Passer au contenu

INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 23 octobre 2003




¿ 0905
V         Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD)
V         Le président
V         M. Brian Masse
V         Le président
V         M. Bill Murnigham (représentant national, Services de la recherche et des régimes de retraite et d'avantages sociaux, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile)

¿ 0910

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         M. Ken Lewenza (Président Conseil TCA, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile)

¿ 0935
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne)
V         M. Bill Murnigham

¿ 0940
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. Bill Murnigham
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. Bill Murnigham
V         Mme Cheryl Gallant

¿ 0945
V         M. Ken Lewenza
V         M. Bill Murnigham
V         Mme Cheryl Gallant
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant
V         Le président
V         M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.)
V         M. Bill Murnigham
V         M. Dan McTeague

¿ 0950
V         M. Ken Lewenza
V         M. Dan McTeague
V         M. Ken Lewenza
V         Mr. Dan McTeague
V         Le président
V         M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC)
V         Le président
V         M. André Bachand

¿ 0955
V         M. Bill Murnigham
V         M. André Bachand
V         M. Bill Murnighan
V         M. André Bachand
V         Le président
V         M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.)

À 1000
V         M. Ken Lewenza
V         M. Serge Marcil
V         M. Bill Murnigham
V         M. Serge Marcil
V         M. Bill Murnigham
V         Le président

À 1005
V         M. Serge Marcil
V         M. Bill Murnigham
V         Le président

À 1045
V         Le président
V         M. Brian Masse

À 1050
V         M. Ken Lewenza
V         M. Brian Masse
V         M. Ken Lewenza

À 1055
V         M. Brian Masse
V         M. Ken Lewenza
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 061 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'état du secteur de l'automobile au Canada.

    Nous recevons aujourd'hui M. Ken Lewenza, président du Conseil des TCA du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, et M. Bill Murnigham, représentant national, Services de la recherche et des régimes de retraite et d'avantages sociaux. C'est lui le spécialiste des chiffres.

    Par ailleurs, je vous informe qu'il y aura un vote ce matin; je voudrais donc que nous allions droit au but.

+-

    M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): J'invoque le Règlement. Je sais que le Conseil du partenariat du secteur canadien de l'automobile devait être représenté ce matin, mais qu'il a annulé sa participation. J'aimerais savoir qu'elle est la raison de ce désistement et s'il a proposé une autre date pour envoyer ses témoins.

+-

    Le président: Il a décidé d'annuler la comparution des témoins à la dernière minute car il voulait que ses deux coprésidents soient présents. Étant donné que l'un d'eux était au Japon, l'autre n'a pas voulu comparaître seul. L'un vient de JAMA et l'autre de l'industrie nord-américaine. Mais le préavis était très court.

+-

    M. Brian Masse: Il avait pourtant confirmé la participation de témoins, mais il a annulé la veille de leur comparution. C'est le comité du ministre, et j'ai beaucoup de mal à accepter que les différents points de vue ne soient pas exprimés au sein de ce comité.

+-

    Le président: Ce que vous dites est hors de propos. Je vais donc céder la parole à nos témoins.

+-

    M. Bill Murnigham (représentant national, Services de la recherche et des régimes de retraite et d'avantages sociaux, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Je vous remercie beaucoup, monsieur Lastewka.

    Merci aussi aux membres du comité de nous recevoir ce matin.

    Je suis accompagné aujourd'hui de Ken Lewenza, le président de notre Conseil des TCA, qui est aussi président de la section locale 444, à Windsor. Je suis sûr qu'il vous expliquera en détail qui il est.

    Par ailleurs, Buzz Hargrove vous prie de bien vouloir l'excuser pour son absence, mais il ne pouvait être des nôtres ce matin. Un engagement de dernière minute l'a empêché de venir comparaître.

    Je crois que la greffière a distribué aux membres du comité des copies de notre mémoire ainsi qu'un document qui fournit des données supplémentaires sur le secteur de l'automobile et notre point de vue sur l'évolution de la situation.

    Il devrait me falloir 15 minutes tout au plus pour vous présenter notre exposé. Je laisserai ensuite la parole à Ken Lewenza, qui vous fera également part de ses commentaires, puis nous répondrons aux questions des membres du comité.

    Le mémoire que nous vous avons présenté s'intitule : « Les défis auxquels fait face l'industrie canadienne de l'automobile ». Ce document se divise en deux parties : la première vous livre notre avis sur les circonstances qui dominent et la deuxième contient des faits saillants sur quelques-uns des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

    Si j'ai bien compris, aujourd'hui est la deuxième journée d'audiences sur l'industrie automobile de ce comité. Vous avez donc déjà une petite idée de la situation qui prévaut dans ce secteur.

    Nous voudrions mettre en exergue la conjoncture difficile que traverse l'industrie automobile ces temps-ci. Nous entendons périodiquement quelques membres influents du gouvernement dire que ce secteur se porte bien et qu'il n'a pas un besoin immense d'aides gouvernementales. Je ne saurais exprimer à quel point cela nous paraît injuste, car l'industrie se trouve aujourd'hui dans une très mauvaise passe. Certains diront que les TCA sont ici pour crier au loup et qu'il n'y a aucun problème. C'est totalement faux. D'une façon ou d'une autre, notre syndicat protège et défend cette industrie depuis les années 1930, soit depuis plus de 50 ans, et à quelques occasions, nous avons émis des commentaires très pertinents sur l'état de l'industrie automobile et sur ce que devait faire le gouvernement canadien pour donner un nouvel élan à ce secteur.

    Actuellement, nous vivons d'importants changements structurels auxquels nous devons tous porter attention. Permettez-moi de mettre en lumière quelques-uns de ces changements et d'autres événements en cours. Vous verrez que l'industrie canadienne de l'automobile vit son ralentissement le plus grave et le plus prolongé depuis le début des années 1980. L'assemblage de véhicules a chuté de 15 p. 100. Nous avons perdu plus de 7 000 emplois bien rémunérés et des dizaines de milliers d'autres, qui dépendaient de nous, ont disparu, que ce soit dans le secteur de l'acier, celui du caoutchouc, du verre, etc. Les ramifications de cette industrie sont connues de tous ceux qui s'y sont intéressés au fil des ans.

    Je tiens également à signaler que ce n'est pas simplement une ratée du système. Au cours des 15 derniers mois, deux grandes usines d'assemblage ont fermé leurs portes au Canada, dont celle de Sainte-Thérèse, qui était la seule au Québec. C'est d'ailleurs une perte incroyable pour l'économie québécoise. L'usine de Windsor a également cessé toute activité l'été dernier, et on prévoit la fermeture, l'été prochain, de l'usine d'Oakville, en Ontario. Autrement dit, en deux ans, nous avons perdu près d'un quart de notre capacité d'assemblage. C'est un changement radical. Vous pouvez penser qu'il s'agit là d'un passage à vide cyclique et que tout ira mieux lorsque l'économie reprendra de la vigueur. Mais ce ne sera pas le cas puisque nous sommes en train de fermer des usines.

    Voyons maintenant l'incidence de ces problèmes sur l'ensemble de l'économie : chaque emploi dans une usine automobile soutient 7,5 emplois dans le reste de l'économie nationale. Ceci est un chiffre assez conservateur que nous ne sommes pas les seuls à avancer. Je pense que les données de l'industrie et celles du gouvernement corroboreront ces informations. Tout le monde comprend l'incidence de tels bouleversements.

¿  +-(0910)  

    Quant à savoir s'il s'agit d'un phénomène cyclique ou d'un changement structurel, je ne saurai trop insister sur le fait qu'en ce moment, le secteur de l'automobile est en train de se réinventer. Cela arrive périodiquement. Les économistes et les universitaires ne s'entendent toutefois pas pour dire si cela se produit tous les dix, quinze ou vingt ans. Toujours est-il qu'actuellement, l'industrie subit une profonde mutation et qu'un nouveau modèle de production voit le jour.

    La question qu'il faut alors se poser est de savoir si les effets de tels changements sont également répartis. Payons-nous un plus lourd tribu que les autres? Y a-t-il d'autres pays qui s'en sortent mieux que le Canada? Si vous vous attardez sur quelques éléments factuels, vous verrez qu'en pourcentage, notre niveau d'assemblage a diminué deux fois plus rapidement qu'aux États-Unis. Pendant ce temps, l'assemblage continue d'augmenter au Mexique. Quand aux fermetures d'usines, il y en a eu ici, mais aussi aux États-Unis et au Mexique. Pourtant, c'est le Canada qui a été le plus frappé par les réductions de la capacité d'assemblage.

    Il y a eu des fermetures d'usines aux États-Unis, mais elles ont été compensées par l'ouverture de nouvelles installations dans le sud du pays. Même si c'est très douloureux de perdre une usine ici pour en ouvrir une autre ailleurs, c'est ce qui est arrivé. Par contre, au Canada, ces fermetures n'ont pas été compensées. Les usines déménagent pour aller s'installer dans le sud des États-Unis où elles obtiennent des subventions publiques, et au Mexique, où la capacité manufacturière automobile poursuit sa croissance.

    Regardez un peu où vont les nouveaux investissements. Périodiquement, l'industrie crée un nouveau modèle de production et ouvre des usines flambant neuves pour l'appliquer. La production se fait-elle au Canada? Non, pas du tout. La page 3 de notre mémoire présente un graphique illustrant où sont construites les nouvelles usines d'assemblage depuis 1990. Je ne pense pas que vous trouviez meilleur exemple que ce graphique pour comprendre ce qui arrive aux fortunes canadiennes de l'industrie. Depuis 1990, on a bâti sept usines dans le sud des États-Unis, contre six au Mexique. Dans des États du sud des États-Unis, comme le Michigan et l'Ohio, on a ouvert quatre installations de production. Qu'a obtenu le Canada pendant cette période? Une seule usine d'assemblage automobile. Ainsi, pendant les années 1990, nous n'avons pas bénéficié des nouveaux investissements majeurs de la même façon qu'au cours des périodes précédentes. Où sont allés les emplois et les investissements? Au sud des États-Unis, évidemment, pour profiter des subventions publiques et de l'aide gouvernementale, ainsi qu'au Mexique, où on verse des salaires minables.

    Parlons maintenant de notre commerce et de la place qu'occupe l'industrie automobile dans l'économie. Des membres du gouvernement actuel et des figures de proue du prochain gouvernement Martin parlent beaucoup de la place qu'occupe le Canada sur l'échiquier du commerce mondial et de la façon dont notre pays doit devenir un chef de file ou se démarquer dans certains domaines. Je ne connais pas d'industrie mieux placée pour y parvenir que celle dans laquelle nous excellons déjà, je veux parler de l'industrie automobile.

    Il y a des gens qui voient encore les Canadiens comme des bûcherons et des porteurs d'eau. L'industrie automobile est parmi les plus avancées du point de vue technologique et celle qui offre des produits à très forte valeur ajoutée. Normalement, le Canada continue d'importer des quatre coins du monde toutes sortes d'équipements et de machineries d'avant-garde. Le seul secteur en retard est celui de l'industrie automobile. Si on s'installe dans cette dynamique, la production de biens à forte valeur ajoutée échappera au Canada au profit des États-Unis et de l'Europe.

    Je trouve important que nous parlions aujourd'hui du commerce et de l'incidence des variations du dollar. Plusieurs choses sont arrivées. Il se peut qu'au cours des prochaines années, le secteur automobile se retrouve en position de déficit réel. Ce sera un revirement de situation incroyable puisque nous serons passés d'une époque où, année après année, nous aurons enregistré des excédents très élevés, à une situation où nous accuserons peut-être un déficit.

    Passons maintenant au rôle du dollar canadien. Nous en avons déjà parlé devant d'autres comités de la Chambre et nous continuerons de le faire. À long terme, un dollar fort découragera les nouveaux investissements, et l'industrie de l'automobile s'en ressentira durement. Les mesures que prend le Canada pour appuyer un dollar vigoureux au moyen d'un certain nombre de mécanismes ont une incidence négative sur notre industrie. Nous continuerons de défendre une politique préconisant un dollar moins fort.

¿  +-(0915)  

    Voilà donc, dans les grandes lignes, notre vision de la situation. Je crois que les témoignages que ce comité entendra du syndicat et de l'industrie ou encore les conclusions qu'il tirera de ses propres recherches coïncideront avec ce que nous venons de vous dire : à savoir que le secteur automobile se trouve en très mauvaise posture. Selon nous, il accuse un repli marqué qui n'est pas attribuable à une simple faiblesse passagère. Nous subissons des bouleversements structurels. Notre pays devrait faire tout ce qu'il faut pour que cette industrie demeure florissante au Canada, avant qu'un nouveau modèle ne s'impose.

    Je vais maintenant vous expliquer un peu comment nous voyons l'avenir. Que pouvons-nous attendre du gouvernement? Quelles mesures devrait-il prendre au cours des prochains mois à l'égard de ce secteur clé de l'économie canadienne?

    Pour la petite histoire, sachez que cela a été très long et très difficile pour notre syndicat de faire en sorte que toute l'industrie et le gouvernement se rendent compte qu'il était temps de faire quelque chose pour le secteur automobile. Il y a environ un an, lorsque nous avons lancé ce débat—car c'est essentiellement nous qui avons soulevé le problème—, nous nous sommes aperçus qu'il fallait être très convaincants pour que les gens finissent par comprendre l'importance de cette industrie. Je pense que nous y sommes enfin parvenus, comme en témoigne la tenue de ce comité et d'autres événements où on reconnaît que cette industrie joue un rôle déterminant et que tout le monde doit y porter attention.

    Nous savons que des représentants du Conseil du partenariat du secteur canadien de l'automobile étaient censés comparaître ce matin. Malheureusement, ils ont annulé leur participation à la dernière minute. Vous avez certainement entendu parler du rapport qu'ils ont produit. Il s'agit là d'une initiative très importante qui, croyons-nous, partait des meilleures intentions et cherchait à résoudre quelques-uns des problèmes de l'industrie. Elle a rassemblé des décideurs du syndicat, de l'industrie et du gouvernement. Nous avons d'ailleurs participé activement à ce processus. Au cours des mois à venir, vous entendrez certainement parler de nous au travers du Conseil du partenariat du secteur canadien de l'automobile.

    Nous avons pris part très ouvertement à cette initiative, mais je crois que le moment est maintenant venu de passer à autre chose et de se concentrer sur des mesures politiques concrètes. Des personnes bien plus expérimentées que moi pourront vous dire ce qu'elles ont vécu dans ces groupes de réflexion et ces séances de consultation. Si le CPSCA commence à être perçu comme un moyen de gérer politiquement ce processus dans l'industrie et de se défouler, nous devrons décider si nous continuons de participer à cette initiative comme nous le faisions auparavant. Nous croyons qu'il est temps que le gouvernement prenne quelques dispositions, plutôt que de poursuivre ses discussions et ses consultations. Le moment est venu d'agir.

    Quelles sont donc les mesures que nous aimerions voir se concrétiser actuellement? Je vous rappelle que vous ont été distribués dans les deux langues officielles des exemplaires de notre mémoire et de notre document de politique. Ce dernier a été publié au mois de mai 2002 et il contient beaucoup de détails. Mais je vais me contenter de vous présenter les trois mesures importantes que devrait prendre le gouvernement. La première concerne les investissements. Nous en avons parlé plus tôt. Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait accorder une aide significative et des co-investissements dans des projets automobiles et stratégiques majeurs. Cette aide n'a pas nécessairement à prendre la forme d'octrois. L'investissement dans des pans stratégiques de l'économie peut être lié à des mesures du rendement réel, comme les emplois, la production, la participation locale et d'autres éléments clés. Grâce à nos activités de lobbying et à nos discussions, nous avons découvert que le gouvernement de l'Ontario avait mis en place un mécanisme de financement permettant d'évaluer les nouveaux investissements dans le secteur automobile, et je pense qu'il est temps que le gouvernement fédéral en fasse autant.

    Le complexe que se propose d'ouvrir Ford à Oakville représente pour nous une chance incroyable. C'est un projet qui se profile à l'horizon et qui est devenu possible grâce à nos efforts et à nos négociations en 2002. C'est le parfait exemple de la manière dont l'industrie se réinvente. Ford, comme d'autres grands du secteur automobile, cherche à se lancer dans les technologies d'assemblage flexible. Ces usines ne se consacrent pas uniquement à un ou deux produits, mais peuvent en produire plusieurs à la fois, ce qui donne une toute nouvelle forme de stabilité aux entreprises, aux collectivités et à l'industrie en général. Ford envisage sérieusement de faire d'importants investissements dans les installations d'Oakville. C'est dans ce même complexe que se trouve l'une des usines d'assemblage qui sera fermée l'été prochain. On envisage de réinventer cet espace et d'y injecter de nouveaux fonds.

¿  +-(0920)  

    Selon nous, c'est une épreuve décisive, à la fois pour l'industrie et pour le gouvernement. Si cet investissement ne se concrétise pas, l'industrie automobile mondiale comprendra très clairement que le Canada et le gouvernement canadien n'envisagent pas sérieusement de soutenir ce secteur de l'économie ni notre part de production pour les prochaines années. Je n'insisterai jamais assez là-dessus. Cette aide peut provenir de différentes enveloppes budgétaires, comme celle de Partenariats technologiques Canada ou des fonds consacrés aux infrastructures et à l'aide technologique. Il existe plusieurs manières de résoudre ces problèmes, et je crois que nous devons faire preuve de sérieux face à l'avenir.

    Un autre élément important de l'action gouvernementale concerne le commerce et la politique commerciale. Le gouvernement s'est montré peu empressé à discuter de ces questions. Mais qu'on le veuille ou non, je pense que des mesures commerciales actives s'imposent si on souhaite attirer de nouveaux investissements dans le secteur automobile pour les prochaines années. Voilà donc la position que nous défendons.

    Parfois, nous pensons, et nous ne sommes pas les seuls, que le Canada se comporte en « bon garçon » lorsqu'il s'agit de commerce international. Les États-Unis prennent des mesures très agressives—par exemple, dans le différend sur le bois d'oeuvre qui nous oppose depuis trois ou quatre ans. L'Union européenne prend aussi des mesures semblables. Ses pays utilisent les leviers gouvernementaux pour stimuler les investissements dans l'industrie et les instruments du commerce pour soutenir leurs entreprises nationales et encourager aussi les investissements.

    Notre surplus commercial automobile a chuté brutalement. Si la tendance actuelle se maintient, nous pourrions même accuser un déficit d'ici quelques années. Ce serait la première fois depuis le début des années 1980. L'un des mécanismes essentiels du Pacte automobile, qui a été éliminé par l'Organisation mondiale de commerce, consistait à surveiller ce genre de choses. Si nous devions nous retrouver dans pareille situation, je pense que nous serions tous bouleversés par la tournure des événements.

    Nous observons une augmentation massive des importations en Amérique du Nord, non seulement en provenance du Japon, mais aussi du Mexique, de l'Union européenne, de la Corée du Sud et bientôt de la Chine, qui devient un joueur incontournable sur le marché de l'automobile. Les deux plus grandes sociétés établies en Amérique du Nord—Ford et General Motors—ont annoncé qu'elles allaient commencer à acheter pour 10 milliards de dollars de pièces détachées par an à la Chine, ce qui est incroyable quand on connaît le niveau des salaires et la structure des coûts dans ce pays et que l'on sait ce que cela pourrait représenter d'ici cinq à dix ans. Nous devons dire à ces gens que nous ne pouvons leur signer un chèque en blanc. Il faut exercer des pressions sur eux pour qu'ils achètent davantage de pièces détachées au Canada—car nous sommes le leader mondial dans cette industrie et parce que nous devrions pouvoir exporter nos produits—ou qu'ils investissent dans nos installations. Sinon, et s'ils continuent d'inonder notre marché avec des produits importés, ils s'exposent à des sanctions commerciales.

    Une partie de la solution consisterait à revoir l'ALENA. Cette idée émane des milieux traditionnels, comme les mouvements syndicaux, mais aussi de différents groupes au pays. Nous croyons que l'ALENA devrait être renégocié pour accroître le niveau de protection de tous les producteurs nord-américains contre les importations étrangères, ainsi que pour limiter les déséquilibres commerciaux automobiles au Canada. Nous avons parlé du développement de l'industrie mexicaine et du fait qu'elle était un concurrent pour le Canada en raison des bas salaires qui sont versés dans ce pays; vous comprenez ce que cela signifie pour nous. C'est le même scénario vis-à-vis de la Chine. Tout d'un coup, les travailleurs mexicains de l'automobile se sentiront très menacés par l'évolution de la situation en Chine. Je pense qu'il est clairement temps de revoir et de renégocier l'ALENA dans le but d'accorder à notre industrie nationale un meilleur soutien.

    Parlons maintenant de l'action de la Banque du Canada. Je pense que cela tombe bien que nous comparaissions le lendemain de la publication du rapport du gouverneur Dodge sur un dollar fort. Ceci a une incidence incroyable sur notre capacité d'exportation. Je pense que la Banque du Canada doit fixer ses taux en tenant compte de l'écart avec les États-Unis pour que notre devise se maintienne durablement à un niveau concurrentiel.

¿  +-(0925)  

    Nous entendons dire qu'un dollar fort est une bonne chose pour notre industrie parce que cela nous rendra plus productif et que les entreprises vont commencer à investir dans de nouveaux équipements. On prétend que la faiblesse du dollar est néfaste pour le secteur. En fait, l'industrie automobile est l'exemple classique du contraire. On y a profité de la faiblesse du dollar pour accélérer les investissements. C'est l'une des rares industries où cette tendance est bien claire. Les usines d'assemblage canadiennes sont plus productives que celles des États-Unis et nettement plus productives que les usines mexicaines. Nous sommes donc déjà en position de force et la question de la productivité ne se pose même pas.

    La stratégie adoptée par la Banque du Canada doit être renversée sans tarder. À notre avis, la valeur du dollar ne devrait pas dépasser 72 ¢. Il ne s'agit pas, nous le répétons, de nous assurer un avantage inéquitable. C'est simplement le niveau auquel les coûts de production au Canada et aux États-Unis s'égalisent.

    Ce matin, j'aimerais faire ressortir trois éléments à votre intention.

    Notre industrie se retrouve dans une situation très précaire. Si quelqu'un se réveillait dans quelques années d'ici, il pourrait certes se demander ce qui a bien pu se passer dans ce secteur. Qu'est-il advenu des usines? Qu'en est-il des emplois?

    Il est temps de passer à l'action. C'est l'approche que nous avons mise de l'avant au cours des dernières années. Je pense qu'il serait important que votre comité fasse bien comprendre au gouvernement que le moment est venu d'agir.

    Je vais maintenant laisser Ken Lewenza vous présenter quelques observations.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: De brefs commentaires peut-être, parce que nous aimerions avoir le temps de poser quelques questions avant que la sonnerie ne se fasse entendre pour le vote.

+-

    M. Ken Lewenza (Président Conseil TCA, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Je vais être très bref.

    Je tiens à remercier le comité de nous permettre de lui présenter cet exposé.

    Je crois—et vous en conviendrez tous—qu'il faut reconnaître le travail accompli par Brian Masse dans notre communauté et sa contribution au mieux-être de notre société. Je veux remercier Brian pour son travail au Parlement au nom de ses commettants et de l'ensemble des Canadiens.

    Je veux également saluer Cheryl Gallant. À mon arrivée, elle m'a dit qu'elle avait beaucoup de famille à Windsor, la vraie capitale de l'automobile. Je présume que ses repas familiaux et ses sorties lui ont permis de prendre conscience de l'importance que revêt cette industrie pour notre collectivité, notre province et notre pays.

    Bill vous a présenté un certain nombre de chiffres. Je veux vous parler, aussi brièvement que possible, de questions touchant de plus près les gens. Nous avons quitté la table des négociations en 2002 avec une excellente impression quant à nos rapports avec les trois grands constructeurs. Pour la première fois, nous avons obligé les grandes entreprises à investir des sommes considérables dans les lieux de travail existants pour assurer l'avenir de notre industrie. Qui plus est, le gouvernement a insisté au cours des négociations pour que les différentes instances gouvernementales travaillent en partenariat afin de veiller à ce que des politiques soient adoptées pour stimuler l'investissement au Canada. Ces efforts ont porté fruit : des millions de dollars ont été investis chez nous.

    À Oshawa, nous avons négocié un troisième quart de travail en raison des volumes de production. C'est le syndicat—et non l'employeur—qui a piloté cette initiative afin de répondre aux besoins de production et de créer des emplois et des débouchés pour les Canadiens. Cette mesure a donné un sérieux coup de pouce à l'industrie automobile.

    Le groupe DailmerChrysler, dont je peux vous parler abondamment parce que j'ai présidé le comité de négociation, avait une usine d'assemblage de fourgonnettes. Pour une raison ou une autre, l'entreprise a décidé de délaisser ce créneau. Après moult discussions au cours des cinq ou six dernières années, DailmerChrysler a accepté de fabriquer un nouveau modèle dans cette usine et d'y injecter des sommes considérables, à condition qu'un partenariat soit établi entre le gouvernement, les syndicats et l'employeur. Nous avons fait notre bout de chemin. Les procédés de construction automobile ont beaucoup évolué par rapport à il y a dix ans à peine. Il a donc fallu apporter des changements considérables et restructurer bon nombre de conventions collectives pour relever les défis gigantesques qui attendent l'industrie.

    Sans vouloir manquer de respect aux députés présents aujourd'hui, je dirais qu'il y a eu beaucoup de procrastination, ce qui a incité l'entreprise à annuler le projet. Si nous avions pu, dès le départ, travailler en partenariat avec le gouvernement, plutôt que d'avoir à franchir tous les échelons de la bureaucratie... Je ne suis pas trop critique à l'égard du gouvernement; je comprends bien comment cela fonctionne. Je sais à quel point il peut être complexe de traiter un tel dossier. Mais lorsqu'une multinationale nous dit qu'elle investira plus d'un milliard de dollars dans une usine d'assemblage à Windsor, nous devrions tous lui prêter une oreille attentive pour que ce projet se concrétise. Si vous connaissez le monde des affaires, vous savez pertinemment qu'une fois qu'un investissement est consenti—que le doigt est mis dans l'engrenage—, l'entreprise ne peut plus reculer. De nombreuses rencontres ont eu lieu pendant la période de six à sept mois entre le début des négociations et la décision finale. Je suis bien placé pour le savoir. Malheureusement, le projet a échoué. Je ne veux pas blâmer personne, parce que la décision est peut-être attribuable à la crise que vit actuellement DailmerChrysler. Reste quand même que si nous avions pu intervenir dès le départ, nous aurions pu jouer un rôle davantage proactif pour nous assurer que cette usine d'assemblage demeure au Canada à court et à long terme.

    Je tiens à vous rappeler à tous que nous avons perdu beaucoup d'emplois. Depuis cinq ou six ans, nous avons perdu 30 p. 100 de nos membres. Il ne faut pas attendre une reprise économique au cours des quatre ou cinq prochaines années. Il faut restructurer l'industrie. Il faut nous positionner en tant que premier pays producteur d'automobiles au monde, une place que nous occupions il y a quelques années à peine. Voilà quel devrait être notre grand objectif si nous voulons préserver les emplois et les revenus que cette industrie génère ainsi que les impôts qu'elle paie pour financer les prestations et les programmes sociaux qu'offre notre merveilleux pays.

¿  +-(0935)  

    Je vais prendre quelques minutes pour vous parler d'un autre élément important que tout le monde néglige. Outre la perte des emplois, les collectivités doivent aussi essuyer celle du soutien que leur procurent les travailleurs de l'automobile. À Windsor—et ce serait la même chose à Oshawa, London et Oakville, où l'industrie est très présente—, la communauté compte grandement sur la générosité de nos membres. Par exemple, un objectif de dix millions de dollars a été établi pour la campagne Centraide à Windsor; de cette somme, six millions proviennent des travailleurs et des constructeurs automobiles. Le déclin de l'industrie a donc des répercussions négatives sur le bien-être économique de cette collectivité. Je crois que vous comprenez tous très bien la situation. C'est la même chose pour le secteur du bois de sciage en Colombie-Britannique et l'importance de ces travailleurs pour l'économie ainsi que les répercussions de leur chômage actuel. L'industrie automobile joue un rôle capital pour l'économie de la province de l'Ontario et du Canada dans son ensemble.

    Je suis d'accord avec Bill : le gouvernement provincial devrait injecter des fonds pour attirer les investisseurs. Une stratégie a été établie à cette fin. Mais ce n'est pas demain que des politiques concrètes seront mises en place pour produire les résultats attendus en application de cette stratégie. Le gouvernement fédéral devrait travailler en partenariat avec la province pour lui assurer l'accès à une source de revenus si elle souhaite investir dans son propre avenir comme dans celui du pays.

    Je tiens à remercier le comité pour avoir pris le temps de nous écouter, et je suis prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Madame Gallant.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins qui se sont déplacés pour venir comparaître devant nous.

    Vous avez très bien réussi à représenter les intérêts de vos commettants dans le temps qui vous a été alloué.

    Au cours de la dernière décennie, l'administration en place a délibérément privilégié un dollar faible afin de masquer la diminution des niveaux de productivité de notre pays. Cette baisse est le résultat des politiques fiscales du gouvernement qui sont fondées sur les hausses d'impôt, l'augmentation des dépenses et l'accumulation de la dette. Ces politiques encouragent les sociétés à établir leur rentabilité en fonction d'un dollar canadien maintenu artificiellement à un niveau trop bas. C'est aujourd'hui que les entreprises et les citoyens en ressentent les douloureux impacts. À court terme, une seule solution s'offre à nous : réduire la disparité entre nos politiques monétaires. La Banque du Canada pourrait baisser les taux d'intérêt à un niveau se rapprochant des taux américains. Mais, de toute façon, il nous faudra adapter notre régime fiscal afin d'accroître la productivité. Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions, dans notre rôle de législateurs, faire grimper la productivité grâce à des politiques fiscales?

+-

    M. Bill Murnigham: Merci pour votre question.

    Je ne suis pas certain que nous soyons sur la même longueur d'onde quant au déroulement des événements au Canada au cours de la dernière décennie.

    Je ne peux pas traiter de la question de la productivité dans son ensemble. Je peux surtout vous parler de l'industrie automobile.

    Pour ce qui est de savoir si l'économie canadienne se porterait mieux si l'on assainissait les finances publiques, nous ne croyons pas que cette question soit si importante que ça pour l'industrie automobile. Je ne crois pas que les investisseurs—qu'ils soient du Japon, de Stutgart ou de Detroit—considèrent que l'état des finances gouvernementales soit l'élément crucial. Nous constatons plutôt que la productivité passe d'abord et avant tout par le maintien des investissements stratégiques dans les différentes industries.

    Je crois qu'il est absolument faux de prétendre que la productivité est en régression au Canada. Voici d'ailleurs quelques renseignements à ce sujet. Le secteur de l'automobile est l'une des rares industries où la productivité est mesurée sous tous ses aspects. On se rend dans des usines. On comptabilise les heures; on observe les travailleurs; et on compte les boulons. Le processus est analysé d'un bout à l'autre. Toutes ces études nous permettent de savoir, année après année, que l'industrie canadienne a une productivité plus élevée que celle des États-Unis, et nettement supérieure à celle de l'industrie mexicaine. Selon le plus récent rapport, c'est à Oshawa (Ontario) que l'on retrouve les usines d'assemblage les plus productives en Amérique du Nord. Ces bons résultats découlent des investissements consentis pendant une période que la faiblesse du dollar a rendu propice, et non pas défavorable. On pourrait poursuivre pendant encore longtemps cette argumentation sur la productivité et ses relations avec le dollar. Je crois que, dans l'industrie automobile, l'une de celles offrant la plus grande valeur ajoutée, il faut bien examiner la situation pour comprendre que c'est exactement l'inverse qui se produit.

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Cheryl Gallant: J'ai eu un bon exemple de cette productivité lorsque j'ai visité l'une des usines d'assemblage d'Alliston (Ontario). Comme les autres sociétés, Honda met tout en oeuvre pour devenir plus productive.

    À la page 3 de votre document, vous indiquez que, depuis 1990, la proportion de nouvelles usines construites au Canada est beaucoup plus faible qu'au Mexique. Comme le dollar ne se situait pas à son niveau actuel au cours de la dernière décennie, il semble bien que d'autres facteurs soient entrés en jeu. Dans son exposé de tout à l'heure, M. Lewenza a fait référence à une usine qui n'a pas été construite à Windsor. Pouvez-vous nous indiquer quels autres facteurs rendent, selon vous, le contexte moins favorable aux investissements dans de nouvelles usines au Canada par rapport aux autres pays représentés sur votre graphique?

+-

    M. Bill Murnigham: Certainement. Quelques facteurs sont à considérer. Dans le cas du Mexique, il ne faut pas négliger les coûts de la main-d'oeuvre. Le salaire horaire moyen des travailleurs automobiles mexicains se situe aux environs de 5 $ US, et on parle là des emplois les mieux rémunérés. C'est l'un des problèmes que soulèvent pour nous l'ALENA et les autres ententes de libre-échange. Dès qu'on entre en concurrence avec une région où les salaires sont faibles, il faut absolument renoncer à des acquis sociaux si l'on veut sortir gagnant. Le Mexique dispose de cet atout pour attirer les investissements. Si je puis me permettre de paraphraser le camarade Hargrove, la tendance était de voir tous les sièges sociaux aux États-Unis et les usines au Canada parce que les coûts y étaient comparativement plus bas. Nous n'avons plus cet avantage. C'est maintenant le Mexique qui offre la production au coût le plus bas en Amérique du Nord.

    D'autres éléments interviennent pour maintenir les investissements dans les régions où l'industrie a toujours été présente, comme le Michigan, l'Ontario et la vallée de l'Ohio. On pense notamment aux considérations d'ordre géographique et à la présence de fournisseurs déjà sur place. On ne peut déplacer toute une industrie vers une région qui offre seulement des salaires horaires moins élevés.

    Le Mexique est l'une des régions où ces facteurs favorisent le maintien des investissements, parallèlement à la nécessité de desservir un marché en expansion, dans ce pays comme dans l'ensemble de l'Amérique latine.

    Dans le sud-est des États-Unis en particulier—en Alabama, en Georgie et au Tennessee notamment—, nous avons été témoins d'une transformation incroyable au cours des dix dernières années en ce qui a trait aux usines. Si quelqu'un vous avait dit ici même il y a 15 ans qu'on allait construire de trois à quatre millions de voitures dans le sud des États-Unis, vous n'y auriez pas cru. Ce sont des régions où on cultive le coton et où on fabrique les textiles. Rien à voir avec l'industrie automobile. Mais c'est effectivement le cas. L'un des éléments clés de cette transformation a été le soutien très dynamique et actif du gouvernement en faveur des investissements, ce qui a permis de jeter les bases à partir desquelles l'industrie a étendu ses ramifications. Et il y a vraiment de nouveaux investissements. Je vais seulement vous parler brièvement de celui de Nissan qui a construit une usine au Mississipi. L'usine est apparue puis, semaine après semaine, mois après mois, de nouveaux fournisseurs et fabricants de pièces sont venus s'installer autour. Cette région ne comptait que des terres agricoles il y a cinq ans. C'est un autre exemple d'une intervention directe du gouvernement pour conserver des emplois dans une région donnée.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Si l'on tient à préserver les salaires et les avantages sociaux des travailleurs que vous représentez, il faudrait penser à réduire d'autres dépenses afin d'améliorer la rentabilité et, partant, la capacité de vendre davantage d'autos et de conserver plus d'emplois au Canada. L'électricité est l'une des dépenses principales d'une industrie comme la nôtre. Le syndicat s'est-il penché sur les répercussions qu'aurait le recours à la cogénération pour la sécurité d'emploi de ses membres? Des emplois seraient créés dans d'autres secteurs, mais ils continueraient à relever des TCA.

+-

    M. Bill Murnigham: Pourriez-vous me donner un exemple de l'application de la cogénération dans notre industrie?

+-

    Mme Cheryl Gallant: Il est possible d'installer sur le site des usines des centrales de cogénération qui produiraient de l'électricité additionnelle. Plutôt que de dépendre uniquement des fournisseurs ontariens, par exemple, ces usines généreraient elles-mêmes de l'électricité pour leurs propres besoins et vendraient les surplus sur le marché. Avez-vous examiné cette possibilité?

¿  +-(0945)  

+-

    M. Ken Lewenza: Pas à ce que je sache.

+-

    M. Bill Murnigham: Non, nous ne nous sommes pas penchés sur cette possibilité. Nous avons par contre examiné la question du contrôle public du réseau électrique ontarien. Nous avons reconnu son rôle majeur dans le développement de l'industrie automobile et l'importance de le maintenir en place. Nous nous sommes d'ailleurs prononcé contre la privatisation du réseau, qui entraînerait une instabilité des taux et un manque de fiabilité de l'approvisionnement. Il est selon nous essentiel de pouvoir compter sur de l'électricité à un prix stable et raisonnable.

    Pour ce qui est de la cogénération, j'ai bien peur de ne pas pouvoir vous en dire davantage.

+-

    Mme Cheryl Gallant: On note d'importants...

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous devons poursuivre. Je vous ai déjà laissé une minute additionnelle.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, messieurs, pour votre témoignage. Votre perspective est très intéressante.

    J'ai demandé à M. Nantais, lorsqu'il a témoigné devant nous l'autre jour, ce qu'il pensait des répercussions sur l'industrie—et plus particulièrement sur le secteur des pièces d'auto—de la montée en flèche de la valeur du dollar canadien. Comme beaucoup d'autres, j'ai aussi fait valoir la productivité et la rentabilité de nos usines. Celles-ci obtiennent des résultats extraordinaires, mais certains trouvent que ce n'est pas encore suffisant.

    Pouvez-vous nous en dire davantage sur les effets à long terme, voire à moyen terme, de l'appréciation du dollar? Cette hausse dépasse toutes les attentes et personne n'aurait pu la prédire. Nous savons qu'une reprise économique s'amorce aux États-Unis. Les politiques fiscales ont-elles un rôle à jouer à cet égard? Est-ce que la Banque du Canada modère la montée du dollar canadien en baissant les taux d'intérêt par exemple? Quelles sont les répercussions pour votre industrie et quelles seront les incidences à long terme au chapitre de l'emploi?

+-

    M. Bill Murnigham: Je vais essayer de vous répondre brièvement. Ce sont des questions très difficiles; il nous faudrait une boule de cristal pour prédire l'avenir. Nous constatons actuellement que la flambée du dollar canadien par rapport à la devise américaine continue de nous causer des problèmes, que notre industrie a d'ailleurs déjà signalés, au chapitre de la compétitivité de nos exportations. Ces problèmes devraient persister si la tendance se maintient.

    Bref, il faudrait soumettre tous les outils dont dispose le gouvernement, y compris l'investissement direct dans l'industrie, et les mécanismes monétaires comme la Banque du Canada à une évaluation continue afin d'en optimiser les avantages pour l'ensemble des industries et, plus particulièrement, pour celles qui, comme l'automobile, ont un apport essentiel à la prospérité de l'économie canadienne. Quant à savoir à quel niveau le dollar devrait se situer dans cinq ou dix ans d'ici, cette question doit être examinée en tenant compte de nos partenaires commerciaux et de leurs devises respectives. Il ne faut toutefois jamais perdre de vue les répercussions à court terme sur des industries importantes comme la nôtre. Selon nous, la Banque du Canada devrait prendre les mesures nécessaires pour que notre dollar demeure à un niveau approprié, que nous estimons à environ 0,72 $.

+-

    M. Dan McTeague: Permettez-moi d'embrayer sur la question de la durabilité. Vous construisez de meilleurs véhicules. Vos membres y mettent certainement beaucoup plus d'efforts. Dans les années 70 et 80, nous avons eu vent de ces histoires d'horreur où des gens entendaient un cliquetis à l'intérieur de leur voiture neuve avant d'y découvrir une bouteille de Coke portant une note du genre : « Je me demande combien il vous a fallu de temps pour me trouver ». Denis Desrosiers, un représentant de votre industrie, nous a dit que les véhicules allaient désormais durer beaucoup plus longtemps. L'une des conséquences de votre productivité est que les gens vont garder leur véhicule pendant beaucoup plus longtemps.

    J'ai aussi noté une tendance à la construction de véhicules à large plate-forme dans nos usines, qu'elles soient situées dans la région de mon bon ami M. Masse ou dans la mienne, celle d'Oshawa. Compte tenu des préoccupations constantes concernant les engagements du protocole de Kyoto, que votre syndicat appuie, et des inquiétudes relatives aux répercussions environnementales, comment les usines nord-américaines peuvent-elles espérer assurer leur rentabilité à long terme en continuant à construire des véhicules de ce type alors que les manufacturiers américains, notamment, se tournent vers des véhicules plus compacts, lesquels sont davantage en demande sur le marché canadien? Êtes-vous préoccupés par la réduction incessante du nombre d'employés dans les usines, ou les croyez-vous suffisamment flexibles pour s'adapter aux changements?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Ken Lewenza: Vous soulevez un point intéressant. L'industrie automobile est en pleine évolution. Si quelqu'un m'avait dit, il y a dix ans, que les véhicules utilitaires seraient encore aujourd'hui au premier rang des ventes en Amérique du Nord, j'aurais eu de la difficulté à le croire, compte tenu des préoccupations environnementales. Mais ce sont encore les consommateurs qui décident et ce sont ces véhicules qu'ils veulent.

    Le virage vers des véhicules utilisant des carburants de remplacement fait partie intégrante de notre stratégie de négociation. Lorsque nous discutons avec les entreprises, nous ne parlons pas uniquement de la situation actuelle. Nous essayons de nous transporter dans 5, 10, 15 ou 20 ans d'ici. Quel genre de véhicules les gens vont demander dans 15 ou 20 ans? Comment pouvons-nous veiller à ce que les entreprises investissent dans la technologie ainsi que dans la R et D de manière à s'assurer de pouvoir produire des véhicules qui répondront aux besoins des consommateurs, lesquels accordent une importance croissante aux questions environnementales? Pour les groupes patronaux avec lesquels nous négocions, notre discours est toujours le même : dotez-vous de la technologie de pointe, faites de la R et D; associez-vous à d'autres chefs de file de la production écologique; et veillez à ce que l'industrie ne s'exclue pas elle-même des marchés. C'est cette avenue que nous préconisons car elle est, de toute évidence, dans les meilleurs intérêts de l'industrie. Je crois que l'attention pour ces questions ne cessera de croître au cours des prochaines années.

+-

    M. Dan McTeague: En plus de l'accroissement de notre productivité, nous avons d'autres avantages qui attirent et gardent les investisseurs au Canada—par exemple, nos régimes de pensions et de soins de santé. Nos partenaires commerciaux n'offrent pas nécessairement de telles conditions. C'est certainement un atout pour nous.

    Certains prétendent que le Canada devra notamment réduire les impôts des sociétés s'il veut maintenir le niveau d'investissement actuel. Qu'en pense le syndicat?

+-

    M. Ken Lewenza: Je ne suis pas en faveur de la réduction des impôts des sociétés. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Comparativement à ses compétiteurs, le Canada se retrouve en bonne position à ce chapitre. Je ne crois pas qu'on puisse prétendre que les impôts constituent un inconvénient pour le Canada dans la recherche d'investisseurs.

    Nous devrions tous nous enorgueillir de notre programme national de soins de santé. J'aimerais que nous améliorions encore le tissu social de notre pays pour optimiser ces avantages économiques dont nous disposons, ce qui profiterait tant aux travailleurs de l'automobile qu'à l'ensemble des citoyens canadiens. Nous pouvons —et avec raison—être très fiers de notre pays pour son régime national de santé, ses programmes sociaux et la compassion entre ses citoyens comparativement aux autres pays, mais il n'en demeure pas moins que les investisseurs se font tirer l'oreille. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander ce que nous pourrions faire de plus pour mettre en valeur des avantages indéniables comme notre programme national de soins de santé.

+-

    Mr. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.

    Merci aux témoins.

+-

    Le président: Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Merci, monsieur le président.

    Je crois qu'il y aura un vote à la Chambre vers 10 h 15. Est-ce que c'est confirmé?

[Traduction]

    Je crois que nous avons un vote vers 10 h 15. Est-ce que cela a été confirmé?

+-

    Le président: Oui. Nous allons arrêter cinq minutes avant le vote.

[Français]

+-

    M. André Bachand: Je vais me limiter à une seule question, afin de donner la chance à d'autres d'intervenir.

    Dans la version française du document plus complet, vous soulignez la question de l'aide directe à l'industrie de l'automobile, entre autres, et vous soulignez que l'Alliance canadienne et la Fédération des contribuables canadiens préconisent une réduction de l'impôt corporatif plutôt qu'une aide directe en argent. Vous avez soulevé une idée très intéressante, soit la création d'une division automobile au niveau du Partenariat technologique Canada. C'est un programme qui semble très bien fonctionner jusqu'ici malgré, bien sûr, de petites erreurs pour certaines entreprises.

    Est-ce qu'il y a une somme d'argent que vous aimeriez voir attachée à ce programme, pour l'industrie de l'automobile? Comme mon collègue libéral le disait plus tôt, compte tenu de l'évolution de l'industrie de l'automobile au Canada et dans le monde vers une industrie moins polluante, vers des automobiles plus petites, est-ce que vous avez pensé à un montant d'argent qui serait raisonnable par rapport au projet ou au défi que vous avez sur la table, à partir du Partenariat technologique Canada?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Bill Murnigham: Merci pour votre question. Je vais essayer d'y répondre en français, mais si cela devient un peu trop difficile, je vais passer à l'anglais.

    Quant à la question d'un montant, on dit toujours qu'on ne veut pas avancer un montant parce qu'à partir du moment où on annonce qu'il y a de l'argent, toutes les compagnies disent que c'est pour elles et ensuite, elles en veulent davantage.

    Pour nous, le Partenariat technologique Canada est un programme flexible. On dit qu'on doit avoir assez d'argent dans ce programme pour que ce soit réel, pour que ce soit concret et pour attirer des investisseurs, mais on ne doit pas dire qu'il y a une limite ou un minimum. On doit être réaliste à cet effet. Je pense que le Partenariat technologique marche très bien dans le secteur aérospatial, qu'il y a beaucoup d'emplois et de participants au Québec aussi dans ce secteur. Ils ont trouvé que c'était peut-être une chose qu'on pourrait faire aussi dans le secteur de l'automobile, mais de là à mettre un chiffre, c'est un peu difficile pour nous et même pour le gouvernement. On trouve que ce n'est pas très stratégique. On doit dire que le gouvernement a le pouvoir de dire qu'on est là pour attirer des investissements, mais il vaut mieux ne pas donner un chiffre, parce qu'on doit laisser le pouvoir au gouvernement afin qu'il puisse négocier d'autres choses dans le processus. 

+-

    M. André Bachand: Seriez-vous d'accord pour que la division automobile de ce programme soit réservé à l' « automobile verte », donc à l'automobile de demain ou, comme vous l'avez souligné plus tôt, pour les véhicules traditionnels parce qu'il y a quand même des crises dans l'industrie de l'automobile traditionnelle, des véhicules traditionnels? Le programme recherche une plus valu en termes de recherche et développement au Canada. Si c'était uniquement pour l'« automobile verte », par exemple, est-ce que ce serait satisfaisant?

+-

    M. Bill Murnighan: Nos idées ne sont pas concrètes, fermes. Ce n'est pas un discours complet, mais nous avions dit qu'il fallait faire un prolongement de ce programme et nous avions des thèmes que nous voulions voir. Même l'avenir de l'automobile comme « automobile verte », c'est important pour nous, pour le futur, mais il faut aussi tenir compte du développement régional. On dit toujours qu'on a besoin d'une industrie de l'automobile au Québec et on travaille fortement sur cette question, compte tenu de la fermeture prévue de l'usine de Boisbriand, qui constitue un dossier sur lequel on travaille encore. On dit que c'est important. Alors, c'est un autre thème.

    Également, on voit certainement le futur de l'automobile. Maintenant on a des usines d'assemblage, mais on a aussi beaucoup de membres de notre syndicat qui fabriquent des moteurs, surtout à Windsor.

    Pourquoi ne pas bâtir une nouvelle génération de moteurs? Pourquoi ne pas être le leader dans le secteur environnemental de l'automobile? C'est quelque chose qu'on dit toujours dans nos dossiers, et je pense que dans le futur, on dira la même chose.

+-

    M. André Bachand: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Marcil.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président.

    En lisant, j'ai vu des chiffres au niveau de l'assemblage qui m'ont surpris. On voit qu'en 1999, le Canada se classait quatrième, en 2001, septième. En 2005, on prévoit qu'il va probablement se classer neuvième. Donc, seul le Brésil aurait une performance inférieure à la nôtre.

    En ce qui a trait aux constructeurs d'automobiles, quand on parle des voitures importées comme Honda et Toyota, il y a environ 6 000 emplois ici, au Canada, tandis qu'il n'y a aucun emploi de rattaché à la construction des autres voitures telles que Nissan, Hyundai, Volkswagen, BMW. Donc, on ne fabrique rien ici en ce qui concerne ces voitures-là.

    Aux États-Unis, les constructeurs que sont Volkswagen, BMW et Hyundai ont-ils des usines d'assemblage? Je ne pense pas que ce soit le cas pour Hyundai, car ces voitures sont complètement importées.

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    M. Ken Lewenza: C'est tout à fait pertinent. Volkswagen n'est pas implantée au Canada; elle n'est même pas présente en Amérique du Nord. Nissan n'a pas d'usine au Canada non plus, mais commence à s'installer dans le sud des États-Unis, comme Bill l'a mentionné tout à l'heure, en même temps que BMW et d'autres constructeurs.

    Ce n'est pas vraiment une question de nationalité ou d'entreprise. Je veux que ce soit bien clair : tout ce qui importe, c'est l'économie canadienne. Plutôt que de vous dire qu'il y a une usine à tel ou tel endroit, je préfère vous annoncer que Honda et Toyota, par exemple, construisent maintenant des véhicules en Amérique du Nord à la suite d'une politique gouvernementale, croyons-nous, qui les a obligés à investir ici pour satisfaire aux exigences du Pacte de l'automobile. Nous avons perdu davantage d'emplois chez General Motors à St. Catharines que chez Honda et Toyota combinés au Canada. Je crois que l'argument invoqué pour  Volkswagen et les autres constructeurs au pays est valide. C'est tout à fait notre point de vue. Vous ne pouvez pas avoir accès à notre marché si vous ne contribuez pas à notre économie. Je ne veux pas vous donner trop de détails quant à l'emplacement exact des usines d'assemblage car leur rythme d'implantation est si rapide dans le sud des États-Unis que je n'arrive pas à suivre. L'essentiel, c'est que nous disions à Nissan Corporation, une entreprise en pleine croissance, qu'elle doit contribuer à l'économie de notre pays, c'est-à-dire créer des emplois, si elle veut vendre ses produits ici. Il est important que nous comprenions tous ce principe crucial, parce que cela fera de nous une nation meilleure.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil: Cela pourrait être une recommandation à faire, monsieur le président.

    Ce qui est également surprenant, c'est qu'il y a tellement de pays où on construit des automobiles. Or, au Canada, on n'a jamais essayé de développer une entreprise canadienne, une voiture canadienne. Avec toute l'expertise que nous avons et avec tous les travailleurs de l'automobile que nous avons en Ontario et même dans ma région, où on fabrique justement à peu près tous les blocs de moteurs de GM et ainsi de suite, est-ce que le développement d'un produit canadien qui serait construit ici est une chose qu'il serait possible de réaliser, peut-être en partenariat avec un autre constructeur d'automobiles? Il y a un marché chez nous, mais on pourrait également exporter nos voitures de qualité.

+-

    M. Bill Murnigham: À mon avis, c'est peut-être une bonne idée, mais je pense qu'avec les grands changements dans l'industrie, ce serait trop difficile pour une autre petite compagnie de faire des produits pour un petit marché seulement. Les fusions des grandes compagnies font partie des grands changements dans l'industrie. Présentement, il y a des multinationales. Par exemple, Ford, Mazda, Volvo, Jaguar et Land Rover font tous partie d'un même famille Ford. C'est la même chose pour Daimler-Chrysler et General Motors. Il semble qu'on veuille créer des compagnies plus grandes, pas des plus petites, mais il serait peut-être possible d'avoir des niches spécifiques pour de petits producteurs.

+-

    M. Serge Marcil: Prenons la voiture électrique, par exemple. Hydro-Québec et d'autres entreprises canadiennes travaillent beaucoup dans ce domaine. On pourrait au moins profiter de notre expertise pour développer un nouveau produit.

+-

    M. Bill Murnigham: Oui. On dit aussi qu'il y a certaines expertises même dans les matériaux légers, surtout au Québec, mais quant à la possibilité d'avoir un petit constructeur de véhicules, on voir parfois en Europe des compagnies qui construisent des automobiles pour les grandes compagnies. Par exemple, Magna construit des automobiles pour Daimler-Chrysler. Il y a 20 ans, Magna était une petite compagnie de pièces; maintenant elle fabrique des automobiles. Alors, c'est peut-être possible. Un des grands thèmes de nos politiques était que cela n'était pas nécessaire d'avoir une industrie canadienne; c'était toujours l'industrie américaine, mais maintenant, c'est l'industrie allemande, japonaise, américaine, etc. Alors, ce n'est pas la nationalité qui compte. Ce qui est clair pour nous, c'est qu'il faut que les constructeurs contribuent à l'économie canadienne et à créer des emplois pour les Canadiens.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous prie de m'excuser. Je tiens seulement à préciser que la sonnerie que nous entendons marque le début de la séance. Ce n'est pas encore celle qui annonce le vote.

    Monsieur Marcil, il vous reste trois minutes.

À  +-(1005)  

[Français]

+-

    M. Serge Marcil: Dans ma région, il y a une usine Goodyear qui emploie 1 500 personnes et qui est présentement en difficulté. Nous avons eu des rapports avec Goodyear à Akron, en Ohio, etc. J'ai même reçu une lettre de l'entreprise pour nous demander ce que le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et la ville de Salaberry-de-Valleyfield seraient prêts à offrir. Ils font l'évaluation de toutes les offres. En fait, ils font de la surenchère un peu partout. Je pense que les Américains ont une culture tellement protectionniste.

    Tout à l'heure, vous parliez du Partenariat technologique Canada. Je pense qu'il y a présentement une ouverture à l'étude à ce niveau. Qu'est-ce qu'on peut faire, comme pays, pour contrer cette forme de marchandage? J'ai remarqué que dans le secteur de l'automobile, il y a plus de pertes d'emplois au Canada qu'aux États-Unis. Donc, on protège davantage les emplois aux États-Unis. Alors, même si on construit des voitures de qualité qui se comparent avantageusement à celles produites aux États-Unis, on ne se gène pas pour couper des emplois chez nous avant de couper des emplois ailleurs.

    Dans le domaine du pneu, il y a justement une entente qui vient d'être signée entre les syndicats américains dans la région du Texas, où Goodyear a proposé au syndicat d'occuper un poste au sein du conseil d'administration et un plancher d'emploi, ce qui veut dire que si la compagnie devait couper des emplois, il faudrait que cela se fasse à l'extérieur des États-Unis. Donc, évidemment, ce serait Medicine Hat, l'Ontario ou le Québec qui serait touché.

    Comment les syndicats réagissent-ils par rapport à cela? Que peut-on faire, nous, pour essayer de contrer cette forme sauvage de négocier? On pourrait dire qu'on va mettre 50 millions de dollars, mais les Américains vont en mettre 60 millions et ils auront le contrat. À ce moment-là, ce n'est plus le programme de subventions qui est en cause, mais le montant d'argent que le Canada, la province ou la municipalité, par exemple St. Catharines, va donner à la compagnie pour attirer l'entreprise chez elle. C'est là un problème réel.

+-

    M. Bill Murnigham: C'est clairement un problème aussi. Comme syndicat, nous sommes d'accord sur plusieurs commentaires que vous avez formulés. Ce sont de grandes questions. Parfois, c'est une question reliée à la mondialisation. Ce sont des questions qu'on voit surtout dans l'industrie de l'automobile, et c'est un problème. Il y a une compétition pour les investissements. On tente d'attirer un investissement avec un montant d'argent, mais une autre ville ailleurs en offre encore plus et une troisième plus encore. Où cela s'arrête-t-il? C'est un problème pour nous.

    Mais le défi de trouver des moyens de s'attaquer à cette question est plus grand que cela. On doit trouver des moyens pour qu'il soit clair qu'à titre de pays, nous avons encore des pouvoirs pour construire notre économie, pour sauvegarder nos industries, nos emplois, etc. Je pense que lorsqu'on voit les gestes posés par l'OMC et les autres changements au niveau mondial, c'est un moyen de mettre tout le monde en compétition tout le temps. Alors pour nous, oui, on doit trouver des solutions à court terme pour l'industrie de l'automobile, mais pour les prochaines décennies, on doit penser surtout aux grandes questions de la mondialisation et voir comment on peut, non pas bâtir des murs autour du marché canadien, mais comprendre qu'on a encore du pouvoir, qu'on peut faire des choses pour protéger notre marché, comme le font les Américains, comme le font les Brésiliens, comme le font les Européens, comme le font les Japonais et tout le monde.

    Je pense qu'on a parfois traité le Canada de boy scout, surtout quand on parle de la mondialisation et des échanges. Donc, pour nous, ce sont de grandes questions auxquelles il n'y a pas de réponses faciles, mais peut-être va-t-on trouver des solutions.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Il faut maintenant y aller.

    Monsieur Masse, vous aurez la parole au retour. Vous disposerez alors de tout le temps prévu.

    Je demande aux députés de revenir tout de suite après avoir voté.

À  +-(1009)  


À  +-(1010)  

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Monsieur Masse.

+-

    M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.

    Ma première question porte sur la situation qui prévaut à Chatham relativement à International Truck et Navistar. Dans ce dossier, il y a eu une grève, l'intervention de briseurs de grève et un incident regrettable au cours duquel un travailleur a été grièvement blessé. J'aimerais savoir comment s'est articulée la participation du gouvernement fédéral et de la province de telle sorte que les premières négociations ont avorté. Le conflit s'est poursuivi pendant quelques mois avant qu'une entente ne soit conclue pour sauver l'usine. Qu'est-ce qui s'est passé exactement? Quels enseignements pouvons-nous tirer de manière à pouvoir sauver les emplois qui font l'objet d'une concurrence déloyale? Je tiens également à souligner que ces emplois sont très importants pour la collectivité. Peut-être pouvez-vous nous dire ce qui a fonctionné la deuxième fois par rapport aux négociations initiales.

À  +-(1050)  

+-

    M. Ken Lewenza: Je précise au comité que Brian fait référence à la société International Truck de Chatham, qui a employé à une certaine époque pas moins de 2 500 travailleurs pour ses activités de fabrication. Il y a également un grand nombre d'emplois indirects dans la collectivité. Selon moi, cette usine exerce la même influence sur la stabilité économique de la communauté que celle de DaimlerChrysler à Windsor.

    Les négociations ont été très ardues. Dans un marché où la demande pour les gros camions est à la baisse, la société avait la possibilité de déménager son usine d'assemblage au Mexique sans que le gouvernement du Canada ne lui impose de fortes pénalités. Nous avons réussi à négocier une convention collective que j'estimais avantageuse dans la conjoncture économique de l'époque. Notre syndicat a fait d'importantes concessions. Mais l'employeur jugeait que cela n'était pas encore suffisant pour soutenir la concurrence des Mexicains. Ainsi, on est parvenu à s'entendre au terme d'une grève inutile et à la suite d'un accident qui a rendu invalide pour une longue période mais, espérons-le, pas pour le reste de sa vie, l'un des membres de la section locale 444 de notre syndicat. Le gouvernement a joué un rôle en intervenant dans cette situation. La négociation n'est pas une sinécure. Nous sommes conscients du rôle que nous jouons dans une négociation collective. Mais l'entreprise doit reconnaître, tout comme le gouvernement, qu'elle doit investir au Canada si elle veut vendre ses camions chez nous. La communauté ne veut pas qu'une entreprise déménage ainsi sans s'acquitter de ses responsabilités sociales à son égard. C'est avec fierté que je peux vous dire qu'au terme d'un long conflit qui aurait pu être évité et qui a divisé la collectivité, et grâce à notre syndicat et à l'incontournable intervention du gouvernement provincial, cette usine sera sauvée et poursuivra, espérons-nous, sa croissance au cours des prochaines années.

+-

    M. Brian Masse: Cette usine restera en place.

    Le graphique de la page 3 indique qu'une seule nouvelle usine a été construite depuis 1990.

    Je sais que les CTA sont de fervents défenseurs du Protocole de Kyoto. Les membres du syndicat n'ont pas ménagé leurs efforts pour promouvoir cet accord. Sur le site Web d'Environnement Canada, on apprend que 17 véhicules—si ma mémoire est fidèle—sont recommandés suivant des critères d'économie et de lutte contre la pollution. Je crois que seulement trois de ces modèles sont fabriqués au Canada. J'ai peur que si nous n'en profitons pas pour établir un plan stratégique en vue d'installer ces usines ici même, les consommateurs en viendront à acheter des véhicules construits à l'étranger, ce qui se traduira par des pertes d'emplois et par l'impossibilité d'attirer de nouvelles usines. J'aimerais connaître votre point de vue sur l'implantation de nouvelles usines et savoir si vous jugez suffisant de simplement remplacer celles déjà en place par de nouvelles davantage axées sur l'environnement. Il y a donc deux questions à régler : comment générer la croissance nécessaire et dans quelle mesure les structures en place seront-elles adaptées aux nouvelles technologies?

+-

    M. Ken Lewenza: Je crois que l'on sous-estime les percées technologiques réalisées par les trois grands constructeurs au cours des dernières années pour régler les problèmes d'ordre environnemental.

    Je dois vous donner raison, Brian. Il existe un lien avec une question déjà posée. Dans sa stratégie de négociation, le syndicat tient compte des préoccupations environnementales et de leurs répercussions sur la conception des véhicules. À quoi ressemblera une auto dans 10 ou 15 ans? Les trois grands constructeurs contribuent-ils au développement du type de véhicules que les consommateurs vont demander dans quelques années? Je crois que nous jouons un rôle proactif à ce chapitre.

    Je suis furieux quand j'entends une institution canadienne faire la promotion de produits construits à l'étranger qui n'ajoutent pas de valeur à notre économie sans, par ailleurs, nous accorder le crédit qui nous revient pour le travail que nous accomplissons.

    Je vois dans cette salle bien des gens qui, tout comme moi, n'en sont pas à leurs premières armes, et je me souviens de l'introduction des convertisseurs catalytiques. Une partie des multinationales poussaient les hauts cris : « Vous allez nous mettre en faillite. Nous n'avons pas les moyens de faire un tel changement ». Mais, inévitablement, le changement a été apporté. Il a porté fruit et nous vivons maintenant dans un environnement plus sain.

    De nos jours, on accorde beaucoup d'attention à l'environnement, surtout à l'initiative des consommateurs. Des intervenants comme notre syndicat et le gouvernement doivent conjuguer leurs efforts pour veiller, par l'entremise d'une stratégie de l'automobile, à ce que les sociétés actives sur le marché canadien comprennent bien que l'environnement deviendra un déterminant clé du genre de voitures qui seront vendues dans ce pays au cours des prochaines années, ce qui les obligera à prendre les bonnes décisions d'affaires. Je n'ai pas l'impression que les trois grands constructeurs reçoivent le crédit qui leur revient pour tout le travail accompli dans ce dossier au cours des dernières années. Les producteurs outre-mer indiquent qu'ils construisent des voitures plus petites, donc plus économiques. Ce n'est pas toujours vrai. On peut diminuer la consommation de carburant d'un véhicule en lui enlevant du poids, pas nécessairement en en réduisant la taille.

À  -(1055)  

+-

    M. Brian Masse: Dans les dossiers de Navistar et de Windsor, vous avez mentionné des négociations en faveur du réaménagement et de l'implantation de nouvelles usines. Vous avez également noté l'initiative du gouvernement provincial qui réserve certaines ressources à cette fin. Je trouve inquiétant qu'il faille négocier pour établir de nouvelles usines dans notre pays. Les entreprises ne viennent pas s'y installer comme elles le devraient. La négociation collective est la seule planche de salut. Je crois que nous devrions nous appuyer sur une stratégie plus proactive s'inscrivant dans une politique nationale de l'automobile. Même les chefs d'entreprises canadiens ont donné leur aval à cette approche. Que peut-on faire? Le CPSCA pourrait-il être le moteur d'une politique nationale de l'automobile? Je suis très déçu que le conseil n'ait pas de représentant ici aujourd'hui. Est-ce une possibilité ou devrons-nous explorer d'autres avenues?

+-

    M. Ken Lewenza: Le travail qui nous attend pour établir une stratégie de l'automobile afin de protéger les emplois des Canadiens devrait déjà être commencé.

    De nos jours, la vie utile d'un véhicule ne dépasse pas cinq ans. Il faut changer le modèle, l'améliorer et lui apporter les changements nécessaires pour qu'il plaise aux consommateurs. C'est le cycle habituel. Nos constructeurs prennent aujourd'hui les décisions relatives aux investissements qu'ils feront dans cinq ans de manière à assurer une certaine stabilité aux usines dans les pays où ils se sont installés.

    Pour ce qui est du CPSCA, notre syndicat est actif au sein de cette organisation. Les discussions ont été constructives et empreintes de professionnalisme. Je crois qu'on a réglé la question du rôle du gouvernement provincial quant à la reconnaissance de l'industrie automobile. Mais, pour l'instant, ce ne sont que de belles paroles. Nous pouvons discuter dans cette salle et devant d'autres comités. Nous pouvons établir un partenariat entre le syndicat, les employeurs et le gouvernement. Mais s'il n'en ressort pas de politiques à long terme ni de mesures concrètes pour la protection des emplois des travailleurs canadiens dans ce secteur si important, nous ferons valoir que nous devrions nous retirer du processus.

-

    Le président: Je suis désolé; nous devons terminer ici parce que les membres d'un autre comité permanent attendent pour entrer dans la salle. C'est d'ailleurs ce qui explique les bruits de fond que vous entendez. Je vous prie de nous excuser pour ces perturbations ainsi que pour l'interruption due au vote. Mais c'est comme ça que les choses se passent sur la Colline parlementaire.

    Merci à vous deux d'avoir bien voulu témoigner devant notre comité aujourd'hui. Nous nous reparlerons.

    La séance est levée.