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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 1536

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare ouverte la séance sur le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous le professeur Allan Fels, président de l'Australian Competition and Consumer Commission.

Monsieur Fels, nous vous demandons de bien vouloir pardonner notre retard. Il y avait un vote à la Chambre, et nous devons respecter la nouvelle procédure. Je vous réitère donc toutes nos excuses. Nous sommes maintenant prêts et nous serions heureux d'écouter votre exposé d'ouverture, suivi des nombreuses questions que nous avons à vous poser.

M. Allan Fels (président, Australian Competition and Consumer Commission): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est pour moi un grand plaisir et un grand honneur que de pouvoir comparaître devant votre comité. Je vous remercie de m'avoir permis de le faire par vidéoconférence, car cela m'a fait gagner quelques minutes sur le trajet aérien jusqu'ici.

Je n'ai pas d'opinion sur ce que le Canada devrait faire, mais je peux vous parler de la position en Australie et, bien sûr, j'ai un avis sur la manière dont l'Australie aborde la question des actions privées.

Laissez-moi tout d'abord vous donner un aperçu de la loi en général; je vous parlerai ensuite de l'attitude des Australiens à son égard, de la manière dont les actions privées sont utilisées et par qui—petites et moyennes entreprises, grandes entreprises, etc.—, et j'évoquerai enfin quelques cas. Mon allocution d'ouverture durera probablement 10 à 12 minutes environ.

Notre loi moderne remonte à 1974, et dès le début, elle prévoyait la possibilité de lancer des actions privées dans le cadre des dispositions relatives à la concurrence et à la protection des consommateurs.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la concurrence, notre loi couvre les domaines habituels, notamment des questions comme l'interdiction de fixer des prix, l'abus d'une position dominante sur le marché, l'exclusivité anticoncurrentielle, les fusions et ainsi de suite. Nous n'avons pas de sanctions pénales. C'est l'une des différences avec le Canada, mais pour l'essentiel, notre loi sur la concurrence est relativement standard.

Ce qui s'est produit dès le début de l'application de cette loi, c'est qu'il existe un droit privé d'action aussi bien qu'un droit d'action de l'organisme d'exécution public, l'ACCC, qui est très semblable à votre Bureau de la concurrence. Cela veut dire que quiconque ayant qualité pour agir peut engager une action et aller chercher à la Cour fédérale d'Australie une ordonnance concernant un présumé comportement anticoncurrentiel, c'est-à-dire que la personne peut obtenir une injonction pour faire cesser ce comportement, des dommages-intérêts et d'autres sortes d'ordonnances, à l'exception des amendes et sanctions, qui demeurent nettement du ressort de la commission.

• 1540

J'aimerais soulever une autre question à propos de la loi australienne. S'agissant des fusions et des acquisitions, la position y est légèrement différente; de façon générale, il n'existe aucun droit privé d'action permettant d'obtenir une injonction pour faire cesser une fusion. Seul l'organisme public, l'Australian Competition and Consumer Commission, peut le faire.

Si la question des fusions vous intéresse, peut-être pourrez- vous y revenir, car il y a encore d'autres complications dans ce domaine. Il existe des droits privés d'action. Mais pour un comportement anticoncurrentiel illicite normal, les simples particuliers, qu'ils soient consommateurs ou membres d'une entreprise, peuvent engager une action au tribunal afin de faire cesser le comportement et d'obtenir des dommages-intérêts ou autres ordonnances.

Je dois également signaler qu'à l'arrière-plan de tout ceci se trouve un facteur très important, les règles concernant les dépens dans les tribunaux. Selon nos règles concernant les dépens, si quelqu'un engage une action privée et perd la cause, il doit payer non seulement ses propres dépens, mais aussi ceux de la partie adverse. Le perdant paie les dépens du vainqueur, et cette situation a bien sûr pour conséquence essentielle de décourager les gens d'engager des actions non pertinentes.

De même, nous n'avons pas, à vrai dire, de régime de détermination des honoraires en fonction des résultats, de sorte que, pour les avocats, les incitatifs sont quelque peu différents attendu que, qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, ils sont payés, mais ils n'ont aucune rémunération conditionnelle à la victoire. Voilà, dans les grandes lignes, la position australienne.

Par ailleurs, nous n'avons pas le système américain des triples dommages-intérêts. Nous n'avons que les dommages-intérêts ordinaires, non multipliés.

Je viens de vous donner un aperçu très sommaire de la loi australienne.

S'agissant des attitudes à l'égard de cette question en Australie, ce n'est tout simplement pas un sujet controversé. L'existence du droit privé d'action n'est pas une question litigieuse. Il y a beaucoup d'autres questions liées à notre loi sur la concurrence qui sont litigieuses et qui font l'objet de débats passionnés.

Si l'un ou l'une d'entre vous faisait à côté de moi un vol entre le Canada et l'Australie, je pourrais remplir le trajet tout entier avec la litanie des plaintes et des inquiétudes dont nous font part les chefs d'entreprises, petites et grandes, les consommateurs, les agriculteurs, les bureaucrates, la classe politique et bien d'autres encore à propos de notre loi sur la concurrence, mais jamais la question du droit privé d'action ne serait évoquée. Ce droit est tout simplement accepté en Australie.

Quelques faits le confirment: la loi australienne sur la concurrence a été passée au peigne fin avec le temps et au fil des enquêtes, en particulier de nombreuses enquêtes parlementaires. En outre, nous affrontons chaque année le comité spécial des prévisions budgétaires, où tout ce qui concerne la loi est mis sur le tapis. Entre autres, nous avons également une commission qui étudie nos activités pendant l'année, et le comité permanent de la Chambre des représentants s'intéresse à nous environ une fois par an.

• 1545

Aucune des enquêtes parlementaires n'a soulevé cette question, ni n'a évoqué d'inquiétudes relatives au droit privé d'action. De plus, il y a eu d'importantes enquêtes officielles indépendantes sur ce droit.

Il y a l'enquête Hilmer, qui consiste en un examen de la politique nationale de la concurrence, qui a été extrêmement approfondie. Cette enquête n'a pas remis en question le droit privé d'action. Autant que je me souvienne, aucune des enquêtes indépendantes antérieures n'a remis en question ce droit, sans parler de proposer d'en changer la teneur.

Par ailleurs, aucun des divers groupes d'intérêts qui soumettent constamment des modifications à la loi ne propose que nous nous débarrassions des droits privés d'action.

Le plus important groupe de pression industriel et commercial, le Business Council of Australia—qui défend les intérêts des grandes entreprises—l'Australian Chamber of Commerce and Industry, le Council of Small Business Organisations of Australia et d'innombrables autres organismes ne soulèvent jamais la question du droit privé d'action. Ils en soulèvent de nombreuses autres.

En outre, si vous parlez aux chefs d'entreprises, vous verrez qu'ils ne s'opposent pas au droit privé d'action. Ainsi, ce droit fait depuis longtemps partie du paysage et il représente l'un des éléments du droit dont tout le monde pense qu'il ne fonctionne pas mal. À mon avis, on pense même qu'il fonctionne relativement bien.

Permettez-moi de dire quelques mots sur l'exercice du droit privé d'action en Australie. Peut-être pourrais-je faire quelques remarques préliminaires afin de déblayer le terrain au cas où vous souhaiteriez des renseignements complémentaires sur la loi.

Il y a, j'en suis sûr, quelques domaines dans lesquels le droit privé d'action est exercé en Australie et qui revêtiraient un intérêt faible ou indirect pour votre comité, mais ils ont des conséquences sur nos statistiques.

En particulier, notre droit de la concurrence comprend des lois spéciales relatives aux organisations syndicales. Le boycottage secondaire est interdit. Le droit privé d'action est souvent exercé relativement aux syndicats et au boycottage secondaire. Normalement, quand on fait des statistiques sur ce sujet, on exclut les assez nombreuses actions privées engagées en relation avec les boycottages secondaires des organisations syndicales.

Cette pratique est confirmée par le fait que je viens de consulter l'une des rares sources de renseignements statistiques sur le sujet, et j'ai remarqué que l'auteur en avait exclu les boycottages secondaires.

Je tiens à signaler que les recours juridiques sont nombreux dans ce domaine, de même qu'à l'égard des dispositions légales de protection des consommateurs, notamment pour ce qui a trait aux comportements trompeurs et fallacieux. Parfois, les consommateurs, et plus souvent encore les entreprises, engageront des actions fondées sur des comportements trompeurs et fallacieux. Par exemple, supposons qu'une entreprise fasse des comparaisons mensongères entre ses prix et produits et ceux d'un concurrent. Cela aboutira assez souvent à une action privée.

Aujourd'hui, je souhaite me pencher sur les dispositions relatives à la concurrence. Je peux vous dire que les recours juridiques sont assez fréquents, tant de la part des grandes entreprises que des petites et des moyennes. N'importe comment, les grandes entreprises ne sont pas les seules à le faire. De fait, l'action la plus importante dans l'histoire du droit de la concurrence en Australie a été intentée par une très petite entreprise.

• 1550

Si vous ouvrez pendant quelques secondes n'importe quel ouvrage sur le droit de la concurrence en Australie, vous constaterez que la plus importante affaire concernait Queensland Wire Industries contre BHP.

BHP est notre grand fournisseur d'acier. En fait, BHP a coupé ses approvisionnements, refusant de fournir certains produits à ce très petit détaillant concurrent, qui lui a donc intenté un procès. Il a perdu en première instance, puis en appel, mais l'affaire a été portée devant la Haute Cour, où il a gagné, créant ainsi un précédent très important concernant le fonctionnement général de cette loi en ce qui concerne le refus d'approvisionner et pour ce qui est de savoir quand il était anticoncurrentiel et illicite et quand il ne l'était pas.

Le rôle de l'ACCC s'est limité à soumettre le sujet du différend à la Haute Cour, mais c'était une action privée.

L'autre affaire importante dans le droit australien de la concurrence, qui vient probablement au deuxième rang, s'est produite au cours de l'année dernière: c'est l'affaire Melway. Il s'agit là aussi d'une décision relativement importante sur un refus d'approvisionner.

Cette entreprise, Melway, fournit des plans et répertoires des rues de Melbourne. Elle fournit peut-être 80 p. 100 des plans et des répertoires des rues à Melbourne.

Melway avait cinq ou six distributeurs. Elle a coupé l'approvisionnement à l'un d'entre eux, qui a contesté cette décision et, à l'inverse de l'affaire précédente, il a gagné en première instance. L'affaire a été portée en appel, et il a encore gagné. Elle a été portée devant la Haute Cour, qui a confirmé le droit de Melway de couper l'approvisionnement de ce distributeur en particulier.

Comme je vous le disais, cette affaire est généralement considérée comme l'une des plus importantes dans ce domaine. Et je la connais bien.

Nous n'étions au courant de rien. L'intéressé n'est pas venu nous soumettre son cas. Pour des raisons qui lui sont personnelles, il s'est adressé directement au tribunal, sans même solliciter notre aide avant d'aller en Haute Cour. On nous avait demandé de soumettre le sujet du différend en qualité d'intervenant désintéressé sur certains points.

Donc, la loi est utilisée par des entreprises de toutes dimensions, y compris, de temps en temps, par de petites entreprises.

En ce qui concerne l'Australian Competition and Consumer Commission, à vrai dire, nous sommes pas mal actifs en matière d'application de la loi sur la concurrence. Je suppose qu'après avoir entendu ces deux histoires, vous pouvez vous demander ce que nous faisons.

En fait, nous avons la réputation d'appliquer vigoureusement la loi, d'être plus qu'heureux d'aller au tribunal présenter des litiges sur tous les aspects de la Trade Practices Act.

Nous avons eu une budgétisation relativement raisonnable au fil des années, mais bien sûr, les affaires qui nous intéressent le plus sont celles où nous voyons une préoccupation du public. Nous ne tenons pas vraiment à dépenser de l'argent dans les procès, c'est-à-dire, les fonds publics, quand nous nous apercevons que l'affaire est un conflit d'ordre privé entre de grandes entreprises.

Je vais vous donner un autre exemple. Il y a environ deux ans, il y a eu un énorme différend entre nos deux principaux propriétaires de médias, M. Murdoch, de News Limited, et M. Packer, de PBL.

• 1555

Ce sont de très grandes entreprises, et les deux ont énormément d'expérience en matière de litige.

Cet important conflit concernait le football, plus précisément, les droits de retransmission des matchs de football. Ils se bagarraient dans le cadre d'une poursuite privée à la Cour fédérale. Les deux parties étaient plus qu'aptes à défendre leurs intérêts, à consacrer toutes leurs ressources à la recherche de preuves et ainsi de suite. Et il semblait tout à fait inconvenant que l'ACCC dépense les fonds publics pour aider de si grosses entreprises.

De même, nos deux plus grosses sociétés de télécommunication ont livré une très grosse bataille au sujet de certaines questions d'accès, que, je suppose, l'on pourrait également qualifier de refus d'approvisionner. Telstra est la plus grosse société australienne, ex «quo avec News Limited, qui détenait auparavant le monopole des télécommunications, et Optus est une multinationale géante. Là encore, ces deux entreprises étaient largement capables de défendre leurs intérêts.

Ces deux affaires touchant aux matchs de football soulevaient des questions d'intérêt public plutôt importantes; manifestement, rien n'est plus important que le football. Et donc, en ce qui concerne les télécommunications, les enjeux étaient considérables pour les deux parties.

À l'ACCC, il nous semblait que les questions d'intérêt public seraient plus qu'adéquatement étalées au grand jour sans qu'il nous soit nécessaire d'intervenir, mais nous avions le droit de le faire si nous voulions porter ces questions à l'attention du tribunal.

Compte tenu de cela, l'une des raisons pour lesquelles les actions privées sont bien acceptées en Australie, c'est qu'elles améliorent réellement l'efficacité de la loi sur la concurrence. Nous pensons qu'il est important que la loi sur la concurrence soit strictement respectée, pour le plus grand bénéfice du public.

Nous pensons qu'on ne devrait pas permettre aux entreprises d'adopter un comportement concurrentiel. Nous pensons que l'existence d'un droit privé d'action améliore grandement l'efficacité de la loi, permet qu'elle soit respectée et au final, donne les meilleurs résultats pour les consommateurs et pour les nombreux clients des entreprises qui, autrement, feraient peut-être les frais d'un comportement anticoncurrentiel. Ce facteur est particulièrement important à une époque de restrictions budgétaires.

Il arrive que les gouvernements réduisent les crédits consacrés au droit de la concurrence. Il arrive parfois qu'ils le fassent pour les punir ou à la suite d'observations des entreprises. Ou bien encore, il peut arriver que les ressources de notre organisme soient tendues, et ainsi de suite. C'est le droit privé d'action qui maintient en vie la loi dans ces situations.

Par ailleurs, il nous semble vraiment que le droit privé d'action est particulièrement adapté à de nombreuses affaires privées. Il y a passablement de conflits privés entre des entreprises importantes dans lesquels le comportement anticoncurrentiel de l'une nuirait à l'autre. Cependant, notre organisme considère qu'il est préférable de considérer l'affaire principalement comme une affaire privée pouvant être résolue par une action de l'une contre l'autre.

Bien sûr, permettez-moi d'ajouter qu'en cas de déséquilibre entre les deux parties, l'une d'entre elles étant très grosse, l'autre très petite et sans ressources, nous sommes prêts à engager la poursuite au nom de cette dernière. Nous l'avons d'ailleurs fait assez souvent.

• 1600

Quelquefois, nous engagerons la poursuite, mais dans quelques cas, même si elles savent que notre commission engage une action privée, les parties préfèrent cependant le faire elles-mêmes. Il y a plusieurs raisons à cela. La première, c'est qu'elles sont plus rapides que nous. Elles connaissent souvent exactement la nature de leurs griefs, et elles peuvent réunir les preuves et aller au tribunal bien plus vite que nous. Pour cette raison et bien d'autres, les intéressées pensent parfois mieux protéger leurs droits légaux au moyen d'une action privée. Pour toutes ces raisons, la loi s'applique en quelque sorte automatiquement.

Je dois signaler que ces actions privées conduisent parfois à des dénouements publics très importants. Comme je l'ai dit précédemment, il nous arrive de considérer un différend comme un conflit plutôt privé, mais fondé sur une forme de comportement illicite. Nous ne nous en mêlons pas. L'affaire est portée devant les tribunaux et crée un important précédent, qui aide le public et les entreprises à comprendre la loi.

Pour être franc, il y a aussi eu des affaires dans lesquelles notre commission n'est pas intervenue parce que nous les jugions inopportunes, et il est arrivé que nous nous soyons trompés. Nous avons eu une autre affaire de football en Australie il n'y a pas si longtemps, baptisée «l'affaire du Sud de Sydney». Toutes ces affaires, vous l'imaginez bien, ont fait la manchette des journaux nationaux, ce qui n'est pas le cas de simples questions commerciales. Nous pensions que l'équipe de football qui contestait les règles n'avait pas d'arguments valables. Elle a poursuivi l'affaire, et nous avons été légèrement surpris de voir que jusque- là, elle a eu gain de cause. Ainsi, l'organisme de réglementation peut faire des essais, avoir préséance, et corriger des erreurs.

Simplement pour résumer cette partie de mon propos, et je terminerai dans à peine une minute, cette partie de la loi est utilisée assez fréquemment, notamment, de temps à autre, par de petites entreprises. Il y a de nombreux autres cas dans lesquels elles n'ont pas les moyens d'engager une poursuite.

Quant à savoir s'il nous arrive d'avoir des actions gênantes, notre loi n'a pas cette réputation. Nous n'avons pas d'affaires purement gênantes ou vexatoires. En Australie, les gens y regardent à deux fois avant d'engager une poursuite, à cause des règles concernant les dépens quand on perd. Mais on peut recourir à certains usages techniques de l'action privée pour modifier le comportement d'un interlocuteur. C'est peut-être suffisant.

J'ai gardé en réserve juste une chose. J'ai quelques chiffres que je pourrai vous communiquer un peu plus tard si vous le souhaitez.

La présidente: Monsieur Fels, nous avons beaucoup de questions à vous poser cet après-midi. Simplement, pour que vous connaissiez la procédure, nous aurons une question d'un membre, qui disposera au total d'environ cinq minutes question et réponse comprises, puis nous passerons à un autre membre du comité.

Nous apprécions beaucoup que vous ayez accepté de vous lever tôt ce matin en Australie pour être avec nous cet après-midi. Comme vous avez un jour d'avance sur nous, nous sommes persuadés que vous nous apportez un peu plus de sagesse compte tenu de ce qui se passe dans le monde.

M. Rajotte souhaiterait vous poser une question.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Fels. Je tiens à vous remercier vivement pour votre présentation.

On a fait part à notre comité de deux inquiétudes principales relatives à l'autorisation du recours à l'action privée. La première est qu'il sera utilisé pour des litiges stratégiques et conduira à des litiges excessifs, comme cela a été le cas aux États-Unis—même si ce que nous étudions ici au Canada est légèrement différent.

• 1605

Je me demandais si vous pouviez nous expliquer quels dispositifs de protection ont été instaurés en Australie afin d'empêcher les litiges excessifs.

La deuxième inquiétude concerne le coût prohibitif que représente pour les entreprises le droit privé d'action; pour cette raison, l'exercice de ce droit nuira davantage aux petites entreprises qu'aux grandes.

Pouvez-vous nous faire part de votre opinion sur ces deux inquiétudes?

M. Allan Fels: Oui. Merci.

Pour répondre à la première question sur les litiges stratégiques et les litiges excessifs et les dispositifs de protections existants, il y en a quelques-uns, peu en comparaison notamment avec les États-Unis, que vous avez évoqués dans votre question.

Le premier, ce sont les règles concernant les dépens en vigueur dans les tribunaux, qui sont un moyen important de dissuader les poursuites. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, quand on engage un procès et qu'on le perd, c'est dispendieux. On paie non seulement ses propres dépens, mais aussi ceux du vainqueur. Si une petite entreprise engage une poursuite contre une grosse entreprise et la perd, elle paie les honoraires de tous les avocats de cette dernière.

Il existe aux États-Unis d'autres incitatifs que nous n'avons pas en Australie. Nous n'avons pas de triples dommages-intérêts. De plus, d'une façon générale, nous n'avons pas d'honoraires établis en fonction des résultats. Comme vous le savez, dans un tel régime d'honoraires, si vous gagnez votre procès, votre avocat touche davantage. Si vous le perdez, l'avocat ne touche rien. Ce système encourage probablement de nombreux litiges aux États-Unis.

D'une manière générale, nous n'avons pas de régime d'honoraires établis en fonction des résultats en Australie. Donc, là encore, quand on perd une cause, on doit payer ses propres avocats et ceux de la partie adverse. Cette situation limite naturellement les procès.

L'autre point, c'est que si quelqu'un portait au tribunal une poursuite vexatoire pour des raisons tactiques, nos juges ne seraient pas dupes. Il y a peu de chances qu'ils restent assis là à faire perdre leur temps aux tribunaux et à gaspiller les fonds publics à entendre une cause manifestement non fondée. Nous n'avons donc pas d'antécédents de litiges vexatoires ou insensés à l'occasion d'actions privées entreprises conformément à notre loi sur la concurrence.

Bien sûr, je ne nie pas le fait que, de temps en temps, on pourrait accuser quelqu'un d'organiser un litige stratégique. Je veux dire, tout litige est d'une certaine manière stratégique; il vise à modifier un comportement. Mais il le fait dans le cadre d'une loi publique sur la concurrence. Autrement dit, nous ne pensons pas que l'usage stratégique du litige soit nécessairement si nocif que cela dans la plupart des cas, parce qu'il a pour conséquence bénéfique de garantir que la loi sur la concurrence fonctionne, qu'elle est convenablement appliquée et respectée.

L'autre question que vous avez soulevée concerne le fait que le coût du processus est si prohibitif que les petites entreprises n'en tireraient aucun avantage et que les grosses entreprises pourraient faire bloc contre.

En général, on ne trouve jamais de grosse entreprise s'opposant à une petite entreprise dans le cadre de la loi sur la concurrence, pour la simple raison que les petites entreprises, par leur taille, adoptent rarement des comportements anticoncurrentiels, d'abord. Ce sont les grosses entreprises qui sont la principale source de ce genre de comportement. Il n'est donc pas surprenant que l'on ait des poursuites contre de grosses entreprises, engagées le plus souvent par nous mais parfois aussi par de petites entreprises, et pas beaucoup d'actions intentées par de grosses entreprises contre de petites entreprises, parce que ces dernières n'ont pas de comportements illégaux. Cela arrive occasionnellement, mais pour l'essentiel, le droit de la concurrence fonctionne de manière que le comportement des petites entreprises ne se soldera pas par une diminution de la concurrence.

• 1610

Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, on peut dire ce qu'on veut sur la loi, mais le fait est tout simplement qu'en Australie, les petites entreprises l'utilisent, au moins jusqu'à un certain point. Il y a de nombreux cas dans lesquels elles ne le feront pas à cause des frais que cela entraîne, mais il y a des cas importants dans lesquels elles l'ont fait.

La présidente: Merci, monsieur Rajotte.

Je vais maintenant céder la parole à M. Lastewka. S'il vous plaît.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci.

Nous sommes vraiment très heureux que vous soyez avec nous aujourd'hui.

J'aimerais que vous nous parliez davantage de vos expériences en matière d'action privée, notamment que vous nous donniez des comparaisons d'affaires entre petites et grandes entreprises et entre grandes entreprises. En gros, quels sont les pourcentages? Parmi les causes gagnantes ayant recouru au litige privé, pouvez- vous nous citer des exemples caractéristiques d'action privée?

M. Allan Fels: Je vais saisir la chance que vous me donnez de vous communiquer quelques statistiques; je dois admettre que je les ai préparées hier soir, et je pourrai vous les envoyer sous forme écrite.

Une étude des actions privées entreprises entre 1988 et 1998 a récemment été effectuée, et le nombre d'actions privées est à peu près le même que celui des actions que nous, à notre organisme, avons lancées. Au cours de ces dix années, il y a eu 91 affaires lancées par nous et 90 actions privées. Comme je vous l'ai dit, j'ai exclu les boycottages secondaires des syndicats. Parmi les 90 actions privées, seules 36 sont allées en audience finale. Parmi ces dernières, six ont gagné. Donc, parmi les 90 affaires portées au tribunal, 36 sont allées en audience finale et six ont été couronnées de succès.

Je suis sûr que vous pouvez en tirer des conclusions, mais il est difficile de faire les bonnes déductions. Je pense que ce qui se produit, c'est qu'une fois qu'une action est lancée, on essaie de trouver les moyens de résoudre l'affaire à l'amiable. D'après mon expérience de ce genre de résolution, je peux dire qu'en général, l'accord obtenu à l'amiable est plus ou moins fondé sur une tentative des deux parties de prévoir ce que le tribunal aurait fait et de parvenir à un résultat qui en tienne compte. Quant aux affaires qui se rendent en audience finale, c'est que les parties ont un différend juridique évident ou qu'elles veulent se bagarrer pour résoudre leur conflit.

Je ferai une deuxième remarque sur les statistiques: en Australie, où le système est légèrement différent du vôtre, nous n'appliquons pas le droit pénal à l'éventail des comportements anticoncurrentiels, ententes sur les prix, ententes anticoncurrentielles, comportements horizontaux anticoncurrentiels et ainsi de suite.

• 1615

C'est surtout contre les comportements monopolistiques que des actions privées sont intentées, notamment l'abus de position dominante, l'abus d'emprise sur le marché, plus particulièrement le refus d'approvisionner et, à l'occasion, les comportements abusifs et la fixation des prix.

Donc, des exemples caractéristiques, me disiez-vous? J'ai cité l'affaire BHP-Queensland Wire. La plus grande aciérie de l'Australie vendait au détail des clôtures grillagées aux agriculteurs au détriment du détaillant de ces clôtures qui ne représentait en réalité qu'une bien faible concurrence. Cette aciérie, qui détenait un monopole, a refusé d'approvisionner ce petit concurrent, l'empêchant de répondre à la demande. L'agriculteur dit qu'il a bien les fils pour les clôtures, mais qu'il n'a pas les poteaux sur lesquels les installer. BHP a donc continué d'offrir ses propres poteaux en pus des grillages, ce qui a nui sérieusement au petit entrepreneur. Il était incapable d'importer des fournitures, et dépendait totalement d'un véritable monopole de la part de l'aciérie. C'est un cas classique.

Il y a interruption de distribution lorsqu'une entreprise n'utilise plus les services de son distributeur. Si une telle mesure porte intentionnellement atteinte à la concurrence, elle est alors interdite en vertu de la loi.

Quant aux boycottages secondaires, il s'agit de mesures souvent utilisées par les petites entreprises en réaction au recours de même nature de la part du syndicat.

Vous m'avez demandé de faire des comparaisons entre les petites et les grandes entreprises et entre deux grandes entreprises. L'action privée est assez souvent utilisée par une grande entreprise contre une entreprise de même taille parce qu'il n'y a pas de problèmes d'argent. Les petites entreprises y recourent moins souvent. Mais parfois, elles veulent absolument intenter des poursuites, agir très rapidement sans attendre l'intervention de la commission.

M. Walt Lastewka: Merci beaucoup.

Vous avez dit que 90 entreprises ont eu recours à l'action privée, que le même nombre ont accepté des ententes à l'amiable et que 36 se sont rendues devant les tribunaux.

Au Canada, si six personnes portent plainte, le commissaire doit alors faire enquête. Est-ce la même chose en Australie?

M. Allan Fels: Nous ne sommes pas tenus de faire enquête, mais, normalement, nous le faisons. Si six personnes venaient nous voir pour porter plainte, nous devrions déterminer s'il faut ou non faire enquête, si vous voyez ce que je veux dire. Si nous jugeons que l'affaire est grave, nous intervenons. Mais nous considérons parfois que le fait d'intervenir ne serait pas la meilleure utilisation des ressources.

Des comités parlementaires de l'Australie m'ont demandé ce qu'était notre position sur l'utilisation de nos ressources. Elles sont amplement suffisantes et nous n'avons jamais négligé ce que j'appelle une affaire sérieuse. Mais dans certains cas, nous jugeons simplement qu'il s'agit d'une question commerciale qui peut être réglée en cour entre deux personnes, si elles le veulent, plutôt que d'engager les deniers publics lorsque l'intérêt public ne semble pas en jeu.

M. Walt Lastewka: Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

• 1620

[Français]

Monsieur Bergeron avez-vous des questions?

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Oui, madame la présidente. Merci beaucoup, monsieur Fels, d'avoir accepté notre invitation à participer à cette étude ou révision de la Loi sur la concurrence.

Vous avez indiqué que l'une des raisons pour lesquelles les Australiens sont favorables à l'accès privé est que cette disposition permet d'augmenter l'efficacité de la loi. Fort curieusement, ici, depuis que nous avons entrepris notre étude, dans la plupart des cas, les grandes entreprises se montrent assez hésitantes, pour ne pas dire hostiles, à l'idée d'intégrer l'accès privé à la loi canadienne. D'ailleurs, plusieurs de ces grandes multinationales opèrent dans des pays qui, comme le vôtre, autorisent l'accès privé.

Les arguments qui sont invoqués sont qu'on verrait là un engorgement des tribunaux, qu'on verrait là des coûts faramineux imputés aux entreprises pour se défendre dans les cas où ce serait de petites entreprises qui auraient à se défendre.

C'est là que c'est assez curieux, parce que les grandes entreprises prétendent souvent que ce serait trop coûteux pour les petites entreprises, alors que de façon générale, les petites et moyennes entreprises, elles, semblent se montrer plutôt favorables à l'introduction de l'accès privé.

Comment expliquez-vous cette résistance que semblent manifester les grandes entreprises, dont plusieurs sont des multinationales qui opèrent dans des pays qui, comme le vôtre, reconnaissent l'accès privé? Comment évalueriez-vous cette résistance des grandes entreprises à l'introduction de l'accès privé au Canada, alors que les petites et moyennes entreprises semblent être beaucoup plus ouvertes à l'idée que cet accès privé soit introduit dans la loi?

[Traduction]

M. Allan Fels: En Australie, cela fait partie du système et c'est accepté. Chez nous, on a toujours constaté que les grandes entreprises résistent à toute tentative de modifier la loi sur la concurrence, peu importe que les modifications soient bonnes ou non. Les grandes entreprises en Australie, qu'il s'agisse d'entreprises d'État ou de multinationales, s'opposaient au départ à l'adoption d'une loi sur la concurrence. Chaque fois que l'on tente de la modifier ou de la renforcer, elles s'y opposent férocement.

Elles se préoccupent peu de l'intérêt du public. Leur approche est très à courte vue, et ce qu'elles préconisent est souvent au désavantage du milieu des affaires dans son ensemble, parce que le milieu des affaires a tout à gagner d'une économie concurrentielle, soutenue par des lois fortes et efficaces sur la concurrence. Bien souvent, les craintes de ces multinationales sont exacerbées par les avocats qui leur racontent des histoires d'horreur.

Aux États-Unis, il n'y a pas beaucoup d'opposition aux actions privées comme telles. Elles ont toujours fait partie du système. Et les écueils de ce système ne se retrouvent pas en Australie. Par exemple, la règle concernant les dépens, et ainsi de suite. Je ne suis donc pas surpris de voir que les grandes entreprises soient contre. Je ne suis pas surpris que de larges pans de la communauté juridique s'y opposent également.

En Australie, les juristes se sont toujours opposés à la plupart des réformes de la loi sur la concurrence parce qu'ils représentent les grandes entreprises multinationales et favorisent les intérêts de leurs clients.

Je dois dire qu'en Australie, depuis dix ans, le Parlement reconnaît que l'on ne devrait pas tenir compte des prétentions des juristes au sujet des modifications de la loi, si l'on tient compte de la liste de leurs clients.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Ne pensez-vous pas que les petites et moyennes entreprises sont malgré tout désavantagées dans un système comme le vôtre où, lorsqu'elles sont prises en défaut et perdent leur procès, elles doivent payer l'ensemble des frais reliés à ce procès? Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, même si elles sont d'emblée favorables à l'introduction de l'accès privé...?

• 1625

Allez-y, je vous en prie.

[Traduction]

M. Allan Fels: C'est bien. Je crois comprendre.

En fin de compte, il faut dire que les petites entreprises préfèrent les actions privées. Pour les raisons que j'ai données et les points que vous venez de soulever, elles ne peuvent se prévaloir autant qu'elles le voudraient du droit privé d'action. Dans ce dernier cas, elles préféreraient certainement, si la répartition des dépens était différente, que les honoraires soient déterminés en fonction des résultats et qu'elles n'aient pas à payer les dépens.

Toutes autres choses étant égales, elles préféreraient pouvoir recourir davantage à l'action privée qu'elles ne le font en Australie. En tant que législateur, vous aurez peut-être l'impression que ces règles concernant les dépens et ces restrictions sont un empêchement naturel à l'utilisation excessive de l'action privée.

N'oubliez pas que ce ne sont pas les petites entreprises en général qui sont avantagées par cette loi. Ce n'est pas comme si la loi favorisait les grandes entreprises. Les petites entreprises ne sont pas anticoncurrentielles; elles ne concluent pas d'accords d'exclusivité; elles ne refusent pas, pour éviter la concurrence, d'approvisionner quelqu'un. Donc, elles ne sont pas victimes des grandes entreprises en vertu de ces lois. Seules celles qui peuvent se permettre d'utiliser le système en bénéficient. Si vous me demandez si elles l'utiliseraient davantage advenant que les règles concernant les dépens soient différentes, je répondrais oui, elles l'utiliseraient davantage si les règles concernant les dépens étaient moins prohibitives. Mais elles l'utilisent quand même.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

Je dois maintenant passer à M. McTeague, s'il vous plaît.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur Fels, merci beaucoup d'être avec nous ce matin.

Bien sûr, nous attendions avec hâte votre comparution devant le comité, compte tenu qu'une bonne partie des éléments que nous examinons découlent—comme vous l'avez justement signalé, monsieur, —non seulement du modèle américain, mais d'autres modèles. Bien sûr, chaque pays veut être un peu différent, et le Canada ne fait pas exception à la règle.

Toutefois, nous sommes impressionnés par le fait que votre système de droit privé d'action existe depuis 1974 ainsi que les dommages-intérêts que l'on peut réclamer qui, eux, existent depuis au moins 1976.

Nous avons proposé ici d'examiner la question du droit privé d'action dans les domaines très restreints et limités du refus de faire le commerce—l'équivalent de votre refus d'approvisionner—de l'exclusivité, de la vente liée et de la restriction du marché. Nous ne pouvons pas non plus réclamer de dommages-intérêts, mais on a suggéré que certains pouvoirs soient attribués lors de jugements sommaires et que l'on puisse accorder les dépens dans certains cas. Mais nous devons continuer sans pouvoir accorder de dommages- intérêts.

Certains craignent que les dommages-intérêts minent la crédibilité de la réforme présentement à l'étude parce que cela imiterait le système américain. D'autres disent que faute de dommages-intérêts et avec un recours plus facile au droit privé d'action dans les cas d'abus de position dominante, ce que nous proposons n'a pas grand chance d'atteindre l'objectif visé, qui est d'améliorer le processus concurrentiel.

Dans quelle mesure les entreprises qui ont soumis des causes aux tribunaux ou intenté des poursuites, attirées par ces sommes, ont-elles abusé des dommages-intérêts? Je ne crois pas que quiconque ici s'oppose au principe des dommages-intérêts dans cette mesure législative.

M. Allan Fels: Je n'ai pas de chiffres à vous communiquer, seulement des impressions. Si je change d'avis après avoir consulté les intéressés à ce sujet, je vous en informerai.

Mon impression générale en ce qui concerne les actions privées en Australie, c'est que plus souvent qu'autrement, elles consistent à obtenir des injonctions pour interdire quelque chose, ou un bref de mandamus pour exiger quelque chose.

• 1630

Par exemple, s'il y a refus de faire le commerce, l'action privée est utilisée pour obtenir une injonction du tribunal ou oblige l'autre partie à faire le commerce.

Dans le cas des clôtures grillagées dont j'ai parlé tout à l'heure, à ce que je sache, il n'y a pas eu de dommages-intérêts de versés. Il fallait avant tout obtenir une ordonnance et ensuite une décision de la cour concernant les conditions à respecter. Donc, très souvent, on est moins désireux d'obtenir des dommages-intérêts que de faire cesser un certain comportement illégal.

En ce qui concerne les dommages-intérêts comme tels, je ne me souviens pas de causes où des sommes spectaculaires ont été versées, ou rien de tel. Il y a peut-être eu des ententes à l'amiable, mais je pense qu'on n'a pas insisté sur les dommages- intérêts. On voulait plutôt faire cesser certains comportements. Mais dans certaines causes, oui, les parties demandent des dommages-intérêts.

M. Dan McTeague: Pouvez-vous imaginer un système qui éliminerait le droit privé d'action dans votre pays et ce qui en résulterait si, par exemple, vous deviez faire marche arrière et ne plus avoir ce système? Comment appliqueriez-vous la loi sur la concurrence en Australie sans avoir, à mon avis, un ensemble de lois qui ont émergé des diverses causes et des divers exemples que vous avez cités?

M. Allan Fels: La loi s'en trouverait grandement affaiblie. Les entreprises sauraient qu'elles n'ont plus rien à craindre des actions privées. Souvent, les entreprises viendraient nous voir à la commission, pour sonder le terrain et voir si nous appliquerions ou non la loi à leur encontre.

Tout le monde sait qu'avec notre droit privé d'action, nous ne pouvons les rassurer. Nous ne pouvons pas leur dire: «Eh bien, ne craignez rien pour votre comportement illégal, nous sommes un organisme public, nous avons d'autres chats à fouetter.» Elles savent qu'elles peuvent faire l'objet d'un droit privé d'action, ce qui guide largement leur comportement. Elles savent très bien que des gens peuvent agir si nous ne le faisons pas, des gens qui sont mieux informés que nous pourrions l'être.

L'autre chose, c'est que si le droit privé d'action devait être supprimé, je crains que nous serions obligés de demander au gouvernement de l'heure d'augmenter considérablement nos ressources. Nous invoquerions le fait que le public s'attend à ce que ces lois soient appliquées en tous points et que si le droit privé d'action devait être retiré, les demandes de poursuites qui nous seraient adressées grimperaient en flèche du jour au lendemain. Non seulement les consommateurs seraient déçus, mais les petites entreprises seraient très inquiètes.

Les petites entreprises, dans ce scénario hypothétique—et inimaginable en Australie—viendraient frapper à la porte beaucoup plus souvent pour dire au gouvernement qu'il devrait augmenter considérablement les ressources de la commission pour leur garantir une certaine protection contre le refus de faire le commerce et la vente exclusive.

M. Dan McTeague: Puis-je poser une dernière question?

La présidente: Une dernière question, s'il vous plaît, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Monsieur Fels, je vous remercie de vos commentaires. Je me demande seulement si le Barreau en Australie, depuis l'entrée en vigueur du droit privé d'action en 1974, est en général en faveur du plaignant autant que de la défense. À votre avis, est-ce que le Barreau penche plus d'un côté de la clôture que de l'autre, pour reprendre votre exemple?

M. Allan Fels: En Australie, nous établissons une distinction bien nette entre l'avocat plaidant qui représente les gens au tribunal et le procureur qui travaille dans son cabinet.

• 1635

En ce qui concerne le Barreau, je dirais qu'il est assez neutre. Pour ce qui est des procureurs, les gros cabinets d'avocats sont du côté des grandes entreprises, dans l'ensemble, et cela se reflète dans leurs attitudes et dans leurs doléances auprès du gouvernement.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Merci beaucoup d'être là, monsieur Fels. Nous apprécions le temps que vous nous consacrez et le fait que vous vous soyez levé si tôt pour venir nous parler. Nous sommes contents des commentaires, des questions et des réponses que vous avez pu nous donner. Encore une fois, nous nous excusons du retard.

Nous savons que vous devez également aller ailleurs, nous avons aussi d'autres témoins à entendre, mais je suis certaine que nous pourrions vous garder ici encore longtemps. Est-ce que vous vouliez faire un dernier commentaire?

M. Allan Fels: Une chose. Hier, j'ai recueilli certaines données sur la question, et j'ai rédigé un article. Je vais essayer de vous les faire parvenir le plus rapidement possible. Bien sûr, si votre personnel veut les consulter au plus tôt, je peux le renseigner sur mes sources.

Merci de m'avoir écouté. Ça a été un grand plaisir, j'aime toujours venir au Canada parce que j'y ai de nombreux amis, mais malheureusement, cette fois-ci, j'ai dû les rencontrer grâce à la vidéo.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant suspendre la séance pour quelques minutes.

• 1637




• 1643

La présidente: Je déclare la séance ouverte à nouveau. Je demanderais aux membres de bien reprendre leurs places, s'il vous plaît.

Nous allons maintenant aborder une autre question, c'est-à-dire revenir au sujet dont nous discutions la semaine dernière concernant l'impact économique des événements du 11 septembre sur le Canada.

Cela dit, j'aimerais vous présenter M. Peter Woolford, le vice-président principal, Politiques, du Conseil canadien de commerce de détail. Monsieur Woolford, vous avez la parole.

M. Peter Woolford (vice-président principal, Politiques, Conseil canadien du commerce de détail): Merci, madame la présidente. C'est un plaisir que d'être de retour ici aussi vite. J'espère que je serai toujours le bienvenu.

[Français]

Nous n'avons pas préparé une présentation écrite parce que la situation est très fluide. En effet, nous sommes entrés dans une discussion élaborée avec nos membres sur les effets du 11 septembre sur les ventes au détail, et je veux parler cet après-midi des expériences vécues par nos membres.

Tout d'abord, je fais un petit historique. Avant le 11 septembre, nous avions eu une croissance des ventes un peu plus faible pour 2001 que pour l'année passée. Disons qu'elle se situait aux environs de 3 p. 100 cette année.

L'effet immédiat des attaques fut une chute précipitée dans tous les magasins et dans toutes les catégories de marchandises. Les chiffres pour septembre seront les pires que nous ayons jamais vus, et le troisième trimestre a été très difficile pour nos membres.

[Traduction]

J'aimerais maintenant vous décrire en détail le genre d'expérience que vivent nos membres dans leurs magasins, parce que la question est très complexe et je pense que cela pourrait aider le comité à comprendre ce qui se passe véritablement.

Nos membres nous disent que la reprise des affaires, la reprise relative des ventes se sont faites assez rapidement pour la majorité des détaillants. La plupart affirment que les ventes sont revenues à la normale en l'espace d'une semaine environ après les attaques du 11 septembre. Pour certains, cela a été plus long, voire jusqu'au mois d'octobre, pour revenir au niveau normal, mais dans l'ensemble, les ventes semblent s'être complètement redressées. Au départ, cela voudrait donc dire que les effets du 11 septembre ont été en réalité sans conséquence, que si l'on tient compte des chiffres en surface, les choses sont plus ou moins revenues à la normale.

• 1645

Mais nos membres perçoivent actuellement certains signes, si l'on examine les comportements du consommateur, indiquant que ce dernier est beaucoup plus prudent et qu'il agit différemment qu'auparavant, ou comme durant les périodes qui précèdent une récession.

J'aimerais vous parler de certains de ces comportements. Selon nos membres, c'est là un phénomène nouveau, différent des récessions précédentes. La reprise après les événements du 11 septembre varie beaucoup selon le secteur. J'aimerais vous en parler.

Premièrement, mentionnons les changements dans l'achat de marchandises. Nous constatons que les articles de consommation indispensables se vendent toujours raisonnablement bien et qu'à ce chapitre, on enregistre des gains relativement modestes par rapport à l'an dernier. Ces biens sont ceux que l'on achète normalement pour nos activités quotidiennes.

Les articles facultatifs, en général, se vendent beaucoup plus lentement et la vente de ces biens a beaucoup diminué depuis le 11 septembre, mais même là, la situation est assez complexe. Cela ne dépend pas du prix ni du type de marchandise. Par exemple, le secteur de la musique se comporte assez mal, selon nos membres. Cela s'explique peut-être en partie par l'impact de l'Internet, mais même là, nos membres disent que les ventes de disques et de cassettes sont très lentes depuis le 11 septembre. Même chose dans le domaine de la mode et du vêtement. Par contre, les articles de divertissement se vendent bien. Les appareils électroniques domestiques se vendent bien. Donc, la situation est très complexe, même au niveau des articles facultatifs.

Les consommateurs n'achètent plus dans les mêmes types de magasins ni les mêmes articles. Ils veulent en avoir pour leur argent. Ils sont plus conscients des prix. Le consommateur canadien est toujours très conscient des prix dans ses comportements, mais on le constate encore plus maintenant—les gens achètent des articles en solde, veulent en avoir pour leur argent.

En ce qui concerne les soldes, les consommateurs sont sélectifs. Les détaillants se disent toujours que lorsque le client entre dans le magasin, il achètera les articles en solde, mais aussi d'autres articles au prix régulier. C'est ainsi que ça se passe normalement. Actuellement, selon nos membres, le consommateur entre dans le magasin, repère l'article en solde, l'achète et s'en va.

Il y a cependant quelques exceptions à la situation que je viens de décrire. Les ventes de mobilier et de gros appareils ménagers sont encore très bonnes, on ne sait pas exactement pourquoi. Le phénomène s'explique peut-être en partie par le boom immobilier et parce qu'il faut meubler la maison avec un certain nombre d'articles essentiels. Mais peu importe la raison, nos membres croient que ce bon rendement ne se maintiendra pas à moyen terme.

Il y a aussi certains changements dans le mode d'achat. Les entrées dans les magasins sont en baisse. Le nombre de clients diminue, et dans bien des cas considérablement, de plus de 10 p. 100. Pourtant, en même temps qu'il y a moins de clients qui magasinent, lorsqu'ils entrent effectivement dans le magasin, dans bien des cas, la facture moyenne est à la hausse. Donc, les gens magasinent moins souvent, mais quand ils le font, ils achètent beaucoup. Les gens sortent moins souvent, mais quand ils le font, ils dépensent en moyenne plus d'argent.

Nous constatons également que les bonnes journées dans le commerce sont en dents de scie. Pendant quelques jours, les ventes sont bonnes, puis on connaît une mauvaise journée, un mauvais week- end suivi d'un bon. C'est là encore un signe que le client est toujours actif, qu'il achète toujours, mais qu'il est préoccupé, il a moins confiance.

Nos membres nous rapportent aussi directement les commentaires de leurs commis et des clients eux-mêmes: beaucoup se disent ouvertement préoccupés par la confiance dans l'économie et par ce que j'appellerais la situation géopolitique. Les clients se demandent où s'en va le Canada, où s'en va le continent nord- américain. C'est plus que de simplement s'interroger sur leur emploi et sur les revenus du ménage.

La deuxième chose que nous disent nos membres, c'est que tant les consommateurs que les commis affichent des signes d'un comportement prudent même si, au sens strictement économique, rien ne les oblige à être prudents. Par exemple, un commis raisonnablement assuré de conserver son emploi chez tel détaillant manifestera un manque de confiance et de sécurité. Là encore, selon nos membres, ce tableau plus vaste résultant des attaques terroristes est à l'origine de cette attitude.

Mais quel impact cela a-t-il sur le commerce de détail? En fait, les ventes de détail sont plus ou moins les mêmes que celles enregistrées avant le 11 septembre—même si elles diminuaient au cours de l'année—mais les marges sont manifestement en baisse et la rentabilité également.

Nos membres continuent d'investir dans leurs magasins et d'en ouvrir de nouveaux. Vous avez vu plusieurs annonces à cet effet au cours des dernières semaines. Mais la baisse de rentabilité risque de restreindre ces investissements très bientôt. Si les ventes diminuent effectivement encore davantage, il y aura moins d'emplois dans le commerce—peut-être pas autant des mises à pied que des diminutions d'heures de travail pour les employés.

• 1650

Nos membres ont effectivement signalé certains problèmes d'approvisionnement interfrontalier immédiatement après le 11 septembre, mais ils estiment que la situation est grandement rétablie pour l'instant. Certes, le transport des marchandises entre le Canada et les États-Unis est plus lent maintenant qu'il ne l'était. Nos membres sont toujours préoccupés par la régularité des approvisionnements avant la période des fêtes. Ils sont très nerveux et se disent que si autre chose survient, ou que s'il y a d'autres événements chaotiques dans le monde, nous aurons des problèmes d'approvisionnement à une période très critique de l'année pour les détaillants.

La plupart de nos membres estiment que leurs inventaires s'écoulent bien et qu'ils ne seront pas obligés de faire des soldes énormes ou de manger leurs invendus, mais cela repose beaucoup sur la saison des fêtes. Si vous permettez, j'aimerais vous faire part de ce que nous prévoyons pour la saison des fêtes.

[Français]

Il est très difficile de prédire ce que sera la saison des Fêtes. Nous sommes en effet entrés dans un territoire inconnu. La confiance des consommateurs est la clé, et le 11 septembre, comme je l'ai dit déjà, a créé des préoccupations qui sont bien loin des craintes normales reliées à une période de faiblesse économique.

Les événements internationaux et politiques ont une importance énorme pour le client. Il faut reconnaître aussi, bien sûr, qu'il sera toujours difficile de surpasser les normes établies l'année passée durant la période des Fêtes.

[Traduction]

Madame la présidente, voilà mes commentaires d'ouverture. J'avais cru comprendre que vous vouliez avoir une vue d'ensemble de la situation et c'est ce que j'ai essayé de vous donner. Nous avons présenté un tableau assez semblable au Comité des finances la semaine dernière, après quoi nous lui avons fait part de nos conseils prébudgétaires. Je ne sais pas si vous voulez que je les passe en détail. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions à cet égard.

Pour ce qui est de 2002, le tableau est essentiellement identique avec les mêmes mises en garde. Nous sommes véritablement dans une période où il est très difficile de savoir ce qui va se produire et comment le consommateur va réagir. Plusieurs de nos membres ont dit que les gouvernements et les entreprises comprennent la façon de travailler avec le consommateur et le citoyen en période de faiblesse économique, mais la situation est très différente aujourd'hui et les méthodes habituelles pourraient ne pas être efficaces.

Nos membres croient effectivement que la reprise sera lente. À leur avis, la première moitié de 2002 sera calme, et l'on enregistrera une reprise relativement faible au cours du deuxième semestre. Au fur et à mesure que la confiance reviendra, l'économie reprendra de la vigueur. Nos membres croient effectivement qu'en 2003, on enregistrera une croissance soutenue.

Voilà pour mes observations de départ. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Woolford. Je vais commencer par M. Rajotte.

Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente, merci à vous également, monsieur Woolford, de votre présence aujourd'hui pour nous donner un aperçu du secteur du commerce de détail.

Ma question est de portée générale. Notre comité étudie actuellement la façon dont les différents secteurs et industries se comportent, mais nous voulons aussi formuler des recommandations. Pourriez-vous recommander deux ou trois mesures que le gouvernement devrait ou ne devrait pas adopter qui toucheraient votre secteur en particulier actuellement?

M. Peter Woolford: Je vais probablement répéter les conseils que nous avons donnés la semaine dernière.

Premièrement, nous estimons que le gouvernement ne devrait pas s'engager sur la voie du déficit pour combattre les effets du repli ou des conséquences néfastes des attaques terroristes. Selon nos membres, les Canadiens ont fait d'énormes sacrifices dans les années 90 pour mettre de l'ordre dans nos finances publiques, et il ne faut pas compromettre ces efforts actuellement.

Cela étant dit, si le gouvernement a les moyens financiers de soutenir la confiance des consommateurs et de préserver leurs revenus, à notre avis, il devrait les utiliser. Comme je l'ai dit dans mes remarques d'ouverture, la confiance des consommateurs est véritablement la clé de l'avenir. Si le gouvernement peut prendre des mesures pour soutenir les revenus des consommateurs à un moment où ils baissent, nous ne nous y opposerons certainement pas.

Nous n'avons vraiment pas la compétence non plus pour vous donner des conseils détaillés sur les politiques pour redonner confiance aux gens. À notre avis, les gouvernements doivent effectivement rassurer les citoyens, leur montrer qu'ils comprennent la situation, qu'ils ont un plan pour y faire face, qu'ils prendront les mesures nécessaires et qu'ils sont disposés à agir.

C'est difficile pour nous, en tant que représentants des marchands de détail, de suggérer d'autres mesures stratégiques. Mais dans la mesure où les Canadiens peuvent avoir confiance en leur gouvernement et qu'ils savent qu'il a la situation bien en main, qu'il déploie tous les efforts nécessaires et qu'il sait quoi faire, ils seront amplement rassurés et regagneront confiance au sujet de leur sécurité personnelle, de la santé de leur économie et de la sécurité de notre pays dans son ensemble.

• 1655

Je m'excuse, je saute un peu à droite et à gauche. Pour revenir à la question des dépenses de consommation, nous avons proposé deux mesures budgétaires. L'une consiste à réduire les charges sociales grâce à une exemption de base annuelle pour le programme d'assurance-emploi. L'autre, si le gouvernement en a les moyens, serait une réduction permanente de la TPS.

Nous sommes très conscients qu'il s'agit là de mesures très coûteuses que M. Martin ne peut peut-être tout simplement pas adopter actuellement. Nous ne sommes pas en faveur d'une réduction temporaire de la TPS. À notre avis, cela ne ferait que reporter les ventes, cela perturberait grandement les approvisionnements et ferait perdre beaucoup d'argent au Trésor fédéral.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci beaucoup. Je suis très content que vous ayez été clair et concis et que vous nous ayez donné un bon aperçu du secteur du commerce de détail.

Je veux moi aussi poser une question au sujet de la TPS, parce que j'en ai entendu parler à maintes reprises, les gens m'en parlent, et je rejette cette proposition. Pour avoir moi-même travaillé dans le secteur de l'automobile pendant 30 ans et pour avoir vu ce qui se passe lorsque l'on supprime temporairement une taxe, je sais que le seul résultat qu'on obtient, c'est que les consommateurs vont ailleurs. Le problème ne disparaît pas, je suis content que vous en ayez parlé.

J'aimerais aborder la question de la confiance des consommateurs. Qu'est-ce que vos membres ont entendu et qu'est-ce que nous devrions faire pour donner confiance aux consommateurs? Pourriez-vous tout simplement le répéter?

M. Peter Woolford: Puis-je parler de la TPS?

Une chose que je n'ai pas dite, et dont les commentateurs ne se souviennent pas toujours, c'est que la TPS est une taxe sur la valeur ajoutée. Les détaillants sont habitués de changer l'assiette d'imposition et le taux de taxation à quelques heures d'avis, et ils sont capables de le faire. Nous le faisons presque chaque année lorsque des changements mineurs sont apportés à la taxe.

C'est beaucoup plus difficile pour les fournisseurs de faire ces changements parce qu'ils ne traitent pas directement avec les consommateurs. Tous les importateurs, les grossistes et les manufacturiers ont des systèmes qui sont loin d'être aussi souples que ceux des détaillants. Quand on modifie temporairement une taxe sur la valeur ajoutée, cela a un impact sur toute la chaîne de la logistique qui ne peut appliquer ces changements aussi facilement que le détaillant. Voilà une autre raison pour laquelle un changement, ne serait-ce que temporaire, dans la TPS, nous rend très nerveux.

En ce qui concerne la confiance des consommateurs, le meilleur conseil que nous puissions vous prodiguer—et nous sommes très conscients que cela ne nous amène pas très loin—c'est que le gouvernement doit donner aux Canadiens une raison de croire qu'il comprend la situation, qu'il a un plan pour y faire face, qu'il a les ressources nécessaires et qu'il est prêt à intervenir. Le gouvernement doit être prêt à faire preuve de fermeté, à aller de l'avant, à adopter un programme de mesures qui, à son avis, assurera la sécurité et la protection des Canadiens.

Comme je l'ai dit, en tant que détaillants, ce n'est pas à nos membres de vous dire quels devraient être les éléments de ce programme de sécurité et de protection. Nos membres croient que si les Canadiens peuvent être assurés que leur gouvernement veille à leurs intérêts dans ce domaine, ils vont se sentir plus en confiance. Ils vont vouloir sortir pour aller magasiner, ce qui est dans notre intérêt bien sûr. Ils seront prêts à adopter de nouveau leurs modèles de consommation.

M. Walt Lastewka: Une autre question, madame la présidente, qui concerne les approvisionnements—c'est-à-dire les approvisionnements qui viennent d'autres pays.

Y a-t-il des cas où les détaillants n'ont pu obtenir leurs approvisionnements d'autres pays? Y a-t-il des signaux qui sont donnés? Je sais que parfois les choses se produisent soudainement, qu'en périodes de compressions et d'ajustements, le Canada est un peu mis à l'écart, qu'on retarde les approvisionnements plutôt que de les acheminer normalement et au bon moment. Est-ce que vous avez entendu des commentaires à cet effet?

M. Peter Woolford: Non, rien pour l'instant, et nous nous entretenons avec nos membres presque tous les jours. Ma dernière conversation avec un membre remonte à midi aujourd'hui.

Je n'ai pas entendu parler de fournisseurs étrangers qui réduisent leurs expéditions aux détaillants. Si ça se trouve, les manufacturiers ont probablement un excédent d'approvisionnements actuellement. Je ne pense pas qu'il y ait de difficultés à cet égard.

• 1700

Il y en a peut-être si certaines marchandises sont retenues à la frontière en raison des mesures accrues de sécurité ou d'immigration; la marchandise est à la frontière et il est difficile de la faire traverser.

Là encore, comme je l'ai dit, on constate une certaine lenteur à la frontière en ce qui a trait à l'expédition des marchandises, mais pour l'instant, il n'y a pas de problèmes majeurs pour obtenir la marchandise. Comme c'est une période clé de l'année pour nos membres, les détaillants sont inquiets des procédures douanières parce qu'à l'instar de nombreux autres secteurs aujourd'hui, nous avons effectivement un système de livraison de stock juste à temps.

Lorsque les détaillants vous vendent ou me vendent une chemise, une serviette ou un chemisier, ils commandent le même article automatiquement et espèrent qu'ils l'obtiendront assez facilement et rapidement, mais on peut subir des mesures frontalières et avoir des problèmes d'approvisionnement si des retards additionnels importants se manifestent à la frontière.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Je rappelle aux membres que nous entendrons un autre témoin, et je les invite à raccourcir leurs préambules.

[Français]

Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.

M. Stéphane Bergeron: Madame la présidente, je vais être très bref parce que j'allais poser une question sur le sujet que vient d'aborder M. Lastewka, celui des approvisionnements.

J'imagine que dès le lendemain des événements du 11 septembre, vous avez eu une interruption au niveau des approvisionnements, principalement ceux en provenance des États-Unis. Vous parlez de délais imputables aux mesures de sécurité qui sont mises en place à la frontière. Est-ce que ces délais et les retards en approvisionnement entraînent pour votre industrie des coûts qui sont quantifiables?

M. Peter Woolford: Probablement pas. Nous estimons que les effets des délais survenus après le 11 septembre ont été assez importants, mais leur durée a été assez courte. Nos membres nous ont indiqué que les affaires s'étaient arrangées à la frontière après quelques jours et que les livraisons avaient été assez rapides par la suite.

Quant aux coûts, compte tenu du niveau de concurrence dans le marché canadien, j'imagine qu'ils seront effectivement avalés par le marchand. Je n'ai rien entendu de la part de nos membres sur les coûts importants reliés à cette tragédie. Si j'entends quelque chose, si on me dit quelque chose, je pourrai en informer le comité, mais à ce stade-ci, je n'ai rien entendu là-dessus. Alors, je dois conclure qu'à ce stade-ci, les coûts sont assez minimes pour n'affecter ni la compagnie ni les prix.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

Monsieur McTeague, allez-y.

M. Dan McTeague: Moi aussi, je vous remercie et je vais essayer d'être bref.

Votre secteur a connu une croissance importante au cours des dernières années, tant en ce qui a trait à la rentabilité qu'au nombre d'emplois. J'ai remarqué qu'une de vos recommandations portait sur les déductions accordées aux employés et sur les charges sociales.

Pourriez-vous nous donner un exemple de la réduction inévitable du nombre d'employés que vous prévoyez dans le secteur et nous dire combien de temps, à votre avis, la situation perdurera? Vous y avez fait allusion.

M. Peter Woolford: D'abord, une fois de plus, nous sommes en terrain vierge. À vrai dire, je ne le sais pas. Nous ne savons pas actuellement comment la saison des fêtes se passera parce que nous ne savons pas comment les consommateurs vont réagir. Nous ne savons pas non plus ce nous réserve l'an prochain.

Au mieux des prédictions de nos membres, nous nous attendons à ce que la période de Noël soit un peu meilleure que celle de l'an dernier et, pour la première moitié de l'an prochain, des activités essentiellement calmes. En pareil cas, nos membres préfèrent réduire le nombre d'heures de travail que le nombre d'employés. Le détaillant a un bassin d'employés. Même dans un magasin relativement petit, on a une liste assez longue d'employés qui travaillent à temps partiel et que l'on appelle au besoin.

Dans le commerce de détail, les prédictions se font en fonction des ventes de la semaine précédente. Les détaillants établissent le nombre d'employés pour la semaine en cours en fonction des ventes de la semaine précédente. Si effectivement à Noël les ventes sont lentes, et qu'il en va de même de la première moitié de 2002, je pense qu'on assistera à une certaine perte d'emplois sous forme d'heures réduites de travail pour les travailleurs du secteur. Il se pourrait aussi que certains employeurs ou bien mettent des employés à temps partiel en disponibilité, ou bien essentiellement ne les appellent pas pendant une longue période. Il est très difficile de savoir ce qui adviendra du marché.

• 1705

Pour ce qui est de la deuxième moitié de 2002, nos membres espèrent que la situation sera bonne. Les détaillants sont des optimistes nés. Nos membres espèrent que le consommateur reviendra sur le marché et que nous assisterons à une certaine reprise. Pour être bien réalistes, nous pensons que l'emploi n'augmentera probablement pas avant la saison des fêtes l'an prochain; les détaillants vont encore utiliser les employés qu'ils ont aujourd'hui. Peut-être que quelques heures de plus leur seront données au fur et à mesure que l'on avancera vers la saison de la rentrée l'an prochain, et ça va augmenter graduellement après.

Si, en fait, toutes les mesures de stimulation de l'économie américaine se font sentir, si les stimuli que le gouvernement fédéral a déjà adoptés et, par exemple, que l'Ontario et le Québec ont annoncés, ont leur effet normal, nous pourrions assister à une reprise très forte vers la fin de l'an prochain ou au début de 2003. Cela pourrait amener une augmentation du nombre d'emplois parce que là encore, si les ventes augmentent, les détaillants vont augmenter leurs effectifs.

M. Dan McTeague: Merci.

La présidente: Merci, monsieur McTeague.

Nous tenons à vous remercier sincèrement, monsieur Woolford, d'avoir comparu devant notre comité. Nous croyons que le problème est très grave et nous vous remercions d'avoir pris le temps d'être venu nous rencontrer. Nous espérons avoir l'occasion de vous revoir prochainement.

M. Peter Woolford: Merci beaucoup.

La présidente: Nous allons maintenant changer de témoin et inviter M. Serge Charette, président national de l'Union Douanes Accise à s'avancer à la table.

Et monsieur Lastewka, oui, nous aurons fini à 17 h 30. Nous pensions nous réunir à huis clos pour tenir une petite discussion à ce sujet, mais peut-être le ferons-nous plus tard au cours de la semaine.

M. Stéphane Bergeron: Qu'est-ce que nous étions supposés faire à huis clos?

La présidente: Nous étions censés parler du rapport sur les frontières et son impact sur l'économie.

Maintenant, M. Charette a des notes d'allocution que nous allons distribuer. Mais je préférerais, monsieur Charette, que vous résumiez ces notes au lieu de les lire. Nous allons les faire distribuer, mais si vous pouviez les résumer, nous pourrions passer ensuite à la période des questions.

M. Serge Charette (président national, Union Douanes Accise): Très bien, je vais aborder les éléments plus pertinents directement et si vous avez les documents, peut-être serez-vous également capables de suivre.

Merci, madame la présidente et messieurs les membres du comité d'accepter d'entendre notre témoignage au cours de ce qui doit être une période très occupée pour vous. Nous vous en sommes très reconnaissants. La question est extrêmement importante, non seulement pour nous mais, je pense, pour l'ensemble des Canadiens. Je vais tenter de vous parler de ce que nous considérons être une préoccupation très importante de la part des Américains et une réaction que nous percevons comme pouvant être extrêmement négative pour l'économie canadienne.

Si vous voulez bien me suivre, je vais aborder les points spécifiques que j'estime être importants dans mon mémoire.

Les États-Unis sont en train d'installer des barricades à la frontière. Je pense que tout le monde a entendu dire qu'ils ont investi 609 millions de dollars américains, soit pratiquement 1 milliard de dollars canadiens, pour plus ou moins tripler le nombre d'inspecteurs des douanes aux postes frontières. Ils vont également consacrer la moitié de cet argent à l'achat d'équipement nouveau.

Je crois également savoir qu'ils ont décidé de mettre en «uvre une mesure législative qui était prévue depuis environ cinq ans, et qu'à partir de l'an prochain—c'est ce que je crois savoir, madame la présidente—-partir d'avril prochain, toute personne qui entrera aux États-Unis sera enregistrée à l'entrée comme à la sortie.

La présidente: Tout à fait faux.

M. Serge Charette: C'est peut-être faux, mais c'est l'information qu'on m'a donnée, madame la présidente, et j'estime important de vous en faire part afin que vous puissiez vérifier si elle est factuelle ou non.

Ce qui nous inquiète, c'est que ces mesures, même si elles sont décrites comme nécessaires pour assurer la sécurité des Américains, pourraient en fait constituer un obstacle tarifaire extrêmement dommageable si les Américains allongent les délais de passage à la frontière. Nous savons tous que de nombreux investissements au Canada dépendent de l'accès facile et rapide qu'a notre pays au marché américain. Si cette situation est compromise de quelque façon que ce soit, il s'en trouvera alors que certains de ces investissements, au moins, seront faits du côté américain de la frontière.

• 1710

Il se trouve également que cette mesure forcera les entreprises américaines à reconsidérer leurs opérations avec des fournisseurs canadiens. À notre avis, la chute récente du dollar est une preuve évidente que cette réalité existe déjà. Madame la présidente, nous n'avons d'autre choix que de mettre immédiatement en place des mesures qui redonneront aux Américains la confiance qu'ils ont perdue dans nos systèmes de sécurité à la frontière.

Manifestement, les Américains s'attendaient à ce que le Canada augmente la sécurité à sa frontière, probablement en adoptant les mêmes mesures qu'eux, mais en fait, nous avons procédé de façon assez différente. Mis à part quelques questions de plus, plus de vérifications d'identité à la frontière, et l'établissement d'un centre de commande à l'administration centrale, nous n'avons pas fait beaucoup plus. Il nous faut plus d'agents de douane, mais aucun n'a été engagé. On a simplement demandé au personnel existant de faire de longues heures supplémentaires. Au Canada, ces événements ont été perçus, au mieux, comme un tout petit inconvénient temporaire.

Tout de suite, les responsables canadiens ont dit que la situation reviendrait à la normale très rapidement. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que certains croient encore que c'est le cas.

Les événements du 11 septembre ont été un moment d'une grande importance pour les Américains et cela aurait dû être la même chose pour les Canadiens. Les événements de cette journée ont complètement redéfini les priorités des Américains. Il ne fait aucun doute qu'à leur point de vue, nous représentons le maillon le plus faible dans la sécurité de leurs frontières. La sécurité nationale est maintenant leur priorité absolue et leur principale inquiétude. À moins de mettre en «uvre des mesures qui démontrent que nous partageons leurs inquiétudes, les barricades actuelles vont devenir des fortifications et les gens et les biens vont continuer de faire l'objet de plus de contrôles du côté américain de la frontière, tant à leur entrée aux États-Unis qu'à leur sortie.

À notre avis, pour éviter que les choses ne s'enveniment, pour donner aux Canadiens une meilleure perception de la sécurité à nos frontières et pour y réduire à nouveau les délais, le Canada devra s'engager à appliquer plus rigoureusement les mesures d'exécution à sa frontière. Ce qui importe ici, c'est de trouver des moyens de faire plus de travail d'exécution sans entraver les passages à la frontière. Actuellement, les gens estiment que les mesures d'exécution et la diminution des délais à la frontière sont incompatibles et qu'on ne peut pas en modifier une sans que cela ait immédiatement un effet égal et contraire sur l'autre. Cependant, c'est vrai, mais seulement si l'on suppose que les ressources actuelles ne changent pas. À notre avis, il faut mettre en place un certain nombre de mesures dans le but d'accroître la sécurité à la frontière.

Après, nous pourrons démontrer aux Américains qu'en fait, nous sommes tout aussi désireux qu'eux d'assurer la sécurité frontalière. C'est un exemple où l'action aura plus d'impact que la théorie. La situation actuelle exige que le Canada soit le plus éloquent possible.

Voici les mesures qui, à notre avis, seront acceptables et feront changer les attitudes des Américains.

Premièrement, nous croyons que le Canada doit s'engager à adopter plus de mesures d'exécution et à accroître la surveillance. La seule façon d'y parvenir sera d'imiter les Américains et d'engager de nouveaux agents des douanes, des agents de la GRC, des agents d'immigration, notamment.

Deuxièmement, nous croyons que des voies spéciales réservées aux Canadiens qui rentrent chez eux—ou un autre dénominateur commun comme les gens ayant un passeport—devraient être mises en place à la frontière. Cela faciliterait grandement la présélection ou si vous voulez, permettrait de déterminer à l'avance le type de clients avec qui on a affaire.

Troisièmement, nous estimons que le Canada doit songer à armer ses agents des douanes. Même s'ils utilisent rarement leurs armes, les douaniers américains les considèrent comme un outil dissuasif efficace et nécessaire pour tout agent de la paix qui veut se faire respecter. Le fait de ne pas armer nos agents des douanes laisse croire que le Canada ne prend pas la question du respect de la loi au sérieux lorsqu'il s'agit de questions frontalières. En soi, cette mesure enverrait un message clair aux Américains que les Douanes canadiennes prennent la protection des frontières plus au sérieux.

Quatrièmement, les Douanes devraient être ouvertes 24 heures sur 24 d'un côté comme de l'autre de la frontière. Tout le monde se souvient du sénateur qui s'est levé en comité avec son cône orange pour dire à tout le monde: «Ceci est notre protection après 22 heures.» De toute évidence, cette image est incrustée dans l'esprit de bien des téléspectateurs et la seule façon de remédier à ce problème serait d'avoir une frontière ouverte 24 heures sur 24.

Cinquièmement, une autre façon pour le Canada de faire preuve de son engagement à l'égard de la sécurité des frontières serait d'avoir deux agents à tous les postes frontières en tout temps. Je comprends qu'on hésite beaucoup à adopter une telle mesure parce qu'on craint que ces agents ne soient pas productifs. D'abord, nous estimons que lorsqu'une partie de votre travail consiste à assurer la sécurité des autres, ce qui est requis, c'est votre présence et non pas ce que vous faites pendant que vous êtes en fonction. Cependant, si les agents avaient l'équipement adéquat, ce problème pourrait être facilement résolu. Ces agents pourraient examiner les documents commerciaux qui sont transmis électroniquement. Ça se fait actuellement dans les grands postes, alors pourquoi ne pas transférer une partie de ce travail aux plus petits postes et atteindre les deux objectifs en même temps: l'arriéré est éliminé plus rapidement et vous accordez également une sécurité additionnelle pour le personnel.

• 1715

Sixièmement, les Douanes doivent témoigner de leur engagement à l'égard de la conformité en équipant et en formant plus d'agents des douanes pour qu'ils puissent s'intégrer à des équipes d'intervention souples.

Septièmement, nous croyons qu'il serait dans l'intérêt et des Canadiens et des Américains d'investir dans la construction et l'exploitation de centres internationaux de dédouanement commercial. Il pourrait s'agir de grandes installations qui seraient essentiellement utilisées par les deux pays, dotées de l'équipement le plus moderne qui soit et d'installations à la fine pointe de la technologie faisant en sorte qu'il soit plus facile d'examiner les biens comme tels et de tout remballer une fois l'examen terminé. Ces installations seraient construites à proximité de la frontière, et pourraient accueillir également un certain nombre de spécialistes de divers domaines. Nous pourrions avoir des gens de l'agriculture, divers spécialistes qui seraient sur place pour nous aider à nous assurer que les biens peuvent être dédouanés le plus rapidement possible. Bien sûr, ces installations ne seraient construites qu'aux postes frontières fort achalandés. Nous en proposons six, mais il pourrait y en avoir d'autres, ou même moins.

Cette proposition comporte également d'autres avantages. Ces installations pourraient accueillir plus de voyageurs parce qu'on n'y traiterait plus les marchandises commerciales, on aurait une installation distincte, peut-être cinq ou dix kilomètres plus loin.

Autre avantage: le trafic commercial ne serait pas gêné par les camions alignés en attendant d'être examinés et les camionneurs qui attendent de soumettre leurs documents électroniques.

Enfin, nous proposons de réexaminer une proposition qui a été faite il y a quelques années visant à regrouper certaines douanes et d'autres groupes d'exécution en une seule agence ou un seul ministère. Nous croyons que cette mesure serait très utile pour des raisons d'exécution et aussi parce que tous les autres ministères pourraient contribuer à déterminer le meilleur moyen d'examiner les biens et dans quelles circonstances.

Cela dit, la facilitation ne devrait pas être réduite mais réalisée grâce à des moyens qui ne remettent pas la sécurité en question. Pour atteindre le bon niveau d'interception, tout en facilitant les procédures douanières, il faudra probablement injecter beaucoup plus de ressources sinon les vérifications supplémentaires vont ralentir le flot des marchandises et des personnes et en bout de ligne avoir un impact sur notre économie.

Le choix semble donc clair. Les Américains et les Canadiens veulent une plus grande sécurité. Les entreprises s'attendent à ce que les procédures douanières soient facilitées et bien franchement, c'est ce dont elles ont besoin. Nous croyons que les solutions que nous proposons sont les seules qui satisfassent les deux groupes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Charette. C'était assez concis.

Nous allons passer aux questions. Je rappelle aux membres qu'il nous reste environ dix minutes avant 17 h 30, donc, soyez brefs.

Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente.

Monsieur Charette, je vous remercie de votre exposé. J'aimerais poser deux courtes questions.

Est-ce que vous avez une idée, ou avez-vous fait une estimation du personnel supplémentaire qu'il faudrait engager à la frontière pour donner suite à vos recommandations?

Deuxièmement, dans votre dernier paragraphe, vous parlez d'une proposition selon laquelle on regrouperait les Douanes et d'autres groupes d'exécution en une seule agence ou un seul ministère. Je me demande si vous pourriez nous donner des détails à ce sujet également.

M. Serge Charette: D'après notre estimation, il nous faudrait environ 1 200 agents des douanes de plus pour les postes douaniers où il y a des voyageurs et 400 pour l'aspect commercial. Ces 1 200 personnes remplaceraient également 200 étudiants. Donc, en gros, on parle ici d'une augmentation de 1 000 pour l'aspect voyageurs et de 400 pour la composante commerciale. Le coût serait d'environ 80 millions de dollars, à une estimation d'environ 50 000 dollars par personne.

• 1720

Ce que l'on veut dire quand on parle de rassembler tous les groupes d'exécution en une agence... Par exemple, il y avait une autre réunion de comité ce matin sur l'immigration. Les gens de l'immigration estiment qu'ils doivent être davantage impliqués dans ce qui se passe à la frontière parce que les agents des douanes effectuent ce que l'on appelle l'interrogatoire principal à la frontière pour l'Immigration et au nom de l'Immigration. Mais ils n'ont pas grand-chose à dire là-dedans, et, en réalité, ils ne font aucune surveillance de la façon dont nous procédons et de ce que nous faisons, et ils aimeraient avoir une plus grande participation. C'est ce que nous voulons dire quand nous proposons de regrouper toutes les personnes en une seule agence d'exécution. Ensuite, tous les points de vue pourraient être exprimés et toutes les préoccupations et considérations pourraient être réglées en même temps.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: J'aimerais passer en revue certains des commentaires que vous avez faits sur la façon dont les Américains ont renforcé leurs frontières et ainsi de suite. Je crois que vous avez dit qu'ils avaient ajouté de l'argent, qu'ils vont ajouter des gens, et qu'ils vont être plus en sécurité.

Croyez-vous que les États-Unis vont être plus en sécurité?

M. Serge Charette: D'après ce que je sais, ils ont déjà ramené 100 agents de douane de la frontière États-Unis-Mexique à la frontière Canada-États-Unis et qu'au cours des trois ou quatre prochains mois, ils vont commencer à pourvoir des postes supplémentaires. Leur objectif est de tripler le nombre d'inspecteurs douaniers à la frontière actuellement.

Bien sûr, s'ils massent tous ces gens à la frontière, ils ne vont pas les laisser à rien faire. Ils vont faire du travail, et on nous a dit qu'une partie de ce travail consisterait à effectuer des vérifications en direction nord, ce qui veut dire qu'ils vont inspecter des marchandises et des passagers ou des voyageurs qui viennent au Canada de même que les personnes qui entrent aux États- Unis parce qu'ils ne sont pas convaincus que nous faisons le travail comme ils aimeraient qu'on le fasse de notre côté de la frontière.

M. Walt Lastewka: Je sais. Ils ont lancé beaucoup d'accusations.

La présidente: Monsieur Lastewka, si vous n'avez pas d'objection, j'aimerais avoir une précision. Si je comprends bien, cependant, le ratio actuellement est que nous avons trois agents pour un de leur côté. Par exemple, à la frontière de Windsor, nous avons trois fois plus d'agents qu'ils en ont aux États-Unis, n'est- ce pas?

M. Serge Charette: C'est exact, mais dans une certaine mesure. Ce qu'ils font, c'est qu'ils ont une surveillance conjointe de la frontière aux États-Unis, c'est-à-dire que leurs inspecteurs douaniers et leurs agents d'immigration surveillent également la frontière.

La présidente: Ils sont formés pour faire les deux. Oui, c'est ça. C'est ce qu'on nous a dit hier.

M. Serge Charette: Ils ont la formation pour faire l'inspection d'immigration et l'inspection douanière, mais quand on parle d'inspecteurs douaniers, ce sont ceux-là auxquels nous faisons référence.

Je pense que si vous prenez le nombre total de personnes...

La présidente: Ils ont cette double formation. C'est ce que nous a dit le chef de leur agence à Detroit hier. Ils ont la formation et en douanes et en immigration. Je suis consciente que notre système fonctionne différemment, mais je constate que lorsqu'on fait le total des agents qu'ils ont et celui que nous avons, nous en avons en vérité un plus grand nombre actuellement aux frontières qu'eux. C'est exact.

M. Serge Charette: C'est possible qu'il en soit ainsi à Windsor. Il faudrait que je vérifie. Je ne le sais pas.

La présidente: Désolée, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Vous m'avez coupé l'herbe sous le pied.

Je vais devoir faire plus avec moins. Si les États-Unis, allais-je dire, avaient le même nombre d'agents que nous, parce qu'ils sont beaucoup moins nombreux, et qu'ils vont avoir une frontière beaucoup plus sûre, peut-être que nous au Canada devrions songer à avoir moins de postes internationaux—et les postes internationaux que nous avons font un meilleur travail—si bien que nous n'augmenterions pas le budget ou les dépenses.

C'est ainsi que je vois les choses. Si les États-Unis doivent améliorer leur efficacité à ce point, alors nous devrions être capables de faire plus avec moins, et si nous avions moins de postes internationaux, nous pourrions faire un meilleur travail avec ceux que nous considérons comme tels.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Serge Charette: Je ne suis pas certain que ce soit ce que les Américains ont l'intention de faire.

Premièrement, je dois vous dire que nous faisons beaucoup de travail à la frontière pour des ministères autres que Revenu Canada. Bien des vérifications que nous faisons ne devraient pas intéresser les Américains dans leurs vérifications en direction nord.

• 1725

Par exemple, il est légal d'avoir une arme aux États-Unis, dans bien des États par lesquels on entre au Canada. Donc, on ne vérifierait pas si vous avez un permis ou non pour cette arme. Même, on va peut-être vérifier si vous avez un permis, mais on n'aurait pas d'objection à ce que vous traversiez la frontière avec cette arme. Nous, de notre côté, nous en aurions une.

Leur définition de la pornographie et de ce qui est acceptable comme définition de la pornographie dans leur société et ce qui ne l'est pas dans la nôtre, c'est différent. Donc là encore, cette situation ne leur causerait pas de problèmes. Nous, nous devrions faire une interception à la frontière canadienne parce que de notre côté de la frontière, ce matériel pornographique est défendu.

Il y a plusieurs problèmes de ce genre.

Par exemple, un tracteur d'occasion qui vient d'une ferme des États-Unis, qu'un Canadien aurait acheté, qui entre avec de la boue sur les pneus... Les Américains ne s'y objecteraient pas parce que le tracteur quitte leur pays. Nous, nous aurions des objections, parce que nous devons savoir de quel État provient le tracteur, et cet État a l'obligation de le nettoyer le mieux possible pour s'assurer qu'aucune des bactéries, et ainsi de suite, qui pourraient être décelées dans la terre ou dans les pneus, ne cause de problèmes à notre industrie agricole.

Je comprends ce que vous dites. Les Américains vont faire beaucoup plus de travail de leur côté, mais sur des points spécifiques qui les préoccupent eux. Cela ne veut pas dire que nous pouvons relâcher les contrôles de notre côté. Cela veut simplement dire que nous allons devoir faire les choses en double pour nous assurer que ce qu'ils ont vérifié, c'est la même chose que nous avons besoin de vérifier.

M. Walt Lastewka: Très bien.

La présidente: Merci.

Monsieur St. Denis.

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, madame la présidente, merci à vous, monsieur Charette.

Je vais poser trois petites questions. Je serai bref parce que je sais que nous devons partir dans peu de temps.

Ma circonscription du nord de l'Ontario est adjacente à Sault Ste. Marie où nous avons un poste frontière, comme vous le savez. Quelques personnes qui travaillent du côté de Soo-Michigan m'ont dit avoir eu de la difficulté à se rendre là-bas et à en revenir et qu'en fait, il fallait compter beaucoup plus de temps pour revenir au Canada que pour entrer aux États-Unis. Avez-vous entendu parler de cela? Est-ce que les choses se sont améliorées à votre connaissance? Une brève réponse me suffira. Les choses sont-elles revenues à la normale en ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers?

M. Serge Charette: Non, les choses ne sont pas revenues à la normale. Comme je l'ai dit, les États-Unis viennent de rapatrier 100 autres agents de la frontière mexicaine. Donc, on fait plus de vérifications du côté américain.

M. Brent St. Denis: Mais cela prend plus de temps pour revenir au Canada. La personne qui se rend à Soo-Michigan—c'était une infirmière—devait mettre plus de temps à rentrer chez elle qu'à aller aux États-Unis.

M. Serge Charette: Oui. Et ce qui explique cela, c'est que, probablement, elle devait arrêter du côté américain de la frontière, on l'interroge là-bas, ensuite arrêter à nouveau du côté canadien et être interrogée une deuxième fois.

M. Brent St. Denis: Très bien, ça suffit. En fait, cela prenait plus de temps du côté canadien.

M. Serge Charette: C'est possible.

M. Brent St. Denis: L'autre question concerne les points d'accès éloignés comme les Grands Lacs pour les bateaux, ou les aéroports éloignés. Je crois savoir que le système CANPASS n'est toujours pas complètement opérationnel.

M. Serge Charette: Non, depuis le 11 septembre, le système CANPASS a été suspendu pour tous les modes de transport sauf le transport maritime.

M. Brent St. Denis: Avez-vous une idée de ce qui adviendra, disons, des propriétaires de motoneige qui traversent les Grands Lacs durant l'hiver? Prévoyez-vous une situation normalisée, disons, en janvier pour les touristes?

M. Serge Charette: Je ne pense pas que la situation reviendra à la normale, du point de vue des Américains, avant plusieurs années.

M. Brent St. Denis: Je veux dire pour entrer ici.

M. Serge Charette: Pour entrer ici, je pense que nous allons probablement bientôt réactiver le système CANPASS. À tout le moins, ce sont les messages que nous recevons de l'Agence.

M. Brent St. Denis: Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Charette, j'aimerais vous poser une ou deux questions. Vous avez parlé de l'utilisation d'un passeport pour des voies réservées. Ne serait-il pas plus technologiquement faisable d'utiliser un genre de système biométrique comme la lecture faciale, les empreintes palmaires ou un lecteur de l'iris?

M. Serge Charette: Oui. De telles mesures sont prévues dans le projet de loi S-23. Des propositions ont été faites, et ces systèmes vont être mis en place. Le problème, c'est que ces systèmes vont être mis en place surtout dans les postes où le volume de passagers est élevé comme l'aéroport de Toronto ou à Windsor, mais pas partout. Cette technologie est très coûteuse, et comme la plupart des autres technologies que nous mettons en «uvre, nous les utilisons surtout dans les postes fort achalandés, et pas partout.

La présidente: Peut-être qu'au fil des ans, nous allons devoir utiliser cette technologie améliorée dans les autres postes pour assurer la sécurité.

M. Serge Charette: Je suis d'accord. Ce type d'équipement serait certainement un ajout qui serait le bienvenu.

La présidente: J'aimerais vous poser une autre question rapide concernant le traitement des véhicules commerciaux et des camions. Déjà, nous avons un certain nombre de marchandises qui sont pré- contrôlées.

• 1730

Quelqu'un a fait une suggestion hier à Detroit, du côté américain, à savoir qu'on aimerait acheter un appareil à rayon X qui ferait la lecture de tout le camion, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire de décharger le camion, ce qui ferait gagner des heures de travail, ainsi que de ressources. Est-ce que vous avez quelque chose de ce genre déjà au Canada?

M. Serge Charette: Non. D'après ce que je comprends, les Américains ont cinq de ces appareils, mais nous n'en avons aucun. Ils sont extrêmement coûteux.

La présidente: Très bien.

Enfin, vous avez parlé des centres internationaux. Je ne crois pas que cela règle la question de la sécurité des infrastructures et élimine le facteur de peur que certaines personnes éprouvent en traversant la frontière actuellement, parce que cela serait seulement d'un côté de la frontière, si je comprends bien votre proposition.

M. Serge Charette: Nous proposons que les Canadiens et les Américains utilisent ce système en même temps.

La présidente: Mais ce serait d'un côté de la frontière.

M. Serge Charette: Le centre devrait être situé d'un côté de la frontière et ce serait...

La présidente: Donc on n'aborderait pas ce que j'appelle le problème de l'infrastructure, la sécurité des infrastructures comme les ponts et les tunnels. Le système pourrait être très efficace aux postes frontaliers où il n'y a pas de ponts ou de tunnels, mais lorsqu'il s'agirait d'infrastructures, de toute évidence, ça ne fonctionnerait pas.

M. Serge Charette: Je pense que ça fonctionnerait bien, plus particulièrement à Windsor, par exemple, où il y a toujours une très longue file d'attente de camions. On réussirait à dégager le pont ou le tunnel des camions...

La présidente: Monsieur Charette, je suis désolée, mais l'entrepôt secondaire au pont se trouve déjà à des kilomètres du pont. Donc, je pense qu'il faut encore examiner ce poste frontalier en particulier pour votre scénario, parce que le centre est déjà loin du pont là où on fait les inspections secondaires. Les inspections ne se font pas au pont du côté canadien.

Mais j'apprécie vos commentaires. Nous aurons peut-être d'autres questions à vous poser plus tard. Notre objectif est d'essayer de travailler avec tout le monde pour résoudre la situation entourant le 11 septembre. Je pense qu'il est très important que vous nous fassiez part de vos suggestions et que vous soyez impliqué dans le processus en cours de route car vous travaillez avec les travailleurs de première ligne.

Nous tenons à remercier vos travailleurs parce que nous savons qu'ils font de longues heures. Beaucoup de vacances, de congés ont été annulés, et beaucoup ont fait de nombreuses heures supplémentaires pour s'assurer que les marchandises et les personnes puissent traverser nos frontières, et nous l'apprécions. Je vous saurais gré de transmettre ce message aux membres de votre syndicat. Nous espérons trouver ensemble une solution à ce problème. Merci beaucoup.

M. Serge Charette: Merci.

La présidente: La séance est levée.

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