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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des pêches et des océans


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 décembre 2002




¿ 0930
V         Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.))
V         L'hon. Gerry Reid (ministre des pêches et de l'aquaculture, Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador)

¿ 0935
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid

¿ 0940
V         Le président
V         M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne)
V         L'hon. Gerry Reid

¿ 0945
V         Le président
V         M. John Cummins
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         M. John Cummins
V         L'hon. Gerry Reid

¿ 0950
V         M. John Cummins
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         M. John Cummins
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.)
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Rodger Cuzner
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Rodger Cuzner

¿ 0955
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD)
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Peter Stoffer
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Peter Stoffer
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Peter Stoffer
V         L'hon. Gerry Reid

À 1000
V         M. Peter Stoffer
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Peter Stoffer
V         L'hon. Gerry Reid

À 1005
V         Le président
V         M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne)
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Andy Burton
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Andy Burton
V         L'hon. Gerry Reid

À 1010
V         Le président
V         M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.)
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. R. John Efford
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. R. John Efford
V         L'hon. Gerry Reid

À 1015
V         M. R. John Efford
V         L'hon. Gerry Reid

À 1020
V         Le président
V         M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC)
V         L'hon. Gerry Reid
V         M. Loyola Hearn
V         L'hon. Gerry Reid

À 1025
V         Le président
V         M. John Cummins
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président

À 1030
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         L'hon. Gerry Reid
V         Le président
V         M. Earle McCurdy (président, « Fish, Food and Allied Workers Union »)

À 1035

À 1040
V         Le président
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. R. John Efford
V         Le président
V         M. John Cummins
V         M. Earle McCurdy
V         M. John Cummins
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ)

À 1045
V         M. Earle McCurdy
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.)
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Earle McCurdy

À 1050
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy

À 1055
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. R. John Efford
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. R. John Efford

Á 1100
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.)
V         M. Earle McCurdy
V         M. Georges Farrah
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Georges Farrah

Á 1105
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Earle McCurdy

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. John Cummins
V         M. Earle McCurdy

Á 1120
V         M. Sandy Siegel (secrétaire-exécutif, Union des pêcheurs des maritimes)
V         Le président
V         M. John Cummins
V         M. Sandy Siegel
V         M. John Cummins
V         M. Earle McCurdy
V         M. John Cummins
V         M. Sandy Siegel
V         Le président
V         M. John Cummins
V         Le président
V         M. Jean-Yves Roy

Á 1125
V         M. François Poulin (conseiller, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec)
V         M. Jean-Yves Roy
V         M. François Poulin
V         Le président
V         M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.)

Á 1130
V         Le président

Á 1135
V         M. Jean Saint-Cyr (directeur général, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels)
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. R. John Efford

Á 1140
V         M. Loyola Hearn
V         M. R. John Efford
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Loyola Hearn
V         Le président
V         M. Loyola Hearn
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Leonard Leblanc (président, « Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board »)

Á 1145
V         Le président
V         M. Leonard Leblanc
V         Le président
V         M. John Cummins
V         Le président
V         M. Earle McCurdy
V         Le président
V         M. Earle McCurdy
V         Le président










CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 décembre 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0930)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)): Bonjour, collègues. J'aimerais commencer tout de suite parce que nous avons un ordre du jour assez chargé ce matin.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et de sa motion du 7 novembre 2002, le comité reprend son étude de la réponse du gouvernement à son dixième rapport de la dernière session concernant les implications de l'extension de la zone économique exclusive du Canada pour inclure le nez et la queue des Grands Bancs et le Bonnet Flamand.

    Nos témoins aujourd'hui sont, par vidéoconférence, l'honorable Gerry Reid, ministre des Pêches et de l'Aquaculture de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, et M. Earle McCurdy, président de la Fish, Food and Allied Workers Union, qui est ici en personne. Les membres du comité se souviendront que nous avions entendu ces deux messieurs à Terre-Neuve lors de nos travaux préparatoires en vue du rapport que nous avons publié en juin.

    Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Bienvenue, monsieur le ministre. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir accordé quelques minutes de votre temps.

    Le comité a voulu vous entendre ce matin car, dans le cadre de la reprise de notre étude suite à la réponse du gouvernement à notre dixième rapport, nous avons demandé à des responsables du ministère, et notamment à M. Pat Chamut, de nous mettre au courant de ce qui s'est passé à la réunion la plus récente de l'OPANO, tenue en Espagne en septembre dernier. Comme nous savons que ces deux messieurs étaient présents, nous voulions connaître leur version des événements. Nous souhaitons donc savoir ce que vous avez vu, ce que vous n'avez pas vu et ce qui pourrait vous préoccuper quant à l'OPANO et à son processus.

    Cela étant dit, nous vous invitons, monsieur le ministre, à présenter quelques observations préliminaires, puis à répondre à quelques questions. Nous vous donnons la parole en premier parce que nous savons que vous avez autre chose à faire. Quand nous aurons fini, nous pourrons entendre M. McCurdy qui est ici.

    La parole est à vous, monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Gerry Reid (ministre des pêches et de l'aquaculture, Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador): Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous par vidéoconférence ce matin. Notre Assemblée législative est actuellement saisie d'un projet de loi sur les pêches au sujet duquel je dois prononcer un discours cet après-midi. Je m'excuse donc de ne pas être là en personne.

    Tout d'abord, je tiens à dire que j'ai été très satisfait du rapport que votre comité a présenté à M. Thibeault. J'ai été très heureux de constater qu'un groupe de personnes représentant tous les coins du pays pouvait comprendre et appuyer la position de Terre-Neuve-et-Labrador au sujet de la surpêche et de la gestion axée sur la conservation.

    Nous croyons avoir élaboré une approche rationnelle de cette forme de gestion et avons réussi à réunir beaucoup d'appuis, non seulement dans notre province, mais partout au Canada ainsi qu'auprès d'un certain nombre de personnes et de groupes étrangers que nous avons rencontrés dans les six ou sept derniers mois. Au début du printemps, j'ai eu l'occasion de m'adresser à un groupe de 23 parlementaires allemands à qui nous avons présenté notre proposition de gestion axée sur la conservation et avons expliqué ce qui se passe en dehors de notre zone économique de 200 milles. Ils nous ont prêté une oreille sympathique et ont trouvé bonne l'idée de la gestion axée sur la conservation.

    J'ai été un peu déçu par la vitesse à laquelle le ministre a réagi au rapport. Quelques heures ou quelques jours après réception du rapport de votre comité permanent, l'idée de la gestion axée sur la conservation a été rejetée. Plus tard, au cours de l'automne, juste avant la réunion de l'OPANO, le ministre fédéral a repris l'expression, ce qui nous a permis d'espérer que l'idée était encore en discussion. Toutefois, le ministre a récemment déposé son rapport officiel, dans lequel il a dit que la gestion axée sur la conservation n'était envisagée ni pour Terre-Neuve-et-Labrador ni pour l'essentiel du Canada.

    L'expression «gestion axée sur la conservation» a été mentionnée au cours de la réunion de l'OPANO en Espagne, ce qui a été d'un certain réconfort, même si la mention a été très brève et se rapportait à ce que votre comité avait recommandé au ministre fédéral. Toutefois, nos espoirs ont été anéantis il y a deux semaines quand le ministre a déposé sa réponse officielle à votre rapport.

    C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Si vous avez des questions à me poser ou si vous souhaitez que j'explique certain points en détail, je serai très heureux de le faire.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Nous aimerions surtout connaître vos impressions lorsque vous avez assisté aux réunions de l'OPANO à titre d'observateur. Vous serait-il possible de nous parler, pendant cinq minutes peut-être, de ce que vous avez pu observer, de la façon dont le Canada est considéré, de l'accueil réservé à nos recommandations et à nos prises de position, de ce que les autres pays ont dit ou fait, et ainsi de suite?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Tout d'abord, je dois dire que j'ai été très heureux de pouvoir observer directement les réunions de l'OPANO. C'était la première fois que j'y assistais. Au départ, nous avons eu des difficultés à faire admettre notre présence. Je ne crois pas que le ministère fédéral des Pêches et des Océans et le MAECI souhaitaient nous voir là, craignant peut-être que je déclenche un incident international. Nous leur avons donné l'assurance que ce ne serait pas le cas. Finalement, nous avons pu assister aux réunions.

    Je voudrais d'entrée de jeu féliciter Pat Chamut et sa délégation parce qu'ils ont fait du bon travail pour nous et pour notre pays. Toutefois, pour être tout à fait franc, les résultats de la réunion ne nous ont pas été très favorables. Je suis plus convaincu que jamais que, dans sa structure actuelle, l'OPANO ne peut rien faire pour nous.

    Lorsque vous entrez dans une salle où se trouvent quelque 200 personnes représentant 17 parties contractantes différentes, vous commencez à vous poser des questions. Tous ces gens sont là pour essayer d'avoir leur part du peu de poisson qui reste à l'extérieur de la limite de 200 milles au large de nos côtes. Cela fait peur. Vous vous demandez parfois combien coûtent les déplacements de toutes ces délégations qui assistent aux réunions de l'OPANO. Est-ce que cela en vaut la peine compte tenu des stocks de poisson et des bénéfices qu'il est possible de réaliser sur les prises? Venant d'une petite collectivité de Terre-Neuve, j'ai été impressionné de voir tant de gens s'intéresser aux faibles stocks de poisson qui existent au-delà de notre zone de 200 milles.

    J'ai eu l'occasion, pendant que j'étais là, de discuter avec les représentants de quelques autres pays membres. Mon entretien avec le président du comité des pêches de l'UE a été le plus intéressant. Je suppose que ce comité est votre homologue au sein de l'UE. Avant d'aller assister à la réunion en Espagne, Allister O'Reilly, de la Fisheries Association of Newfoundland and Labrador, est allé à Bruxelles, en compagnie de Bruce Wareham, qui s'occupe d'une entreprise de transformation du poisson de la province, pour présenter au comité des pêches de l'UE un exposé sur les infractions commises à l'extérieur de notre zone de 200 milles.

    À ce moment, le chef de la délégation à l'OPANO, M. Spencer, a dit à M. O'Reilly ainsi qu'au président du Comité des pêches, M. Stevenson, que l'exposé d'Allistair et de Bruce Wareham était complètement erroné, qu'en fait, l'UE ne violait aucune des règles applicables à l'extérieur de la zone de 200 milles et qu'on ne pouvait lui attribuer aucune des infractions mentionnées.

    Par suite de la réunion de Bruxelles, le président du comité des pêches de l'UE a décidé d'assister à la rencontre de l'OPANO en Espagne pour observer lui-même les délibérations. Je suis heureux qu'il l'ait fait. En effet, lorsque Pat Chamut a présenté son exposé—qui était très bon—sur les infractions commises par les parties contractantes à l'extérieur de la zone de 200 milles, les autres pays semblaient un peu embarrassés. Il était possible de le constater en regardant autour de la table.

    Quand j'ai parlé à M. Stevenson par la suite, il m'a dit qu'il avait été abasourdi par ce qu'il avait entendu. Les membres de la délégation de l'UE à l'OPANO lui avaient toujours dit—à titre de président du comité des pêches, comme vous, monsieur Wappel—que tout cela n'était que mensonges et que les règles étaient toujours observées. Il m'a dit plus tard qu'il se sentait trahi parce qu'on lui avait menti. On lui avait toujours donné l'impression que l'UE n'avait rien à se reprocher dans cette affaire de surpêche à l'extérieur de notre zone de 200 milles.

    En fait, il était ici le printemps dernier. Je l'ai rencontré à une réception et je lui en ai parlé. Il m'a dit qu'après son retour d'Espagne, il avait présenté un rapport au sujet de l'hostilité qu'il avait perçue au Canada et à Terre-Neuve envers l'UE. Il ne pouvait pas le comprendre car on lui avait toujours affirmé que rien de répréhensible ne se produisait à l'extérieur de cette zone. Après avoir entendu l'exposé de Pat Chamut, il pouvait comprendre notre frustration et les motifs de l'hostilité.

¿  +-(0940)  

    Tout ce processus n'a jamais abouti aux résultats attendus. J'en ai eu la confirmation en assistant à la réunion tenue à Santiago. Nous parlons des importants progrès que nous avons réalisés là. Pourtant, à mon avis, notre seul gain était de conserver le statut d'observation à 100 p. 100. Pendant un certain temps, au cours de ces réunions qui ont duré quatre ou cinq jours, j'étais vraiment persuadé que nous allions perdre ce mince avantage. Finalement, nous ne l'avons conservé que parce que nous avons accepté un quota de turbot de 42 000 tonnes au lieu des 36 000 tonnes recommandées par le Conseil scientifique de l'OPANO.

    Je crains fort que, l'année prochaine, nous perdions cet avantage parce qu'il y avait quelques propositions à l'étude au sujet de ce qu'il convenait de faire de ce programme d'observateurs. Je crois donc que nous avons, encore une fois cette année, cédé d'autres prises pour pouvoir conserver quelque chose à l'OPANO. Je pense que nous le faisons depuis la création de l'organisation en 1979.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

    Nous passons maintenant aux questions, en commençant avec M. Cummins.

+-

    M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre, d'être venu ce matin.

    Toute organisation a un objectif. D'une façon générale, quelle est votre impression de l'objectif poursuivi à ces réunions de l'OPANO? S'agissait-t-il strictement de partager le gâteau? Personne ne se souciait de la situation des ressources halieutiques?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Je n'ai pas eu l'impression que quiconque se souciait de la situation des ressources. À mon avis, les délégations étaient là uniquement pour partager le butin.

    Les États-Unis ont toujours été nos alliés à l'OPANO au cours des années précédentes. Cette année, néanmoins, les États-Unis demandaient leur part du poisson parce qu'ils n'en avaient plus. Le point de vue qu'ils ont présenté à la réunion de l'OPANO était le suivant: «Écoutez, nous payons notre cotisation, nous sommes membres de l'OPANO, mais nous n'avons pas de poisson. Vous cherchez tous à obtenir des prises, alors, où est notre part?» J'étais vraiment consterné parce que les États-Unis avaient toujours pris notre part.

    Quant à la situation des ressources, je ne crois pas que personne s'en soucie. Cela était tout à fait évident quand les prises autorisées de turbot ont été fixées à 42 000 tonnes, en dépit du fait que le Conseil scientifique de l'OPANO avait recommandé de les réduire à 36 000 tonnes. Ils avaient fait la même chose l'année précédente. En fait, c'était pire cette année parce que l'écart entre les prises recommandées et les prises autorisées s'est encore creusé. Cette année, le quota sera de 6 000 tonnes métriques supérieur au chiffre recommandé, par rapport à 4 000 tonnes seulement l'année précédente.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Si personne ne se soucie de la situation des stocks, je me demande si le Canada a eu une contribution quelconque à cette réunion. Vous avez dit que Pat Chamut a présenté un bon exposé au nom du Canada. Je suppose que, dans cet exposé, il a beaucoup insisté sur l'inquiétude du Canada quant à la situation des stocks.

    Vous avez dit qu'après l'exposé de M. Chamut, l'OPANO s'est au moins engagée à maintenir le programme des observateurs pendant une autre année. Mais, vous l'avez vous-même affirmé, cela n'est pas suffisant en soi. En effet, les pays membres vont dépasser le quota de turbot recommandé par les scientifiques.

    Même si M. Chamut a présenté un bon exposé, il n'a pas obtenu le résultat attendu, c'est-à-dire qu'on se préoccupe avant tout de la situation des stocks et qu'on tienne compte de la détermination du Canada à protéger cette ressource. Le rapport de notre comité avait essentiellement pour but de montrer que nous sommes prêts à prendre les mesures que nous dicte notre souci de la situation des stocks.

    Avez-vous des commentaires à ce sujet?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Comme je l'ai dit, Pat Chamut a présenté les faits sur une série de diapositives. Il a montré des preuves de fausses déclarations sur les prises, de pêche d'espèces faisant l'objet d'un moratoire, d'utilisation illicite de lignes de traîne, qu'on pouvait voir sur une diapositive, de dépassement de quota et de défaut de production des rapports d'observateurs. Toutes ces infractions ont été présentées sous forme graphique au cours de la réunion, mais elles n'ont presque pas fait l'objet de discussions.

    La seule réaction est venue de l'UE, qui nous a violemment reproché de pêcher dans la zone 2J3KL des stocks couverts par le moratoire. C'est la réponse que nous avons obtenue. Le maintien du programme des observateurs n'est vraiment pas d'un grand réconfort pour nous puisque, même avec des observateurs à bord, toutes ces infractions continuent d'être commises.

    Il nous arrive de céder du turbot ou d'autres espèces de poisson pour garder certains avantages l'OPANO, mais je ne suis pas sûr que ces avantages en valent la peine. Si le Canada était sérieux, il dirait à l'OPANO qu'il va placer ses propres observateurs à bord des bateaux, à ses propres frais. Voilà une chose qui serait avantageuse pour le Canada et bien sûr pour Terre-Neuve et le Labrador.

+-

    Le président: Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Vous me dites, je crois, que nous avons saisi l'occasion, que M. Chamut a présenté un bon exposé expliquant les préoccupations du Canada, mais qu'en ce moment, nous n'avons pas vraiment exprimé énergiquement notre position. Comme l'OPANO ne se soucie pas de la situation des stocks, le Canada devrait être disposé à faire une gestion axée sur la conservation pour assurer la survie des stocks.

    C'est très bien de dire que nous avons présenté un bon exposé, mais où cela nous mène-t-il? Je n'ai pas l'impression que nous ayons réalisé grand-chose. Le Canada aurait dû déclarer: «Si vous n'êtes pas disposés à faire quelque chose, nous allons nous en occuper nous-mêmes.» N'est-ce pas à ce résultat que la réunion aurait dû aboutir?

+-

    L'hon. Gerry Reid: C'est bien ce que nous aurions souhaité, mais je ne m'y attendais pas vraiment quand nous sommes allés en Espagne. Et, bien sûr, nous n'avons pas obtenu ce résultat.

    Vous m'avez demandé si les représentants se souciaient de la situation des stocks. Je vous ai répondu: pas du tout. À l'OPANO, nous ne sommes qu'un seul pays sur 17. L'UE constitue le membre le plus important, mais il y a aussi des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Leurs représentants siègent à la table de négociation. Et quoi que puisse dire le commissaire de l'UE, dès qu'il a fini ne parler, l'un de ces représentants prend la parole pour dire qu'il l'appuie à 100 p. 100.

    Il est évident que ces pays agissent ainsi parce qu'ils veulent devenir membres de l'UE. Par conséquent, ils vont profiter de toutes les occasions pour manifester leur soutien. C'est assez décourageant. Nous sommes là tout seuls. Nous étions là tout seuls en février, face à 16 autres parties contractantes. Personne n'avait l'air de se soucier de la situation des stocks. Bien au contraire, ils n'ont presque pas essayé de faire semblant de s'en soucier.

    Vous pouvez le demander vous-même à M. Chamut. Je suis également sûr que M. McCurdy, qui assiste à ces réunions depuis un certain temps déjà, vous dira la même chose. C'est une grande frustration d'entendre dire que nous devons continuer à travailler au sein de l'OPANO, alors que, chaque année, nous sortons des réunions après avoir perdu quelque chose ou, dans le meilleur des cas, après avoir obtenu le maintien du statu quo.

    Le président: Monsieur Cummins.

¿  +-(0950)  

+-

    M. John Cummins: En fait, vous ne m'avez donné aucune raison de croire que le comité a eu tort de dire que la meilleure solution pour le Canada et pour les stocks de poisson réside dans la gestion axée sur la conservation. Rien dans vos déclarations ne peut justifier un changement de position.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Exactement. Ce que j'ai vu à l'OPANO n'a fait que confirmer dans mon esprit la nécessité d'agir à l'extérieur de l'organisation. Nous avons toujours préconisé la gestion axée sur la conservation. Par conséquent, je suis absolument d'accord avec vous.

+-

    Le président: Monsieur Cummins, il vous reste deux minutes, mais c'était une excellente conclusion, si vous voulez vous en tenir là.

+-

    M. John Cummins: Je crois, en effet, avoir exposé mes arguments.

+-

    Le président: Monsieur Cuzner.

+-

    M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.): Monsieur le ministre, merci encore d'avoir accepté de nous parler aujourd'hui.

    Vous avez donc l'impression, après avoir assisté à cette réunion, que tous nos arguments relatifs à la conservation et à l'état des stocks ont été compromis par l'activité canadienne dans la zone 2J3KL.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Non, pas vraiment. Je crois que le fait d'avoir une pêche repère et une pêche indicatrice dans la zone 2J3KL... Cette année, le total autorisé des captures n'était que de 5 600 tonnes. En 1988, le TAC dans les eaux canadiennes pour ce stock étaient de 266 000 tonnes. Nous avons donc une pêche repère et une pêche indicatrice de 5 600 tonnes. Je crois qu'ils s'en servent comme prétexte pour nous faire honte quand nous parlons de conservation. C'est la seule raison, je crois, pour laquelle ils en parlent.

    Comme Earle l'a dit, au point où nous en étions à cette réunion, le poisson que nous avons pris dans cette pêche repère dans les dix dernières années n'atteint même pas ce qu'ils ont pris en trop dans l'année qui a précédé le moratoire.

+-

    M. Rodger Cuzner: Très bien.

    Mon autre question concerne la gestion axée sur la conservation. Je suppose qu'au cours des réunions, c'est M. Chamut qui a parlé de la recommandation du comité permanent préconisant l'application de cette forme de gestion. Quelle a été la réaction des représentants des autres pays?

+-

    L'hon. Gerry Reid: C'est comme s'il n'avait rien dit. À ma connaissance, il n'y a eu aucune réaction. J'étais assis juste derrière lui. Je n'ai vu aucune réaction. Absolument aucune. J'ai eu l'impression qu'ils n'entendaient que ce qu'ils voulaient bien entendre. Il n'y a pas de doute qu'ils font la sourde oreille quand on leur dit quelque chose qui ne leur convient pas. Bref, il n'y a pas eu de réaction.

+-

    M. Rodger Cuzner: Très bien. J'ai deux autres questions très brèves.

    J'ai bien aimé votre observation concernant l'intervention du Canada au sujet du programme des observateurs. Nous en avons également parlé autour de cette table.

    À part cela, quelle est la position officielle de votre ministère en ce qui a trait à la population de phoques au large de la côte?

¿  +-(0955)  

+-

    L'hon. Gerry Reid: La position du ministère?

+-

    Le président: Je suppose que vous parlerez de ce qui nous intéresse.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Je suis du même avis que l'un de vos collègues ici présent, M. John Efford.

    Regardons les choses en face, mesdames et messieurs. Nos stocks de poisson diminuent tandis que la population de phoques connaît une véritable explosion. Il faut faire quelque chose. Vous parlez, ou bien le ministre fédéral parle de fermer deux zones de pêche le long de la côte nord-est et dans le golfe du Saint-Laurent. Pour moi, cela ne fera que donner un peu plus à manger aux phoques pendant quelques années.

    Le fait est que nous avons six ou sept millions de phoques. Personne ne sait vraiment combien il y en a exactement, mais on s'entend pour dire que leur nombre est de cet ordre. L'année dernière, nous avons eu une bonne chasse aux phoques. Nous en avons pris quelque 300 000. Nous aurions pu en prendre bien plus. Nous avions beaucoup de débouchés l'année dernière, et les prix étaient probablement les meilleurs dans l'histoire de la province.

    J'écoute les émissions destinées aux pêcheurs, qui sont diffusées depuis une cinquantaine d'années et qui traitent de questions relatives à la pêche. Hier, les animateurs parlaient à un pêcheur de la côte sud de notre province. Il avait grandi dans ce coin et, dans toute sa vie, il n'avait probablement vu qu'un ou deux phoques. Il a dit qu'aujourd'hui, il y a tout un troupeau dans une zone où on n'en avait jamais vu auparavant. La population augmente à un rythme extraordinaire et cherche à s'alimenter. Les phoques vont dévorer jusqu'au dernier poisson.

    Quand j'ai commencé à travailler pour le ministère des Pêches en 1989, j'ai assisté à une réunion d'une association de chasseurs de phoques dans mon district, à Twillingate. Au cours de cette réunion, un scientifique du MPO avait pris la parole pour dire aux participants, qui, de toute évidence, ne voulaient pas l'entendre, qu'il n'existait pas de preuve scientifique établissant que les phoques se nourrissaient de morue. C'était en 1989. Aujourd'hui, le ministère a changé son fusil d'épaule et dit que, oui, il y a des indices selon lesquelles les phoques mangent la morue. Toutefois, aux dernières nouvelles, les scientifiques affirmaient que rien ne permet de croire que les phoques empêchent la reconstitution des stocks de morue. Il est facile de faire une telle affirmation quand on ne peut pas prouver non plus le contraire. En d'autres termes, les scientifiques n'ont pas de preuves. Je trouve donc que leurs affirmations sont un peu trompeuses. Quoi qu'il en soit, il est évident que nous devons nous attaquer au problème des phoques au large de nos côtes.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur le ministre, avant de céder la parole à M. Stoffer, je voudrais faire deux observations. Tout d'abord, j'ai été avec ma famille à Twillingate, où nous avons été très bien reçus et où nous avons en fait pu observer quelques baleines. C'est une petite localité très agréable où se trouve un bon petit restaurant donnant sur la baie. La cuisine était bonne.

    Cela étant dit, je veux vous poser une question qui fait suite à celle de M. Cuzner. Quand vous dites que la gestion axée sur la conservation a été mentionnée puis oubliée, pouvons-nous supposer qu'à votre connaissance, notre rapport n'a jamais été distribué à personne?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Pas à ma connaissance.

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu avec vos collaborateurs.

    Avez-vous personnellement parlé à M. Pat Chamut de la gestion axée sur la conservation? Si vous l'avez fait, pouvez-vous nous donner les détails de cette conversation? Je veux en fait savoir si Pat Chamut, qui est l'un des principaux responsables du MPO, appuie vos efforts en faveur de la gestion axée sur la conservation.

+-

    L'hon. Gerry Reid: J'ai brièvement parlé à Pat. Nous sommes rentrés d'Espagne à bord du même avion.

    Mais, non, je n'ai pas officiellement discuté avec Pat Chamut de la gestion axée sur la conservation.

+-

    M. Peter Stoffer: Puis-je vous demander pourquoi, monsieur?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Eh bien, j'en avais déjà parlé avec le ministre fédéral.

+-

    M. Peter Stoffer: Je crois que M. Chamut travaille pour le MPO depuis une trentaine d'années. C'est un homme très connu et très respecté au Canada et à l'étranger. Je me demande pourquoi vous n'avez pas eu l'occasion de vous entretenir officiellement avec lui de cet important sujet.

+-

    L'hon. Gerry Reid: J'ai déjà présenté des instances au ministre fédéral. Je crois que c'était en présence de Pat. Nous avons eu de longues discussions. Vous pouvez cependant me reprocher de ne pas avoir appelé Pat Chamut pour lui dire que je voulais discuter avec lui, personnellement, de la gestion axée sur la conservation.

    Avant que vous en parliez, je n'aurais pas pensé qu'il convenait pour moi de discuter avec un fonctionnaire. J'avais tendance à croire qu'il valait mieux en parler directement au ministre.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, avez-vous jamais vu un rapport provenant d'observateurs internationaux de l'OPANO?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Non, je n'en ai jamais vu moi-même.

À  +-(1000)  

+-

    M. Peter Stoffer: Nous en avons vu un, il y a deux ans, du temps où M. Baker était président du comité. Il avait été remanié et censuré de fond en comble, de sorte qu'il n'y restait que très peu de renseignements pouvant permettre d'établir si des infractions avaient été commises.

    Nous avons parlé de la possibilité de placer des observateurs à bord des bateaux étrangers. En réalité, cependant, il nous est très difficile, en qualité de comité impartial, d'obtenir des exemplaires de rapports qui n'ont pas été revus et corrigés. Je suppose qu'il en est de même pour vous.

    Nous disions donc que nous avons réussi à garder notre statut d'observateur et que cela est avantageux pour le Canada. Toutefois, qui est-ce qui voit réellement les rapports des observateurs?

+-

    L'hon. Gerry Reid: C'est une bonne question. Je suppose que le MPO en obtient des exemplaires, mais je crois savoir que les bateaux ne produisent pas tous des rapports. Et quand ils en produisent, il arrive que le MPO n'en reçoive un exemplaire que deux ans plus tard.

    Mais, comme vous l'avez dit, vous n'en avez jamais vu, à part celui que M. Baker vous a montré. De mon côté, je n'en ai vu aucun.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur le ministre, nos délibérations sont télévisées et largement diffusées. J'aimerais donc vous donner l'occasion d'expliquer à la population de Terre-Neuve et du Labrador ainsi qu'à tous les Canadiens en qui consiste exactement, pour vous, la gestion axée sur la conservation.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Nous sommes membres de l'OPANO depuis qu'elle existe. Et, de toute évidence, l'OPANO ne sert pas au mieux les intérêts de ma province ou ceux du Canada. Je l'ai dit à maintes reprises, tout comme mes prédécesseurs: l'OPANO ne fonctionne pas. Nous parlons au gouvernement fédéral de ce qu'il convient de faire à ce sujet depuis une vingtaine d'années. Notre objectif de base est de renforcer les droits et les obligations des États côtiers pour qu'ils protègent les stocks de poisson, non seulement pour nous, mais aussi pour les autres pays qui ont de tout temps exploité les stocks à proximité de nos côtes.

    Je crois qu'il y a une certaine confusion à Ottawa, et même chez le ministre, au sujet de ce que nous appelons la gestion axée sur la conservation et de ce que d'autres considèrent comme une extension de notre champ de compétence. En effet, quand je parle de gestion axée sur la conservation, on me répond souvent que nous ne pouvons pas étendre notre champ de compétence.

    Pour moi, l'extension du champ de compétence consiste pour le Canada à déclarer que le nez et la queue des Grands Bancs ainsi que le Bonnet Flamand lui appartiennent en propre, au même titre que la zone économique de 200 milles, et qu'il les utiliserait exclusivement à son profit.

    La gestion axée sur la conservation consiste en fait à prendre sous notre garde les trois secteurs situés à l'extérieur de la zone de 200 milles, mais aussi à permettre aux pays qui ont une présence historique dans la région de continuer à y pêcher, à condition d'observer les règles que nous établirions, de concert avec le Conseil scientifique de l'OPANO, s'il le faut.

    En définitive, nous voulons établir un régime de gestion fondé sur la conservation et les données scientifiques, car aucun régime de ce genre n'existe à l'heure actuelle. Je demeure persuadé que toute personne raisonnable, de ce côté-ci de l'Atlantique ou de l'autre, serait d'accord avec nous si nous lui présentons les faits et les rapports des observateurs, comme Pat Chamut l'a fait à la réunion de l'OPANO, et si nous lui expliquons le préjudice causé à une ressource qui peut encore nourrir beaucoup de gens dans le monde.

    Nous proposons de baser le total autorisé des captures sur les avis scientifiques et de permettre aux pêcheurs traditionnels de poursuivre leur activité. Je crois que l'impression que même notre gouvernement est en train de donner aux autres membres de l'OPANO, c'est que nous voulons assurer la mainmise du Canada sur la région et en exclure les autres. Ottawa nous répond constamment que les autres pays ne seront pas d'accord, qu'ils considéreront cette mesure comme une extension de notre champ de compétence et qu'ils ne voudront pas croire que nous n'essayons pas de nous approprier la région à notre profit exclusif.

    Nous n'avons jamais dit que nous le ferions. L'Espagne et le Portugal font la pêche au large de nos côtes depuis 200 ou 300 ans. Je me suis entretenu avec mon homologue espagnol, le ministre des Pêches de la région nord-ouest. Je lui ai dit: «Écoutez, nous n'avons pas l'intention de vous exclure des Grands Bancs du Canada. Nous respecterons vos droits historiques, mais nous ne vous permettrons pas de faire de la surpêche.» Il a semblé être d'accord.

    Il devait être au Canada cette semaine, mais il n'a pas pu venir à cause des problèmes causés par le naufrage du pétrolier au large des côtes espagnoles. Nous l'attendons cependant au début de l'année prochaine. Il a été heureux d'entendre que nous n'éprouvons aucune haine pour le peuple espagnol, comme beaucoup de gens le croient dans certaines régions de l'Espagne. Il a également été satisfait d'apprendre que, même dans le cadre d'un régime de gestion axée sur la conservation, nous n'avons pas l'intention d'exclure l'Espagne et le Portugal des Grands Bancs.

    Tout ce que nous avons à dire, c'est ceci: Écoutez, il y a là un stock de poisson que peuvent exploiter de nombreuses générations à venir à condition de mettre en place un régime de gestion raisonnable, que nous n'avons pas aujourd'hui. Nous vous permettrons de prendre votre part de cette ressource si vous voulez bien nous suivre sur cette voie.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Stoffer, votre temps de parole est écoulé pour ce premier tour de table.

    Monsieur Burton.

+-

    M. Andy Burton (Skeena, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Merci à vous aussi, monsieur le ministre, pour être venu ce matin.

    Dans sa réponse au rapport que le comité a déposé il y a quelque temps, notre ministre des Pêches a dit:

    «Malgré les lacunes de l’OPANO, il est beaucoup mieux d’avoir un régime international qu’aucun régime. Le défi concret est de trouver des façons de rendre l’OPANO plus efficace.»

    À votre avis, cela est-il possible et, si oui, comment?

+-

    L'hon. Gerry Reid: À mon avis, non, ce n'est pas possible. Combien de temps avons-nous été là? 23 ou 25 ans? Pourtant, l'organisation ne fonctionne toujours pas. Rien de ce qui s'est passé à la dernière réunion ne permet de croire que les autres membres se sont repentis et qu'ils vont désormais bien agir. Rien ne semble indiquer qu'ils pensent à des mesures de conservation. Par conséquent, je ne crois pas que l'OPANO puisse nous être utile ou être utile à quiconque.

    Devons-nous nous retirer avant d'avoir mis un système en place? C'est une bonne question. De toute évidence, si nous nous retirons avant de leur avoir expliqué ce que nous allons faire, il n'y aura plus, comme le ministre l'a dit, aucune restriction sur la pêche. C'est une possibilité. Si nous devons nous retirer de l'OPANO, nous avons intérêt à être prêts à agir, et rapidement.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Burton.

+-

    M. Andy Burton: Je dois donc comprendre qu'on ne peut pas envisager d'améliorer l'OPANO. Si c'est le cas et si le gouvernement hésite à adopter la gestion axée sur la conservation, qu'allons-nous faire?

    Nous avons déjà pris la décision de fermer certains de nos ports aux bateaux de pêche étrangers. Est-ce que cette mesure est utile? S'agit-il en quelque sorte d'une solution provisoire? Que pouvons-nous faire d'autre en attendant?

+-

    L'hon. Gerry Reid: J'ai appuyé le ministre dans ses décisions concernant les Féroïens et les Estoniens parce que nous ne pouvons pas leur ouvrir nos ports et leur permettre de débarquer leurs prises tant qu'ils continuent à dévaster nos ressources. Ils accostaient chez nous et transbordaient leur poisson à partir de notre province car cela leur rapportait plus que s'ils le faisaient directement chez eux. J'ai appuyé le ministre au sujet de la fermeture des ports, et je l'appuie encore. Mais est-ce que cette mesure aura des effets? Nous ne le saurons que plus tard.

    En fait, il y a déjà des effets: l'emploi est en baisse cette année dans les régions où le poisson était débarqué. John Efford est ici. L'une des villes où il vit, ou pas loin de là, souffre déjà de la fermeture du port aux Féroïens et aux Estoniens. Ce sont les effets que nous connaissons jusqu'ici. J'espère que les Féroïens et les Estoniens comprendront où réside leur intérêt et accepteront de respecter les règles.

+-

    M. Andy Burton: J'entends dire que nous avons de très nombreux problèmes, mais nous ne semblons pas avoir de solution. Encore une fois, j'aimerais que le ministre confirme qu'à son avis, notre rapport représente la seule solution possible. Je crois que c'est la clé de toute l'affaire. Nous avons produit un rapport auquel le comité a consacré beaucoup de temps et pour lequel il a entendu beaucoup de témoins. C'est un très, très bon rapport, qui a été adopté à l'unanimité. J'aimerais vous entendre dire une fois de plus ce que vous pensez de ce rapport et des efforts que nous devrions faire pour qu'il ait des suites.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Je crois que vous avez produit un rapport remarquable. J'ai particulièrement aimé vos recommandations. Je pense que vous avez parfaitement saisi le problème. En ce qui concerne votre recommandation 4, invitant le gouvernement du Canada à lancer une campagne d'information ciblée, je crois que c'est une excellente suggestion dont la mise en oeuvre serait efficace. Toutefois, nous n'avons pas vraiment besoin de faire de la sensibilisation au Canada parce que ce serait prêcher des convertis. Je crois personnellement qu'une campagne d'information ciblée organisée dans l'UE nous permettrait de convaincre les gens du bien-fondé de notre position, surtout en Allemagne et en Grande-Bretagne, qui ont d'importants partis verts et un secteur écologiste fort.

    Depuis que vous avez publié votre rapport et formulé vos recommandations, nous avons eu l'occasion de parler à des représentants du Fonds mondial pour la nature, qui se sont montrés sympathiques à notre cause. Ils se rendent compte de la nécessité d'agir avant l'épuisement total des stocks de poisson de la côte est.

    Oui, j'appuie les recommandations de votre rapport. Je tiens aussi à féliciter chacun d'entre vous pour les avoir présentées au ministre fédéral.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Efford.

+-

    M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, je vais commencer par ma dernière question parce que vous avez soulevé la question de la fermeture des ports dans ma région et de ses effets sur la population. C'est évidemment un problème, mais la question la plus importante qui se pose, et que je veux vous poser, est de savoir si, à votre connaissance, la fermeture des ports aux Féroïens et aux Estoniens a permis de réduire l'activité de pêche à l'extérieur de la zone de 200 milles.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Je ne le sais pas, John. Je n'ai pas d'information à ce sujet, même si j'en ai discuté avec quelques fonctionnaires du MPO. Ils m'ont dit que l'Estonie semble prête à respecter les règles, mais qu'ils n'ont pas eu de réaction de la part des Féroïens. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas encore envisagé de leur rouvrir nos ports.

    L'été dernier, j'ai eu l'impression que le ministère allait de nouveau autoriser les Féroïens à faire la pêche dans la baie de Roberts parce qu'ils étaient prêts à se plier aux règles. Toutefois, cela semble hors de question pour le moment. Apparemment, les Féroïens ne manifestent aucunement l'intention de régler le problème que nous avons avec eux.

+-

    M. R. John Efford: Revenons à la question du programme des observateurs à bord des bateaux étrangers faisant la pêche à l'extérieur de la zone de 200 milles. D'après ce que vous savez, des éléments que vous détenez, de ce que vous avez entendu aux réunions de l'OPANO ou ailleurs, est-il possible que certains de ces observateurs soient en fait des membres d'équipage ou des mécaniciens et qu'ils ne fassent pas réellement leur travail? C'est évident, s'ils sont en fait censés observer ce qui se passe. Avez-vous entendu n'importe quoi à ce sujet?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Oui, j'en ai entendu parler. Toutefois, personne n'a jamais présenté des preuves concrètes, mais il est certain que cela se dit. J'ai également entendu dire que ces observateurs ont le même statut que les membres de l'équipage, en ce sens qu'ils obtiennent un pourcentage sur les prises, comme les membres d'équipage des bateaux de pêche de notre province. Ils obtiennent donc un pourcentage du poisson pêché pendant qu'ils se trouvent à bord. Je crois savoir que c'est ainsi que certains des observateurs sont rémunérés. Bien entendu, ils ont tout intérêt dans ce cas à ce que le bateau prenne autant de poisson que possible.

+-

    M. R. John Efford: Vous avez mentionné des entretiens avec des parlementaires allemands et des responsables espagnols. Vous avez parlé du ministre, et il y avait peut-être des parlementaires venant d'autres pays. Si j'ai bien compris, vous êtes persuadé que ces gens se soucient vraiment de la situation des stocks. Nous dites-vous donc, compte tenu de cette attitude, que si le Canada était disposé à prendre des mesures, il pourrait compter sur une certaine forme de coopération—considérant la présence de certains groupes là-bas—pour la mise en oeuvre d'initiatives de conservation en dehors de la zone de 200 milles?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Lors de la visite des parlementaires allemands—je crois que nous en avons accueilli 23 en juin ou en juillet—, nous leur avons présenté un exposé sur la surpêche étrangère et leur avons montré ce qui s'est passé depuis la création de l'OPANO. Nous avons passé en revue tous les événements survenus au fil des ans, notamment l'effondrement des stocks en 1992 et le moratoire. Nous leur avons fait part de notre proposition relative à la gestion axée sur la conservation. Tout d'abord, ils ont été choqués par ce qu'ils ont vu et par le fait que l'UE était impliquée. Ils étaient vraiment choqués et nous ont donné l'impression qu'ils appuieraient la gestion axée sur la conservation.

    Pour ce qui est du ministre espagnol à qui j'ai parlé, quand il s'est rendu compte que nous n'étions pas déterminés à exclure Espagne, que nous étions en fait disposés à reconnaître son droit historique de faire la pêche au large de nos côtes, il n'y a pas de doute qu'il s'est radouci et s'est montré très aimable. En fait, après notre première réunion, il m'a invité le lendemain à visiter des sites d'aquaculture. J'ai passé deux après-midi avec lui. Il s'est dit très intéressé à venir nous rendre visite, en précisant qu'en Espagne, beaucoup de gens sont persuadés que le Canada veut interdire aux Espagnols la pêche au large de ses côtes.

À  +-(1015)  

+-

    M. R. John Efford: Monsieur le ministre, tous ceux d'entre nous qui viennent de Terre-Neuve-et-Labrador savent quel est le poisson du jour. J'aimerais connaître votre point de vue sur la seule chose qui nous permet de maintenir l'industrie de la pêche, c'est-à-dire les stocks de mollusques et de crustacés dont dépendent beaucoup de pêcheurs, de travailleurs des usines de transformation et de collectivités pour leur subsistance depuis le moratoire. Qu'adviendra-t-il des collectivités de Terre-Neuve et du Labrador si nous ne prenons pas immédiatement des mesures... Nous n'avons pas 25 autres années pour agir, je ne crois même pas que nous ayons 25 mois pour prendre de grandes décisions au sujet des stocks de poisson de fond. Si les stocks de crabe venaient à s'épuiser, car ils commencent à diminuer dans certaines régions du fait que nous n'avons mis en place aucune mesure de conservation des stocks migratoires en dehors de la zone de 200 milles, que pensez-vous qu'il arrivera aux collectivités de Terre-Neuve?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Il n'en resterait plus dans les régions rurales de Terre-Neuve. Ces collectivités disparaîtraient du jour au lendemain. Vous le savez aussi bien que moi et aussi bien que n'importe quel député de notre province qui siège ici.

    Nous avons interdit la pêche au poisson de fond en 1992 et, jusqu'à l'année dernière, Twillingate, qui fait partie de mon district, n'a plus eu de poisson à transformer. Twillingate a toujours vécu de la pêche. Son usine employait 400 à 600 personnes à temps plein jusqu'à la fin des années 80. Mais, de 1992 à 2001, l'usine ne recevait plus de poisson

    J'ai vu les résultats de cette situation. Depuis 1992, la population de notre province a diminué d'environ 30 000 habitants, comme conséquence directe de la fermeture des pêches. La population ne s'est pas rétablie à son niveau d'avant le moratoire de 1992.

    Ce phénomène a donné lieu à un certain nombre de problèmes. Le rapport Romanow, qui a été publié la semaine dernière, recommande d'injecter des fonds dans les soins de santé. Normalement, quand le gouvernement fédéral établit un plan de financement pour des initiatives de ce genre, l'argent est réparti par habitant. Or nous avons perdu 30 000 à 40 000 habitants depuis le moratoire de 1992. Par conséquent, si la province reçoit des transferts calculés par habitant, nous allons y perdre par suite de cette migration de sortie.

    Nous sommes donc touchés sur les deux tableaux. Nous devons payer le prix de la mauvaise gestion fédérale des stocks non seulement à cause de la perte d'emplois et de la migration de sortie qui en a découlé, mais aussi parce que la province recevra moins d'argent au titre de la santé et des programmes sociaux.

    Mais, John, si les stocks de crabe devaient s'effondrer aujourd'hui et, croyez-moi, leur situation n'est pas très bonne... J'ai fait une visite sur la côte du Labrador cet été. Les pêcheurs de la région sont extrêmement pessimistes. D'après les derniers renseignements que j'ai reçus, il ne reste que deux millions de livres de crabe au large de la côte du Labrador. Je peux vous assurer que ce n'est pas parce que les gens restent dans la zone côtière. S'il en reste deux millions de livres, c'est parce que les pêcheurs n'arrivent pas à les trouver pour les prendre. Cela me fait peur. Je trouve en fait la situation absolument terrifiante parce que, sans crabe, notre province n'aurait plus une industrie de la pêche.

    En gros, le crabe représente la moitié de l'industrie, c'est-à-dire 500 millions de dollars par dans un secteur valant un milliard de dollars. Il n'y a pas de doute que les bénéfices réalisés sur le crabe permettent de subventionner la pêche à la crevette. Si les pêcheurs devaient uniquement compter sur la crevette, ils renonceraient à la pêche.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Efford.

    À vous, monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux aussi remercier le ministre et ses collaborateurs pour leur participation à cette séance. Je m'excuse pour mon rhume. Je lutte contre la grippe, mais c'est elle qui l'emporte.

    Gerry, votre position concernant la gestion axée sur la conservation est exactement la même que la nôtre. À cet égard, je pense parler au nom de tous les membres du comité. Voilà le message que nous devons transmettre: nous voulons gérer les ressources non seulement dans notre intérêt, mais aussi dans celui de tous ceux qui ont participé à leur exploitation depuis des siècles, comme vous l'avez dit, et particulièrement les Espagnols et les Portugais.

    Cela étant et compte tenu de vos propres entretiens avec les Espagnols et de l'impression que vous en avez tirée, ne croyez-vous pas qu'avec une diffusion adéquate de ce message, nous pourrions obtenir une plus grande coopération dans ce que nous essayons de faire? N'aurions-nous pas plus de collaboration si la campagne d'information dont nous avons parlé avait pour cible les premiers intéressés membres de l'OPANO, pour qu'ils comprennent nos objectifs et se rendent compte que quelqu'un doit se charger de la gestion de ces ressources et de la mise en oeuvre de mesures de gestion non seulement dans son propre intérêt, mais aussi dans celui de tous ceux qui participent?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Je suis parfaitement d'accord avec vous, Loyola. Je suis convaincu que la plupart des gens pensent d'une manière rationnelle et qu'ils aboutiront à la même conclusion que vous et moi si on leur présente les faits.

    Lorsque nous avons parlé aux représentants du Fonds mondial pour la nature, ils nous ont dit que le même problème existe au large des côtes africaines dans le cas des pays en développement. Les mêmes pays qui font de la surpêche au large de nos côtes en font également au large des côtes de ces pays du tiers-monde. Ils détruisent les stocks là-bas aussi. Mais on ne semble avoir rien fait à ce sujet.

    Le Fonds mondial pour la nature va lutter pour ces gens qui sont incapables de se battre pour eux-mêmes. Ils n'en ont pas les moyens. On nous a montré un enregistrement vidéo de quelques-unes des annonces que le Fonds fera passer concernant la surpêche au large des côtes d'un certain pays africain.

    Si nous organisons une campagne pour montrer aux Européens les effets de la surpêche dans notre province, si nous leur parlons des conséquences que cela aura pour eux aussi...

    J'ai été vraiment surpris par la quantité de poisson qu'un pays comme l'Espagne peut consommer. Partout où l'on va, il y a du poisson. Le poisson fait partie du mode de vie des Espagnols, pour qui il est plus important que pour tout autre pays que j'aie visité. Tous les magasins, tous les restaurants en ont. Les gens mangent du poisson, regardent le poisson et parlent du poisson. C'est un peu la même chose que dans notre province.

    Je crois que nous pourrions convaincre même les Espagnols qu'il est de leur intérêt de nous appuyer pour faire une gestion durable de ces ressources dont ils ont leur part.

+-

    M. Loyola Hearn: Je n'en doute pas.

    Il est curieux que nous ayons à compter sur l'aide d'organisations internationales pour le bien-être des animaux, comme le Fonds mondial pour la nature, Greenpeace et d'autres, pour transmettre notre message. Ce sont d'habitude ces organisations qui s'acharnent sur nous à cause de la chasse aux phoques.

    Ne croyez-vous pas que c'est notre gouvernement qui devrait s'en occuper? Nous ne devrions pas avoir à attendre de l'aide d'organisations extérieures. Nous sommes une province du Canada. Nous avons une importante ressource qu'il est possible de protéger dans notre intérêt et dans celui du monde, sans parler de l'intérêt du pays. Nous faisons bien mauvaise figure quand nous essayons d'établir notre image de marque dans le monde et de gérer nos ressources. En fait, nous n'avons aucun contrôle sur la gestion des ressources situées en dehors de la zone des 200 milles. Avec une bonne campagne d'information et de bonnes relations publiques, je suis persuadé que nous pourrions obtenir beaucoup plus de coopération qu'à l'heure actuelle dans nos efforts de préservation des stocks de poisson.

    Permettez-moi de vous poser une autre question. Aux réunions de l'OPANO, a-t-on beaucoup parlé des avis scientifiques, ou de leur absence, et de leurs rapports avec la pêche? Quand nous avons rencontré beaucoup des ministres de ces pays en Russie, l'année dernière, ils ont tous dit qu'ils étaient inquiets de l'absence totale de connaissances sur ce qui se passe dans les océans. Si c'est le cas, voilà une autre bonne raison pour laquelle une approche comme la nôtre devrait leur sembler acceptable.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Au cours des réunions auxquelles j'ai assisté, il n'y a eu qu'un seul exposé scientifique, qui traitait d'ailleurs surtout de problèmes environnementaux.

    Le Conseil scientifique de l'OPANO s'était réuni la semaine précédente. Le Conseil fait probablement son travail, mais personne n'écoute ses recommandations. L'année dernière, il avait recommandé un quota de turbot de 40 000 tonnes métriques. Les délégués l'ont fixé à 44 000. Cette année, le Conseil a dit de se limiter à 36 000 tonnes, mais les délégués sont allés jusqu'à 42 000. Par conséquent, ils font abstraction de l'avis des scientifiques, aussi bien ceux de leur Conseil scientifique que ceux du Canada.

    Si vous voulez bien, Loyola, je voudrais revenir à ce que vous disiez au sujet de la campagne d'information. Comme vous le savez tous, la situation financière de notre province n'est pas très brillante. Le printemps dernier, nous étions très fiers d'avoir réussi à réserver un budget de 100 000 $ à la lutte contre la surpêche étrangère. Vous vous demandez sans doute ce qu'on peut faire sur la scène internationale avec 100 000 $. C'est absolument insignifiant, mais nous pensions avoir fait du bon travail à cet égard. Vous assistez à une réunion à Halifax et, comme vous avez dit que vous soulèverez l'idée de la gestion axée sur la conservation, un ministre fédéral décide de venir. Vous demandez alors à l'un de vos collaborateurs combien de personnes accompagnent le ministre. On vous répond: un plein autocar. Simplement parce que j'allais parler de la gestion axée sur la conservation à une réunion de ministres provinciaux, voilà qu'un plein autocar de bureaucrates font le voyage d'Ottawa à Halifax pour m'affronter. Je suis sûr que cela a dû leur coûter autant que l'ensemble du budget que nous avions réservé pour notre compagnie de lutte contre la surpêche.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Collègues, nous venons de terminer le premier tour de table. Compte tenu des obligations du ministre et du fait que nous devons encore entendre M. McCurdy et étudier un rapport, je propose de mettre fin à ce témoignage à moins que quelqu'un n'ait à poser une question vraiment urgente que personne d'autre n'a demandée au ministre.

    Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Je voudrais reprendre la question de M. Efford concernant les observateurs. Le comité a entendu des témoignages à ce sujet, il y a quelques années. Les conditions à bord des navires étrangers ne sont pas particulièrement bonnes. De plus, les observateurs ne sont pas bien rémunérés. Les observateurs canadiens qui, à cette époque, se trouvaient à bord des navires étrangers pêchant dans les eaux canadiennes n'étaient pas très heureux des conditions.

    Pour moi, toute cette affaire des observateurs est très contestable. Je me pose des questions sur leur impartialité. Ils sont censés faire abstraction de leur nationalité et se montrer impartiaux. À mon avis, les observateurs ne peuvent être efficaces que si le soutien dont ils disposent l'est. En d'autres termes, ils dépendent de la supervision que nous assurons grâce à la présence canadienne sur les lieux. Autrement, j'hésiterais à trop me fier à leurs rapports.

    Si tout ce que nous avons réussi à obtenir à la dernière réunion de l'OPANO se limite au maintien des observateurs, avons-nous vraiment obtenu grand-chose?

    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Non, nous n'avons pas obtenu grand-chose.

    Certains de ces pays sont très pauvres. Le représentant de la Bulgarie s'est présenté à la réunion et a demandé s'il pouvaient siéger et voter. C'est parce que la Bulgarie n'a pas payé sa cotisation depuis dix ans et se demandait si on voudrait bien l'autoriser à échelonner ses paiements. Son représentant demandait à être admis aux réunions et, en contrepartie, son pays allait essayer de payer la cotisation. Pour dix ans, le montant en cause était de 170 000 $, ce qui signifie que la cotisation annuelle pour siéger à l'OPANO s'élevait à 17 000 $. La Bulgarie a donc dû envoyer une personne à la réunion pour dire qu'elle n'avait pas les moyens de payer 17 000 $ par an afin de siéger à l'organisation, mais qu'elle voulait quand même voter. Pouvez-vous imaginer un observateur à bord d'un bateau de pêche bulgare? Ces gens veulent surtout trouver quelque chose à manger. Alors, ne leur demandez pas de se soucier de la conservation ou de l'avis du Conseil scientifique de l'OPANO.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous avons beaucoup apprécié votre temps et votre franchise.

    Monsieur Stoffer, avez-vous une dernière question? Ce sera vraiment la dernière.

À  +-(1030)  

+-

    M. Peter Stoffer: Je voulais juste vous souhaiter ainsi qu'à tous les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador un joyeux Noël. Je note que vous...

+-

    Le président: Nous sommes très sensibles à ces sentiments, mais nous devons poursuivre.

    Joyeux Noël à vous, monsieur, et merci beaucoup pour votre temps.

+-

    L'hon. Gerry Reid: Permettez-moi une dernière observation avant de partir. Elle concerne, d'une certaine façon, la question que John a posée au sujet des stocks de crabe.

    Je crois savoir que le MPO n'a détaché à Terre-Neuve que deux spécialistes du crabe, juste deux. Ces experts sont censés suivre la situation de stocks qui valent un demi-milliard de dollars par an pour notre province. Je crois également savoir que le MPO fait l'objet de ce qu'on appelle un examen de programme. Nous savons tous ce que cela signifie.

+-

    Le président: De combien d'experts du crabe pensez-vous avoir besoin?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Nous avons besoin d'un nombre suffisant pour nous renseigner sur la situation des stocks.

+-

    Le président: Avez-vous une idée du nombre?

+-

    L'hon. Gerry Reid: Beaucoup plus de deux.

    De toute façon, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'en parler. Je veux, moi aussi, vous souhaiter tous un joyeux Noël.

+-

    Le président: Merci, monsieur.

    Nous entendrons maintenant M. Earle McCurdy. Il est président de la Fish, Food and Allied Workers Union. Vous vous souviendrez, collègues, que nous l'avons déjà entendu lorsque nous étions à Terre-Neuve pour examiner cette question.

    Vous étiez là, monsieur McCurdy. Vous avez donc entendu ce que le ministre avait à nous dire. Je crois savoir que vous voulez porter à notre attention une question qui ne s'inscrit pas dans le sujet principal dont nous sommes saisis. Je n'y vois pas d'inconvénient. Nous préférons cependant que vous commenciez par nous parler de l'impression que vous ont laissée les dernières réunions de l'OPANO. Vous y avez assisté à titre d'observateur. Nous aimerions beaucoup avoir vos commentaires, aussi brefs ou aussi longs qu'ils soient, sur ce que vous avez vu et entendu, surtout à la lumière de ce que le ministre nous a dit aujourd'hui.

    La parole est à vous.

+-

    M. Earle McCurdy (président, « Fish, Food and Allied Workers Union »): Merci, monsieur le président.

    Puisque j'ai comparu devant le comité, il y a quelques mois, je suppose que vous vous souvenez des déclarations que j'ai faites sur les conséquences de la surpêche étrangère. Je ne vais donc pas m'attarder sur cet aspect, à moins que vous ne me le demandiez. Il est clair que la surpêche a eu des effets dévastateurs sur des milliers d'emplois et des centaines de collectivités de notre province. C'est la région du pays qui subit le plus gros des effets de ce problème, et de loin, puisque c'est là que la pêche se fait.

    Pour ce qui est du rapport du comité, je tiens bien sûr à vous féliciter. Comme M. Reid, j'ai été extrêmement... Je voulais dire déçu, mais le mot n'est pas assez fort. Pour vous dire la vérité, j'étais absolument furieux quand le ministre a rejeté avec mépris le rapport 24 heures après sa parution. C'était inexcusable.

    Je l'avais rencontré deux semaines plus tôt avec M. Reid et le président de l'association des transformateurs de poisson de ma province. Nous avons en particulier parlé de la gestion axée sur la conservation. Nous avons essayé de lui expliquer ce qu'elle signifiait pour nous. Les observations de M. Reid décrivent bien ma conception de cette forme de gestion. Le ministre nous a donné toute une flopée de raisons pour lesquelles il ne pouvait pas se ranger à notre avis. Nous lui avons dit: «Écoutez, monsieur le ministre, quoi que vous fassiez, ne rabaissez pas cette initiative en public. Nous nous apprêtons à assister à une réunion de l'OPANO. Nous aurons affaire à d'autres pays. Alors, s'il vous plaît, laissez-nous les coudées franches.»

    En fait, vous savez ce qu'il en est. Vingt-quatre heures après, il a fait une déclaration qui, je pense, a beaucoup nui à la crédibilité de notre délégation à l'OPANO. Elle a certainement nui à M. Chamut, qui dirigeait la délégation. Et, même s'il a mentionné la gestion axée sur la conservation, il n'a fait que dire qu'on en a parlé ici et qu'elle faisait l'objet de recommandations du comité parlementaire. Oui, je crois qu'il a mentionné le comité et peut-être la province, mais c'était seulement dans ce contexte. Bien sûr, le chef de la délégation ne peut agir qu'en fonction des instructions du ministre.

    Cette réaction été bien plus que décevante pour deux raisons: d'abord, parce qu'il s'agit d'une question de fond qu'il ne s'est même pas montré disposé à examiner; ensuite, parce que cela revenait à dire aux autres pays: «Ne vous inquiétez pas de nous. Ce qui est arrivé en 1995 n'était qu'une aberration.»

    Il y a certain questions sur lesquelles nous avons réalisé des progrès à la réunion de l'OPANO. Il n'en reste pas moins que la réunion... J'ai distribué un communiqué que j'avais publié à ce moment pour faire connaître mes vues immédiatement après la rencontre. C'était le dernier jour de la réunion, je crois. Il y avait un certain nombre de points sur lesquels nous avons avancé. Les représentants du Canada ont en outre présenté un excellent exposé. C'est M. Chamut qui l'a présenté, mais il avait été préparé par les agents de mise en oeuvre qui ont enquêté sur les infractions. Toutefois, les déclarations du ministre ont beaucoup affaibli l'effet qu'aurait pu avoir cet exposé. Chacun savait, en effet, qu'il ne courait vraiment aucun risque en n'en tenant pas compte.

    Au sujet des observateurs, il est évident qu'il y aura d'autres attaques sur ce front au cours des prochaines réunions. Et même si je partage les préoccupations exprimées au sujet de l'insuffisance du programme des observateurs, du moins en ce qui concerne quelques-uns des pays membres de l'OPANO, il n'en reste pas moins que l'information diffusée par le Canada comportait beaucoup de détails sur les bateaux et les pays en infraction, qui étaient tous tirés des rapports des observateurs.

    Je crois savoir en fait que les rapports provenant de l'UE sont l'oeuvre d'observateurs authentiques d'une nationalité autre que celle du bateau de pêche. C'était jusqu'ici leur façon de procéder. Certains pays sont meilleurs que d'autres et certains observateurs ne sont que des membres d'équipage à peine déguisés. Il y en a donc de toutes les sortes.

    Je crois vraiment—et je l'ai dit à M. Chamut et à d'autres—que le Canada devrait envisager de placer des observateurs canadiens à bord. Si cela coûte quelque chose, ce sera le prix à payer pour garder notre souveraineté. Je ne crois pas d'ailleurs que ce prix soit exorbitant, loin de là.

    Il y a deux questions qui m'ont vraiment dérangé à cette réunion. La plus importante était le quota de turbot, et l'autre, le flétan noir. C'était inexcusable. Les pays de l'OPANO ont pêché au-delà de ce que les scientifiques recommandaient. Cela s'est traduit par des prises sensiblement réduites pour les petits et moyens bateaux de pêche de notre province. Beaucoup de pêcheurs ont renoncé au turbot parce qu'il n'était pas rentable d'engager des poursuites. Cela signifiait moins de revenus pour les pêcheurs et moins de travail—du travail dont on avait pourtant grand besoin—dans les usines de transformation.

À  +-(1035)  

    Dans le cas du turbot, nous avions une occasion en or dans les années 90. Les stocks étaient prometteurs, mais l'inefficacité de l'OPANO fait que l'avenir est très incertain. Je crois que la réunion tenue en Espagne justifie clairement la recommandation de votre comité concernant la gestion axée sur la conservation. Rien de ce qui s'est passé en Espagne ne pourrait vous amener à reconsidérer votre point de vue.

    En ce qui concerne la gestion axée sur la conservation et la façon dont elle a été présentée, la décision était politique. Il n'appartenait pas à un pauvre bureaucrate de décider. Le ministre dit oui ou non, et le chef de la délégation est en pratique tenu de se conformer aux instructions.

    À mon avis, la fermeture des ports était nécessaire. D'après mes entretiens avec les agents de mise en oeuvre du MPO, l'Estonie en particulier a accepté un certain nombre de choses. Cette année, pour ce qui est de l'activité de pêche des deux pays dans la zone en cause, les responsables du MPO m'ont dit que les Féroïens n'ont qu'une seule journée de pêche à la crevette et au krill, par rapport à beaucoup plus l'année dernière. De plus, l'Estonie s'est montrée clairement désireuse de s'amender et accepterait même la présence d'observateurs canadiens à bord de ses bateaux. Cette question est en discussion. Je crois que ce serait un moyen efficace, mais non suffisant. Toutefois, nous devrions recourir à cette mesure le plus souvent possible.

    Il y a un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec M. Reid. Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'une campagne d'information en faveur de la gestion axée sur la conservation permettrait aux autres pays de comprendre ce que nous voulons faire. Pour être tout à fait franc, je ne pense pas, comme lui, que la plupart des gens sont rationnels. Je deviens cynique en vieillissant. En fait, je pense que la logique est passée de mode.

    Quoi qu'il en soit, je crois que cela devrait faire partie de nos objectifs, mais il faudrait que ce soit l'une des plus hautes priorités de la Chambre et du gouvernement canadien, sans quoi cette campagne n'aurait aucune chance de réussir. Les autres pays doivent être sensibilisés au fait que c'est une question hautement prioritaire pour nous.

    J'ai entendu M. Stoffer dire que Terre-Neuve devrait se joindre à l'UE. En fait, nous avons notre propre plan, qui consisterait à envahir Saint-Pierre, puis à nous rendre immédiatement. Voilà comment nous devrions procéder.

    Un dernier point pour terminer, monsieur le président. Vous avez dit d'avance que j'avais une autre question à soulever. Je crois que, d'une manière différente, cette question pourrait à long terme constituer pour nos collectivités côtières une menace aussi importante que ce dont nous parlons aujourd'hui. C'est l'érosion du secteur des propriétaires-exploitants indépendants. Quelques-uns de mes collègues représentant d'autres organisations de pêcheurs des cinq provinces de l'Est sont présents. Je crois que le représentant de l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas pu venir parce qu'il avait d'autres engagements. Mais nous avons ici des représentants du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse qui sont très inquiets de l'orientation que prend le ministère dans son examen de la politique sur les pêches de l'Atlantique.

    Nous espérons disposer de quelques minutes pour introduire cette question aujourd'hui, en espérant avoir l'occasion de développer nos arguments à l'avenir. Nous tiendrons une conférence de presse dans un peu plus d'une heure sur ce sujet. Nous pensons en effet que toute la structure de la pêche dans notre pays sera menacée à l'avenir. C'est une question que votre comité devrait examiner très sérieusement.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Je voudrais vous donner tout de suite l'occasion de présenter vos arguments sur ce point pour que nous puissions ensuite vous poser des questions sur les deux sujets.

+-

    M. Earle McCurdy: Oui, si les autres sont prêts. Permettez-moi tout d'abord de présenter brièvement nos collègues: François Poulin, de l'Alliance québécoise de...

+-

    Le président: Juste un instant, monsieur McCurdy.

    Invoquez-vous le Règlement, monsieur Efford?

+-

    M. R. John Efford: Oui. Je trouve un peu difficile de parler à la fois de l'OPANO et de la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Ne pourrions-nous pas en discuter séparément, en commençant par l'OPANO et la gestion axée sur la conservation? M. McCurdy a tout à fait raison de dire que la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique est un sujet très sérieux. Je ne veux donc pas mélanger les deux.

+-

    Le président: C'est très bien, si vous préférez procéder ainsi, tant que nous donnons à ces messieurs l'occasion d'aborder le sujet. Je vais cependant être très strict pour ce qui est du temps de parole.

    À vous, monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Monsieur McCurdy, je vous remercie beaucoup de votre exposé, qui confirme en grande partie ce que nous pensions.

    J'aimerais avoir vos commentaires sur le processus de décision de l'OPANO et ses effets sur la gestion axée sur la conservation. Pour vous expliquer ce que je veux dire, je vais vous donner un bref exemple de la gestion bureaucratique faite sur la côte ouest du Canada.

    L'été dernier, on discutait de la question de savoir s'il fallait ou non autoriser la pêche au filet maillant sur le Fraser: 41 personnes étaient assises autour de la table pour prendre la décision. Quand il s'est révélé impossible d'en arriver à un consensus, ces personnes ont tenu un vote. Pourtant, parmi les personnes qui votaient, il y en avait qui n'avaient vraiment pas une connaissance suffisante du sujet.

    Il me semble qu'à l'OPANO, la situation est en gros la même. Nous avons 17 groupes assis autour de la table et, comme le ministre a dit, chacun d'eux veut sa part du gâteau et a ses propres objectifs. J'ai l'impression que les décisions de gestion fondées sur la science constituent le dernier de leurs soucis. N'est-ce pas là une autre raison pour laquelle la gestion axée sur la conservation est presque un impératif?

+-

    M. Earle McCurdy: Je suis bien d'accord. Mon point de vue est peut-être désuet mais, pour moi, la nature des pêches est telle que les gens ont besoin de savoir qu'il y a un agent de police qui les surveille, que cet agent est inflexible et qu'il ne tolérera aucun écart de leur part. À défaut, aucun contrôle n'est possible.

    Même chez nous, si la façon de fixer les quotas consistait à réunir les pêcheurs autour d'une table et à leur demander de voter, nous aurions aussi la pagaille. La structure actuelle de l'OPANO est frustrante. Les bons jours, elle ne mène à rien. Les mauvais, elle est désastreuse. À mon avis, la formule de l'OPANO ne peut pas fonctionner. Beaucoup des décisions qu'on a mentionnées comme des réalisations ou des gains pour le Canada ne représentent, au mieux, que le maintien de la part que nous avons toujours eue. Nous n'avons pas vraiment réussi à faire en sorte que les pays membres acceptent les recommandations des scientifiques concernant les stocks. Dès qu'une certaine quantité de poisson est en jeu, je peux vous dire que la conservation est vite oubliée.

+-

    M. John Cummins: Autrement dit, il faut que quelqu'un soit responsable des pêches, et ce quelqu'un devrait être le Canada parce que c'est pour nous que l'enjeu est le plus important. Nous contrôlons la plus grande partie des bancs et sommes les mieux placés pour prendre de bonnes décisions au sujet des stocks.

+-

    M. Earle McCurdy: Oui, car c'est notre plateau continental. Un accident géologique a fait que notre plateau s'étend au-delà de la zone de 200 milles. Presque partout dans le monde, cette distance est suffisante pour englober tout le plateau continental. Il n'y a qu'une demi-douzaine d'endroits où ce n'est pas le cas. Malheureusement pour nous, nous sommes à l'un de ces endroits

+-

    Le président: Autre chose, monsieur Cummins?

    Monsieur Roy, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président. J'aimerais que vous me disiez si je résume bien votre intervention. Vous êtes arrivé tout à fait désarmé devant l'OPANO lors de la dernière rencontre parce que le ministre avait réagi trop rapidement au rapport du Comité des pêches et des océans. Vous considérez l'OPANO comme un organisme non efficace qui ne deviendra efficace que le jour où il n'y aura plus de ressources.

    Êtes-vous d'accord avec toutes les recommandations faites en mai par le comité à l'égard de la surpêche?

À  +-(1045)  

[Traduction]

+-

    M. Earle McCurdy: Très franchement, je me suis surtout intéressé aux recommandations relatives à la gestion axée sur la conservation et au retrait de l'OPANO. Pour moi, ces deux mesures doivent être prises dans cet ordre. Malgré tous les défauts de l'organisation, quitter l'OPANO en premier avant d'avoir établi un autre régime de gestion serait parfaitement ridicule.

    Je ne dirais pas que nous étions mal préparés en allant aux réunions. En fait, je dirais plutôt que les responsables canadiens, c'est-à-dire les fonctionnaires, les agents de mise en oeuvre, etc., étaient très bien préparés. Nous avons tenu de nombreuses séances de stratégie avant d'y aller, mais les déclarations publiques du ministre ont sapé tout le travail fait par la délégation. Elles revenaient à dire aux autres pays: Ne vous inquiétez pas trop, nous n'essayons pas vraiment de vous menacer. Voilà où résidait le problème.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Selon vous, une solution de rechange est nécessaire. Avez-vous une proposition à faire? Si le ministre avait adopté une résolution, comme on l'affirmait, et qu'on se retirait de l'OPANO d'ici une année si ça ne marche pas, auriez-vous une solution de rechange à proposer?

[Traduction]

+-

    M. Earle McCurdy: Personne à Terre-Neuve, vraiment personne, à part ceux qui s'occupaient du déchargement des bateaux de pêche étrangers, ne serait opposé à l'extension de notre champ de compétence. Il s'est formé un consensus au sujet de la gestion axée sur la conservation parce que cet objectif semblait plus réalisable. Nous devrions donc continuer à le poursuivre. C'est vraiment malheureux que le plus haut responsable canadien chargé de cette question, c'est-à-dire le ministre, ait pris position comme il l'a fait. Je crois qu'il faudrait reprendre la discussion à cet égard.

    Quoi qu'il en soit, je suis persuadé qu'il serait insensé de quitter l'OPANO sans avoir un bon plan de rechange. Nous n'avons en place aucun régime et aucune règle. Tant que le Canada n'aura pas dit qu'il a l'intention d'arrêter les bateaux qui font la pêche dans cette zone, l'OPANO demeure le meilleur choix que nous ayons. Je ne suis pas d'accord avec le ministre quand il dit que la seule solution est de faire de notre mieux pour négocier au sein de l'OPANO. J'ai assisté pour la première fois à une réunion de l'OPANO en 1983. J'ai assisté également à presque toutes celles qui ont suivi. Je peux vous affirmer qu'il n'y a rien de plus frustrant que de se plier à ce processus assommant en sachant parfaitement que personne ne se soucie vraiment de la conservation des stocks.

+-

    Le président: Monsieur Cuzner.

+-

    M. Rodger Cuzner: J'ai deux brèves questions à poser.

    Vous avez mentionné, dans votre communiqué de presse, le fait que les réunions ont abouti à certains progrès grâce à l'adoption de quelques mesures techniques qui, à votre avis, auront certains effets. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

    Ensuite, le ministre a dit qu'il irait à Terre-Neuve, en février, je crois, pour tenir des tables rondes concernant particulièrement la gestion axée sur la conservation. Comment sera-t-il accueilli? Oh, ce n'est pas vrai?

+-

    M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): Je ne crois pas. La question est à l'étude, mais je ne pense pas qu'on parlera de la gestion axée sur la conservation. Du moins, personne ne l'a confirmé.

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur Matthews. À la page 1 de la réponse, on peut lire ce qui suit: « [Le ministre] a annoncé la tenue d'un forum de discussion sur l'amélioration de la conservation et de la gestion des stocks chevauchants de la côte Est du Canada.» Nous avons interrogé M. Chamut à ce sujet. C'était une annonce qui était faite dans la réponse. Je suppose donc que vous avez raison. Je ne suis cependant pas sûr que le lieu et la date ont été fixés.

    Mais laissons M. Cuzner finir sa question.

    Allez-y.

+-

    M. Rodger Cuzner: Nous croyons donc que le ministre a annoncé qu'il irait à St. John's tenir une table ronde. Croyez-vous que ce soit utile? J'aimerais savoir ce que vous en pensez parce que vous êtes très pragmatique et que vous constatez que les choses vont très lentement. Croyez-vous que les membres de l'industrie resteront sceptiques et qu'ils se diront: nous voilà repartis pour un autre spectacle qui ne mènera nulle part?

+-

    Le président: Monsieur Cuzner, votre question est tendancieuse. Nous verrons bien s'il mordra à l'hameçon.

+-

    M. Rodger Cuzner: Je n'ai pas l'impression que M. McCurdy se laisse souvent mener par le bout du nez.

+-

    M. Earle McCurdy: Pas si je n'en ai pas envie.

    J'aurais souhaité que le ministre dise cela en réponse au rapport du comité. Cela aurait fait une bonne réponse, je crois, s'il avait annoncé que l'étape suivante consisterait en une table ronde.

    Si j'ai bien compris, le ministère invite des gens qu'il appelle des experts. Pour nous, à 100 km de chez lui, un expert n'est qu'un imbécile. Quoi qu'il en soit, le ministère invite les gens qui connaissent bien le domaine à se prononcer sur les considérations de droit international entourant la gestion axée sur la conservation et, d'une façon générale, sur la gestion des pêches au large des côtes. Cela aurait fait une excellente réponse initiale. Le ministre aurait pu dire: «Écoutez, ces activités sont inacceptables. Nous allons donc procéder à un examen de la situation.» Il a plutôt choisi de rejeter avec mépris la proposition. Cela va certainement réduire tout effet que l'annonce aurait pu avoir et susciter du cynisme, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas autrement.

    Cela étant dit, je ne m'oppose pas du tout à ce genre de consultations.

    Si, en 1995, on avait demandé aux avocats s'il convenait d'ouvrir le feu sur l'Estai, ils auraient sûrement répondu non. La plupart des dispositions du droit international sont adoptées parce que des pays ont décidé de les mettre en oeuvre. Il y a quelque temps, nous n'avions des droits exclusifs que dans une zone de trois milles. Petit à petit, les pays ont pris des mesures directes pour défendre leur souveraineté et étendre, du même coup, la portée du droit international.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Avez-vous autre chose, monsieur Cuzner?

+-

    M. Rodger Cuzner: Oui, au sujet des aspects techniques...

+-

    M. Earle McCurdy: C'est un peu comme ce vieux cliché disant que l'intervention a réussi, mais que le patient est mort.

    À l'OPANO, il y a eu des cas de conformité et des choses qui auraient dû être faites depuis longtemps. L'OPANO a progressé à une vitesse de tortue relativement à certaines de ces mesures techniques, comme la façon d'inscrire les prises fortuites, etc. Il y a eu des mesures qui étaient en soi positives, mais quand on considère le tout, notamment dans le contexte de la décision concernant le quota de turbot—qui était vraiment inadmissible compte tenu des recommandations scientifiques—ainsi que dans le contexte du nombre incalculable de violations que le Canada a documentées, il est clair que les décisions positives et les améliorations apportées ne pourront jamais résoudre le problème.

    Il s'agit néanmoins de mesures importantes, et beaucoup de travail s'est fait en prévision de leur adoption. Dans un contexte de conformité, de respect des règles et de fixation de quotas fondés sur les avis scientifiques, ce sont de très bonnes mesures. Toutefois, le contexte général en réduit considérablement la portée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cuzner.

    Y a-t-il des questions des députés de l'Alliance canadienne? Du NPD?

    Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Earle, j'ai demandé au ministre s'il avait eu l'occasion de parler à M. Chamut. La raison pour laquelle j'ai posé la question est que je ne crois pas qu'il ait imaginé cela tout seul. Il a dû être conseillé, je suppose, par ses collaborateurs du ministère.

    Vous connaissez sans doute M. Chamut aussi bien que n'importe qui d'autre. Vous et lui vous êtes occupés de différents aspects de la pêche depuis très longtemps. Avez-vous eu l'occasion de discuter avec M. Chamut ou avec d'autres responsables du ministère de vos préoccupations concernant la gestion axée sur la conservation?

+-

    M. Earle McCurdy: Oui. En fait, je l'ai fait la dernière fois au cours d'une réunion à laquelle assistaient M. Reid, M. O'Reilly, le président de l'Association des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador, le ministre et M. Chamut. Je crois qu'une ou deux autres personnes étaient également présentes. C'était probablement le 3 ou le 4 juin, deux semaines environ avant que le ministre ne rejette votre rapport avec tant de désinvolture.

    C'était juste l'une des fois où nous avons eu l'occasion de parler de toute la question de nos mésaventures avec l'OPANO, des solutions de rechange possibles, etc.

+-

    M. Peter Stoffer: Pensez-vous que M. Chamut et les autres responsables sont au moins disposés à collaborer avec des groupes comme le vôtre au sujet de la gestion axée sur la conservation? Ou bien disent-ils, comme le ministre, qu'il vaut mieux ne pas y penser?

+-

    M. Earle McCurdy: C'est une décision politique. Les fonctionnaires tiennent leurs instructions du ministre. Après sa réponse initiale, il était clair que l'affaire était compromise. Quand le ministre fait ce genre de déclaration, ses collaborateurs n'ont pas vraiment le choix.

    Je ne sais pas quelles instructions il a pu donner en privé. Je ne crois pas me tromper en disant qu'il partage pour une grande part notre frustration concernant l'OPANO. Toutefois, pour une question de ce genre, les fonctionnaires doivent se conformer aux instructions du ministre parce que c'est une affaire politique. Le ministre aurait dû leur dire: «Nous devons sérieusement explorer cette possibilité. Ce qui se passe actuellement est inacceptable.» Il devrait demander à ses collaborateurs de lui proposer des solutions de rechange et d'examiner la gestion axée sur la conservation. Au lieu de se limiter à donner les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas agir, il devrait chercher des moyens de nous permettre au moins d'essayer. S'il ne fait rien de tout cela, il ne reste plus beaucoup de choix aux fonctionnaires.

+-

    M. Peter Stoffer: Dans votre communiqué, vous exprimez des préoccupations au sujet du flétan noir. Nous savons que les stocks de morue sont compromis, de même que les stocks de saumon sauvage. Croyez-vous que si la situation actuelle des quotas de flétan noir ne change pas, cette espèce aussi risque l'extinction?

+-

    M. Earle McCurdy: Je n'irai pas jusqu'à parler d'extinction.

À  +-(1055)  

+-

    M. Peter Stoffer: En voie de disparition, alors.

+-

    M. Earle McCurdy: Les stocks sont menacés. Nous avons eu de bonnes prises au milieu des années 90. D'après les avis scientifiques, les stocks étaient prometteurs, et pas seulement pour ce qui est de la quantité de poisson. Cependant, les propositions canadiennes relatives aux restrictions de profondeur qui auraient limité les prises fortuites, etc. ont été rejetées. Ce sont des considérations techniques, mais nos recommandations étaient valides. Malheureusement, l'OPANO n'a pas voulu écouter notre avis quant aux mesures techniques nécessaires pour minimiser les prises fortuites, la capture d'alevins, etc.

    Nous avons la même situation dans notre province en ce qui concerne la pêche au filet maillant. Cette année, les prises de turbot ont été très décevantes pour les pêcheurs côtiers. Je crois honnêtement que cela est surtout attribuable à la fixation de quotas supérieurs à ceux que recommandaient les scientifiques.

+-

    M. Peter Stoffer: Si le ministre va effectivement à Terre-Neuve pour tenir des tables rondes concernant la gestion axée sur la conservation et d'autres aspects des pêches, quels conseils auriez-vous à lui donner avant qu'il n'arrive à Terre-Neuve-et-Labrador?

+-

    M. Earle McCurdy: C'est une bonne question. Je lui suggérerais certainement de relire votre rapport.

+-

    M. Peter Stoffer: Je voulais juste savoir ce que vous en pensiez. De toute façon, joyeux Noël.

+-

    M. Earle McCurdy: Et vous de même. Je ne réponds pas aux questions hypothétiques.

+-

    Le président: Merci, monsieur McCurdy.

    Monsieur Efford.

+-

    M. R. John Efford: Merci, monsieur le président. Je vais présenter quelques observations. Ensuite, quelqu'un comme Rodger voudra peut-être répondre.

    Tout d'abord, Earle, comme je l'ai souvent dit dans le passé, l'OPANO n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais. C'est un peu comme le renard chargé de garder le poulailler. Il acceptera de faire quelque chose, mais, dès que vous aurez le dos tourné, vous savez bien ce qu'il fera. Nous avons besoin d'une volonté politique.

    Ce que j'ai appris au fil des ans, pendant mon mandat comme ministre à Terre-Neuve et dans mes fonctions de député à Ottawa, c'est que la bureaucratie du MPO et des Affaires étrangères constitue un obstacle majeur. Un ministre fort arriverait peut-être à surmonter cet obstacle, mais il n'y a pas de doute que c'est un grand problème.

    Je sais que vous approuvez certaines des choses qui se sont faites aux réunions de l'OPANO cette année, mais cela ne signifie pas que tout va bien, loin de là. Vous l'avez déjà dit.

    Vous avez été dans ces pays. À votre avis, quel est le plus grand obstacle: persuader le gouvernement canadien ou le ministre de la nécessité d'établir la gestion axée sur la conservation, ou bien convaincre les pays étrangers? Personnellement, j'ai l'impression que notre plus grand problème se trouve ici même, dans notre pays.

+-

    M. Earle McCurdy: Comment toucher les pays étrangers quand nous n'arrivons pas à convaincre notre propre gouvernement? Je crois que ces pays respectent une conduite ferme. Le comportement des pays membres de l'OPANO dans les années 80 et au début des années 90 a été absolument scandaleux. Pour illustrer l'argument présenté à la réunion précédente, j'ai apporté un filet qui prend les tout petits poissons.

    Ces poissons représentent ce que nous aurions dû pouvoir pêcher aujourd'hui. Nous avons des stocks non seulement de morue, mais aussi de plie canadienne, qui est un genre de limande. Nous avions l'habitude d'en prendre 55 000 tonnes, ce qui représente 120 millions de livres par an qui allaient aux usines canadiennes de transformation. Tout cela a disparu. Cette année, le quota est nul. Le problème, c'est que les poissons ont été pris quand ils étaient tout petits. On ne leur a pas permis de grandir pour atteindre cette taille.

    La conduite de certains pays membres de l'OPANO, est particulièrement des Européens, a été vraiment honteuse. De 1995 à 1998 ou 1999, les choses se sont améliorées par suite des affrontements occasionnés par ce qu'on a appelé les guerres du turbot. Ensuite, petit à petit, les écarts ont recommencé. Au lieu d'intervenir pour les faire cesser, nous les avons tolérés. Bien sûr, ce qui s'est passé cette année a dû vraiment les réjouir, surtout quand le ministre a dit: «Ne vous souciez pas de la gestion axée sur la conservation.»

    Pour ce qui est du ministère des Affaires étrangères, la différence, en 1995, était apparemment que le ministre des Pêches avait plus de prestige que le ministre des Affaires étrangères, car ce dernier s'opposait avec véhémence aux mesures qui ont finalement été prises. Normalement, le ministère des Affaires étrangères constitue un obstacle très important. Il s'inquiète tellement de nos relations avec les autres qu'il en oublie les intérêts des Canadiens.

+-

    Le président: Monsieur Efford, une seule autre question.

+-

    M. R. John Efford: Oui, j'en ai deux petites.

    Earle, croyez-vous que nous ayons suffisamment insisté sur le fait que ces stocks de poisson, à l'intérieur comme à l'extérieur de la zone de 200 milles, servent à nourrir le monde? Nous avons parlé des pertes d'emplois et de revenus dans les collectivités de Terre-Neuve et du Labrador. Bien sûr, il était essentiel de le faire. Mais, en qualité de parlementaires, de responsables du gouvernement ou de représentants de l'industrie, avons-nous suffisamment insisté sur le fait que ces stocks font partie de la chaîne alimentaire mondiale?

    Enfin, si nous n'agissons pas assez vite... En fait, j'ai présenté cela différemment au ministre, mais de combien de temps disposons-nous à Terre-Neuve avant qu'une catastrophe majeure s'abatte sur nous, une catastrophe encore plus dévastatrice que celle de 1992? Combien de temps faudrait-il attendre encore avant que le gouvernement fédéral, le ministre fédéral et les autorités compétentes prennent les mesures voulues?

Á  +-(1100)  

+-

    M. Earle McCurdy: En réponse à votre première question, je dirais qu'il est toujours important de souligner que la pêche n'est pas une industrie comme les autres, qu'elle met en cause la production alimentaire et qu'elle sert à nourrir un monde affamé. Nous devrions tous en faire davantage dans ce domaine. C'est une chose que nous devons toujours garder à l'esprit et que nous devons constamment rappeler aux gens.

    Pour ce qui est de votre seconde question, nous sommes très vulnérables et très exposés en ce moment. Même si l'OPANO devait, du jour au lendemain, se repentir et accepter la gestion axée sur la conservation, nous devrons attendre très longtemps avant d'en arriver au point où nous pourrons vraiment prendre plus de poisson. Il n'y aura pas de résultats rapides. Nous ne ferons qu'arrêter l'hémorragie et donner aux stocks une chance de se rétablir à un moment donné de l'avenir, pourvu qu'il ne soit pas déjà trop tard. De toute façon, il n'existe pas de solution instantanée. Quelques stocks dont nous dépendons, et surtout le crabe, sont très vulnérables aux genres de fluctuations qui sont assez normales dans le cas de ressources de cette nature.

+-

    Le président: M. Farrah est le dernier de la liste pour les questions relatives à l'OPANO. C'est exact?

    À vous, monsieur Farrah.

[Français]

+-

    M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur McCurdy, soyez le bienvenu devant le comité. J'ai deux questions à poser.

    Premièrement, étant donné la situation actuelle de certains stocks de morue, le ministre examine la possibilité d'imposer un moratoire. Voyez-vous un lien entre la diminution de ces stocks et la surpêche dans les eaux internationales, au-delà de la limite des 200 milles?

[Traduction]

+-

    M. Earle McCurdy: La morue du Nord est la seule espèce pour laquelle ce lien est évident. En 1990 ou 1991, je crois, les prises européennes de morue du Nord en dehors de la zone de 200 milles ont probablement dépassé le triple de la totalité des prises canadiennes depuis. Ces stocks ont été exploités sans merci par les flottes de pêches étrangères depuis le milieu des années 50 jusqu'en 1992. Il est évident que la surpêche a dévasté ces stocks qui, à un moment donné, étaient les plus importants du monde. Dans ce cas, il y a un lien direct. D'autres facteurs ont joué, mais la surpêche étrangère incessante a sûrement été l'élément dominant.

    Dans le cas des autres, et notamment les stocks du golfe, le lien est assez ténu. La surpêche a donc essentiellement touché la morue du Nord.

[Français]

+-

    M. Georges Farrah: Dans l'éventualité où le ministre serait obligé d'imposer un moratoire, seriez-vous d'accord sur cette décision?

[Traduction]

+-

    M. Earle McCurdy: Voilà une question dont j'aimerais avoir le occasion de parler au comité à un moment donné.

    Non, je ne serais pas d'accord pour l'imposition d'un moratoire. Je crois qu'il serait possible de prendre d'autres mesures. Par exemple, nous élaborons un plan pour le nord du golfe qui imposerait de sévères restrictions et serait compatible avec les objectifs de conservation. Si un moratoire est déclaré, je ne m'attends pas à vivre assez longtemps pour assister à la réouverture des pêches.

    Je crois qu'il y a beaucoup de questions qui se posent. Il est difficile de répondre à celle-ci sans prendre le temps de donner quelques explications. La situation est complexe. J'espère que le comité s'intéressera à ce sujet, peut-être à votre retour dans la nouvelle année.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Farrah, une dernière question.

+-

    M. Georges Farrah: Ma dernière question porte sur l'OPANO.

    Vous me dites que dans l'éventualité où le ministre serait dans l'obligation d'imposer un moratoire en raison d'avis scientifiques, vous ne seriez pas nécessairement d'accord. Vous dites cependant qu'en ce qui a trait aux stocks de turbot, on aurait dû respecter l'avis scientifique, mais qu'on ne l'a pas respecté et qu'on a augmenté les quotas. Donc, dans le cas d'un moratoire, il n'est pas important que le ministre respecte les avis scientifiques, mais pour l'implantation du turbot, au niveau de l'OPANO, on n'a pas respecté les avis scientifiques et on a augmenté les quotas. Vous disiez que vous n'étiez pas d'accord sur cela. Cela m'apparaît incohérent, et j'aimerais avoir une clarification. On n'est pas au tribunal. Je ne veux pas vous mettre en boîte; je veux simplement avoir une clarification. Dans le cas de l'OPANO, l'avis scientifique est important, mais l'avis scientifique pour le ministre, au niveau de la morue du golfe, ne l'est pas. Je veux que vous clarifiiez cela.

Á  +-(1105)  

[Traduction]

+-

    M. Earle McCurdy: Je ne dirais certainement pas que l'avis des scientifiques n'est pas important, mais il faut que les gens soient conscients de certains aspects de leurs recommandations. C'est la raison pour laquelle j'aimerais avoir l'occasion d'en parler plus longuement.

    Je vous donnerai comme exemple deux questions que nos représentants ont récemment posées aux scientifiques qui s'occupent de la gestion du golfe. La première était la suivante: si nous n'avions pas pris de la morue dans le golfe dans les cinq dernières années, quel en aurait été l'effet sur les stocks actuels, compte tenu de l'évaluation scientifique de la mortalité naturelle? Réponse: très peu d'effet, peut-être 2 000 tonnes.

    Voici la seconde question: si nous arrêtions complètement la pêche à la morue et que le niveau actuel de mortalité naturelle se maintienne de grâce aux amis de John Efford, les phoques, y a-t-il une chance quelconque que les stocks se rétablissent? Réponse: non.

    À mon avis, il serait ridicule d'accepter telle quelle et sans autre contexte une recommandation des scientifiques préconisant d'arrêter la pêche parce que les stocks ont baissé d'une façon alarmante.

    Je vais être franc: les avis scientifiques concernant le nord du golfe sont surtout politiques. Je crois qu'il y a aussi des faiblesses de méthodologie. De plus, de nombreux facteurs interviennent d'une manière imprévisible. Il faudrait beaucoup de temps pour en parler, mais le sujet en vaut la peine.

    Oui, il faut écouter les avis scientifiques, mais on doit le faire avec un grain de sel. Dans les années 80, les scientifiques nous ont donné des conseils qui ne tenaient pas du tout compte d'indices très sérieux venant des pêcheurs sur place. Aujourd'hui, ont révise beaucoup les théories scientifiques pour expliquer le phénomène. Les gens blâment les politiciens, en disant qu'ils n'ont pas tenu compte des avis scientifiques. L'argument est intéressant, mais, dans le cas de la morue du Nord, par exemple, aucun ministre n'a jamais fixé un quota dépassant les recommandations des scientifiques depuis 1989, année où les dégâts se sont produits.

    Il est parfois commode de blâmer les politiciens. J'étais là et j'ai écouté les scientifiques rejeter les arguments des pêcheurs à engins fixes qui disaient qu'ils avaient besoin de plus de filets pour prendre moins de poisson et que les prises étaient de plus en plus petites. C'était généralisé. Ils ont dit non, nous avons des formules mathématiques, et tout ira bien. C'est la même chose à l'OPANO. Il faut toujours examiner les avis scientifiques avec un esprit critique.

    Personnellement, je ne crois pas beaucoup aux nombres exacts qu'ils produisent à l'aide de formules savantes, car leurs résultats dépendent fondamentalement des hypothèses de départ. Par exemple, si vous supposez que le taux de mortalité naturelle est de 30 p. 100 au lieu de 40 p. 100, l'avis scientifique sera totalement différent. Or il n'y a aucun moyen de déterminer avec précision le taux de mortalité naturelle.

    Le domaine est très complexe. Je voudrais vraiment avoir l'occasion d'en discuter davantage à un autre moment.

+-

    Le président: Nous en avons terminé avec l'OPANO.

    À quelle heure tenez-vous votre conférence de presse, monsieur McCurdy?

+-

    M. Earle McCurdy: À midi.

+-

    Le président: Dans ce cas, je ne crois pas que nous ayons du temps pour une pause, monsieur Cummins, parce que nous devons lui donner la possibilité d'aborder son autre sujet.

    Nous allons maintenant passer à autre chose. M. McCurdy et son équipe vont prendre quelques minutes pour présenter un exposé – très concis, s'il vous plaît – sur l'autre question qui les intéresse, la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique.

+-

    M. Earle McCurdy: Je vous remercie, monsieur le président.

    Permettez-moi de présenter mes collègues: Sandy Siegel, de l'Union des pêcheurs des Maritimes; Leonard LeBlanc, du Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board; François Poulin, de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec—vous avez probablement remarqué que nous ne sommes pas une province bilingue—; et Jean Saint-Cyr, de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels, ou FRAPP, qui est l'organisation des pêcheurs semi-hauturiers du Nouveau-Brunswick.

    Nous avons tous assisté—sauf François, je crois, dont l'organisation était représentée par quelqu'un d'autre—à une réunion de ce qu'on appelle le Conseil consultatif externe pour la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique entreprise par le MPO. Il s'agit d'un examen approfondi de toutes les politiques du ministère, avec recommandations de changement, etc. Ce processus se poursuit depuis deux ans.

    Plusieurs projets ont été rédigés, dans lesquels certains éléments nous inquiètent beaucoup. Je passerai brièvement en revue les principaux points et mes collègues voudront peut-être ajouter leurs commentaires. J'espère que nous aurons l'occasion d'examiner la question d'une façon plus détaillée à l'avenir, car je suis sûr qu'elle intéressera le comité. Nous tenions cependant à la porter à votre attention avant l'interruption de Noël parce que nous la croyons très importante.

    L'essentiel de notre industrie, c'est-à-dire les bateaux de moins de 65 pieds qui font la pêche côtière et semi-hauturière dans le Canada atlantique en particulier, est assujetti à ce qu'on appelle la politique de séparation de la flottille, qui établit une nette distinction entre la pêche et la transformation.

    Par exemple, dans le secteur hauturier, les usines de transformation possèdent les bateaux de pêche en haute mer, ce qu'elles ont le droit de faire depuis un certain nombre d'années. Ce n'est pas le cas dans les pêches côtières et semi-hauturières. Dans ce secteur, nous avons l'équivalent de l'exploitation agricole familiale, c'est-à-dire des entreprises familiales ou des PME. Le pêcheur possède un bateau, fait la pêche et vend le poisson à une usine, dans le cadre d'une relation sans lien de dépendance.

    Cette politique avait été mise en oeuvre par l'autre M. LeBlanc, si je peux m'exprimer ainsi, en 1976. Elle a été confirmée comme politique du MPO dans un important énoncé de principe portant sur les permis de pêche dans l'Atlantique. Depuis, les principes du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille ont assuré la survie du secteur indépendant.

    Depuis deux ou trois ans, nous avons signalé à plusieurs reprises au MPO une énorme échappatoire qui porte gravement atteinte à l'intention de la politique. Sans entrer dans les détails techniques, qui sont très compliqués, même pour moi, je dirai que l'échappatoire consiste à faire une distinction entre l'usage bénéficiaire et le titre de propriété d'un permis. D'après la politique, le titre ne peut appartenir qu'à un pêcheur, mais l'industrie de transformation a trouvé un moyen de tourner la politique, en signant des accords de fiducie qui ont reçu, dans certains cas, l'aval des tribunaux, bien qu'un développement récent survenu au Nouveau-Brunswick puisse modifier la situation. De toute façon, ce moyen permet à l'industrie de dicter les conditions d'utilisation du permis de pêche.

    En soi, un permis de pêche n'a pas de valeur intrinsèque. Ce n'est qu'un bout de papier. Sa valeur réside dans le droit qu'il confère de sortir en mer pour prendre du poisson. Toutefois, si l'usine de transformation en contrôle l'utilisation, elle peut imposer au pêcheur de vendre ses prises à un endroit particulier en cas de manquement à l'accord. Le tout est donc lié à des ententes de financement.

    Les ententes de financement entre les usines et les pêcheurs sont... Je suppose qu'il y en a de temps en temps et qu'il est impossible de les empêcher. D'ailleurs, ce n'est probablement pas souhaitable. C'est un arrangement commercial que les gens peuvent choisir de conclure.

    Nous croyons que les autorités provinciales devraient offrir d'autres possibilités aux pêcheurs. De toute façon, nous nous opposons surtout à l'utilisation d'une échappatoire technique pour tourner l'esprit clairement énoncé de la politique. Malheureusement, après des mois et des mois d'études et de préparation, la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique n'a pas permis d'aborder ce problème. Le dernier projet que nous avons vu il y a deux semaines ne comporte aucune mention de la séparation de la flottille et, ne reconnaissant même pas l'existence de l'échappatoire, il ne prévoit évidemment aucune mesure pour l'éliminer.

Á  +-(1110)  

    Plusieurs de nos organisations ont reçu des avis juridiques, par l'entremise du Conseil canadien des pêcheurs professionnels, établissant qu'il est possible d'éliminer l'échappatoire en rendant inséparables le droit de propriété et l'usage bénéficiaire. Je ne suis pas juriste, mais nous avons engagé un expert pour examiner cette question. De plus, un cas intéressant, actuellement en cours devant un tribunal du Nouveau-Brunswick, pourrait nous éclairer davantage

    Nous croyons qu'il est trompeur de la part du gouvernement du Canada d'adopter une politique et, en toute connaissance de cause, de permettre qu'elle soit systématiquement sapée par une échappatoire. Si la situation doit se maintenir, pourquoi ne pas modifier la politique? Ce n'est pas du tout ce que nous préconisons, mais il n'y a aucune raison de maintenir une politique qui est en train d'être gravement affaiblie. Cette situation menace toute la structure de l'industrie. Il y a des gens dans nos cinq provinces qui partagent ce point de vue, y compris des groupes qui peuvent fort bien ne pas s'entendre sur d'autres questions, comme la répartition, etc. Bref, c'est un point de vue largement partagé parmi les groupes de pêche côtière et semi-hauturière du Canada atlantique.

    La question comporte quelques autres éléments que nous voulons aborder. Je viens de parler de l'élément le plus important, mais le document mentionne très souvent l'importance croissante d'autres utilisations des ressources halieutiques, comme l'aquaculture et, en particulier, la pêche sportive. S'il y a de moins en moins de poisson et que ces autres utilisateurs prennent de plus en plus d'importance, j'ai l'impression que les gens que nous représentons sont de moins en moins importants pour le ministère.

    Le document reprend à différents endroits le vieux cliché du trop grand nombre de pêcheurs essayant de prendre un trop petit nombre de poissons. Il dit que les flottilles sont trop importantes par comparaison au volume des stocks. En même temps, le document ouvre clairement la porte à d'autres utilisateurs pour qu'ils viennent prendre une plus grande part des ressources. Très franchement, les deux arguments sont difficiles à concilier.

    Le document parle aussi de cogestion et de choses du même genre. Il est cependant intéressant de noter que, tout en affirmant que le ministère partage la responsabilité avec les membres de l'industrie, les responsables de la révision n'ont pas arrêté de rédiger des projets successifs. Nous leur avons suggéré de réunir quelques représentants des différents groupes de l'industrie pour voir s'ils peuvent s'entendre sur quelques principes. Ensuite, ils pourraient reprendre la rédaction et dire: «Voici une autre façon de dire les choses.» Mais ils n'ont pas voulu s'arrêter et continuent à rédiger leurs projets.

    Au cours des consultations publiques qu'ils ont tenues, la question qui a été soulevée le plus souvent est celle des principes du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille. Des gens du MPO qui ont assisté à toutes les réunions me l'ont dit. Malgré les interventions très énergiques, mais non unanimes, en faveur du renforcement de ces principes, le rapport ne fait que les affaiblir en parlant de flexibilité, ce qui englobe aussi bien des changements mineurs que la création d'énormes échappatoires.

    Nous avons déposé un document à ces réunions, il y a deux semaines. Nous acceptons volontiers l'idée d'une flexibilité raisonnable et nous avons donc proposé quelques paramètres logiques pouvant mener à une véritable flexibilité plutôt qu'à un affaiblissement de la politique.

    Nous croyons que ce sont là les problèmes les plus importants. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de présenter ici un premier exposé à ce sujet. Nous allons également en parler en public à notre conférence de presse, ce matin. Nous croyons que votre comité devrait s'y intéresser. Je vous remercie de m'avoir permis d'aborder le sujet si peu de temps après que je l'ai demandé.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Nous allons sûrement étudier ces questions et vous donner l'occasion de nous en reparler plus en détail. Comme le sujet ne figurait pas à notre ordre du jour, mais que vous l'avez quand même porté à notre attention, nous ne poserons que peu de questions. Vous voudrez bien admettre que nous avons d'autres points à examiner avant que le Parlement ne suspende ses travaux cette semaine.

    Je vous remercie donc de votre exposé. Je demande également aux membres du comité de poser leurs questions aussi succinctement que possible.

    Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Merci, monsieur le président.

    Monsieur McCurdy, je suis sensible à vos arguments concernant cette intégration verticale. Ma question porte cependant sur la détermination du prix des produits. Je me demande dans quelle mesure ce facteur amène les petits exploitants à vouloir posséder leurs propres installations de transformation. D'après les entretiens que j'ai eus, j'ai l'impression qu'il existe une crise dans le domaine des prix. Ces grandes sociétés verticalement intégrées ont contrôlé une si grande part du produit, du moins dans le passé,qu'il n'y a plus de flexibilité au chapitre des prix. Les produits des petits exploitants sont probablement d'une meilleure qualité, mais ils n'obtiennent pas un prix différent de celui des produits provenant des grands bateaux, qui ne sont pas traités avec autant de soin. L'une des raisons pour lesquelles certains petits exploitants acceptent l'intégration verticale est qu'ils recherchent un meilleur prix. Est-ce que cela est vrai? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Earle McCurdy: Certaines mes collègues voudront peut-être répondre à cette question. Dans notre province, l'environnement sur les quais est certainement très concurrentiel ces temps-ci. En fait, les acheteurs tentent de garantir l'approvisionnement. S'ils possèdent aussi bien le bateau de pêche que l'usine, ils n'auront pas de concurrence sur les quais parce qu'ils contrôlent l'ensemble. Quant au pêcheur, il devra essentiellement accepter ce qu'on voudra bien lui offrir.

    Je crois connaître les objectifs du secteur de la transformation. Quand j'ai parlé de la question et que nous avons déposé un document d'une page énonçant les limites à imposer, à notre avis, à la flexibilité entourant le principe du propriétaire-exploitant, les cinq orateurs qui ont pris la parole après moi étaient membres des grandes organisations provinciales de transformation et des deux organisations nationales. Ce qu'ils voulaient, c'était limiter la concurrence. Ils en ont les moyens.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Sandy Siegel (secrétaire-exécutif, Union des pêcheurs des maritimes): Je voudrais dire, très brièvement, que dans les pêches côtières, où je représente les pêcheurs de homard, de pétoncles, de hareng et de maquereau, cette échappatoire inquiète des milliers de pêcheurs de homard du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Grâce à ces ententes de fiducie indirectes qui existent depuis des années, certaines sociétés de transformation possèdent maintenant leur propre flottille de pêche. Elles construisent de nouveaux bateaux de 50 pieds et engagent des équipages pour s'en occuper. Nous pourrions les nommer. Combien de ces flottilles appartenant aux usines faudra-t-il pour qu'on en ressente les effets sur le prix du homard? Voilà ce qui inquiète les pêcheurs.

    La situation continue à évoluer, mais le ministère préfère ne pas s'en occuper, même dans le cadre de cette révision fondamentale de la politique pour laquelle il demande l'avis des pêcheurs. Pourtant, le document ne dit rien de la séparation de la flottille. L'expression n'y figure même pas.

    Il y a là quelque chose d'anormal et d'inquiétant. Il existe un comité de surveillance. Il vous incombe de faire votre part du travail, comme nous faisons la nôtre, pour veiller à ce que le ministère des Pêches prenne les mesures nécessaires afin d'éliminer cette échappatoire. S'il ne le fait pas, des milliers de pêcheurs côtiers de homard vont continuer à s'inquiéter de ce que ce monsieur a mentionné au sujet des prix. On dit: «N'y touchez pas», mais on le fait déjà aujourd'hui.

+-

    Le président: Monsieur Cummins.

+-

    M. John Cummins: Je commence à avoir une idée plus nette de votre point de vue. Vous parlez des grandes sociétés qui possèdent les bateaux de plus de 65 pieds et qui tentent de contrôler les bateaux plus petits en prêtant de l'argent aux pêcheurs pour qu'ils puissent acheter des permis.

+-

    M. Sandy Siegel: C'est bien cela.

+-

    M. John Cummins: C'est un problème. Nous l'avons également sur la côte ouest, où les mêmes arrangements sont conclus. Il semble que ces ententes constituent le seul moyen pour le petit exploitant d'obtenir l'argent nécessaire pour acheter un permis ou un bateau. Il a besoin de cette garantie sans laquelle il ne peut rien. Par conséquent, c'est un problème qui a déjà une certaine ampleur.

    L'autre problème auquel je pensais est celui du petit exploitant, propriétaire d'un bateau de moins de 65 pieds, qui se dit: «Eh bien, à cause de la structure du marché, je ne peux pas obtenir le prix que je veux des grandes sociétés internationales.» Il entreprend donc de s'intégrer verticalement dans sa propre collectivité. Est-ce que cela vous inquiète aussi? Je voudrais savoir si c'est un problème important.

+-

    M. Earle McCurdy: Pour cette question, je ne peux parler qu'au nom de notre province, où ce problème se pose pas parce que nous avons si peu. Les pêcheurs vendent leurs prises aux usines.

    Ce qui importe pour eux est de pouvoir choisir de vendre à telle ou telle usine, afin d'avoir un certain contrôle sur les prix.

    Par conséquent, ce n'est pas un problème dans notre province, mais je ne peux pas répondre pour les autres.

+-

    M. John Cummins: Et dans le cas de la pêche côtière?

+-

    M. Sandy Siegel: Dans les pêches côtières que nous représentons, surtout au Nouveau-Brunswick et un peu en Nouvelle-Écosse, ce n'est pas vraiment un problème en ce moment pour les pêcheurs de homard, etc. Le problème se pose dans d'autres secteurs, notamment en Nouvelle-Écosse.

+-

    Le président: Autre chose, monsieur Cummins?

+-

    M. John Cummins: Non, mais je reconnais certainement qu'il y a un véritable problème pour toutes les raisons mentionnées. Je suis donc heureux que vous ayez soulevé cette question.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Roy, s'il vous plaît. Ce sera ensuite à M. LeBlanc.

+-

    M. Jean-Yves Roy: Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Poulin.

    La situation dont M. McCurdy nous a fait part prévaut-elle aussi au Québec? Est-ce que la propriété est de plus en plus transférée des petits propriétaires vers les propriétaires d'usines? Dans le fond, ces gens-là ont besoin d'argent et c'est la seule manière d'en obtenir s'ils veulent réparer leurs bateaux. Est-ce que la même situation prévaut à l'heure actuelle au Québec?

Á  +-(1125)  

+-

    M. François Poulin (conseiller, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec): La situation est un peu différente au Québec, en ce sens que de façon unanime, les pêcheurs au Québec, et surtout les pêcheurs de homard, de crabe et de crevette, sont d'accord qu'ils doivent rester indépendants des usines. Ils faut donc que les bateaux appartiennent aux pêcheurs, en toute propriété, et que les prix soient négociés avec les usines.

    Au Québec, on a mis en place des offices de commercialisation, et les pêcheurs négocient ensemble les prix avec les usines. Mais depuis toujours, les usines veulent avoir des garanties d'approvisionnement parce qu'elles ne sont pas totalement satisfaites des prix qu'elles donnent aux pêcheurs. Elles aimeraient en donner moins aux pêcheurs, ce qui est tout à fait légitime, mais on comprend que nos pêcheurs veuillent avoir le prix du marché. Quand on négocie les prix du homard aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, on se base sur les prix qui sont payés à Boston et dans différents endroit où le marché du homard est bien établi. Cela nous donne des prix de référence en fonction desquels on établit les prix aux Îles-de-la-Madeleine, en Gaspésie et sur la Côte-Nord.

    Dans quelques cas, les pêcheurs ont acheté une usine, mais c'était souvent dans des cas où l'usine avait fait faillite. Cela a été le cas à Sept-Îles, en particulier, où les pêcheurs de crabe côtiers ont acheté l'usine, mais cette usine vient d'être achetée par des gens de Terre-Neuve, ce qui pose un autre problème.

    De façon générale, les usines veulent avoir des garanties d'approvisionnement. Par ailleurs, nous estimons que cela n'est pas nécessaire pour eux, parce que cela détruirait l'équilibre socioéconomique que nous avons dans nos régions. Aux Îles-de la-Madeleine, il y a 325 permis de homard qui sont distribués de façon très égalitaire entre les pêcheurs des différentes communautés des îles. Avec cette formule, on retire le maximum de revenus de la pêche au homard pour les gens des îles. Il n'y a pas de sortie de fonds qui sert à payer du capital à des banques ou des choses comme celle-là. Tout l'argent reste aux îles. Nous considérons qu'il s'agit de la formule idéale.

    Je viens de lire un rapport sur la situation en Europe. On sait que les Européens ont détruit en grande partie les stocks de pêche, non seulement sur la côte atlantique ici, mais aussi chez eux. La proposition à l'étude est celle d'en arriver à un système comme celui qu'on a ici, où le pêcheur est propriétaire de son bateau et vend le poisson, au lieu que ce soit des flottes industrielles et des usines qui contrôlent les bateaux.

+-

    M. Jean-Yves Roy: Est-ce que la situation est la même dans le secteur du poisson de fond? Vous m'avez parlé beaucoup du crabe et du homard.

+-

    M. François Poulin: À toutes fins pratiques, il n'y a plus de poisson de fond.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur LeBlanc.

[Traduction]

+-

    M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, Earle, et merci à vos collègues pour avoir soulevé cette question. Je vous remercie également, monsieur le président, pour avoir accepté qu'on en discute.

    Earle, je dois dire que lorsque j'ai pris connaissance du document de révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, j'ai eu en gros la même réaction que vous. Dans la région que je représente, les principes du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille sont devenus, depuis 20 ou 25 ans, la base dont dépendent beaucoup de petites collectivités côtières et de familles pour gagner leur vie et créer une économie là où, traditionnellement, tout appartenait à quelques entreprises de transformation. Il y a 30 ans, quelques-unes de ces entreprises fixaient les prix, probablement en violation de la Loi sur la concurrence. Les pêcheurs n'avaient pas vraiment le choix. Pour moi, ce sont des principes fondamentaux.

    Earle, je suis d'accord sur tout ce que vous avez dit. Dans ma région, l'Union des pêcheurs des Maritimes, qui représente les pêcheurs côtiers, a beaucoup travaillé dans ce domaine. L'utilisation bénéficiaire et le titre de propriété font l'objet d'un document classique de fiducie. Je le sais parce qu'il y a des usines de poisson dans ma circonscription, dont les responsables m'appellent pour me dire: «Nous avons financé un pêcheur qui n'a aucun autre revenu et aucun autre actif.» Tout à coup, le pêcheur verse un million de dollars pour un permis de pêche semi-hauturière au crabe, puis se fait prendre quand le MPO examine l'affaire. Il est tout à fait évident que ce sont les usines qui l'ont financé. Le problème découle aussi en partie du fait que le gouvernement a fait grimper le prix des permis.

    Avec les années, ce bout de papier qui donne à un pêcheur le droit de prendre du poisson appartenant à tous les Canadiens est devenu très précieux. Par conséquent, la seule façon de financer l'achat de l'un de ces bouts de papier est de demander à l'usine locale d'avancer l'argent pour profiter de ce qui ne constitue même pas, à mon avis, une échappatoire, mais simplement une omission flagrante qui permet aux usines de contrôler les pêcheurs.

    Par conséquent, vous avez soulevé un problème très sérieux.

Á  +-(1130)  

[Français]

    Comme vous l'avez bien dit, François, il y a un équilibre socioéconomique qui est très délicat.

[Traduction]

    Oui, c'est un équilibre très délicat, mais ces principes sont très importants dans notre région.

    Monsieur le président, je crois que le comité devrait accepter de reprendre cette question dans la nouvelle année, dans le cadre de la révision de la politique sur les pêches, que nous devions examiner de toute façon. Nous devrions y consacrer quelque temps et attirer l'attention sur le fait que les responsables du MPO veulent délibérément fermer les yeux sur le problème.

    Le document parle beaucoup de pêches plus rentables et plus économiques. Le mot revient constamment. Je suppose que le contraire d'une pêche économique serait une pêche sociale, désignation polie d'une pêche de misère. Partout dans le document, on trouve un ton un peu méprisant semblable à celui qui a caractérisé les grands changements apportés à l'assurance-emploi en 1995 et 1996. Les mêmes mots avaient marqué ce fiasco.

    Vous avez abordé là un sujet important. Je vous encourage à continuer. Je m'excuse pour ce discours, mais je trouve la question importante et je crois que vous êtes dans la bonne voie.

    J'ai une question à poser. Si nous demandons que les pêcheurs soient à la fois propriétaires légaux et bénéficiaires de leur permis—ce qui est juste, à mon avis—, n'allons-nous pas trouver des exemples de pêcheurs qui rachètent des usines de transformation? Il s'agirait dans ce cas de pêcheurs semi-hauturiers ou côtiers, selon les régions. Si ce principe est aussi important que nous le croyons, il devrait s'appliquer dans les deux sens. Les pêcheurs ne devraient pas pouvoir posséder des usines de transformation. Certains pourront s'organiser en coopératives, etc., mais si nous devons prendre une attitude ferme, je crois qu'il faudrait que les pêcheurs pêchent et que l'industrie de transformation traite le poisson. Alors, ce sera le marché qui fixera les prix,

[Français]

à Boston, entre autres.

[Traduction]

    Êtes-vous d'accord que le principe devrait s'appliquer dans les deux sens?

+-

    Le président: La question est aussi intéressante que vaste. Si vous voulez y répondre maintenant, allez-y. Si vous préférez y penser et répondre plus tard, cela nous convient aussi.

    Y a-t-il quelqu'un qui veut répondre?

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    M. Jean Saint-Cyr (directeur général, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels): Je représente les pêcheurs semi-hauturiers, qui sont probablement les plus visés par votre question, monsieur LeBlanc. Je veux tout simplement dire que votre discours ne me surprend pas. Vous avez certainement une préférence génétique pour la séparation des flottilles, puisque c'est votre père--et nous lui en sommes encore reconnaissants--qui a instauré, dans les pêches au Canada, cette politique du propriétaire exploitant, que nous voulons poursuivre.

    Pour ce qui est de votre question, monsieur LeBlanc, dans le secteur de la pêche au crabe, car c'est probablement le cas que vous aviez à l'esprit--ce n'est pas le seul, mais c'est un cas assez courant chez nous--, il y a au moins quatre ou cinq usines qui sont la propriété, en totalité ou en partie, des pêcheurs de crabe.

    Pourquoi est-on arrivés à cette situation? C'est la question qu'il faut se poser. C'est que les pêcheurs de crabe, chez nous, ont connu une situation où il y avait deux acheteurs. Ils n'arrivaient pas à faire leurs frais. La pêche au crabe, à ce moment-là, était loin d'être lucrative et personne n'enviait les pêcheurs de crabe. Au cours des ans, les marchés se sont améliorés. En particulier, au début des années 1980, le gouvernement provincial, parce que c'était devenu payant en raison de l'arrivée des Japonais sur le marché, s'est mis à émettre des permis de transformation du crabe. Le pêcheur s'est alors mis dans une situation plus intéressante pour rentabiliser son entreprise de pêche.

    En 1989, les stock se sont effondrés, et la plupart des apprêteurs, qui ont vendu à cette époque, étaient convaincus que la pêche au crabe, dans le sud du golfe, était terminée. Ils ont donc voulu se retirer avec les jetons qu'ils avaient accumulés et ne plus risquer quoi que ce soit en ce qui concernait la pêche au crabe. Les pêcheurs de crabe, eux, ont dit que oui, le stock était en difficulté, mais qu'ils étaient convaincus qu'avec l'aide des scientifiques du ministère, de mesures de contrôle extrêmement serrées et d'une discipline absolue, ils pouvaient remettre ce stock sur la voie d'une... Et c'est ce qui est arrivé.

    Entre 1989 et 1994, il y a eu plusieurs années de vaches maigres, mais en 1994, on a vu le résultat d'un bon plan de gestion. Dans la péninsule acadienne, les pêcheurs de crabe ont pris 18 millions de dollars pour acheter ces usines afin de protéger la diversité des marchés. Ils ne voulaient pas revenir à un monopole ou à un quasi-monopole. C'est ce qui a motivé leur investissement à ce moment-là.

    Maintenant, vous nous demandez si on devrait avoir cela. Si vous demandez aux pêcheurs de crabe de garder la diversité de la propriété des usines de pêche en leur offrant la possibilité de retourner à la pêche et de ne plus s'occuper de cela, ils seront très contents de le faire, parce qu'ils ne sont pas devenus des apprêteurs de poisson. Ils ont embauché des gérants et ils gèrent cela en conseil d'administration. Donc, si vous leur donnez le choix de rester pêcheurs ou de devenir propriétaires d'usines, ils vont rester pêcheurs. C'est par nécessité qu'ils ont acheté ces usines. Contrairement à ce qu'on voit dans le secteur de l'apprêtage, ce n'est pas une stratégie d'enrichissement ou de concentration. L'attitude des deux groupes est complètement différente.

    Est-ce qu'on peut réglementer le désir de survie des pêcheurs? Dans notre cas, c'est ce à quoi ça revient. C'était pour protéger la diversité des marchés qu'ils avaient acheté des usines. Les apprêteurs étaient à la réunion de Halifax, la semaine dernière, sur la révision de la politique des pêches de l'Atlantique. Eux disent: « Well, that's the way business goes. » C'est dans le cadre d'une stratégie d'expansion, de concentration et de contrôle des marchés. Dans notre cas, ce n'est pas cela.

    Donc, avant de réglementer la propriété du secteur de l'apprêtage par les pêcheurs, il faudrait voir dans quelles circonstances ils le font. Je crois qu'à ce niveau, il devrait y avoir des dispositions pour certaines régions ou certains profils du secteur.

[Traduction]

+-

    Le président: J'ai quatre autres noms sur la liste. Nous commençons à manquer de temps. Je vais donc accorder une seule question par personne. J'espère que les questions et les réponses seront brèves.

    Nous aurons successivement M. Stoffer, M. Efford, M. Hearn et M. Cuzner.

    À vous, monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

    Mes amis, je sympathise avec les gens de la côte est et leurs nombreuses préoccupations: pétrole et gaz, changements apportés aux viviers de homard en Nouvelle-Écosse, élimination des petits acheteurs au profit des grands, fusion possible de FPI avec le groupe Clearwater et domination du marché qui en résultera.

    Monsieur LeBlanc, je ne crois pas que les responsables du MPO ferment délibérément les yeux sur le problème. Ils ont les yeux grands ouverts. Ils ont fait la même chose sur la côte ouest avec le plan Miffin. Ils ont forcé les gens à acheter les permis de bateau collecteur aux acheteurs... Et maintenant, Jimmy Pattison contrôle la côte ouest.

    Je crois que le plan Thibault sera très rapidement mis en oeuvre. Le MPO est persuadé qu'il y a trop de pêcheurs et trop peu de poisson. Par conséquent, en se débarrassant des pêcheurs et en laissant les grandes sociétés dominer les pêches, il devient beaucoup plus facile de les gérer. Au lieu de dix bateaux, il n'en restera plus qu'un seul.

    Êtes-vous d'accord avec moi à ce sujet?

+-

    Le président: Monsieur McCurdy.

+-

    M. Earle McCurdy: Oui, je crois que tout cela se tient. De toute évidence, plus la flottille est petite, plus elle est facile à gérer.

    Nous ne voulons pas que le Canada atlantique connaisse la même situation que la Colombie-Britannique, où les investisseurs titulaires de permis dominent maintenant. Nous croyons qu'un permis de pêche est un permis autorisant le titulaire à pêcher, et non à faire le trafic du droit de pêcher.

    Une voix: Bravo!

    M. Earle McCurdy: En Colombie-Britannique, plus de 50 p. 100 de la valeur des prises au débarquement est perdue, gaspillée sous forme de paiements à des gens qui ne font que détenir un bout de papier et qui ne se sont jamais sali les mains en retirant un filet. Ces gens détiennent des quotas ou cèdent leur bateau sous licence et empochent ainsi une grande partie de la valeur des prises. Nous ne voulons pas que cette situation se répète. Voilà pourquoi nous sommes tellement catégoriques. Nous avons parlé à nos collègues de la Colombie-Britannique et savons donc quelle pagaille cela a entraîné. Nous sommes déterminés à empêcher une répétition de cette situation dans le Canada atlantique.

    Une voix: Bravo!

+-

    Le président: Monsieur Efford.

+-

    M. R. John Efford: Peter, c'était en plein dans le mille! Je m'inquiète de ce qui se passe depuis des années.

    J'ai un autre sujet de préoccupation, sur lequel j'aimerais avoir votre avis. Je vais vous en donner un exemple venant de ma circonscription. Les pompes funèbres Fewer's possèdent sept bateaux. Le nouveau président de la Chambre de commerce de l'Atlantique, Siobhan Coady, en possède quatre. La liste est longue.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Loyola Hearn: Ils font la pêche fantôme, John.

+-

    M. R. John Efford: Earle, je voudrais savoir ce que vous en pensez. Si cette échappatoire n'est pas éliminée, nous en arriverons très rapidement à une domination du secteur par les sociétés, qui vont tout rafler dans les dix prochaines années. À cause du prix des permis, qui se chiffre à un ou deux millions de dollars, les jeunes pêcheurs n'auront plus accès à l'industrie. Êtes-vous d'accord?

+-

    M. Earle McCurdy: Oui. La vraie question qui se pose est de savoir quel genre d'industrie de la pêche nous voulons transmettre à nos fils et nos filles.

    Une voix: Bravo!

    M. Earle McCurdy: En ce moment, je crois que ce qui se produira dans les prochains mois, dans ce domaine en particulier, nous permettra sans doute de répondre à votre question.

    Si les pompes funèbres Fewer's décident d'investir dans un bateau, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire. Par contre, c'est une toute autre affaire si la politique leur permet d'acquérir progressivement le titre de propriété, puis de commencer à réduire le nombre des bateaux. L'entreprise commencerait alors à réduire les emplois et à renvoyer les gens qui se salissent les mains à bord, qui font la partie pénible du travail et qui prennent les risques de santé et de sécurité et tout le reste. Les revenus servent alors essentiellement à payer des loyers aux courtiers.

+-

    Le président: Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci, monsieur le président.

    Encore une fois, je trouve que ce que mes collègues ont dit est très vrai. Quand nous avons décidé, il y a quelque temps, de nous occuper de la question des permis et avons parlé de tenir des audiences dans la province, c'est exactement à cela que nous pensions.

    Les pêcheurs, tels que nous les connaissons, sont une espèce en voie de disparition. Si vous possédez un bateau de 45 pieds, ou de 65 pieds maintenant, et que vous voulez acheter un permis ou moderniser votre bateau, vous devez vous adresser aux marchands. Dans la plupart des cas, vous allez devoir vendre votre âme. Je ne parle pas ici des grandes usines ou de sociétés comme FPI ou la Compagnie nationale des produits de la mer. Je parle plutôt des Daley, des Quinlan, des Barry et des autres qui rachètent les permis les uns après les autres. Ils ne les détiennent pas en fiducie ou pour un usage bénéficiaire. Ils les possèdent purement et simplement. Voilà le problème. Le permis est au nom de quelqu'un d'autre, un pauvre type qui va à la pêche et qui vend son âme pour des années et des années, au-delà même de la période de remboursement de sa dette.

    Nous en arriverons au point où quelques-unes de ces personnes contrôleront l'industrie et, du même coup, les prix et tout le reste. Peut-être devrions-nous—nous en avons déjà parlé—revenir à l'époque où le pêcheur allait acheter son permis pour 50 $ et s'en servait aussi longtemps qu'il le pouvait. Ensuite, quand il partait à la retraite, le permis revenait à la Couronne. Et le pêcheur suivant sur la liste payait alors ses 50 $ pour acheter le permis. Voilà qui ferait totalement disparaître le problème.

+-

    Le président: Était-ce une question, monsieur Hearn?

+-

    M. Loyola Hearn: Je faisais une observation.

    Le président: Êtes-vous d'accord, monsieur McCurdy?

+-

    M. Earle McCurdy: Oui, je crois que cela résume bien la situation. Il faudrait rétablir cette séparation. La personne qui va à bord de son bateau pour prendre du poisson devrait avoir la propriété et le contrôle. Même si les ressources appartiennent à la Couronne, c'est cette personne qui devrait détenir le titre de propriété.

    Nous avons parlé très clairement de cette échappatoire, mais nous n'avons abouti à rien. Ce n'est pas comme si le ministère n'était pas au courant. Nous l'avons très clairement informé de la situation. Pourtant, nous n'avons obtenu aucune réponse dans le document. Nous sommes très inquiets. C'est pour cette raison que nous avons demandé à être entendus d'urgence à ce sujet. Nous espérons que nous obtiendrons la coopération du comité et qu'il nous sera possible de nous attaquer aux problèmes avant que le ministère ne prenne des décisions sur lesquelles il ne pourrait plus revenir.

+-

    Le président: Monsieur Cuzner.

+-

    M. Rodger Cuzner: Je crois, monsieur le président, qu'avec tous ces discours des deux côtés de la table, je vais manquer mon déjeuner de rosbif.

    J'aimerais demander à mon ami Leonard LeBlanc de nous donner son avis sur les répercussions de ce problème au Cap-Breton. Quels en ont été les effets jusqu'ici? Quelles conséquences négatives a-t-il eues? La situation risque-t-elle de s'aggraver si aucune mesure n'est prise? Leonard est lui-même un pauvre pêcheur indépendant.

+-

    M. Leonard Leblanc (président, « Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board »): Je vous remercie.

    Tout d'abord, j'ai l'impression d'appartenir à une espèce en voie de disparition. Je suis un pêcheur représentant des pêcheurs, ce qui fait de moi quelqu'un d'unique en son genre dans beaucoup de milieux.

    Permettez-moi de remonter quelque peu dans le passé. Mon père était pêcheur, et son père l'était aussi. Mon père, je m'en souviens, disait que lorsque son père faisait la pêche d'avril à décembre, tout son revenu servait à payer les factures qui s'étaient accumulées pendant l'hiver. À Chéticamp, les gens parlaient de sa famille en disant les Jersey. Pour rien au monde, je ne voudrais retomber dans cette situation.

    Je suis un pêcheur indépendant, et je suis fier de l'être. Je travaille fort pour gagner ma vie et j'estime avoir gagné l'argent que je mets dans ma poche à la fin de la journée, après avoir payé mes impôts. Car, soit dit en passant, je paie mes impôts, moi.

Á  -(1145)  

+-

    Le président: Monsieur LeBlanc, pouvons-nous en venir au fait? Je m'excuse, car je sais que vous n'avez pas eu l'occasion de parler, mais vous devrez partir bientôt à votre conférence de presse. Le temps file.

+-

    M. Leonard Leblanc: Je vais vous dire exactement comment le problème s'est répercuté sur des pêcheurs comme moi. Nous sommes environ 35 à pêcher le homard à Chéticamp. Sur le plan technique, il serait possible d'augmenter la taille des pièges, de réduire le nombre des bateaux à dix et de continuer à exploiter le homard et le poisson de fond. Ainsi, on pourrait éliminer 25 bateaux et, à deux par bateau, nous aurions 50 chômeurs.

    Mais nous ne parlons que d'un seul port. Roger sait combien il y en a dans sa circonscription parce qu'il reçoit constamment des demandes concernant des réparations. On n'a pas besoin d'être mathématicien pour calculer qu'il serait possible ainsi d'éliminer des milliers et des milliers de pêcheurs, juste en modifiant cette politique. Voilà pourquoi les principes du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille sont très importants. Ce document pourrait mettre au chômage beaucoup de gens. Vous devriez donc consacrer plus de temps à étudier ce problème avant d'agir.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, monsieur LeBlanc.

    M. Cummins va poser une très brève question, puis ce sera tout.

+-

    M. John Cummins: Dominic LebLanc a parlé du fait que le gouvernement a fait grimper les prix. Après la décision rendue dans l'affaire Marshall, le gouvernement s'est mêlé d'acheter des permis de pêche au homard, ce qui a pratiquement fait doubler leur valeur. Nous avons entendu des témoignages de pêcheurs qui n'ont plus les moyens d'en acheter.

    Dans quelle mesure cela a-t-il eu des effets sur le problème dont nous parlons, c'est-à-dire l'intégration verticale? Dans quelle mesure cela a-t-il permis aux sociétés de «financer» des pêcheurs qui voulaient acheter un bateau, dont le prix avait été gonflé?

+-

    Le président: Voulez-vous répondre, monsieur McCurdy?

+-

    M. Earle McCurdy: Je crois qu'il y a effectivement eu des effets, mais les gens des Maritimes les connaissent mieux que moi. Cette décision a eu moins d'incidences dans notre province que dans le reste des Maritimes. Toutefois, nous avons quand même connu une augmentation incroyable du prix des permis, presque entièrement attribuable au fait que les usines de transformation voulaient pouvoir contrôler l'approvisionnement en poisson.

    Même sans tenir compte de l'affaire Marshall et du rachat des permis dans le cadre de ce programme, les sociétés de transformation ont fait de grands efforts d'intégration verticale. Cela a pu influer dans certaines régions sur la hausse des prix, mais la campagne de rachat des permis par les sociétés était déjà en cours avant la publication de la décision Marshall et s'est poursuivie parallèlement après. Ce facteur en soi a des effets considérables en ce moment à cause de l'échappatoire.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur McCurdy, pour votre exposé sur l'OPANO et aussi pour avoir soulevé cette question d'une grande importance.

    Messieurs, je veux simplement vous dire que nous vous écoutons des deux oreilles, et pas seulement d'une seule, à ce sujet.

+-

    M. Earle McCurdy: Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir permis d'en parler avec si peu de préavis.

-

    Le président: Un dernier point concernant l'OPANO, messieurs. Nous avons reçu de Pat Chamut une réponse à notre demande de statistiques sur les journées en mer et les inspections de navires étrangers. Les chiffres ont été distribués.

    Nous allons suspendre la séance pendant cinq à dix minutes, après quoi nous reprendrons à huis clos pour nous occuper du rapport sur les SCTM.

    [La séance se poursuit à huis clos.]