INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 février 2003
¿ | 0905 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Michael Sabia (président, Bell Canada Enterprises) |
Le président |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Michael Sabia |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
¿ | 0930 |
M. Michael Sabia |
M. Paul Crête |
M. Michael Sabia |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Michael Sabia |
M. Larry Bagnell |
M. Michael Sabia |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Michael Sabia |
M. Brian Masse |
M. Michael Sabia |
¿ | 0950 |
M. Brian Masse |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
M. Michael Sabia |
¿ | 0955 |
M. Gilbert Normand |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Gilbert Normand |
M. Michael Sabia |
À | 1000 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. Michael Sabia |
M. James Rajotte |
À | 1005 |
M. Michael Sabia |
M. James Rajotte |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
À | 1010 |
M. Michael Sabia |
M. Serge Marcil |
M. Michael Sabia |
M. Serge Marcil |
M. Michael Sabia |
À | 1015 |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Serge Marcil |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Michael Sabia |
À | 1020 |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
À | 1025 |
M. Michael Sabia |
M. Brent St. Denis |
À | 1030 |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
À | 1035 |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Michael Sabia |
Le président |
M. Michael Sabia |
Le président |
À | 1045 |
Le président |
M. Anthony H. A. Keenleyside (avocat, McCarthy Tétrault, Dominion Télécom inc.) |
À | 1050 |
À | 1055 |
Le président |
M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting) |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. James Rajotte |
Á | 1110 |
M. Ian Morrison |
M. James Rajotte |
M. Ian Morrison |
M. James Rajotte |
M. Ian Morrison |
M. James Rajotte |
Á | 1115 |
M. Ian Morrison |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
M. Anthony Keenleyside |
Á | 1120 |
M. Joseph Volpe |
M. Anthony Keenleyside |
M. Joseph Volpe |
M. Anthony Keenleyside |
M. Joseph Volpe |
M. Anthony Keenleyside |
M. Joseph Volpe |
M. Anthony Keenleyside |
M. Joseph Volpe |
M. Anthony Keenleyside |
M. Joseph Volpe |
Á | 1125 |
M. Ian Morrison |
Le président |
M. Ian Morrison |
Le président |
M. Ian Morrison |
M. Joseph Volpe |
M. Ian Morrison |
Á | 1130 |
Le président |
M. Brian Masse |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brian Masse |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brian Masse |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brian Masse |
Á | 1135 |
M. Ian Morrison |
M. Brian Masse |
M. Ian Morrison |
Le président |
M. Brent St. Denis |
M. Anthony Keenleyside |
Á | 1140 |
M. Brent St. Denis |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brent St. Denis |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brent St. Denis |
M. Anthony Keenleyside |
M. Brent St. Denis |
M. Ian Morrison |
Á | 1145 |
M. Brent St. Denis |
Le président |
M. Larry Bagnell |
M. Ian Morrison |
Á | 1150 |
M. Larry Bagnell |
M. Ian Morrison |
M. Larry Bagnell |
M. Ian Morrison |
Le président |
M. Gilbert Normand |
Á | 1155 |
M. Anthony Keenleyside |
M. Gilbert Normand |
M. Anthony Keenleyside |
M. Gilbert Normand |
M. Ian Morrison |
M. Gilbert Normand |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, examen des restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications. Aujourd'hui, nous aurons deux séances, l'une de 9 heures à 10 h 30, l'autre de 10 h 30 à midi. De 9 heures à 10 h 30, nous accueillons M. Michael Sabia, président de Bell Canada Entreprises.
Bienvenue, monsieur Sabia, au comité de l'industrie.
M. Michael Sabia (président, Bell Canada Enterprises): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de discuter avec vous et avec vos collègues.
Si vous êtes d'accord, j'aimerais faire quelques commentaires en guise d'introduction et ensuite vous rendre la parole. Est-ce que cela vous convient?
Le président: Oui.
M. Michael Sabia: Aimeriez-vous que je commence maintenant?
Le président: Il y a d'autres membres qui arriveront bientôt, mais nous commençons dès que nous sommes assez nombreux pour entendre les témoins. Alors je vous demanderais de commencer puis nous passerons à la période de questions.
M. Michael Sabia: Monsieur le président, je suis heureux d'être ici. Cela me donne l'occasion, au nom de toute notre entreprise, de discuter avec vous aujourd'hui de l'industrie des télécommunications au Canada. Nous sommes nombreux à croire que c'est une industrie vitale pour le Canada et les Canadiens.
Il ne fait aucun doute que notre industrie a traversé des zones de turbulence ces dernières années. Vous avez tous suivi l'actualité. Vous connaissez tous aussi bien que moi l'implosion des dot-com, les faillites, les milliards perdus sur les marchés boursiers. Mais à notre avis, cette tempête parfaite qu'a affrontée l'industrie des télécommunications n'a aucunement réduit l'importance absolument vitale de ce secteur.
Les communications, les systèmes de communication, les réseaux de communication, que sont-ils? Ils sont le lien qui soude les économies du savoir et la société du savoir. C'est ce qui nous permet de fonctionner et nous pensons que c'est extrêmement important.
[Français]
Les réseaux de communication perfectionnés sont à la base de l'économie du savoir. Ils forment le système nerveux qui permet l'échange universel et immédiat de l'information, ils améliorent le processus de décision, ils suppriment les inefficacités et ils stimulent la productivité et la croissance. Cette industrie est essentielle à notre économie. C'est dans cette perspective que vous devez examiner la question importante, voire la question clé des règles de propriété étrangère.
[Traduction]
C'est la question centrale à laquelle vous devez répondre. Les Canadiens doivent-ils collectivement envisager la modification des règles de propriété étrangère actuelles touchant les entreprises de télécommunications? Notre réponse est toute simple: oui.
Je pense que notre position n'a peut-être pas été bien comprise par le passé. Aussi, je tiens à l'énoncer de façon parfaitement claire. Bell Canada Entreprises appuie la libéralisation des règles de propriété étrangère relatives au secteur des télécommunications. Comment pourrions-nous adopter une position contraire? Permettre un plus grand afflux de capitaux est toujours une bonne chose. En fait, nous croyons que l'élimination complète des restrictions sur la propriété étrangère est probablement inévitable, compte tenu de la mondialisation des économies.
¿ (0910)
Déterminer là où nous devons aller, c'est la partie la plus facile. La partie la plus difficile consiste à déterminer les moyens pour y arriver. Pour contribuer à votre réflexion sur le sujet, il y a cinq points essentiels dont j'aimerais traiter ce matin. J'espère qu'ils serviront de point de départ pour la discussion que nous aurons tout à l'heure.
Premièrement, le Canada est aujourd'hui un leader mondial dans le domaine des télécommunications. Certains ont affirmé devant ce comité que l'industrie ne répond pas aux attentes et qu'elle doit pour une raison quelconque être restructurée d'une manière ou d'une autre. Je dis examinons les faits sur la concurrence.
À l'heure actuelle, les clients canadiens ont le choix en ce qui a trait aux services de données, de liaison spécialisée, interurbains, Internet et d'accès local. Le Canada a cinq réseaux sur fil à l'échelle nationale. Nous avons quatre réseaux sans fil à l'échelle nationale. Une part de marché importante dans plusieurs de ces secteurs est passée aux nouveaux concurrents au détriment des compagnies de téléphone titulaires comme la nôtre, et c'est tant mieux, c'est ainsi que les choses doivent se passer. Et une véritable concurrence prend place dans le secteur du service local de résidence avec le développement de la téléphonie câblée et, de plus en plus, avec la pénétration du sans fil. Ce sont deux tendances d'une suprême importance.
Quels sont les avantages de la concurrence? Ce sont des prix peu élevés, la facilité d'accès, l'innovation, des produits novateurs et l'investissement de capitaux. Pour chacun de ces éléments, voyons les faits, et non pas les préjugés.
Quels sont les faits sur les prix? Au Canada, les prix des services de télécommunications sont parmi les plus bas de tous les pays de l'OCDE. Les prix de nos services de résidence sont de 25 p. 100 inférieurs à ceux des États-Unis et les prix de nos services d'affaires sont près de deux fois moins élevés.
Vérifions les faits sur l'accès. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des Canadiens ont accès au service téléphonique, l'un des taux les plus élevés au monde. Quatre-vingt-cinq pour cent des collectivités canadiennes sont desservies par un accès haute vitesse à l'Internet. Le Canada a le deuxième taux de pénétration des services de communication à large bande du monde, et ce taux de pénétration est deux fois plus élevé qu'aux États-Unis.
Vérifions d'autres faits. Vérifions les faits sur l'innovation. Comme vous le savez tous, et comme nous l'apprenons à l'école lorsque nous sommes tout petits, les Canadiens ont toujours innové dans l'industrie. Nous innovons dans l'industrie depuis 120 ans. Je vais vous citer quelques exemples parmi tant d'autres: premier satellite commercial de communications intérieures placé en orbite géostationnaire au monde; premier service cellulaire en Amérique du Nord; premier pays de l'OCDE à lancer un accès Internet haute vitesse de résidence; premier navigateur Internet sans fil lancé en Amérique du Nord; élaboration et premier déploiement par des Canadiens de la technologie Ethernet optique, qui a le potentiel de rendre nos industries encore plus productives.
D'autres témoins ont laissé entendre devant ce comité que le Canada tire de l'arrière par rapport à d'autres pays en ce qui a trait aux investissements dans le secteur des télécommunications. Encore une fois, vérifions les faits. Le montant des investissements de 1999 à 2001 est grandement faussé par la frénésie de dépenses d'investissement de 50 milliards de dollars aux États-Unis qui n'ont aucune valeur aujourd'hui. Cet argent a été complètement gaspillé et a disparu lorsque la bulle a éclaté. Si l'on exclut ces investissements, comme vous devez le faire puisqu'ils n'ont aucune valeur, les investissements au Canada sont supérieurs à la moyenne des pays de l'OCDE. Il est intéressant de noter que notre niveau d'investissement est supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE alors que nos prix sont parmi les plus bas dans les pays de l'OCDE.
La formation de capital au Canada est encore plus stable. De 2000 à 2001, les investissements par habitant au Canada ont augmenté de 22 p. 100. Voyons maintenant ce qui se faisait dans d'autres pays pendant la même période. Aux États-Unis et au Japon, les investissements ont baissé de 21 p. 100, en Allemagne, de 17 p. 100 et en Corée, de 38 p. 100.
¿ (0915)
Je crois savoir qu'un représentant de l'OCDE a comparu hier et qu'il a décrit ce genre de rendement comme un soubresaut. Parlons-en. Notre entreprise prend ce genre de décisions. Nous décidons ce que nous allons investir. Aujourd'hui, je vous dis que dans notre façon de gérer nos affaires, ce n'est pas un soubresaut. Alors que les exploitants régionaux associés à Bell ont réduit radicalement leurs investissements, nous avons maintenu les nôtres à un niveau raisonnable. C'est ce que nous avons voulu car nous croyons que c'est important tant pour la croissance de notre entreprise que pour la qualité des services offerts aux Canadiens, alors nous investissons.
Dans l'ensemble, monsieur le président, je crois que le système fonctionne et ce sur plusieurs plans. Il fonctionne pour les clients qui profitent de prix peu élevés, de services parmi les meilleurs au monde, de l'innovation et du choix. Et, comme les clients, l'économie et le pays en profitent.
Le résultat, monsieur le président, est clair. Le Canada a la bonne formule et nous devrions en être fiers. Votre défi consiste à prendre un bon système et à l'améliorer. Ce que vous ferez devra renforcer l'industrie au Canada et continuer de soutenir notre leadership mondial dans le secteur des télécommunications.
Deuxième point, le cadre de réglementation dans lequel nous fonctionnons à l'heure actuelle est bon. Comment avons-nous réalisé tout ce que je viens de décrire, et pourquoi l'industrie canadienne des télécommunications a-t-elle tant de succès dans le monde? Pour plusieurs raisons, et l'une d'elles est certainement la qualité du cadre de réglementation dans lequel nous fonctionnons depuis 10 ans. Les législateurs, comme vous, et les responsables de la réglementation au Canada ont maintenu un cadre de réglementation qui s'appuie sur des principes économiques sains, qui se résument en une expression: «la concurrence fondée sur les installations». Voilà la seule base d'une véritable concurrence.
Les forces de la concurrence sur le marché résultant d'infrastructures concurrentes ont permis d'offrir aux consommateurs canadiens des services novateurs de grande qualité à des prix concurrentiels. L'accent mis sur la concurrence fondée sur les installations a permis au Canada de compter parmi les rares pays à réussir la difficile transition d'une situation de monopole réglementé à une industrie compétitive. Nous sommes en train de réussir.
Voyons ce qui se passe chez nos voisins du Sud. Les États-Unis ont choisi une approche différente en tentant d'instaurer artificiellement la concurrence par la revente d'installations existantes à des prix très réduits. Voyons la situation du secteur des télécoms aux États-Unis aujourd'hui. Au cours des dernières années, 70 000 emplois ont été perdus dans le secteur; les investissements ont chuté de 21 p. 100; sous le coup d'attentes irrationnelles, les 300 entreprises de services locaux concurrentiels qui ont été créées ont pratiquement toutes fait faillite.
Est-ce que tout cela est dû au cadre de réglementation aux États-Unis? Bien sûr que non, puisque de nouveaux facteurs ont joué un rôle. Mais le cadre de réglementation a contribué pour une large part à cette triste histoire. C'est pourquoi le président de la FCC aux États-Unis, Michael Powell, dit maintenant que le régime de réglementation doit être modifié afin de reposer sur des principes économiques plus sains. De quoi s'agit-il? Il s'agit de ramener le régime de réglementation américain aux principes sains qui sous-tendent le régime canadien.
Monsieur le président, je pense que le défi qui se pose à ce comité et à nous tous dans l'industrie est de trouver des moyens d'accroître les investissements dans ce secteur. À notre avis, toute déviation par rapport à notre système de concurrence fondée sur les installations, qui s'appuie sur de réels principes économiques, freinera les investissements au Canada. Je crois que si nous nous écartons de notre système actuel de concurrence fondée sur les installations, au lieu de chercher des moyens d'attirer de nouveaux investissements nous serons tous obligés de chercher des moyens d'empêcher la sortie des capitaux existants. Je pense que c'est un problème auquel aucun d'entre nous ne veut faire face.
Notre approche pour l'avenir doit être d'appuyer des politiques créant de la vigueur et une réelle compétition entre des concurrents solides. Honnêtement, plus que les modifications des règles sur la propriété étrangère, c'est ce qui favorisera des intérêts soutenus dans notre pays et c'est ce qui placera le Canada à l'avant-garde de la croissance économique et de la compétitivité à l'échelle mondiale, là où nous méritons d'être.
¿ (0920)
Troisièmement, monsieur le président, notre industrie est encore en pleine mutation. C'est une histoire que vous connaissez bien. Les progrès technologiques ont changé bien des choses. La numérisation et Internet ont créé une plate-forme commune, un support universel qui permet à toute information d'être livrée en tout temps, à toute heure et vers n'importe quel dispositif. Ce sont des changements importants pour notre industrie. Les barrières qui cloisonnaient autrefois les différents secteurs de notre industrie ont été fracassées par la technologie elle-même.
Aujourd'hui, les compagnies de téléphone livrent concurrence non seulement aux autres compagnies de téléphone, mais aux câblodistributeurs. Les câblodistributeurs livrent concurrence aux fournisseurs de télé par satellite. Les fournisseurs de services sans fil sont en concurrence entre eux ainsi qu'avec les entreprises de services sur fil. Dans un contexte aussi compliqué, changeant et turbulent, comment tracer la ligne? Comment définir quelles sont les entreprises de télécommunications pures et les distinguer, par exemple, des distributeurs de radiodiffusion? La réponse à cette question est que ce n'est pas facile.
La technologie et la demande des clients nous incitent à fournir aux utilisateurs de notre collectivité plus que l'accès, plus que de simples canaux. Nous fournissons des services, des applications spécialisées et des outils de gestion—dans un sens, le contenu que veulent nos clients.
Aujourd'hui, les fournisseurs de services sans fil sont capables de transmettre de la musique, des images et même de la vidéo sur leurs réseaux par un téléphone sans fil. S'ils vendent un document vidéo ou s'ils vendent un clip musical par le biais de leur navigateur et au moyen d'un téléphone sans fil, qu'est-ce que cette activité? Est-ce encore le secteur de la transmission ou est-ce qu'on glisse vers le secteur du contenu?
Ce sont des questions complexes qui doivent être abordées. Cela étant, l'élaboration de la politique appropriée sur la propriété étrangère pour le Canada et pour l'avenir est d'autant plus difficile que, d'une part, la politique que le gouvernement élaborera en se fondant sur les conseils de ce comité doit, à notre avis, englober les compagnies de téléphone et les distributeurs de radiodiffusion traditionnels. Pourquoi? Simplement pour respecter les exigences de base d'équité entre les concurrents. Mais d'autre part, nous reconnaissons que plus nous incluons les entreprises de télévision par satellite et par câble, plus nous nous rapprochons des intérêts culturels vitaux du Canada. Un équilibre délicat qui se trouve au coeur du défi que vous devez relever pour mener à bien votre tâche.
Quatrièmement, dans le contexte de la tâche difficile qui vous incombe, j'aimerais suggérer deux principes généraux et j'espère que vous serez d'accord pour dire qu'ils devraient vous guider dans vos travaux.
Premièrement, le cadre qui sera élaboré pour modifier les règles de propriété étrangère doit être prévisible et l'aspect discrétionnaire doit être réduit au minimum. Que détestent les marchés de capitaux par-dessus tout? L'incertitude. Toute modification aux règles de propriété étrangère qui fera plus de place à l'incertitude et à la discrétion, aura de nouveau pour effet de freiner l'investissement.
Deuxièmement, simplement par souci d'équité générale, le système qui sera mis en place doit être non discriminatoire. Deux propositions vous ont déjà été soumises : la délivrance de licences et le régime différentiel. Nous croyons que ni l'une ni l'autre ne répond à ces critères.
Pour être franc, la délivrance de licences engendre l'incertitude. Par sa nature même, elle crée des pouvoirs discrétionnaires. Elle alourdit le fardeau. Nous croyons, pour toutes ces raisons, qu'au lieu d'avoir un effet positif sur les investissements, l'octroi de licences peut avoir un effet dissuasif.
Le régime différentiel est de nature à la fois arbitraire et discriminatoire. Il introduit une discrimination contre les actionnaires des entreprises choisies pour appartenir à un niveau particulier et je crois qu'il réduit l'incitation de ces entreprises à investir. Comment déterminer de façon équitable qui se trouve à quel niveau, qui est un nouvel arrivé et qui est titulaire? À l'heure actuelle, nous avons des activités dans l'Ouest canadien. Dans cette région, notre entreprise est une nouvelle arrivée. Aujourd'hui, TELUS, dont le siège est dans l'Ouest canadien, est active dans notre marché principal. Dans notre marché, il s'agit d'une nouvelle arrivée.
Alors, comment détermine-t-on leur place? Comment déterminer leur place dans un régime différentiel? Qu'arrive-t-il si une grande entreprise de télécommunications américaine bien financée achète une petite entreprise canadienne mais l'exploite uniquement comme une expansion de leurs activités américaines, alors que les titulaires canadiens se trouvent à un niveau différent? Est-ce là l'équité entre les concurrents? Je ne le crois pas.
Le cinquième et dernier point que je voulais soulever est qu'il nous faut un calendrier de changement. Premièrement, je vous propose une première—et j'insiste sur ce mot première—étape viable, en quelque sorte une option intermédiaire que vous trouverez peut-être intéressante si vous, et les membres du gouvernement, souhaitez exprimer rapidement les intentions et l'orientation du Canada concernant la propriété étrangère.
¿ (0925)
Le Canada pourrait par exemple hausser la limite de propriété étrangère au niveau des sociétés de portefeuille de 33 p. 100 à 49 p. 100 à la fois pour les entreprises de télécommunications et les câblodistributeurs. Le seuil de 20 p. 100 pour les sociétés exploitantes pourrait être maintenu, tout comme les mécanismes actuels relatifs au contrôle canadien. Aucun de ces éléments n'exigerait de modifications législatives. C'est une première étape simple; ce n'est pas l'objectif, mais simplement le premier pas, sur la bonne voie.
Au-delà de cela, les enjeux liés à des changements de plus grande ampleur, qui sont à notre avis inévitables, sont très complexes, et il est crucial que nous en arrivions aux bonnes conclusions.
Une chose est sûre, c'est qu'un changement des règles de propriété aujourd'hui ne provoquera pas un afflux immédiat d'investissements. Pourquoi? Parce que l'industrie vit une période de tourmente à l'échelle mondiale. Les dépenses en immobilisations ont été fortement comprimées. L'accent est mis sur les marchés intérieurs et croyez-moi, monsieur le président, je suis bien placé pour vous le dire. Pendant mon premier mois en poste, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de trouver 6,3 milliards de dollars que nous devions à SBC, qui envoyait son argent vers le Sud. Je parle donc de mon expérience personnelle, quand je dis que les dépenses en immobilisations se font sur les marchés intérieurs et non extérieurs, dans le secteur des télécoms.
Aux États-Unis seulement, les fusions et acquisitions ont diminué considérablement, tombant de plus de 200 milliards de dollars il y a trois ans à moins de 50 milliards de dollars l'an dernier. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'il faut bien faire les choses.
Si le gouvernement veut agir tôt, j'ai une proposition en ce sens. Mais pour ce qui est de la solution à long terme, une solution cruciale pour la santé du secteur, lui-même essentiel pour l'avenir du Canada, nous avons la responsabilité, vous et moi, de bien faire les choses.
Un calendrier pour des changements de plus grande ampleur coïncidant avec l'échéance actuelle des négociations de l'OMC en janvier 2005 pourrait être approprié. Bien qu'exigeant, il pourrait même favoriser la position du Canada dans les négociations.
En résumé, BCE est ouverte au changement. Nous croyons que le processus dont vous êtes saisi est important. Nous félicitons le ministre d'avoir lancé ce processus. C'est la bonne approche. Nous nous engageons à travailler avec ce comité et le gouvernement pour trouver les bonnes solutions.
Tous les intéressés ont la responsabilité de relever ce défi ensemble. Il s'agit de miser sur les forces du Canada et les réussites de notre pays afin de bâtir une solide industrie des télécoms pour aujourd'hui mais aussi pour les générations à venir, qui auront besoin de réseaux de télécommunications de classe mondiale.
Monsieur le président, voilà qui termine mon exposé. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président: Monsieur Crête, vous avez six minutes. Nous espérons pouvoir faire une deuxième ronde de questions.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Sabia, merci pour cet exposé très énergique. D'après votre exposé, j'ai conclu que vous souhaitiez nettement qu'on laisse le système actuel évoluer en se gardant des réserves plutôt que de négocier des accords internationaux. En d'autres mots, vous préférez qu'on ne donne pas tout de suite ce que l'on a afin de ne pas être obligé d'en donner encore plus éventuellement. C'est une position qu'on pourrait endosser si ce n'était le fait que vous nous avez parlé d'un Canada qui va très bien. Je peux, pour ma part, vous parler d'un autre Canada qui, dans le secteur des télécommunications, va un peu moins bien.
Dans ma circonscription, sur une distance de 20 kilomètres de chaque côté de l'autoroute 20, c'est-à-dire de la Transcanadienne, on ne peut pas utiliser de téléphone cellulaire. On a aussi des frais d'interurbain pour les communications entre certains villages. Un projet est mis sur pied pour que ces frais soient abolis et ce, pour un territoire qui correspond à peu près à ma circonscription.
Si on achetait le modèle que vous proposez, Bell serait-il prêt à prendre des engagements particuliers pour répondre aux besoins de la population qui occupe ce 15 p. 100 du territoire qui, à l'égard de plusieurs technologies, est à l'heure actuelle insuffisamment développé? Il n'est pas question ici de manque de bonne volonté, mais d'expériences vécues dans le passé.
¿ (0930)
M. Michael Sabia: Vous avez posé une bonne question, mais permettez que je vous réponde en anglais; ça me permettra d'être plus précis.
[Traduction]
Pour le début de votre intervention, je crois que vous avez bien analysé notre position. Nous croyons qu'il faut prendre des mesures à court terme, mais bien réfléchir aux mesures qui seront prises à long terme, en les plaçant dans le contexte de nos négociations commerciales, pour en tirer le maximum d'avantages, tant dans le contexte commercial du Canada que dans celui de renforcement de nos infrastructures de télécommunications. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Au sujet du deuxième volet de votre question, comme vous le savez, nous avons actuellement un important programme d'élargissement du réseau partout au pays, particulièrement dans nos secteurs d'activités clés, tant dans les villes que dans les régions non urbaines, moins densément peuplées. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons affecté plus de 400 millions de dollars à ce genre d'améliorations. Pour les deux ou trois prochaines années, nous y consacrerons encore de 80 à 100 millions de dollars. Au cours des dernières années, nous avons investi plus de 1,8 milliard de dollars pour l'augmentation de la couverture pour le réseau sans fil. Monsieur le président, c'est un secteur d'activités que nous prenons manifestement très au sérieux.
J'ajouterais qu'en tant qu'entreprise titulaire, nous prenons au sérieux nos responsabilités visant l'augmentation de la couverture et l'offre de service à tous les Canadiens. C'est l'une des raisons pour lesquelles la pénétration téléphonique est aujourd'hui, au Canada, de 98 p. 100. C'est le cas pour le réseau sans fil. Nous l'avons fait aussi pour le service DSL, afin que les Canadiens en régions éloignées aient accès à l'Internet à haute vitesse. Nous l'avons fait aussi, de concert avec le gouvernement, pour brancher à l'Internet les bibliothèques universitaires et scolaires. Nous prenons très au sérieux ces responsabilités sociales. Nous continuerons sûrement de le faire et j'abonde dans le sens de votre observation.
[Français]
M. Paul Crête: J'ai parcouru le document assez rapidement, mais il reste qu'à la page 44, dans la version française, on dit:
Les changements dans les règles de propriété sont irréversibles et l'industrie offre actuellement aux Canadiens d'excellents résultats; nous ne pouvons pas nous permettre de mauvais changements. |
À votre avis quels seraient ces mauvais changements? Dans le cadre des recommandations qu'on va faire dans quelques semaines, croyez-vous qu'il serait pertinent de préciser que la libéralisation totale du marché serait un mauvais changement?
M. Michael Sabia: Voilà une bonne question.
[Traduction]
Nous croyons que la libéralisation complète du régime de propriété étrangère au Canada est inévitable et que le Canada ne peut pas faire comme le roi Knud, et repousser la vague. Ça ne marcherait pas. Nous croyons que ces changements se produiront, nécessairement, et qu'ils sont fort complexes en raison des changements technologiques. Comme le roi Knud, nous ne pouvons pas les empêcher.
Les changements technologiques estomperont de plus en plus les distinctions traditionnelles du secteur. C'est inévitable. Cela se produira aussi certainement que le soleil se lèvera demain. Votre rôle est de s'assurer que dans un secteur économiquement viable, nous puissions prendre le temps de bien faire les choses.
Je crois que nous avons le temps. À cause des conditions actuelles du marché international, il n'est franchement pas urgent de sauter aux conclusions. Nous arriverons à cette destination, mais il faut prendre le bon chemin. Ce que je conseille humblement au comité, c'est de prendre une mesure provisoire, agir, lancer un processus nous permettant d'arriver à la bonne solution puis instaurer le genre de régime qui permettra une libéralisation complète de la propriété au Canada.
Sans vouloir être négatif, je dirais que personne, et certainement pas moi, n'a la sagesse nécessaire pour trouver en une semaine toutes les réponses et toutes les solutions à ces problèmes si complexes, qui sont le jouet des forces de la technologie moderne. Personne au monde n'a la sagesse nécessaire pour trouver une solution en une semaine. Prenez le temps qu'il faut. Nous avons le temps, faisons bien les choses.
Nous parlons de l'une des grandes réussites internationales du Canada, en télécommunications. C'est toute une responsabilité pour moi, dans le poste que j'occupe, et pour vous, aussi. Nous parlons d'une grande réussite, et nous visons mieux. Prenons le temps qu'il faut pour améliorer les choses mais agissons à court terme pour donner une orientation, augmenter la souplesse et améliorer l'accès au capital. Nous sommes en faveur de tout cela.
¿ (0935)
Le président: Monsieur Bagnell, c'est votre tour.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus et merci pour votre enthousiasme au sujet de l'investissement étranger.
Ma première question se rapporte à la pénétration du réseau à large bande, dont vous avez parlé dans votre exposé. Pourriez-vous me dire où se situe le Canada par rapport aux autres pays?
M. Michael Sabia: Nous venons au deuxième rang, derrière la Corée. Notre pénétration est le double de celle des États-Unis, et la Corée a une pénétration légèrement supérieure à la nôtre. Pour la communication haute vitesse à large bande, nous avons une pénétration de 30 p. 100 des ménages, alors qu'aux États-Unis, c'est environ 16 p. 100.
M. Larry Bagnell: Bien.
Vous avez aussi parlé de la concurrence et du fait que les choses allaient rondement, avec les diverses nouvelles modalités, etc. C'est peut-être vrai dans le sud du pays, mais dans mon coin du Yukon, ce n'est pas encore vrai. D'ailleurs, il y a un système mobile sans fil, mais c'est votre entreprise qui en est aussi propriétaire. Il y a du travail à faire de ce côté.
L'autre problème, c'est qu'on a constaté qu'à mesure qu'étaient facilitées les communications interurbaines, ce qui est une bonne chose, et la concurrence dans ce secteur, les compagnies de téléphone refilaient ces coûts à l'accès local, qui fait encore l'objet d'un monopole et que les gens peuvent moins se payer.
On m'a dit qu'aux États-Unis, on voyait du progrès dans l'intensification de la concurrence pour le marché local. Est-ce qu'on pourrait au Canada rendre le marché local plus concurrentiel?
M. Michael Sabia: J'ai deux choses à dire à ce sujet. Je commence par la question plus large puis je viendrai à la question précise des problèmes dans le Nord, où se situe votre circonscription.
Pour la question plus large, bon nombre de facteurs influencent la concurrence sur le marché résidentiel local. Il ne faut pas oublier qu'un choix de politique publique très légitime a été fait, un choix que nous appuyons: il est important de pratiquer des prix peu élevés dans le marché de l'accès local partout au Canada. Chose certaine, ils sont bien inférieurs à ceux des États-Unis et à ceux de la plupart des pays du monde. C'est un choix très légitime et nous ne le contestons aucunement.
Il y a un autre choix très légitime: nous devons répondre aux normes de service élevées du CRTC. C'est un choix légitime que nous appuyons aussi.
Il en résulte qu'il est moins intéressant d'investir dans le marché local qu'il en aurait été autrement. Encore une fois, nous sommes en faveur des décisions prises au sujet des prix, mais elles ont des conséquences économiques pour l'attrait que peut avoir ce marché pour de nouveaux concurrents.
Deuxièmement, à cause de ce choix légitime qui a été fait dans l'intérêt public, nous croyons que c'est l'expansion de la téléphonie par câble qui offrira la première réelle occasion de concurrence pour le marché résidentiel local. C'est inévitable. Je sais que des membres du secteur du câble, pour quelque raison que ce soit, voudraient nous faire croire que cela ne se produira pas avant longtemps. Mais c'est inévitable, cela se produit déjà à Halifax, avec EastLink, et aux États-Unis, avec Comcast et Cox. Dans les marchés où elles sont depuis deux ans, ces deux entreprises ont en moyenne pris une part de marché de 20 à 25 p. 100. À Halifax et dans les environs, EastLink a maintenant 25 p. 100 du marché. Cela se produira, ne serait-ce que parce qu'en participant au secteur de la vidéo par satellite, on peut aussi offrir des services de téléphone. C'est inévitable, et c'est très bien. Je suis en faveur de cela, parce qu'on créera ainsi sur les marchés locaux une concurrence fondée réellement sur les installations.
De plus en plus, les Canadiens se moquent bien de savoir si la voix qu'ils entendent ou les données qu'ils reçoivent leur parviennent en passant par un fil ou par les ondes. Cela importe de moins en moins, particulièrement à mesure que la qualité des transmissions sans fil s'améliore. De plus en plus, les appels téléphoniques sans fil se substitueront aux appels par téléphone avec fil. Nous le constatons déjà dans l'érosion du marché des lignes secondaires. Dans environ 55 p. 100 des cas, c'est dû à la substitution par un sans fil, et dans 35 ou 40 p. 100, à l'arrivée du DSL, ou de l'accès Internet à haute vitesse. Ces tendances se voient déjà, et continueront d'être observées. Ce n'est que le début, les choses devraient accélérer.
N'oubliez pas une autre chose. Notre secteur a traversé l'un des plus importants rajustements des marchés financiers des 150 ou 200 dernières années. Tout cela à cause des fantaisies du marché en 1999 et 2000. C'était complètement fou, et ce qui monte doit bien redescendre. Aujourd'hui, nous constatons les dégâts de ce retour sur terre. Cet environnement a sûrement ralenti les choses, mais est-ce que cela continuera? Certainement, cela continuera. Je crois donc qu'il y a des possibilités concrètes et imminentes de concurrence substantielle pour le marché résidentiel local.
Dans le Nord, il y a des problèmes commerciaux évidents. Nous avons la responsabilité de desservir cette région par l'entremise de NorthwestTel. Nous continuerons de le faire, parce que c'est une partie importante de nos activités. C'est une partie importante de nos obligations, comme institution sociale canadienne, et cela fait partie de l'identité de notre entreprise. Nous continuerons donc de le faire.
¿ (0940)
Je pense qu'il y a des difficultés supplémentaires dans les régions du pays qui sont loin des centres urbains densément peuplés. Il est plus difficile d'encourager de nouveaux arrivants sur ce marché, de nouveaux concurrents pour ces secteurs, ne serait-ce qu'en raison des coûts et de la densité; c'est la raison pour laquelle nous en avons la responsabilité.
Dans ce milieu, il faut une réglementation. À mon avis, ce qui compte, c'est d'offrir des prix bas, un service de qualité élevée, de l'innovation, et d'avoir le capital nécessaire pour offrir des services de bonne qualité à ces régions du pays. C'est ce que nous essayons de faire et c'est ce que nous continuerons de faire.
J'aimerais dire encore une chose au sujet des marchés urbains et des entreprises de câble. Là encore, la présence de ces entreprises sur bon nombre de ces marchés, avec le temps, pourrait renforcer la concurrence sur le marché résidentiel.
Toutes mes excuses, je sais que ma réponse est trop longue, mais en terminant, je vous demande de songer à ce qui s'est produit, par exemple, pour le marché local commercial. Selon les marchés, nous y avons perdu, et je le répète, c'était une nécessité, de 15 à 16 p. 100 de notre part de marché, au cours des dernières années. Nous en perdrons encore davantage, c'est la vie. Nous sommes payés pour nous occuper de ces problèmes. Je cite ce chiffre simplement pour vous dire que les choses bougent. Peut-être pas aussi vite que certains le voudraient, à cause du gouffre que nous avons traversé, mais les choses bougent. Ces tendances se manifestent. Il y a des résultats.
¿ (0945)
Le président: Merci.
Merci à vous, monsieur Bagnell.
Monsieur Masse, c'est à vous.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Le portrait que vous brossez de la propriété étrangère, de l'accès au capital est bien différent de celui d'autres témoins. Ils nous ont dit que si cela se produisait, ils auraient accès à davantage d'investissements, davantage de recherche et de développement, et que cela réglerait certains problèmes d'infrastructure. Mais en même temps, vous avez parlé plus précisément d'une ouverture qui ferait passer la propriété étrangère de 33 p. 100 à 49 p. 100. S'agirait-il essentiellement de pouvoir garder un certain contrôle pendant le changement?
M. Michael Sabia: Pour nous, il s'agit de simplifier, d'éviter certaines des questions les plus controversées se rapportant aux télécommunications et à la câblodiffusion, en respectant l'équivalence, importante à notre avis, mais en conservant aussi des possibilités de contrôle canadien afin que le gouvernement puisse agir assez tôt, s'il le souhaite. D'une certaine façon, cette proposition découle de certains problèmes plus complexes.
Il faudra du temps pour régler ces questions complexes. C'est pourquoi nous proposons que si le gouvernement souhaite agir, il prenne des mesures, fasse le travail, trouve la bonne solution puis passe ensuite à la solution plus large, et qu'il en tire profit, peut-être, dans le cadre des négociations de l'OMC.
C'est essentiellement ce que nous pensons, si le gouvernement veut agir sous peu. Autrement, nous préférerions que le gouvernement prenne son temps, pour bien faire les choses. Trouvons la bonne solution puis mettons-la en pratique.
M. Brian Masse: Étant donné l'imminence des négociations de l'OMC, c'est ce que vous proposez que nous fassions, dans l'intervalle. Nous avons entendu d'autres témoins. Ils nous ont dit que sur leur liste de priorités, cela venait au quatrième rang, pour l'ensemble du secteur. Il y a un tas d'autres problèmes à régler.
Diriez-vous que les travaux du comité devraient avoir une portée plus large, pour l'ensemble du secteur des télécommunications, afin de préparer l'avenir et mobiliser l'industrie, en vue d'une nouvelle orientation?
M. Michael Sabia: Je ne sais pas si je peux dire que nous sommes ou non d'accord avec vous. Cela m'arrive souvent dans la vie, de ne pas savoir si je suis d'accord ou non avec des gens, alors tant pis.
Je crois que beaucoup estiment que la réglementation canadienne doit s'aligner sur la réglementation américaine. Ils pensent que nous devons choisir un régime de fixation des prix qui ne sera pas économique, qui sera contreproductif, destructeur, et qui pourrait retarder de beaucoup l'investissement. Je ne suis pas d'accord avec eux.
Mais je suis fier d'être Canadien et si vous le permettez, je vais prendre une minute pour vous parler en tant que Canadien: j'en ai marre d'entendre les gens dire qu'il faut faire comme les États-Unis. Vraiment marre. Quand on est chef de file, il faut le reconnaître. Dans ce secteur, nous sommes des chefs de file. Pour combien d'autres secteurs au Canada pouvons-nous en dire autant? Je dois dire, malheureusement, qu'ils ne sont pas nombreux.
À ceux qui disent qu'il faut faire comme eux, qu'il faut adopter le modèle de revente, que ce sera avantageux pour l'industrie, je dis qu'il faut voir ce qui s'est passé aux États-Unis. Si c'est ça notre avenir, je ne marche pas.
¿ (0950)
M. Brian Masse: Vous défendez avec enthousiasme l'industrie canadienne, mais si la propriété étrangère est complètement permise tout de suite, est-il probable que des investissements américains se fassent dans nos produits et services, assortis d'une détérioration des choix pour le consommateur, étant donné ce qui s'est produit là-bas et ce que nous avons ici? Est-ce une menace possible pour les consommateurs? Vous avez parlé des prix plus bas ici, d'un meilleur accès au service, et d'autres choses qui militent en faveur d'un contrôle canadien de la situation, à une époque très agitée. Est-ce une menace qui viendrait avec la propriété étrangère illimitée? Je n'entrevois pas beaucoup d'investissement en provenance de l'Europe, mais bien davantage, de l'Amérique du Nord.
M. Michael Sabia: Considérons les modes d'investissement américains, SBC par rapport à Bell Canada, AT&T Corporate par rapport à AT&T Canada. Toujours le même scénario. Je n'invente rien. Signer un chèque de 6,3 milliards de dollars à l'ordre de SBC, c'est une chose qu'on n'oublie pas. Ce n'est pas tous les jours qu'on prépare un chèque avec tant de zéros. Honnêtement, je préférerais ne pas avoir à le refaire. Voilà où on en est.
Il ne me revient pas de parler de politiques publiques, même si j'ai passé 10 ans de ma vie dans cette ville et que je m'intéresse toujours à ce genre de chose. Mais permettez-moi de le faire tout de même. Du point de vue de la politique publique, le gouvernement a une tâche difficile, et qui est d'arriver à un équilibre entre deux choses: d'une part, les avantages économiques d'un accès accru au capital, ce qui est toujours une bonne chose, et que des gens d'affaires comme moi appuieront toujours; et d'autre part, je ne sais trop comment le décrire, mais il s'agit de l'avantage pour la société canadienne de la présence canadienne dans ce secteur névralgique de l'économie canadienne. Je pense que tout l'art de gouverner se trouve là. C'est vraiment l'art des politiques publiques. C'est davantage à vous qu'à moi qu'il incombe d'évaluer la situation.
Au sujet de Bell Canada, mon travail est fort simple: faire de Bell Canada la meilleure société de communication d'Amérique du Nord. Chaque matin en allant au travail, c'est ce que je fais, de même que les 43 000 employés de Bell Canada. Nos valeureux efforts ont porté fruit jusqu'ici et continueront de le faire, quel que soit le régime de propriété, parce que notre objectif, c'est d'être les meilleurs. Si nous sommes les meilleurs, notre avenir est enviable, quelles que soient les règles de propriété étrangère.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Normand, vous avez la parole.
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Monsieur Sabia, je vais vous parler en français mais vous pouvez me répondre en anglais.
[Français]
Vous dites qu'on peut démarrer le train lentement et qu'il ne faut pas le charger trop rapidement. Croyez-vous qu'on risque de vivre, dans le domaine des communications, une situation comparable à celle d'Air Canada, soit une déréglementation donnant lieu à une hausse vertigineuse des coûts et à une diminution de services, particulièrement dans les régions rurales du Canada?
[Traduction]
M. Michael Sabia: Je ne crois pas. Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir si ce qui s'est produit dans le transport aérien, après une grande déréglementation, nous donne une idée de l'avenir des télécommunications, particulièrement en ce qui touche les secteurs ruraux du pays.
Je ne crois pas qu'il y ait vraiment lieu de s'inquiéter, parce que je crois qu'on peut séparer les changements du régime de propriété étrangère des obligations que nous continuerons d'avoir comme entreprise titulaire chargée de fournir des services de grande qualité dans tous les secteurs et, certainement, dans les régions rurales du pays. Je pense qu'on peut trouver une solution, si le gouvernement le veut bien, qui à la fois libéralisera le régime de propriété et maintiendra les obligations que doivent avoir les entreprises titulaires, de fournir des services dans ces régions.
Cela étant dit, il y a une chose qui doit être évaluée soigneusement et c'est la mesure dans laquelle... C'est l'une des raisons pour lesquelles je crois que le régime différentiel, selon lequel certaines entreprises sont là en haut et d'autres sont là plus bas, n'est pas une solution. Je me dis qu'en tant qu'institution sociale, nous avons la responsabilité, légitime, d'offrir des services dans ces régions. Mais si nous sommes sur un palier, et que des concurrents sont sur un autre, nos coûts vont augmenter, pour les immobilisations et la production. S'il faut en plus respecter des exigences réglementaires pour faire ce que nous faisons aujourd'hui dans un monde où nous sommes en concurrence avec des entreprises qui ont d'autres coûts d'immobilisations, ce ne serait pas juste, à mon avis.
¿ (0955)
[Français]
M. Gilbert Normand: Vous dites que les compagnies canadiennes sont à l'heure actuelle les leaders mondiaux en matière de télécommunications. Ayant conduit des missions à l'étranger à quelques reprises, je ne peux qu'être d'accord avec vous.
Est-ce que Bell Canada ou BCE a des investissements dans des pays étrangers? Si oui, dans quelle proportion? Quelles sont les règles qui prévalent dans ces pays?
[Traduction]
M. Michael Sabia: La réponse est non, nous n'avons pas d'investissements à l'étranger. Nous en avions. Nous avions de très importants investissements à l'étranger, par notre entreprise Téléglobe, une société de transmission de données longue distance qui oeuvrait à l'échelle internationale. Une chose doit être claire : certains voient notre entreprise comme une forteresse financière imprenable. Or, avec Téléglobe, nous avons perdu 10 milliards de dollars. Nous nous en sommes détachés. C'était très pénible. Nous avons été aussi atteints par tout ce qui s'est passé dans les marchés de télécommunications. Pour ce qui est de Téléglobe, nous ne sommes plus dans ce secteur.
Nous avons aussi fait des investissements dans d'autres pays, dont nous nous sommes retirés, avant... Nous avions des investissements en Corée, à Taïwan, en Inde, en Chine et en Amérique latine. Avant les difficultés du secteur des télécommunications, nous nous étions retirés de nombre de ces projets. Nous avons encore de très petits investissements au Mexique et au Brésil, mais il s'agit de bien peu de choses.
Le président: Une courte question, pour une courte réponse.
[Français]
M. Gilbert Normand: Quels sont les effets pervers que vous craignez le plus si des changements trop rapides sont apportés aux règles actuelles?
[Traduction]
M. Michael Sabia: Il y en a deux.
Premièrement, il sera impossible d'offrir un traitement équitable à tous dans cette industrie qui évolue rapidement, car les distinctions qui existaient entre ces différents types d'entreprises disparaissent. Toute erreur pourrait avoir d'énormes conséquences.
Deuxièmement, les propositions que j'ai entendues sur les moyens d'apporter ces changements portent soit sur les licences, soit sur le régime différentiel. Les mesures relatives aux licences provoqueraient un grand recul dans le système de réglementation canadien, un système que l'OCDE et bon nombre d'experts-conseils en télécommunications estiment être l'un des meilleurs au monde. Ce serait un grand recul et il faudrait éviter de telles mesures. L'adoption de telles mesures nous inquiéterait grandement et nous nous y opposerions.
De même, nous nous opposerions énergiquement à l'adoption par le gouvernement d'un régime différentiel dans lequel les concurrents ne seraient pas traités équitablement.
À (1000)
Le président: Merci beaucoup.
M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Bonjour messieurs.
Permettez-moi de continuer dans la même veine. Vous avez parlé des mesures relatives aux licences et vous avez dit qu'il ne faudrait pas adopter de telles mesures au Canada. Vous avez dit que ce serait un grand recul. Toutefois, c'est la solution que semble préférer ou proposer le ministère à l'heure actuelle. Pourriez-vous nous expliquer exactement pourquoi ces mesures constitueraient un recul, à votre avis.
M. Michael Sabia: J'ai lu l'opinion que les fonctionnaires d'Industrie Canada ont rédigée pour vous au sujet de cette proposition. Le problème fondamental, c'est qu'il est à peu près impossible de mettre en place un régime de licence sans conférer au concédant de ces licences des pouvoirs discrétionnaires relativement grands. Ces pouvoirs discrétionnaires créent de l'incertitude et rien ne déplaît davantage aux marchés financiers et aux investisseurs que l'incertitude et l'imprévisibilité.
Il faut également savoir qu'un investisseur international... et disons les choses comme elles sont, je passe une grande partie de mon temps à discuter avec des investisseurs de partout au monde. Il faut avouer que leur but n'est pas de faire des faveurs aux gens—et on ne saurait les critiquer pour cela—, ils veulent faire des profits. Ils examinent donc le marché mondial et ils décident où ils investiront l'argent qu'ils souhaitent consacrer au domaine des télécommunications.
Le Canada est un pays relativement petit—un grand pays, mais un pays relativement petit. Si les investisseurs voient ici un régime de licence incertain et imprévisible dans un marché relativement petit, avec des prix relativement bas, on peut se demander si les mesures que nous avons prises rendent le Canada plus intéressant pour les investisseurs étrangers. Je crois que le ministère de l'Industrie est plein de bonnes intentions, mais en donnant de plus grands pouvoirs discrétionnaires et en créant un plus grand degré d'incertitude dans un marché relativement petit, ces mesures ne seraient-elles pas plutôt un recul? Les investisseurs de cette envergure peuvent investir partout au monde.
Voilà pour la deuxième raison. Si vous voulez que j'arrête là, je le ferai. Si vous voulez que je continue, je continuerai.
Les États-Unis ont un régime de licence, et il faut voir le genre de problèmes qu'il y a sur ce marché. Il suffit de voir les problèmes que ce régime de licence a occasionnés. L'investissement de Vodafone chez Horizon n'a pas donné d'excellents résultats, non plus que l'investissement de Deutsche Telekom chez VoiceStream ou, plus près de nous, l'investissement par TMI dans le satellite aux États-Unis. C'est un processus difficile à comprendre et divers intérêts influent en coulisse sur l'approbation ou le rejet des projets. Pour moi, cela ne correspond pas au cadre de réglementation clair, prévisible et progressiste dans lequel le Canada a toujours excellé.
M. James Rajotte: Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui des définitions. Vous soulevez cette question aux pages 8 et 9 de votre mémoire. Vous parlez des problèmes de la séparation structurelle, et je crois que vous avez tout à fait raison.
Vous posez ensuite certaines questions. À la page 8, au second paragraphe, vous demandez si un fournisseur de services de télécommunications qui distribue des signaux vidéo sur une ligne d'accès numérique est une entreprise de transport ou un fournisseur de contenu. C'est l'une des questions les plus difficiles auxquelles le comité devra répondre. Pouvons-nous faire cette distinction, et dans l'affirmative, comment? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
À (1005)
M. Michael Sabia: Je crois que c'est assez clair, car je l'ai déjà dit à 50 reprises ce matin. C'est une tâche ardue, mais cela n'a rien de nouveau, car je l'ai déjà dit.
Ce qu'il faut, c'est avoir une définition très large. C'est ce que nous avons à l'heure actuelle, mais dans un an, cinq ans ou six ans, que nous utilisions des lignes d'accès numérique comme nous le faisons maintenant pour les données d'Internet à haute vitesse ou que nous utilisions davantage les fibres optiques dans notre réseau, nous serons davantage en mesure de livrer un signal vidéo de grande qualité, et de plus en plus, les distinctions disparaîtront.
Vous pouvez peut-être encore percevoir aujourd'hui un écho de l'ancienne structure de l'industrie, mais demain, cet écho aura complètement disparu. Votre tâche ne consiste pas seulement à adopter des politiques pour aujourd'hui, mais aussi à établir un cadre qui puisse s'appliquer pendant cinq ans ou dix ans encore. Vous devez vous fonder sur le postulat que bon nombre de ces obstacles et de ces distinctions disparaîtront.
Il sera peut-être encore possible de voir une différence entre, d'une part, une société de téléphonie, un câblodistributeur ou une société de communication par satellite, pour utiliser leurs anciennes appellations, et, d'autre part, les créateurs de contenu et les programmeurs. Ce n'est pas facile, mais c'est sans doute possible. Sinon, vous devrez revoir toute la question de la politique du Canada en matière de culture. J'ai l'impression qu'il vous sera possible d'y trouver une solution, mais ce sera très difficile avec cet autre groupe d'intervenants.
M. James Rajotte: Toujours dans la même veine, vous parlez à la page 9 de la définition des entreprises de télécommunications, des distributeurs de radiodiffusion et des programmeurs. Ces définitions sont-elles encore valables?
M. Michael Sabia: Elles le sont de moins en moins. Pensez-y. Que faisait auparavant une société de téléphonie? Une telle société était une entreprise de transport. Elle transportait la voix des gens sur un fil. On y a ensuite ajouté des données. Que faisait un câblodistributeur? Il distribuait un signal vidéo sur un câble coaxial.
Ces sociétés font beaucoup plus de distribution aujourd'hui que par le passé. Nous distribuons toutes sortes de contenus et de signaux vidéo sur Internet au moyen de nos lignes d'accès numérique. La distinction n'existe donc plus. De même, les câblodistributeurs feront le même travail que nous au fur et à mesure qu'ils accroîtront leurs services de téléphonie. J'ai donc beaucoup de difficulté à voir comment on peut établir des différences claires entre ces entreprises.
Je sais que vous avez entendu le témoignage de André Bureau. C'est un homme intelligent. Vous avez également entendu le témoignage d'Astral, selon qui le simple fait d'être un câblodistributeur influe lui-même sur le contenu. C'est probablement vrai, car le câblodistributeur décide du contenu et de la syntonisation des postes. Il peut donc exercer une énorme influence. Je comprends donc la position de ce témoin et je ne fais que confirmer que le gouvernement et votre comité sont saisis d'une tâche complexe, à savoir établir des distinctions qui sont nébuleuses du fait même de l'évolution technologique.
Le président: Merci, monsieur Rajotte.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président. Vous avez mis en évidence le fait qu'il serait très compliqué de faire la distinction entre le transport et le contenu. Vous dites qu'il y a peut-être une possibilité. Mais comment y arriver? C'est une autre histoire.
Cela m'amène à vous demander quelle est la différence entre la télévision par câble, le téléphone par câble et le modem-câble à haute vitesse.
À (1010)
M. Michael Sabia: C'est exactement la même chose.
M. Serge Marcil: Si c'est la même chose, comment les entreprises telles que Vidéotron, Rogers ou BCE peuvent-elles faire la distinction entre les transmissions qui circulent sur la même autoroute? Comment peut-on faire une séparation structurelle? Est-ce réellement possible?
M. Michael Sabia: Pour ma part, je ne suis pas convaincu que ce soit possible de faire cette distinction à cause du fait, comme vous l'avez dit...
[Traduction]
On utilise la même technologie. Tout passe par le même réseau. Ce sont les mêmes bureaux qui sont utilisés, etc. Préconiser la séparation structurelle, c'est un peu comme siffler en passant devant le cimetière la nuit. Cela peut sembler rassurant à première vue, mais si vous y réfléchissez, cela ne donne pas grand-chose.
Cela revient à dire que nous devrions séparer nos services de téléphonie de nos services Internet. Comment peut-on le faire? Je livre les deux produits à partir de la même technologie, sur les mêmes câbles, comment pourrais-je séparer ces deux services? Ils dépendent tous deux des mêmes réseaux. Les deux services dépendent également du même service à la clientèle et des mêmes systèmes de facturation. C'est donc très difficile. À mon avis, cette idée de séparation structurelle susciterait de nombreux problèmes.
Certains diront peut-être qu'il suffirait de réunir tout l'actif de transport à l'actif de contenu que possèdent Rogers, Shaw ou d'autres entreprises. Je ne crois pas que cela fonctionnerait. Cela ne résoudrait pas le problème fondamental.
Je ne veux certes pas décrier ce que font mes collègues câblodistributeurs. Ils dirigent de grandes entreprises, ils seront nos concurrents à l'avenir et ils appliquent de bonnes solutions. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire, mais je ne vois pas comment on résoudra le problème en créant des entités distinctes sans faire de distinction dans la propriété. Il y aura toujours une organisation, une personne ou une entité quelconque qui sera propriétaire et qui pourra exercer une influence. Je ne vois pas en quoi cela résoudra le problème.
Je ne veux certes pas laisser entendre que mes collègues câblodistributeurs ont de mauvaises intentions. Au contraire. Ce sont simplement des problèmes très complexes.
[Français]
M. Serge Marcil: Monsieur Sabia, vous dites aussi--et cela fait partie de la mission de Bell Canada--avoir une responsabilité sociale qui vous oblige en quelque sorte à desservir la quasi-totalité de la population canadienne.
Si, demain matin, il y avait une déréglementation totale dans votre domaine, seriez-vous assujettis à la même mission? Auriez-vous la même responsabilité sociale et morale à remplir?
Vous pourriez être confrontés à de nouveaux concurrents. À l'heure actuelle, on se permet de dire qu'on est les meilleurs parce que notre cadre réglementaire permet aux entreprises canadiennes d'évoluer sans trop de craintes. Cependant, face à une déréglementation totale--comme vous l'avez dit plus tôt, vous n'êtes pas là pour faire de la pastorale, mais bien pour faire des affaires--, appliqueriez-vous les mêmes règlements et, le cas échéant, le feriez-vous de la même façon? Bell Canada aurait-elle le même rayonnement à l'échelle canadienne?
[Traduction]
M. Michael Sabia: Pour répondre à votre question, nous avons des obligations et nous les prenons très au sérieux. Aujourd'hui, nous nous acquittons de ces obligations... Je vais devoir faire une affirmation dont je ne suis pas absolument certain, mais peu importe. Je crois que nous nous acquittons peut-être mieux de nos obligations que tout autre transporteur au monde. Je ne suis pas certain de pouvoir prouver cette affirmation, mais elle est probablement vraie.
Le problème, c'est que si cette question est mal réglée et que des sociétés comme la nôtre, TELUS, ou même les câblodistributeurs en place s'en trouvent désavantagés, cela pourrait nuire à notre capacité de nous acquitter de nos responsabilités sociales. Ce serait une erreur grave pour le pays.
À (1015)
[Français]
M. Serge Marcil: À l'égard de vos concurrents...
[Traduction]
Le président: Serge, votre question doit être brève, et la réponse également.
[Français]
M. Serge Marcil: C'est ma dernière question, monsieur le président.
Êtes-vous tenus de fournir, au pays, des services que vos concurrents n'offrent pas?
[Traduction]
M. Michael Sabia: Oui. À titre de transporteur en place, nous avons l'obligation d'offrir autant que possible des services à toute la population et d'offrir ces services dans des régions rurales. Nous sommes tenus de respecter des dispositions tarifaires auxquelles nos concurrents ne sont pas assujettis et nous ne pouvons pas livrer concurrence normalement. Si un client décide de se désabonner des différents services d'une société, et pas seulement dans le domaine des télécommunications, cette société peut communiquer avec ce client et lui offrir diverses choses pour qu'il se réabonne. Nous en sommes empêchés par toute une série de restrictions. Nous faisons donc affaire dans un milieu où la réglementation n'est pas uniforme.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Crête, vous avez quatre minutes et demie.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions à poser.
Nous avons entendu hier une présentation d'un représentant de l'OCDE. D'après ce que j'ai compris, le Canada se trouverait actuellement dans une situation semblable à celle de plusieurs autres pays. Il semblerait en outre qu'on fasse partie d'une liste de pays qui, en principe, ont libéralisé les échanges, mais qui, en réalité, se sont presque tous réservé une forme de contrôle.
En tenant compte du message initial du ministère de l'Industrie et de ce qu'on a appris hier de l'OCDE, peut-on dire que même s'ils ont emprunté des voies différentes, le modèle qui prévaut au Canada et celui qu'on retrouve dans différents pays d'Europe sont passablement semblables, en ce sens qu'ils comportent des réglementations particulières? J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Je vais immédiatement vous poser une deuxième question de façon à m'assurer que vous ayez le temps d'y répondre.
Les industries pharmaceutiques, dans le cas des produits d'origine, ont conclu un genre de contrat social. Est-ce que vous seriez prêts, sans que vous ayez à signer un contrat comme tel, à adopter ce genre d'approche? Au Canada, lorsqu'on a décidé d'appliquer une réglementation intelligente à la propriété intellectuelle, on a demandé quels efforts pouvaient être faits, en termes de création d'emplois ou de résultats, au cours des 10 années suivantes.
Si on faisait le même genre de proposition à Bell à l'égard de la couverture du territoire à l'extérieur des grands centres, y aurait-il des chances qu'on obtienne des résultats?
Au départ, on pourrait maintenir le modèle actuel, pour ensuite le libéraliser tranquillement en fonction des négociations internationales; en même temps, on pourrait s'efforcer de desservir les populations qui ne reçoivent pas les services présentement. Seriez-vous ouverts à ce type d'approche? Il ne s'agirait pas ici d'un contrat avec l'État.
[Traduction]
M. Michael Sabia: Premièrement, je sais que votre comité a entendu des observations au sujet des autres régimes de propriété des intérêts étrangers. On a dit entre autres que le seul pays qui imposait des restrictions semblables était la Turquie.
Je connais Peter Harder depuis 30 ans. Je me souviens que nous nous faisions concurrence dans des concours de violon. Il est sous-ministre à Industrie Canada et je le connais bien. Je dois avouer que j'ai toutefois été un peu étonné de cette observation car si vous y regardez d'un peu plus près, ce n'est pas aussi simple. En Allemagne, en France ou en Norvège, le gouvernement possède encore une partie importante des actions de la société locale. Lorsque le gouvernement possède une partie importante des actions de la plus grande société de téléphonie, la situation est entièrement différente. Je ne crois pas que l'on puisse vraiment faire une comparaison avec la Turquie.
Deuxièmement, même dans les pays où les gouvernements ont privatisé les sociétés de téléphonie qu'ils possédaient autrefois, ils continuent dans bien des cas de détenir des actions préférentielles dans ces sociétés privatisées. C'est le cas en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne. Grâce à ces actions privilégiées, le gouvernement peut prendre diverses mesures.
Je ne suis donc pas certain qu'on puisse examiner de façon isolée ces limites aux investissements étrangers et faire une comparaison équitable avec, pour seule contrepartie équivalente, la Turquie. Si je dis cela, c'est simplement à des fins d'analyse, pour énoncer les faits. Comprenez-moi bien, nous ne disons pas que la bonne solution soit de ne pas modifier le régime d'investissement. Ce n'est pas ce que nous préconisons. Néanmoins, pour prendre une bonne décision, il faut avoir un tableau d'ensemble et examiner tous les faits.
Deuxièmement, j'ai deux choses à dire pour répondre à votre question sur le contrat social. Tout d'abord, nous le faisons déjà de bien des façons. Cette année, nous dépenserons environ 280 millions de dollars, ou presque 300 millions de dollars, en recherche et développement de façon à pouvoir continuer d'offrir des services de télécommunications de pointe aux particuliers et aux entreprises qui constituent notre clientèle canadienne. Comme nous l'avons dit à de nombreuses reprises, nous continuons d'avoir des obligations quant à l'expansion des services dans les régions rurales, et nous venons d'entreprendre un nouveau programme pour accroître et améliorer nos services dans ces régions.
En ce qui a trait à l'emploi, eh bien, les conditions du marché ont été très difficiles pour nous comme pour toutes les autres entreprises. Comparativement à à peu près toutes les autres grandes sociétés de télécommunications, surtout celles des États-Unis, nous avons fait de l'excellent travail pour ce qui est de conserver des emplois. En outre, notre société vient de mettre sur pied un nouveau programme. Au lieu de mettre nos employés à pied, nous essayons de les recycler pour les conserver et leur donner de nouvelles possibilités. Cela fait également partie de nos obligations sociales. Notre société essaie de se conduire en citoyen responsable, et je crois que nous réussissons. Nous allons donc continuer dans cette voie.
Nos concurrents vont continuer de prendre de l'expansion, et c'est bien, car la concurrence est une bonne chose... Il m'arrive parfois de penser que les gens croient que BCE et Bell Canada n'aiment pas la concurrence. Mais la concurrence est une bonne chose car elle oblige les sociétés à évoluer, et les sociétés qui évoluent s'améliorent. Je suis un chaud partisan de la concurrence.
Mais il ne faut pas oublier que si la concurrence augmente, certains de nos concurrents doivent alors assumer le même degré élevé d'obligations sociales que nous, dans nos engagements en R et D, dans le travail que nous avons fait dans le domaine de l'emploi et dans les efforts que nous déployons dans les régions rurales. Les règles doivent être équitables.
À (1020)
Je suis donc en faveur de tout cela, et nous sommes toujours prêts à respecter nos obligations, comme notre entreprise l'a toujours fait. C'est pourquoi nous sommes une institution sociale et nationale au Canada. Mais à cause de l'évolution de la concurrence, ces autres entreprises devraient également avoir ces obligations car elles doivent également se montrer bonnes citoyennes.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. St. Denis, puis à M. McTeague.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président. Et merci à nos témoins d'être venus nous rencontrer.
Tout d'abord, j'ai bien aimé votre observation au sujet du graphique de l'OCDE qu'un autre témoin a utilisé hier. Dans ce graphique, on laissait entendre que le Canada accusait un certain retard dans la proportion d'investissement par habitant. Je me suis également demandé pourquoi il faudrait faire des comparaisons entre des pays et de vastes régions du monde à une époque où les investissements semblent aller dans tous les sens. En fait, l'Australie, qui obtient de meilleurs résultats dans ce graphique, a des règles sur les investissements étrangers. J'ai donc beaucoup apprécié votre observation à ce sujet.
Mais permettez-moi de me faire un peu l'avocat du diable, monsieur Sabia. Si je travaillais pour vous, je pourrais utiliser vos propos pour justifier le statu quo. Je sais que vous avez dit à M. Crête que vous n'êtes pas en faveur du statu quo. Notre postulat de base, c'est qu'il faut examiner les changements et voir pourquoi il conviendrait de les apporter. Dans vos remarques, vous avez dit que le changement était inévitable.
D'après ce que vous dites, il faudrait donc assouplir les règles sur l'investissement étranger, soit partiellement au début, soit complètement plus tard, tout simplement parce que c'est inévitable, parce qu'en principe il vaut mieux ouvrir tous les marchés aux investissements internationaux ou parce que votre entreprise peut bénéficier d'une façon quelconque de l'assouplissement de ces règles, n'est-ce pas? J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet.
À (1025)
M. Michael Sabia: Non, si nous sommes en faveur de cette mesure, c'est que nous estimons que c'est toujours une bonne idée d'augmenter l'accès aux investissements. C'est parce que nous sommes persuadés de la valeur de ce principe que nous croyons que le Canada devrait, surtout dans une économie en pleine mondialisation, aller de l'avant et libéraliser son régime d'investissements étrangers. C'est la raison fondamentale. Cela ne présente pas d'avantage particulier pour notre entreprise, si ce n'est d'une façon générale, comme je viens de le dire.
Nous sommes constamment en relation avec des investisseurs des États-Unis. Nous essayons de les encourager à investir dans notre société parce que nous croyons que c'est une bonne chose. Les règles actuelles et les nouvelles règles que j'ai proposées nous laissent suffisamment de marge de manoeuvre. Nous pouvons encore encourager d'autres investissements américains dans notre entreprise, et nous aimerions continuer à le faire. Mais cela ne nous apportera pas d'avantage spectaculaire. Nous pensons simplement que cette mesure, si elle est bien conçue, peut renforcer l'industrie.
Permettez-moi de revenir sur quelque chose que vous avez dit et que je conteste. Le fait que les sociétés canadiennes de télécommunications sont une grande réussite ne signifie pas qu'il faille maintenir le statu quo.
Je vais vous donner un exemple. Chaque fois que je rencontre nos employés—et j'essaie d'en rencontrer des milliers—, je leur dis toujours que notre travail consiste à faire de notre bonne entreprise une excellente entreprise. De même, votre travail et celui du gouvernement consistent à faire d'une très bonne industrie des télécommunications une industrie encore meilleure. Je veux m'assurer d'être bien compris. Ce qu'il faut éviter, c'est de croire les propos négatifs et les lamentations—et en tant que Canadien, je suis tanné de les entendre—de ceux qui disent que notre industrie n'est pas l'une des plus grandes réussites industrielles du Canada. Je ne veux plus entendre de tels propos et il est grand temps que les Canadiens se félicitent de leurs réalisations—et bon sens, l'industrie des télécommunications canadienne est l'une des choses dont les Canadiens devraient être fiers.
Les raisons qui expliquent la réussite de l'industrie au Canada ne devraient pas être utilisées pour favoriser le statu quo. Dans le monde des affaires d'aujourd'hui, sinon dans le monde d'aujourd'hui, l'inertie, c'est la mort.
M. Brent St. Denis: Merci de votre réponse. Si je me suis fait l'avocat du diable, c'est pour que vous m'expliquiez cette nuance.
Pour conclure, vous avez traité dans le cadre de vos fonctions avec de nombreux investisseurs, de grands investisseurs, ici et à l'étranger. Pourriez-vous nous les décrire? Les gens avec qui vous faites affaire représentent des actionnaires quelque part ailleurs, des actionnaires qui veulent un rendement sur leur investissement et qui se fichent complètement d'où vient l'argent.
Certains disent que c'est une question de contrôle, que des intérêts étrangers veulent acheter des sociétés canadiennes pour les contrôler. En fin de compte, si on y réfléchit bien, ce n'est qu'un investissement. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est? Dans vos transactions, est-ce une question de contrôle ou strictement d'investissement?
À (1030)
M. Michael Sabia: Il y a en fait deux catégories, et je peux faire la distinction entre les deux.
Il y a d'abord les placements de portefeuille, qui sont faits par des gens qui représentent de très importants fonds communs de placement, d'énormes régimes de pension, des souscriptions privées, etc. Qu'il s'agisse de Fidelity, Capital Research, Wellington, Putnam, du régime de pensions de la Californie, de celui de l'Ontario, des enseignants, d'Ulmer ou d'autres, ce sont tous des régimes de pension ou de grands fonds communs de placement au Canada. Ce que veulent ces investisseurs, d'une façon générale, ce n'est pas le contrôle. Ils veulent investir des sommes raisonnables en espérant que la société obtiendra de bons résultats. Ils veulent investir dans la société et, grâce au rendement de cette société, obtenir un rendement, puis passer à d'autres investissements. Ces investisseurs représentent une énorme source de capitaux que nous essayons, nous et d'autres, d'attirer constamment.
Le contrôle est une question plus présente avec le deuxième groupe d'investisseurs. Il y a par exemple le cas de SBC, une entreprise avec laquelle nous entretenons d'excellentes relations. SBC souhaitait posséder 20 p. 100 des actions de Bell Canada. La transaction a été réalisée, mais SBC a décidé de s'en retirer, et nous avons résolu le problème, très bien à mon avis. SBC ne possède donc plus d'actions de Bell Canada, mais son investissement ressemblait davantage à un investissement en portefeuille. Toutefois, cette société s'intéressait également aux relations stratégiques que nous pouvions entretenir, et les choses se sont raisonnablement bien passées.
Pour ce qui est du contrôle, il y a peut-être des investisseurs étrangers qui souhaitent acquérir le contrôle de sociétés canadiennes. Et c'est cela le problème. Personne ne peut dire qu'il est nuisible d'encourager une plus vaste gamme d'investissements dans les sociétés canadiennes. C'est de toute évidence une bonne idée et il faut favoriser ces investissements.
La question, pour vous et pour le gouvernement, est donc de décider comment on peut équilibrer les avantages économiques qu'amènent de plus grands investissements et les problèmes sociaux associés à ces questions de contrôle. C'est là que la théorie rejoint la pratique et c'est là qu'il faut prendre des décisions.
Si nous avons proposé une mesure initiale provisoire, c'est que nous disons qu'il faut encourager les investissements mais qu'il faut conserver pour l'instant du moins ces investissements à un niveau qui ne pose pas de problèmes de contrôle parce que nous devons prendre le temps de bien y réfléchir. Il faut néanmoins aller de l'avant, indiquer quelle est l'orientation du pays, mais sans soulever immédiatement tous ces problèmes très complexes de contrôle. Prenons le temps de bien y réfléchir.
Toutefois, nous allons devoir nous attaquer un jour à ces problèmes, et c'est nécessaire. À vrai dire, je ne veux pas donner l'impression que... Je ne trouve pas le mot exact, mais nous devrions également avoir confiance dans notre capacité de résoudre ces problèmes. Il y a d'excellentes sociétés au Canada. Je manque peut-être d'objectivité, mais la nôtre est l'une d'elles.
Je connais un grand nombre de personnes dans le secteur des télécommunications, dans un grand nombre de pays. Je sais donc où nous nous situons. Nous sommes excellents, sous quelque angle qu'on fasse la comparaison.
Le président: Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur Sabia, je vous remercie d'avoir témoigné devant le comité. Nous dépassons un peu le temps prévu.
Notre comité ne pourra pas nécessairement modifier l'essence des facteurs qui touchent le contenu ni de ceux qui touchent les entreprises de télécommunications. À l'instar de beaucoup d'autres, votre entreprise a fait valoir à l'aide d'arguments solides la nécessité d'établir un superministère qui s'occuperait des questions de ce genre, au moment où nous évoluons vers le modèle que vous proposez pour l'avenir étant donné qu'une libéralisation complète est inévitable.
Devant cette perspective de libéralisation complète, vous avez proposé de porter de 33 à 49 p. 100 la limite des actions pouvant être détenues au niveau des sociétés de portefeuille. Nous avons déjà discuté de cette possibilité dans notre comité. À votre avis, une telle mesure stimulerait-elle la concurrence ou s'agit-il simplement d'une idée qui peut sembler attrayante mais qui s'avérerait impossible à concrétiser dans la pratique.
Comme vous l'avez mentionné, votre société a racheté beaucoup de ses actions. J'imagine que dans bien des cas il s'agissait d'actions de la société de portefeuille.
Par ailleurs, comme nous nous dirigeons vers une libéralisation complète, pensez-vous que la convergence pourrait contribuer sensiblement à attirer les investisseurs étrangers?
À (1035)
M. Michael Sabia: Au sujet de votre première question, je dois vous dire que je ne partage pas votre point de vue. C'est une excellente question, du reste. Je ne crois pas que le fait de relever la limite de propriété étrangère va vraiment stimuler la concurrence. Ce sont deux choses tout à fait différentes, même si à première vue certains les trouvent semblables. Ce n'est pas mon cas.
Il faut distinguer différents éléments. Distinguer par exemple les répercussions du ralentissement considérable qui touche notre secteur depuis deux ou trois ans. Dieu sait qu'il a eu d'énormes répercussions qui ont naturellement également affecté nos concurrents. Aucun pays n'a été épargné, comme en témoignent le grand nombre de faillites. Ce ralentissement a été terrible et a entraîné la perte de sommes d'argent énormes et causé du tort à beaucoup de gens.
Mais cela n'a rien à voir avec la propriété étrangère. Ce sont des questions tout à fait différentes. Il pourrait y avoir d'excellentes raisons d'assouplir les règles du Canada relatives à la propriété étrangère. Nous sommes d'accord, mais nous ne pensons pas que cela va accroître sensiblement la concurrence, du moins certainement pas à court terme sur les marchés financiers. Bref, il s'agit de deux choses complètement différentes.
Je me dois absolument d'exprimer un autre commentaire. Repensez à ces longs et pénibles cours d'économie que vous avez suivis. Qu'est-ce que la concurrence apporte? Elle agit sur le prix, le service, l'innovation et l'investissement de capitaux. Or, sur tous ces plans, nous n'avons rien à envier aux autres pays du monde. J'aimerais bien qu'on m'explique quel est le problème, car sur tous ces plans le secteur des télécommunications au Canada fait très bonne figure. Cela ne justifie peut-être pas le maintien du statu quo, mais ce n'est pas non plus une raison de vouloir faire des changements qui n'amélioreront pas la situation. Moi, je veux améliorer les choses, c'est ce que je vise dans mon travail. Selon certains, si nous augmentons la limite imposée à la propriété étrangère, il y aura subitement une explosion de concurrence sur le marché canadien. Ces gens s'illusionnent. Quand on discute d'enjeux aussi importants, il faut procéder à une analyse rigoureuse.
La concurrence s'accroît au Canada. Nous sommes à même de le constater dans presque tous les segments de notre entreprise. Il doit y avoir plus de concurrence dans le service résidentiel local et c'est ce qui commence à se produire. Il y aura de la concurrence sur le marché des télécommunications canadien. Cependant, cette concurrence sera tributaire d'une réglementation élargie, et elle reposera sur les installations. Je la distingue de la propriété étrangère. Si nous prenons de bonnes décisions, cela stimulera la concurrence.
Le président: Monsieur Sabia, je vous remercie d'avoir répondu avec tant de franchise à la foule de questions que nous vous avons posées.
M. Michael Sabia: Il n'y a vraiment pas de quoi, monsieur le président. Si je peux vous être utile de quelque autre façon, n'hésitez pas à me contacter.
Le président: Je suis persuadé qu'il y aura d'autres questions.
M. Michael Sabia: S'il y a d'autres questions, nous serons heureux d'y répondre et de vous être utiles.
Le président: Merci beaucoup.
Nous ferons une pause de deux minutes pour permettre aux nouveaux témoins de prendre place à la table.
À (1036)
À (1044)
À (1045)
Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons.
Pendant cette deuxième partie de notre réunion, nous recevrons M. Keenleyside, de Dominion Telecom, qui remplace d'autres personnes qui n'ont pu venir en raison de la neige. Nous avons l'habitude de tels empêchements. Nous accueillons également M. Ian Morrison, de l'organisme Friends of Canadian Broadcasting.
Monsieur Keenleyside, vous avez la parole. Ensuite, ce sera au tour de M. Morrison, puis nous passerons aux questions.
M. Anthony H. A. Keenleyside (avocat, McCarthy Tétrault, Dominion Télécom inc.): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Tony Keenleyside et je suis un des associés du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault au Canada.
MM. John Sharer et Alan Dole, qui devaient représenter Dominion Telecom ici aujourd'hui, vous prient d'excuser leur absence. L'un d'eux est retenu par des obligations personnelles et l'autre s'affaire encore à déblayer l'entrée de sa maison en Virginie, ensevelie sous un mètre de neige. Comme vous le savez, tous les vols de la région ont été annulés. M. Sharer et M. Dole n'ont donc pas pu venir, mais ils m'ont demandé de vous dire que si vous avez des questions relatives à l'entreprise auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre, je les noterai et ils vous transmettront les réponses par écrit.
Je représente Dominion Telecom Inc., qui est une petite entreprise de télécommunications non canadienne dotée d'installations. Le dirigeant de ces entreprises vous remercie de leur donner l'occasion de faire connaître son point de vue sur les restrictions à la propriété et au contrôle prévues dans la Loi sur les télécommunications et son Règlement. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois savoir que Dominion est une des très rares entreprises non canadiennes que vous avez entendues jusqu'à maintenant.
Vous devriez avoir déjà reçu notre mémoire et le texte de mon exposé. Pour gagner du temps, je ne vais donc pas décrire nos relations d'affaires et les raisons pour lesquelles Dominion s'intéresse à ces audiences. Du point de vue de Dominion, ce qui importe c'est que l'entreprise a acquis 108 fibres optiques dans un câble qui va de Montréal à Albany, dans le cadre d'une transaction beaucoup plus vaste qui comportait l'acquisition des actifs de télécommunications de la société Telergy Inc., lors de la faillite de cette compagnie aux États-Unis.
Dominion se trouve dans une situation singulière. En vertu de la législation actuelle, elle ne peut pas utiliser ces fibres pour offrir des services de télécommunications au Canada. Pire encore, elle ne peut même pas permettre aux entreprises canadiennes comme Bell Canada de le faire. J'en expliquerai les raisons tout à l'heure.
Pour vous donner une idée de la taille du câble que Dominion a acquis, chacun des 108 brins qu'il contient, chaque paire de fibres est capable, grâce à la technologie actuelle, de transporter plus de 10 millions de communications téléphoniques en même temps. Vous comprendrez donc que Dominion a la capacité d'offrir des services perfectionnés à plusieurs entreprises, maisons d'enseignement et organismes gouvernementaux.
Dominion estime qu'il n'est pas dans l'intérêt du Canada qu'elle ne puisse se servir de ces fibres optiques. Cela ne contribue pas à la réalisation d'un objectif gouvernemental canadien et, bien entendu, cette situation est désavantageuse pour Dominion également.
Après avoir pris connaissance de l'invitation du comité, le personnel de Dominion a réfléchi longuement pour trouver une façon constructive de réagir aux questions que vous soulevez. Je vous avoue que la proposition qu'il a trouvée est tellement simple que c'en est presque gênant.
La Loi sur les télécommunications renferme un énoncé de principe qui affirme «le caractère essentiel pour les télécommunications pour l'identité et la souveraineté canadiennes». La loi renferme deux grandes parties qui correspondent à cet énoncé de principe. La première est la partie II de la loi, qui s'intitule «Admissibilité»; c'est là que sont détaillées les restrictions qui s'appliquent à la propriété et au contrôle canadiens. La deuxième partie, intitulée «Tarifs, installations et services» à la partie III de la loi, décrit les éléments administrés par le CRTC.
En vertu de la loi actuelle, toutes les entreprises de télécommunications dotées d'installations doivent se conformer aux restrictions touchant la propriété prévues par la partie II de la loi. Elles sont aussi automatiquement assujetties à la réglementation en vigueur ou à une réglementation éventuelle du CRTC, en vertu de la partie III. Comme vous l'avez déjà entendu de la bouche d'autres intervenants, le degré de réglementation dépend de l'entreprise, mais toutes les entreprises sont assujetties au CRTC.
La proposition toute simple de Dominion consiste à couper les liens entre ces deux parties de la loi. En un mot, Dominion propose que la Loi sur les télécommunications soit modifiée pour prévoir que l'obligation de se conformer à la partie II, les restrictions relatives à la propriété, ne s'appliquent qu'aux entreprises dotées d'installations «désignées». Cette recommandation est décrite beaucoup plus en détail dans notre mémoire.
Dans un premier temps, il faudrait reconnaître que toutes les entreprises non dominantes dotées d'installations ne devraient pas être désignées et que, par conséquent, elles ne devraient pas avoir à se plier aux exigences relatives à la propriété. Comme le CRTC estime qu'il appartient au marché de décider du sort de ces entreprises, comment peut-on affirmer, pour reprendre les termes utilisés dans la loi, que ces entreprises jouent un rôle essentiel au maintien de l'identité et de la souveraineté canadiennes.
À (1050)
Dominion tient à souligner qu'elle ne prend pas position quant à la question de savoir si les entreprises dotées d'installations devraient être désignées ou non. À l'issue de ces délibérations, votre comité recommandera peut-être d'abolir purement et simplement les restrictions à la propriété. Cependant, si vous décidez de garder les restrictions pour certaines entreprises, Dominion ne se prononce pas non plus sur les modalités de désignation des entreprises dotées d'installations.
Notre mémoire décrit en détail certaines options qui vous ont été proposées. En gros, vous pourriez procéder de trois façons. Vous pourriez opter pour la voie législative et recommander au Parlement d'assortir la Loi sur les télécommunications d'une annexe; vous pourriez recommander un règlement, que le Cabinet fédéral pourrait instaurer par décret; ou encore, vous pourriez passer par le CRTC, en modifiant l'article 9 de la loi de manière que le CRTC ait les pouvoirs d'accorder des exemptions. Chacune de ces formules présente des avantages et des inconvénients. Si les approches fondées sur le recours au CRTC ou à un règlement ont l'avantage d'une plus grande souplesse, l'incorporation d'une annexe dans la loi proprement dite procure plus de certitude.
Je réitère que Dominion ne prend pas position sur l'approche qui servirait le mieux les intérêts du Canada. Cependant, l'entreprise que je représente recommande vivement que si cette proposition vous semble intéressante, vous y donniez suite relativement vite, peu importe la méthode de mise en oeuvre adoptée, pour que les Canadiens puissent profiter au plus vite des avantages d'un secteur des télécommunications concurrentiel.
Nous tenons à souligner que cette proposition de dissocier les deux parties de la loi n'aura absolument aucun effet sur le régime de réglementation au Canada. Le CRTC conservera tous ses pouvoirs et toutes les entreprises de télécommunication dotées d'installations y demeureront assujetties, qu'elles soient ou non tenues de se conformer aux règles touchant leur propriété. Il appartiendra encore au CRTC de décider de la nécessité de réglementer l'entreprise et de la nature des règlements à imposer.
Enfin, on peut prévoir que si certaines entreprises sont désignées, c'est-à-dire assujetties aux restrictions relatives à la propriété, tandis que d'autres ne le sont pas, certaines pourront prétendre que cela mine leur compétitivité. Pour prévenir de telles plaintes, Dominion estime que le comité pourrait également recommander que la Loi sur les télécommunications soit modifiée par l'inclusion d'une disposition qui prévoirait la révision automatique de la nécessité des restrictions à la propriété; cette révision aurait lieu trois ans après l'entrée en vigueur des dispositions que nous proposons. Ainsi, tout le monde pourrait faire valoir de nouveaux arguments dans un délai relativement court pour demander que les restrictions soient supprimées pour certaines ou la totalité des autres entreprises de télécommunications désignées.
J'ai mentionné en commençant mon exposé que Dominion avait 108 fibres en plan au Canada et j'ai essayé d'expliquer les raisons de cette situation. La canalisation qui va de Montréal à Albany est un prolongement latéral de 250 milles, dont 200 milles se trouvent aux États-Unis et environ 80 kilomètres au Canada. Intégrée à un réseau beaucoup plus grand, elle est importante parce qu'elle constitue un lien de télécommunications essentiel entre le Canada et les États-Unis.
À titre de conseiller juridique de l'entreprise Dominion, je l'ai informée qu'au Canada les fibres optiques sont définies comme des «installations de transmission» aux termes de la Loi sur les télécommunications. J'ai également informé les dirigeants de l'entreprise qu'en vertu de la législation actuelle, quiconque gère une installation de transmission pour offrir des services de télécommunications au public contre rémunération doit être Canadien selon les critères définis par la loi. La société Dominion reconnaît ces exigences et n'en conteste nullement le bien-fondé.
Cependant, la Loi sur les télécommunications prévoit aussi que quiconque est propriétaire d'une installation utilisée de cette façon doit également être Canadien. Dominion n'est manifestement pas une entreprise canadienne. Cependant, si elle loue ces fibres à un Canadien aux termes de la loi, elle est encore visée par celle-ci si le locataire utilise les fibres pour fournir les services de télécommunications. Par conséquent, Dominion se trouve aujourd'hui devant une alternative: soit vendre toutes les fibres et quitter le Canada, soit attendre que les restrictions à la propriété changent. Pour le moment, Dominion attend l'issue de l'examen très opportun que mène votre comité.
Monsieur le président, la société Dominion a décrit tout ce que je viens de dire avec beaucoup plus de détails dans son mémoire. Elle a également répondu par écrit aux 13 questions que vous a adressées le ministre. Je ne vais donc pas aller davantage dans les détails.
À (1055)
En l'absence de MM. Sharer et Dole, je serai heureux de répondre à vos questions, mais je vous rappelle que je suis un avocat spécialisé dans la réglementation des télécommunications au Canada et non pas un employé de la société Dominion. Je suis mal placé pour répondre à des questions ayant trait aux affaires de la compagnie, mais je serai heureux de répondre à toutes les questions ayant trait à des questions de réglementation.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup. Nous comprenons tout à fait votre situation.
Monsieur Morrison.
[Français]
M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting): Monsieur le président, membres du comité, au nom des Amis de la radiodiffusion canadienne, je vous remercie sincèrement de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour traiter de la question des règlements sur la propriété et le contrôle des entreprises de télécommunication canadiennes.
[Traduction]
On pourrait se demander pourquoi une association qui représente 60 000 ménages et qui a pour mission de défendre et d'accroître la qualité et la quantité des programmes canadiens dans le domaine de l'audiovisuel s'intéresse à la restriction des investissements étrangers dans les entreprises de télécommunications.
Vous avez entendu plusieurs témoins affirmer que les règles limitant les investissements étrangers qui s'appliquent aux entreprises de télécommunications devraient également s'appliquer aux câblodistributeurs canadiens. Cette position s'explique par le fait que certains câblodistributeurs soutiennent très avantageusement la concurrence des entreprises de télécommunications pour ce qui est d'offrir le service Internet haute vitesse aux foyers canadiens.
Les entreprises de câblodistribution font partie intégrante du système audiovisuel canadien. Le CRTC les désigne sous l'appellation de «entreprises de distribution» et leur octroie des licences en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Vous savez sans doute que les plus grandes entreprises de câblodistribution sont associées à des diffuseurs. Par exemple, Vidéotron est propriétaire de TVA, Rogers, de Sportsnet, Shaw est affilié à Corus, qui est propriétaire de YTV, etc.
Notre organisme a passé en revue les arguments avancés par ceux qui préconisent l'augmentation de la part de propriété étrangère dans les entreprises de télécommunications, allant jusqu'au contrôle de ces entreprises par des propriétaires étrangers. Un des arguments de prédilection des adeptes de cette mesure--et je reprends ici les propos de M. Sabia--est qu'il faut accroître les capitaux étrangers pour stimuler la concurrence entre les fournisseurs des services de télécommunications.
Quant à nous, cet argument ne tient pas. Nous souscrivons plutôt à la position que M. William Linton, président et chef de la direction de Call-Net Enterprises, a exprimée devant le comité. Je me permettrai de citer ici ses propos:
En fait, ce n'est pas le manque d'accès aux capitaux qui étouffe la concurrence dans le secteur des télécommunications au Canada. C'est le manque de possibilité d'obtenir un bon rendement sur ses investissements... Le flux de capitaux étrangers ne stimulera pas la concurrence et ne corrigera pas les disparités. Il ne réduira pas les tarifs excessifs que nous payons aux titulaires pour avoir accès à leurs réseaux, réseaux dont ils ont hérité par suite d'un monopole qui a duré 100 ans. |
Je vous demanderais de vous reporter au mois de juin de l'année dernière. BCE a dû trouver des milliards de dollars pour racheter les 20 p. 100 des actions de Bell Canada qui appartenaient à une société du Texas appelée SBC Communications. Et cette transaction n'a pas provoqué le moindre remous sur Bay Street.
À notre avis, l'absence de concurrence dans le secteur des télécommunications découle de la réglementation et non pas de la pénurie d'investissements. C'est l'aboutissement logique des politiques édictées par le CRTC depuis 10 ans dans ce secteur. Je sais que les représentants du CRTC doivent témoigner devant le comité dans environ une semaine. Si, à l'instar des membres de notre organisation, vous êtes préoccupés par le fait que les titulaires contrôlent 96 p. 100 du service local aux entreprises et 99 p. 100 du service local aux particuliers, nous vous prions de demander des comptes au CRTC.
Le CRTC devrait avoir pour mandat d'aider les entreprises concurrentes à démarrer et d'empêcher les entreprises de télécommunications existantes de tout faire pour retarder l'interconnexion. Il faudrait lui demander des comptes pour avoir imposé aux nouveaux venus dans ce domaine des dépenses énormes pour des infrastructures inutiles. Mais ça, c'est une autre histoire.
Nous sommes venus ici aujourd'hui pour répondre aux positions du lobby des câblodistributeurs qui demandent l'élimination des restrictions sur la propriété étrangère de leurs entreprises. Il est intéressant d'entendre ce que Janet Yale, présidente de l'Association canadienne de télévision par câble, a répondu à une question de votre collègue John Harvard, lors de la réunion du Comité du patrimoine tenue le 28 novembre. M. Harvard lui a demandé ce que les entreprises de câblodistribution préconisaient. Voici le compte rendu officiel de cet échange:
Mme Janet Yale: Nous recommandons l'élimination complète de règles. |
M. John Harvard: Ce serait donc 100 p. 100, de façon directe, indirecte, peu importe. Ai-je bien compris? |
Mme Janet Yale: Oui. Notre position, c'est que tant qu'à dépasser 50 p. 100, quelle est la différence entre 51 p. 100 et 100 p. 100? En bout de ligne, la question reste à savoir s'il faut ou non favoriser la libéralisation. |
Nous sommes d'accord avec Janet Yale. Il n'y a aucune différence entre 51 p. 100 et 100 p. 100. Une fois que le contrôle est effectivement passé entre des mains étrangères, les emplois les mieux rémunérés migreront vers le Sud. Les factures de service de câblodistribution nous proviendront de Denver. On imposera une limite aux investissements dans Shaw, Rogers, Vidéotron et Cogeco pouvant être faits dans le cadre d'un REER.
En fait, nous souscrivons aux propos qu'Alliance Atlantis, Astral et CHUM ont tenus devant vous la semaine dernière. Voici ce qu'ils ont dit:
Les entreprises de distribution prennent des décisions de programmation tous les jours. Ils jouent un rôle fondamental dans la réussite ou l'échec des services de programmation canadiens. |
Ils ont également dit:
Si des entreprises étrangères veulent investir dans des entreprises de distribution canadiennes, mais ne veulent pas se contenter d'actions sans droit de vote, on peut supposer qu'elles veulent avoir un contrôle stratégique sur le fonctionnement de l'entreprise. |
Á (1100)
La conclusion de William Linton s'applique parfaitement au secteur de la radiodiffusion canadienne. Permettez-moi de la citer:
Nous devrons nous demander où nous voulons que ces décisions soient prises. Veut-on qu'elles soient prises au Canada, par des Canadiens qui ont un intérêt réel à assurer notre compétitivité, ou bien dans les conseils d'administration de San Antonio, de Kansas City, ou de New York où le territoire canadien n'est qu'une autre zone ombrée sur la carte, à la merci de l'humeur de dirigeants ayant une douzaine d'autres régions à considérer? Je pense que ces décisions sont beaucoup trop importantes pour notre survie pour que nous les laissions prendre par un autre pays. |
En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le système de radiodiffusion canadien doit appartenir à des Canadiens et être contrôlé par des Canadiens. Depuis l'adoption de cette loi en 1991, les restrictions imposées à la propriété étrangère ont déjà été diluées à la suite des pressions des radiodiffuseurs et des entreprises de câblodistribution jouissant d'un monopole qui invoquaient leur droit de bénéficier des mêmes conditions que les entreprises de télécommunications. Aujourd'hui, à la suite de l'annonce faite par le ministre Rock, nous assistons au deuxième acte de cette comédie. Nous sommes venus ici pour vous prier instamment de ne pas vous rendre à leur argument.
D'après les données du CRTC, Cogeco, Rogers, Shaw et Vidéotron desservent 87 p. 100 des abonnés au service de base de câblodistribution au Canada. Contrairement à la plupart des entreprises qui font du démarchage sur la Colline parlementaire, chacune de ces grandes compagnies de câblodistribution était à l'origine et demeure une entreprise familiale. Elles ont développé leur modèle d'entreprise original parce que le Parlement était bien décidé à interdire aux télédiffuseurs étrangers, c'est-à-dire américains, de posséder et d'exploiter des entreprises de transmission au Canada. Dans le cadre des licences de monopole territorial octroyées par le gouvernement fédéral, les câblodistributeurs ont essayé d'occuper un créneau bien précis: Transmettre des signaux américains de grande qualité aux foyers canadiens. Encore aujourd'hui, les seuls concurrents légaux des câblodistributeurs sont deux entreprises canadiennes de diffusion par satellite, dont l'une est contrôlée par Shaw, et une poignée de petites entreprises de télédistribution sans fil.
Les grandes entreprises de câblodistribution offrent de bons services sur le plan technique, mais elles n'ont pas la confiance de la population qui estime, en outre, qu'elles n'affirment pas l'identité canadienne. Je vous ai donné un exemple de cela dans un renvoi en bas de page. À présent, ces grandes entreprises affirment qu'elles devraient être assujetties aux mêmes exigences en matière de propriété que les entreprises de télécommunications. Elles allèguent que si on permet davantage d'investissement étranger dans le système de câblodistribution au Canada, cela réduira l'écart entre la valeur d'un abonné canadien et celle d'un abonné américain pour le marché.
Permettez-moi de commenter ces propos. Premièrement, faut-il vraiment réduire cet écart? En quoi cela profiterait-il aux Canadiens ordinaires? Deuxièmement, comment les analystes financiers de Bay Street perçoivent-ils le secteur de la câblodistribution?
D'après l'évaluation du marché, ce secteur serait mal coté et ne mériterait pas qu'on y investisse. Les obligations de Rogers et Shaw ont récemment subi une décote et sont maintenant assimilées à des junk bond, c'est-à-dire des obligations de pacotille. Pourquoi? Cette décote s'expliquerait par une dette excessive, dont une partie est attribuable à des acquisitions très ambitieuses, qui ont coûté trop cher. Ainsi, Québecor a récemment acheté Vidéotron pour 5,6 milliards de dollars. Même Ted Rogers a refusé de payer un prix aussi exorbitant. Il a plutôt décidé d'acheter les Blue Jays de Toronto, en invoquant des synergies avec le réseau Sportsnet. Malheureusement, les Blue Jays essuient des pertes de 50 millions de dollars par année. Bien entendu, Rogers et Shaw ont tous les deux investi des sommes considérables dans Internet, investissements qui n'ont à peu près rien rapporté.
Si le Parlement accédait aux demandes des câblodistributeurs et permettait à des sociétés étrangères de prendre le contrôle de compagnies canadiennes sous prétexte d'accorder à ce secteur les mêmes avantages qu'il accorde aux entreprises de télécommunications, il se peut que la valeur des abonnés canadiens augmenterait effectivement. Mais qu'est-ce que cela rapporterait à la population canadienne? Rien du tout. Cela profiterait à ceux qui contrôlent les entreprises. Il ne faut pas oublier que les actionnaires dominants font partie de quatre familles: Audet, Péladeau, Rogers, et Shaw.
L'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère des entreprises de radiodiffusion profiterait sans conteste à ce petit groupe de Canadiens, à ces quatre familles qui contrôlent le secteur de la câblodistribution. C'est simple: Il n'y a pas beaucoup d'acheteurs potentiels au Canada. Si on modifie les restrictions relatives à la propriété, il y aura plus d'acheteurs pour leurs actions, ce qui en fera monter le coût. Si on augmente la participation étrangère à la propriété de ces entreprises, ces quatre familles gagneront le gros lot. C'est aussi simple que cela.
Je ne dis pas qu'il y a quelque chose de mal à cela, mais il faut à tout le moins connaître les vrais enjeux. Les revendications du secteur ne profiteront absolument pas à la plupart des Canadiens.
Á (1105)
Voici ce que Gordon Pitts, l'auteur d'un nouveau livre intitulé Kings of Convergence: the Fight for Control of Canada's Media, dit au sujet de l'échec de l'offre publique d'achat de 5,4 milliards de dollars de Ted Rogers pour obtenir le contrôle de Vidéotron. Il dit:
Ceux qui surveillent l'industrie pensent que... Rogers a simplement voulu s'enrichir des éléments d'actif de câblodistribution de Vidéotron. Certains disent que lorsque les règles de propriété étrangère seront assouplies, cela permettra à n'importe quel acheteur d'acquérir un grand nombre d'abonnés dans une région concentrée. La possibilité de propriété étrangère est toujours un facteur dans la planification des câblodistributeurs et Ted Rogers n'y est pas entièrement insensible. |
M. Pitts fait un commentaire semblable au sujet de la famille Shaw:
Dans l'industrie on suppose que si les règles étaient modifiées afin de permettre un taux plus élevé de propriété étrangère des câblodistributeurs, un intervenant américain opportuniste, peut-être John Malone, pourrait acquérir une part beaucoup plus importante de Shaw Communications, et peut-être même racheter toutes les actions de la famille Shaw. Ce sentiment est renforcé par l'impression que JR, Jim et Heather Shaw sont avant tout pragmatiques. Ils aiment l'industrie, mais ils peuvent s'en passer. À long terme, il est probable que la famille Shaw vendra et qu'elle s'en tirera très bien. |
Ce que je veux dire, c'est qu'un des résultats de l'assouplissement des règles de propriété étrangère dans l'industrie de la câblodistribution serait de permettre aux membres de quatre familles de se mettre des milliards de dollars dans les poches, d'un simple trait de plume de Sa Majesté.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Combien de temps m'accordez-vous?
Le président: Vous avez six minutes.
M. James Rajotte: Merci, messieurs, pour votre exposé d'aujourd'hui.
Monsieur Morrison, j'ai quelques questions à vous poser au sujet de votre exposé. À la page 2, vous dites que vous n'êtes pas d'accord pour dire qu'il faut des capitaux étrangers pour encourager une plus grande concurrence dans la prestation des services de télécommunications. Puis, vous citez William Linton qui a dit: «Ça ne permettra pas d'égaliser les règles du jeu. Ça ne réduira pas les tarifs excessifs que nous versons aux titulaires pour obtenir l'accès à leurs réseaux...».
Pouvez-vous nous dire ce que ces tarifs devraient être? Vous croyez de toute évidence qu'ils sont trop élevés. Que devraient-ils être?
Á (1110)
M. Ian Morrison: À votre place, je n'accorderais pas trop d'attention à mon opinion sur cette question. Par contre, j'accorderais beaucoup d'attention à l'opinion des entreprises de télécommunications non titulaires. Elles doivent surmonter de nombreuses barrières lorsqu'elles se lancent en affaires et ces barrières, y compris les tarifs, sont telles qu'elles ne peuvent pas élaborer de plan d'entreprise qui indique un taux de rendement suffisant pour attirer les investisseurs. C'est ce qu'elles font valoir.
La suggestion que je vous ferais en matière de politique, c'est de prendre à partie le CRTC lorsqu'il comparaîtra devant vous plutôt que de citer l'opinion des Amis de la radiodiffusion canadienne sur le niveau des tarifs. Le CRTC a bâclé l'entrée de la concurrence dans l'industrie des télécommunications dans ce pays et il devrait être obligé de rendre des comptes. C'est un désastre réglementaire qui fait qu'il est très difficile pour quiconque de se mesurer aux géants.
M. James Rajotte: Je pense que si vous affirmez de telles choses, vous devez pouvoir donner des détails. Vous dites que les tarifs sont excessifs; eh bien, j'aurais espéré que vous puissiez nous dire dans quelle mesure ils le sont. Ce sont des affirmations très graves et je sais que d'autres les ont faites. Je pense que vous devez les appuyer par des faits précis.
M. Ian Morrison: Je m'en tiens à ce que j'ai déjà répondu. Je pense que si je vous donnais une réponse facile, un pourcentage ou quelque chose du genre, vous auriez raison de ne pas y accorder beaucoup d'attention. Je citerai Jean-Jacques Rousseau qui a dit quelque chose comme «Je suis ici pour discuter de principes. Je ne contesterai pas les faits».
M. James Rajotte: Bon, alors je vais passer à la question des entreprises de câblodistribution. Êtes-vous d'accord avec Michael Sabia qui disait ce matin que l'ancienne distinction entre les entreprises de câblodistribution et les compagnies de téléphone qui font de la distribution est en train de s'estomper et de disparaître? On peut maintenant distribuer des signaux sur Internet et par les entreprises de câblodistribution. Ces entreprises offriront des services de téléphonie. Les compagnies de téléphone commencent à offrir des services de distribution de radiodiffusion. Seriez-vous d'accord pour dire que ces changements sont en train d'estomper et même de faire disparaître entièrement les anciennes distinctions?
M. Ian Morrison: En un mot, oui. Au cours de la dernière décennie, les entreprises de câblodistribution ne se sont pas beaucoup aventurées dans le secteur de la téléphonie. Parce qu'il y avait des barrières. Il y a sept ou huit ans on avait fait des prédictions. À propos, voilà une autre excellente question à poser au CRTC car il avait prédit que ce genre de concurrence se manifesterait plus rapidement. Mais, de façon générale, il y a eu et il continuera d'y avoir une convergence technologique, c'est une réalité.
La préoccupation qui nous a incités à venir vous rencontrer est celle de l'auditeur et du téléspectateur et le rôle spécial que l'industrie de la câblodistribution joue à titre de gardien de ce que vos électeurs et ceux de tous les autres députés peuvent regarder à la télévision, du moins la vaste majorité de ceux pour qui les câblodistributeurs sont un joueur important. Cela veut dire que l'industrie de la câblodistribution a une responsabilité dans le domaine de la radiodiffusion. Nous ne voulons pas que sous prétexte d'assurer l'égalité des règles et la concurrence dans la prestation, par exemple, de services Internet haute vitesse, ils puissent se soustraire aux restrictions appropriées de la propriété étrangère qui devraient s'appliquer aux radiodiffuseurs. J'ai cité la loi et vous avez entendu mes arguments.
M. James Rajotte: Lorsque je vois l'orientation de l'industrie, je pense que l'argument en faveur du contenu canadien concerne en réalité deux genres de protection. Il s'agit d'assurer la créativité canadienne afin qu'elle puisse se développer et s'épanouir. Il s'agit aussi d'appuyer et de maintenir une industrie canadienne forte. Je pense que ce sont les deux arguments en faveur du contenu canadien.
Mais si nous acceptons que l'industrie évolue dans le sens de la concurrence entre le câble, la téléphonie, les satellites, le sans-fil et si nous acceptons que de plus en plus les consommateurs canadiens choisissent de contourner les règles de contenu canadien... Voyez le million de ménages environ qui ont entièrement contourné la réglementation que nous avons établie ici au Canada et qui disent choisir des systèmes par satellites sur le marché noir ou le marché gris. Les entreprises de câblodistribution et d'autres subissent des pressions pour fournir un contenu canadien et pour essayer de le protéger, mais en même temps, ils se rendent compte qu'ils perdent d'immenses parts de marché parce que les consommateurs canadiens eux-mêmes—je dis bien canadiens—choisissent de se procurer ces services complètement à l'extérieur du système.
Ce que je crains, c'est que l'industrie canadienne et la créativité canadienne perdront du terrain parce que de plus en plus de Canadiens choisissent simplement de contourner le système. Que faites-vous de ces Canadiens qui choisissent simplement les services qui contournent complètement toute protection du contenu canadien, sous quelque forme que ce soit?
Á (1115)
M. Ian Morrison: J'irais même un peu plus loin que vous, puisque vous n'avez pas mentionné le fait que bientôt il sera possible de transmettre des signaux audiovisuels de qualité supérieure sur Internet, ce qui éliminera les distances. Ce ne sera plus simplement un satellite américain, car on pourrait regarder la télévision australienne, par exemple, où la largeur de bande est suffisante. L'argument est donc très fort.
Je sais aussi que le président m'a demandé de m'en tenir au sujet, et c'est pourquoi je crains de m'écarter quelque peu, et j'essaie toujours d'obéir au président. Cela étant, plutôt que de restreindre l'accès des Canadiens à des signaux étrangers, notre position est qu'il faudrait prévoir un certain espace pour le genre de produit canadien de qualité qui garantira au Canada une place dans notre paysage audiovisuel.
Quelqu'un dans votre comté par exemple qui possède une antenne parabolique DIRECTV enfreint certaines lois, dont la Loi sur le droit d'auteur. Or si on regarde la télévision chez soi, eh bien je dis, tant mieux. Cela dit, je vous dirais également que le CRTC, qui a beaucoup de comptes à rendre, a activement découragé la concurrence dans la transmission de signaux satellites il y a déjà près de sept ans de cela quand il a empêché General Motors et Hughes Aircraft de conclure un marché avec Power Corp. qui aurait canadianisé la technologie et permis de livrer une vive concurrence à l'industrie de la câblodistribution.
La question est donc compliquée, et je vous dirais simplement que c'est une pente glissante, c'est-à-dire si votre comité, persuadé du bien-fondé de la chose, décide, par exemple, qu'il faudrait modifier les restrictions à la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications. En vertu de la législation actuelle, une telle décision ne toucherait pas l'industrie de la câblodistribution, mais les acteurs de cette industrie demanderaient quelque chose de parallèle à cela.
Cependant, comme je l'ai indiqué, et il existe beaucoup plus d'exemples que ceux que j'ai donnés, ces câblodistributeurs sont également propriétaires de diffuseurs canadiens. Les propriétaires d'autres établissements de diffusion qui ne sont pas contrôlés par l'industrie de la câblodistribution doivent se demander alors: pourquoi leur accès au capital devrait-il être différent du nôtre? Petit à petit, on assiste à un amenuisement de la capacité du Parlement à faire en sorte que, comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion, le système de radiodiffusion soit, dans les faits, détenu et contrôlé par des Canadiens. C'est ça la vigilance parlementaire, et c'est sur ce rôle que je voulais attirer votre attention aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Volpe, la parole est à vous.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Keenleyside et monsieur Morrison, merci à tous les deux pour vos exposés.
Je voudrais vous féliciter vous, monsieur Keenleyside, particulièrement. J'ai à peine eu quelques instants pour le lire, mais il me semble aborder des détails minutieux, et c'est manifestement beaucoup plus complexe que les mémoires que le comité reçoit normalement. Je présume que vous avez une raison spécifique de le faire, et j'espère ne pas avoir de préjugé négatif à cet égard, mais je me demande simplement si vous avez déjà fait cet exposé a) devant le CRTC et b) devant Industrie Canada au nom de votre client.
M. Anthony Keenleyside: Non monsieur, pas du tout. Le CRTC n'a aucune capacité juridique à changer les restrictions à la propriété, car la loi a été votée par le Parlement et la réglementation prise par le Cabinet, et non par le CRTC. Pour vous dire la vérité, quand la première invitation nous est parvenue, mon client était plus préoccupé par ce qu'il allait faire de ces fibres que de quoi que ce soit d'autre, et l'examen est arrivé à un moment tellement opportun que nous avons décidé de suivre cette voie.
Á (1120)
M. Joseph Volpe: En regardant votre mémoire, je constate que votre client est pratiquement tombé dessus par hasard—je suis désolé d'utiliser un mot aussi cru. Par hasard, on est tombé sur un bien canadien, et on essaie de sortir plutôt que d'entrer.
M. Anthony Keenleyside: L'analogie que j'ai utilisée était que la fibre qui allait de Montréal à la frontière n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan qu'ils ont acheté. C'est aussi infime.
Je n'ai nullement l'intention de minimiser le bien en question, car il leur est très important, mais c'est simplement que...
M. Joseph Volpe: Je le sais bien, et quand je regarde les chiffres ici, je me rends compte que l'analogie est très exacte. Malgré cette analogie, pourtant, vous nous avez présenté quelque chose de très complexe. Vous nous avez fait remarquer que, pour sauver cette goutte, il faut, non pas une décision discrétionnaire de la part du ministère ou du CRTC, mais bien une loi du Parlement. Cela étant, je me dis que les recherches qui ont dû être faites pour préparer cet exposé mériteraient certainement que le comité puisse les examiner.
M. Anthony Keenleyside: Merci, monsieur. Je transmettrai cela à mon client quand je lui enverrai ma facture.
M. Joseph Volpe: Le comité cherche toujours à être utile, surtout, comme vous l'avez fait remarquer, à tous ceux qui exercent leur activité sur le marché canadien--à plus forte raison, s'ils sont Canadiens.
Vous vous êtes donné beaucoup de mal pour répondre à toutes nos questions. Mais exception faite des deux premières questions qui touchent au mandat du comité, vous vous reportez constamment au point ou aux deux points qui intéressent plus précisément votre client. Sans vouloir juger de l'issue à l'avance, il me semble qu'il s'agit encore là d'une de ces situations où il n'est pas question d'investir au Canada, car je ne pense pas que cela intéresse vraiment votre client d'investir au Canada--c'est-à-dire de distendre la goutte pour couvrir le reste de l'océan--mais qu'il cherche plutôt à s'extirper d'une situation qu'il n'aime guère sans trop y laisser de plumes.
M. Anthony Keenleyside: Si c'est là l'impression que je vous ai donnée, monsieur, je vous prie de m'en excuser, car ce n'était pas mon intention. Il ne s'agit pas d'une tentative pour vous amener à modifier la loi afin de sauver Dominion Telecom.
M. Joseph Volpe: Ni quelque autre entreprise semblable.
M. Anthony Keenleyside: Non, c'est qu'on se trouve au Canada par hasard.
Dominion voudrait pouvoir utiliser le service. L'entreprise préférerait ne pas avoir à vendre et à quitter le marché, et elle estime qu'il serait possible de conclure d'autres accords semblables entre entreprises canadiennes et américaines--il s'agit ici d'un créneau assez circonscrit--pour assurer le flux international ou en tout cas entre le Canada et les États-Unis.
Il y a diverses autres formes de partenariat entre entreprises de télécommunication et de services d'électricité publics qui ne sont tout simplement pas envisagées dans la législation actuelle. Ce pourrait aussi être plus que cela. Il pourrait simplement s'agir d'accords financiers novateurs où des avocats comme moi disent «d'une part» et «d'autre part» et où l'investisseur dit simplement «Très bien, je peux investir à ces conditions-là, mais il faut que vous me donniez l'assurance que je n'enfreindrai aucune loi.»
Enfin, on est bien loin d'une tentative d'acquisition de BCE ou de Bell Canada. Il n'est pas du tout question de cela.
M. Joseph Volpe: Je le sais bien. J'ai tout simplement trouvé intéressant que, à la suite de l'exposé que nous avons entendu ce matin et des autres que nous avons entendus auparavant, on constate que toute cette stratégie très complexe visant à avoir accès à des capitaux d'investissement dépend, dans ce cas-ci, du plus pur hasard. Il y a donc peut-être de l'espoir pour ceux d'entre nous qui ne s'y connaissaient absolument pas jusqu'à maintenant en stratégie d'investissement--vous n'avez pas besoin de faire de commentaire là-dessus.
M. Anthony Keenleyside: Les capitaux, dans notre cas, monsieur, sont coincés.
M. Joseph Volpe: Très bien, je vous remercie.
Je me demande si je pourrais maintenant interroger pendant un moment M. Morrison, qui a des amis qui connaissent de toute évidence mon numéro de téléphone, puisqu'ils m'appellent souvent et que, jamais, il n'y a là d'effort planifié ou concerté. Je sais bien qu'ils font tout cela de façon spontanée.
Je suis heureux que vous adoptiez, à l'inverse, la même stratégie en quelque sorte que celle que M. Keenleyside nous demande d'adopter à son égard. Vous félicitez ceux qui espèrent avoir une facture, mais, malheureusement, je ne peux pas envoyer de facture au premier ministre. J'accepte toutefois le compliment.
Monsieur Morrison, comment une organisation comme la vôtre est-elle financée?
Á (1125)
M. Ian Morrison: C'est sûr maintenant que le président va me couper la parole.
Le président: La question est intéressante. Nous allons la laisser courir avant de passer au prochain interlocuteur.
M. Ian Morrison: Si vous me permettez de répondre...
Le président: Je vous en prie.
M. Ian Morrison: ...je vous dirai que, l'an dernier, nous avons recueilli 1,8 million de dollars de contributions de la part du public. La plus importante était une contribution de 1 080 $ de la part d'un particulier. Nous n'acceptons pas de dons de qui que ce soit qui a la propriété ou le contrôle d'une licence du CRTC. La très grande majorité de nos dons nous viennent de Canadiens individuels; le don moyen s'élève d'ailleurs à environ 40 $. Nous avons donc reçu aux alentours de 45 000 contributions l'an dernier qui...
M. Joseph Volpe: Monsieur Morrison, je ne cherchais pas à jouer au malin, mais en fin de semaine je parcourais les journaux et je suis tombé sur un assez long article sur les difficultés de la CBC. Puis, j'ai regardé du côté de votre comité directeur et de votre conseil consultatif, et il m'a semblé que tout coïncidait parfaitement avec la position stéréotypée que présentait cet article.
Notre comité a notamment à se pencher sur la question du contenu et de la distribution. En ce qui concerne le contenu, si vous êtes des amis de la CBC ou de la radiodiffusion canadienne—car j'ai parfois du mal à les distinguer—et qu'un type de contenu a autant d'influence, étant donné que notre comité doit examiner la question du contenu canadien dans son sens plus large, comment faut-il considérer votre exposé à la lumière de notre mandat si l'élément clé de votre exposé, c'est que le CRTC, le gros méchant dans tout cela, a essentiellement tout bâclé en fait de transmission et de radiodiffusion?
M. Ian Morrison: Je vais essayer d'être bref. Ce n'est pas là ce que j'ai dit. Si vous m'avez entendu dire que le CRTC a bâclé la radiodiffusion dans notre pays, je ne pense pas avoir dit cela. Le compte rendu pourra le confirmer. J'ai toutefois reproché au CRTC de n'avoir pas su réglementer de façon efficace la concurrence dans le secteur des télécommunications, mais j'avoue que je ne m'y connais pas beaucoup dans ce domaine.
Le comité directeur et le conseil consultatif ont une composition assez diversifiée. On trouve parmi les membres du comité directeur des personnes qui sont en train de terminer leur doctorat à l'Université de l'Alberta et qui ont deux décennies de moins que vous, monsieur.
Pour ce qui est de la CBC, vous n'avez qu'à visiter notre site pour constater que nous sommes parmi les plus critiques à son endroit. Nous lui avons demandé des comptes parce qu'elle ne s'acquittait pas d'un certain nombre d'obligations que lui avait confiées le Parlement, comme de refléter les valeurs et les points de vue des régions de notre pays. Nous avons aussi critiqué la façon dont sont nommés les membres de son conseil d'administration.
Nous ne sommes donc pas là pour mener la claque pour la CBC, mais nous nous soucions énormément du rôle de la radiodiffusion publique dans le système audiovisuel. Nous nous intéressons de très près à ce que font les diffuseurs privés, les câblodistributeurs de même que le CRTC, pour ce qui est de s'acquitter de son mandat, notamment en matière de radiodiffusion. Nous avons pour mission d'accroître et de préserver la qualité et la quantité de la programmation canadienne. C'est pour cette raison que vos électeurs qui appuient notre cause trouvent qu'elle a une résonance pour eux et qu'ils sont prêts à nous donner de leur revenu après impôt. Nous ne sommes pas une oeuvre de bienfaisance; nous sommes constamment actifs sur la scène politique mais sans être affiliés à quelque parti que ce soit. Vos électeurs sont prêts à nous appuyer parce qu'ils ont à coeur notre mission et nos valeurs.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à M. Masse.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Monsieur Keenleyside, j'ai eu l'occasion de parcourir brièvement votre document que j'ai ici. Il est très long.
L'entreprise a été fondée en 1997 et, peu de temps après, vous avez fait l'acquisition de l'élément d'actif en question. C'est juste?
M. Anthony Keenleyside: C'est encore plus récent que cela. Il y a un an environ, l'entreprise a fait l'acquisition de Telergy. Elle avait déjà un très vaste réseau.
M. Brian Masse: Très bien. M. Volpe cherchait à savoir ce que vous alliez faire de cet élément d'actif. L'avez-vous en fait mis sur le marché pour le vendre? Quelle a été la réaction?
M. Anthony Keenleyside: L'entreprise a hérité de certains contrats commerciaux quand elle a acheté le tuyau contenant les fibres. Les fibres étaient visées par des ententes EDUI—ententes de droits d'utilisation inattaquables, baux pour la location de fibres inutilisées—conclues avec un certain nombre d'entreprises canadiennes. Pour tout vous dire, c'est là quelque chose de problématique pour l'entreprise, car je lui ai fait savoir qu'elle pourrait se retrouver dans l'illégalité si elle permet que cette situation persiste. Comme je l'ai dit tout à l'heure, elle se trouve maintenant dans la situation difficile d'avoir ou bien à vendre ou bien à partir ou encore d'attendre un changement quelconque.
L'entreprise n'envisage certainement pas d'étendre son activité pour le moment afin de conclure d'autres ententes pour la location de ces installations. Elle n'a à l'heure actuelle qu'une assez petite partie de sa capacité totale qui est visée par des contrats existants, et si elle décidait de tout simplement mettre fin à ces contrats, elle pourrait vraisemblablement être poursuivie pour bris de contrat.
M. Brian Masse: Vous êtes effectivement dans une situation difficile.
Il se peut bien que vous ne puissiez pas répondre à cette question. Bell a proposé ce matin que, dans un premier temps, on passe à 49 p. 100 et qu'on règle ensuite les autres problèmes. Il s'agit d'une question de contrôle, et même Bell l'a reconnue. Cela serait-il suffisant dans l'intervalle?
Bell disait que le gros avantage de tout ce processus serait au bout du compte la prévisibilité. Dans quelle mesure cela est-il important pour vous clients?
M. Anthony Keenleyside: Pour ce qui est du seuil de 49 p. 100, chaque fois que le ministère de l'Industrie parle de propriété étrangère dans ce secteur, il insiste toujours pour dire, ce qui est un peu trompeur à mon avis, que la part des entreprises de télécommunications au Canada propriété de non-Canadiens pourrait atteindre 46,7 p. 100. Si je dis que cette affirmation est trompeuse, c'est que, quand on partage la propriété du côté des fibres optiques, ce n'est pas vraiment la même chose. Si toutefois on s'entend pour dire que la participation maximale est effectivement de 46,7 p. 100, la faire passer à 49 p. 100—c'est mon avis personnel, mais je pense que Dominion serait aussi de cet avis—, ce ne serait qu'un rajustement très mineur. Ce serait tellement mineur que l'effet en serait négligeable. Dans le cas particulier de Dominion, il n'y aurait aucun effet, car Dominion se trouverait toujours dans l'obligation de vendre sa participation majoritaire dans ce petit élément d'actif du côté des fibres.
Pour ce qui est de la prévisibilité, plus il y en a, mieux c'est. Je suis sûr que Dominion serait d'accord avec moi là-dessus. Ce n'est pas une réponse bien longue, mais c'est que cela va vraiment de soi.
Je vais répondre à la question suivante parce que j'ai vraiment très peur qu'on ne me la pose pas. On vous a donné un certain mandat visant à examiner les limites à la propriété. Un certain nombre de personnes sont venues vous dire que vous ne devriez rien faire de ce côté-là à moins que quelque chose d'autre se produise. Mon avis à moi—et je suis sûr que Dominion le partage—, c'est que la réforme des communications au plus haut niveau s'apparente à une échelle. Il y a une série de barreaux. On vous demande de monter d'un barreau. Certains disent: ne montez pas au barreau suivant tant que quatre, cinq ou six autres choses ne se sont pas concrétisées, après quoi vous pourrez monter sept ou huit barreaux de l'échelle. Or six autres choses ne se concrétiseront peut-être jamais, peut-être que vous ne serez jamais d'accord pour dire qu'elles se sont concrétisées ou peut-être qu'il faudra 10 ans pour qu'elles se concrétisent. Nous estimons qu'il vaut beaucoup mieux profiter de l'occasion de monter d'un barreau dans l'échelle qui mène à une meilleure réforme.
D'après moi, vous n'aurez jamais une réforme des communications qui sera terminée à tout jamais, car c'est une échelle sans fin, et il y aura toujours quelqu'un qui aura une idée pour améliorer le système. On vous donne l'occasion d'améliorer un tout petit peu le système en montant d'au moins un barreau.
M. Brian Masse: Monsieur Morrison, je représente une région du sud de l'Ontario, Windsor, et nous avons chez nous une situation intéressante en ce qui concerne la radiodiffusion. Nous avons maintenant des agents de la GRC qui s'en prennent aux propriétaires d'antenne parabolique et qui, en même temps, enquêtent sur des camions qui pourraient poser une menace et qu'on n'autorise pas à traverser aux États-Unis. C'est donc vraiment une question d'argent. Sinon, on veillerait aussi à brouiller les signaux que nous pouvons capter avec nos oreilles de lapin, comme nous le faisons depuis des générations, ou à nous empêcher de recevoir les signaux radio. Dans ma région, on est inondé de signaux de ce genre qu'on reçoit gratuitement. Par contre, le soutien pour la CBC est toujours incroyablement fort dans ma collectivité, parce que c'est une des options qu'on a.
Comment pouvons-nous nous assurer que, même en vivant certains de ces changements, surtout ceux qui, d'après ce qu'on nous a dit au comité, sont inévitables, nous ayons une représentation solide et des options valables? Vous pourriez peut-être me donner une question là-dessus que je pourrais poser au CRTC. Ce sont les Canadiens qui vont choisir, mais il faut que l'option existe, et il faut qu'il y ait un certain équilibre. Je suis témoin de cet envahissement quotidiennement. C'est le radiodiffuseur public, grâce à sa force, qui nous assure un important contenu canadien chez nous.
Á (1135)
M. Ian Morrison: En effet, les représentants de votre collectivité, voire certains de ceux qui vous ont précédé comme députés de votre circonscription, m'ont déjà fait part de ce même point de vue. Vous regardez vers le nord aux États-Unis d'Amérique, et vous vous sentez complètement entourés.
Je me souviens qu'à l'époque où je siégeais au conseil d'administration de la Fondation Trillium, le conseil s'était réuni au Columbus Centre à Windsor et que je me trouvais ainsi à côté du président de Chrysler Canada, qui siégeait lui aussi au conseil. Le gouvernement Mulroney venait d'imposer des compressions budgétaires effroyables qui touchaient Windsor. Cet homme ne cessait d'interpeller tous ceux qu'il croisait pour leur dire qu'il fallait absolument réduire le rôle du gouvernement parce que nous n'avions pas les moyens d'assumer un niveau d'imposition aussi élevé. Je lui ai demandé ce qu'il pensait de ce qui était arrivé à la CBC à Windsor, et il a répondu: C'est terrible, le gouvernement ne comprend tout simplement pas que nous sommes entourés par les Américains.
Pour répondre à votre question en faisant le lien avec le mandat du comité, je dirais donc que l'importation de signaux canadiens éloignés apporte aussi beaucoup d'avantages au système audiovisuel à Windsor. La transmission par satellite et la câblodistribution vous permettent, dans un sens, d'être reliés au reste du Canada. Vous comprenez mieux que quiconque ce que disait Phyllis Yaffe, présidente de Alliance Atlantis Broadcasting la semaine dernière, quand elle faisait remarquer que ces types de distributeurs prennent tous les jours des décisions de programmation qui déterminent ce que vos électeurs vont voir et à quel prix. Il est très important que ce point de vue l'emporte.
Je pourrais abuser de l'indulgence du président en parlant de la CBC, mais je ne ferai pas cela.
M. Brian Masse: Nous nous retrouvons dans une situation intéressante, et nous en voyons l'envers. Dans ma région, à cause de cette situation, je ne peux pas écouter les Blue Jays à la radio et je ne peux pas écouter non plus les Maple Leafs à la radio à cause des ententes qui ont été conclues avec les radiodiffuseurs américains. C'est exactement le contraire qui se produit chez nous. Nous sommes privés de certaines options, privés de choix, par des ententes.
M. Ian Morrison: Au risque de passer pour un promoteur de la distribution par satellite, ExpressVu ou Star Choice pourraient tous les deux résoudre votre problème, monsieur Masse.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à M. St. Denis, puis à M. Bagnell.
M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, de votre présence ici aujourd'hui.
Tout d'abord, monsieur Keenleyside, le dilemme est effectivement intéressant. Votre problème est-il le seul de ce genre à se poser le long de cette longue frontière que nous partageons avec les États-Unis, ou y a-t-il d'autres entreprises à votre connaissance qui possèdent une part des installations d'une entreprise américaine du côté canadien de la frontière?
M. Anthony Keenleyside: Je ne peux pas vous donner de réponse ferme à cette question, monsieur, mais si vous demandiez à n'importe quel avocat qui se spécialise dans les télécommunications au Canada s'il a conseillé des clients sur une entente semblable, il répondra oui. L'entente ne serait pas nécessairement pareille à celle de Dominion, mais il pourrait s'agir d'une coentreprise où la partie canadienne détiendrait la propriété jusqu'à la frontière et la partie américaine la détiendrait à partir de la frontière. Il pourrait aussi s'agir d'une entente de droit d'utilisation inattaquable complexe entre les deux qui se partagent un certain espace.
Le problème tient au fait qu'il est extrêmement difficile de savoir à quoi s'en tenir dans des situations comme celle-là. À partir de quel moment dépasse-t-on ce qui est permis en fait de propriété et de contrôle? Il est très facile de respecter les autres limites relativement à la part de 80 p. 100 et aux deux tiers aux deux niveaux différents, mais c'est toujours la question du contrôle qui est problématique et c'est pour cela qu'on fait appel aux avocats. Nous disons en fait : pourquoi ne pas simplement briser ce lien? Il ne semble pas être fondé sur la logique. Il est difficile de croire que, si le lien était brisé, il n'y aurait pas une foule de parties intéressées qui souhaiteraient participer à une entente quelconque qui ferait accroître le trafic entre le Canada et les États-Unis ou à l'intérieur du Canada.
Á (1140)
M. Brent St. Denis: Vous dites que même une entente aux termes de laquelle la partie du territoire laissée en plan, les 77 kilomètres, serait louée à une autre entité qui satisferait aux règles de propriété ne marcherait pas, ce qui semble malheureux. Si vous la louiez à quelqu'un d'autre qui aurait le contrôle exclusif de l'usage qui serait fait quotidiennement de l'infrastructure en question, cela devrait normalement résoudre le problème. Mais vous dites que cela ne règle pas le problème dans ce cas-ci.
M. Anthony Keenleyside: Cela ne règle pas le problème, monsieur, à cause de la façon dont la loi est formulée. Je crois qu'elle a été formulée ainsi à dessein, c'est pourquoi je soutiens que le moment est peut-être venu de la revoir.
Dans les définitions de laLoi sur les télécommunications, on précise qu'entreprise de télécommunication désigne le «propriétaire ou exploitant» —l'un ou l'autre— «d'une installation de transmission», à savoir une fibre, «grâce à laquelle sont fournis par lui-même ou une autre personne des services de télécommunication au public moyennant contrepartie».
Ainsi donc, Bell Canada, qui est manifestement une entreprise canadienne, veut se servir de la fibre de Dominion pour fournir des services de télécommunication au public canadien moyennant contrepartie. Dominion se trouve visée parce qu'elle est propriétaire de la fibre. Le service est donc doublement réglementé puisqu'on retourne au propriétaire plutôt qu'à l'exploitant.
Dans notre mémoire, nous faisons remarquer qu'il y a parfois cinq ou six niveaux de réglementation, selon la façon dont la chose est structurée. Nous ne voyons vraiment pas en quoi cela renforce l'identité ou la souveraineté du Canada.
M. Brent St. Denis: C'est un argument valable.
Si donc, au bout du compte, les règles sur la propriété étaient assouplies, il faudrait vraisemblablement qu'elles soient complètement éliminées. Pour régler ce problème dans le cas de votre entreprise, il faudrait que les limites à la propriété soient complètement éliminées. On ne pourrait pas fixer la limite à mi-chemin, comme le proposait le président de BCE, car il n'y a pas d'autre solution dans votre cas que d'éliminer complètement les limites à la propriété, n'est-ce pas?
M. Anthony Keenleyside: Je crois savoir que BCE propose de faire passer la limite à 49 p. 100, ce qui ne se trouve pas à mi-chemin.
M. Brent St. Denis: C'est juste.
M. Anthony Keenleyside: L'idée de la fixer à mi-chemin est intéressante; ce serait 50-50—et encore là je ne parle qu'en mon nom personnel—, mais le problème qui se pose dans ce cas-là, c'est que le contrôle serait négatif. Il n'y aurait qu'un contrôle négatif. Chaque partie pourrait dire à l'autre: non, vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez si je n'obtiens pas X et Y, et les deux parties seraient toujours à couteaux tirés.
Dès qu'on passe à 51 p. 100, même s'il y a certaines choses qu'on ne peut pas faire au niveau de l'entreprise à moins d'avoir une participation de 67 p. 100, cela veut dire que dans l'ensemble on peut apporter des changements fondamentaux à l'organisation; la différence n'est donc pas tellement grande du point de vue du contrôle de l'entreprise. Si vous songiez à faire passer le maximum à 51 p. 100, dans le cas de Dominion, si l'entreprise pouvait trouver un acheteur intéressé au Canada à 49 p. 100, elle pourrait vraisemblablement vendre son intérêt. C'est l'inverse de la situation où Dominion se trouve à l'heure actuelle, où elle ne peut détenir plus de 46,7 p. 100.
M. Brent St. Denis: Merci.
Toute proportion gardée, cette situation est peu importante, même si elle est bien sûre importante pour votre client. Elle soulève toutefois deux questions intéressantes.
Monsieur Morrison, vous avez suivi nos délibérations aujourd'hui et les jours précédents aussi. En tant que comité, nous nous retrouvons face à un dilemme : même si, en tant que Comité de l'industrie, nous ne nous intéresserions pas normalement aux questions de contenu, en tant que Canadiens siégeant à ce comité, c'est là un sujet qui nous intéresse, quelle que soit la décision à laquelle nous arriverons au bout du compte. Certains des câblodistributeurs, quand nous les entendrons, diront qu'il serait possible de...ce n'est peut-être pas tellement eux qui le diront, mais certains soutiendront qu'il est possible de dissocier le contenu de l'infrastructure ou de l'appareil. D'après ce que j'ai compris de vos propos, vous n'êtes pas de cet avis, vous ne pensez pas qu'il est possible de dissocier, aux fins de la propriété, l'appareil du contenu.
M. Ian Morrison: Il existe un certain nombre de modèles intéressants. Je pense que ce serait là s'engager sur une pente glissante et dangereuse, et ces entreprises ont les moyens de retenir les services de personnes talentueuses comme M. Keenleyside pour les conseiller sur la façon de tirer pleinement parti de la règle que vous finirez par fixer, quelle qu'elle soit. Vous êtes parfaitement conscients de cela.
Prenons un modèle qui est tout à fait actuel : celui de l'importante entreprise dont je parlais, Shaw. M. J.R. Shaw possède Shaw Communications à 80 p. 100. Il a aussi une participation d'environ 80 p. 100 dans une autre entreprise appelée Corus Entertainment, dans laquelle il a mis tous ses actifs du domaine de la radiodiffusion. Ainsi, il prétend qu'il n'y a aucun lien de dépendance au niveau de la prise de décision; pourtant, ce n'est pas le cas, puisque les deux entreprises sont sous le contrôle de la même personne.
Il y a donc toutes sortes de modèles que les câblodistributeurs voudraient sans doute proposer, mais ils auraient tous pour effet de diminuer les obligations très importantes qui leur incombent en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, qui contrôle l'accès et la prise de décision, même si ces décisions ne sont pas toujours visibles, au sujet de ce que vous et moi pourrons voir sur nos écrans de télévision. Alors, si je pouvais me permettre de vous donner un conseil, je vous dirais de ne pas vous rendre à leur argument, comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, et d'être très sceptiques à l'égard d'une entente commode qui pourrait permettre de résoudre le problème.
Á (1145)
M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.
Merci à tous les deux pour votre présence ici aujourd'hui. C'est très utile.
Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoins s'opposer au relèvement des limites à la propriété étrangère, mais comme l'a signalé M. Morrison, nous avons entendu parler d'autres problèmes, du fait que certains veulent aller plus loin encore pour ce qui est d'accroître la concurrence.
Je me demande, monsieur Morrison, dans le cas des câblodistributeurs, comment leurs tarifs se comparent à ceux d'autres distributeurs? Pensez-vous que le relèvement des limites à la propriété étrangère les rendrait plus compétitifs ou contribuerait un tant soit peu à faire baisser les prix pour le consommateur local?
M. Ian Morrison: C'est une très bonne question, monsieur Bagnell, et ma réponse se fondera un peu sur une hypothèse. J'ai toutefois dit dans mon exposé que l'un des arguments invoqués lorsque les câblodistributeurs sont moins sur la défensive, par exemple lors de leur congrès annuel, lorsqu'on invite des conférenciers des États-Unis et que les câblodistributeurs discutent entre eux, est que l'unité de mesure de leur entreprise est la valeur de chaque abonné.
Il y a quelques années, il y a eu une transaction qui touchait la circonscription de M. McTeague, entre autres. Le prix de l'acquisition s'élevait à quelque 2 500 $ ou 3 000 $ par abonné. Il y a donc un écart qui ne saurait être expliqué par la différence entre la valeur des devises. Il existe un écart entre la valeur de l'abonné américain typique et celle de l'abonné canadien typique, comme le diraient les câblodistributeurs.
J'ai quelques connaissances en économie, comme vous, je suppose, et vous pouvez imaginer que si l'on veut accroître la valeur de l'abonné canadien, cela signifie que cet abonné devra payer plus cher. Comparativement aux services de câblodistribution d'autres pays, nos services sont relativement peu coûteux au Canada, et il faudrait que cela reste ainsi. À notre avis, le secteur de la câblodistribution...
Permettez-moi de revenir en arrière et d'ajouter autre chose.
Le CRTC régit les tarifs qu'exigent les câblodistributeurs, mais seulement pour le service de base et seulement pour les câblodistributeurs d'une certaine ampleur, c'est-à-dire les grands câblodistributeurs. Les quatre plus grandes sociétés de câblodistribution occupent les sept huitièmes du marché au Canada, mais à l'heure actuelle, bon nombre des services qu'ils offrent ne sont pas réglementés. Par contre, le consommateur ne reçoit qu'une facture et une partie seulement des services facturés sont réglementés.
Ce problème est donc réglé par les forces du marché et la concurrence entre les câblodistributeurs et les sociétés de télécommunication par satellite fait en sorte que les prix diminuent. L'acquisition par des intérêts américains et l'abandon du régime de réglementation actuel provoqueraient l'écroulement de cet équilibre. Je suis sûr que vos électeurs vous en parleraient rapidement, car une partie plus grande de leur revenu disponible servirait à l'achat de ce service essentiel.
Á (1150)
M. Larry Bagnell: Vous vous êtes dit inquiet de ce que des entreprises pourraient déménager vers le Sud ou que le contrôle de nos bonnes sociétés tombe entre les mains d'intérêts américains. Nous avons posé cette question à bon nombre de témoins, et même si la plupart d'entre eux ont avoué que c'était possible, la plupart d'entre eux n'étaient pas préoccupés par cette question. Ils ne croyaient pas que cela se produirait. Ils ont mentionné des exemples de grandes entreprises au Canada pour lesquelles il n'existe pas de règles sur les investissements étrangers, disons que ces entreprises n'ont pas déménagé au Sud, non plus que leur gestion, leurs investissements ou leur service de recherche. Ils ont aussi mentionné d'autres exemples en Grande-Bretagne et dans d'autres pays; lorsque les investissements étrangers ont été accrus, cela ne s'est pas produit. Pourquoi vous inquiétez-vous de ce que cela pourrait se produire dans ce cas-ci?
M. Ian Morrison: Comme je l'ai dit dans mon exposé, je crois, le secteur de la câblodistribution était au départ un secteur sans aucune réglementation. Par le truchement d'un de ses organismes, le gouvernement du Canada créait un territoire et le distribuait. Au début, c'était une sorte d'entreprise familiale, une entreprise de taille limitée.
Ces entreprises ont maintenant pris de l'expansion au moyen de fusions. La plupart des petites entreprises ont été vendues. C'est dans la nature des entreprises familiales. La planification fiscale augmente, les générations se suivent, les gens échangent leurs participations de contrôle contre des capitaux liquides. C'est ainsi que nous avons maintenant les quatre familles que j'ai mentionnées: Shaw, Rogers, Péladeau et Audet. Dans ce marché, elles pourraient être intéressées à se défaire de leurs entreprises.
Vous avez dit que peu de gens s'inquiétaient de cette situation. J'ai cité les propos d'une personne assez bien cotée, un journaliste chroniqueur du Globe and Mail, qui avait écrit cette observation dans un livre qu'il a publié récemment à partir de ses recherches sur ces familles. Ce livre a été publié en octobre ou en novembre dernier. Je m'en suis largement inspiré. Ce journaliste a accumulé des heures et des heures d'entrevues avec M. Shaw, M. Rogers et d'autres, et c'est la conclusion qu'il en tirait.
Il vaudrait donc mieux à mon avis que vous pêchiez par excès de prudence et que vous preniez très au sérieux le danger que constitue, pour une partie de notre secteur audiovisuel, ce contrôle par des intérêts américains.
M. Larry Bagnell: Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas d'achats; j'ai dit que ces achats ne provoqueraient pas de problèmes.
J'ai également mentionné les sociétés de téléphonie. Mais dans le cas de ces sociétés, vous avez laissé entendre que le CRTC ne favorisait pas suffisamment la concurrence.
Nous avons posé cette question à M. Sabia. Enfin, c'est peut-être moi qui l'ai fait, ou il a dit dans ses remarques préliminaires qu'il existait à son avis suffisamment de concurrence au Canada, surtout en raison des diverses modalités. Il n'y avait pas à son avis de problème de concurrence parce que les sociétés pouvaient utiliser différentes technologies sans fil, par câble, etc.
M. Ian Morrison: M. Sabia est le PDG de l'actionnaire dominant de la plus grande société de télécommunications au Canada, une société à qui le Parlement a concédé un monopole il y a 100 ans. Il a donc son propre point de vue, et s'il dit que les choses vont bien, c'est qu'elles vont bien pour lui et sa société.
Et c'est en fait important pour la population canadienne, car comme vous le savez, la société de M. Sabia compte parmi ses actionnaires 500 000 particuliers, des régimes de pension, etc. C'est une société canadienne ouverte. Elle se porte assez bien.
Mais ce que je dis surtout, c'est que si nous voulons favoriser la concurrence, il vaudrait mieux ne pas compter sur M. Sabia pour mettre en place un système réglementaire concurrentiel au Canada. Ce travail relève du CRTC.
J'ai cité les propos de M. Linton, avec qui nous convenons que le problème, si l'on veut favoriser la concurrence dans les services de télécommunications, c'est la réglementation et non l'accès aux investissements. M. Linton l'a très bien expliqué, disant en gros que si nous n'avons pas les outils nécessaires pour concurrencer efficacement les grandes sociétés, il est difficile d'attirer les investissements. Peu importe que ces investissements viennent de New York, de Johannesburg ou d'ailleurs.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Normand, c'est vous qui jouerez le dernier acte.
M. Gilbert Normand: Monsieur Keenleyside, il semble que tout le monde craigne énormément les investisseurs américains. Je sais que pour votre part, vous avez investi par accident au Canada. Mais quel principe applique votre société et quelles sont vos priorités au Canada?
Á (1155)
M. Anthony Keenleyside: Eh bien, je risque de m'engager rapidement sur un terrain qui m'est inconnu, mais je puis vous dire qu'environ 99 p. 100 de biens matériels que possède notre société se trouvent aux États-Unis. Seule une faible partie se trouve au Canada.
Cette société est associée à une société d'hydroélectricité américaine. Comme bon nombre d'autres sociétés d'hydroélectricité des États-Unis et du Canada, celle-ci s'est dotée d'une filiale ou d'une entité de télécommunications de façon à profiter de son infrastructure existante de services de distribution pour offrir des services de télécommunications. C'est de là que cela vient. Ce n'est donc pas particulier à cette société. En fait, c'est un modèle qui se reproduit ici.
Cela dit, lorsqu'une entreprise peut tirer profit de son infrastructure existante pour obtenir un rendement sur un investissement raisonnable qui justifie une expansion, elle en profitera comme toute autre. Cela n'a rien à voir avec la nationalité. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Gilbert Normand: À l'heure actuelle, quelles sont les priorités de votre société?
M. Anthony Keenleyside: À l'heure actuelle, la société est surtout ce qu'on appelle dans le métier un transporteur de télécommunications. Elle vend en gros de la capacité utilisée par d'autres entreprises pour fournir des services. Autrement dit, une firme comme Dominion Telecom Inc. ne livre pas de service téléphonique à domicile, mais elle peut fournir la capacité de base qui permet à Bell Canada de vous offrir ce service chez vous de la frontière jusqu'à Montréal.
M. Gilbert Normand: Merci.
Monsieur Morrison, j'ai une petite question pour vous.
Chez moi, je ne puis recevoir la télévision que par satellite. Depuis deux ou trois ans, j'ai besoin d'un satellite américain pour avoir le service de télévision. À l'heure actuelle, je reçois environ 40 postes canadiens sur 200 postes au total, ce qui représente une proportion d'environ 20 à 25 p. 100. Croyez-vous que le nombre de nos postes diminuera si nous permettons à des investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'ExpressVu?
M. Ian Morrison: Les 40 postes sur 200 dont vous parlez représentent une proportion d'environ 20 p. 100 de postes canadiens. Je vous ferai bien sûr remarquer que bon nombre des postes canadiens diffusent des émissions américaines. Si l'on considère que les postes canadiens de langue anglaise que l'on reçoit sur l'île de Montréal sont un exemple typique, il faut en déduire que deux tiers des émissions diffusées par ces postes sont américaines. Je suppose que les 160 autres postes diffusent principalement du contenu américain. Dans la situation que vous décrivez, votre accès à des émissions canadiennes est par conséquent d'environ 7 ou 8 p. 100 du total. C'est plus faible que ce qui est obtenu ailleurs.
Pour ce qui est d'une prise de contrôle de Bell ExpressVu par une société américaine, à l'heure actuelle, cela ne serait possible que si le Parlement modifie une loi. Si cela se produisait, il me semble que cette société aurait tout intérêt à vous fournir à vous et aux autres clients toute une gamme de services.
L'expansion des télécommunications par satellite entraînera une croissance constante du nombre des postes. Le problème n'est pas tant que vous n'auriez pas accès à des postes canadiens, mais plutôt qu'un nombre plus grand de postes pourraient offrir des services qui rapportent davantage, par exemple pour vous vendre des films qui commencent à 10 minutes d'intervalles entre chaque poste. Ces services entraîneraient des frais supplémentaires. Les changements à venir viseront davantage votre portefeuille que votre écoute.
M. Gilbert Normand: Merci.
Le président: Merci, monsieur Normand.
Je remercie nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir fait part d'un autre point de vue et de leur expérience, pour nous aider dans notre examen. Merci d'avoir répondu à nos questions.
La séance est levée.