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Merci beaucoup et bon après-midi. Je m'appelle Peter Singer et je suis professeur de médecine au Centre McLaughlin-Rotman pour la santé mondiale du University Health Network et de l'Université de Toronto. Je vous parle aujourd'hui en mon nom personnel.
J'ai commencé à m'intéresser à la biosécurité en 2003 lorsque j'ai joint les rangs de la National Academy of Sciences des États-Unis, qui a publié un rapport sur la mondialisation, la biosécurité et l'avenir des sciences de la vie. J'ai aussi participé au projet de réduction de la menace biologique du Center for Strategic and International Security à Washington. J'agis actuellement à titre de conseiller pour le bureau du Secrétaire général de l'ONU dans le cadre de l'initiative sur les biotechnologies.
En janvier 2009, j'ai rédigé un éditorial pour le The Globe and Mail intitulé « Is Canada ready for bioterrorism? » (ou « Le Canada est-il prêt pour le bioterrorisme? »). En somme, ma réponse était « je n'en suis pas sûr ». Contrairement à ce qui a été fait aux États-Unis, où au moins cinq comités indépendants ont étudié la question, aucune évaluation exhaustive et indépendante n'a été effectuée au Canada à ma connaissance.
Le projet de loi C-11, la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines, permettra certainement de nous protéger, et c'est pourquoi je l'appuie. Je veux soulever deux points concernant la loi, pour lesquels je formulerai deux recommandations précises.
Tout d'abord, je vous dirais que la loi ne nous protégera que si elle est mise en oeuvre en étroite collaboration avec les scientifiques qu'elle régit. J'aimerais reprendre votre discussion de mardi, lorsque vous avez abordé cette question.
J'estime par ailleurs que la loi n'est qu'un des éléments du réseau de protection nécessaire pour protéger le Canada contre le bioterrorisme et le préparer à cette éventualité, notamment quand il est question des menaces de nouvelle génération.
Cela dit, je crois qu'il est important de souligner à quel point la biosécurité diffère de la sécurité nucléaire. Il n'y a qu'un passage obligé pour la sécurité nucléaire, c'est-à-dire le contrôle de l'uranium et du plutonium hautement enrichis. On assure la sécurité nucléaire en gardant secrets les moyens pour produire ces éléments à des fins militaires. Les technologies pour les produire sont dispendieuses, sans compter qu'il faut avoir l'autorisation de l'État. On arrive donc à veiller à la sécurité nucléaire grâce au contrôle de l'uranium et du plutonium hautement enrichis.
Ce n'est pas le cas pour la biosécurité. Les pathogènes sont partout, les connaissances sont disséminées librement et les technologies sont peu coûteuses. En bref, il est primordial de solliciter l'aide des scientifiques et d'établir un réseau de protection pour être en mesure de parler véritablement de biosécurité.
Je m'explique.
Je vous ai d'abord parlé de la mise en oeuvre de la loi en étroite collaboration avec les scientifiques. Comme vous l'aviez mentionné précédemment, le bien-être social et la prospérité économique du Canada reposent sur les découvertes scientifiques. Imaginez-vous un instant qu'un régime règlementaire avait empêché Banting et Best de découvrir l'insuline, ou avait fait obstacle à la production commerciale de l'insuline dans des bactéries, l'insuline utilisée par tous les patients canadiens souffrant de diabète.
Je crois que la loi proposée vise un juste équilibre entre la liberté scientifique et la réduction des risques, mais ce calcul se jouera d'abord dans les règlements, et il faudra suivre la situation de très près et rééquilibrer les choses constamment, ce qui ne peut être fait qu'en collaboration avec le milieu scientifique.
Parce que biosécurité n'est pas synonyme de sûreté des pathogènes, cette loi vient en réalité compliquer la tâche à ceux qui voudraient utiliser les pathogènes à mauvais escient. Elle permet de dissiper quelque peu le brouillard dans lequel sont plongés les laboratoires, de façon à ce que les activités irrégulières soient plus facilement détectables. Mais nous devons également aider les milliers de scientifiques travaillant dans ces laboratoires, qui n'ont jamais eu l'intention de mal utiliser des pathogènes humains, à part peut-être quelques rares exceptions, à constituer un réseau de vigilance prêt à signaler ces activités irrégulières aux autorités. C'est en effet en gagnant le coeur et l'esprit des scientifiques que nous arriverons à un certain niveau de biosécurité, pas en imposant des exigences par la force d'une loi. La solution consiste à favoriser une culture de sensibilisation et de responsabilité au sein du milieu scientifique, car il est très important d'avoir son appui.
J'ai communiqué avec les responsables d'une université, d'un organisme provincial de prévention en matière de santé et d'une association de l'industrie pour vérifier s'ils avaient été consultés aux différentes étapes de l'élaboration de cette loi. J'ai été heureux de voir que les réponses étaient positives dans l'ensemble. Toutefois, ce qui compte maintenant, et la question a d'ailleurs été soulevée par votre comité mardi, c'est de trouver le moyen pour poursuivre le dialogue. Cela m'amène à ma première recommandation, soit que le comité recommande la création d'un groupe consultatif externe pour conseiller le ministre, groupe formé de représentants d'universités, d'organismes provinciaux de santé publique, du secteur privé et d'autres organisations (peut-être les IRSC). Ce serait une façon de veiller à ce que les règlements et la mise en oeuvre de la loi, à la suite des deux années de préparation des règlements, tiennent compte des commentaires des scientifiques qui doivent s'y conformer.
Je crois avoir illustré pourquoi le dialogue est aussi important pour une loi concernant la sûreté des agents pathogènes, bien plus que ce ne le serait pour une autre loi.
J'aimerais également vous parler du réseau de protection et des menaces de nouvelle génération. La biosécurité a plusieurs ramifications, lesquelles doivent être efficaces en soi, en plus de bien fonctionner avec les autres. Il y a l'aspect militaire de la biodéfense, régi par la Convention sur les armes biologiques, et l'aspect non militaire, là où entrent en jeu l'exécution de la loi et la sécurité nationale, et où on devrait probablement assurer une plus grande collaboration entre les communautés gouvernementales et non gouvernementales. Pensons aussi aux interventions en matière de santé publique, qui sont en fait le moyen ultime et commun de défense. Malheureusement, nos capacités ont été mises à rude épreuve par le SRAS; mais je crois que cet épisode a contribué à renforcer nos capacités d'intervention en santé publique. Ce projet de loi met l'accent sur la sûreté des agents pathogènes, la biosécurité en laboratoire et les problèmes de biosécurité. Nous devons y voir, et c'est pourquoi j'appuie le projet de loi. Je vous réfère par ailleurs à mes remarques précédentes concernant la mise en oeuvre.
Par contre, nous n'avons pas encore parlé des menaces de nouvelle génération, et c'est là-dessus que j'aimerais me concentrer. Les sciences de la vie peuvent permettre de créer de nouvelles menaces beaucoup plus graves. J'aimerais parler de cette réalité et proposer des moyens pour y remédier.
Les menaces de demain ne se limiteront pas aux agents pathogènes et aux toxines figurant dans les annexes de cette loi. Le rapport publié par la National Academy of Sciences des États-Unis, auquel j'ai contribué, recommandait notamment d'adopter une vision plus large des différentes menaces qui nous guettent. Nous avons expliqué comment les terroristes pourraient utiliser des techniques comme la manipulation génétique et la biologie synthétique pour créer des bactéries résistantes aux antibiotiques. Une procédure appelée interférence à ARN pourrait être utilisée pour désactiver les gènes qui nous protègent du cancer. La biologie des appareils anatomiques pourrait permettre de trouver des façons de perturber le système immunitaire de l'organisme, nous rendant vulnérables aux infections, ou d'effacer notre mémoire. On pourrait trouver de nouvelles façons de transporter les armes bactériologiques grâce à la nanotechnologie, qui est en fait devenue le Saint-Graal du bioterrorisme. Nombreuses sont les menaces de nouvelle génération qui méritent notre attention, et elles ne sont pas toutes liées aux agents pathogènes.
Parallèlement, notre comité a recommandé de maintenir, dans toute la mesure possible, un libre échange d'information concernant les sciences de la vie, parce que tenter d'étouffer ces avancées technologiques, c'est concéder la victoire aux bioterroristes, avant même que ces derniers n'aient déclaré la guerre. La liberté scientifique est également importante pour le développement de contre-mesures. Pour atteindre cet équilibre, il faut s'assurer que les universités et les entreprises font la promotion d'une culture commune de conscientisation et d'un sens commun des responsabilités pour prévenir les abus au sein de la communauté scientifique. C'était d'ailleurs une autre des recommandations de notre comité. On y arrive grâce à l'utilisation de codes de conduite et de modèles de comportement, un aspect qui ne se retrouve pas encore dans le programme de biosécurité du Canada.
Un comité formé précédemment par la National Academy of Sciences a publié un rapport intitulé Biotechnology Research in an Age of Terrorism (La recherche en biotechnologie à l'ère du terrorisme), mettant en lumière, par exemple, des expériences aux résultats inquiétants, notamment comment rendre les vaccins inefficaces et transformer des agents non pathogènes en agents pathogènes, des choses qu'on ne voit nulle part dans le projet de loi. Il faut s'assurer que les revues médicales et les organismes subventionnaires sont sensibilisés à ces questions et qu'ils disposent des processus nécessaires pour gérer ce genre de situations.
En outre, les menaces évoluent au gré des progrès scientifiques. C'est pourquoi notre comité a recommandé de créer, au moyen d'une loi, un groupe consultatif indépendant en science et technologie à l'appui de la collectivité du renseignement. À ma connaissance, il n'y a aucun groupe au Canada qui se penche sur ces menaces de nouvelle génération de façon approfondie et systématique de la même façon que le font différents groupes aux États-Unis. Nous n'examinons pas non plus à fond comment les différentes ramifications dont j'ai parlées plus tôt forment un réseau de protection et comment elles travaillent ensemble. J'ai appris que la coordination de ces communautés est aussi importante que l'efficacité de chacune d'entre elles. Et je ne parle pas seulement de la coordination au sein du gouvernement, dont il a été question mardi, un élément aussi important, mais des liens qui unissent les communautés gouvernementales et les communautés non gouvernementales dans les universités, le secteur privé, etc.
Dans l'article que j'ai écrit pour le Globe and Mail, je proposais au gouvernement fédéral de commander une étude qui déterminerait si le Canada est prêt ou non pour le bioterrorisme. Cette évaluation pourrait être menée par le Conseil des académies canadiennes, en collaboration avec l'Académie canadienne des sciences de la santé et l'Académie canadienne du génie, des organismes réunissant quelques-uns des plus brillants universitaires du pays. Ces académies nationales de scientifiques ont été créées, et dans le cas du Conseil des académies canadiennes, financées pour mener des évaluations de ce genre. Le mandat d'une telle étude, qui pourrait venir compléter la portion de cette loi portant sur la sûreté des agents pathogènes, serait d'évaluer si le Canada est prêt ou non pour le bioterrorisme, en mettant l'accent sur les menaces de nouvelle génération et le réseau global de protection, à savoir comment toutes ces ramifications se rejoignent entre elles.
Je n'entrerai pas dans les détails au sujet d'un tel mandat, mais je pourrais le faire au cours de la période de discussion.
Pour vous donner quelques exemples, on pourrait se demander quelle est la nature de la menace, y compris les menaces de nouvelle génération. Dans quelle mesure les différentes ramifications se rejoignent-elles pour former un réseau de protection? Avons-nous la capacité au Canada, à l'extérieur du gouvernement, de se pencher sur ces questions de biosécurité? Est-ce que le public est suffisamment sensibilisé aux problèmes de biosécurité? C'est le genre de questions que l'on pose dans une étude de ce genre.
En terminant, j'aimerais réitérer ma deuxième recommandation, c'est-à-dire que ce comité recommande au ministre que l'Agence de la santé publique du Canada commande au Conseil des académies canadiennes, en collaboration avec l'Académie canadienne des sciences de la santé et l'Académie canadienne du génie, une étude pour évaluer si le Canada est prêt ou non pour le bioterrorisme, en mettant l'accent sur les menaces de nouvelle génération et le réseau de protection, c'est-à-dire comment les différentes ramifications et communautés interagissent. C'est vraiment l'ensemble de ces éléments qui permettent d'assurer la biosécurité, pas seulement le contrôle des agents pathogènes.
C'est une bonne loi, mais nous ne voulons pas qu'elle nous procure un faux sentiment de sécurité. Nous voulons avoir une perspective globale de la biosécurité.
Merci beaucoup de m'avoir écouté. C'était un honneur pour moi de venir vous parler, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
Mon nom est Marc Ouellette et je suis du Centre de recherche en infectiologie de l'Université Laval. J'ai une chaire de recherche du Canada sur la résistance aux agents antimicrobiens, dont mon collègue vient de parler. On peut traiter les micro-organismes, que ce soit des virus, des parasites ou des bactéries, mais ils deviennent également résistants aux agents antimicrobiens, et c'est une de mes spécialités.
Une des raisons pour lesquelles je suis content d'être ici aujourd'hui — et je remercie le comité —, c'est que j'ai été le représentant académique qui a participé à la rédaction des lignes directrices en matière de biosécurité. C'est le document phare auquel les chercheurs étaient assujettis, dans les universités canadiennes, quand ils devaient importer ou exporter des pathogènes humains. Je connais assez bien le sujet. On a été consultés abondamment lors de la rédaction de ce document.
Chaque université canadienne a un comité de biosécurité. Obtenir l'aval de ces comités de biosécurité est une condition sine qua non pour obtenir des fonds de recherche, et je fais partie de celui de l'Université Laval. Je vais y revenir plus tard. Toutefois, je vais parler aujourd'hui en mon nom personnel et surtout en tant qu'importateur et exportateur fréquent de pathogènes de groupe de risque 2.
Je suis à la deuxième page du document que vous avez entre les mains.
[Traduction]
Je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Il a été très instructif pour moi de prendre connaissance du projet de loi C-11, mais il a été encore plus intéressant de lire la transcription du débat qu'ont tenu les députés concernant ce projet de loi. J'ai été très impressionné. Les interventions étaient excellentes et démontraient bien que les gens avaient compris de quoi il s'agissait. J'ai trouvé tout ça très enrichissant.
L'Agence de la santé publique du Canada nous a informés du projet de loi C-54, le prédécesseur du projet de loi C-11, mais elle ne nous a jamais consultés. Le projet de loi C-54 a semblé sortir de nulle part et a surpris l'ensemble de la communauté scientifique. Je suis donc très heureux de constater que l'on ait pensé à nous consulter pour ce nouveau projet de loi. C'est ainsi avec plaisir que je viens discuter de la biosécurité avec les membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes aujourd'hui.
J'aimerais d'abord souligner que la biosécurité est une question qui nous importe, et c'est vrai dans toutes les universités du Canada. Je vais vous donner quelques exemples. D'abord, sachez qu'il existe trois organismes nationaux qui financent la recherche. Il y a les IRSC, le CRSNG et le CRSH, ce dernier s'occupe des sciences humaines et ne travaille pas vraiment avec les micro-organismes — à part peut-être les virus informatiques, mais ce n'est pas de ça dont il s'agit ici.
Lorsque nous rédigeons une proposition pour le CRSNG et les IRSC, nous devons indiquer à quelles exigences de bioconfinement doit être soumis l'organisme que nous étudions. On les classe selon quatre niveaux. On a généralement affaire à des micro-organismes de niveau 1, mais j'y reviendrai. Il est aussi assez fréquent d'étudier des micro-organismes de niveau 2. Avec un peu de chance, nous obtenons une subvention. Il y a un taux de réussite de 20 p. 100, alors on ne peut pas toujours gagner. Quand notre proposition est retenue, il nous faut ensuite obtenir l'autorisation de notre établissement d'attache. Chaque université a son propre comité qui étudie le dossier et qui détermine s'il s'agit d'un niveau 2 ou d'un niveau 3, et ce n'est que lorsque le comité a donné son aval que l'on peut obtenir les fonds. Il y a donc déjà une structure en place pour examiner cet aspect.
Une fois qu'on a l'argent, il faut commencer à travailler. On veut donc importer des pathogènes que l'on n'a pas dans notre laboratoire. La première chose à faire, c'est de demander un permis à l'Agence de la santé publique du Canada. Voici le document que nous devons remplir pour obtenir l'autorisation de l'agence. Je peux en fournir une copie dans les deux langues au comité. Et comme presque tous les pathogènes humains sont aussi des pathogènes animaux, il faut demander un permis à l'ACIA. Voici le permis, et voici les documents supplémentaires que nous devons remplir. C'est en fait à ça que ressemble le formulaire, parce que la version française et la version anglaise sont sur le même document.
Une fois que ce formulaire est rempli, on doit souvent répondre à différentes questions. On nous dira qu'il nous manque une information quelconque ou un protocole, etc. Là où je veux en venir, c'est qu'il faut suivre toute une procédure pour obtenir un pathogène. Il faut passer par une série de processus administratifs avant d'avoir nos pathogènes. Maintenant, l'établissement est responsable de la formation des étudiants et du personnel qui devront travailler avec les agents pathogènes.
Tout ça pour dire que l'importation et la manipulation de pathogènes sont assujetties à de rigides contrôles administratifs. Bien sûr, personne ne peut s'opposer à une stratégie visant à renforcer la santé publique, mais il s'agit de trouver la meilleure façon pour ouvrir un dialogue entre les législateurs, les fonctionnaires, les organismes nationaux et les gens qui travaillent quotidiennement dans le domaine.
Vous pouvez lire quelques commentaires à la page 3.
[Français]
Un des problèmes de ce document, qui est fort bien fait d'ailleurs — le projet de loi C-11 —, est que les micro-organismes de niveau 1 n'y sont même pas mentionnés. Ceux de niveau 1 sont ceux qui ne portent aucun préjudice à l'être humain, à moins de se trouver en quantité astronomique, mais la quantité de micro-organismes est un autre sujet. Les micro-organismes de niveau 1 comprennent, par exemple, le E. coli. Tout le monde a entendu parler du Escherichia coli. Dans la liste, il est inscrit comme un pathogène de niveau 2, mais en ce qui concerne le E. coli, tous les laboratoires au Canada qui font de la biologie, qui vont prendre un morceau de gène et qui vont le mettre dans un autre, travaillent avec du E. coli non pathogène.
Alors, il faudra faire très attention parce que dans le cas du E. coli ou de toutes les espèces indiquées ici, il y a des représentants pathogènes et d'autres qui ne le sont pas. Cela compliquerait la recherche de façon extrêmement importante si jamais il n'y avait pas cette distinction entre les E. coli pathogènes et les autres.
Croyez-moi, je siège à plusieurs comités consultatifs, et tout le monde au Canada est inquiet et se demande si ce qu'on fait depuis des années et des années va éventuellement devenir un problème.
Une des particularités relatives au projet de loi est qu'on a des pathogènes de niveau 2, de niveau 3 et de niveau 4. Le projet de loi ne fait pas de distinction entre eux, mais en ce qui a trait à ceux de niveau 2, les risques pour la communauté sont pratiquement nuls. Donc, il ne faut pas que les organismes de niveau 2 soient considérés au même titre que ceux des niveaux 3 et 4. Alors, quand on parle d'habilitation de sécurité, je pense que ceux qui travaillent avec des pathogènes de niveau 2 ne devraient pas être obligés de subir un security check.
Tous les laboratoires sont de niveau 2, dans les universités. Les bureaux des professeurs sont des laboratoires. Donc, de quelle façon les étudiants qui voudront aller voir les professeurs s'y prendront-ils, s'ils doivent subir un security check au préalable? Ce sont des choses auxquelles il faudra réfléchir sérieusement.
Six pages de ce document portent sur le rôle de l'inspecteur, une fonction qui n'existe pas actuellement. Ce ou ces personnages auront beaucoup de pouvoir. Il faudra voir comment on pourra circonscrire ce pouvoir pour ne pas qu'il y ait un jour un abus de pouvoir, pour ne pas que la personne vive un power trip et que, finalement, elle puisse blesser...
Dans un premier temps, je tiens à remercier votre comité de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur ce projet de loi. Je vais donc vous entretenir du contenu de la loi proposée et de l'interprétation que j'en fais.
Permettez-moi de me présenter brièvement. Je dirige le département de microbiologie à l'Université McGill. J'enseigne la microbiologie et l'immunologie et, ce qui risque d'intéresser davantage le comité, je fais également de la recherche et de l'application pratique dans ces deux domaines. J'ai contribué par mes travaux de recherche à plus de 90 publications. Je fais également partie de comités consultatifs pour les Instituts de recherche en santé du Canada; les National Institutes of Health aux États-Unis; la FDA, la Food and Drug Administration, aux États-Unis; l'Organisation mondiale de la santé, à Genève; les Nations Unies; et Médecins Sans Frontières.
Je fais partie depuis plusieurs années de ces comités où l'on traite de maladies infectieuses et de microbiologie, et je vais continuer à le faire. Je crois donc avoir toute la compétence voulue pour m'exprimer sur cette tribune au sujet du projet de loi.
Tout comme l'Agence de santé publique du Canada et les membres de ce comité, je veux surtout assurer la santé de la population et la protéger contre les maladies infectieuses. C'est dans cette optique que je suis favorable à ce projet de loi dans ses grandes lignes, bien que j'estime que certaines modifications s'imposent avant son adoption. Je vais donc concentrer mon attention sur les changements souhaitables en vous indiquant les raisons qui les justifient. Je ne veux pas me montrer trop critique. Je veux seulement mettre en lumière les ajustements qu'il convient d'effectuer.
La meilleure façon d'améliorer ce projet de loi serait d'en extraire les pathogènes du groupe 2. Comme Marc vient tout juste de le faire valoir, ces pathogènes ne devraient pas être amalgamés à ceux des niveaux 3 et 4.
Je m'explique. Les pathogènes du groupe 2 posent généralement un risque faible pour la santé publique. Il est improbable qu'ils puissent causer une maladie grave et les risques de propagation sont peu élevés. Les pathogènes de niveau 3 et 4 sont complètement différents; ils représentent un risque élevé et sont susceptibles de causer de graves maladies. Les risques de propagation sont considérables pour les pathogènes du groupe 4. Par conséquent, les méthodes de travail utilisées avec ces pathogènes sont très différentes.
Il y a une façon de travailler avec les pathogènes de niveau 2. On se sert d'une enceinte de sécurité biologique à l'intérieur de laquelle l'air est confiné, et on peut travailler à mains nues. Pour les pathogènes des groupes 3 et 4, l'infrastructure requise est tout autre et coûte plusieurs millions de dollars, notamment pour une salle à pression négative.
Alors, les conditions de travail sont très différentes selon les pathogènes qu'on utilise. Les formalités administratives et les niveaux de sécurité requis doivent aussi être adaptés en conséquence. Le projet de loi ne fait pourtant pas cette distinction. Du point de vue de l'administration et de la sécurité, on met dans le même panier les niveaux 2, 3 et 4. Cela ne peut pas fonctionner. Il faut établir cette distinction, tout comme on le fait pour les méthodes de travail. On ne peut pas amalgamer tous ces pathogènes. Si vous le faites, les conséquences seront énormes pour le Canada.
Par exemple, une grande partie des recherches scientifiques menées sur les pathogènes de groupes 3 et 4, les plus dangereux, sont en fait réalisées en utilisant des pathogènes de niveau 2 comme modèles de comparaison. Ainsi, le mycobacterium tuberculosis, qui passe par les aérosols, est un pathogène qui se loge dans les poumons, y survit et cause la tuberculose, une maladie mortelle. Le mycobacterium smegmatis est un organisme très similaire. Leur apparence est la même sous le microscope. Leurs gênes sont identiques, ou presque. La filière biochimique est la même. Mais l'évolution légèrement différente de cette dernière bactérie fait en sorte qu'elle ne survit que dans le sol et ne présente que de très faibles risques d'infection pour l'être humain. Il s'agit donc d'un pathogène du groupe 2.
Les médicaments qui détruisent le mycobacterium smegmatis vont avoir le même effet sur le mycobacterium tuberculosis, ce qui permet d'utiliser un pathogène du groupe 2 pour réduire les risques et, ce qui est tout aussi important, les coûts de la recherche. Alors si ce projet de loi est adopté dans son libellé actuel, les pathogènes de niveau 2 et de niveau 3 seront considérés sur le même pied du point de vue administratif et cet avantage sera perdu. Comme les formalités administratives seront les mêmes dans les deux cas, on ne profitera plus de cet avantage que procure l'utilisation de pathogènes du groupe de risque 2.
Il s'agit d'un recul très important. Comme M. Ouellet vous a donné un très bon aperçu de l'aspect administratif, je n'en dirai pas davantage à ce sujet. Je vais me contenter d'un exemple. Si j'ai un échantillon de mycobacterium smegmatis — un organisme sans danger dans un laboratoire — je peux très bien le donner à mon collègue du laboratoire voisin, mais je ne pourrai plus le faire si ce projet de loi est adopté. Il faudra d'abord que j'obtienne un permis d'Ottawa, ce qui risque d'être très long.
J'ai peut-être mal compris les dispositions du projet de loi, mais si je lui remettais quand même l'échantillon, je crois que je serais tenu criminellement responsable et que je m'exposerais à une amende de 250 000 $ et à une peine d'emprisonnement de trois mois. C'est une perspective qui a eu l'heur d'effrayer mes collègues de tout le pays. On m'a appelé d'un peu partout pour savoir si c'est effectivement ce que prévoit le projet de loi.
Il faut également que le Canada soit en mesure de soutenir la concurrence mondiale dans le milieu scientifique. À ce titre, il faut souligner l'arrivée à Montréal de la compagnie pharmaceutique Merck, l'une des plus grandes au monde, qui vient tout juste de concevoir un excellent vaccin contre le virus du papillome humain.
L'entreprise déplace des États-Unis vers Montréal ses installations de recherche sur les maladies infectieuses. Ce sera un institut de recherche de plusieurs millions de dollars. Merck a besoin du soutien de la communauté scientifique canadienne en microbiologie et immunologie. Nous devrons être en mesure de former des étudiants et des chercheurs pour assurer le bon fonctionnement d'une telle installation. J'ai parlé aux gens de Merck et ils souhaitent pouvoir travailler avec l'Université McGill, l'Université Laval, et l'Université de Montréal, car ils tiennent à cette interaction avec le monde universitaire.
Dans son libellé actuel, le projet de loi C-11 nous lie les mains quant aux possibilités d'effectuer ce genre de recherche et à notre capacité de travailler en interaction avec des entreprises comme Merck. Si Merck ne peut pas demeurer à Montréal en raison des répercussions éventuelles de ce projet de loi sur la recherche au Canada, d'autres entreprises pourraient choisir de ne pas s'installer ici. Si l'on minait ainsi nos perspectives de collaboration scientifique, je crois que cela serait vraiment dommageable tant du point de vue de l'économie que du côté de la recherche.
Marc a également soulevé un autre point important. Il faut que nous puissions enseigner à nos étudiants. À McGill, nous comptons actuellement 350 étudiants de premier cycle en microbiologie et immunologie. Nous leur apprenons à utiliser les pathogènes du groupe 2. Suivant les dispositions actuelles de ce projet de loi, nous ne pourrions plus le faire. Il ne nous serait plus possible de former les étudiants, car ceux-ci ne détiendraient pas l'habilitation de sécurité requise. Les correctifs nécessaires doivent être apportés au projet de loi.
Il faut aussi tenir compte du fait qu'au Canada, les bureaux des professeurs sont le plus souvent situés à l'intérieur du laboratoire. Si je donne un cours le matin, un étudiant ne pourra plus venir me poser une question à mon bureau, car celui-ci se trouve dans le laboratoire et que l'étudiant n'est pas autorisé à y avoir accès. C'est un autre aspect problématique de ce projet de loi.
Chaque semaine, l'Université McGill reçoit la visite de scientifiques avec lesquels nous aimons bien discuter des questions qui nous intéressent. Ces visiteurs n'auraient plus accès à mon laboratoire. En vertu du projet de loi dans sa forme actuelle, il nous serait interdit de discuter des résultats de nos travaux dans le laboratoire.
J'aimerais conclure avec une considération que j'estime importante et qui me tient tout particulièrement à coeur. Le Canada nous offre un environnement très propice à la recherche. Les Instituts de recherche en santé du Canada n'ont rien à envier aux institutions du reste de la planète. Voilà plus de 15 ou 20 ans qu'ils financent ma recherche sur la leishmania.
La leishmania est un pathogène du groupe 2. Comme elle est transmise par des moucherons que l'on retrouve dans le sable, elle ne peut pas causer de maladies au Canada, mais la situation est bien différente dans les pays en développement, et surtout au Pérou où elle est à l'origine d'une forme grave de lèpre. Grâce au soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, nous avons pu concevoir de nouveaux traitements pour cette maladie. À l'issue des tests en laboratoire, nous procédons maintenant aux essais cliniques au Pérou. Nous sommes en mesure de traiter les gens avant qu'ils ne contractent cette forme de lèpre. Cette initiative bénéficie de l'appui de l'Organisation mondiale de la santé et de Médecins Sans Frontières. Si nous pouvons effectuer des travaux aussi utiles, c'est grâce aux conditions idéales pour la recherche qui nous sont offertes au Canada.
Je peux vous dire très franchement que si les dispositions du projet de loi C-11 avaient été adoptées dans leur forme actuelle, soit en incluant les pathogènes de niveau 2, il nous aurait été impossible d'apporter de telles contributions scientifiques et de soutenir la concurrence sur la scène internationale.
J'estime que ce projet de loi comporte de nombreux éléments positifs, mais il n'en demeure pas moins que le milieu scientifique canadien est d'avis que l'on fait fausse route en mettant dans le même paquet les pathogènes de niveau 2 et ceux des groupes 3 et 4. On peut facilement rectifier le tir en retirant les pathogènes du groupe 2, de manière à cibler uniquement ceux des niveaux 3 et 4. C'est le message que je souhaitais vous communiquer aujourd'hui.
Je vous remercie beaucoup d'avoir eu la patience de m'écouter.
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Je voudrais aborder brièvement la coordination et ensuite revenir à la question des pathogènes de niveau 2.
J'ai entendu la question que vous avez posée à propos de la coordination et la réponse formulée mardi par Frank Plummer qui a bien expliqué, selon moi, tous les exercices sur table et la coordination au sein de l'administration fédérale.
D'après moi, la coordination est nécessaire au sein de l'administration fédérale, mais elle ne garantit pas la biosécurité. Les représentants du gouvernement, les universitaires spécialistes des sciences de la vie et le secteur privé doivent collaborer et être sur la même longueur d'ondes.
Lorsque que je siégeais au comité de la National Academy, et je ne propose pas qu'on agisse ainsi au Canada, les membres ont commencé à parler de leurs conflits d'intérêts. On y retrouvait tous ces scientifiques de Stanford ou d'ailleurs, et chacun se vantait de faire partie de tel comité de la Defense Intelligence Agency. Les représentants du gouvernement ne tenaient pas vraiment compte de l'avis des gens de l'extérieur. On pousse jusqu'à ce point la coordination et l'interaction, ce que je ne constate pas au Canada. Les Américains sont peut-être allés trop loin. Il y a peut-être un juste milieu.
Voilà donc où je veux en venir en ce qui concerne la collaboration et la protection. Je pense qu'il vous faut plus de détails à ce sujet. C'est pourquoi je vous propose de recourir au Conseil des académies canadiennes.
Au sujet des pathogènes de niveau 2, je vous dirai très brièvement que vous êtes confrontés au problème suivant selon moi — et je ne veux pas me substituer à eux, car les gens de l'ASPC accomplissent un travail magnifique. Mais je suis convaincu qu'ils vous diront la prochaine fois: « Nous vous avons garanti que les pathogènes de niveau 2 seront traités différemment dans le règlement et qu'on tiendra compte de la plupart des scénarios de Greg. Il n'y aura aucun problème. Nous n'aurons pas besoin d'habilitation de sécurité pour les pathogènes de niveau 2. » Et ils continueront ainsi.
Je pense donc que les choix qui s'offrent au comité sont.... D'une part, dites-vous qu'il est suffisant d'établir uniquement dans le règlement la distinction entre les pathogènes de niveau 2 et les pathogènes de niveaux 3 et 4? À l'opposé, on retrouve ceux qui prônent d'exclure les pathogènes de niveau 2 du projet de loi. Et je pense que vous voudrez leur demander quels effets préjudiciables il en découlera.
Entre ces deux extrêmes, il existe un compromis, solution que vous pouvez adopter. C'est pourquoi j'ai proposé le mécanisme du comité consultatif, composé d'utilisateurs qui conseilleraient la ministre sur la mise en oeuvre même après la période réglementaire. Il y a d'autres mécanismes ayant cette vocation.
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Merci infiniment, madame la présidente.
Je veux remercier les témoins d'aujourd'hui. Je peux vous assurer que vos propos ont amené les membres du comité à réfléchir.
Je veux obtenir quelques précisions et aussi vous demandez de bien vouloir rester parmi nous lorsque le prochain groupe de témoins comparaîtra. Comme M. Singer l'a signalé, j'ai hâte d'entendre les réponses que ces témoins proposeront aux problèmes que vous avez soulevés.
Je voudrais revenir encore à la question des pathogènes de niveau 2. Vous proposez qu'il faudrait peut-être les exclure totalement. Je vois là une apparence de conflit.
Selon vous, monsieur Singer, un bon microbiologiste pourrait, même lors de travaux de recherche courante, manipuler un pathogène de niveau 2 qui pourrait devenir de niveau 3, voire de niveau 4. Le laboratoire ne serait peut-être alors pas prêt à composer avec une telle situation, sans compter les problèmes de biosécurité.
J'ai parlé récemment à des représentants du secteur nucléaire, qui ont évoqué l'incident de l'eau lourde. Avec des déchets nucléaires, il est possible de fabriquer des bombes sales, qui ne sont pas aussi pires que les bombes nucléaires. Cependant, il existe une réglementation différente à cet égard.
Pourriez-vous nous parler de la question d'équilibre? Je demande à chacun quelques précisions supplémentaires, parce que c'est là un problème avec lequel le comité est aux prises.
Monsieur Singer, pourriez-vous répondre en premier?
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Il est vraiment important que les membres du comité ne tombent pas dans le piège de la métaphore, d'où mes précisions au sujet du nucléaire. Il y a d'une part la sécurité nucléaire, et je parle des bombes nucléaires, non des sales bombes qui posent un peu moins de problèmes. La sécurité nucléaire passe par le contrôle du plutonium et de l'uranium fortement enrichi. À l'opposé, il y a la cybercriminalité. Dans son sous-sol, un enfant de 12 ans peut causer beaucoup de tort avec un virus. Il y a un tel pouvoir de dissémination.
Le risque chimique et le risque biologique ne sont pas loin de la cybercriminalité mais sont encore plus près du risque nucléaire. Ce que je vous disais en fait, c'est de ne pas tomber dans le piège de la métaphore nucléaire et de ne pas penser que sécurité des pathogènes signifie biosécurité. C'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant.
À mon avis, il est vraiment important que le comité comprenne — parce que vous n'allez pas pousser à l'extrême la sécurité des pathogènes. Vous n'obtiendrez pas le résultat nécessaire de toute façon. Il vous faut l'appui des scientifiques, sinon cela équivaudrait à « chercher une aiguille dans une botte de foin ». De plus, vous devez vous attaquer à des problèmes indépendants du projet de loi, notamment la question des sciences de la vie.
C'est le tableau de la situation.
En fait, la première recommandation de notre comité de la National Academy proposait d'envisager plus globalement la gamme des menaces. Les scientifiques qui ont été assujettis pendant cinq ans aux règles sur les agents désignés aux États-Unis — qui sont analogues à celles-ci — nous disent d'arrêter de nous focaliser sur les pathogènes et de ne penser qu'à eux.
Il faut prendre en considération les pathogènes, mais parmi ces scientifiques, les plus extrémistes élimineraient toute règle sur les agents désignés. Je ne suis pas d'accord, particulièrement en ce qui concerne les pathogènes de niveaux 3 ou 4. Ils nous disent cependant très clairement de ne pas nous focaliser sur les pathogènes et de songer aux autres risques. J'exagère un peu, mais pas trop, lorsqu'il s'agit d'agents qui passent du niveau 0 au niveau 3.
C'est le point de vue dont je voulais vous faire part, alors que vous vous penchez sur la question de l'équilibre. Vous vous rendez compte que vous obtenez certains résultats, mais que vous ne réglez pas le problème. Il faut un processus parallèle. Il faut mettre à contribution les scientifiques.
Ces précisions vous sont-elles utiles?
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Premièrement, nous considérons qu'il s'agit là d'une question importante de sécurité. Il y a une lacune au Canada, et nous avons recommandé que le Parlement la corrige.
Avant la présentation du projet de loi, il y a eu des consultations et séances d'information. Cependant, je conviendrais avec les témoins qu'il n'y a pas eu de consultations approfondies sur le projet de loi. À l'Agence de la santé publique du Canada, nous nous sommes penchés sur la question. Avant la présentation du projet de loi, nous avons pu brosser un tableau de la situation qui en découlerait, mais c'était dans le cadre d'une brève séance d'information.
Quel est le rôle du ministère? Nous avons donné des conseils stratégiques au gouvernement sur le projet de loi qui devrait être présenté. D'habitude, on prend connaissance du projet de loi lorsque le gouvernement le présente au Parlement et on ne tient donc pas de consultation sur celui-ci avant son dépôt. La consultation des intéressés est cependant nécessaire, et c'est ce que nous ont dit les témoins. Dès le dépôt du projet de loi, nous avons sillonné le pays pour l'expliquer. Nous avons fait ressortir la distinction sur le degré de risque entre les pathogènes de niveau 2, 3 ou 4. Nous avons insisté sur la sécurité pour les pathogènes de niveau 3 et proposé d'assujettir les pathogènes de niveau 2 à des mesures essentiellement volontaires, dans le but de prôner la biosécurité.
Lorsque le projet de loi est devenu un document public, nous savions d'emblée que nous devions intervenir, et nous avons pu consulter les chercheurs de tous les coins du Canada à cet égard. Nous avons examiné la lettre de la Colombie Britannique et nous voulons poursuivre dans cette veine. La véritable consultation porte sur le règlement.
Dans la lettre, on se demandait si le règlement pourrait être libellé correctement. Vous avez donc là une idée précise de ce que la province souhaite dans la formulation du règlement, et c'est là, à mon avis, le début d'une très bonne consultation.
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Oui. Je pense que les Canadiens se souviennent surtout du virus du SRAS, qui a maintenant été éliminé de la population humaine grâce aux efforts déployés à l'échelle planétaire.
À Beijing, en Chine, le virus du SRAS a été propagé par des employés de laboratoire qui ont infecté des membres de leur famille. Le virus du SRAS, s'il n'est pas confiné, pourrait réapparaître au sein de la population. Personne ne veut revivre cette expérience.
Heureusement, le Canada n'a pas eu à composer avec ce genre de situation. Toutefois, le virus du SRAS est peut-être éliminé au Canada, mais il y a sans doute plusieurs laboratoires qui le manipulent. Nous aimerions savoir quels sont ces laboratoires. Or, il n'existe pas de mécanisme systématique officiel qui nous permet de les identifier. Nous pouvons effectuer des sondages et autres choses du genre, mais nous n'avons pas le pouvoir de demander qui possède le virus du SRAS.
Autre exemple: la salmonella est un agent qui fait partie du groupe à risque 2. Or, en Oregon, on a retrouvé des traces de cette bactérie dans les buffets à salade. Quelqu'un a contaminé un buffet à salade avec cette bactérie. Il s'agit là d'un acte bioterroriste. Mentionnons aussi les lettres contenant de la poudre d'anthrax trouvées aux États-Unis. Dans l'ex-Union soviétique, il y a eu une fuite d'anthrax qui a non seulement affecté les employés de laboratoire, mais également les habitants de la collectivité, des spores d'anthrax ayant été dispersés par le vent.
Bon nombre de ces agents appartiennent aux groupes de risque 3 et 4. Ce sont ceux qui soulèvent le plus d'inquiétudes. Reste que les gens peuvent utiliser les bactéries salmonella et E. coli, entre autres.
Il y a un autre virus qui est connu, soit celui de la polio. Il est en train de disparaître. Il a été éliminé des Amériques. Or, compte tenu des obligations que nous avons à l'égard de l'Organisation mondiale de la santé — et nous avons donné notre accord —, nous devrions savoir quels sont les laboratoires qui manipulent ce virus au Canada. Mis à part les quelques sondages que nous pouvons mener, nous n'avons pas le pouvoir de recueillir des données à ce sujet, ce qui veut dire que nous ne sommes pas en mesure de soumettre des rapports détaillés à l'OMS. Nous avons essayé de faire de notre mieux. Toutefois, ce projet de loi va nous permettre de déterminer quels sont les établissements qui manipulent le virus de la polio, le virus du SRAS, ainsi de suite.
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Je pense que c'est là, encore une fois, qu'il nous faut créer le comité consultatif. Il existe déjà un groupe de référence pour le mécanisme actuel et les consultations, potentiellement, sur l'élaboration de règlements.
Ce que nous constaterons, c'est que lorsque ce projet de loi et le règlement afférent entreront en vigueur, concrètement, bien des gens différents nous en parleront. Il y a beaucoup de scientifiques et beaucoup d'experts, tant au Canada qu'à l'étranger, dont nous pouvons tirer parti.
Le concept prévoit notamment qu'il y aura un comité consultatif d'experts, mais nous avons aussi quantité d'experts sur des pathogènes très particuliers, des gens qui sont déjà sur une liste et qui ont convenu de nous fournir des conseils experts au besoin, très rapidement.
Il nous faut, vraiment, des listes d'experts non seulement pour ce projet de loi ou ce règlement particulier; il nous en faudra, de toute façon, pour obtenir rapidement des réponses relativement aux nouveaux pathogènes. Vous savez que nous avons déjà deux experts sur le leishmania et ils seront probablement tout à fait disposés à nous aider, parce qu'ils seront prêts à intervenir. Alors je pense qu'il y a des incitatifs, des deux côtés, pour mettre sur pied un comité qui soit viable, au courant et efficace.
Ce que nous aimerions faire, potentiellement, c'est de formuler un concept au sujet duquel nous pourrions consulter — « Que pensez-vous de ce concept de structure d'un comité? » — pour voir les réactions de nos intervenants.