerais bien apprendre à prononcer votre nom convenablement.
M. Thomas Brzustowski: Tom.
M. Mauril Bélanger: J'ai bien écouté la réponse à ma dernière question et les commentaires que vous avez faits en réponse à une question de l'opposition. Si je lis entre les lignes, je crois comprendre qu'il doit y avoir des discussions présentement sur la formation de cet organisme national, cette académie dont vous avez fait parlé. Est-ce que j'ai raison de penser cela?
M. Thomas Brzustowski: Oui.
M. Mauril Bélanger: Ma deuxième question est la suivante: seriez-vous d'accord pour nous faire parvenir vos commentaires, des suggestions ou même des documents qu'on a fait circuler et qui peuvent être rendus publics à ce moment-ci sur ce sujet, pour que nous puissions en prendre note et voir si, effectivement, nous voulons contribuer à cette discussion?
M. Thomas Brzustowski: Vous avez raison de dire que ces discussions ont commencé. Ce sont des discussions préliminaires. Il y a une ébauche de proposition pour le secrétaire d'État responsable de cela, M. Normand, qui appuie cet effort. J'attends quelque chose de très valable pour le pays dans tout ça. Ça va arriver d'ici quelques mois, mais c'est très préliminaire maintenant.
M. Mauril Bélanger: Est-ce que vous pouvez nous faire parvenir de la documentation, ainsi que vos propres idées là-dessus?
M. Thomas Brzustowski: Mes idées sont en accord avec celles des autres: un organisme qui aura sa propre base de financement afin d'avoir l'indépendance nécessaire pour choisir les questions et fournir les réponses.
M. Mauril Bélanger: Je comprends.
M. Thomas Brzustowski: C'est très important. Ça pourrait être une fondation ou une académie. Je ne le sais pas.
M. Mauril Bélanger: Vous allez nous faire parvenir des choses?
M. Thomas Brzustowski: Oui.
M. Mauril Bélanger: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Et, pour terminer, madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.
Je veux revenir à la question des chaires. Vous avez indiqué que vous n'étiez pas d'accord avec M. Alcock pour dire que le fait d'avoir décidé à l'avance de leur attribution avait contribué à dépouiller certaines universités du peu de capacités qu'elles avaient. Ces universités sont considérées comme secondaires, soit peut-être parce qu'elles sont plus nouvelles, soit peut-être parce qu'elles n'ont pas eu le temps de développer leur capacité de recherche dans certains secteurs. Vous dites que vous n'avez pas vraiment constaté qu'elles avaient été dépouillées de cette capacité à cause de la façon dont les chaires avaient été attribuées, et vous ne pensez pas que vous changerez d'avis. Mais ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'il faudrait renforcer les capacités dans ce que nous pourrions appeler les universités secondaires, les plus petites universités, ou dans les plus jeunes universités, qui n'ont pas, pour quelque raison que ce soit—pour des raisons historiques ou tout simplement parce qu'elles sont plus nouvelles—créé dans certains domaines scientifiques les mêmes capacités que nos cinq grandes universités en existence depuis maintenant près d'un siècle? Croyez-vous que le gouvernement devrait se pencher sur cette question et que les conseils subventionnaires, peut-être, devraient s'y intéresser et conseiller le gouvernement ou, si vous en avez le pouvoir, leur fournir les moyens de créer ces capacités, plus que vous ne l'avez fait jusqu'à maintenant?
M. Thomas Brzustowski: La réponse est oui, absolument.
Mme Marlene Jennings: Que faites-vous en ce sens?
M. Thomas Brzustowski: Comme je l'ai indiqué à M. Alcock—en fait, comme il le savait parce que nous avons pris cette question très au sérieux—cinq membres de l'équipe de la haute direction du CRSNG se sont rendus au Canada Atlantique à la fin de juin l'an dernier et deux autres et moi-même sommes allés au Manitoba et en Saskatchewan. Nous avons visité des universités, nous avons visité les installations, nous avons parlé aux gens et nous avons été en mesure de nous faire une idée de leurs besoins. On a besoin d'investissements dans les installations dans certains cas et d'une infrastructure humaine pour la recherche dans d'autres.
À notre avis, l'organisme régional devrait prendre cela très au sérieux de manière à ce que les universités puissent soutenir la concurrence dans le cadre de concours nationaux. Je tiens à faire remarquer, à l'honneur des universités, qu'elles n'ont pas opposé d'arguments. Elles n'ont même pas essayé d'en faire valoir. En fait, dans un ou deux cas, elles ont indiqué qu'elles étaient déterminées à ne pas présenter d'arguments voulant qu'elles soient traitées selon des normes différentes dans les concours. Elles ont cependant présenté des arguments selon lesquels elles avaient besoin de certains investissements pour être capables de soutenir la concurrence à un niveau plus élevé. Nous sommes d'accord. Nous avons été assez précis à ce sujet. Nous avons fait part de nos vues à ce sujet aux organismes régionaux, à DEO et à l'APECA, et nous avons hâte de voir comment ils vont réagir.
Mme Marlene Jennings: Êtes-vous allés dans des universités des Maritimes et de l'Ouest seulement? En avez-vous visité au Québec; êtes-vous allés à l'Université du Québec à Montréal?
M. Thomas Brzustowski: Nous avons visité 16 universités du Manitoba, de la Saskatchewan et des provinces Atlantiques.
Mme Marlene Jennings: Ce serait peut-être une bonne idée de visiter l'Université du Québec à Montréal. Elle est aux prises avec les mêmes problèmes que nos plus petites universités des autres provinces, en partie parce que c'est une université plus jeune et qu'elle n'a pas nécessairement, par conséquent, acquis les mêmes capacités dans certains de nos domaines scientifiques plus traditionnels.
J'ai rencontré le recteur intérimaire et c'est l'une des questions qui ont été soulevées. L'université a perdu un de ses plus grands scientifiques parce que la chaire d'excellence a été attribuée à une des grandes universités du Québec qui l'a courtisé et a réussi à le séduire. Ce département a ainsi été complètement dépouillé du peu de capacités dont il disposait.
M. Thomas Brzustowski: Je dois vous avouer que nous n'avons pas beaucoup prêté attention aux universités du Québec à ce sujet, parce que nous avons l'impression dans l'ensemble que le système fonctionne bien dans cette province. Je cite très fréquemment l'Université du Québec à Chicoutimi comme un exemple de bonne planification et de bonne gestion. C'est une des plus petites universités où il n'y a pas un grand nombre de chaires du programme, mais elle a remporté par voie de concours quatre chaires de recherche industrielle du CRSNG au cours des ans. Il s'agit là de prix importants et elle les a remportés en concentrant ses ressources très efficacement.
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J'ai fait un survol du Québec et j'ai vu de nombreux très bons
exemples. Nous avons donc consacré notre temps et nos efforts à la
visite d'universités qui étaient dans une situation plutôt
désespérée à ce moment-là.
Mme Marlene Jennings: Merci.
La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.
Monsieur Brzustowski, nous tenons à vous remercier infiniment de votre témoignage d'aujourd'hui. Notre conversation a été très fructueuse et nous nous réjouissons à l'idée d'une future rencontre.
M. Thomas Brzustowski: Je vous remercie infiniment de l'invitation, madame la présidente.
La présidente: La séance est levée.