AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 12 décembre 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)) |
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
Le président |
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC) |
M. Mark Eyking |
Le président |
M. Dick Proctor (Palliser, NPD) |
Le président |
¿ | 0915 |
M. David Anderson |
Le président |
Mme Claire Bolduc (présidente, Ordre des agronomes du Québec) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
¿ | 0930 |
M. Marco Morin (président, Section de l'Outaouais, Ordre des agronomes du Québec) |
Le président |
M. David Anderson |
Mme Claire Bolduc |
M. David Anderson |
¿ | 0935 |
Mme Claire Bolduc |
M. David Anderson |
Mme Claire Bolduc |
¿ | 0940 |
Le président |
M. David Anderson |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Mme Claire Bolduc |
M. Yvan Loubier |
Mme Claire Bolduc |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.) |
¿ | 0945 |
Mme Claire Bolduc |
M. Paul Steckle |
Mme Claire Bolduc |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Dick Proctor |
M. Yvan Loubier |
M. Dick Proctor |
Mme Claire Bolduc |
M. Dick Proctor |
¿ | 0955 |
Mme Claire Bolduc |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.) |
Mme Claire Bolduc |
Mme Rose-Marie Ur |
Mme Claire Bolduc |
À | 1000 |
Mme Rose-Marie Ur |
Mme Claire Bolduc |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
À | 1005 |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
M. Rick Borotsik |
Mme Claire Bolduc |
M. Rick Borotsik |
Le président |
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.) |
Mme Claire Bolduc |
M. Claude Duplain |
Mme Claire Bolduc |
M. Claude Duplain |
Mme Claire Bolduc |
À | 1010 |
M. Claude Duplain |
Mme Claire Bolduc |
M. Claude Duplain |
Mme Claire Bolduc |
M. Claude Duplain |
Mme Claire Bolduc |
Le président |
À | 1015 |
M. Gordon McBean (professeur et chaire de recherche sur les politiques, Institut de prévention des sinistres catastrophiques, Université Western Ontario) |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
M. Gordon McBean |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Gordon McBean |
À | 1030 |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Gordon McBean |
Le président |
M. Rick Borotsik |
M. Gordon McBean |
M. Rick Borotsik |
M. Gordon McBean |
M. Rick Borotsik |
M. Gordon McBean |
À | 1035 |
M. Rick Borotsik |
M. Gordon McBean |
Le président |
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.) |
M. Gordon McBean |
M. Murray Calder |
M. Gordon McBean |
M. Murray Calder |
À | 1040 |
M. Gordon McBean |
M. Murray Calder |
M. Gordon McBean |
M. Murray Calder |
M. Gordon McBean |
M. Murray Calder |
M. David Anderson |
M. Gordon McBean |
M. David Anderson |
À | 1045 |
M. Gordon McBean |
M. David Anderson |
M. Gordon McBean |
M. David Anderson |
M. Gordon McBean |
M. David Anderson |
M. Gordon McBean |
Le président |
M. Dick Proctor |
M. Gordon McBean |
Le président |
M. Gordon McBean |
À | 1050 |
Le président |
M. Gordon McBean |
Le président |
M. Claude Duplain |
À | 1055 |
M. Gordon McBean |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Gordon McBean |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'impact du protocole de Kyoto sur le secteur agricole.
Comme nos témoins ne sont pas encore arrivés, nous avons le temps de régler quelques questions de régie interne pour la période d'après-Noël. Quand nous allons rentrer chez nous, nos attachés de recherche aimeraient bien faire la même chose, mais il y a des règles qui les obligent à rester pour travailler un peu. Tout cela pour dire que, s'ils ont une idée de ce que nous allons vouloir faire entre le 25 janvier et l'ajournement de l'été, ils pourront commencer à faire de la recherche et à nous préparer certaines choses.
Nous avons consulté le comité de liaison pour nous assurer qu'il avait reçu notre demande de fonds, parce que notre budget est valable jusqu'au 31 mars. Après, bien sûr, il y a de nouveaux crédits qui entrent, et le comité peut demander par exemple de faire de nouvelles études. Nous avons demandé de l'argent pour pouvoir étudier les répercussions du protocole de Kyoto et des changements climatiques sur le secteur agricole, en ce qui concerne plus particulièrement la sécheresse, et aussi pour faire une étude sur les OGM. Je me suis fié à mon intuition personnelle, et le comité voudra peut-être apporter des changements, mais le comité de liaison a approuvé un montant d'un peu moins de 60 000 $ pour notre travail entre le 25 janvier—ou la date de notre retour, quelle qu'elle soit—et le 31 mars.
J'aimerais savoir si mes collègues qui sont ici ce matin ont des sujets d'étude à proposer pour que nous puissions demander à nos attachés de recherche de fouiller certaines questions?
Il a déjà été question du commerce mondial. Il y a quelque chose qui s'en vient en décembre en ce qui concerne la demande de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis au sujet de notre système de gestion de l'offre. Il se passe aussi certaines choses à Genève, et c'est une question que vous voudrez peut-être demander au personnel d'examiner.
Monsieur Anderson.
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne): J'aimerais bien que nous fassions une étude sur les effets à long terme des changements suggérés au programme du CSRN au niveau des fermes.
Le président: C'est un sujet possible.
Mark, en avez-vous un deuxième à proposer?
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Sur le plan international, en ce qui concerne ce que les Américains font au sujet de leur projet de loi sur l'alimentation, de la sécurité et de tout le reste, quel effet est-ce que cela pourrait avoir sur nos producteurs? Nous pourrions peut-être examiner cette question-là.
Le président: Nous allons faire une liste. Je ne vous demande pas de prendre une décision. Je veux seulement vos suggestions.
Rick.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Plutôt que d'étudier des questions aussi vagues, j'aimerais bien que nous nous penchions sur une des dispositions du projet de loi sur l'agriculture qui porte sur l'indication du pays d'origine. J'ai déjà demandé si quelqu'un avait établi combien cette mesure coûterait au Canada. Il y a eu une étude sur les coûts pour les producteurs américains, mais pas pour les producteurs canadiens. Il est absolument vital à mon avis que nous sachions quels seront ces coûts. En passant, c'est dans moins de deux ans. En fait, c'est déjà en vigueur sur une base volontaire. C'est donc une question absolument vitale.
M. Mark Eyking: Il faut espérer que, compte tenu de notre politique agricole, il se passera quelque chose pour que tout fonctionne en harmonie.
Le président: Dick.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Est-ce que le comité reçoit automatiquement des témoins de l'ACIA? Je pense que nous aurions des questions à leur poser. Nous avons probablement tous nos propres petites listes, mais je pense que l'ACIA devrait comparaître devant le comité.
Le président: Y a-t-il d'autres suggestions?
¿ (0915)
M. David Anderson: Pouvons-nous les présenter plus tard?
Le président: Certainement. Nous aurons peut-être même un peu de temps plus tard ce matin.
Quelques-uns des membres du comité ont participé hier à un déjeuner canado-américain. Mme Ur a soulevé les problèmes du secteur agricole. Les députés ne s'en rendent peut-être pas toujours compte, mais il y a dans beaucoup de villes américaines des consuls généraux qui représentent différents États. Ils ont donné chacun leur petite explication de ce qu'ils font, et l'agriculture en est un élément important, surtout dans les États du nord et de l'ouest du pays. Ils ont souligné qu'ils étaient tout à fait prêts à entendre le point de vue des députés et à aider ceux qui voudraient nouer des contacts aux États-Unis.
Il ne faut donc pas l'oublier. Je sais que les conditions ne sont pas très bonnes pour voyager, du point de vue de ce que notre budget nous permet, mais nous sommes tout près de villes américaines comme Seattle et Buffalo, où nous avons des consulats. Ce serait peut-être un sujet d'étude intéressant.
Conformément à notre ordre du jour de ce matin, je voudrais maintenant accueillir les deux témoins de l'Ordre des agronomes du Québec: la présidente, Claire Bolduc, et le président de la section de l'Outaouais, Marco Morin. Je vous souhaite la bienvenue.
Je ne sais pas qui va prendre la parole en premier, mais nous demandons habituellement des exposés d'une dizaine de minutes. Nous avons de l'interprétation, comme vous pouvez probablement le constater. Mon français est affreux, mais Claude peut nous aider.
Madame Bolduc.
[Français]
Mme Claire Bolduc (présidente, Ordre des agronomes du Québec): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Comme vous voyez, je parle français parce que mon anglais n'est pas très bon.
[Français]
Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir songé à adresser une invitation à l'Ordre des agronomes du Québec.
Le sujet des changements climatiques est un sujet qui nous tient à coeur, comme en témoignent nos interventions de la dernière année. Notre congrès annuel portait justement sur le thème «Les changements climatiques: comprendre pour mieux agir», afin d'attirer de manière plus aiguë l'attention des agronomes du Québec sur les événements qui entourent tout le phénomène des changements climatiques, notamment sur l'émission des gaz à effet de serre.
J'aimerais aussi mentionner qu'étant donné qu'à la fin du congrès, nous avions appelé avec empressement la ratification du protocole de Kyoto, nous sommes très heureux que cela ait été fait cette semaine, avec une très forte majorité. Comme agronomes et comme citoyens canadiens, on ne peut que manifester notre fierté quant à cette ratification.
Qu'est-ce que l'Ordre des agronomes du Québec? C'est l'organisme chargé d'administrer une loi provinciale qui a pour objet la protection du public en matière de services agronomiques. Pour ce faire, notre organisme contrôle la pratique agronomique de ses membres en contrôlant l'éthique et la déontologie des personnes et en édictant les normes de pratique et les règles de l'art applicables à l'agronomie. Cette loi fait en sorte que les gens ont l'obligation d'être inscrits au tableau des membres de l'ordre pour exercer la profession et avoir le titre d'agronome. Notre organisation n'a pas comme objectif de prendre la défense des intérêts des membres, mais plutôt de faire une lecture d'en haut des intérêts de l'ensemble des citoyens et de la clientèle qui utilise les services agronomiques.
Cela étant dit, j'aimerais rappeler à cette commission que l'activité agricole, avec tout ce qui l'entoure, est probablement l'activité humaine qui est le plus liée aux aléas climatiques. En conséquence, cette activité dépend directement du climat et des conditions biophysiques, mais au premier chef du climat pour les choix de cultures, les modes d'élevage et le calendrier des activités. Comme on le sait, l'agriculture a un impact sur les changements climatiques, tout comme les changements climatiques auront nécessairement un impact sur les activités agricoles. En conséquence, on ne pouvait pas ne pas appuyer le protocole de Kyoto et en souhaiter la ratification.
J'aimerais aussi rappeler que l'activité agricole, avant d'être économique, est une activité sociale, socioéconomique. De fait, l'activité agricole a pour principal objectif non pas de créer de l'emploi et de générer des surplus au niveau du produit intérieur brut, mais bien d'assurer l'approvisionnement alimentaire des populations. C'est pourquoi on dit que c'est une activité sociale et non pas une activité économique.
L'activité agricole a aussi d'autres rôles qui sont sous-tendus par ce qu'on appelle la multifonctionnalité de l'agriculture et la multifonctionnalité de l'activité agricole. C'est une activité qui est liée au territoire, qui se déroule sur des superficies, sur un grand pan du territoire, dans les zones rurales. C'est une activité dont dépendent les paysages du Canada et du Québec. C'est enfin une activité qui soutient la dynamique des populations dans les communautés rurales.
Compte tenu de ce que je viens de dire, les interventions prioritaires en matière d'agriculture pour les prochaines années, en lien avec les changements climatiques, sont très nettement identifiées par les agronomes du Québec et elles sont de trois natures. Je vous rappellerai d'entrée de jeu qu'on ne peut pas être en faveur de cet objectif et ne pas appuyer les moyens que cela sous-tend. Si on ratifie Kyoto, il faut mettre en oeuvre tous les moyens requis pour que Kyoto s'accomplisse, pour le mieux-être de la population et avec le moins d'impact possible pour elle.
¿ (0920)
Donc, les changements climatiques ont déjà un impact majeur sur les activités agricoles.
Comme on le sait, le réchauffement climatique est accompagné de situations climatiques extrêmes, par exemple en termes de chaleur, de sécheresse, de pluviométrie. On a une quantité de précipitations qui est en moyenne acceptable, mais ces précipitations ne sont plus réparties sur l'ensemble de la saison. Elles peuvent arriver pendant une période très précise. En l'espace de trois semaines, on peut avoir pratiquement 80 p. 100 des précipitations totales d'une saison, ce qui est nouveau pour l'agriculture.
Relativement aux changements que l'agriculture connaît déjà en relation avec les changements climatiques, il importe de voir à ce qu'en matière de recherche, autant fondamentale qu'appliquée, on identifie clairement les besoins, les orientations et les projets et qu'on y affecte les budgets nécessaires, afin que l'on prévoie et que l'on travaille déjà à minimiser les impacts des changements climatiques actuels sur les activités agricoles. Ils sont déjà connus. Cette recherche sous-tendra nécessairement la recherche future qui va modéliser les impacts climatiques. C'est un projet du Plan du Canada sur les changements climatiques que de mieux modaliser et prévoir les impacts climatiques. Cette recherche doit s'appuyer sur des interventions régionalisées.
Le Canada ayant des régions assez vastes, par exemple l'Est, les Maritimes, le Centre ou l'Ouest, il est difficile d'avoir un modèle facilement adaptable en raison du caractère particulier des activités agricoles. De fait, une recherche bien ciblée et bien adaptée devrait aussi être régionalisée, et on parle de régionalisation à très petite échelle.
Je prends l'exemple du Québec, que je pourrais aussi appliquer au Nouveau-Brunswick, aux provinces Maritimes ou aux provinces de l'Ouest. Ce qui se passe dans le Bas-Saint-Laurent est très différent de ce qui se passe dans l'Outaouais en termes climatiques et en termes de caractéristiques biophysiques. C'est la même chose si on considère l'Estrie, la région de Sherbrooke, par opposition à l'Abitibi-Témiscamingue. Ce sont toutes des régions agricoles importantes, mais elles ont des caractéristiques différentes. Donc, les besoins en matière de recherche devront être très régionalisés.
Si on connaît mieux les caractéristiques régionales et les conséquences régionalisées des changements climatiques, il sera possible d'adapter de façon appropriée les pratiques agricoles pour réagir aux changements climatiques.
Par ailleurs, l'agriculture ne touche pas que quelques entreprises, mais un grand nombre de toutes petites unités de production. Malgré le discours qu'on peut entendre, il y a très peu de mégaentreprises agricoles au Canada et au Québec. Il y a de nombreuses entreprises de taille réduite, et ce sont des entreprises qui oeuvrent dans des milieux très diversifiés, très différents, dans des conditions environnementales très particulières et qui adoptent des systèmes de production très différents. Si on veut que les modèles de recherche et les résultats de recherche appliquée soient bien utilisés, on doit appuyer toutes les mesures de transfert technologique.
Évidemment, les agronomes sont très impliqués dans le transfert technologique, mais d'autres instances peuvent aussi être interpellées à cet égard, notamment et au premier chef ce qui est issu des travaux d'Agriculture Canada et ce qui se transmet des activités de recherche dans les universités.
Il y a aussi urgence à faire coïncider les différents objectifs environnementaux dans les projets de recherche et de transfert technologique.
Je vous donne un autre exemple, celui de la gestion des déjections animales. On lit que les lisiers, qui sont une composition liquide des fumiers, sont des produits qui contaminent très facilement les cours d'eau et qui ont un impact négatif sur l'environnement. Par contre, quand on travaille avec des fumiers solides, on constate que les déjections animales solides ont un impact beaucoup plus grand sur l'émission de gaz à effet de serre.
¿ (0925)
En conséquence, si on ne travaille que sur un aspect des choses, on risque d'avoir des solutions très parcellaires et plutôt inefficaces, d'où l'urgence de faire coïncider les différents travaux de recherche et les objectifs de recherche pour intégrer dans une même recommandation ou dans les mêmes orientations les travaux qui seront issus de la recherche et qui se transmettront dans les entreprises agricoles.
Enfin, en ce qui concerne certaines pratiques agricoles actuellement envisagées pour contribuer à la réduction des gaz à effet de serre, notamment en ce qui concerne la matière organique des sols qui peut permettre la séquestration de dioxyde de carbone, et donc de travailler comme des puits de carbone, et en ce qui concerne certaines activités plus spécifiques, comme l'orientation du développement des sources énergétiques telles que l'éthanol pour remplacer les carburants fossiles, il y a lieu, avant tout, de faire attention à ce que la solution ne soit pas aussi inefficace que le problème qu'on veut régler. L'éthanol interpelle la culture du maïs, qui est actuellement une culture problématique pour l'environnement. Si on souhaite transférer les sources énergétiques, il faudra voir à ce que la culture qu'on interpelle ne soit pas aussi problématique que le problème qu'on veut solutionner.
Deuxièmement, les séquestrations de CO2 interpellent au premier chef toutes les pratiques culturelles et agricoles. À cet égard, les pratiques qui permettent la séquestration au sol ou le rôle de puits de carbone au sol du CO2 sont appropriées jusque dans une certaine mesure. Au-delà d'un certain degré d'efficacité, cela occasionne des problèmes agronomiques et même environnementaux importants. C'est un autre exemple de l'importance de faire coïncider les projets de recherche et les objectifs de recherche et c'est une démonstration du fait que parfois, la solution peut être bonne à prime à bord, mais, à moyen terme, ne pas être plus efficace que le problème qu'on souhaite régler.
En conclusion, nous vous invitons à faire le maximum au niveau des travaux de recherche cohérents entre les divers objectifs recherchés pour améliorer l'environnement canadien, y compris les changements climatiques. Donc, il faut se parler et avoir des objectifs globaux plutôt que des objectifs sectoriels précis et miser sur l'activité professionnelle de nos forces vives, des gens qui ont la connaissance et les compétences nécessaires pour contribuer à rendre accessibles les informations et les résultats de recherche auprès des producteurs agricoles.
Voici maintenant un mot sur l'écoconditionnalité, qui est une mesure dont on discute actuellement au Québec pour arriver à valoriser les entreprises agricoles qui adoptent de bonnes pratiques agroenvironnementales et qui a un pendant coercitif pour décourager l'application de pratiques agricoles non acceptables pour l'environnement. Cette façon de faire les choses peut être appliquée au niveau de l'agriculture, mais aussi au niveau d'autres secteurs économiques. C'est peut-être une chose à envisager à une échelle plus grande que celle de l'agriculture.
Je vous remercie de votre attention. Je cède la parole à Marco Morin pour le mot de la fin.
Le président: Monsieur Morin, s'il vous plaît.
¿ (0930)
M. Marco Morin (président, Section de l'Outaouais, Ordre des agronomes du Québec): Pour compléter ce que Mme Bolduc disait, je dirai que ce qui est vraiment important pour nous, c'est de tenir compte du fait que l'agriculture n'est pas seulement un secteur économique, mais aussi un secteur qui a plusieurs impacts sur la société canadienne. Donc, l'approche multifonctionnelle de l'agriculture, tant au niveau social qu'économique et environnemental, doit être prise en compte dans les interventions qu'on peut ou qu'on doit faire au niveau des changements climatiques.
[Traduction]
Le président: Merci.
David.
M. David Anderson: Une des seules études que nous ayons pu trouver sur les coûts du protocole de Kyoto révèle que les coûts d'intrants des agriculteurs pourraient connaître une hausse allant jusqu'à 30 p. 100. Nous avons reçu la semaine dernière des bureaucrates du ministère de l'Agriculture, qui nous ont dit que les compagnies pétrolières et les autres sociétés productrices d'énergie ne seraient pas autorisées à refiler leurs coûts aux agriculteurs, mais nous pensons que c'est de la foutaise.
Vous avez décrit l'agriculture comme une activité socio-économique et vous avez parlé de multifonctionnalité. Si les coûts des intrants devaient augmenter à ce point, avec la baisse de revenu que cela entraînerait pour les agriculteurs, comment le secteur agricole pourrait-il s'en tirer, à votre avis? Pensez-vous que le gouvernement devrait soutenir encore davantage les agriculteurs?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Un point important doit être soulevé au sujet des intrants. On a beaucoup misé sur les intrants extérieurs et les intrants de synthèse pour gérer les activités agricoles. Il faudra dorénavant considérer en tout premier lieu les ressources disponibles sur les lieux pour maintenir la fertilité et la productivité d'une entreprise agricole. C'est ce qu'on appelle le retour à l'agronomie de base.
Dans une entreprise agricole, des rotations de cultures doivent être effectuées pour contrôler les ravageurs. On y trouve des résidus de cultures et des déjections animales qui, la plupart du temps, peuvent être récupérés pour fertiliser les sols et améliorer le rendement des cultures. Dans un premier temps, ces ressources, qui sont disponibles à la ferme et qui n'entraînent pas de coûts énormes, devraient être valorisées.
Par la suite, certains intrants continueront d'être nécessaires, et les rendements risquent de diminuer. C'est pour cette raison qu'on a fortement encouragé le gouvernement à considérer l'agriculture avant tout comme une activité socioéconomique.
Si le gouvernement devait intervenir de façon vraiment significative, il faudrait que ce soit pour soutenir les activités agricoles, non seulement en termes de cultures vivrières, mais aussi en termes de productions plus générales. Il faudrait aussi, jusqu'à un certain point, soutenir les exportations, étant donné que les produits agricoles canadiens sont de haut calibre et qu'ils sont en demande.
Il faudrait par la suite appuyer le maintien d'activités agricoles dans les communautés réparties sur le territoire. Cette perspective est riche de promesses du fait qu'elle permettrait le captage de gaz à effet de serre. C'est en effet la répartition des entreprises sur le territoire qui permettra que le captage des gaz à effet de serre soit plus efficace que la seule concentration des activités.
Enfin, pour répondre directement à la question, je dirai que l'intervention du gouvernement fédéral--je sais qu'il est crucial pour vous d'obtenir une réponse qui soit adaptée à chacune des régions du Québec, et on parle ici de provinces--devra être liée directement à la recherche. Le gouvernement fédéral dispose de moyens pour financer la recherche et a un devoir à l'égard de la recherche fondamentale, qui, en règle générale, ne permet pas aux entreprises privées de ce secteur de réaliser des profits importants.
En ce qui concerne le soutien à la production et aux activités, il faudrait voir à ce que la répartition sur le territoire soit adéquate; il faudrait donc s'assurer de cela lors du transfert de certains programmes aux provinces.
[Traduction]
M. David Anderson: Nous n'aurions aucune objection à ce que le gouvernement consacre de l'argent à la recherche. Je pense que nous trouvons tous cela important.
Vous dites qu'il faut revenir à l'agriculture de base, et à l'essentiel de ce que font les agriculteurs, mais les agriculteurs font déjà la plupart des choses dont vous avez parlé. Les milieux agricoles vont devoir réduire encore leurs émissions de 20 mégatonnes. D'après ce que nous avons entendu l'autre jour, personne ne va les féliciter pour ce qu'ils font déjà.
J'ai parcouru votre communiqué. Vous dites que vous vous attendez à une augmentation du nombre d'animaux, ce qui entraînera une hausse de 20 p. 100 d'ici 2010, alors que, d'après nos autres renseignements, les animaux contribuent justement à la majeure partie des problèmes que cause l'agriculture au Canada en ce qui concerne les gaz à effet de serre.
Je me demande donc, quand on met tout cela ensemble, comment vous pensez que nous pourrons réussir à atteindre les objectifs de façon réaliste, tout en assurant comme il se doit l'expansion de l'économie agricole.
¿ (0935)
[Français]
Mme Claire Bolduc: En ce qui a trait, plus spécifiquement, à la question des élevages, si on veut maintenir et augmenter la production agricole, comme on prévoit le faire en visant des objectifs très précis, notamment au Québec, on doit aborder la question des élevages et de l'industrie animale.
Or, on sait que l'industrie animale, grâce à des initiatives appropriées, par exemple l'utilisation de moulées multiphases chez les animaux monogastriques, en l'occurrence les porcs, et d'antibiotiques ionophores chez les ruminants, permet d'obtenir un rendement comparable chez les animaux tout en produisant moins d'émissions de gaz à effet de serre. On sait aussi que dans l'industrie laitière, entre autres, lorsqu'on favorise des animaux plus productifs, on peut obtenir le même quota...
[Traduction]
M. David Anderson: Excusez-moi. Mais il faut diminuer. On nous dit que nous ne pouvons pas maintenir le même rendement. Nous devons réduire nos émissions, en même temps que nous voulons prendre de l'expansion. Nous voulons prendre de l'expansion...
[Français]
Mme Claire Bolduc: En effet, certains travaux de recherche confirment qu'on peut maintenir le niveau de production actuel en diminuant de façon marquée la production de gaz à effet de serre, notamment au niveau du jeu qu'on fait dans l'alimentation animale et de la façon dont on travaille les fumiers et les lisiers. En intensifiant ces travaux de recherche, on peut même augmenter la production animale en continuant de diminuer l'émission de gaz à effet de serre, d'où l'importance de la recherche et de faire coïncider les différents objectifs de recherche.
Dans le cas qui nous intéresse particulièrement au niveau des élevages, quand la recherche portera sur l'alimentation animale, elle devra dorénavant s'occuper non seulement de la productivité, du maintien de la qualité de la production, du respect de la volonté du consommateur d'avoir des aliments sains qui n'ont pas été en contact avec des antibiotiques ou des implants d'hormones, mais également de la diminution des gaz à effet de serre. Les travaux de recherche actuels ont donné des signaux clairs à cet égard en ce qui a trait à l'alimentation, aux déjections animales, aux logements pour les animaux, aux différents types culturaux, aux différentes rotations de cultures qu'on peut favoriser pour soutenir les élevages, et qui vont en même temps jouer un rôle de captage.
Vous nous dites que les producteurs agricoles ont adopté ces méthodes. Ce sont les producteurs de pointe, les producteurs les plus performants ou les plus avant-gardistes qui les adoptent actuellement. Il faut faire en sorte que, très rapidement, l'ensemble des producteurs agricoles les adoptent aussi, ce qui est un plus grand défi, parce que le niveau de technicité ou le niveau intellectuel de la clientèle agricole n'est pas le même chez tous.
Généralement, quand les producteurs les plus innovateurs adoptent certaines méthodes, il peut s'écouler jusqu'à 20 ans avant que l'ensemble de la communauté agricole les adopte. Donc, l'accent doit être surtout mis sur le transfert technologique. J'insiste beaucoup sur les travaux de recherche parce que présentement, ils se déroulent un peu en silo. On travaille sur les changements climatiques, sur les déjections animales, sur la protection de l'eau, mais on ne travaille pas de façon concertée sur l'ensemble des aspects.
Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais si j'avais à dire au gouvernement canadien où investir, je lui dirais de faire en sorte, de façon prioritaire, que les chercheurs se parlent plus souvent .
¿ (0940)
[Traduction]
Le président: Merci.
M. David Anderson: Est-ce que mon temps est écoulé, monsieur le président?
Le président: Je voudrais préciser, à l'intention de nos témoins, que chaque membre du comité a un certain nombre de minutes pour dialoguer avec vous. Chacun a sept minutes au premier tour. Et vos réponses font partie de ces sept minutes.
Monsieur Loubier, êtes-vous prêt?
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Bolduc et monsieur Morin. J'ai une question à vous poser.
Vous parliez tout à l'heure de la production d'éthanol. Vous nous disiez qu'il fallait faire attention, parce qu'on a tendance à parler beaucoup de la production d'éthanol comme étant une solution qui s'inscrit dans une politique de développement durable et à dire que les pressions sur l'environnement par les produits pétroliers sont moins fortes lorsqu'on a un mélange essence-éthanol. Vous sembliez dire que les coûts pour l'environnement pourraient être plus élevés avec l'utilisation de l'éthanol.
C'est une question qui est controversée. Lorsqu'on a parlé d'investir dans l'usine de Varennes pour la transformation du maïs, il y avait deux écoles et la question n'a jamais pu être tranchée, sauf quand la décision a été prise d'investir.
Est-ce que l'Ordre des agronomes du Québec a une position claire là-dessus? Est-ce que vous êtes pour ou contre la production d'éthanol à partir du maïs? Le cas échéant, est-ce que vous favorisez la production d'éthanol à partir d'autres types de culture? Quelle est au juste votre position à cet égard?
Mme Claire Bolduc: L'Ordre des agronomes n'a jamais eu à se prononcer officiellement pour ou contre l'éthanol. Il est rare que notre organisme soit aussi direct, parce que la recherche évolue toujours.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement, le maïs est une culture qui requiert beaucoup d'énergie en termes de carburant fossile pour les travaux culturaux, ainsi qu'en termes d'investissements au niveau des fertilisants et des agents de protection de culture. Tous ces coûts-là mis ensemble sont supérieurs aux gains qu'on obtient.
Cela dit, la recherche pourrait peut-être permettre d'élaborer des pratiques culturales différentes qui permettraient de réduire de beaucoup les coûts environnementaux qu'on connaît actuellement. Le maïs est reconnu comme étant une culture dure sur les sols. C'est une culture qui doit faire l'objet d'une rotation de cultures très efficace. Là où le maïs est cultivé actuellement, ce n'est pas le cas. On sait aussi que si on veut faire de l'éthanol à grande échelle, il va falloir beaucoup de maïs.
Est-ce la culture la plus pertinente pour ce faire? J'ai abondamment lu sur les résidus de culture qui peuvent être récupérés pour faire de l'éthanol. Je pense aux strawboards, entre autres, à tous les résidus de paille, ou à certaines cultures comme le lin ou le chanvre, qui redevient du chanvre-textile ou du chanvre...
M. Yvan Loubier: Dans les champs à Saint-Hyacinthe.
Mme Claire Bolduc: Non, on s'entend sur le type de chanvre dont on parle. La connaissance actuelle est très limitée sur le potentiel de ces cultures, notamment sur celui du chanvre ou sur celui des céréales à courte paille. Il y a un intérêt pour les rotations qui est très différent de celui qu'on voit dans le cas du maïs. L'appel qu'on lance concernant l'utilisation du maïs pour la fabrication d'éthanol, est plutôt de dire qu'il ne faut pas trouver un remède qui soit pire que le mal. Il faut vraiment se donner les moyens d'analyser les points forts et les points faibles du système qu'on souhaite mettre en place. Selon la connaissance actuelle de la façon de cultiver le maïs, c'est très problématique. Pour l'heure, c'est le résultat que cela donne.
M. Yvan Loubier: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Le président: Paul.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Merci d'être venus ce matin.
Premièrement, je voudrais vous préciser que je suis agriculteur. Je suppose que vous êtes agronome?
Mme Claire Bolduc: Oui, en effet.
M. Paul Steckle: D'accord. Ce sera la prémisse de certaines de mes questions.
Pouvez-vous garder vos réponses courtes pour que nous puissions vous poser le plus de questions possible?
Premièrement, j'appuie Kyoto. Vous serez contents de le savoir.
Pouvez-vous me donner un bref résumé de votre vision de l'agriculture et de l'orientation que vous aimeriez lui voir prendre au cours des 20 prochaines années? Êtes-vous partisane de l'agriculture biologique? Êtes-vous de ceux qui croient que nous devrions réduire le nombre d'unités animales dans notre pays afin de réduire les gaz à effet de serre? Quel est le rapport avec les puits de carbone? Pouvez-vous m'expliquer cela rapidement? Où doit s'en aller l'agriculture, à votre avis?
Vous dites que nous devons écouter les gens. Nous sommes ici ce matin pour écouter ce que vous avez à dire.
Pouvez-vous nous décrire votre vision de l'agriculture, en particulier au Québec? Vous avez dit que le Saint-Laurent avait une influence sur les répercussions du réchauffement de la planète dans votre région. Dites-nous quelle est votre vision de l'agriculture pour cette région au cours des 20 prochaines années.
¿ (0945)
[Français]
Mme Claire Bolduc: Pour respecter les objectifs de Kyoto, l'agriculture au Québec devra modifier de façon assez importante sa structure fondamentale, d'abord au niveau des rotations de cultures.
Dans la plaine du Saint-Laurent, actuellement, on cultive beaucoup le maïs. C'est un aliment qui est largement utilisé dans l'alimentation animale et ce n'est pas la plante qui, en termes de captage de gaz à effet de serre, est la plus efficace, contrairement aux plantes pérennes. Donc, il y aura une modification assez importante des cultures au sol.
En ce qui concerne l'élevage, je pense qu'on conviendra tous qu'on va atteindre assez rapidement un maximum quant au nombre d'unités animales qu'on peut soutenir au Canada. Si on veut avoir des gains en matière d'agriculture, ce sera au niveau des produits spécifiques, des produits de niche, des produits qui répondent à des cahiers de charge précis, plutôt qu'à un grand niveau de production. Ce ne sera pas tant la quantité de production que la qualité de production qui va primer.
Par ailleurs, le paysage agricole va aussi changer. On parle de modifications structurelles des entreprises agricoles. Par exemple, dans la plaine du Saint-Laurent, dans la région de Saint-Hyacinthe, il y a peu d'arbres, peu de bandes de haies brise-vent et peu de bandes riveraines de cultures herbagères permanentes pour protéger les cours d'eau, qui sont tous potentiellement des structures de captage de gaz à effet de serre.
Enfin, la répartition des activités agricoles sur le territoire m'apparaît une nécessité. À l'heure actuelle, des territoires comme l'Abitibi-Témiscamingue ou le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, au Québec, ainsi que le nord-est ontarien, sont des territoires qui ont de bons potentiels agricoles et qui sont sous-utilisés pour pratiquer des activités agricoles qui vont utiliser des plantes pérennes, des plantes de fourrage, par exemple, qui vont permettre un meilleur captage des gaz à effet de serre.
J'entrevois une bonne transformation de la production agricole au cours des 20 prochaines années. Au Canada, on est habitué à avoir une belle production, une production de qualité, et c'est là-dessus, plus que sur l'augmentation de la production, qu'on devra miser pour atteindre les objectifs d'exportation agricole.
[Traduction]
M. Paul Steckle: Vous m'avez donné une assez bonne idée de ce que vous entrevoyez pour l'avenir.
Mais pour ce qui est de votre dernier commentaire sur les moyens d'atteindre les objectifs d'exportation, si je comprends bien votre vision de ce qui va se passer dans 20 ans, je me demande comment vous allez répondre à la demande d'exportation. Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut plus de plantes et plus d'arbres dans notre pays. Je suis de votre avis. Je suis d'accord avec vous sur bien des points. Mais je ne vois vraiment pas comment le climat social peut avoir préséance sur l'économie. Si l'économie n'est pas favorable aux agriculteurs et si les agriculteurs ne peuvent pas tirer un bénéfice de leur travail, les gens ne resteront pas sur les fermes.
Dans la production d'unités animales, quelle que soit la qualité du produit... Nous avons déjà un produit de qualité. Comment pouvons-nous soutenir la concurrence sur le marché mondial alors qu'il est possible d'acheter à l'étranger, à moindre coût, des produits que bien des gens jugent équivalents aux nôtres? Si nous devons produire un produit de meilleure qualité, mais en moins grande quantité, comment pourrons-nous convaincre les consommateurs canadiens qu'il est préférable de manger un produit canadien plus cher qu'un produit de qualité égale provenant d'un autre pays? Comment rationalisez-vous tout cela? L'agriculture doit quand même être rentable, puisque c'est la raison d'être des entreprises agricoles.
[Français]
Mme Claire Bolduc: Et c'est là qu'intervient l'activité socioéconomique.
¿ (0950)
C'est un choix social du gouvernement que de soutenir les activités agricoles. Ça doit l'être et ça l'est actuellement. La façon dont les gouvernements interviennent au niveau des activités agricoles est directement liée au fait d'assurer aux populations ce qu'on appelle la sécurité alimentaire, non pas en termes de qualité des aliments, mais en termes de garanties des approvisionnements. Cela devra aussi être un choix du gouvernement, et il faudra que ce choix de soutenir notre agriculture pour plusieurs raisons, notamment les questions sociales dont on parlait plus tôt, soit clairement explicité et exprimé aux consommateurs. On sait qu'une subvention à l'agriculture s'adresse à un producteur ou à un groupe de producteurs, mais que les effets touchent l'ensemble de la population. Au premier chef, les interventions des gouvernements devront soutenir les activités agricoles et faire en sorte que, si le produit n'est pas plus cher pour le consommateur, ce ne soit pas aux producteurs agricoles de payer la note.
À cet égard, notre position est clairement établie depuis quelques années: les produits canadiens, québécois et ontariens devraient être priorisés sur les tables canadiennes. C'est un choix de société. On ratifie le protocole de Kyoto. C'est un choix qui devrait être cohérent avec d'autres choix, dont ceux de soutenir l'agriculture, de prioriser l'injection d'argent à la ferme ou à la production et de favoriser la consommation canadienne.
Pour terminer, en matière d'exportation, il faudrait peut-être prioriser les activités d'exportation qui touchent les produits transformés, les produits à valeur ajoutée, plutôt que la quantité d'exportations, ce qui est aussi une mesure gagnante pour nos producteurs d'ici. Partons de la qualité, de la valeur ajoutée. Misons là-dessus d'abord et avant tout.
Est-ce que ça répond à votre question?
[Traduction]
Le président: Merci, madame.
J'ai toujours eu le même problème à l'université. On me demandait une dissertation de 1 000 mots, et j'avais tendance à en écrire 2 000. Et ensuite, on me disait de couper. Nous devons donc essayer d'être un peu plus concis.
Dick.
[Français]
M. Dick Proctor: Merci beaucoup pour votre présentation.
Dans votre réponse à la question de M. Loubier, vous avez parlé d'un problème potentiel quant à l'éthanol produit à partir du maïs. En Saskatchewan, nous avons introduit pour la première fois de l'éthanol produit à partir du blé. La Saskatchewan détient près de 50 p. 100 des terres agricoles au Canada.
Pensez-vous que l'éthanol produit à partir du blé pourrait poser les mêmes problèmes que l'éthanol produit à partir du maïs?
[Traduction]
M. Yvan Loubier: Votre français est très bon.
[Français]
M. Dick Proctor: Merci.
Mme Claire Bolduc: Le blé est une plante qui a un système différent et une vie différente. Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que si vous avez plus de 50 p. 100 d'une superficie consacrée à une seule culture, vous ne vous laissez pas de place pour la rotation des cultures, qui permet, à moyen terme, d'avoir des sols renouvelés, des sols qui font un bon travail. C'est à ce niveau qu'il vous faudra être attentifs dans votre production de blé pour alimenter une usine d'éthanol.
Tout réside dans la rotation des cultures et dans l'équilibre des différentes cultures. Le blé est aussi une culture annuelle et non pas une culture pérenne. Donc, en matière de captage de CO2, il a peut-être un effet moins important qu'une culture pérenne.
M. Dick Proctor: Je comprends qu'il existe une possibilité supplémentaire de séquestration du dioxyde de carbone avec l'éthanol,
[Traduction]
... mais les agriculteurs se regroupent autour des usines d'éthanol pour faire de l'élevage, de manière à profiter du brassin provenant de la production d'éthanol pour nourrir leurs bêtes. C'est donc un aspect de la question. Il y a aussi le dioxyde de carbone qu'il est possible de capter, tout comme l'éthanol, évidemment, Donc, il me semble qu'il pourrait y avoir de nombreux avantages à produire de l'éthanol à partir du blé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
¿ (0955)
[Français]
Mme Claire Bolduc: Effectivement, plusieurs cultures présentent un bon potentiel pour la production d'éthanol. Le défi consiste à maintenir un équilibre dans ces différentes cultures et dans ces différents produits qui seront amenés aux différentes usines de transformation. En matière d'agriculture, tout repose sur l'équilibre qu'on assure entre les différentes cultures, entre les rotations de cultures, entre les cultures et les élevages, entre les besoins des élevages, ce qu'on apporte et ce qu'on produit. Tout est question d'équilibre.
Je pense qu'il y a là de l'avenir, qu'il y a là quelque chose d'intéressant. Il faudra s'assurer que les orientations qu'on donnera ne soient pas à sens unique mais multidirectionnelles pour que cette équilibre soit maintenu. L'agriculture est l'activité naturelle la moins naturelle qu'on connaisse.
[Traduction]
Le président: Merci, Dick.
Rose-Marie.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président. C'était un exposé très intéressant.
J'ai trouvé cela intéressant, sauf que—mais j'ai peut-être mal compris le sens de vos propos—ce qui se dégage de votre exposé,il me semble, quand vous parlez de marchés de niche et de campagnes aux paysages magnifiques, c'est un univers utopique plein de gîtes touristiques, mais où il n'y a pas assez d'argent pour permettre aux gens de survivre dans vos paysages bucoliques. Vous répétez constamment que l'agriculture est davantage une activité sociale qu'une entreprise économique. Ce n'est pas le cas en Ontario. C'est peut-être différent au Québec; je ne sais pas.
Quand les agriculteurs de ma région vont lire le compte rendu de la séance d'aujourd'hui—ce qu'ils vont sûrement faire, parce qu'ils sont très au courant de tout ce qui se passe—, je pense qu'ils vont être très surpris. De toute évidence, vous n'appuyez pas les grandes entreprises agricoles. Vous êtes d'avis que ce sont les grands responsables des problèmes de l'agriculture. C'est bien ce que vous dites?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Les entreprises agricoles de dimensions plus importantes ont répondu à des impératifs qu'on leur avait imposés. On ne dit pas qu'elles sont plus coupables, parce que ce sont souvent des gens qui se sont donné des moyens d'être plus actifs au niveau de l'introduction de nouvelles technologies. Mais il faut faire attention: la grosseur des entreprises fait en sorte que les activités se concentrent, et cela souvent sur des territoires restreints. C'est là-dessus que j'attire votre attention, plutôt que sur la grosseur de l'entreprise en tant que telle.
[Traduction]
Mme Rose-Marie Ur: Mais vous ne pensez pas que les agriculteurs sont les meilleurs gardiens de nos campagnes? Ils étaient là bien avant que nous commencions à parler de Kyoto. C'est là non seulement qu'ils travaillent, mais aussi qu'ils habitent. C'est là que leurs familles vivent, ce qui fait qu'ils sont extrêmement conscients des questions d'environnement.
Je trouve intéressant de vous entendre dire que l'agriculture est surtout une activité sociale. Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions promouvoir cette vision auprès des consommateurs canadiens, à savoir que le gouvernement devrait soutenir surtout l'aspect social des activités agricoles parce qu'il n'y aurait pas de place pour l'économie dans votre monde. Je ne suis pas certaine que ce soit une approche vendable au Canada. Beaucoup de consommateurs trouvent que les agriculteurs sont déjà trop subventionnés. Je ne suis pas de cet avis-là, mais il y a des gens qui le pensent.
[Français]
Mme Claire Bolduc: Les consommateurs se sont dissociés de ce qui se passait au niveau de l'agriculture. On parle là d'un phénomène qui a débuté il y a 40 ans. Ils ont redécouvert les activités agricoles il y a moins de 10 ans. Actuellement, ils manifestent énormément d'inquiétude face à ce qui se passe en agriculture. Ils posent des questions sur des points parcellaires de l'activité agricole et ils oublient de faire une lecture globale. Le consommateur devrait se réapproprier l'activité agricole dans son entièreté, ce qu'il a perdu de vue.
Quant au concept de la multifonctionnalité ou des divers rôles que joue l'agriculture, ce n'est pas un concept nouveau; c'est même un concept très étendu en Europe. Des pays comme la Suisse ont mis cela en application de concert avec leurs consommateurs. La France développe aussi ce genre de modèle d'intervention pour assurer, d'une part, l'occupation du territoire et aussi pour assurer, d'autre part, la vitalité de communautés rurales. C'est un modèle dont on peut trouver des exemples outre-frontières et qui peut être suivi ici avec succès.
Pour ce qui est des consommateurs, je suis d'accord avec vous que l'agriculture n'est pas trop subventionnée, compte tenu de ce qu'on exige des produits agricoles ici, au Canada.
À (1000)
[Traduction]
Mme Rose-Marie Ur: Est-ce qu'il me reste du temps?
Je suis une fervente partisane de l'éthanol, et j'ai vraiment tiqué en vous entendant dire que vous n'appuyez pas sans réserve la production d'éthanol à partir du maïs. Il y a une usine d'éthanol de maïs voisine de ma circonscription, et je suis très fière de dire qu'elle est là et qu'elle fonctionne bien.
Vous dites que cela pose des problèmes. Il y a des problèmes quand on procure de nouveaux avantages à la communauté agricole, mais je pense qu'il y a vraiment très peu d'inconvénients comparativement aux avantages de l'éthanol de maïs. Dire que le maïs n'est pas une culture intéressante pour le secteur agricole... Vous avez dit que l'Ontario avait un excellent potentiel agricole. Eh bien, je vous invite à venir en Ontario quand vous voudrez. J'aimerais bien vous amener faire une tournée. L'agriculture est très dynamique en Ontario et se porte très, très bien.
Mais pour ce qui est de l'éthanol de maïs, et de certains renseignements dont vous semblez disposer, j'aimerais bien vous faire part un jour des renseignements dont je dispose sur cette question pour avoir vos commentaires là-dessus.
[Français]
Mme Claire Bolduc: J'accepte votre invitation. Je suis moi-même productrice agricole, et mon université de référence, compte tenu de la production que je pratique, est l'Université de Guelph. Je connais donc très bien l'agriculture ontarienne. On a des échanges très fructueux avec le nord-est ontarien, avec Kapuskasing et ainsi de suite. Mais j'accepte votre invitation.
Ma mise en garde concernant la culture du maïs porte sur les pratiques actuelles de culture du maïs, qui sont reconnues comme étant potentiellement problématiques au niveau environnemental. Quand on cherche à solutionner un problème, on tente de faire en sorte que le remède ne soit pas pire que le mal qu'on veut traiter.
Cela dit, j'irai visiter avec plaisir l'usine de votre comté et je pourrai vous donner des commentaires, mais je ne me contenterai pas de visiter l'usine. J'irai aussi aux champs pour voir comment on produit le maïs. Pour moi, le problème n'est pas dans l'usine, mais aux champs, et c'est là qu'il faudra voir à modifier les pratiques culturelles de façon importante pour diminuer ou atténuer tous ces problèmes.
[Traduction]
Mme Rose-Marie Ur: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Claire Bolduc: D'accord.
Le président: Merci, Rose-Marie.
Rick, le temps est venu.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président
Vous avez employé le terme «multifonctionnalité». La prémisse que vous avancez, ou du moins la philosophie que vous préconisez, n'est pas nouvelle. Comme vous l'avez dit, la multifonctionnalité est un mode de vie en France et dans d'autres pays de l'Union européenne. C'est un modèle selon lequel les écosystèmes, l'environnement et l'agriculture sont considérés, comme vous le dites, sur le plan socio-économique plutôt que sur le plan strictement économique.
J'ai quelques questions simples à vous poser. Premièrement, est-ce que j'ai bien compris? Vous avez commencé votre exposé en disant que l'objectif premier de l'agriculture n'est pas de faire des profits, mais de produire de la nourriture pour que la population puisse manger. C'est bien ce que vous avez dit?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Effectivement, c'est bien ce que j'ai dit. Le premier objectif n'est pas de rentabiliser une unité de production, mais de produire des aliments de qualité. On a demandé aux producteurs agricoles de rentabiliser leur unité de production, et ils ont mis en place des modes de production qui sont actuellement contestés par les consommateurs. Donc, j'ai effectivement dit qu'on devrait prioriser la production d'aliments de qualité plutôt que la rentabilité des unités de production.
À (1005)
[Traduction]
M. Rick Borotsik: D'accord. Il doit aussi y avoir une question de contribution sociale, ou de contribution de société, et c'est là qu'intervient la multifonctionnalité. Savez-vous qu'actuellement, environ 50 p. 100 des budgets des pays de l'Union européenne sont consacrés aux subventions agricoles pour permettre aux petits agriculteurs, qui ne sont généralement pas efficients, de rester sur leurs fermes et de produire ce que vous appelez des aliments de qualité? Voulez-vous suggérer que notre société, qu'il s'agisse du gouvernement québécois ou du gouvernement fédéral, envisage de verser des subventions de ce genre à l'agriculture afin d'appliquer votre modèle?
[Français]
Mme Claire Bolduc: C'est effectivement le genre d'intervention que les gouvernements devraient prioriser. C'est un choix social important, un choix qui doit interpeller au premier degré les consommateurs. C'est un choix que les gouvernements, à notre avis, devraient mettre de l'avant. C'est un choix qui a été fait. La Suisse, notamment, maintient des unités de production non rentables dans certaines zones pour assurer la vitalité de ces régions. On le fait aussi en France, dans certaines régions. Le soutien de l'agriculture est aussi le soutien de...
[Traduction]
M. Rick Borotsik: Je dois vous interrompre. Voulez-vous dire que le gouvernement devrait verser des subventions plutôt que de laisser les consommateurs assumer les coûts? Pensez-vous que les consommateurs seraient prêts à supporter ces coûts pour les produits qui proviendraient de ces fermes peu efficientes?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Que ce soit payé par le gouvernement ou les consommateurs, ça vient de la même poche, des mêmes fonds publics. C'est le gouvernement qui fait le choix d'investir dans un secteur plutôt que dans d'autres. À ce niveau-là, au moment de l'investissement, il s'assure d'avoir l'appui des différents consommateurs pour faire ces choix.
[Traduction]
M. Rick Borotsik: J'ai deux questions à vous poser.
Premièrement, y a-t-il une place dans votre modèle pour une ferme de 10 000 acres?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Oui, mais la ferme de 10 000 acres recevra beaucoup moins d'aide à l'agriculture qu'une ferme de plus petite dimension. On modélise le soutien financier en fonction de la grosseur de l'entreprise. Cela se fait déjà au Québec, d'ailleurs.
[Traduction]
M. Rick Borotsik: Vous avez parlé de l'éthanol, et il y a eu tout un débat quant à savoir s'il est vraiment avantageux de produire de l'éthanol à partir du maïs ou du blé. Il se fait actuellement de la recherche et développement—dont vous avez fait l'éloge—sur la production d'éthanol à partir de la biomasse, que ce soit de la paille, de la pulpe de bois ou de la fibre de bois. En tant qu'agronome, pensez-vous que ce type de production d'éthanol soit plus avantageux, par opposition à l'utilisation de maïs ou de blé?
[Français]
Mme Claire Bolduc: Ce qui est problématique quand on favorise uniquement le maïs, c'est qu'on se concentre sur un seul type de production et qu'on élimine la diversité. Si on interpelle plusieurs sources de fibres pour produire l'éthanol, on récupère la diversité qui est nécessaire au maintien d'écosystèmes équilibrés.
[Traduction]
M. Rick Borotsik: Donc, vous êtes en faveur de la production d'éthanol à partir de la biomasse.
[Français]
Mme Claire Bolduc: Oui.
[Traduction]
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Rick.
Claude.
[Français]
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Madame Bolduc, soyez la bienvenue. Je sais qu'en tant qu'agronome, vous avez un effet sur l'agriculture, mais je suis certain que vous avez aussi un effet sur le français. Je ne savais pas que mon ami Rick avait un aussi bon français.
Vous avez parlé de concertation, et il y a une chose que je connais mal. Pour les agronomes, au Québec, il y a une loi. Est-ce qu'il y a une pareille loi dans toutes les provinces? Est-ce qu'il y a une association canadienne? Est-ce que les agronomes canadiens ont un ensemble de concertation?
Mme Claire Bolduc: La Loi sur les agronomes est unique au Québec et elle relève d'une loi-cadre qui s'appelle le Code des professions. L'Ontario n'a pas de loi spécifique, mais dans toutes les autres provinces, il existe soit une loi, soit un décret. En Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, il y a des instituts agricoles.
M. Claude Duplain: Est-ce qu'il y a concertation entre les agronomes canadiens?
Mme Claire Bolduc: Actuellement, tous les instituts sont regroupés au sein de l'Institut agricole du Canada, sauf l'Ordre des agronomes, qui n'est pas formellement membre de l'Institut agricole, mais qui contribue à plusieurs des travaux de l'Institut agricole du Canada.
M. Claude Duplain: Ce dont vous nous parlez ce matin constitue-t-il une ligne de pensée de l'Ordre des agronomes du Québec ou une ligne de pensée pancanadienne?
Mme Claire Bolduc: C'est une ligne de pensée de l'Ordre des agronomes du Québec.
À (1010)
M. Claude Duplain: D'accord. On a parlé de multifonctionnalité. On sait que les Américains et une partie des Canadiens sont opposés à la multifonctionnalité par rapport aux négociations de l'OMC. C'est un beau concept, mais il ne rallie pas tous les producteurs et toutes les productions et tous les pays. Comment la multifonctionnalité pourra-t-elle nous aider à atteindre les objectifs de Kyoto si ce ne sont pas tous les pays qui la reconnaissent?
Mme Claire Bolduc: Déjà, les États-Unis ont affirmé qu'ils ne ratifiaient pas le protocole de Kyoto. C'est déjà un problème.
Si des pays comme le Canada, qui peuvent jouer un rôle de leadership au niveau mondial, n'affichent pas des couleurs claires en matière agricole, il sera difficile de faire changer les mentalités. Au Québec, on a appuyé le principe de la multifonctionnalité et le principe d'activités socioéconomiques associées à l'agriculture. C'est une approche qui est nettement plus européenne que nord-américaine, et on en est conscients. On est aussi conscients qu'il sera difficile d'imputer ces changements à tous.
M. Claude Duplain: J'ai plusieurs autres questions.
Il y a une chose qui ressort de notre conversation de ce matin qui est extrêmement intéressante, mais que je trouve particulièrement inquiétante. Vous parlez de concertation et de toutes sortes de choses, par exemple de l'éthanol. Les oreilles de mes confrères chauffent quand ils entendent parler du maïs. Tout à l'heure, vous avez dit qu'on pouvait donner des antibiotiques aux bovins pour contraindre le CO2. J'entends parler tous les jours des antibiotiques qu'on donne aux animaux. On dit qu'on n'aime pas ça. J'ai l'impression qu'on essaie de créer quelque chose...
Mme Claire Bolduc: Vous avez parfaitement raison. Ce ne sont pas des antibiotiques, mais des ionophores, des ions que l'on donne aux animaux, qui contrôlent, dans le rumen, les populations de bactéries et de protozoaires. Les ionophores favorisent certaines populations au détriment d'autres. C'est comme le sel dans notre alimentation à nous.
M. Claude Duplain: Vous avez beaucoup parlé de recherche. Je vous avoue que j'y crois beaucoup. Depuis que je suis ici, j'ai appris qu'anciennement, on consacrait beaucoup d'argent à la recherche au Canada, mais qu'on s'en est dissocié un peu et que la recherche est devenue davantage privée. Donc, le gouvernement a diminué sa recherche, et la recherche est maintenant davantage centrée sur ce que les compagnies veulent faire et est peut-être moins accessible aux agriculteurs.
Avez-vous fait des études sur la quantité de recherche qui devrait être faite et sur les sommes qu'on devrait y affecter?
Mme Claire Bolduc: En termes de budget total?
M. Claude Duplain: Oui.
Mme Claire Bolduc: Le plus serait le mieux. Je vous dirai qu'en termes de proportion, la recherche fondamentale, par exemple celle sur les protozoaires et les bactéries dans le rumen qui favorisent ou non l'émission de gaz à effet de serre, est non rentable pour les entreprises privées. Les entreprises qui font de la recherche en alimentation animale travaillent plutôt à trouver la meilleure moulée ou des produits à ajouter aux moulées qui vont améliorer le rendement carcasse ou le rendement laitier des animaux. Elles ne font pas d'interventions sur ce qui fondamental, par exemple la microflore ou la microfaune du rumen. Cette recherche devrait être faite en priorité par le gouvernement. Il s'agit de recherche non payante, qui est nécessaire à l'évolution des connaissances et que les entreprises privées laissent de côté. C'est la même chose dans le cas de la recherche et de la validation des pesticides, ou de la recherche sur les modes d'utilisation des déjections animales. Aucune entreprise ne fait de recherche sur les déjections animales, car ce n'est pas payant.
Donc, les entreprises privées font de la recherche quand c'est payant parce qu'elles vont en retirer un bénéfice. Beaucoup de secteurs de recherche, au niveau de l'agroalimentaire, sont laissés de côté.
On revoit l'importance de cela: déjections animales et gaz à effet de serre; déjections animales et protection des cours d'eau; alimentation et physiologie animales; alimentation plus efficace et diminution des gaz à effet de serre. Plusieurs exemples peuvent être donnés.
Le président: C'est très difficile.
[Traduction]
Notre programme de ce matin prévoyait la comparution de deux groupes de témoins. Madame Bolduc et monsieur Morin, si vous voulez rester avec nous—à moins que vous ayez autre chose à faire—, nous aurons peut-être d'autres questions à vous poser.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue à M. McBean, de l'Université Western Ontario. Il est professeur là-bas et y occupe la chaire de recherche sur les politiques de l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques. Nous savons que vous avez un horaire très serré. Je vois que vous avez trois ou quatre réunions ce matin. Vous semblez presque faire concurrence à certains d'entre nous pour ce qui est de votre emploi du temps.
Avant votre arrivée, nous avons parlé des changements climatiques, qui feront l'objet d'une autre étude du comité. Nous voudrons sans aucun doute vous convoquer de nouveau. Je sais que vous devez partir à 10 h 45 pour une réunion à 11 heures. Nous entendrons donc tout de suite votre exposé.
J'espère que les membres du comité vont se montrer compréhensifs, mais je ne vois pas trop comment nous allons pouvoir vous poser des questions. Il serait peut-être préférable que chaque membre soumette ses questions par écrit à la présidence. Je vais les parcourir et voir si nous pourrions poser quelques questions concises. Nous n'avons tout simplement pas assez de temps pour des rondes de cinq ou sept minutes.
Bienvenue, monsieur McBean.
À (1015)
M. Gordon McBean (professeur et chaire de recherche sur les politiques, Institut de prévention des sinistres catastrophiques, Université Western Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de venir vous parler. Comme vous l'avez souligné, je suis professeur à l'Université Western Ontario, mais je suis ici également à titre de président du conseil d'administration de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère. Je suis en compagnie de Dawn Conway, qui est directrice exécutive de la fondation.
À la fondation et à mon institut, à l'Université Western Ontario, nous sommes très préoccupés par les changements climatiques. Nous nous intéressons à la question et nous avons entrepris des activités de recherche à ce sujet, tout en reconnaissant que c'est une question qui chevauchera plusieurs décennies. Le Parlement a maintenant ratifié le protocole de Kyoto, mais nous sommes conscients du fait qu'il y aura d'importants changements climatiques dans les années à venir et que les Canadiens de tous les milieux devront s'y adapter.
Le secteur agricole est un de ceux qui seront particulièrement touchés au Canada. Il y aura à cet égard des occasions à saisir et des défis à relever. Avec le réchauffement du climat, il pourrait être possible de faire certaines choses qui sont impossibles actuellement. De façon générale, les scientifiques prédisent des épisodes de précipitations plus intenses et une plus forte probabilité de périodes de sécheresse au cours des prochaines décennies. Dans les deux cas, cela causera des difficultés pour la communauté agricole, mais cela ouvrira également des perspectives jusqu'à un certain point.
Vous avez parlé des accords tarifaires internationaux. Or, l'agriculture est dans une large mesure une activité internationale. Nous devons toujours garder à l'esprit non seulement les répercussions des changements climatiques sur l'agriculture canadienne, mais également leurs conséquences pour les activités agricoles correspondantes dans les autres pays, de même que les secteurs qui sont plus ou moins rentables pour nous, ou du moins ceux où notre position concurrentielle change.
J'étudie le climat depuis plus de 30 ans. J'ai eu l'occasion de parler de cette question à quelques reprises récemment. J'ai toujours pensé que nous avions assez de données scientifiques pour justifier les décisions prises par exemple au sujet du protocole de Kyoto. Mais il s'agit de considérations d'ordre planétaire. Nous comprenons les répercussions mondiales de l'aggravation de l'effet de serre. Nous avons cependant moins d'information et moins de compétence pour faire des prédictions détaillées sur les changements dans une région donnée. J'habite maintenant dans le sud-ouest de l'Ontario, mais j'ai grandi dans la région de Vancouver. Mon père a été élevé sur une ferme laitière à Chilliwack, et mes deux parents sont nés sur une ferme, dans les Prairies. J'ai donc en quelque sorte un intérêt familial et personnel pour la communauté agricole de notre pays.
Je me fais poser des questions par des gens comme Don McCabe, de l'association des producteurs de maïs, que je rencontre régulièrement dans des réunions, il me semble. Ces gens-là me demandent par exemple: «Que pouvez-vous me dire sur les changements dans le régime de précipitations pour ma région agricole, dans le sud-ouest de l'Ontario? Est-ce que le nombre de phénomènes météorologiques extrêmes sera beaucoup plus élevé,ou un peu plus élevé? Quels seront les changements sur le plan géographique?» Les spécialistes de la climatologie ne sont pas encore en mesure de répondre à ces questions avec le degré de précision dont les agriculteurs et les autres auraient besoin, au Canada, pour comprendre parfaitement quelles seraient les stratégies d'adaptation appropriées.
Est-ce qu'il va vraiment faire assez chaud? Est-ce que les saisons vont vraiment changer suffisamment pour qu'il soit possible de pratiquer l'agriculture dans la région de New Liskeard—où ma fille habite actuellement—ou dans celle de Peace River? Est-ce que la saison de culture va vraiment être assez longue? Elle sera certainement plus longue, mais à quel point? Est-ce que cela nous permettra d'adopter de nouvelles cultures, et lesquelles?
Une des choses dont je veux vous parler aujourd'hui découle jusqu'à un certain point de l'exposé que j'ai présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, qui est présidé par ma députée, Sue Barnes.
Je pense que la recherche sur le climat a encore besoin du soutien de la communauté canadienne.
Je voudrais seulement commenter certaines des études qu'a entreprises la Fondation canadiennes pour les sciences du climat et de l'atmosphère.
Cette fondation a été créée par une société scientifique canadienne, la Société canadienne de météorologie et d'océanographie, afin de soutenir la recherche universitaire dans tout le pays.
À (1020)
À la suite du Budget 2000, elle a reçu 60 millions de dollars à dépenser au rythme d'environ 10 millions par année sur une période de six ans. Nous sommes déjà rendus à mi-chemin.
Nous avons diverses réalisations à notre actif. Nous avons mis en place un certain nombre de projets de recherche dans des universités canadiennes, par exemple à l'Université de Lethbridge, à l'Université de Toronto, à l'Université de Guelph, à l'Université Laval et à l'Université du Nouveau-Brunswick. Il y a actuellement 76 projets en cours. Ils ne portent pas tous—ni même en majorité—expressément sur l'agriculture et les intérêts connexes dans le secteur forestier, mais il y en a 14 qui s'y rattachent. Certains de ces projets visent à mieux comprendre les émissions de gaz à effet de serre par les terres et les cultures agricoles, ainsi que des questions comme les changements dans les phénomènes météorologiques extrêmes et leurs répercussions sur les activités agricoles.
Nous travaillons avec un certain nombre de partenaires. Le ministère fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire avait un représentant à notre conseil d'administration, mais il est parti par suite de la rotation des membres du conseil. Trois membres au niveau fédéral sont nommés sur recommandation du ministre fédéral de l'Environnement. Nous avons également des membres de la communauté agricole qui siègent à notre comité d'examen des subventions, chargé d'étudier les propositions.
Je voudrais souligner que notre organisme n'a que quelques années, comme je l'ai déjà dit, mais que nous avons mis à contribution à peu près les deux tiers de notre budget. Nous avons consacré environ 40 millions de dollars à des projets de recherche de haute qualité, qui devraient à notre avis contribuer à changer les choses au Canada. Nous avons pris la parole devant des comités comme le vôtre, et d'autres du même genre, au sujet de la possibilité que le gouvernement fédéral nous accorde un soutien accru.
Je ne vous décrirai pas nos projets en détail. Nous avons un numéro spécial du bulletin de notre fondation, qui n'est pas très long et que nous pourrons vous faire parvenir. Vous y trouverez de l'information à ce sujet-là.
Pour les projets que nous soutenons, nous insistons beaucoup sur plusieurs éléments. En particulier, ce ne sont pas des projets de recherche permanents et indéfinis. Ce sont des projets qui ont un commencement et une fin. En définitive, ils visent à fournir de l'information de recherche directement liée aux besoins des gouvernements—en particulier le gouvernement fédéral, mais aussi d'autres gouvernements—en matière de politiques et de services, ou du moins à notre perception de ces besoins.
Nous nous attachons également à développer les capacités à long terme de la communauté scientifique canadienne. À l'heure actuelle, environ 60 p. 100 des fonds que nous versons vont à des étudiants des deuxième et troisième cycles et à des boursiers de recherches post-doctorales afin de former la prochaine génération de scientifiques canadiens.
Nous mettons aussi l'accent sur les partenariats, ce qui a permis, dans nos principaux réseaux, de doubler le financement dont nous disposons et même plus. Nos gens travaillent dans une large mesure avec les organismes gouvernementaux fédéraux et le secteur privé—pas encore avec des sociétés agricoles, il me semble, mais il y a un certain nombre de compagnies forestières qui participent à nos travaux sur les écosystèmes forestiers et le rôle de l'exploitation forestière. Il y aussi d'autres gens du secteur privé en cause. Nous travaillons avec BIOCAP, dont vous avez peut-être entendu parler et qui étudie la séquestration du carbone dans les sols.
Compte tenu du temps dont nous disposons, je me contenterai de vous dire que nous voulions attirer l'attention de votre comité sur cette fondation et sur le travail qu'elle accomplit. Nous espérons que le comité conviendra que ce genre de recherche est importante. Nous avons besoin de recherche plus approfondie afin de planifier des stratégies d'adaptation pour les Canadiens au cours des décennies à venir. C'est malheureux, mais les activités humaines ont donné, collectivement, une impulsion au système climatique. Il faudra des décennies avant que les effets de l'accord de Kyoto et des autres accords qui pourraient suivre se fassent sentir sur notre planète, mais nous devons savoir—et je pense que la communauté agricole doit le savoir aussi—avec plus de certitude comment ces changements vont se produire, en ce qui concerne plus précisément le climat dans chaque région. C'est le genre de recherche sur laquelle nous nous concentrons, et nous effectuons aussi certaines études sur le rôle que la communauté agricole sera appelée à jouer dans les accords actuels et futurs concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais ce qui nous intéresse dans toute cette affaire, c'est vraiment de savoir comment recueillir les données scientifiques nécessaires pour les stratégies d'adaptation de l'avenir.
À (1025)
J'invite maintenant les membres du comité à me poser leurs questions. Compte tenu de votre horaire serré, et de celui de tous les autres, je vais terminer mon exposé ici. Merci beaucoup.
Le président: Combien y en a-t-il parmi vous qui veulent intervenir? Dick, vous vouliez poser des questions vous aussi?
Je vais commencer par Rose-Marie. L'élément le plus frustrant que nous semblons être en train de découvrir, c'est qu'il y a des changements, mais que ces changements sont souvent très spécifiques; ils ne sont pas généralisés. Par exemple, si vous parlez à des gens de la Saskatchewan, ils vous diront par exemple que la saison de culture a été plutôt bonne vingt milles plus loin, mais que là où ils se trouvent, du côté sud ou du côté nord de telle ou telle route, c'était entièrement différent. Est-ce qu'il y a des explications pour les phénomènes de ce genre? Les conditions climatiques ne se mélangent pas. On dirait que...
M. Gordon McBean: Comme vous l'avez dit, monsieur le président, le climat varie essentiellement sur toutes les échelles spatiales et temporelles. Nous pensons comprendre le phénomène à l'échelle de la planète et des hémisphères. Nous savons que, sur l'ensemble de la planète, le climat s'est réchauffé d'environ 0,6 degré Celsius depuis 100 ans. Nous savons, d'après les activités cartographiques au Canada, que l'ouest et le nord-ouest du pays se sont réchauffés sensiblement plus que l'est, qui ne s'est réchauffé que légèrement—la région du Labrador s'est même refroidie. Mais c'est quand on en arrive à l'échelle de résolution plus fine dont vous parlez que...
J'étais à Edmonton mardi de la semaine dernière pour parler des changements climatiques. Je me suis entretenu avec M. Horsman, un ancien ministre du gouvernement provincial. Il m'a dit la même chose, à savoir qu'au nord et au sud d'une route donnée, les régimes sont relativement différents. C'est le genre de choses que nous devons chercher à comprendre, mais que nous ne comprenons pas encore. C'est le genre de question à laquelle nos simulations du climat mondial n'ont pas encore permis de répondre avec la précision dont nous avons besoin, et c'est le genre de recherche sur laquelle se concentre notamment notre fondation.
Le président: Rose-Marie.
Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.
Nous avons lu toutes sortes de choses sur la sécheresse et sur ce qui s'est passé, surtout dans l'Ouest, à cause du manque de pluie. Pensez-vous que la sécheresse est liée aux changements climatiques ou qu'elle fait tout simplement partie des variations climatiques normales?
M. Gordon McBean: Dans le contexte actuel, il y a un peu des deux. Nous savons évidemment qu'il y a toujours eu des variations naturelles dans notre système climatique; il y a déjà eu des sécheresses et des réchauffements.
Je viens d'apprendre que la réunion à laquelle je devais me rendre a été annulée. Vous pouvez donc poursuivre la discussion si vous le voulez.
Donc, il y a des variations naturelles dans le système climatique. Mais quand on examine les changements des dernières décennies, on constate qu'ils ne suivent pas une tendance conforme à ces variations naturelles, mais qu'ils reflètent le genre de fluctuations associées à la présence accrue de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Je veux parler notamment de la fréquence accrue des sécheresses dans les Prairies canadiennes et de l'augmentation du nombre d'épisodes de précipitations extrêmes dans certaines régions du Canada. L'hypothèse la plus répandue dans la communauté scientifique, c'est que les phénomènes auxquels nous assistons sont probablement causés à 50 p. 100 par les fluctuations naturelles et à 50 p. 100 par des changements climatiques anthropiques, c'est-à-dire attribuables à l'activité humaine.
Au cours des prochaines décennies, puisque l'effet des gaz à effet de serre sera de plus en plus prononcé, nous allons assister à des fluctuations et à des changements causés de plus en plus par des facteurs humains, comparativement aux facteurs naturels.
C'était une longue réponse à votre question. Je m'en excuse.
À (1030)
Mme Rose-Marie Ur: Non, non.
C'est à peu près ce qu'avait demandé le président. On nous dit que les régions ne seront pas toutes affectées par les changements climatiques. D'après la recherche que vous avez faite jusqu'ici, savez-vous quelles seront les régions les plus touchées, ou si les tendances que nous constatons actuellement vont tout simplement se maintenir?
M. Gordon McBean: Il y aura certainement des changements partout. De façon générale, le Canada se réchauffera nettement plus que la moyenne mondiale, probablement deux à trois fois plus parce que nous avons un climat nordique. Cependant, le réchauffement sera particulièrement prononcé dans les régions arctiques, dans le Nord. Il sera moins marqué dans l'est du Canada que dans l'ouest en raison de la façon dont l'effet de serre modifie les courants de circulation atmosphérique. Le réchauffement ne sera donc pas le même partout au pays au cours des prochaines décennies. Nous en avons une idée générale. Nous n'avons tout simplement pas assez de détails pour que je puisse vous donner plus de précisions avec certitude.
Pour ce qui est des précipitations, encore une fois, les projections générales sont qu'elles vont augmenter dans le Nord et qu'elles vont diminuer—ou du moins qu'elles vont changer très peu—dans les Prairies. Mais avec les températures plus chaudes, il y a plus d'évaporation, ce qui donne comme résultat net que l'équilibre déjà très précaire entre les précipitations et l'évaporation pourrait être rompu par le plus léger changement—comme celui qui est prévu. La quantité d'eau disponible diminuerait donc considérablement.
Le président: Merci.
Rick.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions.
Premièrement, au sujet de la recherche et du développement, et des 10 millions dont vous disposez par année, est-ce qu'une partie de cette somme a été consacrée à la biotechnologie, que ce soit du côté des cultures ou des OGM?
M. Gordon McBean: Non. Le mandat de la fondation, tel que l'a approuvé le gouvernement fédéral quand il a accordé cet argent, était de se concentrer sur les sciences naturelles. Il consistait à examiner les processus physiques et chimiques dans l'environnement naturel. Donc, nous ne sommes absolument pas là pour nous pencher sur les OGM ou la biotechnologie.
M. Rick Borotsik: Je ne vous poserai donc pas ma question suivante. Je voulais savoir en effet si votre organisation appuyait la biotechnologie. Mais je ne vous le demanderai pas.
Compte tenu des changements climatiques que nous avons constatés, il y a de nouvelles perspectives qui s'ouvrent à mon avis. Vous avez parlé de précipitations et d'évaporation. Il y a des variétés résistantes à la sécheresse que nous pourrions cultiver dans différentes régions. Ne pensez-vous pas que ce serait un prolongement naturel de votre mandat d'examiner ce genre de chose?
M. Gordon McBean: Nous serions très heureux qu'on nous en donne le mandat, si nous disposions de fonds supplémentaires pour faire de la recherche dans ce domaine.
M. Rick Borotsik: Nous y reviendrons. Je voudrais vous poser deux autres petites questions.
Le président: Vos questions doivent être très courtes.
M. Rick Borotsik: Les États-Unis et la Chine n'ont pas signé le protocole. Or, ce sont deux pays qui émettent des quantités substantielles de CO2. Est-ce que votre organisation trouve très préoccupant de savoir qu'ils ne chercheront pas à réduire leurs émissions de CO2? Si les choses ne changent pas, est-ce qu'il n'est pas un peu futile d'essayer de réduire nos 240 mégatonnes d'émissions alors qu'elles vont se produire dans d'autres parties du monde?
M. Gordon McBean: Permettez-moi de vous dire, premièrement, que la fondation n'a pas d'opinion là-dessus. Elle a été fondée...
À (1035)
M. Rick Borotsik: Ni sur la biotechnologie.
M. Gordon McBean: Je n'ai pas dit que nous n'avions pas d'opinion sur la question; j'ai dit que nous n'avions pas le mandat de financer la recherche dans ce domaine.
Permettez-moi de répondre à la partie sous-entendue de votre première question. Je vais vous donner mon opinion personnelle, en tant que scientifique et professeur, plutôt qu'à titre de président du conseil d'administration. Il y a deux choses que j'aimerais souligner.
Premièrement, sur la question des cultures résistantes à la sécheresse, je pense que le genre de recherche que nous voulons faire pour comprendre à quel point la sécheresse sera grave—est-ce que ce sera une sécheresse vraiment grave qui reviendra année après année, ce qui est peu probable, ou s'il y aura des fluctuations à la hausse et à la baisse?—nous aidera à décider jusqu'où aller dans ce sens-là. Je pense donc que nous faisons de la recherche pertinente à cette question, même si nous n'étudions pas vraiment l'aspect biotechnologique.
Permettez-moi de m'écarter encore une fois de mon rôle de président du conseil d'administration de la fondation pour vous dire que, comme tout le monde le sait—ou devrait le savoir—, le protocole de Kyoto s'inscrit dans le contexte de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, que le Canada, les États-Unis, la Chine et 180 autres pays ont signée et ratifiée en 1992, à l'époque du premier ministre Mulroney et du président George Bush père. Cette convention stipulait que nous devions travailler ensemble, à l'intérieur de chaque pays, à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère «à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique» tout en permettant de maintenir la production alimentaire.
Afin de réduire ces émissions suffisamment pour stabiliser le climat, il ne faut pas une baisse de 5 p. 100, comme le prévoit le protocole de Kyoto, mais de plus de 50 p. 100. Il a toujours été entendu que la question des changements climatiques va s'étendre sur plusieurs décennies, du point de vue non seulement des changements eux-mêmes, mais aussi de la stratégie de réponse à ces changements. Il est également entendu que la Chine participera à la deuxième et à la troisième rondes, et je soupçonne que les États-Unis vont participer eux aussi à une de ces rondes. Donc, je n'essaie pas de justifier Kyoto ou quelque chose du genre.
Le président: J'ai quelques autres collègues qui voudraient poser des questions eux aussi. Murray, et ensuite David.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Gordon, je voudrais vous poser quelques questions, qui découlent en fait de certaines des déclarations du témoin précédent.
Le président: Soyez bref.
M. Murray Calder: Oui, ce sera court. Mes questions portent sur trois points.
Premièrement, considérez-vous l'agriculture comme une entreprise ou comme un mode de vie?
M. Gordon McBean: Je présume qu'il y a un peu des deux. La climatologie est mon travail, mais c'est aussi mon mode de vie; c'est ce que je fais et ce qui m'intéresse, et je le fais parce que cela m'intéresse. J'aurais pu faire autre chose. Je suppose que la personne qui dirige une ferme familiale pourrait faire autre chose. Celles que je connais pourraient faire autre chose, mais elles ont choisi de faire cela; c'est donc à la fois leur façon de vivre et leur travail. Je ne cherche donc pas à faire cette distinction.
M. Murray Calder: Si je vous ai posé cette question, c'est parce que je suis agriculteur dans mon autre vie—et je ne parlerai pas des poulets.
La deuxième chose, c'est qu'évidemment, en raison des activités vertes de la communauté agricole, nous devons examiner la question des crédits d'émissions de carbone. Avez-vous une idée de la façon dont ces crédits devraient être répartis dans la communauté agricole?
M. Gordon McBean: Je ne peux vraiment pas vous dire comment cela devrait être réparti et quels sont les chiffres envisagés. Je pense que cette question comporte deux aspects. Premièrement, il y a le rôle des agriculteurs comme utilisateurs de combustibles fossiles, et il est possible que la communauté agricole, comme les autres, doive contribuer à la réduction des émissions soit en conservant l'énergie, soit en utilisant des types de combustibles différents pour produire de l'énergie. Il y a aussi des possibilités, que nous ne comprenons pas encore parfaitement, mais qui sont autorisées par le protocole de Kyoto, en ce qui concerne la séquestration du carbone grâce à différentes pratiques agricoles, de manière à ce que nous injections dans les sols cultivés au Canada plus de carbone que nos pratiques actuelles nous permettent de le faire. Il y a une partie du protocole de Kyoto qui prévoit ce genre de chose. Certains des travaux que soutient la fondation nous permettront de mieux comprendre comment évaluer cela, comment prédire où il pourrait y avoir des possibilités de séquestration de carbone.
M. Murray Calder: J'ai grandi sur la ferme familiale dans les années 50 et 60, et je peux vous dire que nos méthodes de culture sont aujourd'hui beaucoup plus efficaces qu'elles l'étaient à l'époque et que nous n'utilisons plus autant de combustible fossile parce que nous n'exploitons pas nos terres de la même façon qu'avant.
J'ai deux questions. Comme l'agriculture est plus efficace de nos jours et que nous utilisons moins d'énergie, devrions-nous en retirer un avantage dès maintenant? Quand devrions-nous commencer à en profiter, et qui devrait toucher le chèque?
À (1040)
M. Gordon McBean: Premièrement, le protocole de Kyoto est fondé sur les niveaux de 1990, qui ont été choisis de façon plutôt arbitraire. Néanmoins, le niveau de référence pour les engagements du Canada est fondé sur ce que nous faisions à ce moment-là, comparativement à ce que nous allons faire en 2010. Donc, si nous pouvons comprendre—et, encore une fois, certaines des données scientifiques ont un rôle à jouer à cet égard—quelles étaient nos activités à ce moment-là et comment nous pouvons les modifier, l'idée que nous puissions retirer des avantages des changements que nous avons déjà faits est intéressante pour les fins de la discussion, mais elle ne se rattache pas vraiment à la façon dont le protocole a été conçu.
M. Murray Calder: Il me semble que nous représentons 20 p. 100 de la population sur 80 p. 100 du territoire. Ce n'est pas vraiment nous qui posons un problème, n'est-ce pas?
M. Gordon McBean: La principale question que la communauté agricole devra résoudre, à mon avis, ne concerne pas l'aspect de la réduction des émissions, mais bien l'adaptation aux changements climatiques futurs. C'est pourquoi j'ai dit que c'était là l'enjeu principal. La communauté agricole, comme bien d'autres secteurs, devra elle aussi réagir à des changements climatiques attribuables à certaines activités qui lui sont en bonne partie étrangères, et elle en subira peut-être le contrecoup plus que d'autres.
M. Murray Calder: La vérité, Gordon, c'est tout simplement que, comme agriculteur, comme Canadien d'une région rurale, je veux en retirer des avantages parce que c'est vers moi que les Canadiens des villes vont se tourner pour trouver une solution.
M. Gordon McBean: Oui. Comme je l'ai dit, je pense que le réchauffement des températures et les autres changements climatiques vont créer des occasions, dans la mesure où nous comprendrons mieux les détails de ce qui va changer, pour que vous, les agriculteurs—avec ceux qui vont vous succéder dans 10, 20 ou 30 ans—, puissiez vous adapter et vous servir des variétés et des autres éléments qui vous permettront de réaliser le maximum de profits comme producteurs dans notre société, et par conséquent, d'en retirer le maximum d'avantages de façon générale.
M. Murray Calder: J'espère que c'est ce qui se produira.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
David.
M. David Anderson: Monsieur le président, je n'ai entendu ce matin rien de rassurant qui me permette de croire que tout cela ne sera pas vraiment dommageable pour le monde dans lequel je vis, celui des petites villes de Saskatchewan. Plus je m'intéresse à la question, plus je pense que nous sommes en train d'entreprendre un des plus grands projets de planification centrale que nous ayons jamais vus dans notre pays, probablement le plus grand que j'aie vu personnellement, surtout quand je vous entends dire que le principal problème, c'est l'adaptation à ce que tout cela pourrait représenter.
Mais je voudrais vous poser quelques questions. Je ne suis pas prêt à accepter toutes ces hypothèses. Je suis disposé à appuyer la recherche, j'imagine, et je pense que notre parti aussi, mais j'ai grandi avant qu'on commence à nous faire peur avec l'histoire de l'ozone, à une époque où la plupart des scientifiques nous disaient qu'en fait, la planète était en train de se refroidir. Si nous retournions en arrière et si nous regardions la recherche qui s'est faite à ce moment-là, les choses qu'on nous apprenait et les positions qui ont été prises à l'époque, quelle aurait été votre position sur cette question à ce moment-là?
M. Gordon McBean: Bien des gens pensent—mais ce n'est pas entièrement justifiable à mon avis—que la communauté scientifique parlait d'un refroidissement massif. Le climat s'était stabilisé et s'était peut-être même légèrement refroidi dans les années 70, après quoi il a recommencé à se réchauffer. Mais c'est un des éléments qui se superpose aux fluctuations naturelles. Si vous prenez une vague comme celle-ci et que vous la superposez à une courbe qui va à la hausse, vous obtenez naturellement des régions où le réchauffement est plus prononcé que ce qui est attribuable à l'effet de serre, ce qui s'est produit dans les années 30, et des régions où le refroidissement ou le réchauffement est moins marqué que ce qui s'expliquerait uniquement par l'effet de serre, ce qui s'est produit dans les années 60 ou 70.
En fait, j'ai présidé le comité scientifique des Nations Unies chargé de la recherche climatique à une certaine époque, à la fin des années 80 et au début des années 90. Ce projet, baptisé Programme mondial de recherche sur le climat—ou du moins son prédécesseur—, remonte en fait aux années 60. On s'inquiétait déjà du fait que le climat commençait à changer à certains égards. Dès la conférence de Stockholm, en 1972, il a été question des changements climatiques mondiaux. On peut même remonter à Fourier, qui a écrit en 1822 un texte dans lequel il prévoit les conséquences de l'effet de serre en 18... En tout cas, il y a toute une série d'ouvrages.
M. David Anderson: J'ai lu certains documents selon lesquels il y aurait actuellement un cycle naturel de changements climatiques qui va entraîner un réchauffement temporaire des températures, après quoi la situation va revenir à la normale. Je trouve donc très préoccupant, surtout après avoir participé à nos discussions sur la question depuis un mois ou deux, que nous cherchions à imposer d'énormes changements sociaux aux gens, à la population de notre pays, pour une chose dont nous ne savons même pas si elle a été prouvée scientifiquement ou pas.
À (1045)
M. Gordon McBean: Eh bien, je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point, monsieur.
M. David Anderson: J'en étais sûr.
M. Gordon McBean: C'est une question qui fait à peu près l'unanimité dans la communauté scientifique, probablement plus que n'importe quelle autre; tout le monde, ou presque, s'entend pour dire que le réchauffement climatique que nous connaissons aujourd'hui est attribuable à l'activité humaine—du moins à 50 p. 100. Le phénomène va d'ailleurs aller en s'accentuant, et les quelques personnes qui disent le contraire—dont certaines ici même, à Ottawa—n'ont aucune crédibilité scientifique.
M. David Anderson: Il n'y en a pas seulement quelques-unes, monsieur. Il y a beaucoup de scientifiques—et de scientifiques réputés—qui contestent vos conclusions.
M. Gordon McBean: Je vous mets au défi de m'en nommer plus que dix.
M. David Anderson: D'accord, nous pourrons le faire un de ces jours.
M. Gordon McBean: Des scientifiques crédibles.
Le président: David?
M. David Anderson: J'ai fini.
Le président: Dick.
M. Dick Proctor: Bon, puisque, moi, j'accepte l'idée que le climat change à cause des émissions de gaz à effet de serre, j'aimerais vous demander...
Vous avez dit qu'il faudrait des décennies avant que nous constations les effets des mesures touchant les changements climatiques. Vous avez également indiqué que l'accord de Kyoto prévoyait un retour aux niveaux de 1990 et qu'il remontait à 1992, à l'époque de M. Mulroney et de George Bush père. Je me demande donc si nous n'avons pas perdu une décennie dans toute cette histoire.
Il y a des gens qui disent que nous avons signé l'accord de Kyoto en 1997, mais en réalité, nous n'avons rien fait; nous venons de le ratifier cette semaine, et c'est maintenant que le vrai travail va commencer. Donc, est-ce que les membres de votre conseil sont inquiets que nous ayons perdu une décennie et pensent que nous aurions dû en faire beaucoup plus, beaucoup plus tôt?
M. Gordon McBean: Je dois préciser premièrement que, quand je parle des données scientifiques sur les changements climatiques—je vais répondre à votre question dans une seconde—, je ne le fais pas à titre de président du conseil d'administration de la fondation canadienne. Cette fondation n'est pas partisane, si je puis dire; elle n'a pas de position officielle. Elle n'a pas pour rôle d'avoir une opinion sur ce que nous avons fait ou ce que nous aurions dû faire; le rôle de notre fondation, celui pour lequel elle a reçu des fonds, consiste à soutenir la recherche de la meilleure qualité possible pour éclairer le débat. C'est donc ce que nous essayons de faire.
Personnellement, je suis d'avis que nous avons perdu du temps, mais il faut du temps pour faire ce genre de chose. C'est un énorme dossier. Et je dois dire aussi que la climatologie a évolué depuis dix ans.
L'évaluation scientifique réalisée en 1990 par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, et dont je suis un des auteurs, n'était pas absolument catégorique sur certains points. Nous aimons à dire qu'elle était hésitante. Nous avons fait certaines recommandations et certaines projections, mais nous avons dit que nous n'avions pas de certitudes. En 1995, nous comprenions déjà beaucoup mieux le système climatique. Nous étions en mesure, pour la première fois—et je suis également un des auteurs du rapport de 1995—, de dire qu'il y avait des indices pointant vers l'activité humaine. En fait, nous commencions à voir ce qui se passait, non seulement parce que cinq ans s'étaient écoulés, mais surtout parce que nous avions consacré ces cinq ans à des recherches scientifiques très pointues. Donc, la communauté scientifique étudiait la question, et les avis étaient partagés.
Lors d'une rencontre à laquelle j'ai assisté en 1994, nous avons passé une semaine à essayer de décider si nous pouvions vraiment dire quelque chose au sujet des changements climatiques. J'étais arrivé là sceptique et j'en suis reparti convaincu. La semaine a été marquée par des débats très animés.
Le dernier rapport, en 2001, reflétait encore une fois cinq années de recherche scientifique très poussée et d'information plus approfondie. Nous avons déclaré que nous pouvions vraiment affirmer avec certitude qu'il y avait un problème au niveau mondial. Mais il subsiste toujours des incertitudes sur les points de détail, et c'est pour étudier ce genre de choses que notre fondation soutient déjà de la recherche et qu'elle cherche des appuis pour continuer à soutenir cet effort scientifique.
Le président: J'imagine que vous avez une question, Rose-Marie, et certains de vos collègues en ont aussi.
Mais avant cela, si on remonte à 1992... Nous avons parlé des Américains, et il y a bien des gens qui s'inquiètent du fait que les Américains n'ont pas signé le protocole. D'après votre étude, est-ce que les Américains font quelque chose pour atteindre les objectifs qu'ils s'étaient engagés à réaliser dans l'accord de 1992?
M. Gordon McBean: Le programme américain sur le climat, que le président Bush fils, l'actuel président Bush, a annoncé, comprend certaines activités. Les Américains ont décidé de ne pas ratifier le protocole de Kyoto—c'est très clair—, mais ils ont inclus un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans leur programme concernant le climat.
Ils appuient aussi des activités scientifiques tant dans le domaine de la climatologie—pour pouvoir mieux comprendre le système climatique, tout comme nous—que dans certains secteurs du développement technologique qui leur permettraient d'améliorer leur efficience générale.
Donc, comme ils en ont pris l'habitude depuis quelque temps, les États-Unis ont refusé d'adhérer aux ententes internationales, mais en même temps, ils ont entrepris certaines activités importantes. Ils ne réduiront pas leurs émissions de 7 p. 100 d'ici 2010, comme le prévoit l'accord de Kyoto, mais ils vont au moins apporter certains changements. Leurs émissions en 2010 seront inférieures à ce qu'elles auraient été sans les programmes qui sont mis en place. Donc, il se passe des choses aux États-Unis.
Il s'en passe même en Chine, en fait. Le gouvernement de Beijing, pour des raisons qui lui sont propres, a réduit substantiellement l'utilisation du charbon pour passer à d'autres types de combustibles fossiles qui émettent moins de gaz à effet de serre. Il y a donc des régions, dans le nord de la Chine, où les émissions seront nettement inférieures en 2010 à ce qu'elles auraient été autrement.
À (1050)
Le président: Il est vraiment extraordinaire, quand on parle des conditions atmosphériques, que des choses qui se produisent beaucoup plus au sud—aussi loin que l'équateur et même plus loin—aient une influence sur les problèmes que connaissent les pays circumpolaires. Vous pourriez peut-être commenter...
Je ne suis pas certain que cela fasse partie de votre domaine de compétence, mais il est consternant de penser qu'il y a tellement de choses qui se promènent dans l'espace et qui finissent par retomber et par modifier le climat et l'environnement.
M. Gordon McBean: Oui, l'atmosphère de toute la planète est reliée. Il faut environ deux à quatre ans... Si vous injectez du dioxyde de carbone ou un autre gaz dans l'atmosphère quelque part—en Chine, en Australie ou ailleurs—, il se mêlera à tout le reste d'ici deux à quatre ans, de sorte qu'il sera impossible de savoir d'où il vient.
Je participe personnellement, avec l'appui de la fondation, au projet d'évaluation des incidences climatiques dans l'Arctique, parrainé par huit gouvernements du Conseil de l'Arctique: le Canada, la Russie, les États-Unis et les pays scandinaves. Nous sommes en train d'analyser ensemble les incidences climatiques dans l'Arctique et d'étudier leurs conséquences pour les peuples du Nord.
Il y a déjà des changements là-haut. Rosemarie Kuptana a pris la parole récemment dans le cadre d'une tribune de la CBC à laquelle j'ai participé. On a constaté des changements climatiques dans le Grand Nord canadien et dans d'autres secteurs du cercle arctique. C'est une région dans laquelle on peut dire que les effets sont attribuables à d'autres parties du monde. Nous savons que les polluants organiques persistants présent dans le lait maternel des femmes du Nord proviennent de l'ancienne Union soviétique.
Le président: Donc, vous vous occupez d'une question très complexe parce qu'elle est d'envergure planétaire. Nous, les Canadiens—et probablement David aussi—, nous posons des questions sur tout cela.
Je voudrais pousser un peu plus loin. Rose-Marie a une autre question brève. Mais nous allons peut-être laisser d'abord la parole à Claude, parce qu'il a une nouvelle question à poser.
Claude.
[Français]
M. Claude Duplain: J'aimerais poser une question et vous faire part d'une réflexion.
Les gens à qui je parle quand je suis dans mon comté payent leurs taxes à tous les jours et se fient aux personnes qu'ils ont élues pour prendre des décisions de gouvernement ou de société sur des manières d'agir, des manières de produire, enfin sur tout ce qu'on devrait faire ou ne pas faire. Ce sont ces gens qui payent ce qu'on essaie de réaliser. L'argent vient de là.
Ce matin, on parle de Kyoto et c'est très beau, mais quand les gens me demandent... Le gouvernement avait engagé des agronomes qui avaient dit qu'il fallait produire ou faire telle ou telle chose, mais aujourd'hui, on se rend compte qu'on n'est pas sûr de cela. On a dit qu'on allait faire de l'éthanol avec du maïs, mais on nous dit aujourd'hui que ce n'est peut-être pas tout à fait correct. On fait de l'enfouissement, mais ce n'est peut-être pas tout à fait correct. On dit qu'il faut faire des plantations. Comment va-t-on calculer l'effet de ces bandes riveraines?
Jusqu'à quel point les dangers qu'on annonce... Bien sûr, il y a des choses qu'on modifie. Quand j'étais jeune, j'allais à l'abattoir. On abattait une vache, et une bonne partie de la vache allait aux vidanges. Aujourd'hui, on récupère toute la vache. Quand on nous annonce toutes ces catastrophes, jusqu'à quel point les calculs sont-ils bons? J'aimerais avoir une réponse à donner aux gens de ma population, qui se posent des questions, qui payent et qui vont continuer de payer la recherche qu'on fait.
Il y a un point sur lequel je suis d'accord avec vous: on n'a peut-être pas fait assez de recherche avant d'exécuter certaines choses. Pour moi, c'est un point fort.
Je pose à nouveau une question que j'ai posée tout à l'heure. Je la pose souvent, et on me donne jamais de réponse claire.
En tant que chercheur, avez-vous une idée du pourcentage du PIB qu'on devrait affecter à la recherche à l'avenir, pour qu'on sache où on s'en va avec toutes ces choses? Puis-je poser la question de cette manière?
À (1055)
[Traduction]
M. Gordon McBean: Je comprends parfaitement votre inquiétude quand vous dites que nous ne comprenons pas parfaitement ce qui se passe. Je pense qu'il est approprié, dans les dossiers de ce genre, d'adopter une approche graduelle. Nous redéfinissons notre information au fur et à mesure.
D'après ce que nous comprenions des changements climatiques, par exemple, la communauté scientifique avait affirmé, au moment des rencontres de Kyoto et avant, qu'il fallait réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 15 p. 100. Il était peu probable que cela se fasse, mais tout le monde s'entendait pour dire que les gouvernements devaient faire un premier pas. Je pense que les contribuables et les citoyens doivent travailler de concert avec les scientifiques. Nous devons avoir de meilleurs rapports avec la population. Lorsque la science fournit certaines données, il est possible de prendre des mesures dans la bonne direction, tout en étant conscients du fait que, malheureusement, nous n'avons pas de certitudes scientifiques absolues dans toute cette affaire.
Pour ce qui est du pourcentage du PIB que nous devrions consacrer à la recherche, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à ma connaissance, le Canada ne consacre généralement pas le même pourcentage de son PIB à la R-D, pour tous les secteurs mis ensemble, que les États-Unis et certains autres pays. Mais je nous encourage à y penser. La plupart des études montrent que c'est un bon investissement.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.
J'étais très contente que le président pose une question à M. McBean sur l'approche adoptée par les États-Unis et la Chine, parce que beaucoup d'électeurs s'inquiètent du fait que le Canada est un des premiers pays à ratifier Kyoto. Ils ne veulent pas que cet accord ait un effet négatif sur notre société, d'autant plus que les États-Unis et d'autres pays ne l'ont pas ratifié. J'étais donc très contente d'entendre votre déclaration. C'est bien ce que je pensais, mais j'étais contente de vous l'entendre dire. Cela nous donnera un peu plus d'information à fournir quand nos électeurs nous appelleront, si nous pouvons affirmer que nous avons entendu dire d'une source fiable que tout n'est pas entièrement négatif.
Ma prochaine question est peut-être un peu machiavélique. Si elle vous met mal à l'aise, vous n'avez pas besoin d'y répondre. Mais, trop souvent, les gens ne font pas ce qu'ils prêchent. Comme Don McCabe est un de mes électeurs avisés, tout comme Dennis Jack, le président des producteurs de maïs, j'aimerais savoir si vous utilisez du carburant à l'éthanol dans votre voiture.
M. Gordon McBean: Plus souvent qu'autrement, je fais le plein chez Sunoco, qui vend du carburant mélangé. Je ne dirais pas que je fais des kilomètres pour trouver une station Sunoco, mais je vais habituellement chez Sunoco pour cette raison-là, notamment.
Mme Rose-Marie Ur: C'est Don qui sera content d'entendre cela.
Merci.
Le président: Merci à tous.
Nous n'avons plus de temps. Nous aimerions remercier tous nos témoins de ce matin.
Madame Bolduc, je pense que vous avez mentionné la rotation des cultures au moins une demi-douzaine de fois. On se demande parfois quels sont les moyens de réduire l'utilisation d'intrants coûteux, et c'en est probablement un.
Monsieur McBean, comme nous l'avons déjà dit, nous allons évaluer plus à fond la situation de la climatologie et des changements climatiques, ainsi que leurs effets sur l'agriculture.
Nous avons eu une bonne introduction ce matin. Je sais que la question laisse perplexes la plupart d'entre nous. Quand on entend des agriculteurs qui semblent tout à fait certains... Quand on les entend parler d'un gars quelques milles plus loin qui a eu une bonne récolte, alors que les autres n'ont pas connu une aussi bonne année... Dans bien des cas, il y a soit trop de pluie, soit pas assez. C'est un facteur important. C'est très difficile pour nous, au comité et au gouvernement, de répondre à ce genre de préoccupations. Nous aimerions pouvoir dire qu'il y a un problème particulier dans le sud-ouest de la Saskatchewan, ou ailleurs au Canada, mais ce n'est pas le cas. C'est encore plus précis et, dans certains cas, cela touche spécifiquement une petite municipalité ou une petite région.
Encore une fois,merci d'être venus, monsieur Morin, madame Conway et madame Bolduc. Nous avons bien apprécié votre présence. Je sais que vous avez peut-être une philosophie différente des autres, mais je pense que nous devrions aller voir ce qui se fait dans «la belle province» de Québec. Je suis toujours impressionné par les agriculteurs du Québec parce que leur gouvernement les soutient énormément et qu'il y a une foule de fermes magnifiques dans votre belle province. Merci.
La séance est levée.