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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 mars 2001

• 1531

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité entreprend l'examen statutaire de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Nous entendons cet après-midi deux groupes de témoins. Nous avons d'abord M. Brian Grainger, de Grainger et Associés, et ensuite les représentants de Démocratie en surveillance, nommément le coordonnateur, Duff Conacher, et Aaron Freeman, qui est membre du conseil.

Je propose que nous entendions d'abord les déclarations des deux parties représentées, après quoi nous les interrogerons ensemble, si cela vous convient. Cela dit, je vais donner la parole aux témoins dans l'ordre où ils sont inscrits sur la liste, à moins que l'on se soit entendu pour procéder autrement. Je donne donc la parole à M. Grainger.

M. Brian Grainger (Grainger et Associés): Bon après-midi, madame la présidente. Merci beaucoup. Et merci à tous les membres du comité de me donner la possibilité de dire quelques mots cet après-midi sur la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et le code des lobbyistes, mais aussi, de façon générale, sur l'importance, et peut-être l'importance cachée de l'éducation et de la formation en matière d'éthique et de valeurs dans le milieu de travail d'aujourd'hui, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public.

Depuis près de dix ans, j'ai le grand plaisir de travailler dans ce domaine de l'élaboration de codes de déontologie professionnelle et de m'occuper des questions de valeurs et d'éthique. Au cours de la dernière décennie, ce domaine a suscité de plus en plus d'intérêt. Ces dernières semaines l'ont montré encore une fois. Mais que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, les questions de saine gestion, de conflit d'intérêts et d'éthique semblent faire maintenant l'objet de discussions publiques. Les raisons pour lesquelles ces questions ont pris de l'importance sont variées et complexes mais pourraient se résumer en quelques mots: aujourd'hui, on veut de plus en plus que les règles du jeu soient équitables tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Et un outil pour parvenir à cette équité, dans le secteur public tout au moins, comme vous le savez, est sans contredit la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes que vous examinez actuellement.

D'autres outils sont également employés à cette fin, dans les secteurs public et privé. Au cours des discussions, nous aurons peut-être l'occasion de parler de certaines de ces stratégies qui sont poursuivies activement depuis maintenant près d'une décennie partout dans le monde.

Il reste que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a apporté au secteur du lobbying, dans le contexte canadien, de la discipline, une structure et une certaine transparence. Cette loi reflète l'approche canadienne qui, à ce qu'il me semble, est respectueuse, équilibrée et simple, en général. L'enregistrement électronique est un outil très actuel, en fait très perfectionné, facile à utiliser et à consulter.

Par suite de mes dix années comme expert-conseil en matière de valeurs et d'éthique, si j'avais une recommandation à formuler, ce serait de consacrer beaucoup plus de ressources à l'éducation des utilisateurs de ces outils, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce que je dis, en fait, c'est que dans les secteurs privé et public, nous avons tous besoin d'une plus forte dose de prévention afin d'éviter certains pièges dans lesquels nous pouvons tous tomber, y compris les députés à la Chambre.

En fait, nous devons expliquer clairement et plus tôt dans la formation des lobbyistes, et aussi de nombreux autres professionnels et en bien d'autres endroits, l'importance que l'éthique joue pour établir des règles du jeu équitables et assurer l'intégrité de nos institutions et de nos valeurs démocratiques. Il suffit de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde pour comprendre à quel point il sera difficile de réaliser cet objectif s'il n'y a pas au gouvernement à la fois intégrité et confiance, honnêteté et transparence. Autrement dit, il faut éduquer, à tous les niveaux, les citoyens de notre pays pour qu'ils fassent la chose à faire dès le départ.

Ce que je veux dire par là, madame la présidente, c'est que je réussis très bien à faire ce qu'il faut faire la quatrième fois, la cinquième fois ou la sixième fois. Mais nous devons faire un peu mieux dès la première fois, tant pour assurer une mesure de prévention que pour faire reposer la démocratie sur un fondement plus solide. C'est ainsi que nous pourrons augmenter la transparence et la reddition de comptes, ce que nous méritons tous, dans nos entreprises tant publiques que privées.

Madame la présidente, par ces quelques mots, je désirais simplement placer l'examen de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du code des lobbyistes dans un contexte plus général qui touche la saine gestion et l'éthique dans les établissements publics et privés.

Merci. Je suis tout disposé à amorcer la discussion.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Grainger.

Je vais maintenant donner la parole à M. Conacher, de Démocratie en surveillance.

M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité à prendre la parole au sujet de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et des mesures connexes.

• 1535

Je suis le coordonnateur de Démocratie en surveillance et je suis accompagné aujourd'hui d'un membre du conseil de notre organisation, Aaron Freeman. Nous allons nous partager notre temps de parole et nous serons également prêts à répondre aux questions qui pourront s'adresser à l'un ou l'autre de nous deux au sujet des recommandations que nous formulons.

Nous représentons aujourd'hui la coalition sur l'éthique au gouvernement, et vous devez avoir sous les yeux une liste des 30 groupes issus de sept provinces et des Territoires du Nord-Ouest.

La présidente: Monsieur Conacher, nous n'avons pas copie de cette déclaration. Elle nous a été remise en anglais seulement.

M. Duff Conacher: Elle a été remise la semaine dernière au comité. Ma déclaration n'a pas été remise. Nous vous ferons parvenir un mémoire plus complet ultérieurement.

La présidente: Excusez-moi, qu'est-ce qui a été remis la semaine dernière au comité?

M. Duff Conacher: La liste des groupes et la liste des recommandations, qui fait deux pages.

La présidente: Vous n'avez rien reçu la semaine dernière?

Le greffier du comité: Non.

La présidente: Le greffier ne l'a pas reçue, pour une raison ou une autre. Nous nous excusons, mais nous ne pouvons pas distribuer un document qui n'a pas été traduit.

M. Duff Conacher: Je comprends.

Nous allons devoir passer en revue les recommandations, en espérant que vous pourrez prendre des notes et suivre notre exposé.

Nous travaillons à ce dossier depuis mai 1994, date à laquelle nous avons publié ce rapport intitulé «Le ménage du printemps: Un modèle de transparence dans le lobbying et d'éthique pour les recoins difficiles à atteindre dans l'administration fédérale». Ce modèle est toujours valable, parce que nous avons témoigné par la suite devant un sous-comité du Comité de l'industrie en octobre 1994 et nous avons remis ce mémoire sur les changements à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et presque tous les changements que nous avons proposés n'ont pas été apportés par le comité à ce moment-là, sauf la diffusion sur Internet du registre des lobbyistes, ce qui a certainement beaucoup aidé les citoyens à suivre ce qui se passe, tout au moins dans la mesure où le registre reflète effectivement ce qui se passe.

Je vais passer en revue, plus tard aujourd'hui et au cours de la semaine, le nouveau projet de loi sur l'enregistrement des lobbyistes que l'on vient tout juste de présenter en Nouvelle-Écosse et je vais devoir conclure que s'il est à la hauteur de la loi fédérale, alors il laisse beaucoup à désirer et est plein de trous. Mais avant d'aborder la loi elle-même, je voudrais énoncer les six raisons pour lesquelles nous croyons qu'il faut réviser en profondeur la loi et les mesures connexes. Et nous croyons que le comité devrait garder ces raisons à l'esprit quand il examinera diverses propositions.

Voici les six raisons:

Premièrement, pour respecter pleinement les droits des citoyens et pour assumer la responsabilité du gouvernement de mettre en cause les citoyens dans les prises de décisions.

Deuxièmement, pour informer les titulaires de charges publiques et le grand public afin de s'assurer qu'ils peuvent participer aux décisions gouvernementales.

Troisièmement, pour informer le public afin qu'il puisse juger si les titulaires de charges publiques prennent des décisions valables.

Quatrièmement, pour informer les titulaires de charges publiques et le grand public afin qu'ils puissent faire la distinction entre les arguments authentiques et les arguments bidons.

Cinquièmement, pour informer les titulaires de charges publiques afin qu'ils puissent juger des mérites des arguments qui sont présentés par les lobbyistes.

Sixièmement, dernière raison et non la moindre, comme nous en avons eu la preuve depuis sept ans, pour garantir l'intégrité du système de lobbying et en particulier du processus décisionnel du gouvernement.

Nous espérons que vous garderez bien présentes dans votre esprit, pour la suite de votre étude, ces raisons qui militent en faveur de changements importants à la loi et aux mesures connexes.

Je voudrais signaler que deux comités ont déjà dans le passé examiné les questions que le comité étudie aujourd'hui, soit le Comité Cooper en 1986 et le Comité Holtmann en 1993. Et les deux comités ont proposé des mesures qui vont bien au-delà des dispositions de la loi actuelle et aussi bien au-delà des recommandations que le ministre de l'Industrie a formulées en vous demandant d'examiner la loi. Le comité a donc l'occasion de prendre acte des travaux de ces comités antérieurs et d'incorporer les propositions qu'ils ont faites dans les recommandations sur les changements à apporter à la loi.

Et puis, bien sûr, il y a beaucoup de promesses qui ont été faites en 1993 pendant la campagne électorale libérale et qui étaient formulées dans le document de campagne intitulé Pour la création d'emplois, pour la relance économique: Le plan d'action libéral pour le Canada. Ces engagements n'ont toujours pas été tenus, en particulier en ce qui a trait à cette loi et aux mesures d'application. On s'était notamment engagé à faire sortir les lobbyistes de l'ombre et aussi, bien sûr, à nommer un conseiller en éthique indépendant et disposant de vrais pouvoirs.

La dernière recommandation dans la liste établie par notre coalition—c'est une liste de 19 recommandations dont vous recevrez copie—est une recommandation de portée générale, mais nous allons commencer par celle-là parce qu'elle situe à notre avis le problème dans son contexte.

• 1540

Un accès libre et ouvert au gouvernement est une importante question d'intérêt public, comme le préambule de la loi l'indique d'ailleurs. Mais il y a un large fossé entre l'énoncé de ce droit et la capacité des citoyens de l'exercer. L'existence des lobbyistes à Ottawa, le fait que presque tous les lobbyistes fédéraux sont situés à Ottawa, et l'existence d'une loi, dont l'un des buts avoués est la divulgation, tout cela dénonce la présence d'un fossé entre le droit du citoyen d'avoir accès au gouvernement et l'exercice utile de ce droit. Parallèlement, on constate actuellement une crise de crédibilité des gouvernements au Canada, comme l'indiquent plusieurs sondages, notamment ceux de Ekos Research et de l'Institut de recherche en politiques publiques. Les citoyens se sont rendu compte, même si les responsables gouvernementaux et les lobbyistes ne le disent jamais publiquement, que quiconque n'a pas ses entrées à Ottawa est à l'extérieur de la sphère d'influence.

Le droit d'accès n'est pas suffisant pour combler cette lacune de crédibilité, pas plus que la simple divulgation au moyen de la loi. Le gouvernement fédéral doit prendre des mesures pour changer les actuels processus décisionnels du gouvernement afin que les citoyens puissent facilement exercer leur droit de participer à ces processus.

Nous recommandons que le gouvernement aille plus loin que cette ébauche d'énoncés de principes et de lignes directrices sur la consultation et l'adhésion des Canadiens, que le Conseil du Trésor est actuellement en train d'étudier et de finaliser, et qu'il en fasse des mesures exécutoires aux termes desquelles les ministères gouvernementaux seraient tenus de faire participer les citoyens, de façon utile, aux prises de décisions. Si vous le faites, alors vous aiderez à résoudre cette crise de crédibilité qui existe actuellement, beaucoup de Canadiens ayant l'impression que les politiciens aident leurs amis et s'aident eux-mêmes et écartent les préoccupations des citoyens.

Passons maintenant à ce qui nous semble une question très importante, soit l'application de la loi, et nous avons plusieurs recommandations à ce sujet. La principale, bien sûr, c'est de remplacer l'actuel conseiller en éthique par une commission de l'éthique indépendante. Cette commission devrait être dotée de pouvoirs étendus lui permettant de faire enquête sur les responsables gouvernementaux et les lobbyistes et, dans l'éventualité où l'enquête confirme qu'il y a eu violation d'une règle d'éthique par un lobbyiste, de recommander des sanctions au Parlement dans un rapport rendu public. La plupart des provinces et territoires du Canada ont un tel système indépendant permettant de faire respecter les règles d'éthique. Seul le régime fédéral fait défaut à ce chapitre.

Nous croyons également que quiconque est assujetti à un code de conduite du gouvernement fédéral, ce qui inclura les ministres et les autres titulaires nommés à leur charge, les fonctionnaires et les lobbyistes, doit être tenu de signaler tout méfait à une telle commission de l'éthique et que l'identité de toute personne qui signale un tel méfait, ce qu'on appelle un dénonciateur, ne doit pas être rendue publique sans son consentement, et les personnes en cause doivent être pleinement protégées contre les représailles et les mesures disciplinaires.

Nous vous exhortons par conséquent d'apporter les modifications voulues au moins dans cette loi, mais nous croyons que c'est une mesure connexe d'une telle importance que vous devriez inclure dans les modifications à cette loi une protection globale des dénonciateurs afin que quiconque dénonce un méfait au gouvernement soit protégé contre toutes représailles.

Et enfin, nous croyons, dans l'éventualité où une personne dénonce un méfait à une telle commission de l'éthique, quand elle sera créée—et j'espère bien que ce sera «quand» et non pas «si»—si la commission ne fait pas enquête dans un délai déterminé, cette personne doit avoir le droit de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance forçant la commission de l'éthique à procéder.

J'insiste en particulier sur cette dernière recommandation parce que nous avons déposé trois plaintes auprès du conseiller en éthique sur des infractions au code de conduite par des lobbyistes et des infractions au code d'éthique fédéral par des ministres. L'une de nos plaintes a été déposée le 13 avril dernier et nous attendons depuis plus d'un an que le conseiller en éthique rende une décision. L'autre plainte a été déposée le 25 septembre et la dernière en novembre. Dans tous les cas, nous attendons depuis des mois que le conseiller en éthique rende sa décision. Nous avons fourni une preuve très claire qu'il y a au moins apparence de conflit d'intérêts, ce qui suffit pour que le lobbyiste soit convaincu de violation au code de conflit des lobbyistes et qu'un ministre ou un fonctionnaire soit convaincu de violation de leurs codes respectifs, et pourtant le conseiller en éthique s'est arrangé pour ne pas rendre la moindre décision dans l'une ou l'autre de ces affaires. Cela montre à quel point il n'a aucune indépendance et ne dispose d'aucun pouvoir réel pour surveiller les affaires des lobbyistes.

Je vais maintenant céder la parole à Aaron Freeman, qui vous donnera de plus amples détails sur les changements précis qu'il faut apporter à la loi.

• 1545

M. Aaron Freeman (membre du conseil, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup, et merci encore aux membres du comité de nous permettre de témoigner au sujet d'une mesure législative qui est vraiment la pierre angulaire du processus démocratique au Canada, parce que nous constatons de plus en plus dans divers secteurs du gouvernement fédéral que les lobbyistes exercent une influence extraordinaire sur les processus gouvernementaux et s'arrogent même la prérogative de se charger eux-mêmes de ces processus quand le gouvernement confie par exemple à un lobbyiste, par contrat, la tâche d'assumer une fonction donnée. Nous en avons donné de nombreux exemples depuis un an.

Pour resserrer le régime d'enregistrement et boucher de nombreuses brèches, nous croyons que les dispositions suivantes doivent être prises. La première est qu'au lieu du système actuel, aux termes duquel les lobbyistes divulguent les rencontres qu'ils ont avec des responsables gouvernementaux, nous estimons que les ministres et les hauts fonctionnaires doivent être tenus de divulguer leurs rencontres avec des lobbyistes, ce qui nous donnerait un meilleur moyen de suivre à la trace les activités des lobbyistes.

Il existe une abondante preuve circonstancielle donnant à penser que beaucoup de lobbyistes négligent tout simplement de s'enregistrer. Un exemple possible serait celui de Matthew Johnston, l'ex-adjoint exécutif de Rahim Jaffer, qui, alors même qu'il était adjoint exécutif, était également directeur général d'un groupe de défense des droits de propriété ayant son siège en Alberta et qui faisait du lobbying auprès du gouvernement fédéral dans divers dossiers, notamment les espèces en péril, la Loi sur le bien-être des animaux et d'autres dossiers.

La deuxième série de lacunes que nous voudrions voir éliminer découle de la disposition qu'on pourrait qualifier de porte tournante pour les anciens fonctionnaires qui travaillent actuellement dans l'industrie du lobbying. Nous estimons que s'ils communiquent sur une question donnée avec un titulaire de charge publique après avoir reçu une demande écrite, ils devraient quand même être tenus de s'enregistrer. À l'heure actuelle, s'ils reçoivent effectivement une demande écrite, aux termes de l'alinéa 4(2)c), ils ne sont pas tenus de s'enregistrer. Nous estimons qu'il s'agit là d'une lacune assez flagrante à laquelle il faut remédier.

Ils devraient être tenus de s'enregistrer s'ils obtiennent ou fournissent des renseignements qui ne sont pas du domaine public et ils devraient être tenus de s'enregistrer s'ils font du lobbying sur une période plus longue qu'un seuil qui reste à déterminer.

Le troisième point est que les lobbyistes devraient être tenus de divulguer combien eux-mêmes et leurs clients dépensent dans le cadre d'un campagne de lobbying donnée. C'est une obligation dans 33 États américains. Cela donne au public une idée des sommes qui sont dépensées pour essayer d'influencer le processus démocratique.

Quatrièmement, les lobbyistes doivent être tenus de divulguer le travail qu'ils ont effectué dans le passé ou qu'ils effectuent en ce moment pour les gouvernements, les partis politiques ou les candidats aux charges publiques fédérales. L'exemple de M. Johnston illustre clairement cette situation: il a dirigé la campagne de Rahim Jaffer et a été son adjoint exécutif.

Cinquièmement, il devrait être interdit aux lobbyistes d'occuper des postes élevés dans les équipes de campagne des partis politiques ou des candidats. Une telle interdiction existe dans deux États américains.

Les lobbyistes devraient se voir interdire de faire du travail pour les ministères gouvernementaux auprès desquels ils font du lobbying. Cela crée assurément l'apparence flagrante d'un conflit d'intérêts et ouvre la porte à des conflits d'intérêts réels.

Il faudrait mettre fin à la déduction fiscale des frais de lobbying par les entreprises, qui est une subvention publique à de riches groupes d'intérêts spéciaux pour les aider à influencer le processus démocratique. Le versement d'honoraires conditionnels aux résultats obtenus par les lobbyistes devrait aussi être interdit.

Le gouvernement a tenté d'interdire cette pratique quand un lobbyiste tente d'obtenir des contrats en insérant dans le contrat une disposition qui précise que le contrat n'a pas été obtenu grâce aux bons offices d'un lobbyiste rémunéré au moyen d'honoraires conditionnels. Il existe des preuves que cette règle est violée, mais de toute manière, la règle ne s'applique pas aux prêts, aux subventions, aux changements de politique ou à tout autre effort de lobbying déployé auprès du gouvernement fédéral.

Je vais maintenant redonner la parole à Duff Conacher qui vous donnera de plus amples explications.

M. Duff Conacher: L'une des questions que le ministre a soulevée est la période de prescription de deux ans pour porter des accusations aux termes de la loi relativement à des violations à la loi. Nous croyons que cette disposition doit certainement être précisée, même si le ministre déclare qu'il n'y a à son avis aucun problème à cet égard.

• 1550

Si l'on jette un coup d'oeil au libellé de la loi, on constate que les poursuites «se prescrivent par deux ans à compter de la date de la prétendue perpétration». En anglais, cela donne «not later than two years after the time when the subject matter of the proceeding arose». Si l'on regarde dans le dictionnaire pour vérifier le sens du mot «arose», cela veut dire quand la chose a eu lieu, mais aussi quand l'avis en a été reçu. Comme vous pouvez le voir, il peut y avoir un délai considérable entre le moment où quelque chose se produit et le moment où l'on en prend connaissance. C'est donc tout simplement mal rédigé, à moins que, mais nous ne croyons pas que ce soit le cas, le mot «arose» ait un sens très précis sur le plan juridique et qu'il signifie seulement lorsque l'on reçoit avis de quelque chose.

Ce problème est mis en lumière dans l'affaire dont nous avons saisi aujourd'hui le conseiller en éthique en lui demandant de faire enquête. En plus de demander une enquête sur les activités de lobbying de Matthew Johnston, nous avons demandé que l'on fasse enquête sur les activités de lobbying de René Fugère.

René Fugère a fait l'objet d'une enquête de la GRC l'année dernière parce qu'il ne s'était pas inscrit comme lobbyiste. La GRC a laissé tomber l'enquête, même s'il existait des preuves flagrantes que Fugère avait été payé par divers clients pour communiquer avec des titulaires de charge publique dans une tentative d'influencer l'octroi de subventions fédérales. Il est clair que ce sont là des conditions dans lesquelles la législation sur le lobbying exige qu'une personne s'enregistre comme lobbyiste. Étant donné que Fugère est un assistant non rémunéré au bureau du premier ministre Jean Chrétien et que le cabinet du premier ministre a été mis en cause dans au moins une des décisions relativement à ces mêmes subventions, nous croyons également que les activités de lobbying de Fugère placent probablement le premier ministre en conflit d'intérêts.

C'est peut-être la période de prescription de deux ans qui a amené la GRC à laisser tomber l'enquête sans porter d'accusations. Nous attendons ses explications pour en connaître les raisons. La GRC va peut-être revenir aussi sur ce dont le conseiller en éthique vous a entretenus la semaine dernière et qui a aussi été soulevé dans la lettre que vous a envoyée le ministre de l'Industrie...

La présidente: Monsieur Conacher, je vous demanderais de terminer votre exposé. Vous avez maintenant dépassé le temps qui vous était accordé.

M. Duff Conacher: Oui, j'en ai pour quelques instants.

Ce qui est en cause, c'est le sens de l'expression «communiquer afin de tenter d'influencer». Nous croyons que c'est un défi au bon sens que le ministère de la Justice ait conclu que le mot clé dans cette expression est «influencer» et que l'on est tenu de s'enregistrer seulement si l'on fait réellement du trafic d'influence.

Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas en faveur d'une modification des critères pour l'obligation de s'enregistrer, afin de renforcer cette obligation, de sorte que peu importe que l'on recueille de l'information ou que l'on communique simplement au sujet d'une question, d'un dossier, d'une subvention, d'un projet de loi ou d'une loi, on soit de toute façon tenu de s'enregistrer. Mais nous ne croyons pas que le libellé actuel n'est pas clair. Et si la GRC a laissé tomber l'enquête sur Fugère pour cette seule raison, nous allons chercher à contester cette décision, parce que nous croyons que cela lui permet tout simplement de s'en tirer sans avoir de comptes à rendre.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur deux ou trois autres mesures qui, à notre avis, sont tout à fait pertinentes à votre étude de la loi, puisque tout ce domaine de l'éthique gouvernementale est inextricablement lié. Nous vous demandons de recommander au gouvernement de mettre en place un processus ouvert, indépendant et fondé sur le mérite pour les nominations par le gouvernement et l'octroi de contrats. Nous recommandons aussi très fermement que le gouvernement adopte un code de déontologie pour tous les députés et les sénateurs. Étant donné ce que Matthew Johnston a pu faire alors même qu'il était à l'emploi d'un député, ce code de déontologie devrait manifestement s'appliquer aux activités du personnel des députés, puisqu'ils peuvent avoir un accès privilégié et donc exercer une influence indue qui n'est pas à la portée des Canadiens ordinaires.

Pour résumer, nous avons énoncé six raisons d'apporter des changements en profondeur et nous croyons avoir fourni une preuve solide. Nous pouvons donner beaucoup d'autres exemples démontrant que cette loi doit absolument être resserrée, que les règles d'éthique doivent de façon générale être renforcée et avoir une plus grande portée, et que tout le système de mise en application doit être rendu beaucoup plus indépendant et efficace. Autrement, ce système continuera essentiellement de permettre de corrompre le gouvernement en secret, ce qui est absolument antidémocratique. Les Canadiens méritent mieux que cela. Ils méritent que l'on tienne les promesses qu'on leur a faites en 1993.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Monsieur Rajotte, avez-vous des questions?

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, AC): Oui, j'en ai. Merci, madame la présidente.

Ma première question s'adresse à M. Grainger. Dans votre rapport, vous déclarez qu'il existe aujourd'hui un désir généralisé de faire en sorte que les règles du jeu soient égales pour tous dans les activités des secteurs privé et public. C'est une déclaration très générale et je vous pose donc la question: que proposez-vous précisément?

• 1555

M. Brian Grainger: Je vous remercie de relever ce point. Le phénomène remonte à 10 ou 12 ans. Ce que j'entends par là, c'est que tant dans les secteurs public que privé—et nous pouvons être précis, qu'il s'agisse de Lockheed Martin, Nortel ou de la fonction publique du Canada, des États-Unis, de l'Australie ou du Royaume-Uni—il y a eu des efforts spécifiques pour réaliser trois objectifs. Le premier est d'instaurer des codes de déontologie positive. À cet égard, je partage l'opinion de M. Conacher, selon laquelle la Chambre, les maîtres de la Chambre, devraient avoir un code d'éthique. Cela compléterait notre boîte d'outils, comme l'a dit M. Wilson la semaine dernière. C'était l'un des objectifs.

Deuxièmement, ces entités ont lancé des initiatives efficaces d'éducation et de formation, dans une plus ou moins grande mesure—dans tous les milieux que j'ai mentionnés et dans d'autres dont je pourrais vous parler aussi. En fait, si l'on consulte le profil de l'OCDE au sujet des membres de l'OCDE, il y a tout un chapitre consacré à cet effort mené dans le secteur public et ce, dans tous les secteurs, politiques et fonctionnaires confondus.

Troisièmement, il faut essayer de susciter le sentiment qu'en matière d'intégrité, nous avons tous la responsabilité de contribuer à favoriser la transparence et la reddition de comptes. Ce n'est pas quelque chose qui se produira du jour au lendemain, mais il y a déjà eu des initiatives extrêmement importantes, notamment dans la fonction publique fédérale du Canada et dans les commissions de fonction publique des provinces. Ce n'est pas une tâche facile. C'est un processus long, mais il est en cours. Ce que j'ai essayé de vous faire comprendre tout à l'heure et à l'occasion de mes comparutions antérieures devant le comité, compte tenu du travail que j'effectue dans tous les secteurs professionnels un peu partout dans le monde, c'est qu'il faut consacrer davantage de temps à la prévention.

Pourquoi faudrait-il que Brian Grainger ou n'importe qui d'autre dont il est question à l'heure actuelle paie le prix pour un conflit d'intérêts alors qu'il serait possible d'empêcher cela simplement en travaillant davantage à la définition de conflit d'intérêts? Voulons-nous opter pour un système litigieux? Ou encore un système d'observance fondée sur des règles, qui soit aussi coûteux que celui des Américains?

Je vous assure que l'imposante commission des États-Unis au niveau fédéral, aussi bien financée et coûteuse qu'elle soit, ne s'est même pas approchée de la Maison-Blanche. On ne peut légiférer le jugement. Nous devons travailler le volet prévention. Voilà ma perspective.

M. James Rajotte: Merci beaucoup.

Ma deuxième question s'adresse à M. Conacher. Selon vous, nous devrions exiger des ministères gouvernementaux qu'ils favorisent la participation pleine et entière des citoyens. Comment proposez-vous que cela se fasse?

M. Duff Conacher: Les lignes directrices établies sont très progressistes et exhaustives en ce qui concerne les critères de consultation du public. Il y a aussi l'Association canadienne de normalisation.

M. James Rajotte: Comment s'y prendre?

M. Duff Conacher: Il faut tout d'abord consulter la population tôt dans le processus. Deuxièmement, il faut s'assurer que tous les intervenants disposent de ressources suffisantes pour y participer pleinement.

M. James Rajotte: Mais lorsque vous dites qu'il faut «consulter la population tôt», que voulez-vous au juste? Voulez-vous que l'on organise des audiences pour le budget dans tout le pays? Voulez-vous que le ministre envoie une armée de bureaucrates dans tous les coins du pays? Précisément, comment entendez-vous faire participer les gens?

M. Duff Conacher: On pourrait très bien—et on devrait—se servir de l'Internet pour faire savoir aux gens qui sont les principaux fonctionnaires associés à divers dossiers—et comment les rejoindre. Il faudrait aussi préciser quels problèmes ils souhaitent résoudre grâce à l'élaboration d'une politique donnée. On devrait pouvoir chercher cela par sujet et par ministère. Il n'y a pas de raison que... Voilà comment le gouvernement devrait se servir de l'Internet pour faire participer les gens très tôt dans le processus.

La plupart des Canadiens ne comprennent pas le processus législatif. Ils pensent que lorsqu'un projet de loi est présenté, que c'est une première étape, que la porte est ouverte à des changements et qu'ils peuvent à ce moment-là envoyer une lettre exprimant leur opinion au ministre, qui la considérera. Non, toutes les décisions sont déjà prises.

On peut donc utiliser davantage l'Internet. Les ministères peuvent tout simplement être plus ouverts. Au lieu de conserver cette attitude malsaine qui fait que le gouvernement élabore et contrôle son programme en secret, les ministères peuvent prendre les devants, ce qu'ils ne font vraiment qu'à l'occasion des examens quinquennaux, auquel cas il y a un préavis. Ainsi, depuis juillet dernier, il y a sur le site Web du ministre de l'Industrie une lettre énonçant que cette question a été renvoyée au comité.

En ce qui concerne les nouvelles initiatives, il est difficile pour les contribuables de savoir ce qui se passe, comment ils peuvent participer et exprimer leur point de vue. Cela devient donc un exercice pour initiés à Ottawa car il faut être sur place pour savoir ce qui se passe suffisamment tôt si l'on veut influer sur les décisions importantes. Tous les autres Canadiens lisent les manchettes et sont mis au courant beaucoup trop tard. Ce n'est pas un processus représentatif.

• 1600

M. James Rajotte: Mais n'est-ce pas là un processus en soi? Vous pensez que les gens vont cliquer sur un site Web, vérifier quel ministère et quel fonctionnaire sont responsables d'une politique donnée et ensuite, communiquer avec ce fonctionnaire. À l'heure actuelle, un citoyen peut écrire au ministre des Finances pour se plaindre que le plafond du régime d'épargne-retraite est trop bas et qu'il souhaite qu'il soit relevé. C'est une communication directe avec un ministre. Je ne vois pas en quoi ce système est plus démocratique que celui qui est déjà en place.

M. Duff Conacher: Parce que le calendrier est crucial dans les processus décisionnels du gouvernement. Vous pouvez envoyer une lettre, mais peut-être est-ce trop tard; peut-être que la phase des consultations sera terminée. Ou peut-être qu'il faudra deux ans avant que le gouvernement et les fonctionnaires d'un ministère se penchent sérieusement sur une question. Votre lettre aura été égarée au cours de cet intervalle de deux ans. Le moment de l'intervention est très important, et c'est pourquoi l'Internet peut être utile pour laisser savoir aux gens que le moment est opportun.

Parallèlement, les ministères gouvernementaux devraient prendre les devants. C'est un processus qui est utilisé régulièrement en Suède; on appelle ça des études de petits groupes. Cela s'apparente un peu aux sondages menés auprès de groupes de discussion, sauf que les participants sont informés des tenants et des aboutissants du dossier avant qu'on leur demande leur opinion. Le procédé est régulièrement employé en Suède. Une fondation américaine, la Kettering Foundation, y a aussi souvent recours. C'est un peu comme un sondage auprès d'un groupe de discussion bien informé. On informe les gens au sujet des enjeux, on énonce les options que le gouvernement envisage et ensuite on donne aux Canadiens la possibilité d'exprimer leurs valeurs et de laisser savoir directement au gouvernement quelles options il devrait retenir.

Le gouvernement s'est prévalu de cette méthode une fois seulement au niveau fédéral. C'était en 1994, dans le contexte de l'élaboration de changements à la politique de l'immigration. Par la suite, les fonctionnaires ont récupéré leur pouvoir de décider quelles valeurs notre législation devrait refléter et de contrôler l'ensemble du processus en secret, écartant du même coup les Canadiens et les députés.

On peut donc faire beaucoup de choses, croyez-moi. Il suffit d'examiner les normes qui existent en matière de consultation publique, et vous verrez que le gouvernement est loin d'être à la hauteur.

La présidente: Merci beaucoup.

M. James Rajotte: Juste une autre.

La présidente: Brièvement, je vous prie.

M. James Rajotte: Ma question s'adresse à M. Freeman. Vous avez mentionné que les lobbyistes ont une énorme influence sur le processus. Ne prenez pas en guise d'exemple un cas précis dont nous entendons tous parler; choisissez plutôt une politique gouvernementale précise. Pouvez-vous établir un lien entre une politique gouvernementale particulière et des lobbyistes qui en auraient influencé l'issue? Il y a des lobbyistes pour ou contre dans tous les dossiers, de sorte qu'il est difficile de trouver un lien direct...

M. Aaron Freeman: On peut choisir plusieurs exemples. C'est très difficile à dire. Au bout du compte, le gouvernement peut toujours dire qu'il a choisi, entre diverses options, celle qui lui paraissait la meilleure. Il est très difficile de séparer la question que vous posez du processus. On ne peut tout simplement pas examiner le résultat et dire: à mon avis, c'est un résultat pro-industrie.

Vous savez, lorsque le Conseil du Trésor a décidé d'élaborer les lignes directrices à l'intention du secteur de la haute technologie et d'embaucher un lobbyiste du secteur—un lobbyiste représentant les sociétés de haute technologie—pour faciliter l'élaboration de ces lignes directrices, le résultat final était-il un résultat pro-industrie? D'aucuns diraient oui, d'autres non. Je ne connais pas suffisamment le secteur de la haute technologie pour me prononcer à cet égard, mais il y a...

M. James Rajotte: Pourquoi faire cette déclaration, alors? Si vous affirmez cela, vous devez certainement avoir à l'esprit un exemple pour étayer vos propos.

M. Aaron Freeman: Il y a de nombreux exemples de l'influence considérable des lobbyistes sur le processus.

M. James Rajotte: Donnez-m'en un?

M. Aaron Freeman: Je peux vous donner mon opinion à l'issue du processus.

M. Duff Conacher: Les changements apportés à la Loi sur les banques en 1997. De 1995 à 1997, Doug Peters, le ministre des Finances subalterne—ou comme on l'appelle maintenant, le secrétaire d'État responsable des institutions financières—a rencontré 49 fois des représentants du secteur financier et a pris la parole à neuf conférences spécialisées. Il n'a pas une seule fois rencontré un groupe de citoyens—pas une seule fois en deux ans. Et si l'on examine les changements apportés à la Loi sur les banques en 1997, devinez quoi? On n'y trouve absolument rien qui réponde aux préoccupations des citoyens, même si plusieurs groupes de citoyens avaient présenté des recommandations de changements très claires.

En fait, nous n'avons pas encore obtenu un changement qui a fait l'objet d'études sérieuses, et il est absurde que le gouvernement n'ait pas encore agi car ce changement assurerait la protection d'un grand nombre de Canadiens. Chose intéressante, il s'agit de la protection de personnes à faible revenu concernant leur droit d'ouvrir un simple compte en banque. Je suppose que le gouvernement ne se soucie guère de leur sort.

La présidente: Monsieur Conacher, cela suffit. Merci. Votre argument est clair.

Nous allons donc passer au prochain intervenant, madame Torsney, je vous prie.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Une simple précision. Monsieur Conacher, êtes-vous enregistré comme lobbyiste?

M. Duff Conacher: Oui.

• 1605

Mme Paddy Torsney: Oui, car vous avez certainement fait des pressions sur moi.

J'aimerais obtenir une précision. Au cours de mon premier mandat, j'ai organisé 17 assemblées publiques pour discuter de divers enjeux, et nous avons fourni aux gens énormément de renseignements pour fonder leurs décisions. En fait, le gouvernement fait des consultations par le truchement de l'Internet sur quantité de questions, et il fournit de l'information sur ce qui se passe. Pouvons-nous améliorer notre bilan? Absolument, mais il n'est pas juste de laisser entendre que nous ne faisons rien.

Deuxièmement, j'ai obtenu un exemplaire d'une liste des 31 groupes que vous représentez. Votre exposé représente-t-il la totalité de ce que ces groupes demandent? Comment devrions-nous interpréter vos observations pour ce qui est des 31 groupes?

M. Duff Conacher: Ils appuient les 19 recommandations.

Mme Paddy Torsney: D'accord. C'est une excellente précision.

Monsieur Grainger, je suis tout à fait d'accord avec vous: il faut faire davantage d'éducation au sujet de l'éthique, et il y a quantité de moyens de le faire.

Je me souviens d'avoir lu un article à l'époque où l'édition du samedi de notre journal nous apportait aussi un magazine—j'avais probablement 12 ou 13 ans. Il était question d'un fabricant de jus de pommes. Un dénonciateur n'avait pas pu attirer l'attention sur le fait que ce fabricant utilisait du sirop de maïs au lieu de pommes. Toute cette affaire m'a sensibilisée et tout au long de mes études à l'École des hautes études commerciales, il m'a semblé que c'était un phénomène dont nous aurions dû discuter.

Je ne sais pas exactement quel est votre rôle. J'ai eu l'occasion de prendre la parole dans de nombreuses écoles de commerce et je pense que c'est une chose que nous devons faire davantage. Nous devons sensibiliser les élèves à tous les échelons, mais particulièrement dans les écoles de préparation aux affaires. Est-ce qu'on fait davantage? Je suis partie depuis longtemps déjà.

M. Brian Grainger: Tout à fait. Pour en revenir à la question de tout à l'heure, l'influence de M. Conacher et d'autres intervenants dans ce domaine est très importante car à l'heure actuelle, notre système d'éducation est fortement balkanisé. Les médecins, les avocats et les juges reçoivent leur information de diverses sources; il en va de même pour les milieux d'affaires, les enseignants, etc.

Depuis une dizaine d'années, on remarque un consensus. De façon générale, il est acquis que nous devons regrouper des valeurs fondamentales—et le but n'est pas de faire la promotion de valeurs culturelles spécifiques—comme l'intégrité, la transparence et la responsabilisation, tous ces principes dont nous parlions justement, et les intégrer à tous les programmes d'étude. Non pas pour ajouter une tâche supplémentaire aux pauvres professeurs fatigués qui ont le sentiment d'être assiégés, mais pour généraliser cette activité pour que nous fassions tous notre part.

Les écoles de commerce le font. York, Toronto, McGill, UBC et Laval sont toutes des universités où il existe d'excellents programmes.

Ce qui se produit et ce qui est franchement très stimulant, c'est que nous sommes passés d'un niveau théorique, où quelqu'un comme Brian Grainger discourt sur ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire, à des examens de cas pratiques donnés, le cas de Nortel, le cas de l'initié dans le secteur de la vente des cigarettes, le cas du jus de pommes et le cas de Tylenol. Faisons en sorte de tirer des leçons de tout cela pour que moi-même, Brian Grainger, lorsqu'un nouveau cas se présente, je puisse me dire: «J'ai le sentiment d'avoir déjà vu cela. Que vais-je faire maintenant?» «Ne me dites pas plus tard, monsieur Grainger, que le chef de direction ou quelqu'un d'autre ne vous a pas dit qu'il convient de se comporter de telle façon et non pas de telle autre. Nous vous avons formé pour que vous fassiez les bons choix.»

Mme Paddy Torsney: L'un des journaux nationaux publie une chronique sur l'éthique. À mon avis, c'est particulièrement utile parce que les gens doivent comprendre comment aborder un problème et comment faire face aux embûches.

M. Brian Grainger: Absolument.

Mme Paddy Torsney: Il y a une chose qui est ressortie ce matin, ou plutôt cet après-midi, puisque ce matin il était question de tout autre chose, et qui me dérange quelque peu. C'est cette idée que le lobbying est quelque chose de négatif. Ce n'est tout simplement pas le cas. On a déjà vu de l'excellent lobbying changer et améliorer la politique gouvernementale et favoriser énormément la consultation.

Moi qui ai déjà travaillé comme consultante en relations avec le gouvernement, je peux vous dire qu'il arrive souvent que dans un dossier donné, nous réagissons en disant: «Non, cela ne passera pas», ou bien «Vous voulez obtenir ceci ou cela du gouvernement, mais qu'êtes-vous vraiment disposé à faire en retour? L'aider à mettre en oeuvre son programme dans divers autres dossiers?»

Il faut aider les gens à comprendre ce que fait le gouvernement et pourquoi il prend des initiatives pour expliquer sa démarche aux milieux d'affaires. C'est un peu comme avoir un fiscaliste pour s'occuper de ses impôts ou un consultant en relations publiques pour expliquer sa position à la population. Nous ne pouvons pas tous être des experts dans tout.

• 1610

Nous devons pouvoir embaucher quelqu'un qui comprend la nature du gouvernement, son fonctionnement et qui sache où se trouvent les créneaux d'intervention, non pas pour influencer indûment ou corrompre le processus, mais pour pouvoir présenter un argument et améliorer les choses pour l'ensemble des Canadiens, ou même pour sa propre entreprise. Cela devrait également être acceptable.

Mais il ne faut pas considérer cela comme un apport négatif. Dans une large mesure, vos propos, monsieur Conacher, m'ont donné l'impression que quelque part, c'était un exercice entièrement négatif et malhonnête. Je pense que c'est plutôt malheureux. Il va sans dire que j'ai discuté avec des gens du secteur de certaines questions que vous avez abordées avec moi au sujet des banques. J'estime que vous avez soulevé des arguments réellement positifs ce qui, bien sûr, constitue du lobbying.

M. Duff Conacher: Le gouvernement n'a pas donné suite à la plupart de nos recommandations en raison du poids du lobby des banques et des liens entre le lobby des banques et le gouvernement...

Mme Paddy Torsney: Autrement dit, selon votre définition du lobbying, il faudrait obtenir une réponse immédiatement. Ce n'est pas un dialogue ou un processus. Vous demandez quelque chose et vous vous attendez à l'obtenir.

M. Duff Conacher: Sept ans se sont écoulés maintenant.

Mme Paddy Torsney: J'essaie simplement de comprendre. Est-ce le seul aspect? Selon vous, tous ceux qui exercent des pressions sur le gouvernement doivent obtenir une réponse immédiate et positive, sinon ils ne font pas de lobbying?

M. Duff Conacher: Non, pas du tout. Tout ce que je dis, c'est que nous avons l'impression que bien des choses qui se trament derrière des portes closes vont à l'encontre de l'intérêt public et de la volonté de la majorité des Canadiens car nous l'avons vu à maintes reprises.

Dans l'un des cas, celui des changements apportés à la Loi sur les banques, le gouvernement n'a même pas tenu compte du rapport du groupe de travail qu'il avait constitué, le groupe de travail MacKay, même si les recommandations qui y figuraient étaient appuyées par le Comité sénatorial des banques et le Comité des finances de la Chambre des communes. Ces recommandations n'ont pas encore été mises en oeuvre par le ministre de l'Industrie ou le ministre des Finances même si un sondage a montré que la majorité des Canadiens souhaitent leur application. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi cela n'a pas encore été fait, si le système est aussi intègre que vous le dites.

Mme Paddy Torsney: Nous sommes donc censés écouter uniquement certaines personnes, et si nous prêtons l'oreille à certaines autres, alors c'est du lobbying. Si nous n'écoutons pas ou plutôt si nous écoutons mais que nous ne sommes pas d'accord avec ces autres personnes...

M. Duff Conacher: En l'occurrence, il s'agit du propre groupe de travail du gouvernement et des propres comités du gouvernement.

Mme Paddy Torsney: Non, je vous ai demandé...

M. Aaron Freeman: Permettez-moi de faire une observation plus générale quant au principe que vous soulevez, soit la légitimité du rôle des lobbyistes. Le lobbyisme est un élément intégral du processus démocratique dans l'histoire du Canada. Il est légitime, et c'est un rôle légitime que jouent les lobbyistes.

Pour moi, cela pose un problème lorsqu'un secteur en particulier dispose d'avenues qui lui confèrent de plus en plus d'influence sur le processus démocratique. Depuis la dernière série de changements apportés à cette loi, le bassin des lobbyistes à Ottawa a plus que doublé de taille, et il arrive de plus en plus souvent que ces personnes assument les fonctions de communication du gouvernement ou jouent un rôle de consultation même si leurs clients sont directement intéressés par l'issue du processus. C'est le problème que pose le lobbyisme et tous les arguments que vous avez avancés à ce sujet sont légitimes et exacts pour ceux qui peuvent se permettre les services de lobbyistes.

Mme Paddy Torsney: Désolée de vous interrompre, monsieur Freeman, mais vous faites partie du bassin des lobbyistes. Vous faites du lobbying.

M. Aaron Freeman: Tout à fait.

Mme Paddy Torsney: Dans ce cas, pourquoi dites-vous de vos collègues qu'ils sont différents de vous?

M. Aaron Freeman: Ce n'est pas ce que je dis. J'ai déjà déclaré que le lobbyisme est une activité légitime.

Ce qui me préoccupe, c'est que ce secteur est devenu partie intégrante de l'exercice du gouvernement. En tant que partie intégrante du processus, leurs activités, les miennes, les nôtres, devraient être assujetties à des exigences de divulgation et de reddition de comptes.

Mme Paddy Torsney: Puis-je obtenir une précision?

La présidente: Soyez brève, madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Combien avez-vous été payé pour venir, dans ce cas? Vous me dites que c'est coûteux, que vous êtes un lobbyiste.

M. Aaron Freeman: Rien. Je suis un bénévole. Je ne suis pas rémunéré par Démocratie en surveillance.

Mme Paddy Torsney: Dans ce cas-là, qu'est-ce qui est si coûteux? Vous avez dit qu'il est impossible de faire du lobbying à moins d'avoir beaucoup d'argent. Et pourtant, vous en faites auprès de nous.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): On n'obtient pas de résultats du gouvernement à moins d'avoir beaucoup d'argent.

Mme Paddy Torsney: C'est ce qu'il voulait dire?

Mme Bev Desjarlais: C'est ce que j'ai compris.

La présidente: Merci, madame Torsney et merci à vous, madame Desjarlais, pour cette précision.

Monsieur Brien, je vous prie.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Je pense que c'est M. Freeman qui a parlé du fait que les lobbyistes ne devraient pas, par exemple, occuper de fonctions politiques partisanes dans une organisation. Je n'ai pas compris s'il avait aussi fait référence aux lobbyistes qui participent à des activités de financement, par exemple, ou qui en organisent en dehors des périodes électorales, donc qui occupent des postes liés aux organisations politiques.

• 1615

Je sais qu'il y a un cas litigieux qui fait l'objet d'une enquête à l'heure actuelle. Qu'est-ce que vous suggérez par rapport à cela?

[Traduction]

M. Aaron Freeman: Je suis désolé, je n'ai pas compris la dernière partie, le tout dernier exemple que vous avez donné.

[Français]

M. Pierre Brien: Je veux savoir ce que vous recommandez par rapport à l'encadrement des activités des lobbyistes par opposition aux activités de financement des partis politiques.

[Traduction]

M. Aaron Freeman: Je vous fournirai une réponse en deux points. Premièrement, notre recommandation vise les titulaires de postes importants dans les campagnes en faveur de candidats ou de partis politiques. Au nombre de ces postes, nous incluons certainement les responsables des activités de financement. Deuxièmement, nous n'avons pas exigé un moratoire sur ces activités. Nous réclamons simplement qu'elles soient divulguées. Je ne suis pas sûr si c'est une précision... Non, je suis désolé, j'ai confondu deux recommandations. Nous avons réclamé un moratoire.

Je suis désolé. C'est ma troisième séance de la journée.

La présidente: Cela nous est déjà arrivé à tous.

M. Aaron Freeman: Si nous avons réclamé cette restriction, c'est que nous estimons que si vous travaillez pour le gouvernement, vous ne devriez pas prendre part à des activités de nature partisane car une partie de votre travail exige que vous demeuriez neutre. De la même façon, la présence de lobbyistes fait partie du processus démocratique.

C'est un problème de conflit d'intérêts. À titre de joueur important dans une campagne électorale, les rapports que vous développez avec le décideur sont très étroits. Si par la suite, vous faites du lobbying auprès de ce décideur, vous ouvrez la porte à un conflit d'intérêts.

M. Duff Conacher: À elle seule, cette relation a l'apparence d'un conflit d'intérêts. Si cette personne exerce des pressions sur vous, même si cela ne va pas plus loin, on pourrait y voir une influence indue.

La présidente: Monsieur Grainger, avez-vous une observation à faire?

M. Brian Grainger: En fait, deux.

J'ai observé la situation très attentivement et en raison de l'expérience que j'ai acquise au cours des dix dernières années—et pour ceux qui n'auraient pas été là la dernière fois que j'ai comparu et qui ne me connaîtraient pas, j'ai travaillé pendant 20 ans dans le système de justice pénale et par conséquent, je m'intéresse beaucoup au maintien de l'ordre, sous l'angle des prisons, du système policier ou autre—j'en connais un bout sur un monde fondé sur les règles et sur la façon dont on peut exercer des pressions sur les gens.

Les Américains nous ont prouvé qu'on peut recourir aux tribunaux ad nauseam sans pour autant sortir du pétrin. Nous n'avons rien gagné en allant dans cette direction. Par ailleurs, les principes qui ont été évoqués aujourd'hui—la transparence, la responsabilisation—sont importants.

À l'instar de bien d'autres, j'estime qu'à l'heure actuelle, nous devrons dépendre du professionnalisme—le terme juste est «intégrité»—des gens appelés à servir la population en tant que politiciens car ils ont le dernier mot lorsque vient le temps de prendre une décision. Et s'ils ne prennent pas la bonne décision, alors là, il y a divers mécanismes auxquels nous pouvons recourir.

Parfois, nous ratons des choses, c'est vrai. Mais je ne pense pas que nous voulions vivre dans un environnement où l'on se fonde uniquement sur l'observance de certaines règles, sans faire appel aux valeurs car à mon avis, cela entraînerait bien des difficultés.

Si nous dénigrons le lobbying—et soit dit en passant, je ne veux pas laisser entendre que c'est ce que l'on fait ici—ainsi que d'autres techniques et outils, si nous n'accordons pas ses lettres de noblesse au lobbying, nous allons ouvrir la voie au cynisme et au recours aux tribunaux. Les cyniques vont quitter la table et ceux d'entre nous qui resteront pour livrer le combat le feront devant les tribunaux. Ni le cynisme ni les recours en justice ne me semblent être la solution. Je pense qu'il faut plutôt mettre l'accent sur l'intégrité.

La question du code de déontologie est importante. À mon avis, si les règles étaient établies, tant pour les parlementaires eux-mêmes, en tant que maîtres de leur propre chambre, et pour les lobbyistes, comme cela été fait, nous pourrions exiger qu'elles soient respectées. Il faut que les gens puissent avouer en public: «Oui, j'ai agi ainsi; c'est répréhensible et je m'excuse». On voit cela davantage, mais j'espère qu'on le verra encore plus.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Grainger.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: Monsieur Grainger, vous parlez beaucoup—j'utilise l'expression anglaise—d'«upgrader» l'activité du lobbyisme au sens général. Est-ce qu'il n'y aurait pas une plus grande confiance si, dans nos pratiques d'éthique, on ne permettait pas, par exemple, aux corporations—ou, à tout le moins, si on limitait la capacité des corporations—de verser des contributions à ces partis politiques?

• 1620

Donc, ces lobbyistes ne seraient pas à la fois des gens qui sont liés à des questions financières par rapport aux gens sur lesquels ils font pression et des gens qui ont la capacité de rapporter des entrées de fonds à ces mêmes gens-là. Est-ce qu'on ne permettrait pas ainsi de diminuer, à tout le moins, l'appréhension que certaines personnes ont par rapport aux lobbyistes? Très souvent, il y a des questions d'argent très concrètes liées à ça. C'est autant le cas de la compagnie qui va chercher de l'argent que du parti politique qui va en chercher de son côté.

M. Brian Grainger: Je comprends très bien le but de votre question. Mais, dans mon expérience,

[Traduction]

nous devons toujours nous fier au bon jugement des professionnels qui nous entourent.

Par exemple, hier j'ai eu le privilège d'assister aux témoignages de Pierre Péladeau et de Luc Lavoie devant le CRTC. À mon avis, M. Péladeau a réussi brillamment à expliquer les valeurs de son entreprise, valeurs qu'il devait respecter dans le contexte du CRTC. Il a expliqué soigneusement, en détail, les mesures qu'il entendait prendre pour respecter les exigences liées à cette activité. Je pense que nous sommes tous capables de prendre cet engagement et de nous expliquer avec autant de clarté.

Je pense que tous les groupes professionnels—en fait, bien plus que cela—devraient aspirer dans leur lobbying au professionnalisme de haute volée affiché hier par M. Péladeau devant le CRTC. Il faisait du lobbying. Il était le lobbyiste ultime, en ce sens qu'il représente le plus haut échelon de son entreprise. Il n'était pas accompagné par une équipe de démarcheurs. C'est lui qui faisait le lobbying hier, et il l'a fait brillamment. Il a expliqué la conduite qu'entendait adopter son entreprise pour assurer la réalisation de ce projet, tout en précisant la façon dont le code de Québécor allait correspondre à celui du CRTC. C'était un excellent exemple de ce que je propose précisément aujourd'hui.

Cependant, je dois dire que je suis d'accord avec vous. Si nous permettons que des dizaines de millions de dollars d'argent non comptabilisé soient déversés dans des campagnes spécifiques sans aucun encadrement, alors oui, nous aurons des problèmes. Je suis assez cynique pour croire qu'il arrive parfois, quand nous avons des problèmes, que ce n'est pas parce que la politique était mauvaise ou bonne, mais plutôt parce que quelqu'un s'est servi de l'argent à d'autres fins que celles qui étaient prévues. Voilà à quel point je suis devenu cynique. Ce n'est pas qu'on se soit servi de l'argent; c'est qu'on a raté son coup.

Au fond, il faut à mon avis faire très attention dans tout ce dossier, comme vous l'avez dit. Je suis entièrement d'accord avec vous. Nous ne pouvons pas nous lancer dans les dépenses. Mais je répète que nous devons trouver un juste équilibre.

Ce qui m'inquiète, c'est que si nous nous orientons dans certaines directions, il y a perte d'équilibre, et je vais vous en donner un exemple. J'exhorte le comité à jeter un coup d'oeil aux commissions anti-corruption qui ont été mises sur pied dans trois États de l'Australie depuis 12 ans. Ce sont des commissions royales semi-permanentes, pour utiliser une analogie canadienne. Depuis 12 ans, elles ont étudié de long en large toute la question de la dénonciation ou de la révélation de situations irrégulières, et la situation n'est toujours pas parfaite. Les Australiens ont dépensé des millions de dollars en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie occidentale et au Queensland, pour des raisons légitimes. Ils avaient des raisons valables de lancer ce mouvement.

Des sommes énormes ont été dépensées du bon côté pour essayer d'aller au fond des choses et l'on constate encore que c'est difficile de résoudre le problème simplement à coup d'argent et de poursuites ou grâce à un cadre législatif. Nous devons revenir à une sorte d'équilibre professionnel pour ce qui est de nos attentes et de nos engagements. Mais je suis prêt à faire la moitié de la distance qui nous sépare.

La présidente: Merci.

[Français]

Je vous remercie beaucoup, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Merci.

J'ai une question hypothétique très précise. À votre avis, est-il dans l'intérêt du public de savoir qui, au sein de la bureaucratie, a fait l'objet de démarches par un ancien ministre, un ancien secrétaire parlementaire ou un ancien président d'un comité permanent devenu lobbyiste?

Je voudrais avoir une réponse à cette question d'abord de M. Grainger sur le plan de la perception, et ensuite de M. Conacher et de son collègue pour ce qui est du principe.

Je dis bien qu'il s'agit d'un ministre, d'un membre du Cabinet—je ne dis pas qu'il y a quelque chose de mal là-dedans—ou d'un ancien président d'un comité permanent qui est devenu lobbyiste et qui fait maintenant du lobbying. On sait qu'il fait du lobbying auprès des politiciens, mais est-il dans l'intérêt du public de connaître le nom des fonctionnaires auprès de qui il fait du lobbying?

Une voix: Et si c'était «elle»?

M. Brian Grainger: Elle ou lui.

• 1625

Je vous dirais que nous sommes tous des êtres humains et que si j'étais fonctionnaire et que le chef d'un parti d'opposition ou le chef du gouvernement libéral venait me rendre visite, je suis certain que cela me ferait une certaine impression. Je n'en doute pas, parce que nous sommes humains. Ma question pourrait être inversée, et je crois...

La présidente: Monsieur Grainger, je croyais que la question portait sur l'après-mandat.

M. Brian Grainger: Je voulais dire ancien. Excusez-moi.

M. John Bryden: Vous voulez dire un ancien ministre ou un ancien président d'un comité permanent.

M. Brian Grainger: Merci, madame la présidente. Vous avez tout à fait raison. Dans la situation que je décris, la personne qui est lobbyiste occupait auparavant des fonctions importantes.

M. John Bryden: Cette personne est maintenant devenue lobbyiste.

M. Brian Grainger: Mon argument est que si Brian Grainger vient vous rendre visite et que vous occupez un poste EX-1 dans l'administration fédérale et que vous êtes chargé d'un dossier important, Brian Grainger, ancien je ne sais quoi, devrait avoir suffisamment de bon sens pour faire preuve de la plus grande prudence dans sa démarche. Peut-être que je ne devrais pas faire cette démarche moi-même et demander plutôt à un collègue de s'en charger. Il s'agit d'une situation qui est contre-indiquée et c'est un problème de perception.

M. John Bryden: Très bien, c'est contre-indiqué. La question est de savoir si nous devrions connaître le nom du fonctionnaire en question. Nous connaissons le nom du lobbyiste. Le lobbyiste est un ancien ministre ou un ancien président d'un comité permanent. Devrions-nous savoir exactement quel fonctionnaire dans quel ministère est la cible de ses démarches de lobbying? À l'heure actuelle, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes stipule seulement qu'il faut nommer le ministère. Est-ce dans l'intérêt public de le savoir?

M. Brian Grainger: Je ne sais vraiment pas s'il est dans l'intérêt public de savoir ce genre de choses. J'ose croire que le cadre supérieur, le sous-ministre, serait tenu de rendre des comptes si des démarches ciblant des fonctionnaires étaient contre-indiquées. Je pense qu'il ou elle doit être tenue responsable.

Quant à savoir si vous devez connaître le nom de quelque employé de première ligne en Colombie-Britannique qui a reçu la visite d'un lobbyiste ou...

M. John Bryden: D'un ancien ministre? Vous ne pensez pas que c'est important?

M. Brian Grainger: Personnellement, je n'en vois pas le besoin.

M. Duff Conacher: Une question m'est venue à l'esprit en écoutant les réponses de M. Grainger. Comment le sous-ministre pourrait-il jamais être tenu responsable de démarches de lobbying inappropriées dans une telle situation si nous n'étions pas au courant? Je pense que nos recommandations témoignent de ce que, oui, nous croyons que cette démarche doit être divulguée, et qu'en outre la porte tournante doit être fermée de façon étanche et qu'il devrait être interdit aux anciens ministres de faire des démarches de ce genre pendant cinq ans, et non pas pendant seulement deux ans. Deux ans, c'est trop court. Habituellement, il n'y a pas eu d'élections au cours de cette période de deux ans, il n'y a pas eu de changement de gouvernement, sans parler de la bureaucratie, et l'ancien ministre a encore des rapports trop étroits avec les hauts fonctionnaires.

Mais la divulgation, à notre avis, doit être liée au pouvoir décisionnel du fonctionnaire. Il faut tracer la ligne quelque part. Nous croyons qu'il est possible de le faire et il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à l'employé de première ligne parce que cet employé relève de quelqu'un qui a le pouvoir de prendre des décisions.

M. John Bryden: Je voudrais intervenir ici.

M. Duff Conacher: Si la rencontre a lieu entre un ancien ministre ou une personnalité de ce niveau et une personne qui a le pouvoir de prendre des décisions, alors il est certain que cette rencontre doit être dévoilée.

M. John Bryden: Je reviens sur les propos de M. Grainger. Vous dites que seuls ceux qui ont le pouvoir de décision sont importants. Et si les lobbyistes prennent pour cibles de jeunes employés qui rédigent des documents d'orientation? Souvent, les cadres supérieurs reçoivent ces documents de subalternes. Ne serait-il pas dans l'intérêt des hauts fonctionnaires de savoir qui a fait des démarches auprès des fonctionnaires subalternes qui leur présentent des documents d'orientation?

M. Duff Conacher: Eh bien, si c'était rapporté par la voie hiérarchique, alors nous...

M. John Bryden: Oui, mais l'affaire n'est pas rapportée parce qu'il m'est impossible d'obtenir ce renseignement. Essayons de répondre à une question très précise. N'est-il pas dans l'intérêt d'un haut fonctionnaire de savoir qui, parmi ses subalternes, a fait l'objet de démarches de la part de cet ancien ministre, ou de n'importe qui, en fait, dans le but de faire du lobbying? N'est-il pas dans l'intérêt de cette personne de savoir?

M. Duff Conacher: C'est dans l'intérêt de cette personne de le savoir, et c'est aussi dans l'intérêt du public. En général, la réaction qu'on a obtenue à ce sujet est que ce serait un fardeau administratif trop lourd que d'imposer à tous les fonctionnaires, même au bas de la hiérarchie, l'obligation de divulguer tous les noms qui figurent dans leur carnet de rendez-vous pour connaître tous ceux qu'ils ont pu rencontrer.

M. John Bryden: Oh, non. Les lobbyistes ne sont-ils pas enregistrés?

M. Duff Conacher: Oh oui.

M. John Bryden: Ce ne serait sûrement pas trop demander à un fonctionnaire de quelque niveau que de consigner le nom du lobbyiste qui a communiqué avec lui et d'en faire part à son supérieur.

M. Duff Conacher: Oui, nous ne voyons aucune difficulté de ce point de vue. Ils sont tous payés par le public. Ils sont tous tenus d'être dignes de la confiance du public. Nous croyons toutefois qu'il y a un énorme problème dans la fonction publique, et le vérificateur général l'a bien montré dans deux enquêtes différentes. D'après un sondage effectué il y a quelques années pour le vérificateur général, un tiers des fonctionnaires était disposé à accepter d'aller passer une fin de semaine à la campagne pour faveur rendue.

• 1630

M. John Bryden: Exactement. Mais qui distribue les faveurs? C'est le lobbyiste, n'est-ce pas?

M. Duff Conacher: Oui. C'est quelqu'un qui essaie d'obtenir un contrat ou une subvention.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Êtes-vous en train de dire qu'un certain pourcentage des fonctionnaires sont corrompus?

M. John Bryden: Non, je ne pense pas que c'est ce qu'il dit.

M. Duff Conacher: Non, je dis que le vérificateur général a fait un sondage auprès d'un échantillon représentatif de fonctionnaires et qu'il a publié les résultats de ce sondage en 1995. Il a constaté...

La présidente: Je me demande si vous pourriez déposer ce rapport pour que le comité en ait copie.

M. Duff Conacher: Téléphonez au vérificateur général. Il en a fait un autre l'année dernière.

La présidente: Non, mais vous... Bon, d'accord. Je vous demanderais seulement de donner la référence précise au greffier après la séance, pour que nous puissions trouver le document.

Monsieur Grainger, vouliez-vous faire une observation?

M. Brian Grainger: Madame la présidente, je voudrais revenir encore une fois sur le point soulevé par M. Bryden.

Je voudrais simplement dire, avec tout le respect que je dois à mon collègue, comme les Français se plaisent à dire, que lorsque vous mettrez la main sur ce document, vous verrez qu'il indique que moins de 5 p. 100, en fait c'est plutôt autour de 1 p. 100 des fonctionnaires interrogés ont indiqué s'être trouvés un jour dans une situation comme celle que M. Conacher vient de décrire. Ni Denis Desautels ni personne de son service n'a jamais dit nulle part que c'était de l'ordre de 30 p. 100. Je ne dis pas cela en tant qu'apologiste. Je ne veux pas faire l'apologie de la fonction publique ni de Denis Desautels, mais c'est un fait, voilà tout.

M. Reg Alcock: Non, c'était une question hypothétique que l'on a posée.

M. Brian Grainger: Je vous demanderais, Duff, de bien peser vos mots.

M. Duff Conacher: J'ai dit que 30 p. 100 accepteraient, d'après un sondage dans lequel on leur a posé la question: «Si l'on vous offrait une fin de semaine à la campagne...».

La présidente: Monsieur Conacher, nous allons obtenir les faits et nous en discuterons plus tard au comité.

Maintenant, monsieur Grainger, avez-vous quelque chose à ajouter en réponse à la question de M. Bryden?

M. Brian Grainger: Je comprends fort bien les préoccupations formulées par M. Conacher pour ce qui est de savoir ce qui se passe et de maintenir la confiance du public, mais je suis troublé par la possibilité qu'en ce moment même... Mon expérience m'a appris que la plupart des fonctionnaires, compte tenu du professionnalisme que nous avons évoqué tout à l'heure, diraient à l'un de leurs supérieurs qu'ils viennent tout juste de recevoir la visite d'une personne quelconque ou bien que quelqu'un vient de les inviter à déjeuner. «Je viens de déjeuner avec Brian Grainger, à ses frais, et vous n'ignorez pas qu'il fait cela pour une raison bien précise». La tendance dans la bureaucratie—excusez le mot—est de tout dire. C'est vraiment le cas. Les fonctionnaires ont vraiment tendance à tout dire.

Ce qui pourrait toutefois être en cause, monsieur Bryden, dans une telle situation, et j'espère que M. Conacher est d'accord avec moi là-dessus, c'est la question de savoir s'il est nécessaire que le renseignement en question soit du domaine public. Faudrait-il en faire l'annonce chaque année, ou bien tous les six mois, pour que ce soit connu de tous? Je suis perplexe à ce sujet, mais je ne crois pas une seconde... Si vous recevez la visite de quelqu'un—et l'on pourrait nommer des parlementaires qui se sont trouvés dans cette situation depuis quelques années—si quelqu'un rend visite à un fonctionnaire, ce dernier dira: «Je viens de déjeuner avec Untel».

M. John Bryden: Bon. Maintenant, cela m'est-il d'une quelconque utilité à titre de représentant élu? Ne devrais-je pas avoir une certaine idée des gens qui font l'objet de démarches de lobbying, à un niveau quelconque de la bureaucratie?

M. Brian Grainger: Je répondrais à cela que le lobbyiste, la compagnie, le cabinet de lobbyistes, un lobbyiste à l'emploi d'une entreprise, etc., est déjà tenu de vous fournir des renseignements sur ce qu'il fait. Je crois qu'il y a déjà suffisamment de renseignements qui sont du domaine public dans ce domaine. Ce que je dis, en fait, c'est que je ne suis pas du tout certain que le fait de savoir cela vous donnerait un avantage quelconque sur le plan des affaires publiques. C'est mon expérience.

La présidente: Monsieur Conacher, voulez-vous répondre?

M. Duff Conacher: Encore une fois, nous croyons que, oui, cela devrait être divulgué. Si c'était vrai—et j'aimerais pouvoir croire que ces rencontres sont toutes signalées par la voie hiérarchique jusqu'à un cadre supérieur—alors le fait que l'on a tiré la ligne au niveau du cadre supérieur et le fait que ce dernier a reçu un rapport écrit ou des notes prises durant la réunion devrait être du domaine public. Il faudrait dire publiquement qu'ils ont reçu un rapport écrit, même par l'entremise d'un cadre subalterne, de la part de quelqu'un qui faisait du lobbying. Il faudrait donc inverser le fardeau de la preuve, et les ministres et les hauts fonctionnaires devraient absolument être tenus de dévoiler le nom des gens qu'ils rencontrent.

La présidente: Merci.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Mon intervention fait peut-être suite à ce que vous avez déjà dit en réponse à M. Bryden. Au sujet de la prescription de deux ans, qui, d'après vous, n'est pas très bien rédigée et aurait besoin de changement, pourriez-vous nous en dire plus long sur ce que vous proposeriez? Et vous pourriez aussi faire le lien avec l'obligation de divulgation imposée aux ex-titulaires de charges publiques. Donc, pourriez-vous nous en dire plus long sur ce que vous proposeriez dans ce domaine?

Pour ce qui est de la divulgation des dépenses, cela s'applique-t-il à toutes les dépenses, ou bien avez-vous en tête une limite quelconque quant aux montants qu'il faudrait divulguer?

Par ailleurs, dans les questions que nous avons eues, il était question d'obliger les lobbyistes à divulguer qu'ils consacrent 20 p. 100 de leur temps... Avez-vous des observations sur la règle des 20 p. 100 et avez-vous une idée de la raison pour laquelle on a choisi le chiffre de 20 p. 100?

• 1635

M. Duff Conacher: Au sujet de la période de deux ans, il faut préciser clairement que les poursuites peuvent être intentées au plus tard deux ans après qu'une affaire est rendue publique, après qu'on en a appris l'existence. Dans l'affaire de René Fugère, le problème est qu'il ne s'était pas enregistré. Comment savoir ce qu'il fait? Cela peut se poursuivre pendant trois ans, après quoi on s'aperçoit qu'il n'était pas enregistré, et si c'est plus de deux ans après l'affaire, il est déjà trop tard et il n'a plus de comptes à rendre. Il est donc évident que c'est deux ans à partir de la date à laquelle une affaire est connue.

Je n'ai pas très bien compris votre deuxième point et j'y reviendrai donc. Mais quant aux montants des dépenses qu'il faut divulguer, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes définit les techniques de communication et les techniques de lobbying qui sont utilisées et il faut cocher lesquelles on utilise. Il faudrait donc divulguer toutes les dépenses consacrées à ces techniques et à l'ensemble de la campagne.

La question a été soulevée en 1994, quand le sous-comité qui étudiait la loi a essayé de nous dire que cela visait les honoraires qui sont versés aux lobbyistes et que le gouvernement fédéral ne peut pas les obliger à divulguer le montant de leurs honoraires, parce que c'est contractuel et que cela relève du droit provincial. Ce n'est pas du tout ce dont nous parlons. Nous parlons du chiffre total, avec ventilation selon les divers types de lobbying; nous voulons savoir combien d'argent dépense le lobbyiste et le client ou, dans le cas d'une entreprise ou d'une organisation, combien on dépense en tout. Par exemple, nous ne savons pas combien les banques qui étaient en faveur des fusions ont dépensé pour tenter d'infléchir l'opinion publique et de causer des distorsions dans le processus décisionnel du gouvernement.

Je signale que Don Boudria, dans son témoignage devant le Comité Holtmann en 1993 et aussi devant le Comité Cooper en 1986, a soutenu que le public a le droit de savoir quelles ressources les intérêts privés consacrent à leurs efforts en vue d'influencer la politique publique. Voilà pour cette recommandation formulée par l'actuel leader à la Chambre. Je suppose qu'il n'a pas d'influence sur son propre gouvernement non plus, parce que nous attendons toujours que l'on y donne suite.

Pour ce qui est des 20 p. 100, c'est une question assez simple que le ministre a soulevée. Nous faisons partie d'une organisation et, pour quiconque est membre de notre organisation, il suffit que cela représente 20 p. 100 du temps total du personnel ou d'un employé en particulier, nous tous collectivement. Et pour les entreprises, ce devrait être la même chose. Nous avons toujours estimé que tous les lobbyistes devraient être traités de la même manière. Nous ne pensons pas que les trois niveaux soient utiles.

Pour revenir encore une fois sur une autre échappatoire créée en 1994 et qu'il faudrait vraiment éliminer—M. Freeman en a parlé brièvement—si vous recevez une demande écrite de quelqu'un, un fonctionnaire qui veut vous rencontrer, vous n'êtes pas tenu de vous enregistrer. C'est une énorme lacune qui a été créée par les Libéraux dans les changements apportés à la loi en 1994, sans aucune raison valable. Quiconque reçoit confirmation d'une réunion quelconque à laquelle il assiste—c'est tout ce qu'il vous faut et vous n'avez pas besoin de vous enregistrer. Supprimez cette échappatoire fort néfaste. Bien des gens pourraient s'en servir pour contourner très facilement l'obligation de s'enregistrer; il suffit de dire: «Oui, au fait, je vous appelle et nous allons nous rencontrer, envoyez-moi une confirmation écrite». Dès que cette confirmation est envoyée, vous n'avez pas besoin de vous enregistrer et de déclarer que vous faites du lobbying.

La présidente: Monsieur Grainger, avez-vous des observations à formuler en réponse à ces questions?

M. Brian Grainger: Sur le chiffre de 20 p. 100, si je me rappelle bien, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les gens ont utilisé divers chiffres pour essayer d'en arriver à la masse critique dans le domaine du lobbying, et je pense que 20 p. 100 est une norme qui est acceptée également à l'extérieur du Canada.

La présidente: Merci.

Je n'ai pas d'autres questions sur ma liste, et je vais donc...

M. Pierre Brien: Madame la présidente, je voudrais poser une autre question, s'il nous reste du temps.

La présidente: Brièvement.

M. Pierre Brien: Vous avez dit que les lobbyistes doivent déclarer combien d'argent ils dépensent dans le cadre d'une campagne. En quoi consiste leurs dépenses quand ils font du lobbying auprès de fonctionnaires et de politiciens? Qu'est-ce que c'est que cette dépense? Voit-on jamais les détails et sait-on à quoi a servi cet argent?

M. Duff Conacher: Vous voulez dire dans le cas d'une organisation?

M. Pierre Brien: Oui.

M. Duff Conacher: Cela comprend le salaire du personnel, la préparation des documents, la rédaction des rapports de recherche, etc. Dans le cas d'un lobbyiste contractuel, ce sont ses honoraires. Mais encore une fois, nous ne voulons pas que le contrat soit divulgué, seulement le montant global, y compris la préparation de rapports de recherche et peut-être même la réalisation de sondages dont on ne dévoile jamais les résultats, mais qui sont simplement communiqués au gouvernement pour essayer de le convaincre.

• 1640

M. John Bryden: Nous ne connaissons donc pas le montant des dépenses consacrées aux repas bien arrosés, etc.

M. Duff Conacher: Seul Revenu Canada connaîtrait ces chiffres, mais ce ne serait pas défini comme tel. Ce serait camouflé dans cette fameuse déduction d'impôt pour entreprise qui devrait à notre avis être supprimée.

M. John Bryden: Nous ne savons donc jamais si les fonctionnaires et les politiciens sont invités à faire des ballades sur le Saint-Laurent, des croisières en Méditerranée, etc.

M. Duff Conacher: Non.

M. John Bryden: Cela peut être une dépense, mais ce n'est pas dévoilé.

M. Duff Conacher: Il n'y a aucune divulgation des dépenses à l'heure actuelle. Nous ne disons pas que nous voulons voir les factures et tout le reste, seulement le chiffre total. Et donner au conseiller en éthique le droit de faire des vérifications, pour garantir que...

M. John Bryden: Pourrais-je inverser la proposition, avec la permission de madame la présidente?

Peut-être pourrions-nous imposer cette obligation aux personnes qui font l'objet du lobbying, je veux dire l'obligation de faire rapport quand ils reçoivent des cadeaux ou quoi que ce soit. En fait, je n'ai jamais compris pourquoi il faut inviter un fonctionnaire à déjeuner, puisque le lobbyiste n'a qu'à aller le voir à son bureau.

M. Duff Conacher: Nous croyons que tous les codes de déontologie—c'est l'une de nos recommandations que je n'ai pas mentionnée, mais vous en verrez le texte—devraient contenir des restrictions rigoureuses sur les dons de cadeaux aux titulaires de charge publique et aux employés, en particulier de la part des lobbyistes. Je répète que la divulgation s'applique seulement à ceux qui sont actuellement visés par le code applicable aux titulaires de charge publique. Les fonctionnaires ne sont pas du tout visés.

La présidente: Non, le code des titulaires de charges publiques s'applique bel et bien aux cadres supérieurs de la fonction publique.

M. John Bryden: Non, il ne s'applique pas à eux. Mais peut-être que le problème se pose au niveau des cadres intermédiaires.

M. Duff Conacher: Il y a un code interne pour les fonctionnaires.

La présidente: Oh, il y a un code interne pour les fonctionnaires. Je m'excuse.

M. Duff Conacher: Il ne s'applique pas à des choses de ce genre et il est mis en application par des supérieurs qui l'enfreignent peut-être eux-mêmes. C'est pourquoi il nous faut quelqu'un d'indépendant.

La présidente: Oui. D'accord.

M. Grainger voudrait faire une observation là-dessus.

M. Brian Grainger: Je conviens que nous devrions probablement examiner d'un peu plus près cette question de la politique sur les cadeaux. Mais je dois dire que c'est comme partout ailleurs dans le monde: au Conseil du Trésor, il y a une ligne directrice sur les conflits d'intérêts. Quasiment tous les ministères et organismes du gouvernement ont des lignes directrices sur les cadeaux.

Je signale que ce n'est pas une pratique courante pour les fonctionnaires de recevoir des cadeaux très coûteux et que c'est par contre une pratique courante, quand les fonctionnaires reçoivent des cadeaux, peu importe où ils travaillent dans le monde, parce que d'autres cultures peuvent être différentes, de déclarer ces cadeaux. Et l'affaire est examinée par les supérieurs jusqu'au niveau du sous-ministre, dépendant de la nature du cadeau, y compris bien sûr dans le cas des titulaires de charges publiques. Si nous recevons un cadeau coûteux de quelque mirifique entreprise étatique, c'est consigné, peu importe que ce cadeau soit donné à un fonctionnaire ou à un titulaire de charge publique.

Il faudrait chercher longtemps pour trouver des fonctionnaires, avec tout le respect que je vous dois, qui se paient des déjeuners à 700 $ à Paris. C'est peut-être la coutume dans certains milieux, mais pas dans la fonction publique. Et je répète que je ne suis pas un apologiste.

M. John Bryden: J'espère que non.

Merci, madame la présidente. Je vous en suis reconnaissant.

La présidente: Nous entendrons d'autres témoins avec lesquels nous aborderons peut-être ces mêmes questions et observations et nous pourrons peut-être nous renseigner davantage. Nous jetterons un coup d'oeil au rapport dont vous avez recommandé la lecture.

Nous vous remercions d'être venus témoigner, monsieur Conacher, monsieur Freeman et monsieur Grainger, et nous comptons avoir le plaisir de vous rencontrer de nouveau.

La séance est levée.

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