Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Avant de donner la parole à M. McGuinty et à Mme Marcoux, je tiens à informer les membres du Comité de certains faits nouveaux concernant notre ordre du jour.
Tout d'abord, le juge Bastarache est prêt à comparaître devant le Comité. Vendredi, il était prêt à comparaître devant le Comité le 7. Comme cette date a maintenant été rapprochée au 2 décembre, je propose de lui accorder la période complète de deux heures pour qu'il puisse parler de ce rapport sur la Gendarmerie royale du Canada.
La deuxième chose que j'ai remarquée pendant le vote ou la période des questions, je n'en suis pas certain, c'est que la mise à jour économique doit être présentée le 30 novembre. Je vais demander à mes collègues si nous devons tout simplement annuler la réunion du 30 novembre. Ces deux faits nouveaux apporteront de sérieux changements à notre ordre du jour convenu précédemment. Avant mercredi, j'aimerais que le Sous-comité me dise comment nous convenons de procéder. Je vais probablement communiquer avec chacun d'entre vous et essayer de réorganiser l'ordre du jour pour optimiser notre productivité d'ici la fin de la séance.
Sur ce, je cède la parole à M. McGuinty et à Mme Marcoux pour la présentation de leur rapport.
Monsieur McGuinty, compte tenu de notre amitié de longue date et de votre connaissance supérieure des procédures parlementaires, je me permets de vous avouer que j'ai trouvé ce rapport plutôt... eh bien, j'allais dire « inintelligible ». J'espère que vous pourrez me l'expliquer, car j'ai essayé de comprendre ce qui était recommandé dans ce rapport. Il renferme tellement de ratures qu'il est très difficile à suivre.
Pour la gouverne de la présidence, monsieur McGuinty, j'espère que vous nous présenterez la version de votre rapport pour les nuls.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je ferai de mon mieux pour vous accommoder, vous et vos collègues.
Bonjour, chers collègues. Merci de nous accueillir.
Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de discuter du rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et d'un rapport spécial distinct, tous deux déposés au Parlement le 12 mars de cette année.
À titre d'information, le comité s'est réuni 25 fois entre février et août 2019. On me dit que le comité a entendu 48 hauts fonctionnaires du gouvernement et de la société civile et qu'il s'est appuyé pour rédiger ce rapport sur plus de 30 000 pages de renseignements classifiés.
Passons d'abord à notre premier examen, sur la diversité et l'inclusion dans l'appareil de la sécurité et du renseignement. Ce premier examen fournit une base de référence pour déterminer où se situent les communautés de la sécurité et du renseignement en matière de diversité et d'inclusion des femmes, des Autochtones, des membres de minorités visibles et des personnes handicapées. Notre examen montre que la représentation de ces groupes désignés est moins importante que dans l'ensemble de la fonction publique canadienne, surtout pour les membres de minorités visibles. Fait encore plus troublant, les cas de harcèlement et de discrimination demeurent à un niveau anormalement élevé, ce qui est inacceptable.
[Français]
Les dirigeants de ces organisations sont tous engagés à améliorer la diversité et l'inclusion dans leurs effectifs respectifs. Cependant, une direction soutenue, un engagement général et une plus grande responsabilité dans l'ensemble de l'appareil de la sécurité et du renseignement sont essentiels pour veiller à ce que ces organisations reflètent et incluent réellement la diversité du Canada.
Le Comité a recommandé la tenue d'un examen dans trois à cinq ans dans le but d'évaluer les progrès. Nous recommandons aussi une amélioration de la collecte et de l'analyse de données, ainsi que la création d'un ensemble commun de mesures de rendement.
[Traduction]
Permettez-moi maintenant de parler de l'examen de la menace d'ingérence étrangère au Canada et de la réaction du gouvernement à cette menace.
Le comité a convenu de concentrer ses efforts sur l'ingérence étrangère classique de personne à personne. Nous n'avons pas examiné les questions d'intégrité électorale, les cybermenaces et les acquisitions étrangères d'entreprises canadiennes en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
L'examen a permis de conclure qu'une ingérence étrangère importante et soutenue a été commise par un certain nombre d'acteurs étrangers qui ont cherché à s'immiscer de façon inappropriée dans les affaires du Canada ou à y exercer une influence. Il a également permis de constater que la réaction du gouvernement à ces cas d'ingérence a été gérée un cas à la fois, voire de façon ponctuelle, et que notre engagement auprès des autres ordres de gouvernement et du public canadien a été limité.
[Français]
Par conséquent, le Comité recommande au gouvernement qu'il élabore une stratégie pangouvernementale pour contrer l'ingérence étrangère et pour améliorer la résilience institutionnelle et publique. En fait, notre recommandation précise de manière assez détaillée ce qui devrait être inclus dans une telle stratégie, comme présentée au paragraphe 297.
Le Comité recommande aussi au gouvernement d'appuyer sa stratégie au moyen d'une direction et d'une coordination centrales soutenues.
Passons ensuite au troisième examen du rapport annuel: l'Agence des services frontaliers du Canada.
Le Comité a réalisé le tout premier examen indépendant des activités de sécurité nationale et de renseignement les plus sensibles de l'Agence, y compris la surveillance, le recours à des sources humaines confidentielles et les opérations conjointes.
[Traduction]
Dans l'ensemble, le comité a constaté que les pouvoirs de l'Agence des services frontaliers du Canada sont clairs, bien encadrés et appuyés par plusieurs lois. Toutefois, l'Agence n'a pas de directives ministérielles sur la conduite des activités de sécurité nationale et de renseignement, une lacune au chapitre de la responsabilité ministérielle. Le comité recommande que le donne des directives officielles à l'Agence, conformément à la pratique du Service canadien du renseignement de sécurité et de la Gendarmerie royale du Canada.
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a également préparé un rapport spécial sur le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Au cours d'un examen des activités de renseignement de défense du ministère mené en 2018, celui-ci a fourni au comité une directive interne qui fournit des orientations aux troupes et aux employés sur la façon de gérer la collecte de renseignements sur les citoyens canadiens. C'est ce qu'on appelle la directive CANCIT.
[Français]
Le Comité a décidé de mener un examen spécial de cette directive pour comprendre quelle loi régissait la collecte, l'utilisation, la conservation et la diffusion de renseignements sur les Canadiens par le ministère, et pour évaluer la mesure dans laquelle la mise en application de cette directive amenait ou non des risques sur le plan légal ou opérationnel.
Le Comité a conclu que la directive CANCIT n'était pas suffisamment claire et recommande que le ministère collabore avec le commissaire à la protection de la vie privée pour revoir toutes ses directives relatives au renseignement de défense.
[Traduction]
Le comité a fini par se former une opinion selon laquelle les activités de renseignement de défense du ministère menées dans le cadre d'opérations à l'étranger ne sont peut-être pas conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le comité a donc renvoyé cette affaire au procureur général, conformément à son obligation en vertu de l'article 31.1 de la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui se lit comme suit:
Le Comité informe le ministre compétent et le procureur général du Canada de toute activité d'un ministère liée à la sécurité nationale ou au renseignement qui, à son avis, pourrait ne pas être conforme à la loi.
Le comité demande également au de s'assurer que le ministère respecte la lettre et l'esprit de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans toutes ses activités de renseignement de défense, qu'elles soient menées au Canada ou à l'étranger.
En 2018, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a recommandé que le gouvernement envisage sérieusement d'accorder un pouvoir législatif explicite entourant la conduite d'activités de renseignement de défense. En 2019, le comité est allé plus loin en demandant au de présenter un projet de loi régissant les activités de renseignement de défense. Comme suite à cette demande, le et le ont tous deux reçu le mandat d'élaborer un cadre régissant le renseignement de défense.
Merci beaucoup de votre attention, chers collègues. Ceci conclut mon intervention.
Monsieur le président, si nous ne pouvons pas répondre à des questions détaillées au cours de cette séance, nous serons heureux de vous fournir des réponses écrites. Je tiens également à souligner qu'il s'agit d'un rapport de 182 pages, en plus du rapport spécial sur le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Nous aimerions recevoir des commentaires et des critiques constructifs sur la façon d'améliorer notre fonctionnement pour le bénéfice du comité, pour les parlementaires et pour les Canadiens.
Merci, monsieur le président.
:
Votre question est en plusieurs volets.
Il ne faut pas oublier d'abord que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement n'est pas tant un comité de surveillance qu'un comité d'examen. En ce sens, nous sommes différents de nos homologues américains et nous sommes plus en phase avec nos autres partenaires du Groupe des cinq, qu'il s'agisse de l'ISC au Royaume-Uni ou du modèle néo-zélandais. C'est un peu différent en Australie. Je tiens à signaler aux auditeurs et aux téléspectateurs, et à l'intention de M. Kurek, que notre comité met donc davantage l'accent sur l'examen que sur la surveillance.
La question des cybermenaces est précisément celle dont le comité est actuellement saisi, monsieur Kurek, dans le cadre de cette série d'examens. Cet examen des cybermenaces est très vaste. Je crois que nous avons déjà reçu environ 18 000 pages de documents à ce sujet. Nous évaluerons la question des cybermenaces et la capacité du gouvernement d'y donner suite.
Nous approfondissons également les activités de sécurité et de renseignement du ministère des Affaires mondiales, ce qui n'a jamais été fait auparavant. Nous essayons de poursuivre certains de ces examens dans des domaines qui n'ont jamais été examinés auparavant, comme au ministère de la Défense nationale, à l'Agence des services frontaliers du Canada et, bien sûr, à Affaires mondiales Canada.
Quelle était votre autre question, monsieur?
Comme les membres du Comité le savent peut-être, en 2019, le Cabinet a adopté une directive créant un comité de cinq personnes qui sera chargé de se pencher sur les activités qui ont entouré les élections de 2019 et qui sera essentiellement le destinataire de l'information. Il s'agit d'un comité présidé par le greffier. Il devait être saisi de l'information qui venait de différents fournisseurs d'information et de déterminer si un certain seuil d'ingérence avait été franchi, en appliquant un certain critère pour déterminer si ce comité de cinq personnes dirigé par le greffier devrait communiquer aux Canadiens des faits répréhensibles ou inappropriés qui auraient pu se produire pendant la campagne électorale.
Un rapport vient d'être terminé par l'ancien sous-ministre et greffier, Jim Judd — je crois que c'était lui qui était greffier —, et il a rendu ce rapport public. Ce rapport est toujours entre les mains des membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. La version non expurgée est ici. Nous l'étudions maintenant, et nous en parlerons davantage en temps et lieu dans nos commentaires au au sujet de la structure de ce comité, de son mandat, et ainsi de suite.
Nous ne nous pencherons pas tellement sur l'intégrité électorale, mais je peux vous envoyer plus de précisions, monsieur Kurek, sur l'examen des cybermenaces, si cela peut vous être utile.
:
La première chose à dire à ce sujet, c'est qu'il ne faut pas oublier que nos communautés culturelles et ethnoculturelles sont elles-mêmes ciblées par des acteurs à l'étranger. Elles sont victimes au Canada. Il ne faut pas oublier que le gouvernent, le Canada, a une obligation de protéger ses citoyens.
Dans nos recommandations, nous proposons une approche pangouvernementale, c'est-à-dire de revoir complètement comment nous agissons, réagissons, coopérons entre les ordres de gouvernement et travaillons avec les Canadiens, nos institutions universitaires, la classe politique et les politiciens. Nous avons recommandé deux fois de suite, monsieur Iacono, que les politiciens, les députés, quand ils sont élus, soient assujettis à une séance d'information approfondie de ce qui se passe dans le domaine de l'ingérence étrangère.
Il y a donc toute une série de recommandations visant les façons dont le gouvernement peut s'améliorer. Nous avons été grandement inspirés par l'étude de cas en Australie, où l'on a fait énormément de progrès, peut-être parce qu'il y a davantage de victimes qu'ailleurs. Je ne sais pas. Nous avons proposé d'examiner ce modèle pour le Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je suis contente que vous ayez avoué être un peu étranger aux conclusions de ce rapport, qui est assez substantiel. Je vous avoue que je l'étais aussi. C'est très technique.
J'ai très hâte d'entendre M. McGuinty en parler davantage et approfondir la question. Je le remercie de son travail.
J'aborderais la question de la diversité et de l'inclusion dans l'appareil de la sécurité et du renseignement.
Dans les dernières semaines, on a vu beaucoup de nouvelles selon lesquelles il y a des cas de harcèlement, de racisme et de violence sexuelle dans la GRC notamment, mais également dans le système carcéral. Le rapport récent de l'enquêteur correctionnel nous démontre que ce sont des choses qui arrivent entre les agents de sécurité et les détenus.
Vous avez peut-être fait cet examen en profondeur. Auriez-vous des cas précis à nous mentionner?
Vous vous êtes engagés à faire un examen des progrès réalisés d'ici les trois à cinq prochaines années. J'aimerais que vous approfondissiez un peu la question des cas sur lesquels vous vous êtes penché pour réaliser ce rapport.
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Pour la première fois, nous avons étudié neuf agences dans le domaine de la sécurité et du renseignement, notamment l'ASFC, le SCRS, le SCC, le ministère de la Défense nationale, Affaires mondiales Canada, le CIET, le Bureau du Conseil privé et la GRC, entre autres.
Nous avons établi une base de référence pour comparer la représentation des femmes, des Autochtones, des membres des minorités visibles et des gens ayant des problèmes de mobilité, par exemple, au sein de ces neuf agences qui sont des acteurs dans le domaine. Nous n'avons pas effectué d'examen en profondeur sur la question de la violence et de la discrimination, mais c'est quelque chose que nous recommandons au gouvernement.
Fondamentalement, aujourd'hui, nous n'avons pas accès aux meilleurs talents au Canada, parce que nous ne savons pas exactement où en sont rendues ces neuf agences impliquées. Néanmoins, nous savons que les études à l'échelle internationale, dont celles du FBI et de la CIA, entre autres, ont indiqué que la diversité et l'inclusion dans ces agences et cette communauté aidaient énormément à la performance dans le domaine de la responsabilité. Je ne sais pas si c'est clair.
Monsieur le président, si c'est possible, je demanderais à Mme Marcoux d'ajouter quelques mots.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur McGuinty, de votre exposé et de votre rapport.
Je vais parler brièvement de l'étude sur la diversité et l'inclusion. Il me semble plutôt décevant que les progrès aient été si lents. Vous semblez nous dire que vous ne savez même pas quel est le niveau des progrès qui ont été accomplis.
Je remarque que vous dites qu'il semble y avoir un manque d'engagement de la part de l'ensemble de ces organismes et que tout est laissé aux soins des services des ressources humaines, ce qui indique l'absence d'un véritable souci d'atteindre les objectifs.
Pourquoi votre rapport demande-t-il simplement un examen triennal ou quinquennal de l'évolution de la situation, plutôt que d'insister sur l'établissement d'objectifs et de cibles, par exemple. Cela semble être une réaction inadéquate devant la lenteur des progrès que vous avez clairement déplorée.
:
Merci, monsieur Harris.
L'une des choses que nous avons soulignées dans le rapport, pour être aussi précis que possible, c'est que nous avons examiné en profondeur l'équipe spéciale du , mise sur pied en 2016. Nous avons souligné le fait que l'équipe spéciale, qui a été créée pour élaborer un cadre de mesure du rendement dans l'ensemble du gouvernement fédéral, ne s'était pas réunie depuis juin 2018. Nous croyons qu'un rapport doit être remis tous les six mois au sous-secrétaire du Cabinet, mais la dernière réunion, selon nos documents, a eu lieu en juillet 2018.
Nous sommes allés aussi loin que nous le jugions possible comme comité pour demander au gouvernement d'apporter des améliorations, et nous avons établi la base de référence. Il n'y avait jamais eu d'examen de la diversité et de l'inclusion dans les neuf organisations qui composent l'appareil de la sécurité et du renseignement.
Nous estimions qu'il était important de le dire et de citer des statistiques, et de nous appuyer sur des faits, pour savoir exactement où nous en étions. Nous cherchons maintenant à réaliser des progrès. Nous avons demandé au gouvernement de prendre certaines mesures; nous verrons ce qu'il fera.
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Bien, vous semblez avoir relevé un important manque d'engagement, de toute évidence. Je suis surpris que vos recommandations n'en fassent pas état aussi manifestement, mais je vous remercie de l'avoir souligné. Je vais devoir chercher ces tableaux.
Ce qui m'intéresse le plus dans votre rapport, parce que nous en avons parlé au comité Canada-Chine et que cela a fait l'objet d'une motion de l'opposition la semaine dernière, c'est l'ingérence étrangère au Canada. Je ne parle pas particulièrement de la Chine, même si nous avons entendu des témoins dire certaines choses qui se reflètent ici en ce qui concerne le passage d'un endroit à un autre. Votre rapport fait état d'un manque de coordination, par exemple, et d'un manque d'orientation sur la voie à suivre.
Je regarde les problèmes qui ont été soulevés ici, les défis auxquels fait face la Gendarmerie royale du Canada, c'est-à-dire que les opérations sont principalement axées sur la lutte contre le terrorisme, que les renseignements fournis par le Service canadien du renseignement de sécurité sont difficiles à utiliser comme preuve à l'appui des enquêtes criminelles; que le ministère de la Sécurité publique n'a que récemment désigné et affecté des ressources à la question de l'ingérence étrangère; que jusqu'à la fin de 2017, la collaboration interministérielle sur l'ingérence étrangère n'était que ponctuelle et axée sur un dossier en particulier; que l'ordre de priorité des principales sources de préoccupation doit être établi, et que le travail à effectuer à cet égard n'en est encore qu'aux premières étapes.
Il me semble, monsieur McGuinty, que tout cela nous mène à la conclusion, à mon avis, que toute la question de l'ingérence étrangère n'a pas vraiment été prise au sérieux par ces organismes, qui se concentrent sur d'autres choses ou qui sont inefficaces, ce qui explique que nous avons accumulé un très grand retard dans ce domaine. Est-ce aussi votre conclusion?
Pour ajouter au propos de M. McGuinty, il importe de rappeler que notre examen s'est déroulé de janvier 2015 à août 2018. Les documents que nous avons reçus reflètent les conclusions et l'état d'avancement des recommandations de notre rapport.
Nous signalons, par exemple, que le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, fait enquête sur l'ingérence étrangère, et en parle, depuis sa création. Nous mentionnons également que, si les autres ministères ne négligent pas nécessairement la menace, leur réaction, et la réaction pangouvernementale, sont très ponctuelles et au cas par cas. Nos recommandations visent à raffermir l'approche pangouvernementale.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins.
Merci, monsieur McGuinty, de votre présence et du travail incroyable que vous faites avec votre comité. Je trouve cela extrêmement important.
Peut-être, par contre, puis-je vous lancer sur quelque chose de très simple. Je constate que les Canadiens ont de nombreuses versions ou interprétations différentes de ce qu'est l'ingérence étrangère. Mais ce qui importe encore plus, c'est que les organismes gouvernementaux et les ministères ont toutes sortes de définitions différentes de ce qu'est l'ingérence étrangère.
Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi consiste exactement l'ingérence étrangère? Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, les ministères et les organismes ont de la difficulté à s'entendre sur la définition de l'ingérence étrangère?
:
Excellente question. Nous essayons de nous attaquer à ce problème, madame Khera, au chapitre 2 du rapport. Cela commence au paragraphe 106 ou 107. Nous parlons de la définition, soit « activités qui peuvent aller de formes de conduite diplomatique évidentes et souvent amicales d'un côté, à des actions secrètes et hostiles de l'autre ».
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité décrit assez bien ce qu'est l'ingérence étrangère, et vous faites remarquer, à raison, que l'une des choses auxquelles nous nous sommes heurtés assez tôt est le fait qu'il n'y avait pas de nomenclature ni de compréhension uniforme dans l'ensemble de la collectivité de la sécurité et du renseignement.
Ainsi, si l'ingérence étrangère s'exerçait sur le terrain dans une municipalité quelque part, peut-être dans le cadre d'une campagne électorale municipale, par exemple, ou peut-être encore sous une autre forme ou d'une autre manière, les policiers de première ligne ne comprendraient pas nécessairement. Si une femme exceptionnelle de la Police provinciale de l'Ontario tombait sur quelque chose qui pourrait constituer de l'ingérence étrangère, elle ne saurait peut-être pas quoi faire, ou n'y verrait pas d'ingérence étrangère.
C'est l'une des choses que nous avons abordées: expliquer à quoi cela ressemble. Encore une fois, au paragraphe 108, nous parlons des effets des « activités d'ingérence étrangère » et des risques que cela comporte. Cela mine une série de valeurs canadiennes.
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Je pourrais peut-être tenter une réponse, quitte à demander à Mme Marcoux d'intervenir également.
Il est vraiment important que les membres du Comité entendent ce que notre comité a à dire à ce sujet, c'est-à-dire que, si nous ciblons les communautés ethnoculturelles — sur lesquelles certains nous ont interrogés par le passé —, ce n'est pas parce que nous voulons brouiller les perceptions de certaines d'entre elles au Canada. Bien au contraire, nous voulons qu'il soit bien clair que ce sont des communautés ethniques et culturelles différentes qui sont, de fait, la cible d'États étrangers. Notre comité insiste sur le fait que ces collectivités devraient être à l'abri des menaces et des incitations étrangères. Elles sont des cibles.
C'est pourquoi, par exemple, nous soulignons également une mesure qui vient de la Chine, et qui a essentiellement une extension extraterritoriale aux ressortissants sino-canadiens que l'on dit ici la responsabilité de la Chine. Cela est également expliqué en détail dans le rapport.
Mme Marcoux pourrait peut-être répondre à cette question également, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
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Monsieur McGuinty, j'aborderais la question de l'Agence des services frontaliers du Canada dont vous avez parlé dans votre rapport. Vous recommandez que le ministre de la Sécurité publique fournisse à l'Agence des services frontaliers du Canada des directives écrites sur la conduite des activités de nature délicate en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ce sont des directives qui doivent inclure des attentes claires en ce qui concerne la reddition de comptes et des obligations de production de rapports annuels.
Ce qu'on constate dans votre rapport, c'est que ces directives auraient dû être émises de la part du ministre depuis des mois, voire des années. L'Agence des services frontaliers du Canada aurait demandé depuis 2013 à recevoir des instructions claires du ministre, mais sans succès.
Selon ce qu'a appris La Presse dans les dernières semaines, l'Agence aurait approuvé des directives, mais le ministre n'a toujours pas donné d'instructions.
J'aimerais savoir pourquoi, à votre avis, les directives n'ont pas encore été publiées officiellement. Le gouvernement semble mettre la faute sur la COVID-19, puisque cela devait être approuvé autour de février dernier. Cependant, cela semble faire partie d'un schéma plus large, alors j'aimerais vous entendre à ce sujet.
:
Monsieur McGuinty, je vous remercie de votre rapport. Il y a là matière à réflexion.
J'ai des douzaines de questions, mais pas grand temps. Je ferai remarquer qu'il y a maintenant 15 mois que ce rapport est entre les mains du gouvernement, si bien que les réponses dont nous venons de parler auraient dû déjà être données. Je suppose que le gouvernement n'aura aucun problème à établir dans les 30 jours un plan robuste dans le sens de la motion de la semaine dernière.
Ma question porte précisément sur l'une de vos recommandations, soit l'évaluation de l'efficacité des lois en vigueur qui traitent de l'ingérence étrangère. Je suppose que vous avez relevé diverses lacunes dans la législation actuelle.
Pourriez-vous nous décrire, en quelques minutes, les lacunes, ou certaines des lacunes à corriger, ou quelque chose qui devrait être fait pour donner au Canada de meilleurs moyens de se protéger contre l'ingérence étrangère?
:
C’est très bien. Il nous reste une minute et demie, mais je vous remercie de nous avoir aidés à contrôler la montre.
L’une des raisons pour lesquelles nous tenons ces réunions, c’est pour étoffer un rapport autrement aride et déroutant. C’est exactement ce que M. McGuinty et Mme Marcoux ont fait, à tel point qu’ils nous ont laissés avec des dizaines de questions, comme l’a dit M. Harris. J’ai remarqué l’échange avec M. Iacono sur la façon dont d’autres pays informent leurs collègues et sensibilisent le public au contenu de ces études.
Je pense, monsieur McGuinty, que vous et moi allons avoir une conversation hors ligne sur les moyens de nous assurer que vos rapports et vos travaux obtiennent un auditoire plus vaste que celui que peut vous procurer une petite heure devant le comité de la sécurité publique.
Je vous redis merci pour votre travail absolument exceptionnel. Au nom du Comité, je vous remercie de votre présence. Comme vous pouvez le constater, vous avez vraiment stimulé notre intérêt.
Merci, chers collègues. Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, le temps de changer de témoins.
Encore une fois, merci, madame Marcoux et monsieur McGuinty.
:
Merci de m’avoir invitée.
J’ai publié de nombreux articles évalués par des pairs sur les préjudices raciaux et sexospécifiques causés par les services de police au Canada par le passé et aujourd’hui, plus particulièrement Policing Black Lives: State Violence in Canada from Slavery to the Present. Je suis aussi doctoratante à l'Université de Toronto, titulaire d'une bourse Vanier.
Je présenterai aujourd’hui un argument fondé sur des données probantes qui montrent pourquoi le public canadien appuie de plus en plus les appels visant à couper les vivres à la police et à insister sur le besoin de lutter efficacement contre le racisme systémique qui fait partie intégrante des services de police au Canada.
Je ferai d’abord remarquer une chose. Plutôt que de les avaliser, de nombreuses collectivités perçoivent les services de police comme une forme de préjudice, en particulier dans le cas des communautés noires, autochtones, des communautés racialisées et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Par exemple, un énoncé de principe de 2018 de l’American Public Health Association affirme que la violence policière est un problème de santé publique, et que le simple fait de devoir nous en occuper cause déjà du tort à notre société.
Mon travail documente le problème endémique du profilage racial qui remonte à la création des services de police partout au Canada et traite de l’exercice excessif des pouvoirs policiers, depuis le XIXe siècle, contre des hommes et des femmes autochtones, noirs ou appartenant à d'autres groupes racialisées. Des études menées à Toronto, à Edmonton, à Montréal, à Halifax et à Vancouver montrent que les Noirs sont arrêtés par la police de deux à six fois plus souvent que les Blancs.
Des reportages de CBC/Radio-Canada sur des dizaines de femmes autochtones victimes de violence sexuelle ou physique de la part de la police, ainsi que sur les agressions de Majiza Philip et Santina Rao et d’autres femmes noires, ont avancé qu’il y a aussi un élément sexospécifique en jeu dans ce racisme systémique au sein de l’institution policière. Nous savons également qu’il y a eu des morts. Les Noirs sont 20 fois plus susceptibles d’être abattus par la police à Toronto, selon la Commission ontarienne des droits de la personne.
Le financement des services policiers au Canada n’a cessé d’augmenter d’une manière inégalée dans de nombreux autres services publics. Par exemple, les dépenses nationales consacrées aux opérations policières ont augmenté depuis le milieu des années 1990, atteignant 15,1 milliards de dollars de 2007 à 2018. Un rapport du gouvernement en 2013 signalait que le coût des services de police à l’échelle nationale avait plus que doublé depuis 1997, dépassant l’augmentation des dépenses de tous les ordres de gouvernement. Cela comprend les salaires des policiers, qui ont augmenté de 40 % depuis 2000, alors que le salaire de la plupart des Canadiens n’a augmenté que de 11 %, selon Sécurité publique Canada. Avec le ralentissement économique découlant de la COVID-19, la redéfinition des priorités n’a jamais été aussi cruciale.
Nous assistons également à une militarisation croissante des services de police, au détriment surtout des communautés noires et autochtones. Par exemple, un rapport de Kevin Walby et Roziere en 2018 fait remarquer que le recours aux équipes d’intervention ou aux escouades tactiques avait augmenté de 2 000 % depuis les quatre dernières décennies, et qu’il était de plus en plus fréquent pour des activités courantes comme l’exécution de mandats, les contrôles routiers, la police communautaire et les interventions en cas de crise de santé mentale...
Pour les communautés noires en particulier, cette militarisation a parfois été fatale ou violente. Par exemple, des groupes de réfugiés somaliens ont subi des raids où ils ont été agressés à coup de béliers et de grenades « éclair-son » — et brutalisés physiquement selon une dame somalienne âgée — et, dans un cas, l’intervention était accompagnée de voix proférant le verbe mourir à l’impératif.
Parallèlement à l’augmentation de la militarisation et des budgets, le rôle des agents de police en réponse aux appels en matière de santé mentale s’est élargi, tout comme leur présence dans les écoles.
Nous avons également constaté une augmentation spectaculaire du nombre de meurtres commis par la police au cours des 20 dernières années. Une étude de CBC/Radio Canada intitulée Deadly Force a mis en lumière le fait que le nombre de décès aux mains de la police a presque doublé en cette vingtaine d’années, particulièrement parmi les communautés noires et autochtones.
Il importe d’analyser les diverses réformes limitées qui n’ont pas réussi à réduire le financement, le pouvoir et l’étendue de la militarisation de la police, pas plus qu’à mettre fin au profilage racial et à la violence dans la police. Une étude menée en 2018 à Yale, la plus exhaustive à ce jour, a révélé que les caméras d’intervention n’étaient pas un moyen efficace de lutter contre le racisme ou la violence dans les services policiers.
Une étude récente menée par Ted Rutland, de l’Université Concordia, portait sur la façon dont les services de police communautaires, souvent présentés comme une réforme, n’ont pas réussi à mettre fin au racisme systémique ni contribué à répandre ou à restreindre encore davantage les préjudices causés par les services de police racialisés à Montréal.
Des décennies de témoignages anecdotiques de féministes, ainsi que des preuves documentées, ont démontré l’inefficacité de la formation policière.
Bien entendu, les médias et les demandes d’accès à l’information continuent de dénoncer les oublis des civils, ce qui montre non seulement qu’il y a un manque d’indépendance — le personnel étant surtout composé d’anciens agents de police —, mais aussi que peu d’enquêtes mènent à des accusations et qu’il y a zéro ou moins de 1 % de condamnations au criminel.
Cela laisse entendre que les services de police au Canada sont non seulement déficients en apparence, mais que les préjudices, raciaux et sexospécifiques, sont structurellement intégrés dans l’institution elle-même.
L’assortiment de changements proposés sous la bannière du retrait du financement de la police est à mon avis le plus approprié pour s’attaquer au problème du racisme systémique dans les services policiers canadiens. Pour y mettre fin, nous devons apporter des changements conçus pour réduire à un minimum les diverses formes de contact entre les gens et la police. Seule la réduction des services de police peut en réduire les méfaits.
Je vais expliquer brièvement ce que cela signifie. Bien entendu, une grande partie des propos actuels est liée à l’affectation du budget, compte tenu du montant nettement disproportionné des deniers publics et de l’argent des contribuables qui est consacré aux services de police chaque année comparativement à d’autres questions essentielles, comme les refuges, les soins de longue durée, l’éducation publique et le logement social.
De façon plus générale, il y a aussi dans cet appel un mouvement visant à diminuer la dépendance à l’égard de la police, à s’en éloigner de manière beaucoup plus concrète. La réduction du budget, du rayon d’action et du pouvoir des services policiers nous permettra de nous attaquer au problème de l’injustice systémique de façon plus globale. La réduction du rayon d’action, par exemple, vise à diminuer autant que possible les secteurs où les services de police ont été jugés les plus nuisibles.
Par exemple, nous pouvons voir le retrait d’agents de police dans les écoles relevant du Conseil scolaire du district de Toronto, maintenant aussi à Hamilton, et d’importants travaux sont en cours à cet égard à Winnipeg et à Vancouver.
La réduction de ce rayon d’action a également contribué à mettre fin aux interventions de la police en réponse aux appels en matière de santé mentale, compte tenu du décès tragique de Regis Korchinski-Paquet, de Deandre Campbell-Kelly et d’autres personnes de race noire, autochtones et autres tuées par la police dans le contexte d’une crise de santé mentale.
Les partisans de la réduction des méfaits préconisent depuis longtemps que pour éviter des décès dans ce contexte, il faudrait mettre fin à l’accompagnement de la police dans les cas de surdose ainsi qu’à la collaboration policière avec l’Agence des services frontaliers du Canada. Ce sont des façons de réduire le rayon d’action des services de police et l’incidence qu’ils ont sur la vie quotidienne des gens.
Un autre élément consiste à réduire...
Je m’appelle Mitch Bourbonniere. Je participe à des groupes communautaires qui patrouillent les rues du centre-ville de Winnipeg depuis 30 ans, le Bear Clan original ayant débuté ses activités en 1990. Aujourd’hui, nous avons au moins six groupes différents qui marchent dans les rues de Winnipeg comme groupes racialisés de maintien de la paix. Nous avons les Thunderbirds, 204 Neighbourhood Watch, l’Initiative, le Mama Bear Clan, le Bear Clan et l’OPK Manitoba, qui circulent tous dans les rues de Winnipeg.
L’OPK est un organisme qui appuie, accueille et s’occupe des jeunes hommes et femmes qui veulent une vie meilleure après avoir fait l’expérience du système de protection de l’enfance, du système de justice, des gangs de rue, et de la prison. Il offre un soutien global pour les questions touchant les jeunes, comme le logement, le revenu, l’emploi, l’éducation, la toxicomanie et la santé mentale, et il aide les participants à reprendre contact avec leur culture d’origine.
Malgré la pauvreté, les ruptures familiales, les traumatismes et la violence, ainsi que leur participation aux systèmes de protection de l’enfance et de justice pour les jeunes, ces jeunes demandent et exigent une vie meilleure. Ils travaillent extrêmement fort pour changer leur vie.
C’est très décourageant pour eux lorsque la société, et plus particulièrement la police et le système de justice, les traitent avec méfiance, comme s’ils étaient irrécupérables.
J’ai un jeune homme qui a été horriblement maltraité lorsqu’il était enfant et qui a grandi dans un système impitoyable de protection de l’enfance. Il a fini par tuer un membre de gang rival dans un conflit. Il avait 15 ans à l’époque. Il a passé les 15 années suivantes dans une prison fédérale.
Sorti de prison il y a deux ou trois ans à l’âge de 30 ans, il a travaillé sans relâche pour changer sa vie, poursuivre son éducation, obtenir son permis de conduire et un logement stable. Il travaille maintenant à plein temps, conduit son propre véhicule et il est le père d’une petite fille.
Or, comme la police peut scanner les plaques d’immatriculation en circulation, il est régulièrement intercepté en raison de son passé et interrogé agressivement et accusé de toutes sortes de choses. Je sais que c’est anecdotique, mais ces histoires m’ont été racontées à maintes reprises au cours des 30 dernières années. Même si c’est extrêmement décourageant, il lui a bien fallu se résigner, sachant que cela va inévitablement se reproduire.
Les autres jeunes qui participent à mon programme me racontent d’innombrables histoires de personnes qui se font arrêter alors qu’elles se promènent tout simplement. La police les interroge et exige des pièces d’identité sans raison apparente.
Un autre sujet de préoccupation, c’est lorsque des agents sont dépêchés sur les lieux pour vérifier l’état physique et mental de personnes en crise qui ont déjà eu des expériences malencontreuses avec la police, car la situation peut s’aggraver rapidement.
Je me rends compte qu’il y a beaucoup d’excellents agents de police et que l’action de quelques-uns peut entacher la réputation et la perception de tous. J’ai entendu comment on se contente de dire que ce ne sont que quelques brebis galeuses. Or, il me semble que nous ne pouvons nous permettre ne serait-ce qu’une seule brebis galeuse dans le service de police, car elle suffira à empoisonner la perception que l’on aura de la police dans la collectivité, tout comme il serait inacceptable que les avions des lignes aériennes soient pilotés par des brebis galeuses. Nous devons veiller à ce que les policiers soient correctement recrutés, qu’ils fassent l’objet d’enquêtes et d’examens, et qu’ils reçoivent une formation continue intensive sur les communautés racialisées et l’empathie.
J’ai eu de bonnes expériences avec la police de Winnipeg, au centre-ville, où des agents qui faisaient leur patrouille à pied nous ont demandé — à nous, qui sommes membres du Bear Clan et de l’OPK — de marcher avec eux parce qu’ils trouvaient plus facile de travailler avec les sans-abri lorsque nous les accompagnions. Je pense qu’il est utile pour eux de voir des gens de leur propre milieu qui se débrouillent bien et qui essaient de les aider.
J’aimerais voir plus de femmes dans la police, plus d’Autochtones et de personnes de couleur.
C’est ce que j’ai à dire pour l’instant.
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Merci, monsieur le président, et merci aux deux témoins pour leurs excellents témoignages.
Madame Maynard, vous avez écrit au sujet de la surveillance racialisée et, monsieur Bourbonniere, vous en avez également parlé dans votre exposé. Vous avez écrit, madame Maynard, qu'en ce qui concerne les gangs, on y retrouve plus d'enfants blancs que d'enfants noirs, et que le nombre de jeunes qui consomment des drogues est en fait équivalent chez les deux races. Ce sont pourtant les enfants noirs qui sont nettement surreprésentés dans le système de justice pénale.
La formation et l'éducation ne font que perpétuer les idées fausses dans les services de police et les intégrer dans leur mentalité, de sorte que même s'il ne s'agit pas d'une surveillance ouvertement racialisée, la mentalité persiste.
Comment pouvons-nous changer cela au sein des services de police, compte tenu du fait que la GRC est le seul service de police relevant de la compétence fédérale? Je me demande si vous avez des suggestions à nous faire sur la façon de gérer la surveillance racialisée des Noirs en particulier, mais aussi, je dirais, des Autochtones.
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Absolument, et je pense que vous avez raison de dire que les chiffres confirment que les Autochtones, en particulier les femmes autochtones, connaissent également des taux très importants de profilage racial dans la société canadienne.
Pour poursuivre sur ma lancée — et je vous remercie beaucoup de votre question —, qu'on parle d'améliorer la formation des policiers ou d'augmenter les services de police communautaires, aucune de ces mesures ne va au cœur du problème qui est celui du racisme au sein de la police et de la surveillance racialisée que vous avez si bien fait de souligner.
Je pense que ce qu'il faut, c'est nous efforcer d'éviter autant que possible les contacts entre les communautés noires et la police. Si nous prenons, par exemple, le déploiement de ce qu'on appelle souvent des escouades antigang, ce sont souvent des escouades qui ont éclipsé... Il en a été question à Montréal, par exemple, où on a activement participé au profilage racial massif des communautés noires, particulièrement dans les quartiers de Montréal-Nord et de Saint-Michel.
Nous avons en fait assisté à une importante majoration des crédits budgétaires en réponse à une perception voulant que la criminalité soit à la hausse. Or, cela n'avait rien à voir avec l'augmentation de la criminalité comme telle, mais c'est la perception qui a fini par accroître massivement la surveillance racialisée des jeunes Noirs et Autochtones dans le quartier.
C'est la raison pour laquelle je propose une réduction des budgets des services policiers, une diminution des services de police dans ces quartiers, et la réaffectation des fonds vers des aspects susceptibles de garantir la sécurité, comme les centres communautaires ou la lutte contre... les programmes de lutte contre la violence qui sont indépendants de la police et qui veulent s'y prendre tout autrement pour garantir la sécurité.
Si nous nous dirigeons également vers la décriminalisation des drogues, par exemple, ce qui, nous le savons déjà, augmente les taux d'hépatite B, de VIH et de surdoses mortelles, en plus de contribuer à l'incarcération massive des communautés noires au Canada, même si nous savons que la criminalisation ne fait rien pour s'attaquer aux méfaits réels associés à la consommation de drogues, une mesure comme la décriminalisation pourrait avoir une incidence considérable sur le bien-être des communautés noires.
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Bourbonniere.
Récemment, un article de journal a été porté à mon attention. J'aimerais vous entendre à ce sujet. C'est assez incroyable et inacceptable de voir ce genre de chose et cela justifie encore plus le travail que le Comité fait ici pour tenter de trouver des solutions.
J'explique le contexte. C'est un homme d'une trentaine d'années qui a été victime d'un genre d'enlèvement au Québec, à Val-d'Or. Voici un extrait de l'article:
[Traduction]
Ce qui est arrivé à Anichnapéo a un nom. La police appelle cela une « promenade sous les étoiles » lorsqu'elle arrête une personne autochtone parce qu'elle est perturbatrice, ivre ou simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Une fois que les agents l'embarquent dans la voiture de patrouille, ils la conduisent au-delà des limites de la ville où ils la lâchent, l'obligeant à rentrer à pied.
[Français]
Cela semble être une situation qui arrive partout au Canada, et aussi au Québec. J'aimerais savoir si, au sein de votre organisation, vous avez déjà entendu parler de ce genre de « starlight tour », ou « promenade sous les étoiles ».
Je sais qu'il n'y a pas de solution magique. Pourtant, qu'est-ce qui devrait être fait pour éviter ces situations et faire en sorte que des personnes en position de pouvoir n'exercent plus ce genre de discrimination sur certaines communautés?
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C'est une excellente question. Merci.
En fait, il y a deux écoles de pensée chez la police à l'égard des jeunes Autochtones. Il y a d'abord les soupçons et la méfiance, et le fait de croire systématiquement que ces jeunes pourraient être impliqués dans des activités criminelles, parfois sans aucune raison ni preuve. Il y a une autre pensée qui touche les Autochtones et qui est tout aussi blessante, dommageable et dévastatrice, et c'est le fait de faire allègrement abstraction de graves incidents telles les disparitions de femmes et de filles autochtones ou d'affirmer que c'est de leur faute, à cause de leur mode de vie. On suppose toujours que si quelqu'un manque à l'appel ou que quelqu'un est en crise, c'est de sa faute à lui. À Winnipeg, la police est bien moins empressée pour répondre à une demande d'aide de la part d'un Autochtone qu'à celle provenant d'un non-Autochtone.
Ces deux expériences négatives à l'égard des jeunes Autochtones s'enracinent. Ils l'intériorisent. La police est un symbole. La GRC est un symbole. C'est une autorité. Ils sont puissants. Ils ont du pouvoir. Ils ont des privilèges. Lorsque les jeunes ressentent autant de négativité et de méfiance à leur égard, et que leurs préoccupations ne sont pas prises au sérieux lorsqu'ils sont en crise, en difficulté ou s'ils sont portés disparus, ils ont l'impression d'être « inférieurs ». C'est inadmissible.
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Je vous remercie de la question.
Je parle de réaffecter des ressources dans une certaine mesure, bien sûr, ainsi que de réduire substantiellement les budgets de la police, mais aussi de réduire la portée et le pouvoir de la police. Soyons clairs.
Il est très important de comprendre que ces demandes visent explicitement à retirer cet argent du service de police, un point c'est tout, et de le donner à une organisation communautaire ou à un autre organisme plus approprié. C'est simplement à cause de cette continuité d'agissements qui fait que, même accompagnée d'un travailleur social, la police peut encore aller jusqu'à blesser et tuer une personne en garde à vue. Il s'agit vraiment de réduire au minimum les rencontres pour mettre fin aux méfaits de la criminalisation, pour comprendre que même si les arrestations et les contrôles d'identité ne sont pas des atteintes corporelles directes, ils font quand même du tort. Alors, évidemment, il ne s'agit pas seulement de réaffecter des fonds, mais bien d'éviter toute interaction, ce qui ne peut pas se faire en déplaçant simplement des sommes dans le budget de la police.
Il ne s'agit pas de former les policiers pour qu'ils soient de meilleurs travailleurs sociaux ou de meilleurs intervenants en réduction des méfaits et auprès des drogués en surdose, mais simplement d'avoir des interventions appropriées en cas de crise de santé mentale, de surdose, etc.
Je commence à faire des recherches à ce sujet. J'ai parlé à des gens qui travaillent depuis les années 1980, après le meurtre d'Anthony Griffin par la police en 1987 à Montréal, par exemple. Il y a eu un tollé général dans la population, et ce qui s'est passé ensuite, c'est qu'on a promis une meilleure formation des policiers. De nombreux organisateurs de la communauté noire de l'époque, hommes et femmes, ont participé à la formation policière. Or, tout au long des années 1990, les meurtres de Noirs aux mains de la police n'ont fait qu'augmenter.
De même, après que des allégations et des preuves systémiques sont sorties au sujet des interventions policières auprès des Autochtones à Montréal, le Foyer pour femmes autochtones a donné de la formation à la police. Plus tard, les responsables se sont adressées aux médias pour dénoncer la façon dont elles avaient été traitées par la police. Et comme de raison, le problème persiste.
Tout cela, comme ce qu'on a pu voir aux États-Unis, donne à penser que la formation sur la diversité et toutes ces autres sortes de formation, même avec les meilleures intentions du monde, ne changent rien aux réalités du profilage racial, des meurtres commis par la police, de la violence sexiste et de tous les autres sujets qui sont au cœur du problème.
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Pour mémoire, je tiens à corriger le pourcentage de la population. Ce sont 18 % des Manitobains qui s'identifient comme Autochtones, et non pas 10 %.
Nous avons une communauté autochtone très forte et très fière à Winnipeg. Il y a beaucoup d'Autochtones qui s'en tirent très bien à l'heure actuelle, mais il y en a aussi qui traînent depuis des générations les blessures causées par la relation entre le Canada et ses peuples autochtones.
Beaucoup des gens que nous rencontrons aux prises avec des difficultés viennent de milieux différents. Les secteurs que nous patrouillons se trouvent au centre-ville et dans la partie nord de Winnipeg, où la population autochtone est plus nombreuse. Comme je l'ai dit, la plupart des membres de la communauté se débrouillent extraordinairement bien. Ils se portent à merveille et ils sont en santé. Cependant, certains de nos jeunes qui en arrachent sont effectivement des Autochtones, et cela se voit. Lorsque vous allez dans nos prisons pour jeunes, vous voyez bien que tous les jeunes sont de couleur ou autochtones et que tout le personnel est blanc. C'est flagrant. C'est une image qui frappe.
Quant aux services de protection de l'enfance, environ 90 % des enfants qui leur sont confiés sont autochtones. C'est tout simplement inacceptable.
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Merci, monsieur le président.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Maynard, que je remercie de son travail.
J'ai regardé ce qu'elle a fait, notamment son livre qui parle de profilage racial, d'appauvrissement, de dévaluation et de racisme ambiant.
Madame Maynard, vous avez étudié la question des faits historiques liés à l'esclavage et au colonialisme qui briment toujours les communautés noires au Canada. Pour affirmer cela, je me fie à un article de La Presse qui date de 2018, mais c'est toujours autant d'actualité en 2020.
Selon vous, quel est le rôle du gouvernement fédéral pour que ces questions n'en soient plus d'actualité et pour qu'on observe un avancement réel ainsi que des progrès quant à la perception et au traitement des communautés noires au Canada?
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Il est tellement important de souligner à quel point l'histoire de l'esclavage au Canada, qui est si souvent occultée, explique en grande partie la surveillance dont les Noirs sont toujours l'objet dans de multiples systèmes, alors oui, je pense que c'est vraiment important. Le problème crucial que j'ai dénoncé, ce sont tous ces règlements qu'on adopte et qui ont pour effet de criminaliser la toxicomanie, le travail du sexe et la pauvreté.
Bien sûr, le bien-être des Noirs dans notre société passe nécessairement par la fin de l'appauvrissement massif de leurs communautés, mais nous devons aussi examiner les répercussions des politiques fédérales d'immigration sur les communautés noires.
Pensons aux conditions effroyables dans lesquelles travaillent les cueilleurs saisonniers, qui sont surtout des Noirs et des Latinos. Ceux qui ramassent les fruits et les légumes pour nous durant tout l'été sont les plus exposés à la COVID, comme les nombreux Noirs sans papiers et demandeurs d'asile qui risquent actuellement d'être déportés, même ceux qui ont été aux premières lignes de la lutte contre la pandémie au Québec.
Les poursuites fédérales ne font qu'aggraver la situation si on considère que l'Agence des services frontaliers du Canada travaille de plus en plus avec les services de police de Montréal et de Toronto en particulier, si bien que lorsque des gens sont victimes de profilage racial et qu'on les arrête au volant ou qu'on demande à voir leurs papiers, cela peut mener à la détention ou à la déportation, étant donné que plus de la moitié de la population noire du Canada est née ailleurs.
Ce ne sont là que quelques changements vraiment importants qui peuvent être apportés à la loi.
L'étude dont je parlais a été publiée dans le Yale Law Journal en 2018. C'est l'étude la plus systématique, une synthèse de toutes les autres effectuées jusqu'alors sur les caméras corporelles. Elle conclut que leur utilisation ne réduit pas le nombre de meurtres commis par la police dans les communautés noires et qu'elle n'a pas d'incidence importante sur le recours à la force.
Selon une autre étude, les policiers se sentent sûrs d'eux dans le type de violence auquel ils prennent part régulièrement, et ils n'y voient donc aucun mal. D'autres études ont révélé que les policiers éteignent souvent leurs caméras durant les épisodes de violence, de sorte qu'on n'a pas les images.
N'oublions pas que cette mesure coûterait extrêmement cher. La mise en place de caméras corporelles, qui sont au mieux inefficaces et auxquelles on ne peut pas toujours se fier dans le contexte, représente une dépense publique considérable.
Cette année, par exemple, nous avions déjà en juillet le double des meurtres commis par la police à pareille date l'an dernier. Nous sommes en pleine crise et nous ne résoudrons rien en engouffrant des sommes considérables dans des réformes qui sont sans effet. Nous ne faisons que repousser le problème au lieu de procéder aux changements immédiats dont nous avons besoin.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Bourbonniere, j'ai deux questions à vous poser, mais je tiens d'abord à vous remercier de ce que vous faites. Le travail que vous et des groupes comme le vôtre faites dans tout le pays m'a toujours fasciné. Pendant toutes mes années au service de la police, c'est quelque chose que j'ai toujours appuyé.
Avec votre expérience des interventions de première ligne dans la collectivité, je suis certain que vous connaissez de nombreuses histoires de personnes des groupes marginalisés qui ont su saisir les occasions qui leur étaient offertes et qui ont changé leur vie. Vous nous en avez raconté une dans votre déclaration préliminaire, et je vous en remercie.
Dans tous ces cas, d'après votre expérience, y a-t-il des thèmes communs, des circonstances ou des occasions récurrentes qui sont essentiels à la réussite des personnes à qui vous essayez de tendre la main dans la rue?
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Je vous remercie de me poser cette question.
C'est le mentorat. C'est l'encadrement global. Les jeunes viennent de la rue, de la prison, des gangs. Ils ont été exploités et maltraités et ils sont fatigués, mais ils ne sentent pas qu'ils peuvent s'en sortir dans un système qui, selon eux, les a toujours regardés de haut. Le simple fait d'avoir des gens avec du vécu qui les entourent, qui les soutiennent et qui croient en eux jusqu'à ce qu'ils puissent croire en eux-mêmes, c'est cela qui fonctionne. C'est ce que nous appelons « l'empathie latérale ».
L'empathie latérale et la gentillesse latérale sont à l'opposé de la violence latérale, un phénomène qui se produit lorsque les membres d'un groupe opprimé en viennent à se dresser les uns contre les autres. Nous changeons cette dynamique pour en faire une dynamique d'entraide.
Il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a pas de gouvernement, d'église ou de centre de traitement qui va sauver qui que ce soit. C'est la communauté, le milieu où chacun prend soin de son prochain. À partir de là, nous avons connu des réussites incroyables.
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Merci beaucoup de ces observations.
Vous venez de Winnipeg et vous en avez arpenté les rues, alors vous saurez de quoi je parle. C'est quelque chose qui m'a surpris il y a environ 18 mois, alors que j'y étais.
Nous savons qu'une crise de santé mentale fait rage au Canada. Nous voyons augmenter les interventions policières dans des incidents qui mettent en cause la santé mentale. Très franchement, les appels sur les lieux de pareils incidents sont un défi pour les services de police depuis des décennies. Aujourd'hui, avec la consommation massive de drogues illicites et l'augmentation des taux de toxicomanie, les demandes d'aide sont de plus en plus nombreuses. Habituellement, dans bien des cas, les policiers sont les seuls à pouvoir intervenir. La police a une certaine formation, mais ce n'est pas vraiment son rôle ni sa spécialité.
Je n'ai pas été longtemps à Winnipeg, mais pour avoir travaillé avec les agents de police là-bas et avoir écouté leurs conversations, je sais que, bien souvent, il y a des centaines d'appels à haut risque qui doivent attendre parce que toutes les voitures de patrouille, des dizaines de voitures, tous les intervenants de première ligne sont accaparés par des personnes en pleine crise de santé mentale qui ont besoin d'aide. Ils ne peuvent pas les confier à l'établissement de santé où ils les emmènent, alors toutes les voitures sont retenues.
Vous voyez cela tous les jours. Très franchement, avec le fléau des méthamphétamines qui sévit à Winnipeg, je n'ai jamais vu une collectivité où il y avait autant de problèmes de santé mentale, de toxicomanie et de criminalité. D'après votre expérience, monsieur, pouvez-vous m'aider à comprendre ce qui, selon vous, fonctionnerait mieux? Vous parlez de communautés qui s'entraident, mais nous devons tous travailler ensemble. D'après vous, comment pourrions-nous traiter adéquatement certains des problèmes de santé mentale qu'on relève à Winnipeg, comme partout au pays, pour qu'une intervention policière...
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Madame Maynard et monsieur Bourbonniere, je vous remercie de vos témoignages et de votre participation aux travaux du Comité.
Mes deux questions s'adressent à Mme Maynard.
En fonction de tous les travaux que vous avez faits sur le sujet, quelles sont les plus grandes lacunes en matière de données accessibles sur la question raciale, pour bien cibler le racisme systémique au sein de nos forces policières?
Cette semaine, à Repentigny, au Québec, trois policiers ont été condamnés par la Commission canadienne des droits de la personne. La Ville de Repentigny a versé 35 000 $ à un enseignant noir qui a été victime de profilage racial et arrêté par son service de police. Il y a une semaine, la Ville de Longueuil a été condamnée à 10 000 $ en amendes pour du profilage racial. Deux de ses policiers ont également été mis à l'amende.
Quelle est votre conception de ce genre de commission des droits de la personne ou de tribunal, qui sont parfois trop difficiles d'accès, mais qui pourraient être utilisés comme un mécanisme de plus en matière de responsabilité?
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Les données, d'accord. Merci. Oui, je suis heureuse de répondre à cette question.
Dans un pays comme le nôtre, il est ridicule que nous ayons si rarement la possibilité d'examiner ce qui devrait être des données accessibles au public dès qu'il est question d'incidents raciaux. Nous devons souvent nous en remettre à la Loi sur l'accès à l'information ou à des rapports spéciaux comme ceux du Toronto Star. Un rapport vient d'être publié à Montréal, tout récemment. Jusque-là, une des seules statistiques que nous avions avait été divulguée accidentellement à la presse par la police, mais elle n'était même pas censée être publiée. Il y a une culture du secret qui perdure et qui rend les choses beaucoup plus difficiles.
Et encore là, je dirais que l'accès aux données n'offre pas une garantie de changements. Aux États-Unis, par exemple, vous avez des données accessibles au public, mais si vous ne faites rien pour lutter contre le racisme, vous ne faites que le documenter davantage. Je tiens à souligner à la fois que c'est important et que ce n'est pas suffisant.
En ce qui concerne la deuxième stratégie et la façon dont fonctionnent les bureaux des droits de la personne, je pense que c'est encore un des meilleurs endroits où on peut, dans certains cas, obtenir justice. Évidemment, à la Commission des droits de la personne du Québec, nous savons que les gens attendent des années et des années avant d'être entendus, si tant est qu'ils y parviennent. Pour ce qui est de la surveillance, même si ces organismes font des efforts importants, c'est loin d'être suffisant pour le nombre de personnes qui sont régulièrement victimes de violence et de harcèlement policiers. Par exemple, dans une étude parue à Montréal en 2008, nous apprenions que plus de 40 % des jeunes Noirs d'un seul quartier avaient été arrêtés par la police cette année-là.
Étant donné le tort énorme que cela peut causer dans l'ensemble de notre société, et le fait que cela se produit si régulièrement, les organismes de défense des droits de la personne font un travail important et n'ont pas suffisamment de pouvoir ou de financement pour vraiment intervenir. De toute façon, cela ne change pas grand-chose à... On se contente d'accorder une indemnisation après coup pour une injustice qui n'aurait jamais dû se produire. On ne s'attaque pas au cœur du problème, qui est de prévenir les meurtres commis par la police, la violence policière, etc.