INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 29 avril 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Howard Brown (sous-ministre adjoint, Groupe des grands émetteurs industriels, ministère des Ressources naturelles) |
¹ | 1535 |
Le président |
¹ | 1540 |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
Le président |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
¹ | 1545 |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
Le président |
L'hon. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
¹ | 1550 |
M. Howard Brown |
M. Gilbert Normand |
M. Howard Brown |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ) |
M. Howard Brown |
º | 1600 |
M. Bernard Bigras |
M. Howard Brown |
M. David Oulton (chef, Secrétariat du changement climatique, ministère des Ressources naturelles) |
M. Bernard Bigras |
º | 1605 |
M. David Oulton |
Le président |
M. Howard Brown |
M. Neil MacLeod (Directeur général, Office de l'efficacité énergétique, Secteur de l'énergie, ministère des Ressources naturelles) |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. Howard Brown |
º | 1610 |
M. Brent St. Denis |
M. Howard Brown |
M. Brent St. Denis |
M. Howard Brown |
M. Brent St. Denis |
M. Howard Brown |
º | 1615 |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Howard Brown |
M. Brian Masse |
M. Howard Brown |
M. Neil MacLeod |
º | 1620 |
M. Brian Masse |
M. Neil MacLeod |
M. Brian Masse |
M. Neil MacLeod |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
M. Howard Brown |
M. Dan McTeague |
º | 1625 |
M. Howard Brown |
M. Neil MacLeod |
Le président |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
º | 1630 |
Le président |
M. Howard Brown |
M. Bob Mills |
M. Howard Brown |
M. Bob Mills |
M. Howard Brown |
M. Bob Mills |
Le président |
º | 1635 |
M. Howard Brown |
M. Bob Mills |
M. Howard Brown |
M. David Oulton |
M. Bob Mills |
M. David Oulton |
M. Bob Mills |
M. Howard Brown |
M. Bob Mills |
M. Howard Brown |
M. Neil MacLeod |
Le président |
M. Bob Mills |
º | 1640 |
M. David Oulton |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Howard Brown |
º | 1645 |
M. Larry Bagnell |
M. Howard Brown |
M. Neil MacLeod |
M. Larry Bagnell |
M. David Oulton |
º | 1650 |
Le président |
M. Larry Bagnell |
M. David Oulton |
Le président |
M. Bernard Bigras |
M. David Oulton |
M. Neil MacLeod |
M. Bernard Bigras |
º | 1655 |
M. David Oulton |
M. Howard Brown |
» | 1700 |
M. Neil MacLeod |
M. Bernard Bigras |
M. Howard Brown |
Le président |
M. Brian Masse |
» | 1705 |
M. David Oulton |
M. Brian Masse |
M. David Oulton |
M. Brian Masse |
M. David Oulton |
Le président |
M. Larry Bagnell |
M. Howard Brown |
M. Larry Bagnell |
Le président |
M. James Rajotte |
» | 1710 |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
» | 1715 |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
M. James Rajotte |
M. Howard Brown |
» | 1720 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 29 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, la séance d'information portera sur les conséquences économiques possibles de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto pour l'industrie canadienne.
Nous recevons aujourd'hui M. Howard Brown, sous-ministre adjoint, qui représente le Groupe des grands émetteurs industriels, ainsi que David Oulton, chef du Secrétariat du changement climatique.
Le Comité de l'industrie vous souhaite la bienvenue. Nous entendrons tout d'abord votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.
Monsieur Brown.
M. Howard Brown (sous-ministre adjoint, Groupe des grands émetteurs industriels, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous ai soumis un mémoire écrit. Si cela vous convient, je ne le lirai pas intégralement. Je vais plutôt vous présenter un bref exposé et, si vous avez des questions, j'y répondrai avec grand plaisir.
Je commencerai tout d'abord par un examen de l'état d'avancement du cadre stratégique établi pour les grands émetteurs industriels. J'attirerai votre attention sur cinq ou six points à ce sujet.
Premièrement, nous avons affirmé que nous visions une réduction de 55 mégatonnes des émissions des grands émetteurs industriels. Le premier ministre a déclaré qu'il était hors de question de leur en demander plus sans leur proposer de mesures incitatives. En moyenne, 55 mégatonnes équivalent à 15 p. 100 environ des niveaux d'émissions projetés pour 2010.
Deuxièmement, nous avons déclaré que les cibles seraient exprimées en intensité des émissions, c'est-à-dire les émissions par unité de production, et non en valeur absolue. Sur le plan opérationnel, cela signifie que si la production dépasse les prévisions du plan, le gouvernement assumera le risque. Remarquez que cette affirmation n'est pas catégorique, parce qu'il sera plus judicieux d'établir des cibles en valeur absolue pour certaines industries. Quoi qu'il en soit, nous procéderons au cas par cas dans ce domaine.
Troisièmement, nous avons avisé l'industrie qu'elle pourrait acheter tous les crédits nécessaires pour remplir ses obligations à un prix maximal de 15 $ la tonne. Nous avons pris cette décision parce qu'il n'existe pas encore de marché du carbone. Une lourde aura d'incertitude pèse dans ce domaine. J'ajoute cependant que nous n'avons pas donné un chèque en blanc à l'industrie : il a été clairement établi que le prix de 15 $ la tonne sera garanti moyennant certaines conditions.
Quatrièmement, nous nous sommes engagés à tenir compte des impératifs de la concurrence internationale.
Cinquièmement, nous avons convenu que les entreprises qui ont pris des mesures hâtives ne seraient pas désavantagées.
Sixièmement, nous avons promis qu'aucune région ni aucune administration ne se verra imposer un fardeau indu.
Ces principes nous donnent une orientation bien précise et un très bon point de départ. De toute évidence, il reste beaucoup de détails à arrêter, et beaucoup de questions administratives éminemment complexes restent encore sans réponse. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur deux points précis.
Le premier a trait aux renforts. Le Plan sur les changements climatiques prévoit qu'on atteindra l'objectif de 55 mégatonnes de réduction par l'entremise d'engagements contractuels négociés, assortis de renforts réglementaires ou financiers. Ces renforts constituent le fondement de toute notre approche dans cette partie du plan. Sans renforts efficaces, il sera impossible de négocier des engagements contractuels efficaces et, par conséquent, d'atteindre l'objectif de 55 mégatonnes de réduction des émissions. Pourquoi?
Pour deux raisons. La première est que, du strict point de vue administratif, nous avons besoin d'un cadre juridique et d'une autorisation légale pour conclure des engagements contractuels. Tout engagement contractuel devra être conclu aux termes d'une autorisation découlant d'un document législatif. La deuxième raison, la plus fondamentale, est que l'engagement contractuel incitera les gens à venir négocier des réductions. C'est tout simplement une question de bon sens.
Si les entreprises croient qu'elles peuvent réaliser une meilleure affaire sans négociation, elles ne négocieront pas. D'ailleurs, des représentants de l'industrie m'ont déjà indiqué qu'ils n'étaient pas d'accord avec les cibles fixées et que, si nous refusions de les changer, ils ne négocieraient tout simplement pas avec nous. Il faut trouver un moyen de régler ce problème, c'est évident.
Il existe aussi des entreprises, des industries, particulièrement les petites et les moyennes entreprises, qui ne sont pas intéressées à négocier des engagements. Elles préféreraient que nous établissions un règlement législatif relativement simple et que nous le mettions à exécution. Nous devrions peut-être envisager un tel renfort pour donner suite à cette requête.
Nous pouvons choisir parmi quatre possibilités logiques en matière de renforts. La première possibilité serait de recourir au régime fiscal. Nous avons examiné cette idée, mais elle a été rejetée très tôt dans le processus, pour de très bonnes raisons stratégiques. Elle ne fait pas partie des options envisagées actuellement.
La deuxième possibilité serait de nous prévaloir de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Selon cette avenue, nous pourrions définir des substances toxiques qui émettent des gaz à effet de serre et les réglementer aux termes de la LCPE.
La troisième possibilité serait d'élaborer une toute nouvelle loi. L'idée de faire des lois pour le seul plaisir de la chose n'a pas la faveur populaire, mais il faudra probablement modifier la LCPE de toute façon. Comme il faudra fort probablement établir des instruments législatifs pour d'autres volets de l'approche appliquée aux grands émetteurs industriels, l'idée de partir à neuf n'est pas sans mérite.
Enfin, nous pourrions nous appuyer sur les structures réglementaires provinciales. Le gouvernement fédéral pourrait conclure des protocoles d'entente avec les provinces, ou certaines provinces, et leur remettre la charge de l'application.
L'option de la nouvelle législation et celle de la coopération avec les provinces ne sont pas mutuellement exclusives. Il serait possible d'intégrer des dispositions sur la coopération avec les provinces dans une nouvelle législation.
Nous devons prendre une décision à cet égard très bientôt, pour soumettre une recommandation au Cabinet avant l'été.
¹ (1535)
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le deuxième point—la répartition des cibles de réduction de 55 mégatonnes entre les entreprises. Il existe fondamentalement deux façons d'aborder cette question. Premièrement, nous pourrions demander à vos négociateurs de proposer des chiffres à chaque secteur. Par exemple, ils pourraient proposer un pourcentage de 18 p. 100 à un secteur, et de 15 p. 100 à un autre, puis 7 p. 100, et ainsi de suite. Ces chiffres seraient établis au moyen d'études techniques, de résultats de modélisations ou d'analyses de données financières. Nous pourrions aussi proposer un taux de 15 p. 100 à l'ensemble de l'industrie.
Dans une autre optique, on ne négocierait pas les chiffres, mais plutôt le processus qui aboutit à un chiffre. C'est l'avenue empruntée par les Hollandais. Ils ont demandé aux industriels de se situer parmi les 10 p. 100 d'entreprises qui affichent la meilleure performance sur le plan de l'intensité des émissions dans le monde. Après, le chiffre issu de la démarche, quel qu'il soit, est accepté. Nous pourrions aussi emboîter le pas aux Britanniques et nous entendre sur la définition d'un investissement ayant un bon rapport coût-efficacité, obliger l'industrie à faire ces investissements, puis accepter le chiffre qui en découle.
Bref, il existe deux moyens d'y arriver : la négociation d'un chiffre et la négociation d'un processus qui aboutit à un chiffre. Les deux présentent des avantages et des inconvénients. Avant d'entamer des négociations formelles, il faudra choisir la voie que nous prendrons. Nous la soumettrons très rapidement au comité spécial.
J'aimerais pour terminer aborder brièvement la question de l'échéancier. Le plan prévoit que le processus sera achevé d'ici la fin de 2004. Les entrepreneurs ont en effet besoin de temps pour exécuter leurs vérifications, établir leurs plans d'investissement et les mettre en oeuvre. Ils ne peuvent y arriver en un jour. Un délai de trois ans m'apparaît assez raisonnable dans ces circonstances. Si on compte à rebours à partir de 2008, les entreprises devront être prêtes à commencer au début de 2005—c'est pourquoi nous avons fixé l'échéance à la fin de 2004.
Je vous avoue très honnêtement qu'il sera difficile de respecter cette échéance. Il serait très surprenant que nous réussissions à négocier et à conclure tous les engagements contractuels avant la fin de 2004. Je crois cependant qu'une grosse partie du travail aura été accomplie. J'entends par là que nous aurons conclu certains engagements et, dans les autres cas, les entreprises sauront clairement, sinon assurément, ce que le gouvernement attend d'elles. Par exemple, elles penseront peut-être qu'elles pourront atteindre une cible de 10 p. 100 alors que le gouvernement leur a fixé une cible de 12 p. 100, mais elles auront une assez bonne idée de la cible visée pour entamer leurs plans d'investissement.
Voilà tout ce que j'avais à dire, monsieur le président. Vos questions seront les bienvenues.
Le président: Nous recevons aussi M. Neil MacLeod, directeur général de l'Office de l'efficacité énergétique.
M. Rajotte amorcera la période de questions. Vous avez dix minutes.
¹ (1540)
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, messieurs, de vous être présentés aujourd'hui.
J'ai toute une série de questions. Si je ne peux pas les poser toutes, sera-t-il possible de vous les transmettre par la voie du président? Il pourra ensuite transmettre vos réponses à tout le comité.
Ma première question fait suite à votre exposé. Vous avez déclaré que les sociétés qui ont pris des mesures hâtives pour réduire leurs émissions ne seront pas désavantagées. Nous avons reçu le témoignage de nombreuses industries et associations. Celui des représentants de l'industrie de la fabrication de produits chimiques est sans doute le plus frappant. Ils affirment avoir pris beaucoup de mesures pour réduire les émissions. Entre 1997 et 2002, ces entreprises ont concentré leurs efforts « sur les fruits des premières branches »—c'est-à-dire sur les problèmes les plus faciles à régler.
Une société en particulier, NOVA Chemicals, a déployé des efforts concertés pour devenir une bonne entreprise citoyenne. J'ai visité l'usine située à Joffre. Or, cette usine à la fine pointe de la technologie, si on se fie au plan gouvernemental, n'est pas conforme aux normes du Protocole de Kyoto. Pour réduire encore plus ses émissions, NOVA devra prendre des mesures qui seront beaucoup plus difficiles à réaliser que les modifications imposées aux sociétés qui n'ont pris aucune mesure entre 1997 et 2002-2003.
J'ai deux questions. Les entreprises comme NOVA Chemicals, qui sont de bonnes citoyennes et qui ont déjà pris de nombreuses mesures pour réduire leurs émissions, obtiendront-elles une reconnaissance pour les gestes qu'elles ont posés depuis 1997, que les autres sociétés n'obtiendront pas?
Par ailleurs—c'est la question qu'elles ont soulevée—, ne faut-il pas craindre que des sociétés comme NOVA cessent de construire des usines comme celle de Joffre, au Canada, pour se tourner vers les États-Unis ou le Mexique, où aucune réduction d'émissions ne leur sera imposée?
M. Howard Brown: Je ne peux pas me prononcer sur le cas particulier de NOVA puisque je n'en connais pas le détail.
Je ferai une seule petite correction, ou une observation. Je ne sais pas d'où ces représentants tiennent leur information concernant la non-conformité au Protocole de Kyoto. Ils ne la tiennent pas de moi, et je suis pourtant le négociateur en chef dans ce dossier. Nous n'avons encore rien négocié avec NOVA ni avec aucune autre société chimique jusqu'à maintenant. Je crois qu'ils ont fait une inférence. C'est peut-être vrai, mais je ne crois pas que cette affirmation soit fondée.
M. James Rajotte: Ces représentants nous ont affirmé qu'ils devraient faire d'autres modifications à l'usine pour atteindre les cibles de réduction imposées dans le Protocole de Kyoto. N'est-ce pas exact?
M. Howard Brown: Je ne sais pas si c'est exact ou non, mais je suis certain que personne ne leur a jamais dit une telle chose. Je ne peux pas confirmer si oui ou non quelqu'un au gouvernement fédéral leur a dit une telle chose. Tout ce que je peux vous dire, c'est que personne de mon équipe ne leur a dit cela, et nous sommes les responsables des négociations liées à l'accord.
Le président: Dans le cinquième point que vous avez soulevé, vous affirmez que les entreprises qui ont pris des mesures hâtives pour réduire leurs émissions ne seraient pas désavantagées. Cette affirmation pourrait s'appliquer ici, si cette société a effectivement réduit ses émissions au niveau qu'elle prétend.
M. Howard Brown: Au lieu de parler de NOVA—comme nous allons négocier avec eux bientôt, je ne connais pas les détails—, je vais plutôt vous présenter un cas hypothétique. Si dans un secteur une entreprise a pris des mesures qui ont abouti à d'importantes réductions de ses émissions, alors que d'autres entreprises du même secteur n'ont rien fait, elle devrait recevoir un traitement différent.
Nous avons beaucoup réfléchi aux principes qui nous permettront de déterminer si une société a pris des mesures hâtives ou non. Nous avons informé les industries de ces principes. Nous avons présentement une série de réunions avec les industries et les sous-secteurs, un par un, pour qu'ils nous communiquent leurs commentaires à ce sujet. Nous ne le faisons pas par suite d'une politique officielle du gouvernement ou d'un livre blanc; l'exercice vise simplement à amorcer une réflexion sur la façon d'établir ces principes.
En principe, si une société a pris des mesures, si elle a considérablement réduit ses émissions, si elle fait office de chef de file dans son secteur, si elle utilise une technologie à la fine pointe, il est très probable qu'elle soit réputée avoir pris des mesures hâtives.
M. James Rajotte: Ma deuxième question concerne la façon de mesurer les émissions. Si je comprends bien—corrigez-moi si je me trompe—, Environnement Canada est actuellement responsable du système ou du modèle de mesure des émissions. Je comprends aussi que le système de mesure actuel des émissions ne tient pas compte des conséquences économiques des réductions d'émissions.
Est-ce exact? Le ministère des Ressources naturelles accepte-t-il les mesures effectuées par Environnement Canada ou se dotera-t-il de son propre système de mesure?
M. Howard Brown: Nous discutons du meilleur moyen d'effectuer les mesures, en collaboration avec Environnement Canada et l'industrie. Je considère que notre objectif global, qui est de réduire les émissions de 55 mégatonnes dans ce secteur, est de minimiser le coût économique. Tout le monde, je crois, admettra que la conformité constitue en fait un coût inerte. Personne n'en profite. Le gouvernement et l'industrie n'en profitent pas, et l'état de l'atmosphère non plus.
Nous essayons de trouver un moyen, en collaboration avec les provinces et l'industrie, d'imposer une opération unique de mesure et de déclaration. On ne devrait pas demander aux entreprises de faire état des mêmes données à plusieurs reprises, en plusieurs formats et à plusieurs organismes gouvernementaux. Je ne sais pas si nous parviendrons à nos fins, mais j'ai fait part de cette question aux provinces. Je crois que les provinces—l'industrie nous l'a fait savoir très clairement—veulent que nous mettions tout en oeuvre pour réduire au minimum le fardeau de la conformité. C'est un principe auquel je souscris entièrement. Je ne connais pas l'issue de cette démarche, mais c'est l'objectif que nous poursuivons.
¹ (1545)
M. James Rajotte: Ma troisième question porte sur une industrie en particulier. Vous avez mentionné que vous alliez négocier avec les diverses industries. Une décision très ferme a été prise—je ne sais pas qui en est le responsable—visant l'exemption de l'industrie automobile de la catégorie des grands émetteurs industriels. J'aimerais savoir qui a pris cette décision au sein du gouvernement, parce que nous avons entendu des versions contradictoires. Émane-t-elle du BCP, du ministre de l'Environnement ou de Ressources naturelles? Nous n'avons pas reçu de réponse claire.
Si d'autres industries vous demandent une telle exemption, qu'allez-vous leur répondre?
M. Howard Brown: Je suis content que vous me posiez cette question. Cela me donnera l'occasion de dissiper une certaine confusion.
Avant de répondre, je dois vous signaler que je travaille à Ressources naturelles depuis novembre dernier environ, de sorte que je ne sais pas vraiment qui a pris cette décision. Le mot « exemption » implique que cette industrie aurait dû se trouver sur la liste, ou qu'elle se trouvait sur la liste, pour un critère particulier, et qu'elle en a été retirée. Ce n'est pas du tout le cas. Les émissions par dollar de production dans le secteur de l'automobile ne dépassent pas 10 ou 20 p. 100. Autrement dit, l'intensité des émissions est plus faible, et de loin, dans le secteur de la construction d'automobiles que dans toute autre industrie de la liste.
En réalité, l'assemblage d'automobiles ne produit pas beaucoup d'émissions. D'importants volumes d'émissions sont intégrés dans l'acier, l'aluminium, le plastique, et l'énergie électrique utilisée génère aussi beaucoup d'émissions indirectes mais, dans chaque cas, ces émissions seront traitées dans le secteur visé. En toute objectivité, l'intensité des émissions dans le secteur de l'automobile est beaucoup plus faible que dans toute autre industrie inscrite sur la liste des grands émetteurs.
M. James Rajotte: Si je comprends bien, cette industrie n'a peut-être jamais été sur la liste et n'en a donc jamais été retirée, mais elle est exemptée de participer à la réduction de 55 mégatonnes. Est-ce exact?
Par ailleurs, est-ce à cause des émissions? À quel niveau jugez-vous qu'une industrie doit participer à l'effort de réduction de 55 mégatonnes?
M. Howard Brown: Il est exact que le secteur de l'automobile ne figure pas sur la liste des grands émetteurs industriels. C'est parce que ses émissions par dollar de production sont beaucoup plus faibles que celles de toute autre industrie sur la liste.
Je vous réponds de mémoire. Elle n'a jamais été bonne et elle ne s'améliore pas avec l'âge, mais je crois que la ligne de démarcation a été fixée à 20 kilos d'équivalent-CO2 par 1 000 $ de production. Bien entendu, je vais m'empresser de vérifier et de vous confirmer cette information. Les émissions dans le secteur de l'automobile sont en deçà de ce niveau.
M. James Rajotte: Peut-on obtenir la liste des grands émetteurs industriels, avec leur niveau d'émissions, tels que vous les avez établis, les décisions prises, ainsi que le niveau seuil exact et pourquoi?
M. Howard Brown: Bien sûr.
Le président: J'aimerais compléter la question et la réponse, puisque j'ai déjà travaillé dans le secteur de l'automobile.
Au cours de la dernière décennie, beaucoup de fonderies, d'ateliers lourds de trempage et de revêtement métallique ont fermé à cause des nouvelles technologies. Autrement dit, l'industrie automobile n'utilise plus autant de pièces moulées ou forgées qu'auparavant; la technologie a rendu ces industries désuètes. Elles étaient les principaux émetteurs, surtout les fonderies et les forges.
Monsieur Normand.
[Français]
L'hon. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Moi, ce qui m'inquiète dans toute cette paperasse de Kyoto, c'est que ce qui ressort de votre présentation, c'est que les industries veulent avoir du temps, de l'argent et qu'elles veulent être supportées par le gouvernement.
Actuellement, on voit nulle part comment le gouvernement va pouvoir financer tout ça. On parle de 25 p. 100 du chiffre d'affaires de l'industrie, parce qu'en réalité, on parle ici des industries énergétiques: gaz, pétrole, électricité, et on sait que les États-Unis ont refusé de ratifier le protocole. Ils sont actuellement les plus gros pollueurs en Amérique du nord. Et on ne parle que de l'effet de serre; on ne parle même pas des pluies acides.
J'aimerais savoir pourquoi ce n'est jamais venu sur la table, pourquoi on n'impose pas une surtaxe sur tous les produits énergétiques qui sont vendus aux États-Unis. En faisant un calcul rapide, nous vendons pour près de 60 milliards de dollars de produits énergétiques par année aux États-Unis. Si on mettait une taxe de 5 p. 100, ça couvrirait toute la facture du transfert de Kyoto pour toutes les industries canadiennes, pour toutes les années à venir.
Alors, il va falloir, à un moment donné, que quelqu'un se pose la question à savoir comment on paie pour ça. Dans vos réflexions, à l'intérieur du ministère, vous avez sûrement dû envisager différentes façons de payer pour ça. En tout cas, moi, j'en fais une suggestion et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est ma première question.
Deuxièmement, au lieu de forcer les entreprises à diminuer leurs émissions par rapport, par exemple, au pétrole, on pourrait aussi forcer la diminution de la production de pétrole. Je m'explique. Ce matin, je regardais Hydro-Québec, qui vient de conclure une entente avec Renault, si ma mémoire est bonne, pour la production de 10 000 moteurs électriques ainsi que de batteries. Si le Canada pouvait devenir justement un des pays où l'électricité et l'hydrogène deviendrait l'énergie principale pour ce que j'appellerais les véhicules moteurs, à ce moment-là, nous pourrions diminuer notre production énergétique et bénéficier des surtaxes que l'on pourrait charger à ceux que ne font pas d'efforts pour le faire.
Alors, je voudrais savoir si dans votre scénario, c'est quelque chose qui est envisageable?
¹ (1550)
[Traduction]
M. Howard Brown: Pour répondre à votre première question, concernant l'ensemble des grands émetteurs, je vous dirai que nos objectifs en matière de changement climatique pourront être atteints sans nuire à leur compétitivité. Mais l'évaluation devra se faire au cas par cas. Nous devrons examiner très attentivement chacune des industries et des entreprises, et soumettre à leur réflexion des principes concernant la meilleure façon d'évaluer la compétitivité.
Pour ce qui est de la taxe à l'exportation, vous devriez vous informer auprès du ministère des Finances, pour connaître sa position. J'y ai travaillé pendant quinze ans et je sais qu'on y protège jalousement la responsabilité en matière de politique fiscale. Je pourrais ajouter que, en règle générale, nous sommes très peu enclins à recourir à des instruments comme les taxes à l'exportation.
Pour ce qui est de la réduction des émissions par la voie de la réduction de la production, nous avons très clairement énoncé dans le plan que nous cherchions un équilibre entre la nécessité de conserver une économie en santé et florissante et l'atteinte des objectifs en matière de changement climatique. À mon point de vue—qui va dans le même sens que celui du gouvernement, je crois—, la croissance économique et les objectifs en matière de changement climatique sont compatibles. Par conséquent, le plan ne visera pas la réduction des émissions par la voie de la réduction de la production, mais plutôt la mise en équilibre de la croissance de la production et de la réduction des émissions.
[Français]
M. Gilbert Normand: Hier, dans une entrevue, l'ambassadeur américain disait que les américains vont probablement demander au Canada la permission de passer un pipeline à travers l'Alberta pour aller de l'Alaska aux États-Unis. En plus, on va demander au Canada d'augmenter sa production énergétique pour satisfaire leurs besoins. Actuellement, près de la moitié du pays, dans l'est, n'est pas desservi par le gaz naturel alors qu'on le vend à l'est américain, à Boston et à tout ce marché-là.
Je comprends que c'est le ministère des Finances qui gère la question des finances et la question des taxes, mais est-ce que, dans vos scénarios de financement, les richesses naturelles canadiennes ne pourraient pas servir justement à financer tout ce programme qui, sinon, va revenir sur les épaules des Canadiens et des Canadiennes?
[Traduction]
M. Howard Brown: Je suis obligé de reprendre ma réponse précédente. Mes anciens collègues du ministère des Finances m'en voudraient beaucoup de m'aventurer sur leur terrain. Je sais, par mes expériences passées, que les impôts affectés à une fin spéciale n'ont pas la faveur aux Finances.
Je pressens que l'imposition d'un secteur en particulier pour payer une dépense irait à l'encontre de leurs principes.
¹ (1555)
[Français]
Le président: Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, merci pour votre présence ici, au comité. Mes questions vont d'abord porter sur le rapport que vous avez déposé il y a quelques jours sur les réductions de gaz à effet de serre pour l'année 2001.
Vous nous avez annoncé dans ce rapport que le Canada avait réduit de 1,3 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre pour 2001. Quand on regarde ça et que l'on décortique les secteurs et les réductions, je suis toujours un peu surpris. J'ai pris un petit tableau ici qui prévoit l'évolution des émissions entre 1990 et 2010--vous connaissez peut-être ce tableau--et je l'ai comparé avec les réductions dans chacun des secteurs d'activités.
Par exemple, le secteur manufacturier, on l'apprenait dans votre rapport il y a quelques jours, a réduit ses émissions de 18 p. 100, alors que dans l'évolution des émissions, on prévoit une croissance des émissions de 3 p. 100. L'industrie de l'acier a réduit ses émissions de 18 p. 100, alors que dans l'évolution des émissions, on prévoit une augmentation de 6 p. 100. Les pâtes et papier ont réduit leurs émissions de 11 p. 100, alors qu'on prévoit une augmentation de 15 p. 100. Par ailleurs, pour d'autres secteurs d'activités, comme le secteur du gaz naturel, transport et production, vous nous annonciez, il y a quelques jours, des augmentations de 150 p. 100.
Ma crainte, c'est que les industries et les secteurs d'activités qui ont fait des efforts et qui sont bien loin de l'évolution que vous avez prévue soient, en bout de ligne, forcées à assumer le fardeau de la réduction, alors que d'autres industries, comme le secteur du gaz naturel, augmentent leurs émissions. D'autant plus que ce qui est inquiétant, c'est que vous avez déjà commencé à négocier et que vous avez fait des ententes avec certaines industries, alors que vous ne l'avez pas fait avec celles qui sont les plus performantes.
Il y a un principe qui m'apparaît fondamental dans la négociation que vous devez entreprendre, un principe d'équité. C'est-à-dire qu'il faut, en bout de ligne, en venir à un pénalisation de l'attentisme.
Donc, quelle part accordez-vous à ces industries qui ont décidé de se croiser les bras et de ne rien faire par rapport à celles qui, elles, prennent des mesures et dont on sait qu'elles sont déjà performantes? Donc, quelle place accordez-vous, dans la négociation, à l'équité et à la pénalisation de l'attentisme?
[Traduction]
M. Howard Brown: Je vais diviser les données en deux sections. Tout d'abord, on constate une augmentation des émissions totales, mais il faut l'attribuer en partie à un changement de l'intensité des émissions et en partie à un changement dans la production. L'une des raisons à l'origine de la hausse des émissions dans l'industrie pétrolière et gazière est sa croissance fulgurante—qui a été plus rapide que celle du secteur manufacturier en général. Si vous examinez les changements en termes d'intensité des émissions, vous constateriez un écart beaucoup moins marqué entre le secteur manufacturier et les autres secteurs.
De plus, les changements survenus entre 1990 et 2000 au chapitre de l'intensité des émissions ne vous en disent pas long sur les possibilités de réduction des émissions entre 2000 et 2010. Une percée technologique en voie d'application dans l'industrie pourrait entraîner des réductions spectaculaires à long terme. Je tiens à souligner l'importance des détails, auxquels nous porterons nous-mêmes beaucoup d'attention.
Cela dit, nombre d'entreprises de fabrication, y compris dans le secteur de l'aluminium, affirment avoir pris des mesures hâtives. C'est pourquoi nous consultons l'industrie pour orienter l'établissement des critères qui nous permettront de déterminer si des mesures hâtives ont été prises, plutôt que de faire des évaluations au cas par cas, sans nous appuyer sur des principes.
Nous n'avons pas encore terminé nos négociations dans le secteur manufacturier—que ce soit dans le secteur de l'aluminium ou un autre—, mais nous n'avons pas non plus terminé dans d'autres secteurs. Nous en sommes sensiblement au même point pour toutes les industries. Je serai à Québec demain, pour discuter avec les producteurs d'aluminium de cette question précise, entre autres.
º (1600)
[Français]
M. Bernard Bigras: Mais comment vous pouvez expliquer, par exemple, que vous ayez une deuxième période de discussions avec certaines entreprises et certains secteurs, alors que vous n'avez même pas bâclé, finalisé des ententes avec d'autres secteurs d'activités? Ça, c'est plutôt inquiétant.
Ce qu'on entend dire de l'extérieur, c'est que vous négociez et que vous avez déjà des discussions avec certains secteurs, de grands émetteurs, pour la deuxième période, alors qu'avec d'autres secteurs d'activités--on pense à l'industrie manufacturière--, vous n'avez même pas négocié ou vous n'avez pas une entente négociée. Donc, c'est plutôt inquiétant.
Deuxièmement, est-ce que vous avez toujours l'intention de signer une entente bilatérale avec le Québec? Si oui, je voudrais savoir quels seront les principes qui vous guideront dans cette négociation.
Combien ai-je de temps, monsieur le président? J'ai 10 minutes.
Allons-y avec ces questions-là, pour commencer. Je reviendrai.
[Traduction]
M. Howard Brown: Nous ne négocions pas les cibles en vue de la deuxième période d'engagement, avec personne. Il est vrai que certaines sociétés ont manifesté des inquiétudes au sujet de la deuxième période, en toute légitimité. C'est le cas notamment de certaines sociétés qui prévoient d'importants investissements à très long terme. Cependant, nous ne négocions pas les cibles de la deuxième période d'engagement, avec aucune industrie.
Je répète que nos discussions en sont plus ou moins au même stade dans tous les secteurs. J'ai l'intention d'entamer des négociations avec tous les grands émetteurs industriels entre mai et juin. J'ai commencé aujourd'hui avec le secteur minier. Comme je l'ai mentionné, nous discuterons avec des représentants du secteur de l'aluminium à Québec, demain. Mon horaire sera donc assez chargé au cours des deux prochains mois!
En ce qui a trait à un accord bilatéral entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois, la question dépasse largement celle des grands émetteurs industriels. Je joue un petit rôle dans le plan de mise en oeuvre de l'accord global.
Je pourrais demander à mon collègue, David Oulton, de vous indiquer où nous en sommes à ce sujet.
M. David Oulton (chef, Secrétariat du changement climatique, ministère des Ressources naturelles): La semaine dernière, nous avons signifié au Québec, de même qu'aux autres provinces et territoires, que nous étions prêts à nous asseoir avec eux pour négocier un accord bilatéral avec le gouvernement fédéral. Nous n'avons pas encore eu de discussion à cet égard avec aucun gouvernement, parce qu'ils réfléchissent encore à ce qu'ils veulent faire, je suppose. Nous leur avons cependant fait part des trois objectifs que nous avons en tête.
À nos yeux, ces accords devront être brefs et très pointus. Ils engageront les deux ordres de gouvernement à travailler en partenariat; à poursuivre des objectifs communs en matière de changement climatique; à circonscrire les domaines et les priorités, pour chaque aspect des objectifs en matière de changement climatique où nous nous engageons à collaborer, ainsi qu'à mettre au point un mécanisme de reddition des comptes qui permettra au gouvernement fédéral, conjointement avec le gouvernement de chaque province, de revoir ces accords une fois par année pour évaluer si nous maintenons le cap et si des progrès ont été accomplis.
Nous leur avons aussi indiqué que ces accords étaient volontaires. Ils nous permettront de clarifier nos relations avec toute province ou tout territoire intéressé, mais ils ne sont pas obligatoires. Par ailleurs, les provinces et les territoires pourront mettre en oeuvre leurs propres programmes, à leur gré, même s'ils n'ont pas conclu d'accord. De fait, ces accords permettront de mieux organiser le travail, tant celui du gouvernement fédéral que celui des gouvernements provinciaux et territoriaux.
Nous n'avons pas encore reçu de réponse parce que nous venons tout juste, à la fin de la semaine dernière en fait, d'annoncer que nous étions prêts à entamer des discussions avec les provinces et les territoires intéressés.
[Français]
M. Bernard Bigras: J'ai une dernière question très courte, monsieur le président. J'ai eu la réponse et j'aurais une dernière question.
Dans le budget de 2003, on annonçait que 300 millions de dollars seraient alloués aux mesures ciblées. Cependant, il n'y a pas de mesures directement dans le budget.
Est-ce que le montant de 300 millions de dollars peut faire partie de la négociation dans le cadre d'ententes bilatérales avec certaines provinces, selon un mode de répartition équitable, bien sûr? Compte tenu qu'il n'y a pas de mesures ciblées dans le budget, c'est donc totalement ouvert. Est-ce que le montant de 300 millions de dollars est ouvert à la négociation avec les provinces?
º (1605)
[Traduction]
M. David Oulton: L'intention derrière les accords bilatéraux n'est pas d'affecter des montants précis et de les répartir entre les provinces et les administrations : ces accords auxiliaires du protocole d'entente général seront un véhicule aux termes duquel, si nous décidons de travailler ensemble à l'intérieur d'un programme technologique, de promotion de l'éducation et de la sensibilisation du public, par exemple, l'instance gouvernementale concernée devra engager une certaine somme d'argent.
Un investissement de 2 milliards de dollars a été annoncé dans le dernier budget. Sur ces 2 milliards, 300 millions ont été alloués à Technologies du développement durable Canada pour des travaux scientifiques sur le changement climatique et d'autres aspects concernant l'atmosphère. Le gouvernement doit encore décider comment il utilisera le solde de 1,7 milliard de dollars pour favoriser la mise au point de mesures axées sur la technologie, de son propre chef ou avec la collaboration des provinces et des territoires.
Une partie des 2 milliards de dollars pourrait être affectée à des programmes d'envergure nationale ou qui concernent plus particulièrement une administration donnée. Cependant, l'objet du protocole d'entente n'est pas de répartir le budget global entre les provinces ou les territoires.
Le président: Monsieur Howard.
M. Howard Brown: Merci, monsieur le président.
En réfléchissant aux formules de coopération avec les provinces, je vois deux avenues possibles. La première consisterait à négocier un accord-cadre ou un plan directeur. C'est précisément ce que fait David Oulton. L'autre avenue serait de cerner les secteurs où la coopération pourrait être pratique. Une des formules va en aval, l'autre va en amont.
Toutes les provinces et tous les territoires ont déclaré qu'il était nécessaire d'intervenir pour contrer le changement climatique. Leurs positions vont d'un extrême à l'autre. Certains sont plus près de la position du fédéral, d'autres s'en éloignent passablement. Cependant, même ceux qui n'adhèrent pas aux vues du fédéral pourrait coopérer avec nous dans des domaines comme les étalons de mesure et les normes de comptes rendus. Nous visons tous, je le souhaite, la minimisation du fardeau de la conformité pour l'industrie. C'est un domaine pratique où même les parties qui sont autrement assez éloignées pourraient coopérer. Avec celles dont la position est plus près de la nôtre, nous pourrions collaborer à l'élaboration de mécanismes de conformité, notamment.
Il existe donc tout un éventail de mesures pratiques à prendre. J'espère de tout coeur que nous ferons des progrès à cet égard. La coopération n'est pas du domaine du peut-être; il y a beaucoup de mécanismes et de façons pour la rendre réelle.
M. Neil MacLeod (Directeur général, Office de l'efficacité énergétique, Secteur de l'énergie, ministère des Ressources naturelles): J'aimerais compléter la réponse de M. Brown.
Au cours du dernier mois et demi environ, nous avons assisté à de nombreuses réunions bilatérales à l'échelon du sous-ministre dans la plupart des provinces. Nous avons pu constater l'intérêt à l'égard des formules évoquées par Howard. Certaines provinces souhaiteraient collaborer avec nous de façon informelle—par exemple, pour mettre au point un programme d'encouragement des propriétaires à rendre leur habitation plus éconergétique.
Dans nombre de cas, comme celui de la Colombie-Britannique, cette collaboration s'appuierait sur des partenariats existants de partage des coûts de programmes de réduction de la dépense énergétique des édifices. Je suis convaincu que les possibilités ne manquent pas.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, de votre présence ici. J'ai quelques brèves questions, si vous me le permettez.
J'aimerais d'abord obtenir une précision, monsieur Brown, au sujet d'une phrase que je ne comprends pas—je prends toute la responsabilité de cette confusion. Au premier paragraphe, vous écrivez :
Autrement dit, ces entreprises se verront attribuer gratuitement des permis pour environ 85 p. 100 de leurs émissions projetées de 2010. |
Qu'est-ce qu'un permis attribué gratuitement? Je ne comprends vraiment pas.
M. Howard Brown: Je comprends très bien votre confusion. Je crois que le document a été rédigé à l'intention des aficionados de Kyoto.
L'idée est d'offrir aux sociétés divers mécanismes de conformité. Le plus évident sera de réduire leurs émissions. Un autre moyen consisterait à acheter des permis d'émissions de différentes sources. Pour être jugées conformes, elles devront avoir dans le compte ouvert chez nous le même nombre de permis que le nombre d'équivalents en tonnes de CO2 rejetées. Nous leur remettrons 85 p. 100 de ces permis gratuitement, pour commencer, pour qu'elles puissent être conformes si, en réduisant leurs émissions de 15 p. 100, elles arrivent à un solde en banque équivalent à ce qu'elles nous doivent.
D'autres sociétés pourraient, sans réduire leurs émissions, acheter ces crédits et nous les donner. Elles bénéficieraient de permis gratuits pour 85 p. 100 du volume et, si elles achètent 15 p. 100 de crédits, elles arriveraient à 100 p. 100.
º (1610)
M. Brent St. Denis: C'est donc un terme de comptabilité.
Durant les semaines et les mois qui ont précédé la ratification du Protocole, nous avons pu voir beaucoup de débats virulents et de rapports dans la presse, qui concernaient notamment les préoccupations de l'industrie de l'huile et du gaz, mais d'autres industries aussi, au sujet du Protocole. Depuis la ratification, il y en a beaucoup moins—presque aucun.
Je me souviens d'un article paru en janvier ou en février au sujet d'une société anglaise ou américaine, je ne m'en souviens plus. Je ne crois pas que c'était une société canadienne. Elle avait estimé que le coût des investissements dans les sables bitumineux, pour se conformer au Protocole de Kyoto, serait plus ou moins négligeable. Il équivalait à une fraction de dollar par baril—une dépense minime. Une poignée de sociétés canadiennes—Canadian Natural Resources et Petro-Canada—en sont arrivées à une conclusion semblable.
Pouvez-vous qualifier l'attitude des grands émetteurs? Sont-ils en train de faire leurs devoirs pour remplir les exigences de conformité? On n'entend plus leurs ronchonnements.
J'aimerais entendre vos commentaires.
M. Howard Brown: Nous avons en effet constaté un changement d'humeur assez spectaculaire parmi les grands émetteurs industriels. S'ils avaient eu le choix, je doute qu'aucun d'entre eux aurait ratifié le Protocole de Kyoto. Ils sont mécontents.
Cependant, l'objet de leurs préoccupations semble avoir changé : avant, ils s'opposaient à la ratification de l'accord, alors que leurs préoccupations actuelles sont d'ordre plus pratique. Ils veulent savoir comment nous traiterons les mesures hâtives, les impératifs de la compétitivité, les méthodes de mesure, de compte rendu, quels moyens seront mis en oeuvre pour réduire au minimum le fardeau de la conformité, et ainsi de suite. En l'espace d'un très court laps de temps—depuis mon arrivée dans ce dossier, au début de novembre—, j'ai constaté que le ton était devenu beaucoup plus constructif et qu'on s'intéressait beaucoup plus à la mise en oeuvre.
M. Brent St. Denis: Est-ce qu'on s'entend en général sur le fait que les coûts pour les entreprises ne seront pas aussi élevés, en pourcentage du revenu total, que ce à quoi elles s'attendaient?
M. Howard Brown: Ce sera en effet le cas pour beaucoup d'entreprises. Quand elles mettent les chiffres sur papier, elles se rendent compte que ce n'est pas si catastrophique.
Cela dit, certaines entreprises n'ont pas de préoccupations légitimes en matière de compétitivité. Par conséquent, quand nous établirons les critères relatifs à la compétitivité à l'intérieur des principes, nous devrons distinguer entre les entreprises qui ont des préoccupations légitimes et celles qui s'opposent tout simplement à la ratification.
M. Brent St. Denis: Ma dernière question est liée en partie à votre réponse à la première question. Sur la même page, vous affirmez que le marché du carbone n'existe pas encore. Qu'il est encore tôt. De toute évidence, le marché du carbone suppose un consensus international et sa croissance sera un peu similaire à celle d'une devise, j'imagine.
Savons-nous combien de temps il faudra pour que le marché du carbone soit opérationnel? Est-il certain qu'il finira par évoluer? Et dans ce cas, combien de temps cela prendra-t-il selon vous?
M. Howard Brown: Il ne fait aucun doute que le marché du carbone connaîtra une forte croissance et que, selon toute vraisemblance, un marché liquide international efficace verra le jour. Une partie de notre problème vient de ce qu'il est difficile d'échanger des permis d'émissions découlant du Protocole de Kyoto tant que la mise à exécution n'a pas débuté. Dans la majorité des cas, ils n'existent pas encore.
Nous allons voir les marchés dérivés commencer les échanges d'une façon beaucoup plus liquide, bien avant le marché au comptant. Les échanges se feront au gré des événements. Les marchés à terme et les marchés des options se mettront en branle. C'est ce qui arrivera selon moi, mais il est difficile de savoir quand.
Nous travaillons avec les associations internationales d'échanges d'émissions et leurs membres canadiens à l'élaboration d'un plan d'expansion du marché. Il n'est pas facile de fixer une date précise, mais je prévois que d'ici 2006, un marché relativement liquide sera en place.
º (1615)
Le président: Merci, monsieur St. Denis.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Je commencerai par le domaine des crédits et des permis. Y aura-t-il des restrictions ou un mécanisme d'examen pour établir si un territoire ou une région a acheté trop de crédits par rapport aux autres? A-t-on envisagé cette possibilité? Quel sera le critère utilisé? L'aspect géographique, l'environnement, l'emplacement? Ou pourra-t-on acheter des crédits sans égard à l'emplacement ou aux types d'industries aux alentours?
Est-ce que cet aspect a déjà été discuté? Est-il prévu de fonctionner par quotas provinciaux ou selon un mécanisme de ce type?
M. Howard Brown: Non. Je n'entrevois aucune restriction géographique à l'achat ou à la vente de permis au Canada. Je crois que le Protocole de Kyoto prévoit que la conformité sera évaluée en fonction des réductions d'émissions réelles de préférence à l'achat de crédits. Cependant, je ne crois pas qu'il y ait quelque problème à cet égard au Canada.
M. Brian Masse: Dans l'industrie automobile, le problème ne se situe pas vraiment à l'échelon des usines—c'est au niveau du tuyau d'échappement que la situation est préoccupante. Que fait-on actuellement avec l'industrie? Je sais que l'État du Michigan a établi un programme d'encouragement de quelque 80 millions de dollars. Il a donné naissance au moteur hybride DaimlerChrysler, qui sera installé sur tous les véhicules offerts à la vente. Je les ai rencontrés, et ils n'ont pas l'intention d'installer une autre usine en Amérique du Nord.
Qu'a-t-on fait pour favoriser la construction de telles usines dans notre pays, et quels sont les liens avec d'autres industries?
M. Howard Brown: Je vais demander à Neil de répondre à cette question. Mais avant qu'il ne le fasse, j'ajouterai que les voitures contiennent beaucoup d'émissions intégrées—à cause de l'acier, de l'aluminium, du plastique, etc., dont elles sont composées—qui ne sont pas négligeables. Je ne sais vraiment à quel niveau elles se situent par rapport aux émissions produites au cours de la vie utile de la voiture, mais je sais qu'elles ne sont pas anodines.
M. Neil MacLeod: Je pourrais peut-être parler des 25 p. 100 de réduction et de ce qui se passe. C'est votre question.
Nous avons entamé des discussions avec l'industrie. Le premier jeu d'acétates sur le plan a été diffusé vers le mois de novembre. Nous continuerons nos discussions avec les entreprises tout au long du printemps et de l'été.
Il faut garder en tête certains faits importants à l'origine de la réduction de 25 p. 100. En règle générale, nous parlons de 25 p. 100 en deçà de la norme connue en matière de consommation moyenne de carburant de l'entreprise, ou CMCE, dont le pendant aux États-Unis est le CAFE, pour Corporate Average Fuel Economy. Nous avons souvent entendu parler des normes du CAFE, mais ce sont les mêmes chiffres.
Au Canada, selon les chiffres pondérés en fonction des ventes, nous sommes déjà à 8 p. 100 en deçà de la norme. Autrement dit, si vous considérez les voitures vendues, où une amélioration est visée, nous sommes déjà à 8 p. 100 sous la norme.
Aux États-Unis, la National Highway Safety Traffic Agency, chargée de modifier les normes, a déjà recommandé une amélioration de 1 mille et demi par gallon d'essence consommée par les véhicules utilitaires légers. Cela semble peu mais, selon la base de calcul utilisée, il s'agit en fait d'une augmentation de 7 p. 100 des réductions. Donc, si les Américains ne font rien d'autre que d'imposer cette modeste amélioration—et beaucoup de gens estiment que beaucoup plus sera fait au cours des 10 prochaines années—, nous pourrons ajouter 7 p. 100 et nous en serons, dans les faits, à 15 p. 100.
Le plus intéressant à mon avis vient des déclarations de l'industrie automobile elle-même. En octobre, General Motors a diffusé un très important communiqué de presse, dans lequel elle fait état des nouvelles technologies dont seront dotées ses automobiles—on ne parle pas de modèles pilotes ou d'essai, mais de 40 à 60 p. 100 de la flotte—d'ici 2006. La société a publié la liste de ces technologies et les taux d'amélioration du rendement du carburant. Je vais vous en citer deux ou trois seulement.
La première est appelée « cylindrage variable ». Je vous épargne les détails, qui ont peu d'importance. Essentiellement, les cylindres utiliseront l'essence seulement au besoin. Selon General Motors, cette seule amélioration contribuera à une réduction de 8 à 20 p. 100 de la consommation d'essence. La société annonce par ailleurs la mise au point d'une nouvelle transmission à 6 vitesses qui utilisera de 4 à 8 p. 100 moins d'essence. Une troisième amélioration est liée à l'embrayage.
Ces nombres indiquent les niveaux de réduction prévus par la société, qui s'ajouteront aux pourcentages que nous avons déjà en banque. Si vous conjuguez ces facteurs, l'objectif de 25 p. 100 ne semble plus si farfelu tout à coup. L'American National Academy of Science a corroboré ces affirmations dans une étude publiée à la fin de 2001. On y démontre que des améliorations de l'ordre de 25 à 35 p. 100 sont réalisables avec les technologies et les matériaux existants.
º (1620)
M. Brian Masse: Tout dépendra de la capacité de retirer les vieux véhicules de la circulation pour les remplacer par de nouveaux qui seront dotés de ces nouvelles technologies. Les coûts seront-ils imputés au consommateur? Que fait-on en ce sens, en tenant compte du fait que les véhicules coûtent cher? Si la production de ces technologies—j'utilise le cas de DaimlerChrysler à titre d'exemple seulement—ne se fait pas au Canada et que les bons emplois ont disparu, quelles mesures seront prises?
Par ailleurs, si vous avez suivi ce qui se passe dans l'État de la Californie, notre gouvernement a-t-il envisagé de participer à cette initiative? Même le gouvernement américain conteste. Les réductions d'émissions seraient considérables parce que les normes que vous avez évoquées sont très complexes et elles mettent en jeu cet élément particulier.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Neil MacLeod: Si nous parlons strictement d coût, rien n'indique, du moins pas du côté de General Motors, que l'avènement de ces technologies, mises au point à l'intérieur de—je ne veux pas diminuer leur bonne volonté, mais ces améliorations font partie des activités normales de développement des affaires, ce qui ne laisse présager aucun bouleversement dans les prix. Étant donné le pourcentage de la flotte de voitures qui seront dotées de ces technologies, il y aura certainement des économies d'échelle.
Pour ce qui est des mesures d'aide aux consommateurs, David a mentionné plus tôt qu'un investissement de 1,5 milliards de dollars allait permettre la mise en place de nouvelles mesures. Il existe des possibilités manifestes de ce côté, et ce ne sera pas tout. D'autre argent sera investi plus tard. Des mesures ont été étudiées pour venir en aide aux consommateurs. Elles seront peut-être mises en oeuvre, dépendant des décisions du Cabinet.
Nous gardons un oeil très attentif sur ce qui se passe en Californie. Et ce n'est pas le seul État dans cette situation. Plusieurs des grands États de l'est vont dans le même sens. Vous avez raison de dire qu'il y aura probablement contestation. Je ne peux pas dire cependant si la contestation sera instituée par le gouvernement américain ou par les fabricants d'automobiles. Nous estimons pour notre part que la cause restera devant les tribunaux pendant au moins deux années. Pour l'instant, nous nous contentons d'observer.
M. Brian Masse: J'avais compris que le gouvernement fédéral des États-Unis était déjà intervenu. Je me trompe peut-être, mais c'est ce que je croyais.
Allons-nous prendre position si cela se produit? Nos entreprises et nos usines de fabrication en subiront les contrecoups.
M. Neil MacLeod: Tout ce que je peux dire, c'est que nous surveillons la situation de près. Je ne peux pas dire quel genre de décisions nous prendrons. Je me perdrais en conjectures, en me fondant sur une issue hypothétique.
M. Brian Masse: Merci.
Le président: Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): J'aimerais orienter la discussion vers l'aspect pratique de la position que nous avons prise au sujet du Protocole de Kyoto.
Si je vous disais demain qu'une entreprise de ma circonscription pouvait améliorer l'efficacité des lampes fluorescentes de 38 p. 100; qu'un produit très bon marché pourrait améliorer la puissance utile d'une camionnette ou l'efficacité d'un camion à moteur diesel de moitié; ou encore, que j'ai trouvé comment brûler du charbon sans émission, quel traitement votre ministère accorderait-il à ces technologies et comment les traduirait-il en termes de crédits octroyés aux sociétés pour utilisation immédiate? Autrement dit, quelle est l'application pratique de la position que nous défendons ici?
M. Howard Brown: Je vais élargir un peu votre question, qui s'inscrit en fait dans celle des mécanismes d'aide que notre ministère offre à ces sociétés, parce que le travail de Neil au sein de l'Office de l'efficacité énergétique constitue une importante pièce du casse-tête.
La réponse concernant le charbon épuré est très simple. Nous devrons négocier ou, en bout de ligne, énoncer une norme obligatoire en matière de réduction des émissions des centrales au charbon. Un coût supplémentaire s'ajoutera. Les sociétés pourront éviter ces coûts en faisant les investissements voulus et en se dotant de technologies non polluantes d'utilisation du charbon.
Puisqu'il en est ainsi, il ne sera pas nécessaire de faire beaucoup plus que d'encourager l'utilisation du produit. Le marché fera son oeuvre et l'inventeur de la technologie—nous serions très heureux de connaître son nom, en passant.
M. Dan McTeague: Il s'agit de M. Andrew Chizmeshya. C'est un chercheur canadien, qui a fait breveter cette invention. Le brevet a été délivré par le ministère américain de l'Énergie. Il a demandé à venir au Canada pour travailler au sein de la société OPG, pour un salaire de 100 000 $. À leur avis, la séquestration n'est pas la meilleure idée, mais il y a sept usines maintenant aux États-Unis, dont la production se situe autour de 1 500 mégawatts. Il serait certainement ravi de vous rencontrer pour vous en parler.
Avant de vous demander de compléter votre réponse, j'aimerais savoir si je peux afficher une attitude d'ouverture quand des gens viennent me rencontrer dans ma circonscription—je crois que M. Normand a fait allusion à une telle ouverture un peu plus tôt—pour me présenter leur découvertes et me demander ou ils doivent s'adresser à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. La première chose que je fais est d'appeler quelqu'un au bureau du ministre, et il arrive parfois qu'on me rappelle dans les trois à huit semaines qui suivent.
Les technologies existent déjà. Elles ne sont pas une illusion. D'ailleurs, quand j'ai parlé du camion, monsieur le président, vous serez ravi de savoir, vous qui avez un peu d'expérience dans le transport des charges de 40 000 kilogrammes, qu'il existe un camion à 6 cylindres qui démarre en 12e vitesse au point mort et dont la puissance est développée avec une quantité infime d'hydrogène, à raison d'un bouteille de 3 $ tous les 900 kilomètres—comme une bouteille de boisson gazeuse. Malheureusement, l'inventeur a de la difficulté à rejoindre votre ministère, le ministre de l'Environnement, pour présenter son produit.
Certaines veulent obtenir un permis, d'autres veulent de l'argent. Il reste à savoir quelle voie nous devons leur indiquer pour attirer l'attention au sein du gouvernement, qui se fait le défenseur de la réduction des émissions?
º (1625)
M. Howard Brown: Cette question relève très clairement de M. MacLeod. Je suis certain qu'il sera très heureux de rencontrer les gens qui ont de telles propositions.
M. Neil MacLeod: Les réponses sont multiples. Je sais qu'une partie de votre première question fait référence au moyen d'obtenir des crédits dans un secteur. Ce n'est pas le plus important. Le plus important est de savoir quelle utilisation ils peuvent faire de cette technologie; que ferons-nous pour les aider à y trouver une application?
Comme je le disais, les réponses sont multiples. Tout d'abord, l'annonce du ministre des Finances relativement à un investissement de 2 milliards de dollars dans le domaine du changement climatique provoquera assurément une augmentation de la demande générale de nouvelles technologies propres à améliorer l'efficacité énergétique, à réduire la consommation d'énergie. Je suis convaincu que c'est ce qui se passera. Mais personne n'a dit que ce serait la dernière étape de l'application du Protocole de Kyoto. Il est certain que nous investirons énormément dans l'utilisation intelligente de l'énergie.
J'ajouterai enfin, même si l'ai déjà mentionné, que 250 millions sur ces 2 milliards de dollars seront versés à un organisme appelé Technologies du développement durable Canada. Au contraire d'autres organismes, qui utilisent de tels fonds uniquement pour la R et D—pour la recherche en laboratoire sur les principes initiaux—, cet argent servira aussi au marketing des technologies encore inconnues qui sont prêtes à être commercialisées. Elles ne sont pas assez connues pour que les fournisseurs se les procurent de routine, mais elles sont prêtes à l'utilisation. Une bonne somme d'argent sera consacrée à ce domaine.
D'autres enveloppes sont réservées aux technologies. Pour vous aider à répondre à certaines questions, nous pourrions fournir au comité une liste écrite de tous les fonds et organismes voués à la mise en valeur de la technologie qui existent actuellement, accompagnée d'un schéma miniaturisé de leur fonctionnement. Cette information vous fournirait un élément de réponse à ces questions.
Parallèlement, et en outre, je reprends les propos de M. Brown : je serai ravi de rencontrer ces gens.
Le président: C'est une excellente nouvelle. Nous la ferons circuler parmi les membres du comité, de façon très ostentatoire.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Merci, monsieur MacLeod. Dans les trois cas que j'ai cités, la technologie existe. Pour ce qui est de l'hypothétique réduction de 38 p. 100, c'est quelqu'un d'autre qui m'en a parlé, un ancien ingénieur en chef de la société OPG. Voilà des années, il a inventé la technologie de retubage des réacteurs nucléaires. Il l'a fait breveter, l'a mise en application avec succès et elle a permis de réduire les coûts. La prochaine étape de son parcours repose sur l'invention que j'ai mentionnée, mais il n'obtiendra peut-être pas les 500 000 $ nécessaires à la finalisation en vue de la mise en marché.
Monsieur MacLeod, j'ai beaucoup de travail pour vous si vous êtes intéressé.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Mills, le comité vous souhaite la bienvenue.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs.
J'ai plusieurs questions, mais aussi des réponses pour certains de mes collègues.
Tout d'abord, je commencerai par vous demander qui est votre patron. Je comprends que tous relèvent du comité spécial du Cabinet que préside actuellement M. Vanclief pour ce qui est des questions concernant Kyoto. Les ministères des Ressources naturelles et de l'Environnement relèvent de M. Vanclief. J'aimerais savoir dans quelle mesure cette structure est efficace, et comment elle fonctionne.
Ensuite, pour répondre à la question de M. St. Denis, j'entends dire par les provinces et les sociétés que le gouvernement fédéral s'est engagé à réduire les émissions de 240 mégatonnes, mais qu'il a déjà réduit cette cible à 140 mégatonnes. Il voudra certainement s'approprier une grande partie du crédit de la réduction de 80 mégatonnes de crédits d'énergie propre transférés aux États-Unis, même si l'Europe n'a pas accordé ces crédits, et ainsi de suite. J'aimerais avoir vos commentaires à cet égard. Je suis certain que c'est ce qu'ils pensent maintenant, et c'est pourquoi ils sont beaucoup moins inquiets.
Troisième chose : comme M. McTeague l'a demandé avant moi, comment accède-t-on à cette enveloppe de 1,7 milliards de dollars? Des inventeurs de tous acabits font la file à la porte de mon bureau de circonscription. Ils soutiennent ne jamais obtenir de réponse d'Environnement Canada ni d'Industrie Canada. Où doivent-ils s'adresser et comment y arrivent-ils? Certains viennent du milieu de la haute technologie et ils ont probablement de très bonnes idées.
Enfin, je me demande comment les Canadiens...
º (1630)
Le président: Laissez-le répondre à ces premières questions avant que nous les oublions.
M. Howard Brown: Il y a eu une question au sujet de mon patron. Il s'appelle George Anderson, et il est sous-ministre de Ressources naturelles Canada.
M. Bob Mills: Qui est son patron?
M. Howard Brown: Son patron est M. Dhaliwal. Comme tous les sous-ministres, il a deux patrons : le secrétaire et le ministre.
M. Bob Mills: Qui est responsable de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto? C'est ce que je vous demande.
M. Howard Brown: Quelqu'un a caractérisé cette question comme étant la mère de toutes les questions horizontales—« question horizontale » est le terme à la mode à Ottawa pour désigner tout ce qui concerne divers ministères. Et c'est une question qui concerne très manifestement plus d'un ministère.
Ici, le ministère des Finances est très nettement mis en cause. La question comporte des aspects fiscaux; nous avons d'ailleurs reçu des questions au sujet des répercussions fiscales. Le ministère des Ressources naturelles est tout aussi clairement mis à partie, puisque nous sommes responsables des questions énergétiques. Il est difficile d'imaginer qu'Environnement Canada ne se mêle pas d'une question comme celle du changement climatique. La question intéresse aussi les Affaires extérieures. Quand nous avons des réunions des SMA sur la question du changement climatique, la salle est assez bien remplie.
Je sais que cette réponse n'est pas très satisfaisante, mais le fait est que beaucoup de gens participent à l'administration de différents aspects...
M. Bob Mills: On dirait l'ONU.
Le président: Excusez-moi, monsieur Mills. Je crois que nous avons les mêmes interrogations. Qui dirige? Qui est le chef?
º (1635)
M. Howard Brown: David pourrait vous donner un élément de réponse; il a plus d'expérience que moi. Je sais qui a la charge du dossier des grands émetteurs industriels—c'est moi. C'est la chose dont je suis certain.
Une autre question portait sur les exportations d'énergie propre. Je crois que David pourra aussi y répondre.
Je suis désolé, j'ai oublié l'autre question.
M. Bob Mills: Nous nous sommes engagés à réduire les émissions de 240 mégatonnes. L'industrie et huit des dix provinces affirment : « C'est bien, mais nous n'aurons pas vraiment à atteindre cet objectif. Nous allons faire état d'un transfert de 80 mégatonnes d'énergie propre parce que c'est ce nous aurions dû obtenir. »
C'est intéressant. J'étais en Grande-Bretagne il y a trois semaines et le discours était le même. Ils n'atteindront pas leurs objectifs. Le Japon non plus, d'ailleurs.
M. Howard Brown: Aucun représentant de l'industrie ne m'a dit : « Ne vous en faites pas. Nous sommes heureux de nous engager à atteindre vos objectifs parce que nous allons réclamer des crédits pour l'exportation d'énergie propre. » C'est peut-être le point de vue de certains, mais pas de ceux avec qui j'ai négocié jusqu'à maintenant. De toute façon, je les aurais vite ramenés à la réalité.
M. David Oulton: Pour revenir à la question des 240 mégatonnes, cet objectif n'a pas changé. Il est 6 p. 100 au-dessous des niveaux de 1990 et, selon nos hypothèses les plus probables sur le statu quo, cela signifie qu'il faudra réduire les émissions de 240 mégatonnes.
Nous avons en effet eu un conflit sur cette question lors des négociations internationales. Nous avons maintenu, essentiellement, que nos exportations d'énergie plus propre vers les États-Unis justifiaient amplement l'octroi d'un crédit au Canada. Notre demande n'a pas encore été admise au cours de la série actuelle de négociations.
Essentiellement, nous avons admis cette non-reconnaissance à l'échelon international, pour l'instant. Cependant, l'accord restera en vigueur après la première période d'engagement, qui s'étendra de 2008 à 2012. La question restera en suspens et nous nous réservons le droit d'y revenir en temps voulu.
M. Bob Mills: Les pays européens rétorquent qu'ils devront faire les mêmes concessions à la Russie, et ils refusent de donner plus de crédits à la Russie que ce qu'elle a déjà.
M. David Oulton: Nous comprenons leur argumentation, mais nous croyons que notre argument est fondé. Nous acceptons notre défaite cette fois-ci, de sorte que nous mettons en place un plan pour atteindre la cible des 240 mégatonnes. Voilà ce que nous avons dit : « Nous avons mis une marque sur la table parce que nous sommes convaincus du bien-fondé de notre argument au sujet de l'énergie propre. Nous y reviendrons au moment opportun. »
M. Bob Mills: Sur la question du coût des crédits de carbone, M. Putin a dit lui-même, à Johannesburg : « Nous devons obtenir 50 $ par tonne de carbone. Nous ne signerons pas pour moins, pour mettre le Protocole de Kyoto en application. »
Les Britanniques ont affirmé, il y a 3 semaines, que le prix du carbone serait à 35 $. Nous avons établi le plafond à 15 $ la tonne. De toute évidence, les conséquences pour les contribuables canadiens seront énormes si nous devons payer 35 $. Comme les Russes sentent qu'ils perdent du terrain, ils abaissent leur prix et il se pourrait que nous obtenions notre prix cible de 15 $, mais rien n'est certain. Si j'investissais de l'argent dans une société, je n'aimerais pas que des questions aussi importantes restent sans réponse.
Je reviens à la population canadienne en général. Nous leur demandons de réduire leurs émissions de 20 p. 100. Nous ne savons pas si nous leur accorderons des crédits pour ce faire. J'ai installé une fenêtre à vitrages multiples il y a 10 ans. Allez-vous m'envoyer un chèque pour compenser cette dépense?
Comment ferez-vous pour convaincre les Canadiens qu'ils doivent contribuer aux réductions? Comment allez-vous mesurer leur effort? Comment allez-vous leur faire croire que le besoin existe alors que les trois Grands Lacs ont gelé entièrement pour la première fois en 100 ans? J'ai roulé dans neuf pieds de neige entre Red Deer et Calgary dimanche dernier. Nous avons connu la plus importante tempête de neige, qui a duré deux jours, depuis un siècle. Comment allez-vous me convaincre que je dois réduire mes émissions de carbone de 20 p. 100?
M. Howard Brown: Je dois admettre que l'hiver dernier à Ottawa m'a parfois amené à me demander si je n'étais pas du mauvais côté du changement climatique. Mais soyons sérieux : il faut discriminer les tendances à long terme des différences de température d'une année à l'autre. Il ne faut pas tirer de conclusions en comparant deux années.
Pour ce qui est des moyens que nous prendrons pour convaincre les Canadiens du bien fondé du défi Une tonne, je ne suis pas certain que vous avez en face de vous les personnes qui peuvent répondre...
M. Bob Mills: Un plan a-t-il été établi?
M. Howard Brown: Je suis désolé si j'ai l'air d'un bureaucrate, mais je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ce domaine.
Neil sera mieux placé que moi.
M. Neil MacLeod: Nous avons parlé des diverses mesures envisagées présentement pour l'affectation des crédits budgétaires. Le défi Une tonne en est une, bien entendu. Il s'agit d'une démarche de sensibilisation, par l'entremise d'un programme dynamique de marketing social qui vise non seulement à convaincre les Canadiens de réduire leurs émissions et à leur expliquer pourquoi c'est important, mais qui leur donnera aussi des outils et des produits pour le faire.
Depuis la première fois où nous avons mentionné cette possibilité, dans un document publié en novembre, les consommateurs ont manifesté un intérêt que j'apparenterais à une lame de fond. Je pourrais résumer ainsi les commentaires entendus : « D'accord, nous sommes prêts à le faire, mais aidez-nous. Que devons-nous faire? »
Sans aucun doute, le défi fait partie des possibilités sérieusement envisagées pour l'affectation de la première tranche des crédits budgétaires.
Le président: Vous avez du temps pour une dernière question.
M. Bob Mills: En 1997, je siégeais à la Chambre, avant la ratification du Protocole de Kyoto, et je me désolais du manque de planification avant le départ du ministre de l'Environnement pour... Il a assisté à la réunion de Regina, puis il est parti pour Kyoto. Les Australiens avaient fait beaucoup de planification économique, ils avaient discuté des difficultés prévues pour atteindre les cibles. Ils sont arrivés à 8 p. 100 au-dessus des niveaux de 1990.
Le Canada, quant à lui, a décidé de faire plus fort que les États-Unis. Les Américains y sont allés de 5 p. 100 au-dessous des niveaux de 1990, et nous avons réussi 6 p. 100 au-dessous. Il n'y a pas de compréhension. Au sein du comité, j'ai posé des questions comme « Comment nous y prendrons-nous? », ou « Quel est le plan? ».
J'ai très peur que nous ne commencions en 2005 à négocier les conditions pour après 2012. Le Conference Board of Canada a exprimé les mêmes préoccupations. Allons-nous entamer ces négociations en étant aussi mal préparés que nous ne l'étions pour Kyoto? Nous sommes arrivés là complètement perdus. Nous commençons à peine à dresser ce qui pourrait ressembler à un plan, mais c'est cinq ans après avoir signé ce fichu document.
Nous en revenons donc aux responsables. Qui est chargé de la planification? Ont-ils amorcé une réflexion sur les conséquences à long terme?
º (1640)
M. David Oulton: Vous avez raison de dire que les négociations relatives à la prochaine période d'engagement débuteront dès 2005. Dans cette optique, nous commençons à l'interne—je parle d'un effort collectif au sein du gouvernement canadien—à réfléchir à ce que nous devons faire pour que nos plans et les positions que nous défendrons lors des négociations soient en place en 2005. Ce n'est pas un délai très éloigné en matière de planification.
On apprend par l'expérience, c'est connu. Au cours des cinq dernières années, l'expérience des négociations autour du Protocole de Kyoto nous a permis d'apprendre à la dure. Les négociations ont débordé après celles de 1997. Les négociations finales ont pris fin il y a seulement une année et demie environ.
Nous pensions avoir assez bien fait nos devoirs, et c'était vrai si vous considérez le volume d'arbres coupés pour les rapports sur les diverses études de modélisation et les travaux d'analyse. Nous avons appris toutefois à quel point il est complexe et difficile de savoir si nous avons bien compris—c'est ce que Howard est en train de découvrir—les conséquences d'une mesure particulière de réduction des émissions dans un secteur industriel donné.
Je suis certain que nous serons en bien meilleure position en 2005. Ces négociations dureront sans doute de trois à cinq ans, mais nous mettrons à profit les leçons apprises au cours des cinq dernières années dans nos préparatifs en vue de 2005. Tous les pays en fait—je ne me souviens pas au juste du commentaire formulé à ce sujet—apprennent à quel point il est difficile d'établir les plans et les mesures nécessaires pour obtenir un taux de plus ou moins 5 p. 100 de réductions que tous les pays membres de l'OCDE ont convenu d'atteindre.
Au fil du temps, nous réalisons tous à quel point il est difficile d'établir des plans qui donneront lieu à des réductions réelles. Quand débuteront les négociations en 2005, le Canada et tous les autres pays présents autour de la table auront bénéficié et beaucoup appris de leur expérience. Par conséquent, je suis convaincu que nous ferons beaucoup mieux, et nous allons négocier avec un groupe de pays de l'OCDE qui seront aussi mieux outillés, parce qu'ils auront mieux compris ce qu'il faut mettre en place en vue de la prochaine période d'engagement.
On ne sait pas encore de quoi sera faite cette prochaine période d'engagement, si le Protocole de Kyoto sera toujours appliqué, si les ententes actuelles seront reconduites, ou si les taux de réduction augmenteront. Beaucoup dépendra du cours des événements et des progrès accomplis ici et dans d'autres pays d'ici 2008.
Je me prépare en vue de négociations ardues et longues, mais nos partenaires auront, tout comme nous, appris beaucoup de notre expérience des cinq dernières années et des deux ou trois années à venir, avant que nous tombions dans la partie sérieuse.
Le président: Merci, monsieur Mills.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Comme je représente une circonscription du Yukon, mes questions concerneront cette région.
Vous le savez déjà, nous avons fait beaucoup de pressions pour la construction d'un gazoduc transalaskien. Un tel projet créerait des dizaines de milliers d'emplois au Canada, ce qui serait merveilleux. Le Canada pourrait utiliser le gaz du Yukon pour alimenter les villes nordiques.
Bien entendu, le gaz naturel émet du carbone—des gaz à effet de serre, et ce gazoduc serait probablement le plus gros jamais construit dans le monde. Les gens se demandent comment réconcilier deux initiatives si diamétralement opposées : concevoir un projet pour rendre accessible cette abondante ressource liquide à l'origine de gaz à effet de serre et, parallèlement, signer le Protocole de Kyoto.
M. Howard Brown: Quiconque a réfléchi à ce qui se passera au cours des 50 prochaines années dans le domaine énergétique en vient à la certitude que les combustibles hydrocarbonés joueront un rôle très important. Je ne connais personne qui pense que les sources d'énergie renouvelables ou d'autres sources d'énergie propre remplaceront complètement les hydrocarbures dans un avenir proche.
Le gaz continuera d'occuper un rôle de premier plan. Étant donné que le gaz est nettement plus propre que le charbon, il est certain qu'on peut réduire les émissions de façon considérable, même si la même quantité globale d'hydrocarbure est utilisée comme source d'énergie. Je suis donc convaincu que nos objectifs en matière de changement climatique et l'augmentation de l'approvisionnement en gaz naturel sont non seulement compatibles, mais encore sont-ils mutuellement bénéfiques d'un certain point de vue.
º (1645)
M. Larry Bagnell: Compte tenu des dommages plus graves du changement climatique dans le nord, de leur effet plus étendu et probablement plus rapide, les plans de mise en oeuvre sont-ils différents? Dans certaines régions, par exemple là où les mouvements migratoires des caribous sont affectés, la survie même de toute une nation est en jeu. Je me demande si les plans qui seront appliqués à l'Arctique prennent en compte ce progrès rapide et grave du changement climatique?
M. Howard Brown: On m'a demandé qui était responsable de la question du changement climatique, et j'ai répondu que j'étais chargé du volet des grands émetteurs industriels. Je ne veux pas m'approprier le reste. Je tiens cependant à souligner que nous sommes extrêmement vigilants par rapport à notre engagement dans le plan. En commençant, j'ai mis en lumière notre souci de ne pas imposer un fardeau indu aux régions ni aux administrations. Dans cette optique, nous faisons en sorte d'analyser, à mesure que nous avançons, les conséquences pour chaque administration visée.
Je sais que certaines industries du Yukon, le secteur minier notamment, font partie des grands émetteurs, et qu'elles constituent un élément crucial de la base économique de la région. Nous ferons une analyse de ces facteurs et nous en tiendrons compte dans nos plans.
M. Neil MacLeod: Nous pourrions nous demander si nous devons aller plus loin dans notre étude des sources d'émissions au Yukon, mais ce n'est pas le coeur du problème. L'enjeu réel tourne autour des conséquences et de l'adaptation. Nous avons une équipe chargée de la question des conséquences et de l'adaptation, mais elle n'est pas représentée cet après-midi. Cependant, nous serons très heureux de vous mettre en contact.
Comme vous le savez, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont beaucoup collaboré sur la question des sources ponctuelles. Le premier centre de solutions intergouvernemental a ouvert ses portes à Whitehorse il y a tout juste deux ans. Je crois que vous y étiez à l'époque, ainsi que le ministre Goodale.
J'oserais dire que c'est avec le gouvernement du Yukon que nous avons le plus collaboré et avec lequel nous avons créé les partenariats les plus efficaces. Cependant, je laisse à d'autres le soin de répondre pour ce qui est de la question plus élargie des conséquences et de l'adaptation.
M. Larry Bagnell: Je pensais aux conséquences, pas aux émissions.
Sur un plan plus général—vous n'êtes peut-être pas les mieux placés pour répondre—, nous sommes aux prises avec un changement climatique, dû en partie à l'activité humaine, mais pas entièrement. Dans la stratégie du fédéral, a-t-on mis en équilibre la nécessité de réduire nos émissions—en tenant compte du fait qu'elles augmenteront dans une certaine mesure de toute façon—et l'adaptation? À quoi servira de dépenser tout notre argent pour réduire les émissions si les entreprises ferment ou si des nations entière risquent de disparaître par manque d'adaptation.
Mettons-nous suffisamment de ressources dans l'adaptation, tout en continuant de consacrer des ressources à la réduction des émissions?
M. David Oulton: Je tenterai une réponse en deux volets. Tout d'abord, nous sommes effectivement en pourparlers. J'ai passé une partie de la semaine dernière au téléphone avec mes collègues du Yukon.
La question de l'ajustement des programmes de changement climatique—en fonction des impératifs de réduction, d'une part, ou des conséquences et de l'adaptation, d'une autre part, compte tenu de la situation dans une province ou un territoire donné—représente justement l'une des raisons pour lesquelles nous voulons signer des accords-cadres bilatéraux. Nous souhaitons rencontrer les gouvernements au cours des prochains mois pour établir avec eux leurs priorités et les éléments de leurs priorités sur lesquels nous pouvons leur donner notre collaboration.
Dans le domaine précis des conséquences et de l'adaptation, nous avons déjà discuté avec les ministres de l'Énergie et de l'Environnement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il y a un peu moins d'un an, ils ont accepté de collaborer à l'élaboration d'une stratégie visant l'étude des conséquences et des mesures d'adaptation.
Cela dit, la réponse la plus directe à votre question est que nous commençons à peine à nous pencher sur cette question. La climatologie et la compréhension des conditions régionales commencent à peine à nous donner les réponses dont nous avons besoin pour comprendre les répercussions éventuelles sur la région des Prairies et sur celle des Grands Lacs, par exemple, ou sur le Nord.
Nous disposons maintenant de suffisamment de données scientifiques et empiriques sur le Nord pour commencer à comprendre certains répercussions éventuelles. Il s'agira ensuite d'établir ce qu'il faut faire en priorité. Nous en sommes encore au tout début du travail.
Nous logeons à la même enseigne que tous les autres gouvernements. Partout dans le monde, la plupart des administrations gouvernementales ont commencé par donner la préséance à l'atténuation des émissions. C'est seulement maintenant qu'il commencent à se dire : « Si nous comprenons bien les fondements scientifiques et que c'est ce qui nous attend de toute façon sur une certaine période de temps, selon de nombreux cycles successifs, que faut-il faire pour nous préparer au changement inévitable? »
C'est une question de la plus haute importance parce que le Canada, ce qui est assez troublant, fait partie des pays les plus à risque de subir de graves répercussions dues au changement climatique, et plus particulièrement dans le Nord et dans les Prairies.
º (1650)
Le président: Une dernière question.
M. Larry Bagnell: Je me réjouis de votre annonce concernant les importantes sommes d'argent débloquées dans le dernier budget pour le Nord et pour notre centre. Nous contemplons par ailleurs la réalisation d'un mégaphone—probablement le plus important dans le domaine des chemins de fer depuis la Confédération—de construction d'un chemin de fer entre l'Râla et la Colombie-Britannique. Nous parlons de 1 000 milles de nouvelle voie ferrée.
J'imagine que vous serez tous en faveur du projet compte tenu des réductions considérables de gaz à effet de serre qui en découleraient. Le train, qui remplace 200 camions, réduit les gaz à effet de serre, c'est certain.
M. David Oulton: J'en ai bien sûr entendu parler. Cependant, je ne connais pas assez les facteurs économiques et les répercussions sur l'environnement pour me prononcer sur cette question.
De toute évidence, le transport de marchandises par rail représente un aspect du transport et de ses impacts sur le changement climatique que nous comptons étudier. Nous sommes au fait de ce projet, mais nous n'en savons pas encore assez relativement à tous les facteurs en cause,
Le président: Merci, monsieur Bagnell.
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les accords bilatéraux. Vous allez me trouver persévérant, mais c'est mon travail. J'aimerais savoir ce que pourrait représenter un accord bilatéral avec une province par rapport à des objectifs de réduction.
Est-ce qu'en bout de ligne, par exemple sur un territoire donné, vous allez fixer des objectifs de réduction par secteur d'activités, ou allez-vous en arriver à un objectif global pour une province tout en lui permettant de prendre les mesures qu'elle entend prendre afin d'obtenir la réduction voulue? Donc, est-ce que vous allez fixer des objectifs sectoriels à atteindre par province, ou allez-vous vous entendre, par exemple avec le Québec, pour que ce dernier réduise ses émissions de gaz à effet de serre, disons de 6 p. 100, avec les moyens qu'il voudra prendre, l'important étant d'atteindre le 6 p. 100? C'est ma première question.
[Traduction]
M. David Oulton: Nous n'avons pas recours aux protocoles d'entente pour fixer des objectifs précis ou pour répartir les 6 p. 100 de réductions visées entre les provinces et les territoires. En réalité, notre expérience des 5 dernières années, entre 1997 et 2002, nous a démontré qu'il était impossible de négocier la répartition de l'objectif entre les territoires et les provinces. Il est impossible d'arriver à objectif mutuellement convenu.
Nous avons donc choisi une autre voie : celle des ententes mutuelles sur des mécanismes précis que nous voulons mettre en application dans différents domaines. Nous pouvons par exemple décider, de concert avec un gouvernement donné, que ce soit celui du Québec ou un autre, de concentrer nos efforts de collaboration sur un programme précis—par exemple, un programme de réduction de la consommation énergétique résidentielle ou industrielle—et de fixer des objectifs relativement aux ressources que nous devons investir et aux réductions visées dans un domaine donné.
Nous n'avons pas cherché à faire une répartition officielle entre les provinces et les territoires, parce que l'expérience nous a convaincus qu'il était impossible d'arriver à une entente à cet égard. En revanche, si nous axons notre action sur les priorités des provinces et sur les points de convergence avec les nôtres, pour ensuite négocier des ententes auxiliaires spécifiques dans les domaines—qu'il s'agisse de technologie ou de partenariats en vue de réduire les émissions dans certains secteurs—où nous sommes d'accord pour faire usage d'outils communs de renforcement, nous pouvons collaborer à l'atteinte d'un objectif dans un domaine donné.
Je ne sais pas, Neil, si vous souhaitez—si ma réponse est assez complète.
M. Neil MacLeod: C'est très bien.
[Français]
M. Bernard Bigras: Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables de s'entendre sur des réductions par province.
Je pense entre autres à l'Europe. Vous connaissez probablement le modèle triptyque, où 15 pays souverains ont réussi à s'entendre sur un modèle de répartition équitable. Pourquoi ne s'entendrait-on pas sur la base de paramètres équitables?
Je pense au climat. On peut s'entendre pour dire que le climat au Canada n'est pas le même d'un océan à l'autre. L'efficacité énergétique n'est pas la même. La structure économique n'est pas la même. La démographie n'est pas la même.
Donc, ne pourrait-on pas prendre des paramètres équitables, comme l'Europe a réussi à le faire, fixer des objectifs de réduction dans une entente bilatérale, fixer un objectif de réduction globale, et donner à la province une obligation d'obtenir des résultats, c'est-à-dire de prendre les mesures qu'elle veut pour atteindre son objectif? Si certaines provinces souhaitent plutôt prendre des mesures dans le secteur du transport--c'est ce que le Québec devra probablement faire, à mon avis, parce que c'est là où les efforts doivent être faits--, libre à lui de le faire. Mais pourquoi ne pas permettre cette flexibilité, qui permettrait aux provinces d'en venir, au fond, à une vraie coopération, à une vraie collaboration? Pourquoi ne pourrait-on pas envisager ça? Si ça s'est fait ailleurs, pourquoi cela ne pourrait-il pas se faire au Canada?
º (1655)
[Traduction]
M. David Oulton: Merci, monsieur le président.
Nous avons déjà étudié, dans le cadre des travaux interprovinciaux sur les programmes en matière de changement climatique tenus entre 2000 et 2002, la possibilité d'arriver à un partage du fardeau mutuellement convenu—un partage équitable de la responsabilité à l'intérieur du pays. Nous avions alors examiné diverses formules et divers modèles, y compris le modèle européen baptisé « triptyque ».
Nous en sommes arrivés à la conclusion que la complexité de ce modèle et les divergences de vues sur la définition de l'équité selon les administrations rendaient toute entente mutuelle impossible. Nous avons poursuivi la réflexion même si nous n'étions pas parvenu à une entente.
Vous demandez pourquoi l'Europe y est arrivée alors que les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral ont tant de peine. La réponse la plus commune, sans être la seule, est que l'Europe a joué de chance—attribuable aux circonstances ou au hasard—dans certains pays.
Au Royaume-Uni, on a remplacé le charbon par le gaz naturel au cours de la dernière partie des années 90 et au début des années 2000. L'Allemagne, le produit de la fusion de l'Allemagne de l'Ouest et de l'Allemagne de l'Est, a pu rénover les usines de l'Allemagne de l'Est. Des circonstances bien précises ont permis à deux ou trois pays de fixer des cibles beaucoup plus élevées que les autres pays et d'assumer une grande partie du fardeau sur une base volontaire, en raison de la rentabilité de l'opération. C'est ce qu'ont fait l'Allemagne et le Royaume-Uni en Europe. Ils ont ainsi permis à d'autres pays, comme l'Espagne, la France et la Hollande, de réduire leurs cibles.
Au Canada, la situation est tout à fait différente. Aucune province ne peut assumer un plus lourd fardeau pour permettre à d'autres provinces de réduire le leur. Cette possibilité ne figurait pas à l'ordre du jour des négociations. Nous n'avions pas cet avantage, et c'est pourquoi on s'attendait à une joute beaucoup plus serrée au Canada qu'elle ne l'avait été au sein de l'Union européenne.
M. Howard Brown: J'ai parlé plus tôt de la nécessité de réduire au minimum le coût financier des mesures de réduction imposées aux grands émetteurs industriels, ainsi que de l'inquiétude réelle dont nous a fait part l'industrie concernant la mise en place de régimes différents au provincial et au fédéral. La mise en place de 10, 11 ou 13 régimes différents, chacun assorti de ses propres exigences de déclaration, de ses propres étalons de mesure et de ses propres cibles serait probablement le moyen le plus inefficace. Un plan d'action d'envergure nationale facilitera grandement les choses pour les entreprises et il sera beaucoup plus efficace.
Un tel régime serait en outre plus équitable. J'ai beaucoup de difficulté à saisir pourquoi une usine de pâte à papier qui se trouve sur une rive de la rivière des Outaouais devrait suivre une autre norme et recevoir un traitement différent d'une autre usine qui est située de l'autre côte de la même rivière.
À ce chapitre, on pourrait s'interroger au sujet de l'autorité constitutionnelle. Je ne suis certes pas un expert, mais les avocats du ministère de la Justice me confirment que cette question relève sans aucun doute du fédéral. L'avantage d'agir à une échelle nationale m'apparaît donc très clair.
» (1700)
M. Neil MacLeod: J'aimerais ajouter quelque chose. En choisissant une approche axée sur les provinces plutôt que sur les secteurs de l'économie, nous avons déjà, avant même de conclure des accords bilatéraux... J'ai cité déjà l'exemple de la Colombie-Britannique, mais celui du Québec est encore plus éloquent. Malgré l'absence d'un accord qui aurait été articulé autour des intérêts de la province, un programme national, le Programme d'encouragement pour les bâtiments commerciaux, offre des compensations aux constructeurs qui érigent de nouveaux bâtiments plus éconergétiques que la norme.
Au Québec, Gaz Métropolitain a décidé de se prévaloir de ce programme national pour établir avec nous un partenariat en vue de garantir, un intérêt tout à fait sensé à mon avis... La construction d'un nouveau bâtiment qui n'est pas aussi éconergétique que possible représente un tel gaspillage que Gaz Métropolitain a décidé de nouer un partenariat dans le cadre du programme, et même de le bonifier en offrant des mesures d'encouragement encore plus alléchantes dans la province de Québec.
Ce sont des exemples d'ententes que nous avons conclues en fonction d'intérêts particuliers, sans avoir établi de cible pour l'ensemble d'une province.
[Français]
M. Bernard Bigras: Ce qui me pose un problème, c'est votre définition des grands émetteurs. On retrouve dans cette définition-là des industries qui ont fait des efforts par le passé par rapport à d'autres qui n'en n'ont pas fait, dont l'évolution des émissions est différente et pour lesquelles on va fixer les mêmes niveaux de réduction. Il me semble que ça ne prend pas un cours d'économie 101 pour savoir que les coûts marginaux vont être différents. C'est ce qui m'inquiète.
Si vous êtes capables de nous donner des garanties qu'on ne fixera pour des entreprises comme Alcan, qui a fait des efforts par le passé et qui continue à faire des efforts, les mêmes objectifs de réduction que ceux qu'on fixera pour des entreprises qui, elles, augmentent leurs émissions de 300 p. 100... C'est comme si, monsieur le président, on demandait à quelqu'un qui pèse 120 livres de perdre 10 livres. C'est plus difficile pour cette personne d'y arriver que pour quelqu'un qui pèse 300 livres et qui doit aussi en perdre 10. Donc, c'est le principe des coûts marginaux.
Je ne regardais personne autour de la table.
Comprenez que ce que cela veut dire, c'est qu'il faut avoir de l'équité dans le système que vous allez développer. Sinon, on récompense les pollueurs et on fait payer les entreprises qui font de l'efficacité énergétique.
[Traduction]
M. Howard Brown: Je sens qu'il y a une incompréhension de fond ici. Je n'ai pas dû être assez clair.
Puisque nous n'avons pas encore fixé de cible, je ne vois pas comment on peut affirmer que nous imposons les mêmes exigences à tous, sans égard à ce qui a été fait dans le passé.
Si on adoptait l'approche hollandaise et l'établissement de jalons, nous demanderions aux intéressés de devenir des chefs de file mondiaux. Certaines industries canadiennes font peut-être déjà partie des chefs de file mondiaux en matière d'intensité des émissions, de sorte qu'elles n'auront rien à faire de plus. D'autres industries auront sans doute un peu plus à faire pour accéder à cette catégorie, alors que d'autres encore auront beaucoup à faire. C'est une avenue possible pour parvenir à nos fins. L'effort supplémentaire exigé pourrait différer sensiblement d'une industrie à l'autre.
Nous pouvons aborder la démarche par l'autre bout de la lorgnette, en demandant à tous de réduire leurs émissions de 15 p. 100. Des facteurs seraient pris en compte—la norme de 15 p. 100 serait ajustable en fonction des impératifs de compétitivité et des mesures hâtives déjà prises. Fort probablement, si nous demandions à tous d'atteindre un taux de 15 p. 100 en posant ces conditions, certaines industries n'auraient rien à faire parce qu'elles pourraient démontrer qu'elles ont déjà pris des mesures hâtives et que c'est suffisant.
Nous en sommes encore au tout début du processus, pas à la fin. À mon avis, il est trop tôt pour nous demander si nous avons réussi à compenser les coûts marginaux, parce que nous ne sommes pas très avancés. Je commence à peine, ce mois-ci, mes négociations avec l'industrie.
Le président: Avez-vous d'autres questions sur cet aspect? Non.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse: Sur le thème du transport, l'exemple du transport par rail a été évoqué tantôt. Y aura-t-il au moins des recommandations à l'intention d'autres ministères relativement à l'aménagement d'infrastructures nationales non conventionnelles qui pourraient contribuer aux réductions imposées par le Protocole de Kyoto?
Je vais vous donner un exemple. Dans ma circonscription, il y a un tunnel ferroviaire à double niveau, mais il devrait avoir trois niveaux pour laisser passer des voitures. DaimlerChrysler et d'autres concessionnaires d'automobiles en faisaient grand usage auparavant, mais ils ne peuvent plus, ou ils ont choisi de ne plus l'utiliser. Le transport par rail éliminerait une grande partie du smog, de la congestion et d'autres problèmes associés à l'infrastructure actuelle. Malheureusement, en raison du fonctionnement actuel du réseau ferroviaire, il ne serait pas rentable pour Borealis d'emprunter pour réaliser ce projet en solo.
Allez-vous étudier ce genre de possibilités? Allons-nous faire une analyse de ces questions? Je sais que c'est un enjeu qui dépasse l'intérêt régional, mais il peut faire une énorme différence dans l'atteinte de l'objectif global de réduction.
» (1705)
M. David Oulton: C'est une bonne question. Dans le budget, la note relative aux 3 milliards de dollars affectés à la prochaine phase des infrastructures indique que la répartition serait effectuée en fonction de divers objectifs à atteindre, y compris en matière de changement climatique.
Les ministres devront se pencher sur une autre proposition, distincte mais néanmoins liée, qui soulève les questions suivantes : quel sera le fondement du nouveau programme d'infrastructure?; quels critères faudra-t-il utiliser? et quels types de projets seront admis? Je ne peux pas donner de réponse définitive à votre question parce qu'elle fait encore l'objet de discussions.
Dans une perspective axée exclusivement sur le changement climatique, à laquelle j'adhère, il faut faire en sorte que les considérations liées au changement climatique soient prises en compte dans les décisions relatives au financement de l'infrastructure. Rien ne garantit qu'il se produira, mais le processus décisionnel doit en tenir compte.
M. Brian Masse: À qui doivent s'adresser les entreprises ou les différentes communautés pour démontrer qu'une réduction importante découlerait d'un tel projet? Actuellement, le gouvernement étudie d'autres problèmes climatiques éventuels qui pourraient découler d'autres recommandations.
L'un des obstacles à la découverte de la meilleure solution est l'impossibilité de réaliser ce projet en solo. Il ne cadre pas dans les paramètres de la rentabilité. Comment allez-vous vous y prendre pour étudier la question de la viabilité?
M. David Oulton: Le gouvernement a chargé une équipe spéciale d'étudier la proposition liée à l'infrastructure. Nous espérons qu'elle fera une annonce sous peu, parce qu'elle fait le suivi du budget. Je ne peux pas vous donner de détail, mais je sais que le gouvernement devrait faire connaître ses intentions à cet égard à tout moment d'ici l'été. Les gens sauront mieux où s'adresser pour soumettre des demandes et faire connaître leurs intérêts dans ce secteur.
Il est toujours hasardeux de faire des promesses sur la date à laquelle les ministres rendront une décision, mais l'intention est de mettre l'accent sur les décisions concernant l'infrastructure aussitôt que possible. Je sais qu'elles iront dans le même sens que nous, en tentant d'attirer l'attention des ministres.
M. Brian Masse: Cette question est donc au centre de l'intérêt. C'est bon de l'entendre parce que nous pourrions continuer à paver des routes et à bloquer d'autres options très viables, et nous sommes très en retard.
M. David Oulton: La façon de considérer les infrastructures est très différente d'une région à l'autre au pays.
Le président: Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell: Puisque les mesures de réduction de la consommation d'énergie compteront pour beaucoup dans l'atteinte des cibles, et qu'elles permettront aux entreprises d'accroître leur efficacité et leur rentabilité; puisque le gouvernement sera partenaire dans cette entreprise et que l'industrie ne paiera pas la totalité des coûts; et puisque les États-Unis n'ont pas signé le Protocole de Kyoto, existe-t-il des risques qu'on nous accuse d'avoir donné des subventions sur les échanges?
M. Howard Brown: Les avocats vous répondraient que le risque plane toujours. Je crois que tout dépend de la façon de faire les choses. Il faudra garder l'oeil ouvert—c'est justement ce que font les avocats. Nous ferons ce qu'il faut pour éviter les dégâts.
M. Larry Bagnell: J'imagine que beaucoup des pays signataires du Protocole de Kyoto se rangeraient de notre côté si une telle querelle éclatait.
Le président: Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Je voudrais seulement obtenir quelques précisions.
À la page deux de votre mémoire, vous affirmez qu'il n'existe pas encore de marché du carbone. Vous parlez ensuite d'un engagement à faire en sorte que l'industrie puisse acheter des crédits de carbone à un prix maximal de 15 $ la tonne. C'est le gouvernement qui assumera le risque, ajoutez-vous.
En termes hypothétiques, si les crédits coûtent en réalité 20, 25, 30 $, ou même 35 $ la tonne, ce qui n'est pas si irréaliste, et si le gouvernement assume le risque, quelles seront les implications réelles? Cet engagement implique-t-il que l'argent sera puisé à même les recettes générales du gouvernement pour combler l'écart entre 15 et 30 $?
» (1710)
M. Howard Brown: Il est très difficile de déterminer avec précision les prix du carbone parce que le marché n'existe pas encore. Il existe toutefois énormément de données sur les prix pratiqués à différents points sur la courbe des prix. Nous savons, par exemple, que le Fonds prototype pour le carbone de la Banque mondiale peut offrir une tonne de réduction pour 8 $US environ. La Banque mondiale s'apparente à l'étalon-or parce qu'elle est extrêmement bien documentée et qu'elle doit passer par tellement de dédales. On pourrait donc penser que la tonne de carbone coûtera cher.
Le volume des données et des preuves empiriques est faramineux. Par ailleurs, l'expérience de certains pays dans le domaine de la séquestration du méthane dégagé par les sites d'enfouissement–le prix international avoisine les 2 $ la tonne dans les pays en développement...
M. James Rajotte: Je ne vous ai pas demandé de me donner un prix. Je m'intéresse à votre déclaration voulant que, si le prix dépasse 15 $ la tonne, le gouvernement assumera le risque. Comment assumera-t-il ce risque?
M. Howard Brown: Il y a 2 choix hypothétiques si le prix du carbone dépassait 15 $. Le premier consisterait à puiser la différence à même les recettes générales. L'autre consisterait à investir les recettes générales dans la mise en place de mesures pour inciter les sociétés à réduire leurs émissions et, partant, leurs besoins en crédits. Il faudra faire une analyse facteurs économiques à ce moment.
M. James Rajotte: D'accord. Merci.
À la page quatre, sous le titre Consultations, vous mentionnez que l'industrie s'attend à ce que le gouvernement canadien « offre de réels incitatifs financiers pour favoriser les réductions d'émissions ».
Pouvez-vous nous indiquer quelques incitatifs financiers positifs qui ont été recommandés?
M. Howard Brown: Je ne crois pas avoir dit que je recommandais quoi que ce soit. Je faisais simplement état des commentaires entendus lors de nos contacts initiaux avec l'industrie. Beaucoup opteraient pour des crédits d'impôt ou des mécanismes d'amortissement accéléré. Ce sont des requêtes que nous avons souvent entendues de la part de l'industrie.
M. James Rajotte: J'aimerais revenir à la question sur les dirigeants et les responsables du Protocole de Kyoto. C'est à mon avis une question cruciale. Le sous-ministre de l'Environnement annonce devant le Comité de l'environnement que le ministre de l'Agriculture est responsable du comité spécial du Cabinet. En ma qualité de parlementaire, je dois vous avouer que je ne saisis pas bien de qui relève ultimement toute la question du Protocole de Kyoto, et j'imagine que beaucoup de mes concitoyens nagent dans la même confusion. Ils aimeraient beaucoup que le voile soit levé.
Il doit bien exister un ministre quelque part qui est le grand responsable de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Peut-être n'êtes-vous pas en mesure de répondre parce que la question s'adresse au ministre. C'est bien. Je vais le demander aux ministres respectifs. Cependant, à votre point de vue, quelqu'un a-t-il pris les devants sur cette question au sein du Cabinet? Est-ce le Bureau du Conseil privé? Qui est responsable?
M. Howard Brown: Inévitablement, certains ministres seront chargés d'aspects particuliers du plan. Il est tout simplement trop vaste et il touche beaucoup trop de secteurs pour qu'il en soit autrement. Dans le cas des grands émetteurs industriels, le ministre responsable est M. Dhaliwal, mon ministre.
Pour ce qui est de la présidence d'un comité du Cabinet, si c'est une question qui touche la Défense nationale, par exemple, toute proposition de dépense, tout mémoire présenté au Cabinet en vue d'obtenir des crédits sera soumis à un comité du Cabinet présidé par un autre ministre. Je ne sais pas si la structure des comités du Cabinet chevauche la responsabilité ministérielle dans le cas de propositions de politiques précises.
M. James Rajotte: Je vais poser ma question d'une façon un peu différente. Les grands émetteurs industriels, comme vous l'avez dit, relèvent du ministre Dhaliwal. Le mesurage des émissions, si je comprends bien, serait sous la compétence du ministre Anderson. Est-ce un moyen acceptable et judicieux de procéder, ou ne serait-il pas mieux de confier l'ensemble du dossier à un seul ministère et à un seul ministre?
» (1715)
M. Howard Brown: Je ne peux pas vous dire quel serait le meilleur moyen de faire. Je crois que la responsabilité ultime du mesurage n'a pas encore été attribuée. Tout ce que je peux dire, c'est que les haut fonctionnaires se réunissent tous les mardis matins à 8 heures pour s'assurer que tous comprennent bien ce que les autres font. Est-ce le meilleur moyen? Je ne sais pas. La seule chose sûre, c'est que les communications sont bonnes. Je collabore très étroitement avec mon collègue d'Environnement Canada, sur une base bilatérale, à l'extérieur de ces réunions.
Pour l'instant, je n'ai pas constaté de problèmes insolubles. Je sais que la question doit être tranchée. Cependant, en bout de ligne, nous savons que nous travaillons tous pour le contribuable, et qu'il faut coopérer pour que le travail soit fait.
M. James Rajotte: Je vais poursuivre sur la décision—j'avais parlé d'exemption, mais vous avez précisé qu'il s'agissait en fait d'une décision—comme quoi l'industrie automobile ne produisait pas suffisamment d'émissions pour justifier son classement parmi les grands émetteurs industriels.
Qui a pris cette décision?
M. Howard Brown: La décision a été prise avant mon arrivée, de sorte que je ne peux pas vous répondre de façon certaine. Je crois qu'elle émane du Groupe de référence ministériel. Cependant, au niveau des fonctionnaires supérieurs, c'est mon ministre adjoint, George Anderson, qui en a eu la responsabilité finale.
M. James Rajotte: A-t-il pris la décision ou a-t-il fait une recommandation?
M. Howard Brown: Oui—sur ce qui caractérise un grand émetteur industriel.
M. James Rajotte: Sous le titre Consultations, vous indiquez que l'industrie juge que l'objectif d'une réduction de 55 mégatonnes, selon les exigences du plan, est impossible à atteindre. Je tiens pour acquis que vous ne souscrivez pas à cette croyance—ou souscrivez-vous à cette croyance? Si vous n'êtes pas d'accord, sur quoi fondez-vous votre désaccord avec l'industrie?
M. Howard Brown: Je suis un peu agnostique à cet égard. Nous ne comprenons pas assez bien leurs raisons pour faire une telle affirmation. Ce sujet fera partie des négociations qui se dérouleront entre le printemps et l'automne. Si une entreprise m'affirme qu'elle ne peut pas atteindre la cible, je lui demanderai de me démontrer pourquoi.
Dans une certaine mesure, la divergence entre la position de l'industrie et la nôtre peut découler d'une compréhension légèrement différente de ce que veut dire « atteignable ». Je crois que certains de nos interlocuteurs dans l'industrie voient les choses du point de vue technique quand ils se demandent s'ils peuvent réduire leurs émissions de 15 p. 100 en augmentant leurs profits.
Mon angle d'approche est un peu différent. Je leur demande s'ils peuvent le faire moyennant un coût acceptable. Leur objectif est d'augmenter leurs profits, alors que je leur demande s'ils peuvent atteindre la cible imposée en matière de changement climatique en grugeant un peu leur marge de rentabilité ou, si non, s'ils peuvent l'atteindre en achetant des crédits.
La divergence est plus apparente que réelle. Elle découle de la différence de vue sur le sens de « atteignable ».
M. James Rajotte: Ma dernière question est liée à la section « Questions de politique urgentes » de votre mémoire. Vous parlez de la nécessité de définir et de répartir les objectifs de réduction de l'intensité des émissions entre les secteurs.
De toute évidence, la répartition du fardeau est cruciale. Cependant, comment éviterez-vous les conflits entre les secteurs et les entreprises quand vous affirmez par ailleurs que l'industrie estime que l'objectif de réduction de 55 mégatonnes est inatteignable? Vous venez de le souligner, les opinions divergent à ce sujet. Comment éviterez-vous les conflits?
Je vais vous raconter une expérience personnelle. J'ai rencontré les représentants de deux très importantes sociétés canadiennes, membres d'une très grande industrie. Les représentants de la première entreprise m'ont affirmé avoir réduit leurs émissions de CO2 de 24 p. 100 depuis 1997. Ceux de la deuxième m'ont dit qu'ils les avaient réduites de 12 p. 100. Quand je leur ai signalé que leur performance était moins bonne que celle de la première entreprise, ils m'ont rétorqué que la première les avait en fait réduit de 12 p. 100 aussi.
Les divergences concernant les émissions ne seront pas les seules pommes de discorde. Comment éviterez-vous cette jalousie entre les entreprises et les secteurs quand vous procéderez à la répartition du fardeau?
M. Howard Brown: Tous les secteurs industriels nous auront à l'oeil, à l'affût de nos faits et gestes à l'intérieur de leur secteur, surtout s'ils sont des compétiteurs, et du type de transactions conclues dans les autres secteurs.
Nous devons donc agir dans la plus grande transparence, et justifier nos gestes. Je ne crois pas qu'ils entretiendront des luttes intestines. Je crois plutôt qu'ils m'en voudront à moi, et qu'une certaine équité émergera s'ils sont tous également en colère contre moi.
Je ne m'attends pas à ce que l'industrie soit ravie. Dans nombre de cas, il y aura un coût, et les entreprises n'aiment pas vraiment tout ce qui s'appelle coût supplémentaire.
Merci.
» (1720)
Le président: Merci.
Je remercie nos témoins de leur visite et de nous avoir éclairés sur la situation par rapport au Protocole de Kyoto. Nous aurons beaucoup d'autres séances sur ce thème puisque les membres du Comité de l'industrie ont convenu qu'il était temps d'examiner le plan global. Nous savons que vous n'avez pas encore entamé ce processus, mais nous vous demanderons sûrement de revenir pour nous faire part du plan définitif qui aura été négocié, et ainsi de suite.
Merci beaucoup.
Chers collègues, je vous informe que la réunion prévue pour demain a été annulée. Le ministre siège à la Chambre parce que son projet de loi sera à l'ordre du jour demain. Je ne voulais pas qu'on nous dépêche des représentants du ministère; je veux que nous rencontrions les responsables de cette question. Nous allons donc remettre la séance. Je ne voulais pas aligner trois réunions dans la même semaine avec d'autres témoins que ceux que nous avons invités.
Je vais donc reporter la séance. Le greffier chercher présentement une autre date possible.
Merci beaucoup. Bonne soirée.
La séance est levée.