INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 novembre 2001
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons les trois conseils subventionnaires fédéraux, le financement en fonction de l'évaluation par les pairs et le Programme des chaires de recherche du Canada.
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin les témoins suivants: M. Bryan Poulin, professeur à la faculté d'administration de l'Université Lakehead, M. Peter Frise, professeur à la faculté de génie mécanique et de conception à l'Université de Windsor, M. Ian Dohoo, professeur d'épidémiologie et doyen associé à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, Programme des études supérieures et de la recherche et, enfin, M. Donald Forsdyke, professeur au département de biochimie de l'Université Queen's.
Je tiens d'abord à nous excuser pour le changement de salle. L'eau est sur le point d'arriver. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Je sais qu'il y a eu quelques retards en raison du temps qu'il fait ce matin, mais nous sommes maintenant installés.
Je proposerais que chaque témoin commence par faire une déclaration, de pas plus de cinq minutes de préférence, avant de passer aux questions. Je vais donner la parole aux témoins dans l'ordre où je les ai présentés, à moins que M. Poulin veuille procéder autrement.
M. Bryan J. Poulin (témoignage à titre personnel): Cela me convient, merci.
Avant de commencer, il convient peut-être de noter que je n'ai pas d'intérêts à promouvoir. Je serais heureux de faire état des avantages de l'évaluation par les pairs s'il y avait des preuves en ce sens.
J'ai rédigé la déclaration que je vais faire avec M. Richard Gordon, qui est chercheur biomédical à l'Université du Manitoba. Quant à moi, je suis chercheur organisationnel à l'Université Lakehead.
Je vous prie d'excuser la traduction française de la déclaration, que je peux distribuer. La version française a été produite par un programme de traduction à la toute fin, et quelqu'un qui connaît bien le français—ce qui n'est pas mon cas—m'a dit que la traduction était mécanique.
Puis-je distribuer le document?
La présidente: Le greffier va le faire.
M. Bryan Poulin: Elle n'est pas très longue et nous avons quelques annexes.
Mon père vient de Québec, mais il s'est installé en Colombie-Britannique, puis nous avons vécu à l'étranger pendant une dizaine d'années dans un pays unilingue anglophone. Quand nous sommes revenus au Canada, je ne parlais malheureusement pas français. Je m'en excuse.
La présidente: Nous avons le document maintenant, monsieur Poulin, si vous voulez continuer.
M. Bryan Poulin: Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'exprimer mon avis sur la façon d'améliorer le processus d'évaluation par les pairs et d'octroi de subventions qui est suivi par les organismes fédéraux dans le domaine de la recherche scientifique et médicale.
• 0925
L'évaluation par les pairs comme moyen de financer la
recherche est de plus en plus critiquée. Je vous renvoie par
exemple à notre article intitulé «How to Organize Science Funding:
the New Canadian Institutes of Health Research, an Opportunity to
Increase Innovation» qui a été publié dans la revue Analyse de
politiques le printemps dernier.
L'an dernier, nous avons aussi fait paraître dans la revue Analyse de politiques un compte rendu du livre de Donald Forsdyke sur la recherche canadienne, qui s'intitule Tomorrow's Cures Today? How to Reform the Health Research System.
Nous ne nions pas qu'il faille établir des distinctions entre les projets de recherche scientifique, et que l'évaluation par les pairs est peut-être un moyen utile d'établir un ordre de priorité. Après tout, le pays doit limiter ses dépenses dans le domaine. Cependant, nos premières constatations semblent indiquer que, dans leur forme actuelle, l'évaluation par les pairs et le financement par sélection unique ont peu de chance de mener à des résultats justes ou performants. Il en est ainsi parce que l'évaluation par les pairs a tendance à provoquer une concurrence trop féroce et à aboutir à des décisions impartiales.
De plus, l'évaluation par les pairs, surtout aux stades les plus poussés de la recherche, ne favorise pas la collaboration et la confiance ni l'apprentissage, et n'assure même pas un petit financement de démarrage. L'évaluation par les pairs et les subventions qui en découlent ont au moins les cinq effets suivants.
Presque tout le milieu scientifique serait d'accord pour dire qu'on refuse beaucoup de bonnes idées soumises par des chercheurs qualifiés, et que les scientifiques en arrivent à douter de l'équité du processus. Si cela est vrai, il y aurait sûrement sous-utilisation des sciences et de l'innovation scientifique. De plus, les chercheurs qui n'ont aucune ou pratiquement aucune ressource consacrent moins de temps qu'ils le pourraient à la recherche.
Nous pensons que ces critiques sont justifiables mais qu'il faudrait examiner plus à fond la question pour confirmer notre position.
Nous ajouterions à cela que l'industrie et la pratique courante en vigueur, par exemple, chez 3M, dans les laboratoires de l'ancienne BCI et dans les instituts nationaux de santé des États-Unis—surtout dans le cas de leurs programmes intra-muros—montrent nettement que l'innovation se développe dans un climat de collaboration et non de concurrence, quand on offre des fonds de démarrage presque sans contraintes.
Pour appuyer ou réfuter les arguments des détracteurs et des partisans du système actuel, ce ne sont pas des sondages recueillant des opinions peut-être sincères mais sans fondement qui sont nécessaires. Il ne s'agit trop souvent guère plus que des articles de foi. D'ailleurs, ce que prétendent les nouveaux Instituts de recherche en santé du Canada, à savoir qu'ils auraient une solide tradition d'excellence dans le domaine de la recherche grâce à l'évaluation par les pairs est, pour nous, un article de foi.
Cela semble surprenant, étant donné que les conseils subventionnaires fédéraux disposent de données permettant de vérifier si l'évaluation par les pairs est un mécanisme de sélection juste et efficace. Par exemple, si l'évaluation par les pairs ne s'applique pas à tous les stades du processus d'innovation—et nous craignons que ce soit le cas—elle devrait être réservée aux stades pertinents. Et même là, il faudrait modifier le processus pour prévenir les abus par des groupes d'intérêts nuisibles.
En somme, nous avons bien peu de preuves scientifiques démontrant l'efficacité générale de l'évaluation par les pairs. Comme l'a dit le psychopharmacologue David Horrobin du Royaume-Uni, l'absence de preuves indique que l'évaluation par les pairs est à peine plus qu'une question de chance et peut avoir détruit plutôt que favoriser l'innovation.
L'évaluation de ces premières observations est conforme à notre propre hypothèse, qui est confirmée par le succès que connaissent de grands établissements de recherche publics et privés qui n'ont pas recours à l'évaluation par les pairs pour déterminer le bien-fondé des projets de recherche scientifique et médicale à approuver. Par conséquent, nous soutenons pour l'instant que la recherche scientifique fondée sur l'évaluation par les pairs reste à évaluer, et que les études à ce sujet ont à peine commencé. On évite peut-être précisément d'approfondir la question parce que c'est l'augmentation du financement qui est la priorité pour les scientifiques, et peut-être moins l'utilisation rationnelle des fonds.
• 0930
Nous croyons que le milieu scientifique ne peut pas continuer
d'accorder des subventions en fonction d'une évaluation par les
pairs qui n'est pas scientifique et qui est laissée presque sans
surveillance, et nous demandons par conséquent que la question de
l'évaluation par les pairs soit examinée.
En terminant, je pense qu'on ne peut faire de la science en suivant l'opinion à la mode. Nous avons tous appris dans nos cours que les découvertes scientifiques ne se sont souvent pas faites sans résistance, parfois celle des chercheurs eux-mêmes. Si les faits vont à l'encontre de ce que nous pensons, nous espérons en faire état en toute objectivité.
À tout le moins, un travail scientifique suppose des recherches fiables et répétées sur la cohérence des études antérieures et les impacts des décisions prises. En attendant, nous croyons qu'il faut faire preuve de prudence quand on a recours au processus à peine éprouvé de l'évaluation par les pairs qui est devenue la norme. D'ici à ce que ce mécanisme ait fait l'objet d'un examen, nous proposons que les fonds soient octroyés à un plus grand nombre de chercheurs qualifiés.
Pour des précisions à ce sujet, nous vous renvoyons encore une fois à notre article paru dans Analyse de politiques et qui s'intitule «How to Organize Science Funding: the New Canadian Institutes for Health Research, an Opportunity to Increase Innovation». Le résumé de l'article est annexé à mon exposé, en anglais et en français, ainsi qu'à notre compte rendu en anglais du livre très instructif de M. Forsdyke sur le même sujet.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Poulin.
Je vais maintenant donner la parole à M. Peter Frise.
M. Peter R. Frise (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de venir vous parler de la recherche et de l'enseignement qui sont pour moi d'une importance primordiale pour le bien-être social et économique futur de notre pays.
J'aimerais commencer par dire que je ne critique pas le système actuel. J'en suis un ardent partisan, mais j'ai des suggestions à faire et certaines réserves à exprimer. Je pense qu'avec certaines améliorations, le système, qui est déjà excellent à mon avis, pourrait être encore plus efficace.
J'ai lu le cinquième rapport que le comité a présenté au Parlement et je considère que, dans l'ensemble, il a bien analysé les problèmes. Je suis tout à fait d'accord avec la stratégie d'innovation d'ensemble à long terme qu'on veut développer au Canada, et je ferais valoir qu'il y a trois grandes questions à prendre en considération au sujet de cette stratégie. J'aimerais proposer quelques définitions à cette fin.
La recherche sert à transformer la richesse en idées, et l'innovation, les idées en richesse. L'enseignement sert à stimuler l'innovation pour que les gens produisent plus de richesse. À mon avis, ces trois grandes questions—la recherche, l'innovation et l'enseignement—sont inextricablement reliées, et on ne peut en privilégier une par rapport à l'autre sans nuire à l'avenir du Canada.
J'ai certaines observations à formuler au sujet de certains des thèmes énoncés dans la lettre d'invitation à l'audience que j'ai reçue. Le processus décisionnel revient aux trois organismes subventionnaires fédéraux. Il est nécessaire d'examiner toute nouvelle mesure proposée, qu'il s'agisse d'une subvention de recherche, d'une proposition d'affaires ou même d'un projet de loi. L'examen d'un projet de recherche permet, en fait, d'y jeter un second regard objectif. C'est un examen effectué par des experts dans le domaine, qui doivent analyser une série de critères pertinents et objectifs afin d'évaluer le bien-fondé du projet, dans la perspective de l'améliorer ou de proposer des solutions de rechange en cas de refus. Il faut que les critères soient adaptés au domaine, et les personnes compétentes, qui comprennent les objectifs du programme dans le cadre duquel le projet a été présenté, doivent les appliquer en toute objectivité.
À mon humble avis, le critère à appliquer dans l'évaluation de tout projet de recherche est et doit rester l'excellence. Seule l'excellence peut servir de fondement à l'octroi de fonds publics à un projet de recherche, mais les critères à appliquer pour juger de son excellence doivent être adaptés au domaine d'étude. Il n'y a pas de critère universel pour juger de l'excellence dans toutes les disciplines financées par les conseils subventionnaires du Canada. Par exemple, le nombre de publications scientifiques rédigées par un chercheur peut être considéré comme un moyen pratique d'évaluer l'excellence, mais il faut faire des nuances selon les disciplines parce que publier n'a pas toujours le même sens et les tribunes de diffusion ne sont pas toutes les mêmes.
• 0935
Dans mon domaine des études de conception, c'est le nombre
d'étudiants formés dans le domaine qui est le principal critère
servant à évaluer la qualité de l'excellence, parce que ce sont ces
jeunes ingénieurs qui vont concevoir les produits qui apporteront
des emplois et la prospérité à des milliers d'autres Canadiens et
permettront de soutenir l'économie. Par contre, la possibilité de
publier dans des revues professionnelles est plutôt limitée dans
mon domaine; par conséquent, appliquer ce critère ne serait pas
pertinent dans cette discipline.
Il est important de constater que le CRSNG a reconnu ce problème et a convenu de faire appliquer différents critères de qualité selon les disciplines, par exemple, en demandant à un comité d'experts d'établir une nouvelle série de directives pour l'examen des projets de recherche en génie. Cela a obligé les comités d'évaluation par les pairs, c'est-à-dire nous, à changer considérablement d'attitude. Mais le changement commence à se faire, et je suis très encouragé. Dans la mesure où des personnes compétentes qui comprennent les objectifs du programme appliquent en toute objectivité des critères pertinents, je pense que le processus sera valable.
Il faut aussi parler des problèmes actuels et futurs de ceux qui reçoivent des fonds des conseils subventionnaires. On a souvent comparé l'enseignement du génie au fait de boire à partir d'un tuyau d'incendie, c'est-à-dire que l'étudiant a soif et qu'il y a de l'eau, mais la pression est trop forte et cause des problèmes à beaucoup d'étudiants. Le milieu est très exigeant aujourd'hui pour les enseignants et les chercheurs, et c'est ce qui rend les choses à la fois excitantes et difficiles. Cela montre que ceux qui reçoivent des subventions ont un épineux problème à régler, celui de la répartition de leur temps entre les diverses exigences. Ce problème a toujours existé dans toutes les disciplines, y compris dans votre travail de député, mais mon expérience et mes discussions avec des collègues plus chevronnés m'amènent à constater que cette répartition est plus difficile et que les enseignants subissent une pression considérable, ce qui est une source de beaucoup de stress pour un grand nombre d'excellents chercheurs—au détriment du système d'enseignement, à mon avis.
La situation est telle que, dans certains domaines, on a du mal à inciter les meilleurs candidats à faire un doctorat et à poursuivre une carrière dans le milieu universitaire. Autrement dit, nous ne savons pas qui enseignera aux jeunes Canadiens de demain.
Je crois que ceux qui reçoivent des fonds publics doivent mener des recherches qui serviront les intérêts de la population qui verse les fonds et répondront aux objectifs des programmes de financement. De façon plus immédiate, il faut aussi travailler avec nos étudiants qu'il faut former, guider, encourager, conseiller, inspirer et piloter, pour qu'ils soient en mesure de relever les défis de niveau international qui les attendent plus tard dans leur carrière.
Ce qui m'amène à l'élément principal du message que je veux transmettre au comité—à savoir que l'enseignement et la recherche sont tellement interreliés qu'ils sont indivisibles et ne peuvent être envisagés séparément. Cet enchevêtrement d'enseignement et de recherche touche pratiquement tous les aspects de l'innovation au Canada sur lesquels le comité se penche. Cela comprend toute la question du financement, de l'infrastructure, du futur bassin de professeurs ainsi que le rendement global de notre pays sur le plan de l'innovation et le niveau et la qualité de vie élevés que nous espérons offrir à nos enfants.
À mon avis, les besoins en financement du milieu des sciences et de la technologie au Canada resteront à peu près les mêmes dans l'avenir, sauf qu'il faudra augmenter l'aide pour le personnel et l'infrastructure afin de rentabiliser ce financement. Sans personnel technique et administratif, nous pourrions facilement avoir des laboratoires très bien équipés sans personne pour les faire fonctionner, ou encore avoir des salles de classe sans professeur parce qu'ils travailleront tous dans leurs nouveaux laboratoires. À mon avis, rien de cela n'est acceptable, et c'est le dilemme qu'il nous faut résoudre.
Pour ce qui est des besoins et des préoccupations des petites universités ainsi que de leurs problèmes de financement, je pense que cette question est liée aux programmes de partenariat de recherche et qu'il faut se demander si les petits établissements ne devraient pas faire partie d'une catégorie spéciale. Cela semble équitable à certains égards, parce que les grands établissements ont la possibilité d'avoir une plus large assise financière pour répartir leurs coûts et recueillir des fonds, ce qui est un avantage pour eux. Par contre, déterminer l'excellence en fonction de la taille n'est pas une bonne idée à mon avis, parce qu'on limite de façon artificielle les capacités, les aspirations et les possibilités de collaboration de certains établissements. Cela n'a rien à voir avec l'excellence dont font preuve ces établissements.
• 0940
Les partenariats de recherche fonctionnent pour différentes
raisons dont la proximité géographique, l'entente sur la mission du
partenariat et, surtout, la confiance mutuelle entre les
partenaires. Aucun de ces facteurs n'a un rapport avec la taille de
l'établissement ou ses partenaires de recherche dans l'industrie.
Il se peut qu'un plus petit établissement ait déployé plus
d'efforts dans un domaine au point d'être plus solide dans cette
discipline qu'un plus grand établissement. Je crois que ce genre de
spécialisation doit être encouragé, étant donné qu'il permet une
concentration des connaissances et crée une masse critique de
compétences pour l'avenir.
À mon avis, ce n'est pas la taille relative des partenaires qui fait la valeur d'un partenariat, mais plutôt les personnes qui le composent et l'impact qu'elles peuvent avoir sur la qualité de vie des Canadiens et l'éducation de nos jeunes. Les principaux éléments qu'il faut rechercher quand on évalue un projet de recherche, surtout s'il fait l'objet d'un partenariat, sont l'excellence et l'impact potentiel de celui-ci sur l'avenir du Canada.
Voilà qui met fin à mon allocution. Je n'ai pas d'autres copies de mon exposé, mais je peux remettre celle-ci au greffier.
La présidente: Très bien.
Merci beaucoup, monsieur Frise.
Nous allons maintenant entendre M. Ian Dohoo, professeur à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Ian Dohoo (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Vous devriez avoir une copie de ma déclaration, en anglais et en français.
Avant de commencer, je tiens à vous dire que je vais surtout vous parler d'un domaine que je connais bien, soit la recherche sur la santé animale.
Même si je comparais devant vous à titre personnel, cet exposé est le fruit d'une initiative de 16 mois entreprise conjointement avec mes collègues des quatre collèges vétérinaires du Canada. Pendant cette période, nous avons entretenu une correspondance importante avec le CRSNG en vue de résoudre un problème de longue date, soit le financement de la recherche sur la santé animale. Nous n'avons pas obtenu grand succès jusqu'ici.
La santé des animaux et la recherche sur la santé animale constitue sans aucun doute une question importante pour le Canada et les Canadiens. Des exemples récents comme la peste porcine aux Pays-Bas, la fièvre aphteuse et la vache folle au Royaume-Uni, l'E. coli à Walkerton et la demande croissance des consommateurs pour des produits alimentaires à la fois sans risques et contenant moins d'antibiotiques et autres produits chimiques montrent à quel point il est nécessaire de poursuivre la recherche sur la santé animale au Canada.
Il existe deux types de recherche sur la santé animale, qui sont à la fois différents et complémentaires. Le premier est la recherche menée en laboratoire, dans des conditions contrôlées, où le chercheur gère toutes les conditions de sa recherche. Le CRSNG a deux comités de sélection des subventions qui financent ce type de recherche.
Le deuxième est la recherché menée dans des conditions réelles, où les chercheurs travaillent étroitement avec les propriétaires d'animaux et les vétérinaires. Cette recherche nous permet de comprendre l'évolution des maladies et leur impact. Il s'agit avant tout d'un exercice d'observation qui repose sur la collecte de données dans des conditions réelles et leur analyse statistique, dans le but de comprendre la gamme complexe de facteurs qui influent sur la santé des animaux.
J'ai participé à des recherches de ce genre, et vous connaissez peut-être déjà le sujet: les effets néfastes sur la santé des animaux de la somatotrophine bovine recombinante. Ces travaux ont été entrepris à la demande de Santé Canada.
Ces deux types de recherche utilisent des méthodologies complètement différentes. Demander à un chercheur en laboratoire d'évaluer un projet de recherche «en monde réel» reviendrait à demander à un historien de l'art d'évaluer un projet génomique. Malheureusement, le CRSNG n'a ni les mécanismes ni les compétences nécessaires pour évaluer ou financer ce type de recherche. Le Conseil prétend qu'il n'y a pas de problème, car il ne reçoit pas de demandes de financement pour ce genre de recherche. Or, s'il ne reçoit pas de demandes, c'est parce que les chercheurs n'en présentent pas puisqu'il n'y a pas de comité de sélection approprié en place.
Cette situation entraîne plusieurs conséquences. D'abord, de nombreux chercheurs en santé animale dépendent des subventions qu'accordent l'industrie, les groupes de producteurs et les gouvernements provinciaux pour financer leurs travaux. Or, aucune de ces sources de financement n'a pour objet de financer les programmes de recherche ciblés et à long terme. Toutefois, l'absence de financement du CRSNG a d'autres impacts profonds. Plus important encore, le financement des conseils subventionnaires est maintenant devenu le principal outil de mesure du niveau de recherche, surtout quand il s'agit d'avoir accès à d'autres programmes de financement du gouvernement fédéral.
Par exemple, au Canada, l'attribution de chaires de recherche à des universités dépend du niveau de financement accordé par le conseil subventionnaire. Par conséquent, il n'est pas étonnant que des universités attribuent des chaires aux programmes qui reçoivent un appui des conseils subventionnaires. Du fait de cette situation, aucun des programmes de recherche «en mode réel» dans les quatre collèges vétérinaires au Canada n'a accès aux chaires, même si au moins deux de ces programmes sont très importants et reconnus à travers le monde. Résultat: la plupart des recherches qui nous permettent de comprendre l'évolution des maladies chez les animaux, leur impact, la façon dont les nouvelles technologies pourraient contribuer à les contrôler, ne se font pas.
• 0945
Quelle est la solution? La nécessité de financer la gamme
complète des projets de recherche, aussi bien en laboratoire qu'en
mode réel, les recherches sur les populations et les recherches
cliniques, a été clairement démontrée lorsque les Instituts de
recherche en santé du Canada ont remplacé le Conseil de recherches
médicales. Le financement des travaux de recherche fait partie des
quatre piliers servant de base aux instituts.
Le CRSNG doit adopter la même approche à l'égard de la recherche sur la santé animale. Ces travaux, de même que la formation de la prochaine génération de professionnels de haut niveau, demeureront sévèrement compromises tant que la situation ne sera pas corrigée. Je partage le point de vue de M. Frise concernant notre aptitude à former la nouvelle génération de professionnels de haut niveau dans le domaine de la santé animale.
Voilà qui termine mon exposé. Je répondrai volontiers à vos questions.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dohoo.
Nous allons maintenant entendre M. Donald Forsdycke, professeur à l'université Queen's.
M. Donald Forsdyke (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.
Les personnes qui atteignent l'excellence dans un domaine particulier sont souvent sollicitées pour prodiguer leurs conseils dans ce domaine. Elles sont considérées comme des experts, et les gouvernements font appel à elles pour témoigner, parce qu'ils considèrent que ces personnes sont capables de fournir les meilleurs conseils possibles. S'il s'agissait de hockey sur glace ou de danse classique, Wayne Gretzky ou Evelyn Hart seraient peut-être assis ici aujourd'hui.
Tout cela pour dire, que si les procédures qui ont permis d'identifier les Gretzky et les Hart sont imparfaites, alors le gouvernement ne reçoit probablement pas les meilleurs conseils. Étant donné que les joueurs de hockey et les ballerines font partie du domaine public, leur excellence peut être évaluée à la fois par leurs pairs, et par le public tout entier. Cependant, dans le cas de la recherche scientifique, ces critères ne sont pas valables. Pour juger l'excellence, nous devons nous en remettre entièrement à une certaine forme d'évaluation par les pairs, et cette évaluation identifie à elle seule ceux qui seront considérés comme des experts. Notez qu'avec un processus imparfait de révision par les pairs, c'est le contribuable canadien qui paie la note pour une recherche et des conseils de piètre qualité.
Même si, en dépit d'une recherche de piètre qualité, nous réussissions à survivre à court terme en exploitant l'originalité et la créativité des scientifiques d'autres pays, il est certain que, même à court terme, nous ne survivrions pas au XXIe siècle avec des conseils de piètre qualité. Et je ne parle pas seulement du produit intérieur brut et de la qualité de vie. Je parle de la survie même. Des problèmes comme le sida, le bioterrorisme, les aliments génétiquement modifiés, la maladie de la vache folle et l'empoisonnement de la biosphère exigent les conseils de ceux qui sont le mieux équipés pour y répondre.
Après quarante années en recherche biomédicale au Royaume-Uni et au Canada, je suis persuadé que l'évaluation par les pairs, telle qu'elle est pratiquée, est totalement imparfaite. Le gouvernement—et assurément les conseils de recherche eux-mêmes—n'obtiennent pas les conseils des meilleurs scientifiques. En fait, il est fort probable qu'un individu identifié à tort comme un expert identifie lui-même d'autres experts à tort. Ces derniers identifieront alors d'autres individus à tort, et ainsi de suite. Il y a là un effet multiplicateur qui risque de discréditer le système tout entier.
Si l'on en juge par certains événements relatés quotidiennement dans les journaux—Oliviera, Koren, Grinstein, Healy, Cuticchia; plusieurs de ces noms sont devenus très familiers—il semblerait qu'il soit déjà trop tard pour redresser la situation.
Les événements récents de l'Université de Toronto ont alerté le public, qui commence maintenant à se demander si le système n'est pas biaisé. C'est maintenant, plus que jamais, qu'il faut rejeter les douces promesses des Neville Chamberlain et écouter les Churchill.
J'ai survécu au blitz de Londres pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mon père a été torpillé trois fois dans l'Atlantique. J'ai obtenu mon diplôme de médecin à l'Université de Londres, puis mon doctorat en biochimie à l'Université de Cambridge. Les grands dangers qui menacent notre civilisation n'ont jamais été très loin de ma conscience. Au Royaume-Uni, certains de mes premiers articles ont été publiés dans le journal de l'Institut international d'études stratégiques. C'est là, dans les années 60, que j'ai mis mes lecteurs en garde contre le terrorisme clandestin et les dangers de la guerre bactériologique.
Lorsque je suis arrivé à l'Université Queen's, en 1968, j'ai pensé que je serais capable d'organiser mon emploi du temps pour répondre à toutes les exigences et que, tout en poursuivant mon programme de recherche et en m'acquittant de mes tâches universitaires, je pourrais continuer de parfaire mes connaissances en matière d'études stratégiques. Ainsi, si on faisait appel à moi, je serais en mesure de conseiller le gouvernement.
• 0950
À ma stupéfaction, je me suis rendu compte que, comme Alice au
pays des merveilles, j'avais atterri dans un monde étrange du
Chapelier fou, dominé par un système d'évaluation par les pairs que
les Prix Nobel Joshua Lederberg et Phillip Sharp ont respectivement
décrit comme un système qui est devenu «extraordinairement vicieux»
et qui se cache derrière un «masque de folie». J'ai rapidement
compris que je devrais m'occuper de problèmes graves et immédiats,
qui me touchaient de plus près, plutôt que de me préoccuper du
bioterrorisme.
J'avais prévu de rédiger une demande de subvention tous les cinq ans, si bien que sur une carrière de recherche de 40 ans, j'aurais rédigé huit demandes. Au lieu de cela, je m'aperçois qu'il me fallait parfois rédiger jusqu'à huit demandes par an. Mon cas n'a rien d'exceptionnel. Dans un récent article, un ingénieur géologue de l'Université Queen's estime qu'il passe un tiers de son temps à rédiger des demandes de subvention et qu'il soumet jusqu'à six projets par an.
C'est le contribuable qui paie la note pour tout cela. Si vous engagiez des ouvriers pour construire un garage attenant à votre maison et que vous vous aperceviez qu'ils passent un tiers de leur temps à jouer aux cartes, vous protesteriez bruyamment. Le concept selon lequel la rédaction d'une demande de subvention est un exercice utile permettant aux candidats de structure ses idées est complètement erroné. La rédaction d'une demande de subvention est un exercice de marketing et de politique. C'est un jeu de cartes. Ça n'a absolument rien à voir avec la recherche créative. Le Canada ne peut pas se permettre de gaspiller de cette façon le temps de ces talentueux individus.
En fait, la créativité est la dernière des qualités requises pour rédiger une demande de subvention. Comme en témoigne les récits des grandes découvertes historiques, les idées nouvelles sont souvent difficiles à formuler et à comprendre. Le fait de présenter une idée nouvelle sur une demande de subvention s'apparente au suicide professionnel. Les personnes qui souffrent d'originalité doivent, soit corriger ce vilain défaut, soit quitter la recherche scientifique.
On pourrait penser que les procédures actuelles d'évaluation par les pairs, en dépit de leurs imperfections, valent mieux que l'allocation des fonds par tirage au sort. Mais, au moins, le tirage au sort donne à l'excellence une chance de s'en tirer. En fait, le système actuel est pire que le tirage au sort, puisqu'il élimine l'excellence par sélection.
En général—et heureusement, il y a certaines exceptions—nous finançons ceux qui ont trouvé un refuge académique sûr en travaillant sur des évidences. Au XIXe siècle, on trouvait des refuges sûrs en décrivant des plantes et des animaux, et non en soutenant Mendel et Bateson, qui tentaient d'établir la science de la génétique, une science à l'origine de la plupart des progrès biotechniques réalisés au XXe siècle.
Aujourd'hui, la bataille est la même. On trouve des refuges sûrs en décrivant des gènes, de préférence ceux qui sont liés à des maladies et qui intéressent les compagnies pharmaceutiques, et non en essayant de comprendre comment fonctionne nos génomes en utilisant la nouvelle science du XXIe siècle, la bioinformatique. D'ici à ce qu'on atteigne un tel niveau de compréhension, les tentatives miracles de la thérapie génétique risquent d'ouvrir des boîtes de Pandore tout à fait inattendues.
Je ne me contente pas de critiquer. J'ai trouvé une alternative au système actuel d'évaluation par les pairs, que j'appelle «l'évaluation bicamérale». J'en parle plus à fond dans mon exposé, et je peux y revenir plus tard, si vous voulez.
Je vais m'arrêter ici. J'aimerais toutefois ajouter un dernier mot. Les événements de ces dernières décennies ont démontré que de petits groupes, avec un sens imaginaire ou réel de l'injustice, et un petit savoir-faire technologique, peuvent gravement compromettre la paix. Face à cette injustice imaginaire, notre antidote consiste à renforcer notre système de santé mentale. Mais le seul antidote face à l'injustice réelle consiste à s'assurer qu'une telle injustice ne se produise pas.
Vous vous souvenez de l'affaire Fabricant, en 1992, quand un professeur a fusillé plusieurs de ses collègues à l'Université Concordia. Dans ce cas, les niveaux d'injustice réels étaient suffisants pour faire basculer quelqu'un qui, en d'autres circonstances, se serait comporté de façon raisonnable. Voilà trop longtemps que nous traînons les pieds. Si nous ne tentons pas de résoudre les problèmes liés à l'injustice du système d'évaluation par les pairs, nous risquons de nous apercevoir que la phobie actuelle de l'anthrax n'est qu'un sinistre signe avant-coureur de tragédies plus dramatiques.
Merci.
La présidente: Monsieur Forsdyke, il serait peut-être préférable que vous nous expliquiez ce que vous entendez par «l'évaluation bicamérale». Pourquoi ne pas le faire maintenant avant de passer aux questions?
M. Donald Forsdyke: Merci.
• 0955
Je ne me contente pas de critiquer. J'ai trouvé une
alternative au système actuel d'évaluation par les pairs, que
j'appelle «l'évaluation bicamérale». Au cours des dernières
décennies, j'ai présenté mon alternative dans des exposés destinés
aux directeurs du Conseil national de recherches. La plupart de ces
exposés ont été publiés dans des journaux. Plusieurs ont été
recueillis dans le un livre intitulé Tomorrow's Cures Today? How to
Reform the Health Research System. Voilà plus de deux ans que j'ai
créé, et que je gère, une page Web sur l'évaluation par les pairs.
Je suis un membre fondateur de la Canadian Association for
Responsible Research Funding. Quand je lis les comptes rendus des
réunions antérieures du comité, je constate qu'on dit souvent que,
tout comme la démocratie, le système d'évaluation par les pairs ne
fonctionne pas; toutefois, il n'existe pas d'autre alternative. Or,
l'évaluation bicamérale est un procédé qui existe depuis au moins
dix ans.
Qu'est-ce que l'évaluation bicamérale? Comme son nom le suggère, elle repose sur deux organismes d'évaluation au lieu d'un. L'un des organismes est le comité des pairs, comme dans le système actuel. L'autre est l'organisme subventionnaire lui-même. Les informations exigées par les deux organismes sont différentes, car le processus d'octroi des subventions s'articule autour de ces deux composantes: l'une concerne la personne, et l'autre, le projet. En fait, on doit répondre à deux questions: comment cette personne devrait-elle être financée? Quel montant doit-on accorder à son projet?
Dans le système bicaméral, la première décision relève du comité des pairs, qui n'évalue que le parcours du candidat, et non le projet proposé par ce dernier. La deuxième décision est prise à l'interne par les spécialistes de l'organisme de financement qui, tout en respectant les fourchettes budgétaires, n'évalue que le projet proposé par le candidat, et non le parcours de ce dernier. Le système bicaméral est justifié par le fait même que, pour les raisons énoncées ci-dessus, l'évaluation des projets de recherche est une discipline hautement sujette à l'erreur. Comme vous le dira tout analyste de Bay Street, il y a deux règles d'or qui s'imposent pour fonctionner dans un environnement sujet à l'erreur: n'utilisez que des paramètres les plus objectifs, et couvrez-vous. On peut transposer ces règles au contexte de l'évaluation bicamérale en demandant au comité des pairs d'évaluer uniquement le parcours du candidat, et à l'organisme subventionnaire d'allouer les fonds d'après une échelle mobile.
Le parcours du candidat correspond en fait au pourcentage des réalisations accomplies par rapport aux fonds alloués. Les chercheurs sont responsabilisés. On attend beaucoup de ceux à qui on a beaucoup donné. Armé des pointages attribués lors de l'évaluation par les pairs, l'organisme subventionnaire décide ensuite des montants nécessaires et, pour reprendre le principe de couverture, il les débourse en utilisant une échelle mobile. Ceux qui sont au sommet de l'échelle obtiennent 100 p. 100 de ce qui est jugé nécessaire. Ceux qui sont situés juste après obtiennent, disons, 80 p. 100. Et ainsi de suite jusqu'en bas de l'échelle où le candidat obtient environ 10 p. 100 de ce dont il a besoin. Voilà donc, en quelques lignes, l'évaluation bicamérale.
De nombreux détails sont présentés plus longuement dans d'autres documents. L'évaluation bicamérale serait plus équitable que le système actuel. En effet, actuellement le seuil de distinction est abrupt. Ceux dont le pointage se situe un point en dessous du seuil sont sanctionnés tout aussi durement que ceux qui se situent au bas de l'échelle. Avec la proposition de l'échelle mobile, la «punition» serait à la mesure du «crime». Bien que certains chercheurs jurent que leurs programmes de recherche s'effondreront s'ils ne reçoivent pas au moins 100 000 $ par an, en fait, la quantité de fonds n'est pas tant déterminante de la possibilité d'accomplir un quelconque progrès que du rythme de progression.
Je peux en témoigner. Pendant de nombreuses années, je m'en suis sorti avec un seul technicien qui a résisté à la tentation des laboratoires au financement plus stable et qui a continué à travailler, parfois une demi-journée par semaine seulement. Nous avons toujours progressé, même si c'était parfois à pas de tortue. Malgré ce manque de financement, j'ai publié une centaine d'articles sur le sida, le cancer et les maladies du système immunitaire. Dans les années 90, mes analyses bioinformatiques des génomes ont baigné d'un nouvel éclairage le problème que Charles Darwin décrivait comme «le mystère des mystères», l'origine des espèces. Dans un récent ouvrage, j'ai identifié George Romanes, né à Kingston en 1848 et devenu proche attaché de recherche de Darwin, comme l'un des héros méconnus du Canada.
Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Forsdyke.
Nous allons maintenant passer aux questions. Si une question ne vous est pas adressée mais que vous avez un commentaire à faire, indiquez-le-moi, et je vous accorderai la parole aussi.
[Français]
Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, madame la présidente.
• 1000
Messieurs, merci d'avoir accepté notre
invitation et de nous avoir fait
profiter de vos commentaires.
Je dois dire dans un premier temps que vous apportez un éclairage fort intéressant et fort pertinent sur l'étude que nous conduisons actuellement. De la même façon qu'on a demandé à M. Forsdyke de présenter son alternative, je dois dire que M. Poulin nous a un peu mis la puce à l'oreille en nous disant qu'il n'avait que peu de temps, qu'il ne pouvait donc pas nous présenter son alternative, que nous avions le résumé sous les yeux et que nous pouvions aller voir un peu plus loin.
J'aurais le goût de vous demander, monsieur Poulin, d'élaborer sur ce que vous proposez comme solution alternative au système d'évaluation des pairs que nous connaissons actuellement.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Merci.
Notre solution n'est pas très différente en principe de celle de M. Forsdyke. Nous proposons une mesure provisoire fondée sur les trois étapes menant de la conception d'une idée à la commercialisation d'un produit plutôt que sur une échelle mobile. Compte tenu que la conception de l'idée elle-même n'exige pas vraiment de financement important, nous proposons d'octroyer un financement aux chercheurs qualifiés en ayant fait la demande, qui serait toute simple à formuler, à moins que nous n'ayons de bonnes raisons de nous y opposer, ce qui me semble peu probable. Ainsi, le stade de la conception de l'idée serait financé.
Au stade plus complexe de l'étude de faisabilité—et c'est là la plus grande partie de la plupart des recherches—nous privilégerions un système d'évolution par les pairs semblable à celui de M. Forsdyke. Les chercheurs recevraient donc un financement proportionnel aux espoirs associés à leur idée ou à son potentiel. Enfin, au stade de la commercialisation, qui dépasse largement les intérêts de la plupart des universités ou des chercheurs, nous tenterions, à l'instar de M. Peter Frise, d'obtenir un financement conjoint avec l'industrie, signe que la commercialisation est viable. Ainsi, la participation de l'industrie deviendrait un critère.
• 1005
En termes clairs, tous les chercheurs devraient recevoir un
quelconque financement dans la mesure où ils sont qualifiés. Notre
argument est que nous versons déjà 80 000 $ par année, en plus de
tous les avantages, à des gens pour travailler dans les universités
et y mener leurs recherches, alors que nous ne leur octroyons même
pas les fonds nécessaires pour payer un assistant de recherche.
Bref, il faudrait diversifier nos investissements tant que nous n'aurons pas déterminé si le système d'évaluation par les pairs est vraiment efficace. Si l'on conclut qu'il ne l'est pas, il faudra le revoir. S'il semble boiteux uniquement parce qu'il s'applique au projet tout entier plutôt qu'à ses étapes, nous devrons le peaufiner. Mais pour l'instant, nous devrions répartir davantage les subventions, parce que nous ne savons pas vraiment si notre système actuel d'évaluation par les pairs est efficace.
Les évaluateurs ne peuvent évaluer tous les programmes. Ce sont des spécialistes d'un domaine, mais cela en fait-il pour autant des personnes capables d'évaluer les programmes d'autres domaines? La réponse est non. Si le projet se situe hors de leur champ d'intérêt, il y a de fortes chances qu'ils ne soient pas en mesure d'en faire l'examen. C'est un problème.
Nous avons aussi—je ne devrais peut-être pas le dire, mais je le dirai quand même—des problèmes de conflit d'intérêts. D'autres personnes soulèveront la question plus tard. Je ne veux que glisser un mot sur le sujet. Si des chercheurs canadiens poursuivent un projet qui est dans l'intérêt du Canada, mais évalué par un groupe international de pairs, comment pouvons-nous être sûrs... Les experts songeront peut-être qu'ils sont eux-mêmes en mesure de faire ce travail, alors que leur approbation habiliterait les chercheurs canadiens à le faire et confierait le projet aux laboratoires canadiens. Ces spécialistes pourraient préférer garder ces recherches pour eux, et donc ne pas approuver le projet des Canadiens. Il y a donc un problème de conflit d'intérêts.
Dans un milieu aussi coupe-gorge que le nôtre, la compétition peut être très âpre. L'exemple de l'industrie aérienne nous montre bien comment les attaques de la concurrence peuvent être virulentes et contre-productives. Ce n'est pas toujours le cas, mais ce peut l'être.
Un dernier mot. Je crois que les données facilement accessibles des organismes subventionnés seraient suffisantes pour évaluer le processus d'évaluation par les pairs, de même que ses résultats et les incidences des recherches financées jusqu'à maintenant. Ainsi, nous ne demandons que la possibilité, à long terme, de consulter et d'évaluer de façon scientifique les données déjà existantes sur les recherches financées par les contribuables et le gouvernement du Canada, parfois même par des collectes dans la rue ou à domicile en vue de poursuivre des recherches médicales, par exemple.
À long terme, nous voulons donc pouvoir étudier la question. À court terme, nous recommandons plutôt de répartir les fonds le plus possible jusqu'à ce que nous ayons une réponse claire. Voilà.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Comme le temps file, je vais devoir accélérer. J'ai tendance à vouloir poser une question à M. Poulin et une à M. Forsdyke.
D'abord, monsieur Poulin, j'entends ce que vous me dites. Je le comprends et je pense que ça peut avoir un certain mérite, mais vous me permettrez de jouer ici le rôle de l'avocat du diable. Si nous répartissons plus largement les subventions, n'y a-t-il pas un danger de faire un saupoudrage qui éviterait la concentration ou, du moins, la consolidation des projets de recherche, faisant en sorte qu'au lieu de pouvoir mener une recherche à fond, on ne ferait faire que des petits bouts de recherche ici et là, très disséminés, très parcellaires.
Ma question, monsieur Forsdyke, est peut-être pour vous mettre en contradiction ou en opposition avec M. Dohoo. Vous dites que votre projet d'évaluation bicamérale confère aux organismes subventionnaires le soin de prendre une décision concernant le projet lui-même en fonction des budgets disponibles. Cependant, M. Dohoo soumettait à notre attention le fait que les conseils subventionnaires eux-mêmes réussissent difficilement à s'adapter aux nouvelles réalités. Alors, comment peut-on s'attendre, avec un projet comme le vôtre, compte tenu des commentaires qui ont été formulés par M. Dohoo, à ce que les conseils subventionnaires soient véritablement en mesure de répondre à l'ensemble des besoins de recherche dans le secteur qui les concerne?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Forsdyke.
M. Donald Forsdyke: Si un certain projet a besoin de beaucoup d'argent, qu'il est très prometteur, laissons les chercheurs aller de l'avant. Cela nous permettra de progresser beaucoup. Mais nous devons faire des choix. Je veux simplement dire qu'on ne sait pas ce qui va arriver, qu'on ne peut prévoir l'avenir. Ce processus d'évaluation peut effectivement engendrer de graves erreurs. Peut-être jetons-nous l'eau du bain avec le bébé si nous ne donnons pas à un superbe laboratoire tout ce dont il a besoin.
Nous devons donc d'abord accepter certaines évidences. Oui, il faut étudier davantage le processus, mais il est plutôt évident qu'un processus dirigé par un groupe qui en évalue un autre est sujet à l'erreur. C'est pourquoi nous devons concevoir un système complet, en commençant par la base. Ce système doit tenir compte du principe fondamental qu'il peut engendrer des erreurs.
C'est là notre point de départ. Nous ne mettons pas en place un système qui a simplement l'air bien en disant que nous ferons peut-être quelques erreurs. Nous commençons par accepter ce principe fondamental, puis nous composons en fonction de cela. C'est ce que j'ai fait lorsque j'ai conçu le système d'évaluation bicamérale. Oui, nous risquons de faire avorter des projets fantastiques parce que nous ne leur octroyons pas suffisamment de fonds ou de ne pas subventionner du tout des projets qui nous semblent moins prometteurs, de les détruire pour découvrir ensuite qu'il s'agissait en fait de quelque chose de très important.
Je vous donne l'exemple de mes propres travaux sur le sida. Le sida a éclaté à la face du monde au début des années 80. Au début, les recherches semblaient progresser de façon merveilleuse. Très rapidement, nous avons découvert que le sida était dû à un virus et à un rétrovirus. C'était de mauvais augure, parce que nous savions tous qu'il n'existe pas de remède magique contre les rétrovirus, contrairement aux autres virus. Les rétrovirus ont la caractéristique d'être latents, comme s'ils s'endormaient, s'ils se cachaient. En fait, la lutte contre un rétrovirus est semblable à la chasse de la gélinotte. Il faut non seulement des fusils, mais aussi des rabatteurs et des chiens qui la font sortir du sous-bois. Ce n'est que lorsqu'elle s'envole qu'on peut l'abattre au fusil.
N'importe quel spécialiste du domaine aurait pu vous le dire. Malheureusement, diverses personnes avaient différentes méthodes et différentes compétences à contribuer au processus. L'une des premières grandes avancées a été la découverte du médicament nommé AZT. L'équipe qui en a fait la découverte a immédiatement occupé le terrain. Elle disposait de ce médicament, et tout le monde en était très heureux. Bien sûr, l'AZT n'a pas fonctionné. Les mêmes chercheurs ont donc cherché des avenues, mené de belles expériences, pour accoucher des inhibiteurs de protéase. Ceux-ci n'ont pas fonctionné non plus. Ils ont donc combiné les deux médicaments. Les chercheurs ont multiplié les médicaments, leur ont donné un nom accrocheur, le traitement antirétroviral hautement actif, assorti d'un beau petit sigle, le HAART. Malgré tout, les personnes atteintes du sida continuaient de mourir. Le traitement n'était pas efficace, et les coûts défiaient toute proportion. De plus, il n'y avait pas de fin au traitement. On ne pouvait l'arrêter.
Pour ma part, j'étudie comment obliger le virus à se manifester. Je m'y connais bien dans les recherches sur le sida. J'ai donc demandé diverses subventions. L'American Association for AIDS Research m'a octroyé une bourse, mais en gros, mes demandes allaient directement aux spécialistes déjà à l'avant-scène qui les rejetaient.
En 1991, j'ai finalement écrit un article complet décrivant de façon très claire le traitement à deux volets qui nous permettrait de déjouer le virus du sida. Il nous fallait deux médicaments, un pour faire sortir le virus de sa cachette et l'autre, pour le combattre. J'ai exposé ma solution très clairement. Les années ont passé. En 1998, tous ces experts qui recevaient subvention par-dessus subvention depuis des années ont soudainement pris conscience qu'il s'agissait d'un rétrovirus, d'un virus latent. Ils comprenaient soudain que leur traitement n'était pas vraiment efficace, qu'il fallait trouver d'autres médicaments pour attaquer le virus et le faire sortir. Soudainement... comme s'ils ne le savaient pas depuis le début.
• 1015
Je n'en revenais pas. D'un point de vue politique, cela
signifie que certaines personnes, parce qu'elles sont capables de
bien vendre leur salade, ont atteint des postes vraiment élevés. Je
pense particulièrement à M. Fauci, des National Institutes of
Health. Il est maintenant le tzar non seulement du sida, mais de
toutes les maladies infectieuses.
La présidente: Monsieur Forsdyke, nous essayons de ne pas donner de noms lorsque nous...
M. Donald Forsdyke: D'accord.
Bref, on demande maintenant à des personnes occupant des postes très élevés de prodiguer des conseils dans la lutte au bioterrorisme. Ces personnes se sont élevées à leur rang sur la base de l'ignorance. Elles savaient depuis les tout débuts que cette maladie était attribuable à un virus latent. Il fallait attaquer cette latence, mais elles n'ont pas soutenu les recherches dans ce domaine. Maintenant, on fait appel à ces personnes et on s'attend à ce qu'elles nous conseillent dans des domaines où elles sont encore moins compétentes.
C'est tout ce que j'avais à dire.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron. Je cède maintenant la parole à M. Bagnell.
M. Stéphane Bergeron: M. Poulin devait répondre à une autre question.
La présidente: Oh! Est-ce vrai? Soyez très bref, alors, car nous sommes déjà très en retard.
M. Bryan Poulin: Je serai très bref.
Je suis absolument d'accord avec M. Forsdyke sur ce point. Je vous donne un exemple.
Pendant la crise de l'énergie, juste avant que je quitte le Canada pour une affectation prolongée, nous cherchions à accroître le rendement énergétique des immeubles. On y a investi un milliard de dollars. Le gouvernement du Canada a dépensé plus d'un milliard de dollars pour isoler ses immeubles et les rendre si étanches que... Je crois que plus tard, alors que j'étais à l'étranger, vous avez trouvé une nouvelle façon d'assainir l'air à l'intérieur des maisons. Or, l'air était beaucoup moins sûr qu'auparavant à l'intérieur de ces maisons.
M. Timusk, de l'Université de Toronto, a alors travaillé avec un Suédois pour finalement présenter un projet beaucoup plus prometteur. En retourant au fondement de la science, les deux chercheurs proposaient d'étudier les échanges de chaleur au travers de l'enveloppe du bâtiment. Leur demande de financement n'a reçu aucun appui parce que tout l'argent avait été octroyé aux promoteurs de l'isolation.
On pourrait en rire si la situation n'était pas si grave. Rien ne s'est fait depuis 1980 parce que le cours du pétrole s'est effondré au début de cette décennie, comme nous le savons tous, de sorte que l'efficacité énergétique n'était naturellement plus une priorité. Tôt ou tard, le problème refera surface, et le prix de l'énergie montera en flèche parce que les ressources sont limitées. Cependant, l'éventualité pourrait également fort bien ne pas se réaliser, et si elle se matérialisait, nous ignorons à quel moment elle le fera. Entre temps, nous n'avons pas assuré le suivi de ces travaux qui ont, je crois, pris fin vers le milieu des années 80.
Encore une fois, nous avons mis tous nos oeufs dans le même panier. Nous affirmons qu'à l'étape de l'idée, il faut absolument couvrir toutes les possibilités. Quand les travaux deviendront plus sérieux et que l'on s'apprêtera à commercialiser un produit, il faudra alors faire des choix et investir beaucoup. Or, ce que nous faisons, c'est d'adopter une solution unique que nous appliquons à différentes situations. Il faut être beaucoup plus souple. L'alternative de M. Forsdyke est beaucoup plus souple. Nous affirmons, pour notre part, qu'il ne faut pas s'inquiéter de la recherche à l'étape des idées. Elle ne coûte pas cher et donne d'excellents résultats. Pourquoi ne pas financer ceux qui ont des idées prometteuses?
La présidente: Monsieur Poulin, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Bagnell, je vous prie.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Je vous remercie.
Je vous félicite tous des excellentes idées que vous proposez. Il est également bon de voir toute l'équipe Bergeron réunie à nouveau ici aujourd'hui.
Ma première question n'a pas rapport à ce qui s'est dit jusqu'ici, mais je me réjouis de voir que j'ai un collègue du Nord ici—je représente la circonscription du Yukon—et c'est à ce sujet que je souhaite m'arrêter. Je tiens à déclarer officiellement—j'en ai parlé à chaque séance—et catégoriquement qu'il faudrait selon moi mener plus de recherche dans le Nord. La moitié du pays se trouve dans cette région, mais il n'y a pas d'université, seulement des collègues communautaires. Je ne crois pas que les habitants du Nord font suffisamment de recherche dans le Nord et pour le Nord.
J'ignore si cela peut s'inscrire dans le modèle existant, mais avez-vous des suggestions? Je pose la question particulièrement à M. Poulin, puisqu'il vient du Nord. Ensuite, existe-t-il des moyens d'encourager la recherche effectuée dans le Nord par des habitants du Nord?
Une des raisons pour lesquelles j'insiste là dessus aujourd'hui, c'est que j'en ai discuté avec la députée Karen Kraft Sloan et notre expert de l'Arctique, Clifford Lincoln, qui font tous deux la promotion de la recherche dans le Nord.
M. Brian Poulin: Chaque région peut produire de l'excellente recherche, et je ne crois pas que cela ait un rapport avec le Nord ou le Sud. Refuser au Nord la possibilité de faire sa propre contribution reviendrait à tourner le dos à des possibilités pour le Canada.
Un des avantages de l'isolement est que l'on peut avoir un point de vue particulier. Le Canada a réussi à percer sur la scène internationale parce qu'il était isolé des enjeux auxquels étaient confrontés les autres et qu'il avait donc une vue plus globale.
• 1020
Je crois—et la Constitution des États-Unis le reconnaît
certes—que les habitants des régions éloignées ont beaucoup à
contribuer à tout le système américain de recherche.
Il faudrait que le Nord participe pleinement à la recherche et aux études, et c'est quelque chose qu'il faudrait favoriser. S'il y a une chose que j'aimerais encourager, c'est l'établissement d'une école de médecine dans le Nord, non pas à Thunder Bay, mais quelque part peut-être dans l'Extrême-Nord parce que nous pourrions ainsi rejoindre des personnes qui, parce qu'elles ont suivi leur formation dans le Nord, décideraient d'y demeurer et de faire une contribution. Nous aurions ainsi un effort largement réparti de toutes les régions du pays, plutôt que d'une seule, même si c'est dans la partie méridionale du Nord que cela se passe, là d'où je viens.
M. Larry Bagnell: Fantastique.
Vous nous avez présenté certains nouveaux modèles très intéressants. La critique de l'évaluation par les pairs tient peut-être un peu de l'hyperbole, par exemple de dire qu'elle «élimine l'excellence par sélection». Manifestement, il faut qu'il y ait un certain degré d'excellence dans le système. Si nous choisissons des chercheurs spécialisés dans un domaine, des professeurs par exemple, plutôt que le premier venu comme moi ou Paddy, qui n'y connaissons strictement rien, manifestement nous sommes plus susceptibles d'obtenir de l'excellente recherche.
Par contre, j'estime que vous avez fait valoir un point important, soit qu'il existe dans le système une sélectivité qui va à l'encontre de l'innovation, et j'en ai parlé aux audiences précédentes. Tel que je comprends le modèle présenté par M. Poulin et M. Forsdyke, je simplifie peut-être trop, mais ils disent essentiellement de donner plus d'argent aux bons chercheurs et de les laisser exécuter leurs projets. J'ai deux questions à ce sujet.
Tout d'abord, comment à ce moment-là cibleriez-vous ces projets de manière à ce qu'ils portent sur des domaines de recherche qui correspondent aux meilleurs intérêts du contribuable, de celui qui paie tout cela?
De plus, il existe déjà beaucoup plus de projets et, je présume, de bons chercheurs qu'il n'y a d'argent. Comment, à ce moment-là, vous y prendriez-vous pour choisir les chercheurs qui seront subventionnés?
La présidente: Monsieur Forsdyke.
M. Donald Forsdyke: Vous dites qu'il est exagéré de dire que le processus élimine l'excellence par sélection. Je ne suis pas d'accord. Je crois qu'il élimine effectivement par sélection... Ce ne sont pas des paroles jetées en l'air.
Nous savons tous que le soleil se lève le matin. Il n'est pas nécessaire de mener des expériences ou d'accumuler tant de données pour le prouver—c'est un fait. Par contre, si connaissez votre histoire—et je connais notre histoire des découvertes—vous savez que bien souvent, quand une grande découverte est faite, on demande au chercheur comment l'idée lui en est venue. Racontez-nous l'histoire. Bien souvent—pas toujours, mais souvent—le découvreur a dû surmonter d'importantes difficultés, il a dû, contrairement à d'autres qui se promènent les poches pleines d'argent et qui ne font rien, se battre alors que tout était contre lui et graduellement surmonter les obstacles. On entend si souvent cette histoire qu'il faut accepter qu'elle comporte un élément de vérité.
Ensuite, et cela n'est que du gros bon sens, si vous avez une idée vraiment bonne, innovatrice et nouvelle, c'est parce que d'autres n'y ont pas encore pensé. Cela en soi signifie qu'elle va être très difficile à communiquer.
Il n'y a donc pas d'exagération dans ce que j'ai dit. Le système élimine vraiment l'excellence par sélection.
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je vais m'attaquer à cette question un peu indirectement et dire que—si vous me laissez parler affaires, pour une minute—de nombreuses études publiées sur toutes les réalisations produisent un résultat étonnant, soit que les résultats sont moyens.
Si c'est l'excellence que vous recherchez, ce sont des noyaux d'excellence qu'il faut rechercher. Si vous souhaitez savoir à quel point une entreprise est efficace, il faut examiner des entreprises efficaces, celles qui ont fait preuve d'innovation au fil des ans. On ne recherche pas des entreprises moyennes et on ne sonde pas l'opinion moyenne.
L'excellence et l'innovation sont à mon avis en quelque sorte des semences—elles partent d'idées qui ont germé et qui se transforment en quelque chose de vraiment phénoménal. Toutefois, il est impossible de dire au départ si la semence est bonne. C'est pourquoi il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
Je ne suis pas venu ici pour manifester mon appui à M. Forsdyke. Nous sommes des penseurs indépendants. Toutefois, plus je l'entends, plus je suis enclin à l'appuyer. Il a parfaitement raison. Albert Einstein n'aurait pas reçu de subvention si son projet avait été examiné par des pairs. Ses idées étaient trop extravagantes. Qui aurait cru que la lumière, l'énergie et la matière étaient reliées entre elles? Qui aurait cru, dans le passé lointain, que la Terre n'était pas au centre de l'univers? Nul n'y croyait. Quand ils ont exprimé ces idées pour la première fois, les grands penseurs étaient considérés par l'establishment comme des fous.
• 1025
Comme l'a dit M. Bagnell, il n'est pas question ici de gens
ordinaires. Nous parlons de subventionner des personnes qui ont des
doctorats, qui ont consacré leur vie à la curiosité—non pas à
l'argent, mais à des phénomènes curieux—et qui veulent rendre le
monde meilleur. Nous leur refusons même un minimum de fonds, alors
que l'expérience et la passion exigent qu'ils fassent cette
recherche, quelles que soient les sommes dont ils disposent.
Tout ce que nous disons, c'est de donner un peu d'argent à des personnes qui sont hautement qualifiées—et le Canada ne compte, soit dit en passant, que quelque 10 000 chercheurs scientifiques. Nous ne parlons donc pas de montants très élevés. En effet, verser 10 000 $ ou 20 000 $ à chaque scientifique en moyenne pour l'aider à faire progresser son idée ne représente pas une somme énorme si l'on se fie au fait que nous dépensons déjà 100 000 $ fois ces 10 000 scientifiques. Tout ce que nous demandons, c'est qu'on leur fournisse le matériel, sans quoi ce serait un peu comme leur demander d'enseigner sans salle de classe.
La présidente: Monsieur Bagnell, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je vous remercie beaucoup. Je vais m'excuser à l'avance d'essayer de simplifier la situation.
Nous avons un système d'évaluation par les pairs qui porte sur les projets, les subventions et la progression. Je qualifie cela de système. Je tiens à ce qu'il soit très simple. Monsieur Frise, je suis d'accord avec votre raisonnement. Il faudrait examiner le système tous les cinq ans, se demander si l'on est dans la bonne voie—en somme, faire un examen permanent. Je m'oppose vivement à ceux qui privilégient tant l'évaluation par les pairs et qui s'opposent à ce que notre comité examine même le système. Ils devraient l'examiner eux-mêmes, l'évaluer eux-mêmes. Je tiens donc à ce que cela soit fort simple.
Nous avons un système en place. Mon expérience en tant qu'ingénieur me fait dire qu'il faudrait l'examiner, parfois même tout réexaminer point par point, pour faire en sorte d'obtenir la meilleure recherche, la recherche excellente, plutôt que la recherche inférieure, et un rendement de notre investissement à long terme, plutôt qu'à court terme. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Peter Frise: Merci. Je ne suis pas contre ce que vous avez dit, monsieur. Il faut effectivement un plan visant à doter notre pays d'une stratégie d'innovation à long terme. Je crois que cela a fait défaut dans le passé, mais qu'on est actuellement en train d'y voir et ainsi de suite. J'estime que chaque programme devrait faire l'objet d'un examen périodique pour faire en sorte qu'il atteint les objectifs qui lui ont été fixés. Je crois qu'il s'agit-là d'un élément clé, que chaque programme a besoin d'objectifs clairs et qu'il faut que ces objectifs soient clairement communiqués aux participants du programme pour éviter les dérapages.
M. Walt Lastewka: J'examine donc tout cela de manière un peu simpliste—je semble obtenir de meilleurs résultats de cette façon. Il faudrait faire de la recherche sur nous-mêmes et sur notre système, avoir l'avis des différents camps, rendre le système ouvert et transparent pour que tous puissent y contribuer et être à l'affût des meilleures pratiques pour réaliser ce que notre système est censé faire. Ensuite, on mettrait le tout en place pour cinq ans. Parce que tout cela est documenté, il faudrait peut-être que le délai soit un peu plus long—je peux l'admettre. Cependant, il faudrait, du moins sur une base permanente, envisager la possibilité d'un examen continu de notre système d'approbation.
Est-ce trop simple?
M. Peter Frise: Selon moi, non, monsieur.
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je crois que vous avez frappé dans le mille. C'est exactement ce que nous tentons de dire. En termes de simplicité, par ailleurs, il faut parfois beaucoup de mots pour communiquer une pensée profonde, et la pensée profonde consiste à exprimer des choses complexes de manière simple.
La présidente: Monsieur Dohoo, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Ian Dohoo: Oui. Je suis tout à fait d'accord avec le besoin de faire un examen. Le point particulier que nous étudions est qu'il existe un domaine relativement nouveau de recherche sur la santé animale qui a connu une expansion incroyable au Canada au cours des 20 dernières années. Sans le processus d'examen en place, nous ne savons tout simplement pas ce qui se passe dans ce domaine.
Les décisions prises au sujet de la répartition des fonds sont essentiellement faites par des personnes qui font déjà partie du système. Étant donné que les ressources sont déjà étirées au maximum, il n'est pas étonnant que ces personnes ne veuillent pas examiner de nouveaux domaines à subventionner. Je ne puis parler qu'en mon nom personnel, pour ce qui est de la recherche sur la santé animale, mais je ne crois pas être le seul à penser ainsi.
Cooper Langford, dans un rapport présenté au ministre de l'Éducation, a repéré le problème des domaines qui ne sont actuellement pas visés par le système et qui sont donc gravement désavantagés. Sans le processus d'examen que vous décrivez, il est très difficile d'élargir le système de manière à y inclure de nouveaux domaines et des domaines émergents.
La présidente: Monsieur Forsdyke.
M. Donald Forsdyke: C'est bien beau de parler de simplicité. Les arguments simples sont toujours les plus faciles à vendre.
Je me rappelle que Clinton avait l'habitude de dire—je peux mentionner le nom de M. Clinton, n'est-ce-pas?—: «C'est l'économie, idiot». Il s'est emparé de l'idée et en a fait son slogan électoral.
Nous savons tous que les gènes peuvent être défectueux. Dotons-nous par conséquent d'un projet sur le génome. Établissons la séquence du génome. C'est un projet merveilleux qui se vend facilement, et vous obtenez des tonnes d'argent. Parce que divers intérêts se rendent compte qu'ils peuvent faire breveter les gènes et en tirer beaucoup d'argent, les fonds commerciaux affluent, et vous avez ce merveilleux projet en marche.
On a annoncé à grands coups de fanfare et de trompette cette année qu'on avait réussi à établir la séquence du génome humain. Ce projet a englouti d'énormes montants et d'incroyables ressources. Entre temps, beaucoup de personnes comme moi essayaient de comprendre le génome.
Par exemple, vous sortez dans Ottawa le soir et vous regardez un immeuble qui compte une centaine de fenêtres. Deux de ces fenêtres sont éclairées. Si quelqu'un vous demande où se trouve l'action dans cet immeuble, vous allez répondre là où les deux fenêtres sont éclairées. Ce sont nos gènes. Les gènes représentent 2 p. 100 environ du génome, et nous avons tout misé sur ces 2 p. 100. Pour la plupart d'entre nous, cela décrit la situation.
Par contre, quand on a la grippe ou une infection virale, savez-vous ce qui se passe? La lumière dans ces deux fenêtres commence à trembloter et celle des 98 autres fenêtres commence à s'allumer. De nombreuses personnes—celles qui travaillent au génome—disent qu'il s'agit d'ADN égoïste, que cela ne vaut pas la peine de s'y attarder. Des personnes comme moi cherchent à comprendre notre ADN. Nous nous demandons pourquoi la lumière s'allume dans les autres fenêtres de l'immeuble qui représente le génome humain. Ce sont le genre de questions que nous nous posons.
Puis vint le projet du génome. Ils avaient les compétences techniques et ils ont fait un magnifique travail de séquence du génome. Quand ils ont eu achevé le travail, il fallait en publier les résultats. La séquence était donc une simple masse de données qu'ils ont versées dans une banque et ils ont rédigé un article à son sujet. Tout ce qu'ils ont eu à faire dans leur papier a été de dire que c'est la séquence et que ce sont là les principales caractéristiques de la séquence du génome humain. Par contre, ils avaient fait une publicité tapageuse pour obtenir les fonds. Ils en ont oublié l'essentiel et ont commencé à rédiger plus qu'il n'en fallait.
Des gens comme moi et le plus grand cartographe du génome du monde, Giorgio Bernardi de Naples, se sont immédiatement rendu compte que c'était la confusion la plus totale. Bernardi vient de publier un important article qui détruit complètement leur raisonnement. Ils ne comprennent tout simplement pas les limites de l'objet de leur étude et ils sont inconscients de leur grande ignorance.
Une autre personne, le dirigeant du projet commercial du génome, a même cru qu'il avait percé le code génétique. Avec l'aide d'une grande société, il a publié une annonce d'une page dans le Globe and Mail de Toronto affirmant qu'il avait percé le code génétique. Or, le code génétique a été percé durant les années 60. Des prix Nobel ont été décernés pour cette découverte en 1968.
J'ai écrit une lettre au Globe and Mail que celui-ci a publiée. On aurait été en droit de s'attendre qu'ils retirent l'annonce des numéros ultérieurs. Pourtant, elle a continué de paraître au cours des semaines suivantes, clamant sur toute une page du Globe and Mail que le chef d'une importante société américaine avait percé le code génétique.
On joue sur les mots. On tient un double langage. On se laisse emporter par le succès du battage publicitaire qui a permis d'établir la séquence du code. Il faut essayer d'éviter la simplicité, les arguments trop simples, parce que c'est plus complexe que vous ne le croyez.
La présidente: Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je n'ai pas d'autres questions. Je vais m'en tenir à ma théorie.
La présidente: D'accord. Je vous remercie.
Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): J'aurais simplement quelques questions.
• 1035
Monsieur Dohoo, vous avez parlé de former la prochaine
génération de professionnels hautement qualifiés dans ce domaine.
Quand vous en avez parlé la première fois dans une de vos réponses,
je croyais que vous laissiez entendre qu'il y aurait un vide parce
qu'il y avait actuellement des professionnels actifs dans ce
domaine. En fait, il s'agit d'un tout nouveau domaine pour lequel
il n'existe pas de formation préalable. Est-ce que cela se fait
déjà ailleurs? Cela s'est-il fait dans le passé?
M. Ian Dohoo: Toute cette question de la recherche basée sur une population ou l'analyse clinique et la croissance de l'épidémiologie est en réalité un domaine qui a connu une croissance phénoménale au cours des 25 dernières années. Le nombre de professionnels qui travaillent dans ce domaine a connu une croissance exponentielle, particulièrement aux quatre collèges de médecine vétérinaire du Canada.
Comme il s'agit d'un tout nouveau domaine, la disponibilité de professionnels pour les cinq prochaines années ne pose pas de problème. Sans accès à bon nombre des programmes sur lesquels se basent les bourses de recherche, les chaires de recherche du Canada et ainsi de suite, nous allons avoir beaucoup de difficultés, par contre, dans peu de temps à attirer des personnes que nous allons former pour occuper les postes des 10 ou 15 prochaines années probablement.
Mme Paddy Torsney: Aux États-Unis, est-ce qu'ils financent ce genre de recherche?
M. Ian Dohoo: La situation est intrigante. Le département de l'Agriculture des États-Unis a en place un programme de recherche compétitive dont les projets sont examinés par des pairs et qui finance ce genre de recherche, du moins certes en ce qui concerne les espèces de cheptel vif. Le domaine va en réalité au-delà de ce cadre. Il inclut les animaux de compagnie, les chevaux et ainsi de suite. Ces recherches ont tendance à ne pas être très bien subventionnées, de toute évidence, par les ministères d'Agriculture. C'est là un modèle.
Il a aussi été question au Canada d'établir un programme comparable par l'entremise d'Agriculture Canada. Ce serait une solution viable, à condition que le recours à ce programme vous donne aussi accès aux autres avantages comme les programmes de chaires de recherche et ainsi de suite.
Mme Paddy Torsney: Un autre pays finance-t-il ce genre de recherche?
M. Ian Dohoo: Mais oui! Dans une large mesure, une grande partie de ce travail est financée par... Les programmes des pays d'Europe du Nord sont ceux que je connais le mieux. Leurs programmes sont financés par des organismes fédéraux, souvent en passant directement par des programmes ayant trait à la santé des animaux plutôt que par des programmes de recherche générale comme ceux qu'exécute le CRSNG.
Mme Paddy Torsney: Font-ils suite à la crise plus évidente?
M. Ian Dohoo: Quelques crises aident certainement à attirer l'attention sur la nécessité de verser des fonds dans un certain domaine, mais je ne crois pas que ce soit forcément des réactions à des crises. Certains des pays, particulièrement les pays scandinaves... Le Danemark fait de l'excellent travail. Il a une énorme industrie du porc vivant qui fait un très important apport à l'économie nationale. Il y a donc en place dans ce domaine un programme de recherche très solide qu'il finance conjointement par l'intermédiaire du régime fédéral, mais également en collaboration avec des organisations de producteurs.
Mme Paddy Torsney: Donc, si nous voulions faire une recommandation dans un domaine, nous aurions au moins d'autres modèles sur lesquels nous appuyer.
M. Ian Dohoo: Oui. De plus, ces modèles diffèrent de ceux des sociétés ou s'appuient sur un mandat plus large. Le fait que le CRM ait été transformé en IRSC nous a beaucoup encouragés. Trois en réalité des quatre piliers sur lesquels s'appuie chaque institut ont un rapport avec les études basées sur la population. Cela concerne la connaissance des maladies au sein des populations, du recours aux technologies et des systèmes de santé. Il faut avoir la même ouverture d'esprit en relation avec la santé animale, qui tombe sous le coup du mandat du CRSNG.
Mme Paddy Torsney: Monsieur Frise, vous faites de la recherche dans un domaine pas mal important pour l'économie canadienne, mais elle ne semble pas avoir capté peut-être l'attention du conseil subventionnaire.
M. Dohoo nous a dit que le Danemark qui a une grosse industrie porcine reconnaît qu'elle est importante pour la recherche. Nous avons une énorme industrie automobile, mais jusqu'ici, elle n'a pas reçu beaucoup de fonds pour la recherche. Doit-on faire en sorte que ceux qui siègent aux comités d'évaluation par les pairs, aux conseils subventionnaires, représentent véritablement les milieux de la recherche dans les secteurs qui sont importants pour l'économie canadienne?
M. Peter Frise: Eh bien, il me semble évident que les gens qui prennent une décision doivent comprendre le domaine visé.
Mme Paddy Torsney: C'est exact.
M. Peter Frise: Je crois toutefois que le problème est un peu plus vaste. Il est important, selon moi, que ces gens comprennent les objectifs du programme au sujet duquel ils prennent une décision. Il est possible que parfois, nous ne communiquions pas comme il le faut aux comités d'évaluation par les pairs les objectifs des programmes.
La recherche dans le secteur de l'industrie automobile au Canada a bénéficié de très peu d'attention pendant des années, mais je crois que la situation change. Le nouveau réseau de centres d'excellence dans le secteur automobile du XXIe siècle a été mis sur pied et commence à fonctionner, mais je dois dire que les fonds qui lui sont octroyés sont assez infimes. Les fonds disponibles pour la recherche et pour l'appui au développement de l'infrastructure de recherche pour les projets automobiles sont vraiment peu importants. La subvention totale est d'environ 5 778 000 $ par an, mais elle est répartie entre 200 chercheurs dans 28 universités de 7 provinces; elle est donc très étalée.
Par contraste, les États-Unis qui, bien sûr, sont des géants dans pratiquement tous les domaines de recherche, dépensent probablement cent fois plus; il est vraiment difficile d'en avoir le chiffre exact. Le programme britannique de recherche automobile, plus directement comparable au nôtre, dépense près de dix fois plus que nous. Ce sont les chiffres que je peux obtenir du Web. Je crois donc que nous sommes bien en retard dans certains de ces secteurs clés de l'industrie et que si nous ne nous ressaisissons pas assez vite, nous risquons de perdre notre position dans ces secteurs qui créent des centaines de milliers d'emplois.
La présidente: Brièvement, madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Oui.
Si je comprends bien, vous n'appuyez pas la proposition visant à donner un montant minimum d'argent à tous les chercheurs d'un secteur donné.
M. Peter Frise: J'aurais de la difficulté à l'accepter. Je voudrais savoir quel montant d'argent est proposé pour les chercheurs. Pour vous donner un exemple du fonctionnement des universités—et elles fonctionnent toutes de cette manière dans le monde entier, autant que je sache—lorsqu'un chercheur veut faire un appel téléphonique interurbain, le coût doit être prélevé d'un compte de subventions. Par conséquent, si un professeur d'une université ne dispose pas de fonds pour la recherche, il ne peut même pas faire d'appels téléphoniques interurbains, ni envoyer de fax à l'extérieur, sans faire une demande de fonds à l'interne, fonds qui sont toujours très rares et parfois difficiles à obtenir.
Je crois donc que ce concept a un certain mérite, mais je voudrais examiner les détails du programme avant de pouvoir l'appuyer sans réserve.
Mme Paddy Torsney: Merci.
La présidente: Merci, madame Tornsney. Je dois dire aux membres du comité que nous allons manquer de temps, si bien que je vais leur demander d'être un peu plus brefs.
M. St. Denis et ensuite, M. Bergeron.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci, messieurs, d'être ici.
Dans la même veine, mais sous un angle légèrement différent, j'aimerais poser deux questions. La première porte sur le rapport entre la science pure et la science appliquée, tandis que la deuxième porte sur le recrutement de jeunes chercheurs.
Pour la première question, comment le système actuel permet-il d'assurer un bon équilibre entre d'une part, la recherche appliquée pour les produits de consommation et pour des produits meilleurs et plus sûrs et, d'autre part, la recherche pure qui ne donne pas de résultats immédiats? En effet, nous faisons la distinction entre les avantages de la recherche appliquée à court terme et ceux de la recherche pure qui ne se manifestent pas pendant quelque temps, voire pendant des générations. Dans le système tel qu'il existe actuellement ou tel qu'on pourrait le modifier, existe-t-il un moyen qui permette d'arriver à cet équilibre?
M. Peter Frise: Est-ce à moi que vous posez la question, monsieur?
M. Brent St. Denis: En fait, à l'un ou l'autre d'entre vous.
Je vais laisser à la présidence le soin de le décider.
La présidente: Monsieur Frise.
M. Peter Frise: Très brièvement, l'équilibre entre les divers domaines est essentiellement prévu dans le système par l'affectation des fonds aux divers comités subventionnaires du CRSNG, dans la sphère d'influence du CRSNG à tout le moins. Je suis ingénieur mécanique; je demande des subventions au comité subventionnaire du génie mécanique qui a un certain budget global pour tout le travail en génie mécanique qui se fait au Canada. Cette affectation est, je crois, fixée par le conseil CRSNG. Périodiquement, il revoit l'affectation des fonds pour voir s'il vaudrait la peine de déplacer des fonds d'un domaine à l'autre.
• 1045
Je crois que la question de l'équilibre entre la recherche
appliquée et la recherche pure est très importante et exige
beaucoup d'analyse avant que l'on arrive à une réponse définitive.
C'est toutefois de cette façon que fonctionne le système à l'heure
actuelle.
La présidente: Monsieur Forsdyke.
M. Donald Forsdyke: Pour que les résultats de la recherche puissent être appliqués, il faut de bonnes relations de travail entre les chercheurs et l'industrie. La clé du problème, c'est l'équilibre et c'est d'ailleurs le terme que vous avez utilisé.
Quelqu'un d'autre a utilisé une autre expression pour décrire le problème. Malheureusement, au Canada, nous avons perdu cet équilibre, parce que les influences commerciales, les éléments industriels, surtout dans mon domaine relié à la recherche médicale, ont pris le dessus. Lorsqu'on veut nommer un nouveau chercheur dans notre département—je parle du département de biochimie dans une université—on ne cherche pas en premier lieu à savoir s'il est compétent en matière de recherche, mais s'il peut obtenir du financement. Cela veut dire qu'on se demande alors s'il peut avoir l'appui d'une grande société pharmaceutique, s'il peut lui demander des fonds pour tel ou tel projet. Il y a donc ce lien entre la demande d'une subvention et la recherche d'un promoteur industriel. C'est devenu tellement la norme que les sociétés pharmaceutiques et les intérêts commerciaux ont pris le dessus. Par conséquent, il y a déséquilibre au Canada à cet égard.
M. Brent St. Denis: Par ailleurs, si j'essayais de savoir ce qui, dans le système, détermine l'équilibre, ne serait-ce pas au niveau de l'évaluation par les pairs? J'imagine que si je me trouvais dans le système de l'évaluation par les pairs et que, parmi mes collègues, j'étais plus en faveur de la recherche appliquée, c'est là dessus que je mettrais l'accent. Il n'y a pas de politique prévoyant que 20 p. 100, 10 p. 100 ou 50 p. 100 des subventions doivent être consacrées à la recherche pure par opposition à la recherche appliquée.
La présidente: Plusieurs veulent répondre.
Monsieur Dohoo.
M. Ian Dohoo: Je crois que c'est tout à fait exact. L'un des problèmes du système, c'est qu'en général, les décisions sont prises par les comités subventionnaires qui représentent les personnes et les points de vue actuellement financés. Cela nous ramène à la suggestion de M. Lastewka relative à un examen périodique de tout le système pour faire en sorte que les domaines qui doivent être financés le sont et que l'équilibre—et tout le monde considère que cet équilibre est nécessaire—est pertinent.
La présidente: Monsieur Frise.
M. Peter Frise: Merci.
Oui, c'est exact, à mon avis. Je crois toutefois qu'il importe de comprendre que la répartition des fonds entre la recherche pure et la recherche appliquée n'est pas aussi dirigée, de mon point de vue à tout le moins. Ce n'est pas aussi incorporé dans le système de l'évaluation par les pairs, mais plutôt dans les divers programmes. Divers programmes relevant des trois conseils subventionnaires—certainement le CRSNG et la FCI—exigent un financement externe de l'industrie avant l'obtention de subventions, contrairement à d'autres programmes où un financement externe de l'industrie n'est pas requis. C'est vraiment de cela que dépend l'équilibre entre industrie et non-industrie.
Pour ce qui est de la première question, je croyais que vous parliez de l'équilibre entre les diverses disciplines, c'est-à-dire, comme je le disais, l'équilibre relatif à l'affectation de fonds à chaque comité de sélection des subventions. Ainsi, M. Dohoo fait une demande à un comité subventionnaire différent du mien, les deux ayant des budgets distincts. Une fois que le comité a dépensé son budget, tout est terminé.
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je crains que nous ne perdions de vue certains points. À l'instar de mon collègue, M. Gordon, je demanderais plus de subventions que celles que donne habituellement l'industrie à tous ses chercheurs. Bien entendu, nous devrions donner un minimum à tous les chercheurs qualifiés, et je veux dire, tous les chercheurs formés et actifs dans le domaine de la recherche, et non pas ceux qui ne font habituellement pas de recherche.
Je vais vous citer un exemple, celui de la 3M Corporation et je vais vous lire un extrait de sa documentation disponible dans notre article dont je vais vous donner copie, pour que vous puissiez le reproduire.
• 1050
Au sujet des subventions à la 3M Corporation:
-
L'argent et le temps sont nécessaires pour l'innovation. Les
techniciens
—et cela englobe les scientifiques—
-
peuvent utiliser leurs subventions pour payer la main-d'oeuvre
temporaire qui doit faire certains de leurs travaux pendant qu'ils
consacrent plus de temps à mettre au point [de nouvelles idées].
Le milieu de la recherche ne procède même pas de cette façon-là, et c'est véritablement un acte d'accusation contre les conseils.
Je vais revenir au deuxième point, très brièvement. Nous devons étudier les résultats et les impacts du système précédent qui a été suivi pendant des décennies. Toutes les données sont disponibles. J'ai fait une demande et nous espérons travailler grâce à l'INCC, qui a mis sa base de données à notre disposition. Nous espérons que les IRSC vont faire de même un peu plus tard et qu'ils auront un statisticien, un chercheur biomédical, un chercheur organisationnel—moi-même—et une petite équipe, ce qui va très peu coûter, pour faire une analyse scientifique des données disponibles; ainsi, nous ne nous retrouverons pas avec une opinion non fondée, même si elle vient du fond du coeur.
La présidente: Très brièvement, monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis: Ma deuxième question porte sur la prochaine génération—les jeunes chercheurs. Y a-t-il partialité ou non à l'égard des nouveaux arrivés dans le système, qu'il s'agisse du système actuel ou de celui qui pourrait être proposé?
Serait-il sensé de mettre 10 p. 100 de côté pour les jeunes chercheurs qui présentent leurs premières demandes, tant qu'ils répondent aux normes de base de qualification? Allez-vous simplement mettre leurs noms dans un chapeau? Tout comme lorsque l'on essaye de faire entrer des nouveaux dans un conseil d'administration, y a-t-il des moyens de faire entrer des nouveaux dans le système, mis à part le fait que nous utilisions déjà au maximum les fonds déjà peu importants dont nous disposons?
La présidente: M. Frise et ensuite, M. Poulin.
M. Peter Frise: Merci.
Je dirais qu'une telle partialité à l'égard des jeunes chercheurs existe bel et bien.
M. Brent St. Denis: Est-ce en leur faveur?
M. Peter Frise: Oui, et cela apparaît clairement dans les rapports du CRSNG.
Les usages changent d'un domaine à l'autre, mais dans mon domaine, il est tout à fait admis qu'un jeune chercheur a de meilleures chances d'obtenir une subvention qu'un chercheur plus âgé. Cela ne me pose aucun problème; en fait, je crois que c'est absolument la façon de procéder.
Je ne voudrais pas être mal compris. Je ne suis pas aussi inquiet à propos de ceux qui sont maintenant membres du corps professoral, bien que les pressions s'exercent assez lourdement sur nous tous actuellement. Je ne me plains pas, mais c'est tout simplement la réalité des choses. La situation est très difficile pour les jeunes qui élèvent leur famille, etc.
Ce qui me préoccupe davantage, c'est que nous n'attirons pas les meilleurs éléments dans nos programmes de doctorat. La rémunération pour le doctorat—ou le salaire—si vous voulez, est tellement non concurrentielle dans mon domaine, par rapport au salaire de l'industrie, que le fait de poursuivre des études de troisième cycle équivaut à une catastrophe économique. C'est très difficile. Il est difficile de trouver quelqu'un qui soit prêt à faire une maîtrise, qui prend de 15 à 20 mois, mais c'est encore possible. Il est très difficile de trouver quelqu'un pour un doctorat, puisque cela prend de trois à quatre années. En effet, ces gens-là sont perdants, puisque, par exemple, ils n'arrivent pas à payer une maison pendant ce temps. Ils se demandent alors: «Pourquoi accepter pareille situation? Pourquoi devrais-je gagner de 20 000 à 30 000 $ par an pendant quatre ans au lieu de gagner de 50 000 à 70 000 $ par an dans l'industrie? Pourquoi le ferais-je?»
Franchement, beaucoup des membres du corps professoral qui m'ont enseigné, lorsque je faisais mes études de premier cycle, avaient suivi leur formation en Grande-Bretagne. Leur salaire, au moment du doctorat, correspondait largement à celui de l'industrie, car je crois que ce pays considérait ces gens comme absolument essentiels pour le futur bien-être économique et social de la Grande-Bretagne. Je trouve décourageant que nous n'ayons pas réussi à faire la même chose.
Après avoir parlé à quelques-uns de mes collègues dans diverses universités au Canada avant de venir ici, il semble que la meilleure chose que nous puissions faire, c'est de simplement augmenter considérablement le salaire des étudiants en doctorat.
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je crois que nous nous éloignons des faits. Je vais simplement donner un exemple clair et précis.
Les IRSC ont augmenté leur budget qui est passé de 300 millions de dollars plus à 500 millions de dollars. Ils demandent maintenant aux chercheurs d'écrire pour que leur budget passe à un milliard de dollars. Il s'agit ici de prendre une partie de l'augmentation des IRSC, par exemple, et de financer tous les chercheurs qualifiés—ce qui n'est pas très coûteux. Par définition, les chercheurs qui sont qualifiés font activement de la recherche.
• 1055
Avant d'examiner les coûts—ils sont très peu élevés—et avant
de présenter un argument à mon collègue, M. Frise, je tiens à dire
ceci. Les gens dans les universités qui sont attirés par la
recherche le sont parce qu'ils sont poussés par la curiosité; ils
ne sont pas poussés par l'argent. Tout ce dont nous avons besoin,
c'est un minimum d'appui pour ces gens-là qui, à ce moment-là,
resteront dans le domaine de la recherche.
Par contre, puis-je dire à un étudiant du troisième cycle: «Venez prendre des risques»? ou «Vos chances de recevoir des fonds au CRNSG, si vous êtes un nouveau chercheur, seront meilleures»—pas seront bonnes, mais meilleures? Cela ne suffit simplement pas, car vous n'avez pas donné à cet étudiant la possibilité de donner libre cours à sa curiosité. Toutes les découvertes de notre siècle ont été faites par des gens poussés par la curiosité et non par des gens poussés par l'argent.
La présidente: Je vais céder la parole à M. Dohoo et ensuite, à M. Forsdyke.
Monsieur Dohoo.
M. Ian Dohoo: Je veux simplement reprendre les propos de M. Frise. Alors que la plupart d'entre nous dans les milieux universitaires sommes poussés par la curiosité, le problème financier du recrutement des étudiants de troisième cycle est certainement grave en ce qui nous concerne, dans le domaine de la santé animale. Lorsque j'ai fait mon doctorat, mon salaire—j'étais financé par le Conseil de recherches médicales—correspondait probablement à 70 ou 75 p. 100 de celui que j'aurais reçu sur le marché—à l'extérieur de l'université. Nous demandons maintenant aux étudiants de troisième cycle de survivre avec près de 30 p. 100 du salaire qu'ils se mériteraient sur le marché, et il est extrêmement difficile pour nous de recruter des Canadiens.
La présidente: Monsieur Forsdyke.
M. Donald Forsdyke: Je crois que ce n'est pas seulement une question d'argent. Les jeunes sont très enthousiastes et sont prêts à vivre de presque rien; il est étonnant de voir comment certains arrivent à s'en sortir. Je crois toutefois que beaucoup sont très opposés à la culture qu'on leur propose.
Cette culture s'est transformée au cours des dernières décennies. Il y a près de 40 ans, lorsque j'ai commencé à faire de la recherche, le mot «agressif», par exemple, était mal vu. On ne faisait rien d'agressif. Maintenant, il faut poursuivre ses objectifs «agressivement»—et, si vous avez déjà fait de la boxe, «agressif» signifie donner un swing. Vous avez habituellement tendance à prendre des risques. Cela veut dire que si vous êtes prêt à prendre des risques, vous avez tendance à opter pour une certaine valeur de survivance. Ceux qui sont prêts à repousser les habituelles contraintes éthiques et morales, parfois au-delà des limites légales, s'en sortent très bien dans le système darwinien que nous avons créé.
Nous avons créé une culture de prise de risques et chaque fois que nous appliquons l'évaluation par les pairs, telle qu'elle existe actuellement, nous supprimons certaines personnes, nous les retirons du système et elles n'y ont plus accès. Progressivement, au fil des décennies, un changement démographique est apparu dans le milieu de la recherche—le genre de personnes qui font de la recherche—et cela a parfois de très étranges conséquences. Si vous pensez au contexte canadien, nous finissons par avoir un système de financement, d'une part, et des idées qui sont déphasées par rapport à ce système, d'autre part. Vous avez alors toutes sortes de problèmes. Si les fonds ne sont pas affectés aux idées, aux chercheurs, ces derniers sont alors dans l'obligation de demander du financement.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Forsdyke.
Je vais très brièvement céder la parole à M. Bergeron, parce que nous manquons déjà de temps.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Merci, madame la présidente.
Monsieur Poulin, j'ai eu l'impression que votre réponse à la dernière question que je vous ai posée avait pour effet de renforcer le point de vue selon lequel le système actuel provoque un certain nombre de distorsions qui désavantagent un certain nombre de chercheurs de grande valeur et de projets de grande valeur. Vous souhaitez une réévaluation du système actuel, mais dans l'intervalle, vous préconisez une distribution plus large des subventions.
Ma question est fort simple. Comment pensez-vous que nous puissions procéder ainsi autrement qu'en faisant du saupoudrage, diluant ou banalisant ainsi les projets de recherche qui pourraient aller de l'avant parce qu'ils ne seront pas suffisamment financés?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Poulin.
M. Bryan Poulin: Je ne crois pas que ce soit le résultat en termes pratiques. Nous parlons d'une plus vaste répartition de 15 à 30 p. 100 du financement et ceux qui recevraient ces fonds seraient ceux qui s'attaqueraient de toute façon à de plus grands projets. Il y a donc un certain chevauchement; il y a aussi plus d'inclusion. Nous imposerions en fait plus de rigueur aux dernières étapes à ceux qui sont déjà heureux de fonctionner dans un système compétitif.
• 1100
Je ne crois pas que nous invalidions leurs arguments. Tout ce
que nous disons, c'est que les bonnes idées de notre siècle ont été
poursuivies par ceux qui ont tendance à faire preuve
d'indépendance; nous diminuons nos chances pour l'avenir si nous
refusons d'accorder un minimum à ceux qui sont poussés par la
curiosité.
Edwin Land, la personne qui occupe le deuxième rang mondial pour ce qui est du nombre de brevets déposés, dit la même chose. Il est sorti des milieux universitaires pour satisfaire sa propre curiosité. Il a prouvé que nous sommes poussés par notre imagination et que tout ce dont nous avons besoin, c'est un peu d'appui. La 3M Corporation est la première société à appliquer ces principes.
D'après nous, tant que la recherche ne permet pas de prouver l'hypothèse qui a le plus de mérite, nous devons nous couvrir—cela se fait dans n'importe quel domaine—et le faire en incluant plus de personnes.
La présidente: C'est tout? C'est fini?
J'aimerais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et je suis désolée de ne pas pouvoir poursuivre ces conversations ou ce dialogue. J'aimerais lire de plus près vos observations liminaires, monsieur Dohoo, car je crois qu'elles s'appliquent à d'autres domaines qui donnent lieu à ces deux types de recherche très différents. La société DaimlerChrysler est implantée dans ma région et je suis sûre qu'elle serait d'accord avec vous, c'est-à-dire que les personnes responsables n'étaient pas des spécialistes du type de recherche décrit—qui n'a rien à voir avec la santé animale, puisqu'il s'agit de l'automobile—et c'est ce qui fait problème, en partie. Je crois qu'il faut trouver des moyens de régler ces problèmes pour que vous bénéficiez d'une audition impartiale et équitable.
Par ailleurs, j'aimerais que vous me transmettiez par écrit vos points de vue au sujet d'un processus d'appel, car nous n'avons pas eu le temps de beaucoup en parler. Si l'on s'en tient au système actuel, il ne semble pas qu'il y ait possibilité, à mon avis, d'interjeter appel, ou même peut-être de faire une demande de financement partiel. M. Forsdyke a fait une proposition intéressante que nous allons bien sûr examiner de plus près.
Notre comité a l'intention de se rendre aux États-Unis et dans certains pays d'Europe pour examiner ce qui s'y fait et pour essayer de comprendre les objectifs atteints par le Canada et ceux qui ne le sont pas.
Je tiens de nouveau à vous remercier pour ce que vous nous avez dit au sujet du processus de l'évaluation par les pairs et du fait que vous avez accepté de comparaître aujourd'hui. D'autres ont très peur de comparaître à cause des pouvoirs de la FCI et des autres conseils subventionnaires. À mon avis, il est fort préjudiciable—et vraiment très malheureux—que nous ne puissions même pas avoir la conversation qui s'impose.
Aux fins du compte rendu, je tiens également à souligner que le comité examine tout le processus, ses avantages et ses inconvénients. Je crois également, comme l'a dit M. Lastewka, que nous devons procéder à cet examen.
À cet égard, je tiens à nuancer quelques observations qui ont pu être faites par inadvertance, plus tôt dans le processus, au sujet de personnes en particulier. Les questions dont nous débattons aujourd'hui portent sur le processus et non sur les personnes. Je sais qu'il est parfois difficile de parler sans faire mention d'une personne en particulier. Nous tenons à mettre des réserves à cet égard, car je sais que nous n'avons nullement l'intention ici de porter préjudice à qui que ce soit.
Merci beaucoup d'être venus et d'avoir accepté de changer de salle; nous espérons vous rencontrer de nouveau à l'avenir.
Merci beaucoup.