INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 2 juin 2003
¹ | 1525 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
¹ | 1530 |
M. Andreï Sulzenko (sous-ministre adjoint principal, Secteur politique, ministère de l'Industrie) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Andreï Sulzenko |
Le président |
¹ | 1555 |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
Le président |
Dr Robert Peterson (directeur général, Direction des produits thérapeutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé) |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
Dr Robert Peterson |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
Dr Robert Peterson |
Le président |
M. David Lee (directeur, Bureau des médicaments brevetés et de la liaison, ministère de la Santé) |
º | 1620 |
M. James Rajotte |
Dr Robert Peterson |
M. James Rajotte |
M. David Lee |
M. James Rajotte |
M. David Lee |
M. James Rajotte |
M. Andreï Sulzenko |
º | 1625 |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
Le président |
M. David Lee |
M. Dan McTeague |
M. Douglas Clark (chef d'équipe principal par intérim, Direction des politiques des brevets, ministère de l'Industrie) |
M. Dan McTeague |
º | 1630 |
M. Douglas Clark |
M. Dan McTeague |
M. Douglas Clark |
M. Dan McTeague |
M. Douglas Clark |
M. Dan McTeague |
M. Douglas Clark |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
Dr Robert Peterson |
M. David Lee |
M. Paul Crête |
º | 1635 |
M. David Lee |
M. Paul Crête |
M. Andreï Sulzenko |
M. Paul Crête |
M. Andreï Sulzenko |
M. Paul Crête |
M. Andreï Sulzenko |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
º | 1640 |
M. David Lee |
Le président |
M. David Lee |
M. Larry Bagnell |
M. David Lee |
M. Larry Bagnell |
Le président |
M. Larry Bagnell |
º | 1645 |
M. Andreï Sulzenko |
M. Larry Bagnell |
M. Andreï Sulzenko |
Le président |
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC) |
M. Andreï Sulzenko |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
º | 1650 |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
M. Douglas Clark |
M. André Bachand |
Le président |
L'honorable Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
º | 1655 |
Dr Robert Peterson |
L'hon. Gilbert Normand |
M. Douglas Clark |
L'hon. Gilbert Normand |
Dr Robert Peterson |
» | 1700 |
Le président |
Dr Robert Peterson |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Andreï Sulzenko |
M. Brian Masse |
» | 1705 |
M. Andreï Sulzenko |
Le président |
Dr Robert Peterson |
M. Brian Masse |
M. Andreï Sulzenko |
Dr Robert Peterson |
M. Brian Masse |
M. Douglas Clark |
M. Brian Masse |
M. Douglas Clark |
M. Brian Masse |
M. Douglas Clark |
M. Brian Masse |
M. Douglas Clark |
Le président |
M. Joseph Volpe |
M. Andreï Sulzenko |
M. Joseph Volpe |
M. Andreï Sulzenko |
M. Joseph Volpe |
M. Andreï Sulzenko |
Le président |
M. Joseph Volpe |
» | 1710 |
M. Andreï Sulzenko |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
M. Andreï Sulzenko |
M. Éric Dagenais (directeur par intérim, Direction des politiques des brevets, ministère de l'Industrie) |
M. Joseph Volpe |
M. Eric Dagenais |
M. Joseph Volpe |
M. Andreï Sulzenko |
» | 1715 |
Dr Robert Peterson |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Andreï Sulzenko |
M. James Rajotte |
Mme Marie-Josée Thivierge (directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, ministère de l'Industrie) |
Le président |
Mme Marie-Josée Thivierge |
Le président |
M. James Rajotte |
» | 1720 |
M. Andreï Sulzenko |
M. James Rajotte |
M. Douglas Clark |
M. James Rajotte |
Dr Robert Peterson |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
M. Andreï Sulzenko |
M. Éric Dagenais |
Mme Marlene Jennings |
M. Éric Dagenais |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
Mme Marlene Jennings |
» | 1725 |
M. Andreï Sulzenko |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. David Lee |
M. Douglas Clark |
M. Andy Savoy |
M. Douglas Clark |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Andreï Sulzenko |
» | 1730 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
M. Douglas Clark |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. David Lee |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 2 juin 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions la réglementation sur les dispositions d'injonction automatique du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) de la Loi sur les brevets. Nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère de l'Industrie et du ministère de la Santé.
Je rappelle aux membres du comité que cette question nous occupera pendant trois séances cette semaine, celles de lundi, de mardi et de mercredi. Santé Canada et Industrie Canada nous feront un rapport sur la façon dont fonctionne la Loi sur les brevets en ce qu'elle touche les médicaments brevetés, et nous feront part des aspects positifs et négatifs de la loi et des règlements ainsi que des problèmes rencontrés à ce jour.
Mardi et mercredi, nous entendrons l'Association des fabricants de produits génériques et l'Association des fabricants de produits d'origine qui nous expliqueront les allégations de recours aux tribunaux à titre de stratégie, l'incapacité à mettre en marché leurs produits et ce qu'ils pensent de la Loi sur les brevets et de ses règlements.
Nous en sommes donc à la première étape de l'étude. Je vous rappelle que ces audiences ne portent aucunement sur le prix des médicaments, mais plutôt sur la Loi sur les brevets ainsi que sur ses règlements. Après ces trois séances, nos recherchistes résumeront ce que nous aurons entendu et nous feront des recommandations sur ce que devrait être la marche à suivre.
Allons-y. Je crois savoir que le sous-ministre adjoint principal du ministère de l'Industrie, M. Andreï Sulzenko, nous présentera ses collègues. Monsieur Sulzenko, vous avez la parole.
¹ (1530)
M. Andreï Sulzenko (sous-ministre adjoint principal, Secteur politique, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. Merci de nous donner l'occasion de rencontrer le comité au moment où il commence son examen du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).
[Français]
Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Marie-Josée Thivierge, directrice générale de la Direction générale des politiques-cadres du marché; M. Douglas Clark, chef d'équipe principal intérimaire, Politiques des brevets; M. Rob Sutherland-Brown, avocat-conseil du ministère de la Justice; et M. Éric Dagenais, directeur intérimaire, Politiques des brevets.
Après ma présentation et celle des collègues de Santé Canada, qui suivra immédiatement la mienne, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Monsieur le président, nous avons distribué aux membres du comité copie de mon allocution ainsi qu'un cahier d'information contenant des documents. Pour faire plus vite, monsieur le président, je lirai des parties du texte qui vous a été distribué.
Mon intention, en m'adressant à vous aujourd'hui, ce n'est pas de fournir des détails sur les subtilités légales du règlement — tâche que je laisse volontiers aux spécialistes qui prendront la parole après moi — mais plutôt de jeter de la lumière sur le fondement de la politique qui le sous-tend et d'indiquer quelques questions sur lesquelles le comité souhaitera peut-être concentrer son attention au cours de son examen.
Comme je le disais, c'est pour vous aider que nous vous avons remis un cahier d'information qui contient beaucoup de documents auxquels je vous renverrai de temps à autre.
Laissez-moi vous rappeler à nouveau les grands objectifs de la politique canadienne sur les brevets pharmaceutiques. En raison des conséquences particulières de la propriété intellectuelle sur la santé publique dans l'industrie pharmaceutique, la plupart des pays industrialisés, dont le Canada, ont essayé d'élaborer des règles spéciales régissant le brevetage des médicaments d'origine et l'entrée des médicaments génériques sur le marché.
La raison d'être de ces règles, c'est de faire concorder deux objectifs importants et concurrents relatifs à la politique. D'abord, encourager les progrès de la médecine en accordant des brevets assurant une protection efficace pour les nouveaux médicaments; et en second lieu, promouvoir l'accès à des médicaments à prix abordable pour la société.
La méthode selon laquelle le gouvernement atteint actuellement cet équilibre a été établie en 1993 par l'adoption du projet de loi C-91.
¹ (1535)
[Français]
Le projet de loi C-91 a modernisé le régime des brevets pharmaceutiques du Canada en soutenant le régime de licences obligatoires et en le remplaçant par plusieurs nouvelles mesures visant à établir un équilibre plus juste entre la politique d'innovation, la politique sur les soins de santé et les intérêts des consommateurs.
[Traduction]
La première d'entre toutes ces mesures, c'est l'exception relative à l'approbation réglementaire anticipée et le règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Parmi les autres modifications importantes introduites par le projet de loi, citons le renforcement des pouvoirs du CEPMB, afin qu'il fasse en sorte que le prix des médicaments brevetés ne soit pas excessif.
Par souci de clarté, j'expliquerai ce qu'est l'exception relative à l'approbation réglementaire anticipée qui se trouve dans les règlements de l'avis de conformité, mais j'aimerais auparavant souligner que, du point de vue du gouvernement, il s'agit de concepts indivisibles de la même politique.
Commençons par l'approbation réglementaire anticipée: dans l'industrie pharmaceutique, l'exception relative à l'approbation réglementaire anticipée permet aux fabricants de médicaments génériques d'utiliser un médicament breveté dans le but de demander l'autorisation de commercialiser une version générique des médicaments d'origine. Cette exception est d'une importance capitale pour les fabricants de médicaments génériques parce que, contrairement aux médicaments d'origine qui ne sont approuvés qu'après de longues et de coûteuses études cliniques, les médicaments génériques sont approuvés sur la base des comparaisons de la bio-équivalence par rapport aux médicaments d'origine déjà approuvés. Sans l'approbation réglementaire anticipée, les génériques ne peuvent faire cette comparaison pendant que le médicament d'origine est protégé par des brevets, à défaut de risquer l'accusation de contrefaçon de brevet.
En permettant aux médicaments génériques de suivre le processus d'approbation réglementaire de Santé Canada pendant que le médicament d'origine jouit de la protection par brevet, on empêche ainsi que les médicaments d'origine puissent bénéficier d'une période prolongée d'exclusivité sur le marché, en vertu du fait que les fabricants génériques auraient à attendre l'expiration du brevet avant d'entreprendre le processus d'approbation réglementaire, qui prend de trois à cinq années.
[Français]
Au plan international, cette exception permet aux fabricants de médicaments génériques du Canada d'être les premiers sur le marché en Europe, où ce genre d'exception réglementaire n'existe pas.
[Traduction]
C'est en effet en partie pour cette raison que la communauté européenne a contesté récemment cette exception devant l'OMC. Si la communauté européenne avait eu gain de cause, les conséquences pour le Canada auraient été sérieuses. Fort heureusement, le gouvernement du Canada, travaillant de concert avec les avocats de l'industrie des médicaments génériques, s'est défendu avec succès contre la contestation de la communauté européenne.
Pour ce qui est de l'approbation réglementaire anticipée dans d'autres industries, j'explique ce qui s'y passe dans mon texte écrit. Je ne relirai pas ce qui s'y trouve, mais si le comité souhaite avoir plus de détails, nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Passons maintenant au but du règlement...
[Français]
Le but du règlement est peut-être mieux expliqué par le résumé de l'étude d'impact de la réglementation, le REIR, qui accompagnait l'adoption de celui-ci en 1993. Le REIR est inclus dans votre cahier d'information.
[Traduction]
Le document du REIR indique qu'en général, les recours judiciaires ordinaires suffisent pour régler le cas de contrefaçon de brevet, mais qu'en créant l'exception relative à la fabrication anticipée, le projet de loi C-91 a supprimé un droit exclusif dont les titulaires de brevet auraient pu se prévaloir. Le REIR ajoute que le règlement de liaison sert à:
...éviter que cette nouvelle exception en matière de contrefaçon soit utilisée de façon abusive par les fabricants de produits génériques désireux de vendre leurs produits pendant que le brevet original est encore valide. |
Le règlement et l'approbation réglementaire anticipée font donc partie intégrante de la même politique équilibrée visant, d'une part, à encourager le développement de nouveaux médicaments et, d'autre part, à assurer l'entrée au moment propice de versions génériques à prix plus abordable de ces médicaments.
Pour ce qui est des règles spéciales qui s'appliquent à l'industrie pharmaceutique, comme bon nombre d'entre vous le savent, les fabricants de médicaments d'origine insistent sur le fait que le règlement est essentiel à la viabilité continue de leurs activités, tandis que les fabricants de médicaments génériques soutiennent que le règlement a précisément l'effet contraire sur les leurs, et ils ont fait beaucoup de pression pour qu'il soit abrogé. «Pourquoi des règles spéciales pour l'industrie pharmaceutique»? demandent-ils souvent. Les tribunaux sont parfaitement en mesure de traiter les questions de contrefaçon liées à l'industrie pharmaceutique, comme ils le font dans le cas de n'importe quel autre objet susceptible d'être breveté, au moyen de mesures ordinaires contre la contrefaçon.
Bien sûr, en réalité, il n'y a rien d'anormal à ce que le gouvernement réglemente différemment les industries, selon les caractéristiques individuelles de chacune. Le gouvernement adopte couramment des lois pour déroger aux règles de la common law ou pour charger les tribunaux de suivre des processus judiciaires particuliers lorsqu'il s'agit de certaines questions ou de certaines industries.
¹ (1540)
[Français]
La réalité veut aussi que le Canada, comme tout autre pays industrialisé du monde, a toujours eu et aura probablement toujours des règles spéciales pour les produits pharmaceutiques.
[Traduction]
À notre avis, la vraie question n'est donc pas de savoir pourquoi il faut des règles spéciales pour l'industrie pharmaceutique, mais plutôt quels types de règles spéciales, dans le cas visant les brevets, sont nécessaires et appropriés étant donné les caractéristiques uniques de cette industrie?
J'aborderai maintenant brièvement les caractéristiques de l'industrie pharmaceutique. L'une d'elles, c'est l'exception relative à l'approbation réglementaire anticipée qui, comme je l'ai déjà expliqué, bénéficie principalement aux fabricants de médicaments génériques et a été conçue en tenant compte de ces derniers.
Une autre caractéristique, c'est la différence frappante entre le temps et l'investissement qu'il faut pour inventer un nouveau médicament et la facilité avec laquelle l'invention peut être ensuite décortiquée et copiée. Il y a en plus la différence des processus d'approbation réglementaire qui, comme je l'ai mentionné, obligent les fabricants de médicaments d'origine à prouver la sécurité et l'efficacité de leurs médicaments, de A à Z, mais demandent aux génériques de démontrer seulement la bio-équivalence.
De plus, une fois approuvés, les médicaments génériques supplantent rapidement les produits équivalents de l'innovateur grâce à l'application des politiques provinciales de substitution automatique. Ensuite, notons que ces politiques de substitution existent parallèlement à une réticence particulière qu'ont les tribunaux canadiens à accorder des injonctions préliminaires aux titulaires de brevets de produits pharmaceutiques dans les cas de contrefaçon, de telle sorte que, en l'absence de règles spéciales — et je répète pour le bénéfice du comité: «en l'absence de règles spéciales» — même le médicament générique dont la contrefaçon est évidente peut rester sur le marché en attendant le procès.
[Français]
Enfin, il y a les cas de contrefaçon eux-mêmes qui ont tendance à être indûment prolongés à cause de la complexité inhérente du sujet en cause et du fait que, même lorsque les fabricants de médicaments d'origine ont gain de cause, en fin de compte, ils ne touchent pas toujours les dommages et intérêts qui leur sont accordés.
[Traduction]
Dans l'ensemble, ces caractéristiques établissent un excellent fondement permettant d'offrir aux titulaires de brevets de produits pharmaceutiques des règles spéciales en matière de brevets. Cette conclusion est inévitable lorsqu'on examine les risques sans pareils associés à la R-D de l'industrie pharmaceutique et le besoin essentiel qu'a notre société d'avoir de nouvelles et meilleures thérapies médicales. De toute évidence. aucune autre industrie ne comporte des risques aussi élevés ni n'éprouve le besoin d'encourager un plus grand nombre d'investissements. On ne peut y parvenir qu'en prenant des mesures d'application des brevets justifiées et efficaces sur lesquelles on peut s'appuyer pour offrir des périodes réelles, stables et ininterrompues d'exclusivité sur le marché.
C'est précisément ce que le règlement fait dans la mesure où il fournit un mécanisme d'application qui a un délai déterminé, qui est efficace et qui est adapté aux caractéristiques particulières de l'industrie. En vertu du règlement, les différends liés aux brevets sont traités simultanément avec le processus d'examen de santé et de sécurité, et la majorité des cas sont résolus dans ce délai.
¹ (1545)
[Français]
Le mécanisme d'application de la période de sursis de 24 mois est clair, prévisible et il réduit au minimum la désorganisation du marché. Il permet aux fabricants de médicaments brevetés d'avoir la certitude que le fabricant de médicaments génériques ne sera pas en mesure de commercialiser son produit tant que les cas de contrefaçon n'auront pas été réglés, tout en faisant en sorte que les médicaments génériques non contrefaits puissent être commercialisés dès que possible.
[Traduction]
Dans l'ensemble, notre politique sur les brevets pharmaceutiques semble bien servir les intérêts du Canada. Les fabricants de médicaments d'origine ont réagi à la restauration de la pleine protection par brevet dans leur industrie par une croissance appréciable de l'emploi et de l'investissement dans la R-D. Au cours des 10 dernières années, l'activité de R-D pharmaceutique a augmenté, en moyenne, de 11 p. 100 par an, ce qui a contribué à une multiplication par cinq du volume de produits pharmaceutiques exportés depuis 1992. Pour sa part, le secteur des médicaments génériques a augmenté son nombre d'employés de 300 p. 100 depuis 1990 et ses ventes se sont accrues de 240 p. 100 au cours de la même période.
Ensemble, les deux secteurs de l'industrie, joints à l'industrie de la biotechnologie, représentent le deuxième secteur industriel en importance pour ce qui est des dépenses en R-D, ainsi que le secteur ayant le deuxième niveau d'intensité pour ce qui est de la recherche. Qui plus est, toutes ces réalisations ont été faites tout en protégeant les intérêts des consommateurs. Les données du CEPMB indiquent que le prix des médicaments brevetés au Canada est tombé à 5 p. 100 en dessous du prix moyen international, alors qu'il était de 23 p. 100 plus élevé à celui-ci, et à 40 p. 100 en dessous de celui des États-Unis pour 2001.
Indépendamment de toutes ces considérations, le règlement demeure clairement une question litigieuse. Comme le ministre de l'Industrie lui-même le faisait remarquer lors de sa comparution au comité en mai dernier:
Les fabricants de médicaments génériques et les fabricants de médicaments d'origine en arriveront-ils jamais à une entente quant à ce qui constitue un juste équilibre entre la protection des brevets et la concurrence? La question de savoir si le règlement de liaison est adéquat ou s'il doit être modifié davantage finira-t-elle par faire l'unanimité? Je prédis que non. |
[Français]
Comme vous le savez, en 1997, les points de vue des deux camps ont été sollicités lors de consultations plutôt animées dans le cadre du processus d'examen parlementaire exigé aux termes du projet de loi C-91.
[Traduction]
Dans le cadre de cet examen, le comité a entendu plus de 140 groupes d'intérêt, ainsi que des représentants de tous les secteurs de l'industrie pharmaceutique, et leurs discussions ont porté en grande partie sur le règlement. De plus, une table ronde a eu lieu devant le comité, dans le cadre de laquelle des avocats des secteurs des médicaments d'origine et des génériques ont eu la possibilité de débattre de questions techniques touchant le règlement de liaison.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que dans son rapport subséquent, le comité recommandait une réforme, et non l'abrogation du règlement, et il mettait en garde contre l'examen où le changement de tout aspect de la politique touchant la santé et les produits pharmaceutiques de façon isolée. En 1998, le gouvernement répondait à la recommandation du comité de procéder à une réforme en apportant des modifications très importantes aux règlements. Comme on l'expliquait dans le REIR qui accompagnait le rapport, ces modifications avaient pour but de créer un meilleur équilibre entre la protection efficace des droits liés aux brevets et la mise en marché en temps opportun des médicaments génériques.
Au cours des dernières années, toutefois, les fabricants des médicaments génériques allèguent de plus en plus que les fabricants de médicaments d'origine abusent du règlement pour retarder injustement la concurrence suscitée par les médicaments génériques. Je résumerais ainsi les grandes lignes des débats entourant le projet de loi S-17 en 2001, dont l'objectif était de mettre en oeuvre les conclusions de l'OMC: les fabricants de médicaments génériques alléguaient d'une part, que les fabricants de médicaments d'origine faisaient inscrire systématiquement de nouveaux brevets au registre des brevets afin de retarder bien au-delà de la date d'expiration du brevet original l'entrée sur le marché des médicaments génériques; d'autre part, les fabricants de médicaments d'origine soutiennent que les brevets ultérieurs ne servent qu'à protéger une innovation supplémentaire et qu'ils ne peuvent rien faire pour empêcher des médicaments génériques d'être mis en marché une fois le brevet du médicament original expiré.
Monsieur le président, en dernier lieu j'aimerais aborder ce que notre ministère a observé récemment.
¹ (1550)
[Français]
En examinant ces allégations, Industrie Canada devrait tenir compte du fait que les modifications apportées en 1998 ont grandement transformé le régime de réglementation. Nous étions donc d'avis qu'il nous fallait nous fonder sur un nombre significatif de cas survenus après 1998 avant de pouvoir émettre des observations fiables concernant les tendances en matière de litige dans le contexte du nouveau régime.
[Traduction]
Vous avez sans doute déduit de mes commentaires précédents que notre première et principale observation, c'est que le règlement demeure un élément viable et nécessaire du régime canadien des brevets pharmaceutiques. Cela s'explique notamment par le fait que les fabricants de médicaments génériques continuent de faire opposition aux fabricants de médicaments d'origine tôt et fréquemment et que, par conséquent, sans la protection offerte par le règlement, des médicaments génériques contrefaits feraient leur entrée sur le marché peu après l'apparition sur le marché de médicaments d'origine et bien avant l'expiration des brevets originaux.
Une autre de nos observations importantes, c'est que les fondements du régime sont solides. Comme on l'indique dans la documentation que nous vous avons fournie, les délais de résolution de litiges sont conformes aux délais associés aux processus d'approbation des médicaments de Santé Canada, et les cas confirmés de retard d'entrée sur le marché de médicaments génériques sont peu nombreux.
Cela dit, on a beaucoup parlé de ce qui est survenu récemment aux États-Unis en ce qui a trait, entre autres, à l'enquête de la Federal Trade Commission sur l'attitude prétendument anticoncurrentielle de l'industrie pharmaceutique.
[Français]
Comme plusieurs d'entre vous le savent, le régime américain en ce qui a trait à la liaison est semblable au nôtre. La FTC a conclu que plusieurs fabricants de médicaments d'origine avaient utilisé ce régime d'une façon qui avait entraîné de nombreuses poursuites et périodes de sursis automatique relatives à une même présentation de médicament générique.
[Traduction]
Dans l'examen de ces événements, il est important de reconnaître qu'il existe un certain nombre de différences importantes entre le régime américain et le régime canadien, de sorte que les comparaisons entre les deux ne sont pas toujours opportunes. Ce qui est plus important dans ce contexte, c'est que, contrairement à la loi américaine, le règlement canadien prévoit expressément et explicitement la possibilité que d'autres brevets soient inscrits au registre après le dépôt d'une demande de brevet concernant un médicament générique, ce qui rend alors possible d'autres poursuites et d'autres périodes de sursis. Une autre différence tient au fait que Santé Canada est très dynamique dans la mise en application des critères que les fabricants de médicaments d'origine doivent respecter pour faire inscrire un brevet aux termes du règlement, alors que la FDA américaine a en bonne partie adopté une attitude de laisser-faire à cet égard.
Malgré ces différences, il existe des parallèles très nets entre les attitudes relevées par la FTC et certains événements survenus au Canada. Ces mises en parallèle ont été facilitées, selon nous, par un certain nombre de décisions rendues récemment par les tribunaux canadiens. Aussi, bien que les fabricants de médicaments d'origine au Canada aient toujours agi conformément aux lois et à la jurisprudence canadienne, ces récentes décisions ont modifié le contexte réglementaire de façon à soulever des questions légitimes sur lesquelles le comité pourrait se pencher, à savoir si le règlement fonctionne toujours conformément aux objectifs équilibrés visés par la politique.
Comme aux États-Unis, on constate ici que de multiples brevets sont inscrits au fil du temps, de manière à entraîner des périodes de sursis successives contre la concurrence des médicaments génériques. Bien que cette éventualité soit prévue dans la loi canadienne, la récurrence de telles incidences lorsqu'elles surviennent près de la date ou après la date d'expiration d'un brevet original, suscite des questions opportunes sur le fonctionnement du règlement.
Le président: Monsieur Sulzenko, je dois vous inviter à terminer parce que nous avons largement dépassé le temps prévu.
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, j'en ai encore pour une minute, si vous voulez bien.
Dans les cas exceptionnels où cela s'est produit, et que nous avons étudiés, les fabricants de médicaments d'origine avaient soumis ce que l'on appelle un «supplément à la présentation de drogue nouvelle»; il s'agit d'une pratique qui n'est pas prévue expressément par le Règlement, mais qui a été sanctionnée par les tribunaux.
Monsieur le président, j'arrêterai là pour ne pas prendre plus de votre temps. Il ne me reste que la conclusion, que les membres du comité pourront lire dans le document. Merci.
Le président: Merci, monsieur Sulzenko, vous aurez l'occasion de l'énoncer pendant la période des questions.
M. Peterson, veuillez présenter votre...
¹ (1555)
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Comme l'exposé a duré une vingtaine de minutes, j'aimerais savoir si vous allez vous en tenir rigoureusement à l'horaire prévu et clore la réunion à 17 h 50 ou si vous allez demander à nos témoins de rester un peu plus longtemps.
Le président: Merci, monsieur Sulzenko, vous aurez l'occasion de l'énoncer pendant la période des questions.
M. Peterson, veuillez présenter votre...
Dr Robert Peterson (directeur général, Direction des produits thérapeutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): Je m'appelle Robert Peterson et je suis le directeur général de la Direction des produits thérapeutiques de la Direction générale des produits de santé et des aliments à Santé Canada.
Je suis entre autres responsable de la surveillance du processus fédéral d'examen des médicaments pour les produits pharmaceutiques en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, et de l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité). Je suis accompagné de mes collègues, David Lee, directeur du Bureau des brevets de médecine et de la liaison, et de Ann Bowes, la gestionnaire des brevets et de la liaison du même bureau. Ce sont les personnes responsables de l'application quotidienne du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité). Je suis également accompagné par M. David Edwards du ministère de la Justice, qui assure la liaison avec la Direction générale des produits de santé et des aliments.
Mes collègues d'Industrie Canada vous ont donné un aperçu de la politique sur les brevets et du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité). Ils vous ont présenté les différentes modifications apportées au Règlement au cours des années et décrit certains enjeux actuels. Au nom de Santé Canada, j'aimerais vous donner un aperçu du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) selon le point de vue des responsables de la réglementation. Je tracerai les grandes lignes du fonctionnement du Règlement d'un point de vue administratif. Ce faisant, je soulignerai certaines des questions et des tendances observées récemment. Je conclurai en expliquant certaines difficultés actuelles liées au Règlement.
Permettez-moi de commencer en faisant remarquer que les raisons pour lesquelles Santé Canada est responsable de l'application des règlements liés aux brevets ne sont pas toujours évidentes, mais viennent du fait que le Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) établit un lien direct entre la protection conférée par un brevet et le processus fédéral d'examen des médicaments. On a conçu les brevets pour les utiliser selon le cadre actuel du processus d'examen des médicaments tel qu'il est mené au sein de la Direction générale des produits de santé et des aliments en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son Règlement.
À notre avis, le Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) impose une série d'étapes et d'exigences supplémentaires dans l'exécution de nos fonctions quotidiennes visant à assurer l'innocuité, l'efficacité et la qualité élevée des nouveaux médicaments avant qu'ils ne soient vendus au Canada. À lui seul, et en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, l'examen fédéral des médicaments est compliqué et détaillé. Selon nous, le fait de créer un lien entre les exigences en matière de brevet et un tel processus se traduit par un niveau de complexité encore plus grand et une multitude de détails.
Pour comprendre le fonctionnement du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) et la façon dont les différents problèmes liés à son application sont survenus, il faut comprendre les grandes lignes de l'examen des médicaments. Par conséquent, je commencerai notre exposé en résumant brièvement le contexte de cet examen en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Je décrirai ensuite comment la protection des brevets y est liée.
Comme le savent peut-être les membres du comité, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son Règlement, un établissement pharmaceutique ne peut développer un produit et par la suite commencer simplement à le vendre aux citoyens canadiens. Le Règlement sur les aliments et drogues prévoit qu'avant de vendre un médicament ou d'en faire la promotion, l'entreprise pharmaceutique doit soumettre une présentation de drogue à Santé Canada. Santé Canada examine la présentation de drogue dans le but de déterminer, avant la mise en vente, l'innocuité, l'efficacité et la haute qualité d'un médicament afin de permettre à l'entreprise de le lancer sur le marché canadien.
Le principal type de présentation de drogue que nous recevons est la présentation de drogue nouvelle. Elle contient normalement les données recueillies pendant de nombreuses années par l'entreprise pharmaceutique qui a isolé une préparation prometteuse et en a évalué l'innocuité et l'efficacité chez les animaux, puis chez des patients humains dans le cadre d'essais cliniques. La présentation de drogue nouvelle contient également des renseignements sur la composition chimique et la fabrication en vue de démontrer la qualité du médicament. Si nos scientifiques sont convaincus que la présentation est conforme aux exigences du Règlement sur les aliments et drogues, ce qui signifie que le médicament est considéré comme sans danger, efficace et de haute qualité, nous délivrons un avis de conformité. À ce moment-là, l'entreprise peut commencer à vendre le médicament en question au Canada.
Il existe aussi un autre type de présentation prévue par le Règlement sur les aliments et drogues, le supplément à une présentation de drogue nouvelle, qui vise à apporter des modifications importantes à un médicament déjà homologué. Comme dans le cas de la présentation de drogue nouvelle, Santé Canada délivre un avis de conformité pour tous les suppléments à une présentation de drogue nouvelle s'il juge que la présentation est conforme au Règlement sur les aliments et drogues.
Il existe aussi un troisième type de présentation, appelé présentation abrégée de drogue nouvelle. Les fabricants de médicaments génériques qui veulent copier un médicament d'origine présentent ce type de demande. Au lieu de devoir mener des études cliniques approfondies, ils peuvent établir l'innocuité et l'efficacité de leur produit en effectuant des études comparatives. Ils comparent leur produit à un médicament d'origine déjà homologué, qu'on appelle le produit de référence canadien. Le fabricant de médicaments génériques doit alors prouver que son médicament contient la même quantité d'ingrédients médicamenteux que le médicament de référence, dans le cadre d'une étude de bioéquivalence. Lorsque la bioéquivalence est établie et que les renseignements chimiques et de fabrication sur le médicament générique sont acceptables, on délivre un avis de conformité.
º (1600)
Les trois types de présentation de drogue que je viens de décrire forment le cadre principal du processus fédéral d'homologation de nouveaux médicaments en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Il existe un grand nombre d'autres règles qui régissent ce processus et qui, bien sûr, sont beaucoup plus détaillées. Toutefois, nous voulons attirer votre attention uniquement sur les aspects essentiels selon lesquels on doit aborder la question de la protection garantie par les brevets.
Avant d'aborder ce thème, je voudrais signaler que le processus de présentation de drogue a été conçu pour faciliter l'examen de médicaments, et non pas dans le but de protéger les droits de propriété intellectuelle. Ceux-ci ont été intégrés après coup dans un processus existant très compliqué. À notre avis, c'est une des raisons pour lesquelles il est difficile de comprendre toutes les modalités du mécanisme de liaison du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).
J'aimerais à présent expliquer comment la protection des brevets a été intégrée au processus d'examen des médicaments que je viens de décrire. Pour le faire, il faut parler du registre des brevets. Les deux premiers types de présentation de drogue : la présentation de drogue nouvelle et la présentation supplémentaire de drogue nouvelle, sont deux éléments qui se rattachent au registre des brevets. Après vous avoir décrit les éléments du registre des brevets, je présenterai les autres principaux aspects qui font le lien avec les produits génériques : la Présentation abrégée de drogue nouvelle et l'obligation pour les fabricants de produits génériques de montrer qu'ils respectent les brevets figurant au registre.
Le Comité sait sans doute que l'on a établi le registre des brevets en 1993. Il s'agit, en gros, d'un instrument permettant de trouver les brevets qui protègent différents médicaments d'origine. Lorsqu'un fabricant de produits génériques décide de copier un médicament d'origine et qu'un brevet pour ce médicament figure au registre des brevets, le fabricant de produits génériques doit faire la preuve qu'il respecte le brevet pour recevoir un avis de conformité. Nous croyons comprendre que le Comité entend porter une attention particulière aux règles d'inscription des brevets au registre et à la question de savoir si ces règles contribuent à la réalisation des objectifs du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Par conséquent, il importe d'examiner les règles d'inscription des brevets en détail.
J'aimerais réitérer que les règles d'inscription reposent sur une connaissance fondamentale du contexte de l'examen des médicaments, surtout en ce qui concerne la présentation de drogue nouvelle et la présentation supplémentaire de drogue nouvelle, étant donné qu'il s'agit des moyens par lesquels les brevets sont inscrits.
Lorsqu'un fabricant de médicaments brevetés, soit la «première personne» selon l'expression utilisée dans le règlement, souhaite faire inscrire un brevet au registre des brevets, elle doit se conformer à plusieurs exigences régissant le moment auquel elle peut procéder à cette inscription. Tout d'abord, elle doit présenter une demande de brevet avant de soumettre une présentation de drogue nouvelle en vue d'obtenir l'avis de conformité. Donc, en temps normal, la première personne présente la demande de brevet à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. Elle envoie ensuite sa présentation de drogue nouvelle et essaie d'obtenir de nous la première approbation afin de commencer à vendre son nouveau médicament. Si le brevet a été accordé avant qu'elle ne soumette la présentation de drogue nouvelle, la première personne doit également présenter la liste des produits brevetés au moment de soumettre cette présentation de drogue nouvelle. Si elle tarde à le faire, on ne peut accepter d'inscrire de brevet pour lequel la présentation de drogue nouvelle a été soumise. La règle est stricte.
La seule exception à cette règle dans le Règlement vise la première personne qui a fait une demande de brevet avant de soumettre sa présentation de drogue nouvelle, mais qui n'a pas encore obtenu le brevet. Dans ce cas, la première personne envoie sa présentation de drogue nouvelle et, par la suite, lorsque l'Office de la propriété intellectuelle du Canada accorde le brevet, elle a 30 jours à partir de cette date pour présenter une liste de brevets. La règle relative au délai à respecter pour les présentations de drogue nouvelle est assez simple.
Une première personne peut également inscrire un brevet lorsqu'elle soumet une Présentation supplémentaire de drogue nouvelle. Cette situation n'est pas expressément prévue dans le Règlement, ce qui a créé certains problèmes sur lesquels je reviendrai.
L'autre règle dont il faut tenir compte en ce qui concerne l'inscription de brevets est liée aux revendications du brevet. Ce ne sont pas tous les brevets qui peuvent être inscrits dans le registre des brevets. Le brevet doit contenir une revendication pour le médicament en soi ou pour l'utilisation du médicament. Nous devons donc examiner les revendications du brevet afin de nous assurer qu'elles sont conformes à cette règle.
º (1605)
Enfin, pour répondre aux critères d'inscription, la personne doit garantir la pertinence du brevet au chapitre de la concentration, du mode d'administration et de la posologie du nouveau médicament pour lequel l'avis de conformité sera délivré. Ce sont là les principaux critères d'inscription d'un brevet au registre des brevets dans le but de protéger un médicament.
Quant au registre des brevets, il contient actuellement 705 brevets qui correspondent à 390 médicaments différents. Pour ce qui est de la distribution, la plupart des médicaments inscrits sont protégés par un ou deux brevets.
Vous trouverez dans notre documentation un tableau tiré de notre Rapport statistique annuel. L'information figure dans la sixième diapositive.
Comme on peut le voir, 230 médicaments sont protégés par un brevet et 84, par deux brevets. Cependant, le nombre de brevets varie et, parmi les produits assortis de multiples brevets, il existe un médicament pour lequel 11 brevets sont inscrits. Vous trouverez également dans notre documentation quelques extraits du registre électronique des brevets, dans lequel on peut faire des recherches en direct; la page reproduite présente un médicament qui est assorti d'un brevet, tandis que l'autre extrait montre un médicament pour lequel 11 brevets sont inscrits.
En ce qui concerne les activités de réglementation des inscriptions, en 1999 le Bureau des brevets de médecine et de la liaison a effectué une vérification complète du registre des brevets. Par suite de cette vérification, on a supprimé 130 brevets. Le Bureau vérifie continuellement les brevets et les listes de brevets au fur et à mesure qu'on nous les envoie.
En 2001, nous avons reçu 204 demandes d'inscription de brevets et, de ce nombre, 123 ont été rejetées. En 2002, 48 des 197 brevets présentés ont été rejetés. Nous avons inclus dans notre documentation une répartition des motifs de rejet, qui se trouve également dans le rapport statistique.
Nos activités de réglementation des inscriptions ont suscité bon nombre de litiges. Dans certains cas, une première personne contestait notre refus d'inscrire un brevet et dans d'autres, une seconde personne, ou fabricant de générique, essayait de nous convaincre de rayer un brevet du registre.
En tout, 34 demandes de révision judiciaire ont été présentées à la Cour fédérale relativement à des questions liées à l'inscription, la plupart depuis 1999. De ces demandes, 27 ont été rejetées ou retirées, favorisant le rejet des brevets. Six affaires sont en instance et une demande a été accueillie. Jusqu'à maintenant, sept appels ont été présentés à la Cour d'appel. Quatre d'entre eux ont été rejetés confirmant le rejet de brevets en cause, deux sont encore en instance et un appel a été accueilli.
Après cet aperçu du registre des brevets, j'aborderai maintenant la question des médicaments génériques.
Dans ce cas aussi les règles visant le moment où l'on doit examiner les brevets inscrits peuvent être compliquées. Tout d'abord, avant 1999, le moment où une deuxième personne devait prouver qu'elle respectait un brevet était le moment où elle effectuait une comparaison ou une référence à un médicament inscrit au registre des brevets.
Pour appliquer ces critères, il fallait déterminer si une étude comparative avait été effectuée ou une référence avait été faite. En général, c'était assez simple; nous demandions des études de bioéquivalence lorsque la deuxième personne fondait l'approbation désirée sur une étude comparative entre son médicament et le produit de référence ou lorsqu'elle y faisait référence. On présente habituellement ce genre de comparaison ou de référence dans une présentation abrégée de drogue nouvelle, document que j'ai déjà décrit en détail.
Cependant, en 1999, on a apporté une modification au processus, soit l'ajout d'un autre élément au critère utilisé. Cette modification s'était avérée nécessaire parce qu'on avait découvert une échappatoire. Un fabricant de produits génériques avait affirmé que son produit était identique à un autre médicament générique, et son produit avait été approuvé de cette façon, sans qu'on ne procède à une comparaison directe au médicament breveté.
On a ajouté un nouveau paragraphe prévoyant que, si le critère d'origine ne s'applique pas, la deuxième personne doit prendre en compte le brevet si elle fabrique un médicament contenant les mêmes ingrédients, dont la voie d'administration est la même et dont la concentration et le dosage sont comparables à ceux du médicament inscrit dans le registre des brevets.
Après l'entrée en vigueur de cette modification, la Cour fédérale a rendu une décision qui a supprimé définitivement l'échappatoire qui avait au départ motivé la modification.
Un autre jugement plus récent de la Cour d'appel, le premier à viser l'application du nouveau paragraphe, a abouti à une interprétation plutôt littérale de la modification. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) permet de discerner davantage de médicaments qu'auparavant selon l'ancien critère. Le Règlement s'applique maintenant aux médicaments pour lesquels les fabricants ont effectué leurs propres études cliniques indépendantes.
º (1610)
Nous faisons donc face à un certain nombre de situations où le premier fabricant de marque dont les brevets sont inscrits dans le registre de brevets doit maintenant examiner les brevets inscrits par d'autres fabricants de produits de marque. Cela se produit lorsque le premier fabricant du produit apporte des changements à son propre médicament ou autorise une autre entreprise à vendre son médicament. Nous signalons que lorsque le fabricant apporte des changements en matière de fabrication ou de fournisseurs, cela constitue parfois une menace pour les réserves.
Pour ce qui est du reste des exigences établies par le règlement, nous avons inclus dans notre documentation un diagramme montrant la procédure à suivre lorsqu'on exige qu'une seconde personne examine un brevet. La seconde personne doit envoyer un avis d'allégation à la première personne dans lequel elle affirme ne pas commettre une contrefaçon du brevet, que le brevet n'est pas valide ou que l'information dans le registre des brevets est fausse. La première personne dispose alors de 45 jours pour présenter une demande à la Cour fédérale afin d'obtenir une ordonnance interdisant la délivrance d'un avis de conformité à la seconde personne jusqu'à ce que le brevet soit échu. Si la première personne présente une telle demande, on impose un sursis de 24 mois qui nous empêche de délivrer un avis de conformité, même si nous avons terminé l'examen du médicament de la seconde personne en vertu du règlement sur les aliments et drogues. Cette période peut être plus courte si l'affaire judiciaire aboutit plus tôt.
Après cet aperçu du règlement sur les médicaments brevetés [avis de conformité] je terminerai mon exposé en présentant certains problèmes courant auxquels nous devons faire face en matière de gestion. Ces problèmes surviennent à bien des niveaux et englobent les préoccupations liées aux produits de marque et aux produits génériques.
En ce qui concerne l'inscription, nous constatons d'importants litiges liés à deux points généraux. Le premier point vise les types de brevets que l'on peut inscrire dans le registre des brevets. Le deuxième vise le moment où l'on peut inscrire les brevets. Jusqu'à maintenant, la première série de problèmes liés au type de brevets que l'on peut inscrire a donné lieu au plus grand nombre de litiges.
Le comité se souviendra que selon le premier critère d'admissibilité du règlement, un brevet doit contenir une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament. L'expression «revendication pour le médicament en soi» demeure difficile à interpréter. Bien qu'intuitivement cette expression puisse sembler ne désigner que les ingrédients médicamenteux contenus dans un médicament, il faut signaler qu'on n'utilise pas le terme «médicament» dans le règlement sur les aliments et drogues. Les tribunaux ont donné au mot une interprétation assez large qui fait que «médicament en soi» vise non seulement les ingrédients médicamenteux, mais également les ingrédients médicamenteux utilisés pour la formulation ou utilisés avec des ingrédients non médicamenteux des médicaments.
On ne peut donc plus inscrire uniquement les brevets de base dans lesquels on revendique la préparation visée utilisée, mais aussi les brevets dans lesquels on revendique le médicament en disant que c'est autre chose, qu'il est fabriqué ou qu'il est administré avec un autre médicament.
Une première personne peut ainsi obtenir un brevet pour la préparation et inscrire ce brevet. Nous appelons habituellement cela le brevet de base ou brevet en soi. La première personne peut également breveter d'autres inventions tel que l'ingrédient médicamenteux utilisé pour une formulation dans laquelle on utilise un certain enrobage ou en fabricant le comprimé par une compression directe plutôt que par d'autres moyens. Les premières personnes peuvent inscrire beaucoup de ces brevets en indiquant qu'ils contiennent une revendication pour le médicament en soi.
Jusqu'à récemment, nous exigions que les brevets dans lesquels on revendique une formulation particulière soient liés au médicament approuvé pour lequel on inscrivait le brevet. Toutefois, la Cour fédérale a récemment donné la directive voulant que les brevets liés à la formulation soient admissibles peu importe si l'on a reçu ou non un avis de conformité pour la formulation revendiquée dans le brevet et si elle peut être vendue comme un médicament. On a qu'à mentionner dans le brevet les ingrédients médicamenteux qui correspondent aux médicaments approuvés.
Notons également que dans l'affaire susmentionnée, la Court d'appel était partagée entre la majorité et la dissidence relativement à l'objectif fondamental du règlement sur les médicaments brevetés [avis de conformité]. La majorité semble avoir favorisé l'idée voulant que l'unique objectif du règlement consiste en la prévention d'une infraction. La minorité a exprimé son opposition et a parlé d'équilibre entre la protection du brevet et l'inscription opportune des médicaments génériques après l'expiration des brevets pertinents. Cela crée un certain problème pour nous lorsque nous tentons d'appliquer les règles qui tendent à rejeter ce type de brevet, surtout lorsque nous essayons de regrouper les nombreuses autres affaires.
Monsieur le président, j'en ai encore pour une minute.
º (1615)
Le président: Vous avez tous deux dépassé de loin le temps qui vous avait été alloué, et tous mes collègues vont s'en prendre à moi lorsque je voudrai les presser à la période de questions. Je vous donne encore une minute.
Dr Robert Peterson: Très bien.
Par conséquent, d'après la jurisprudence récente, on peut inscrire un plus grand nombre de types de brevets qu'auparavant. L'autre préoccupation cependant ne vise pas les types de brevets mais plutôt le moment où l'on peut les inscrire. Selon nous, ce point constitue encore aujourd'hui un sujet de contestation entre les fabricants de produits de marque et les fabricants de produits génériques. Selon le principal point de contestation, les premières personnes peuvent inscrire des brevets fondés sur des premières présentations de drogue nouvelle et aussi sur des suppléments à une présentation de drogues nouvelles dans lesquelles la première personne apporte des modifications à son médicament.
Dans plusieurs cas, nous avons refusé d'inscrire un brevet pour lequel le délai d'inscription était dépassé compte tenu de la présentation de drogues nouvelles, et la première personne a dû déposer une autre présentation pour un changement de marque ou de nom d'entreprise. Nous avons décidé que l'inscription visait effectivement à protéger le médicament tel qu'il est défini dans la présentation de drogue nouvelle, étant donné que le changement de nom ne constitue pas une modification du médicament. La Cour d'appel a exprimé son accord.
Nous avons présenté cette question à la Cour fédérale dans le cadre d'un renvoi, mais cette dernière l'a rejetée sur la base de motifs préliminaires. Depuis, étant donné les récentes décisions contradictoires des tribunaux, nous avons laissé ces brevets dans le registre des brevets. Les fabricants de produits génériques contestent cette position. Nous ne sommes pas assez certains, pour notre part, pour les rejeter, et il ne faut donc pas se surprendre que la question soit contestée dans un bon nombre d'affaires liées à la révision judiciaire présentée devant la Cour fédérale.
Voici un autre problème : lorsque les fabricants de produits génériques se retrouvent avec une série de brevets inscrits au fil des ans, chaque brevet donnant lieu à un nouveau sursis d'origine législative et à une nouvelle demande d'interdiction devant les tribunaux, ils prétendent qu'ils ne devraient avoir à prendre en compte que les brevets pertinents à la version du médicament qu'ils ont copié. Ils affirment qu'une fois qu'ils ont soumis leur présentation abrégée de drogue nouvelle, ils ne devraient pas avoir à examiner tous les brevets inscrits ultérieurement en raison de modifications apportées au médicament de marque. Jusqu'à maintenant, nous avons rejeté cette opinion.
Toutefois, si les tribunaux devaient accepter cette idée, cela révolutionnerait la façon dont nous appliquons le règlement. Présentement, plusieurs affaires sont devant les tribunaux à ce sujet.
Pour terminer, le règlement sur le médicament breveté [avis de conformité] fonctionne bien et même de façon régulière pour la plupart des médicaments pour lesquels un ou deux brevets ont été inscrits lorsque la première personne a tout d'abord soumis sa première présentation de drogue nouvelle. Par contre, lorsque les modèles d'inscription deviennent plus compliqués et lorsque, réciproquement, la nécessité pour la deuxième personne d'examiner les brevets devient plus complexe, ils nous est plus difficile d'appliquer le règlement de façon prévisible en raison des efforts consacrés à l'interprétation.
Je m'excuse d'avoir dépassé le temps qui m'était imparti, monsieur le président. Voilà ce qui conclut mon exposé.
Le président: Il est malheureux que vous ayez utilisé deux fois plus de temps pour votre exposé que ce qui avait été prévu, et c'est pourquoi je dois demander aux membres du comité de poser leurs questions de la façon la plus pointue possible. Je devrai demander la même chose à ceux qui y répondront. Si vous tardez à conclure, sachez que je vais vous interrompre, et je vous en fais d'avance mes excuses. Essayez d'être précis.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Ma première question porte sur votre dernier point, Dr Peterson, au sujet des brevets et des brevets multiples. Vous venez d'expliquer cette question avec force détails, mais je vais vous demander quand même certaines précisions. Qu'en est-il lorsque les brevets visent des changements mineurs apportés à un produit?
Les fabricants de médicaments génériques prétendent que l'on prolonge la durée d'un brevet en apportant des changements mineurs au médicament en question. Qu'en pensez-vous? Je vous prie de répondre d'une façon aussi claire et compréhensible que possible, bien qu'il s'agisse d'un domaine très technique.
Dr Robert Peterson: Merci de votre question.
Les personnes qui m'accompagnent vont répondre avec concision aux questions techniques. Je cède la parole à M. Lee.
Le président: Veuillez vous en tenir à la question posée.
M. David Lee (directeur, Bureau des médicaments brevetés et de la liaison, ministère de la Santé): Pour répondre d'abord à votre première question, les compagnies déposent effectivement des brevets relativement à différents éléments. Beaucoup d'inventions différentes peuvent avoir trait au même médicament. Nous avons expliqué qu'il existe des brevets per se, des brevets de base solides.
D'autres brevets portent sur le procédé utilisé pour fabriquer un médicament, sur les ingrédients utilisés, et ainsi de suite. Pour revenir à notre liste de critères, pour déterminer si un brevet peut être inscrit ou non, nous devons déterminer s'il répond aux critères d'admissibilité: s'agit-il d'une revendication pour le médicament lui-même ou pour l'utilisation du médicament? Il y eu beaucoup d'affaires portées devant les tribunaux qui avaient trait à l'interprétation de ces critères, et particulièrement du terme «médicament».
º (1620)
M. James Rajotte: Une fois qu'un médicament est homologué à l'issue du processus dont vous vous occupez, est-ce que le brevet est délivré par le Bureau des brevets?
Dr Robert Peterson : Oui.
M. James Rajotte: Votre processus vient-il après celui du Bureau des brevets ou se déroule-t-il en même temps?.
Dr Robert Peterson: Vous trouverez la réponse à cette question dans le document que nous vous avons remis. La compagnie de médicament d'origine doit déposer la demande de brevet avant de soumettre une présentation de drogue nouvelle. Si le brevet a été accordé, la liste des brevets doit accompagner la demande d'homologation. Cependant, si la demande de brevet est encore en suspens à ce moment-là, une fois que le brevet est délivré, la compagnie pharmaceutique a 30 jours pour nous le faire parvenir. Cela ne ralentit pas le processus d'homologation.
M. James Rajotte: Il y a une question fondamentale qu'il faut se poser. On sait que la protection conférée par un brevet s'étend sur 20 ans. Si je ne m'abuse, les règlements relatifs à l'avis de conformité ne peuvent prolonger cette période de 20 ans. Dans le cas des brevets multiples, les fabricants de médicaments génériques craignent que ces brevets ne soient pas authentiques. À leur avis, si on n'a apporté au médicament que des variations mineures, il ne s'agit pas d'authentiques inventions aux termes de la Loi sur les brevets.
Nous nous interrogeons au sujet de ces changements mineurs. Les brevets doivent-ils correspondre à d'authentiques inventions pour pouvoir figurer au registre des brevets?
M. David Lee: Je vous réfère encore une fois à la documentation que nous vous avons remise. Vous y trouverez un graphique portant sur le nombre de brevets correspondant à différents médicaments. Je suppose que les fabricants de produits génériques n'invoquent pas cet argument lorsqu'il y a un ou deux brevets, mais plutôt lorsqu'il y en a plusieurs; dans ces cas, il peut y en avoir cinq et plus selon la complexité du dossier. Ces brevets peuvent s'échelonner à compter de la date de la délivrance du premier brevet. Et je pense que c'est de cela que se plaignent les fabricants de médicaments génériques.
Encore une fois, c'est un domaine très complexe parce que les compagnies de médicaments brevetés soumettent constamment des présentations supplémentaire de drogue nouvelle lorsqu'elles veulent modifier et améliorer un médicament. Peut-on inscrire un brevet à ce moment-là et, si oui, quel type de brevet? Voilà les questions auxquelles nous sommes confrontés. La jurisprudence ne nous a pas encore fourni de directives claires à cet égard, ce qui nous pose des difficultés.
Comme il ressort de ce paragraphe, jusqu'à maintenant les médicaments qui ont fait l'objet d'une foule de brevets successifs sont l'exception. La norme, qui correspond ici à 230 médicaments, est qu'il y a un brevet par médicament. Il y a cependant des cas exceptionnels qui illustrent ce qui peut se produire.
M. James Rajotte: Vous dites que la jurisprudence ne vous a pas encore fourni de lignes de conduite claires. À votre avis, est-ce bien les tribunaux qui doivent donner ces orientations? Attendez-vous qu'ils vous fournissent des consignes?
M. David Lee: À titre d'organisme de réglementation, nous utilisons toujours les libellés de jugement de la Cour fédérale. Nous essayons de nous en tenir à ses décisions, en les interprétant, bien sûr.
M. James Rajotte: Mes questions s'adressent maintenant à monsieur Sulzenko. Dans votre exposé, vous avez décrit la question des travaux préalables dans le Règlement sur lesmédicamentsbrevetés [avis de conformité]. Vous avez dit que ces deux éléments étaient étroitement liés. Est-ce à dire qu'à votre avis, si notre comité décide de modifier d'une façon quelconque ce règlement, il devrait également se pencher sur les dispositions relatives aux travaux préalables, étant donné qu'il s'agit, à votre avis, d'éléments indissociables.
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, j'ai dit qu'il s'agissait d'éléments d'un train de mesures équilibré. Pour répondre à cette question précise, je dirais que cela dépend dans une grande mesure de la nature des modifications qu'on apportera au règlement. Nous l'avons modifié en 1998 et, de nouveau, en 1999. Cela ne veut pas dire qu'il sera confirmé par la jurisprudence. Nous avons fait valoir certains arguments en réponse aux revendications de certains intervenants qui voudraient que nous abrogions complètement le Règlement, ce qui ne serait pas avisé à notre avis parce que l'autre caractéristique, l'autorisation des travaux préalables, n'aurait plus de contrepartie. L'équilibre du système serait rompu. Il faut donc considérer la réglementation comme un tout.
º (1625)
Le président: Merci, monsieur Rajotte.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Je vous remercie de ces précisions, monsieur Sulzenko. Vous avez clarifié les choses. D'après ce qu'on nous dit, la jurisprudence indiquerait que l'équilibre a été rompu. Étant donné l'ambiguïté du langage utilisé dans la documentation transmise au comité et dans les modifications apportées à votre règlement en 1998 et 1993, il vaut mieux intervenir de manière à protéger la propriété intellectuelle.
J'ai trouvé très intéressants les propos de M. Lee. Je suis fasciné par les divergences d'opinion exprimées par les représentants du ministère de l'Industrie et de Santé Canada. Je sais que votre tâche doit être très difficile, étant donné toute cette jurisprudence. Dans la salle aujourd'hui se trouve Mme Brigitte Kiecken de la société Biolyse, un fabricant de médicaments d'origine qui a pratiquement été acculé à la ruine par ce règlement que la Cour suprême du Canada a jugé trop draconien.
Monsieur Lee, pourriez-vous nous donner des exemples de médicaments pour lesquels on a déposé et fait inscrire des brevets à la dernière minute, particulièrement de médicaments assez importants?
J'ai entendu des témoins déclarer qu'il s'agit en réalité de brevets qui datent de huit ou neuf ans. Prenons un médicament comme Losec, qui est le deuxième médicament le plus vendu au Canada. Si la durée du brevet est prolongée, cela coûtera 425 millions de dollars aux consommateurs. Dans le cas du Paxil-Paroxetine, ce serait des coûts de 227 millions de dollars. Pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est passé dans le cas de ces deux médicaments et nous dire comment une foule de nouveaux brevets ont tout à coup vu le jour si bien que la compagnie a réussi à empêcher d'autres produits d'être mis sur le marché?
Monsieur Lee, je pense que cette question s'adresse à vous.
Le président: Avant que vous répondiez à la question, je signale qu'il y a un vote en Chambre au sujet de l'ordre du jour. Si l'opposition est d'accord, nous pourrions procéder à un pairage, en gardant un nombre égal de députés de chaque côté, de manière à pouvoir poursuivre notre réunion. Êtes-vous d'accord?
Je demande à MM. McTeague, Bagnell, Normand et Volpe de rester avec moi ici, puisqu'ils sont les prochains sur la liste. Les autres peuvent aller voter et revenir immédiatement ensuite.
Merci beaucoup de votre collaboration. Nous allons maintenant entendre la réponse à la question.
M. David Lee: Merci.
Si vous regardez dans les documents que nous avons apportés, vous ne serez pas étonnés de voir que les médicaments que j'ai mentionnés se trouvent dans les rangs supérieurs de ce tableau, et comprennent probablement les quatre premiers.
Vous avez posé une question au sujet de l'historique d'inscription de certains médicaments, et je peux vous expliquer des cas précis. On m'a demandé de fournir des réponses brèves et je vais donc me conformer à cette consigne.
Il est possible de voir qu'après l'expiration du brevet de base, il y a eu d'autres inscriptions, pendant plusieurs années dans certains cas, pendant qu'évoluent les recours judiciaires qui opposent le producteur de médicaments génériques et le producteur de médicaments de marque. On constate qu'il y a eu de multiples recours aux tribunaux et de multiples inscription.
M. Dan McTeague: Dans le cas des deuxième et sixième médicaments les plus vendus au Canada, les deux brevets auraient dû expirer dans d'autres pays en 1999. On a dans les faits éliminé toute possibilité de concurrence.
Monsieur Clark, compte tenu du manque de temps, je vais vous poser ma question, qui est dans la même veine que d'autres observations que j'ai faites.
Tout comme le comité, je crois savoir que votre ministère a préparé un rapport, une analyse, dans lequel on trouve une assez bonne ventilation de toutes ces contestations judiciaires. Pourriez-vous nous fournir maintenant les détails de ce rapport? Nous avons dit bien clairement, par l'entremise de notre président, que nous voudrions consulter ce rapport. Pourtant, je ne le trouve dans aucun des documents que j'ai ici. Pourriez-vous nous en donner les points saillants? Merci.
M. Douglas Clark (chef d'équipe principal par intérim, Direction des politiques des brevets, ministère de l'Industrie): En fait, nous vous avons fourni un cartable qui devrait contenir certains des renseignements que vous demandez.
Cela se trouve à l'onglet (d). Dans cet onglet, il y a des sous-divisions. L'onglet 3 de l'onglet (d) contient certains des renseignements que vous demandez. Permettez-moi de revenir à la question que vous avez posée à M. Lee, au sujet de l'historique d'inscription des deux médicaments que vous avez mentionnés. Ces renseignements se trouvent à l'onglet 3, au numéro 7.
M. Dan McTeague: Monsieur Clark, je n'ai pas vu ce document. Mes collègues et moi examinerons tous ces documents plus tard. Ce qui m'intéresse, cependant, c'est le nombre d'affaires qui sont rejetées parce qu'elles sont jugée futiles ou vexatoires. Pourriez-vous indiquer au comité quelle est la proportion?
Nous avons obtenu de M. Sulzenko les chiffres aux États-Unis. Le Canada et les États-Unis sont les deux seuls pays où il existe une telle proposition. Nous savons que le président Bush a entrepris d'éliminer les similarités en ce qui a trait aux injonctions automatiques. Pourriez-vous nous dire dans quel pourcentage de cas les tribunaux ont donné raison aux producteurs de médicaments génériques comparativement au nombre d'inscriptions de dernière minute par des producteurs de médicaments de marque?
º (1630)
M. Douglas Clark: Chaque partie a sa propre opinion de la ventilation des pertes et des gains. Nous avons essayé de vous fournir des renseignements à ce sujet. Vous trouverez encore une fois à l'onglet 3 de l'onglet (d) une explication des recours judiciaires, une ventilation des résultats et un tableau.
Nous avons surtout mis l'accent sur les litiges en application du Règlement durant une période de quatre ans débutant en mars 1998, c'est-à-dire lorsque les amendements de 1998 sont entrés en vigueur, car lorsque votre comité a examiné le Règlement en 1997, il a étudié les litiges qui se sont produits entre 1993 et 1996. Nous voulions faciliter la comparaison.
Entre 1993 et 1996, les tribunaux qui ont examiné les questions de fond ont rendu des décisions favorables aux producteurs de médicaments de marque dans environ 66 p. 100 des cas. Cette proportion semble avoir été inversée dès 1998.
M. Dan McTeague: Inversée depuis 1998 dans quel sens?
M. Douglas Clark: Dans les affaires réglées, lorsque le tribunal a rendu une décision finale.
M. Dan McTeague: Monsieur Clark, ce que souhaitait faire le comité en 1998, c'était de réduire le nombre des cas qui seraient présentés aux tribunaux canadiens car ce sont les consommateurs qui en paient les frais en fin de compte. Vous avez mentionné un pourcentage antérieur à 1998, mais dans les litiges qui se sont produits depuis 1998, pourriez-vous nous dire en gros si la majorité des décisions étaient favorables aux producteurs de médicaments génériques ou aux producteurs de médicaments de marque?
M. Douglas Clark: La tendance a été inversée, elle était alors de...
M. Dan McTeague: De 66 p. 100?
M. Douglas Clark: La proportion était de 66 p. 100 en faveur des producteurs de médicaments de marque avant 1998. Entre mars 1998 et mars 2002, dans la jurisprudence, la proportion a été renversée.
Le président: Merci, monsieur McTeague.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
J'aimerais comprendre certains faits et savoir quelle est votre réaction à cet égard.
Quand un médicament est développé — on donnait plus tôt l'exemple de Losec — , il se peut que par la suite quelqu'un demande un nouveau brevet après y avoir apporté des améliorations, par exemple un procédé qui permet une meilleure ingestion ou une plus grande efficacité du médicament.
Est-ce que dans le cas de Losec ou dans d'autres cas, il vous a été possible d'évaluer la qualité et la pertinence des brevets additionnels qui ont été demandés par les entreprises et par l'industrie de la recherche? Selon vous, est-ce que certains d'entre eux sont factices ou est-ce que, globalement, ils permettent d'améliorer les produits?
[Traduction]
Dr Robert Peterson: Je vais demander à M. Lee de répondre à cette question, puisque c'est lui qui gère la liste.
M. David Lee: Eh bien, les sociétés qui produisent des médicaments de marque déposent toutes sortes de brevets. Les brevets qui portent sur autre chose que les produits médicamenteux ne sont pas tous futiles, loin de là. Certains brevets portent par exemple sur de nouvelles utilisations cliniques. Nous estimons que ces brevets sont utiles pour les patients du Canada. Mais il est important de savoir que lorsque nous appliquons le Règlement, nous ne jugeons pas de la qualité des brevets.
C'est une question complexe. C'est généralement aux tribunaux qu'il incombe d'en décider, aux termes de la Loi sur les brevets. Ce sont les tribunaux qui jugent de la validité des brevets, si le brevet respecte les règles applicables. Pour notre part, nous n'examinons que les revendications relatives aux médicaments et à leur utilisation. Notre capacité d'analyser la valeur du brevet est donc très limitée.
C'est une question très difficile. À la limite, il peut y avoir des brevets sur le procédé — comment le médicament est fabriqué, à quelle température, le degré de compression des pilules, etc. — mais d'après les règles que nous appliquons, nous n'examinons généralement pas ces brevets.
[Français]
M. Paul Crête: Mais lorsqu'un médicament est créé et fait l'objet d'un brevet, ce dernier comporte une date d'échéance. Après la date d'échéance, n'importe quel fabricant générique peut améliorer et produire ce médicament.
Or, quand les fabricants de médicaments génériques disent vouloir avoir accès aux produits les plus améliorés, ne cherchent-ils pas à obtenir un bénéfice qui devrait revenir au secteur de la recherche? Losec, par exemple, venait à échéance en 1999. D'après ce que je comprends, rien n'empêche le fabricant générique de reproduire ce modèle. Le problème réside dans le fait que l'entreprise qui fait la recherche a amélioré son produit de façon telle que la première version du médicament ne serait pas vendable.
º (1635)
[Traduction]
M. David Lee: Pour ce qui est de savoir comment un médicament a été amélioré, sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues, qui relève de Santé Canada, oui, nous examinons les changements lorsqu'ils sont apportés et nous délivrons ou non des avis de conformité. Toutefois, nous n'analysons généralement pas dans quelle mesure le médicament a été amélioré ou si le médicament générique reproduit toutes les améliorations. Et c'est là que, comme nous l'avons souligné, la façon dont l'inscription des brevets se trouve liée aux aliments et drogues peut devenir très complexe.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur Sulzenko, en lisant la page 10 de la version française de votre document, à la partie intitulée «Impact de la politique équilibrée du projet de loi C-91», je crois comprendre que le gouvernement est finalement assez satisfait de l'impact économique de la politique actuelle, tant du côté de la recherche additionnelle qu'elle a déclenchée que du côté des prix pour les consommateurs. Est-ce que je me trompe? J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.
M. Andreï Sulzenko: Oui, c'est vrai. Évidemment, l'industrie de la recherche et du développement a un chiffre d'affaires de plus de un milliard de dollars par année. Elle se situe au deuxième rang au Canada pour ce qui est de la recherche industrielle, après le secteur des télécommunications. C'est une industrie très importante dans le cadre de l'effort que fait le Canada en matière de recherche et développement. Comme vous le savez, l'objectif du gouvernement est de passer du quinzième au cinquième rang mondial en matière de recherche. Il doit donc y avoir une grande amélioration dans tous les domaines.
M. Paul Crête: Est-il vrai que le fait de changer des choses, d'annoncer des changements ou de nouveaux projets a un impact majeur sur les investissements potentiels dans ce secteur? On sait que c'est un marché très sensible au plan international. Au Canada, par exemple, nous avons l'impression qu'il y aura des modifications importantes à la réglementation.
M. Andreï Sulzenko: Oui, et c'est le point de vue de l'industrie elle-même.
M. Paul Crête: Est-ce aussi le point de vue du ministère?
M. Andreï Sulzenko: Toutes les sociétés au Canada sont des multinationales. Elles font toujours des comparaisons entre le Canada et les autres pays et elles nous disent qu'à leur avis, le régime de propriété intellectuelle du Canada est inférieur à celui d'autres pays.
M. Paul Crête: Quel est votre point de vue à ce sujet?
[Traduction]
Le président: Monsieur Crête, merci beaucoup. Je l'apprécie.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): D'après les très brèves discussions que j'ai eues avec des producteurs de médicaments génériques et de médicaments de marque, j'ai compris que les fabricants de médicaments de marque veulent protéger leurs ventes durant les 20 premières années et les producteurs de médicaments génériques veulent pouvoir vendre ces médicaments par la suite. Les deux types de producteurs s'entendent à ce sujet. Puisqu'ils sont d'accord, nous devrions simplement adapter nos règlements de façon à satisfaire les voeux des deux groupes.
Ma question s'adresse à M. Lee. Récemment, le ministre est intervenu directement dans un certain nombre de poursuites mettant en cause Santé Canada contre des personnes — Eli Lilly, Ferring et Biolyse. Pourriez-vous nous expliquer la nature de ces affaires, les décisions du tribunal et comment ces décisions influent sur votre travail de réglementation et d'administration de ces règlements? Ces producteurs sont-ils encore en affaires après que ces décisions ont été rendues?
º (1640)
M. David Lee: J'ai combien de temps, monsieur le président?
Le président: Vous avez quatre minutes, si vous ne vous écartez pas de la question.
M. David Lee: Je vais commencer par l'affaire Lilly. Cette affaire était devant la Cour d'appel. Elle avait été rejetée en première instance. Cette affaire portait sur un brevet qui avait été déposé. L'un de ces brevets ne portait pas seulement sur la substance médicamenteuse du médicament, le pentahydrate de ceftazidime. Il portait sur cette substance et une autre, le lactose amorphe. L'invention sur laquelle portait le brevet consistait à réunir ces deux substances à une base.
Pour savoir si nous pouvions inscrire ce brevet au registre, nous nous sommes demandés si l'inventeur avait fait approuver cette formulation. Autrement dit, avait-il obtenu un avis de conformité. Le médicament pouvait-il être vendu au Canada? Non, la société ne pouvait pas vendre cette formulation. Nous nous sommes donc dit que le brevet ne pourrait pas être inscrit.
Notre refus a fait l'objet d'une contestation judiciaire en première instance. La première instance a maintenu notre refus. La société a interjeté appel de la décision. La Cour d'appel a examiné l'affaire et a déterminé que notre décision était erronée.
La Cour d'appel a statué qu'il était suffisant que la substance médicamenteuse soit mentionnée dans le brevet. À son avis, cela respecte la définition. Nous appliquons ces instructions. Voilà pour la première affaire, l'affaire Lilly.
Vous avez ensuite mentionné l'affaire Ferring, qui portait sur la desmopressine. Il s'agit également je crois d'une autre affaire d'inscription. Le problème c'est qu'il n'y avait aucun brevet pour ce médicament dans le registre. Il y avait eu un changement de nom, ou plutôt l'introduction d'une nouvelle appellation. Le médicament portait les deux appellations de DDAVP et de Minirin. La société n'avait pas inscrit le brevet en regard de la présentation du nouveau médicament lorsqu'elle avait obtenu son approbation initiale. Le brevet a été obtenu plus tard par le truchement d'une présentation supplémentaire lorsque le nom a été changé pour DDAVP. La société générique a contesté cette inscription. Nous avons examiné l'affaire et nous lui avons donné raison.
Il y a également une autre contestation judiciaire sur la même question contre Bristol-Myers Squibb. Cette affaire a été portée devant la Cour d'appel fédérale, qui a rendu une décision différente de la section de première instance dans l'affaire actuelle de la desmopressine. La Cour d'appel a décidé que le brevet pouvait être inscrit et que nous avions erré également dans ce cas.
Ce sont là les deux décisions dans lesquelles la Cour a statué contre notre décision de rejeter la demande d'inscription.
La dernière affaire est celle de Biolyse. Elle porte sur l'aspect contraire, à savoir si les médicaments génériques peuvent être inscrits ou non. Dans cette affaire, on alléguait que le producteur de médicament de marque était titulaire d'un brevet qui protégeait le médicament nommé paclitaxel. Il fallait déterminer si les modifications apportées en 1999 à l'article 5, c'est-à-dire l'ajout du nouveau paragraphe 5(1.1), s'appliquait à une société qui n'avait pas obtenu l'approbation de son médicament de la façon habituelle mais plutôt au moyen de ses propres études cliniques. Il fallait donc savoir si le paragraphe 5(1.1) s'appliquait à cette autre présentation. La section de première instance et la Cour d'appel ont toutes les deux répondu par l'affirmative à cette question.
Dans cette affaire, encore une fois, l'amendement appliqué en 1999 s'appliquait à une présentation, contrairement à ce que nous avions pensé.
M. Larry Bagnell: Cela nuit-il à votre efficacité? Allez-vous apporter des changements pour appliquer ces décisions?
M. David Lee: Cela a certainement eu un effet dans le cas de Lilly. Nous reconnaissons qu'un certain nombre de brevets ont été inscrits après cette décision, une vingtaine environ. Excusez-moi, il y a eu un médicament pour lequel on demandait une inscription. Le brevet portait sur un médicament; maintenant, il porte sur 20 médicaments. Nous constatons également une augmentation de l'inscription des brevets à la suite de ces affaires.
N'allez pas croire pour autant qu'il existe une panique. La plupart des inscriptions que nous faisons sont pour des brevets qui ne portent que sur un seul brevet. Mais nous avons parfois des dossiers compliqués de ce genre et il nous est de plus en plus difficile de les régler. Nous le reconnaissons.
M. Larry Bagnell: Mon temps est-il entièrement écoulé?
Le président: Non, il vous en reste.
M. Larry Bagnell: Monsieur Sulzenko, comme je l'ai dit, tout le monde s'entend sur le fait qu'après 20 ans et un jour, les producteurs de médicaments génériques devraient pouvoir vendre sans difficulté leurs produits. Nous serions de ce fait sur le même pied que le reste du monde, à l'exception peut-être des États-Unis, où l'on essaie de modifier cette règle. Si nous apportons ces modifications, cela nuira-t-il à la recherche ou à notre compétitivité sur la scène internationale pour ce qui est d'obtenir ces recherches?
º (1645)
M. Andreï Sulzenko: Si j'ai bien compris la question, monsieur le président, tout cela est bien plus compliqué que ce que vous avez expliqué, comme nous l'avons dit dans la longue introduction que nous avons faite tous les deux. Nous aimerions bien que ce soit aussi simple que vous le dites.
Comme je l'ai dit précédemment, le règlement a été examiné et fortement modifié en 1998. Depuis, nous avons accumulé cinq années de jurisprudence. Nous vous présentons aujourd'hui une partie de cette jurisprudence. Le comité demande si nous devrions encore...
M. Larry Bagnell: Vous ne répondez pas à ma question sur la compétitivité internationale.
M. Andreï Sulzenko: À mon avis, des modifications mineures ne nuiront pas à notre compétitivité. La question se poserait toutefois si nous apportions des changements globaux et fondamentaux. Les fabricants de produits de marque vous diront, et ils témoigneront devant vous, qu'il manque au régime canadien certaines caractéristiques que l'on trouve dans d'autres régimes ailleurs au monde, y compris aux États-Unis et dans l'Union européenne. Ils vous diront qu'il n'est pas avantageux pour eux d'investir au Canada. C'est leur avis. Je suis persuadé qu'ils vous expliqueront tout cela.
Le président: Merci, monsieur Bagnell.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le président, ne vous en faites pas: tout au long de la semaine, nous allons entendre parler des mêmes exceptions et entendre les mêmes arguments de part et d'autre. Cependant, nous allons essayer d'y aller étape par étape et de régler cela.
On nous dit que les Américains sont en train de tout changer. On nous dit également qu'avec les changements qui sont proposés aux États-Unis, les règlements que nous avons au Canada deviendront illusoires et non nécessaires, parce que les Américains sont devant nous en ce qui a trait aux changements législatifs. On se souvient de la candidature du sénateur McCain aux présidentielles américaines.
Pour que nous puissions avancer un peu dans notre travail au comité, dites-nous ce qui se passe aux États-Unis à l'égard du sénateur McCain. Les Américains changent et nous ne voulons pas changer. C'est ce qu'on essaie de — pardonnez-moi l'expression anglaise — «spiner» aux gens.
Vous en avez parlé dans votre présentation et j'aimerais savoir exactement ce qu'il en est du sénateur McCain.
M. Andreï Sulzenko: Je vais demander à M. Clark de répondre à cette question.
M. Douglas Clark: Au cours des trois ou quatre dernières années, les sénateurs McCain et Schumer ont présenté trois projets de loi qui visaient principalement à limiter à un le nombre de périodes de sursis de 24 mois pour les noms de marques. Jusqu'à maintenant, aucun de ces projets de loi n'a été adopté. Voilà pour ce qui est de la législation.
Au plan réglementaire, le président Bush a proposé dernièrement des changements aux règles de la FDA pour tenter de faire plus ou moins la même chose que ce que prévoyaient les initiatives législatives fédérales. Cette proposition a été rendue publique au mois d'octobre dernier. Il y a eu une période de consultation de 60 jours, et on n'a rien vu depuis. On entend souvent dire que cela s'accomplira et que ce sera bientôt publié. C'est là qu'on en est pour l'instant. Donc, il n'y a eu aucun changement jusqu'à ce jour.
M. André Bachand: Le processus législatif américain est probablement plus lourd que celui du Canada. Si les changements étaient appliqués, quelles seraient les différences entre les règlements américains et les règlements actuels du Canada?
M. Douglas Clark: C'est différent selon que l'on parle des changements législatifs ou des changements réglementaires. Étant donné que trois projets de loi ont été déposés et que les choses semblent changer un peu, il vaudrait peut-être mieux que je parle des changements réglementaires.
Il y a trois modifications principales dans la proposition de changements réglementaires. À notre avis, il y en a deux qui rendraient le régime américain plus semblable au nôtre. Ils établiraient des critères pour l'ajout de brevets au registre, au Orange Book, comme on l'appelle aux États-Unis, des critères qui ressemblent beaucoup à ceux que l'on a déjà. Cependant, si la troisième modification proposée, qui consiste à limiter le nombre de périodes de sursis à une par produit générique nouveau, était mise en vigueur, le système américain serait plus rigide que le nôtre relativement à la possibilité pour les innovateurs d'ajouter des brevets au registre.
º (1650)
M. André Bachand: C'est tout?
M. Douglas Clark: C'est tout.
M. André Bachand: Donc, les États-Unis ne sont pas en train de provoquer une révolution tranquille relativement à leur loi sur les brevets pharmaceutiques. Il n'y aura pas une révolution américaine au plan des brevets.
M. Douglas Clark: Ils ne songent pas à abroger leur régime. Ce sont des modifications proposées, et on verra ce qu'il adviendra.
M. André Bachand: Des modifications comme celles que le Canada a faites. Nous sommes prêts à en faire et nous en avons fait. D'ailleurs, vous disiez que les résultats de ces modifications avaient avantagé les fabricants de médicaments génériques, notamment au plan des appels en justice. Depuis ce temps-là, l'industrie générique ne semble pas être une industrie de pauvres. Les deux industries semblent bien survivre au Canada. Est-ce que je me trompe? Depuis quelques années, l'industrie générique semble bien vivre au Canada.
M. Douglas Clark: C'est ce que nos chiffres démontrent, mais je pense que cette industrie pourrait avoir un autre point de vue. C'est à l'industrie que vous devriez poser cette question.
M. André Bachand: Parlons maintenant de la question de l'Europe. On essaie de faire le tour. Cette semaine, on va avoir le temps d'examiner la situation au Canada avec les autres témoins. Plus tôt, en parlant de l'Europe, vous avez soulevé un point à propos de l'OMC. C'est la Communauté européenne, si je me souviens bien, qui en a appelé à l'OMC au sujet de l'ensemble de nos règlements. Est-ce exact? Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce qui s'est passé et sur le fait que le Canada a finalement eu gain de cause?
M. Douglas Clark: On en a parlé un peu au début. Mon collègue Sulzenko a parlé un peu de l'exception visant l'approbation réglementaire anticipée. C'est quelque chose qu'ont le Canada, les États-Unis et quelques autres pays du G-8. L'Australie l'a d'une certaine façon. Au Japon, ce n'est pas législatif, mais...
M. André Bachand: Comprenons-nous bien. Nous nous sommes battus à l'OMC pour maintenir ces règlements.
M. Douglas Clark: Pas les règlements de liaison, mais l'exception visant l'approbation anticipée, et on a eu gain de cause. On a entendu dire dernièrement que l'Europe était en train d'examiner la possibilité de mettre en vigueur quelque chose de semblable à notre régime à cet égard.
M. André Bachand: Donc, le Canada et d'autres pays sont à l'avant-garde par rapport à la Communauté européenne.
M. Douglas Clark: La seule chose, c'est que le Canada est le seul parmi les pays industrialisés à avoir adopté un système d'approbation réglementaire anticipée sans avoir adopté aussi un système d'extension des brevets pour les innovateurs pharmaceutiques. On est les seuls au monde, à ma connaissance, à avoir fait cela.
M. André Bachand: Donc, c'est un avantage pour les fabricants de médicaments génériques.
M. Douglas Clark: Oui, je pense que les fabricants de médicaments génériques le voient ainsi.
M. André Bachand: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bachand.
Monsieur Normand.
[Français]
L'honorable Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Si nous sommes réunis ici aujourd'hui, c'est parce que les fabricants de médicaments génériques se plaignent de ce que les compagnies de médicaments brevetés abusent du règlement de liaison. Ce qui nous a été exposé tout à l'heure nous montre que la majorité des médicaments ont actuellement un brevet et que quelques-uns en ont même deux.
Ici, au Canada, le permis prématuré de produire donne aux fabricants de médicaments génériques un avantage absolument extraordinaire. D'ailleurs, le Canada a défendu ce permis devant l'OMC, si ma mémoire est bonne, et il a gagné, ce qui leur donne un avantage de trois à six ans comparativement aux fabricants des autres pays. À mon avis, le règlement de liaison et le droit prématuré de produire sont indissociables.
J'aimerais savoir quel est le pourcentage des cas qui se retrouvent devant les tribunaux. Deuxièmement, quel est le nom de la compagnie ou de sa filiale? Je suis à peu près sûr que c'est toujours la même compagnie ou une de ses filiales qui est en litige. Cette compagnie s'appelle Apotex. Cette compagnie a d'ailleurs des méthodes très douteuses et très mercantiles et nous a mis dans l'embarras avec le Cipro. Je voudrais connaître les noms des compagnies en question.
J'aimerais aussi parler de la question de la bioéquivalence. Ma question s'adresse à M. Peterson. Quand il s'agit d'établir la bioéquivalence d'un médicament, on se base sur le taux du produit dans le sang, dites-vous. Quand, par exemple, un médicament breveté utilisé pour traiter un ulcère duodénal se dissout trop rapidement dans l'estomac, même si vous retrouvez le médicament en question dans le sang, il n'a absolument pas agi là où il le devait et il va directement dans les toilettes. Le patient a payé pour rien et a mis sa vie en danger.
J'aimerais entendre d'abord la réponse de M. Clark. Quelles sont les compagnies en litige actuellement?
º (1655)
Dr Robert Peterson: Eh bien, vous pouvez faire le tour de l'industrie générique. Il y a peut-être quelques exceptions, mais je pense que toutes les compagnies sont en litige en ce moment. Il me serait difficile d'estimer le nombre de litiges intentés par Apotex, mais je dirais que cette compagnie en a intenté, non pas une majorité, mais certainement un nombre important. Je pourrai vous fournir cette information si vous le voulez.
L'hon. Gilbert Normand: J'aimerais l'avoir.
[Traduction]
M. Douglas Clark: Merci. Je vais essayer d'être bref.
De nouveau, c'est une question plutôt technique. Nous n'examinons pas seulement les taux dans le sang, nous faisons en fait une évaluation de bioéquivalence conçue de façon très précise. Ces essais révéleront l'équivalence par rapport à la somme de médicaments dans la circulation systémique. Le taux du médicament de marque et celui du médicament générique doivent être comparables, ainsi que le moment où la concentration dans le sang est à son maximum et, en fait, la concentration maximale est la même. Nous faisons ces comparaisons et nous établissons très soigneusement le profil. Les limites minimales et maximales sont publiées, dans le cas qui vous intéresse.
Nous examinons également les médicaments qui possèdent des propriétés spéciales ou un index thérapeutique très limité; cela signifie que ces médicaments pourraient susciter des préoccupations supplémentaires en matière de sécurité que nous devons examiner grâce à une étude de bioéquivalence. Dans certains cas, nous exigeons une étude sur l'interaction avec les aliments, et cela oblige le producteur de médicaments génériques à refaire les mêmes analyses.
[Français]
L'hon. Gilbert Normand: Actuellement, les compagnies de médicaments brevetés sont obligées de prouver à 100 p. 100 la sécurité et l'efficacité de leurs médicaments, ce qui peut prendre plusieurs années. Entre le moment où un brevet est déposé et le moment où un médicament est mis sur le marché, il peut s'écouler de huit à douze ans.
Lorsqu'un fabricant de médicaments génériques décide de copier ou de faire une contrefaçon... Le Canada est le seul pays au monde où la contrefaçon est légalisée dans l'industrie pharmaceutique. Quand il s'agit de montres, de gilets, de communications ou d'informatique, par exemple, la contrefaçon n'est pas permise. La contrefaçon n'est permise dans aucun secteur industriel, sauf dans celui des produits pharmaceutiques. On peut y faire une contrefaçon légale qui est régie par nos lois. Actuellement, les fabricants de médicaments génériques ont l'avantage d'avoir le droit de produire de façon anticipée et aussi celui de n'avoir à prouver qu'une seule bioéquivalence de leur médicament pour pouvoir le mettre sur le marché.
Si les fabricants de médicaments génériques devaient faire les essais cliniques que doivent faire les fabricants de médicaments brevetés, pensez-vous que leurs médicaments iraient sur le marché aussi rapidement?
[Traduction]
Dr Robert Peterson: Votre question pose un dilemme très important tant en ce qui a trait à l'éthique des essais cliniques qu'aux conséquences de ce que vous proposez.
Santé Canada autorise des essais cliniques lorsqu'elles ont pour fin de préciser notre compréhension d'une réponse à une question de recherche. En fait, si le fabricant de médicaments de marque a déjà posé la question et y a répondu, il pourrait être douteux du point de vue de l'éthique d'exiger qu'une cohorte additionnelle de patients subissent de nouveau des essais cliniques complets qui peuvent demander la participation de milliers de patients. C'est l'un des problèmes possibles qu'il faudrait résoudre.
Une étude de bioéquivalence se fait généralement sur moins de 100 personnes, une cinquantaine peut-être, afin de définir la bioéquivalence. Les exigences sont rigoureuses. Il ne s'agit pas d'une simple comparaison. Nous examinons soigneusement les résultats qui nous sont présentés.
Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question au sujet de la sécurité et des médicaments contrefaits.
Je vais d'abord parler de la question de la sécurité. Dans l'approbation des médicaments, l'évaluation préalable à la commercialisation comporte des exigences très rigoureuses. Il faut prouver l'innocuité du produit pour les animaux, et pour de nombreuses espèces d'animaux, ainsi que dans des essais cliniques. Toutefois, plus de 10 années d'expérience en Amérique du Nord ont démontré qu'il pouvait y avoir des surprises juste après la mise en marché et l'utilisation de ce médicament dans environ 2,9 à 3 p. 100 des cas, soit environ pour un médicament sur 33 ou 34.
Vous avez raison de dire que les essais cliniques eux-mêmes ne peuvent pas résoudre tous les problèmes d'innocuité. En fait, nous disposons d'un système très étendu de surveillance post-commercialisation qui nous permet de réévaluer de façon continue l'innocuité du produit. Plus le nombre de patients qui consomment le médicament est grand, plus il y a de chances qu'une personne subisse un effet indésirable qui n'aurait pas pu être détecté même chez les milliers de patients qui ont fait l'objet des essais cliniques.
» (1700)
Le président: Merci beaucoup.
Dr Robert Peterson: Je n'ai pas compris la question sur les médicaments contrefaits.
Le président: Non, non, vous avez eu trois minutes supplémentaires.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est que la question des avis de conformité des médicaments brevetés est un élément important d'un problème plus vaste qui tue littéralement le régime des soins de santé financé par l'État canadien. Des milliers de Canadiens sont privés des médicaments dont ils ont besoin à cause de cela. Les syndicats, les entreprises et les organismes luttent entre eux en raison du coût croissant de l'assurance-médicaments qui nuit non seulement à notre développement économique actuel mais aussi à notre capacité future d'attirer au Canada de nouvelles entreprises. Ce problème place également un certain nombre de gens dans une situation économique intenable.
Compte tenu des exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui, et j'ai remarqué vos conclusions quand je les ai lues, je suis persuadé que votre auditoire et les participants à cette réunion n'y comprennent rien. Que faut-il faire pour corriger la situation? Croyez-vous qu'il suffit d'informer les Canadiens de l'état actuel des choses et de s'en remettre aux décisions des tribunaux? Que faudrait-il faire pour rétablir l'équilibre et pour progresser?
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, comme j'ai essayé de l'expliquer dans mes remarques préliminaires, il y a eu une période de litige devant les tribunaux depuis le dernier examen approfondi du règlement, et nous avons essayé de vous expliquer aussi clairement que possible les décisions que les tribunaux ont rendues. Nous pensions que le but de cette réunion du comité était d'examiner le règlement à la lumière des récentes décisions juridiques. C'est donc ce que nous avons amené au comité et nous sommes prêts à vous aider autant que nous le pouvons en vous fournissant les témoignages et les documents dont vous avez besoin pour faire vos recommandations au gouvernement.
Nous pensions que le but de vos audiences était d'examiner cela, et non pas d'examiner et de justifier les prix d'une façon générale, etc. Si le comité décidait d'élargir la portée de son examen, nous sommes certes prêts à préparer un mémoire plus complet.
M. Brian Masse: Après avoir effectué votre examen, êtes-vous satisfait de la situation actuelle?
» (1705)
M. Andreï Sulzenko: Nous allons donner plus tard des conseils à notre ministre et, par son entremise, au Cabinet, mais auparavant, nous suivrons les travaux du comité. C'est du moins ce que nous avons compris de la marche à suivre. Nous exprimerons donc nos opinions au comité.
Le président: Monsieur Peterson.
Dr Robert Peterson: J'ajouterai simplement que nous constatons un changement dans le milieu au fur et à mesure que nous obtenons de la jurisprudence dans ce domaine et que les organismes de réglementation y réagissent. Nous sommes évidemment préoccupés par les opinions dissidentes et la possibilité que ces opinions nuisent à l'équilibre qui existait par le passé.
M. Brian Masse: Ces deux opinions dissidentes, ce sont le rapport Kirby et le rapport de la commission Romanow. Dans les deux cas, on a demandé à ce que des mesures de correction soient prises. S'agit-il de deux types de scénarios que notre comité pourrait examiner pour les présenter au Parlement? Fonctionnent-t-ils?
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, si je me souviens bien de ce que j'ai lu dans le rapport Romanow, il y avait effectivement une recommandation en ce sens. Toutefois, nous n'avons pas réussi à trouver d'assise analytique à l'appui de cette recommandation et le fait qu'elle se trouve dans le rapport ne nous a pas aidé, à vrai dire.
Dr Robert Peterson: Les opinions dissidentes dont je parlais étaient celles de la Cour d'appel fédérale.
M. Brian Masse: Si j'ai dit que ces opinions dissidentes étaient celles que vous aviez mentionnées, ce n'était pas sans intention, mais ce n'était pas les mêmes.
J'ai maintenant des questions à poser à M. Clark au sujet de ce qu'il a dit quant au renversement des décisions depuis 1998, sur le fait qu'elles sont maintenant en faveur des producteurs de médicaments génériques. Ces affaires sont-elles maintenant complètement réglées ou sont-elles encore devant les tribunaux? Je crois savoir que certaines de ces décisions ne sont pas encore prises et qu'elles ne sont pas exécutoires lorsqu'elles sont rendues dans le contexte d'une suspension de 24 mois. Et ensuite, lorsque le produit arrive sur le marché, il pourrait y avoir une autre poursuite. Est-ce que cela pourrait se produire?
M. Douglas Clark: Dès que la décision est rendue, elle est exécutoire et l'avis de conformité peut être rendu, si Santé Canada est prêt à le délivrer. Certaines de ces décisions sont peut-être en appel. Je peux vous trouver les chiffres, si vous le voulez, mais les cas ne sont pas nombreux.
M. Brian Masse: D'accord. J'aimerais bien savoir si les appels ont été entendus.
À quoi servent les brevets distincts sur les nouvelles utilisations et quelle est la logique qui explique leur usage?
M. Douglas Clark: Il arrive à l'occasion qu'on trouve une nouvelle utilisation à une molécule, à un ingrédient actif, plusieurs années après qu'elle ait été découverte. Il y a l'exemple bien connu du Proscar, un médicament qui sert à traiter le problème de prostate, entre autre l'inflammation de la prostate. On a constaté que ce médicament avait pour effet secondaire de faire pousser des cheveux chez les hommes. C'était donc une invention et une découverte intéressante. Cette utilisation a été brevetée et un nouveau produit a été mis sur le marché sous un nom différent et à des doses formulées spécialement à cette fin.
M. Brian Masse: Et le médicament a-t-il été modifié de façon significative?
M. Douglas Clark: La concentration a été réduite de 75 p. 100, je crois. C'est à peu près tout. Ce médicament ne nécessitait pas de mécanisme d'absorption complexe.
M. Brian Masse: La découverte de cet effet inattendu a donc permis de rebreveter le médicament et d'en prolonger l'utilisation?
M. Douglas Clark: L'utilisation seulement, pas le médicament lui-même.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Masse.
Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: Monsieur le président, permettez-moi de revenir à ce qu'a dit M. Sulzenko au sujet de notre objectif principal: conseiller le comité sur la façon de résoudre l'abus qui est fait des dispositions du règlement, si de tels abus existent.
Avez-vous tous les renseignements que le comité pourrait avoir ou avez-vous d'autres renseignements à votre Ministère? Vous vouliez nous informer, n'est-ce pas?
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, nous avons fourni beaucoup de documentation au comité. Nous comprenons qu'il faut un certain temps pour tout consulter.
M. Joseph Volpe: Vous avez apporté ces documents au comité aujourd'hui.
M. Andreï Sulzenko: Nous les avons apportés aujourd'hui.
M. Joseph Volpe: Pensiez-vous que les membres du comité auraient le temps de les consulter pendant que vous faisiez votre exposé de 20 minutes?
M. Andreï Sulzenko: Nous sommes à la disposition du comité et pouvons revenir si le comité le souhaite.
Le président: Peut-être voulez-vous poser votre question, monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: C'était ma première question. En effet, je considère que si nous parlons de règlements et de leur efficacité ou manque d'efficacité, monsieur le président, alors il nous faut des réponses directes et des renseignements. J'invoque le règlement car j'ai demandé la semaine dernière à la réunion du comité si nous allions obtenir toute l'information nécessaire pour faire notre travail.
J'ai regardé un des documents ici. M. Clark y mentionne les affaires commencées entre 1993 et 2002 en précisant qu'il voulait mettre de côté les 130 premières affaires entre 1993 et 1997 parce qu'il veut constituer des données à partir de la jurisprudence qui porte sur les règlements que l'organisme a mis en place et non pas le Parlement — mais les règlements que vous avez conçus pour faire face à une situation particulière, comme vous l'avez dit dans votre introduction, c'est-à-dire pour encourager l'innovation au Canada.
Nous avons maintenant toute une série d'actions en justice sur simple allégation de violation parce que votre responsabilité consiste à vous assurer que vous protégez l'innovation. J'aimerais savoir si dans vos calculs du coût ou des avantages, vous avez pu déterminer s'il en a coûté quelque chose aux Canadiens de permettre ces actions en justice ou de créer un climat favorable aux actions en justice. N'oubliez pas, monsieur Sulzenko, que je ne parle pas de violations, je parle d'allégations de violation sur lesquelles les tribunaux ont dû se prononcer.
» (1710)
M. Andreï Sulzenko: Je vais demander à M. Clark ou à M. Dagenais de répondre à votre question précise sur les retards.
Toutefois, une précision, le comité permanent a examiné, en détail, le fonctionnement des règlements en 1997-1998 — et le comité était —
M. Joseph Volpe: Je faisais partie de ce comité. Je sais ce que nous avons examiné. Nous avons examiné le projet de loi C-91, et non les règlements. Si vous pouviez simplement répondre à la question? Peut-être M. Sutherland, qui a préparé ces —
Le président: Je pense que vous devriez attendre, monsieur Volpe, et laisser M. Sulzenko répondre à votre question.
M. Joseph Volpe: Je veux une réponse, pas une explication.
M. Andreï Sulzenko: Je voulais souligner, monsieur le président, que lorsque nous avons examiné les règlements, c'était en étroite collaboration et avec les conseils des membres de ce comité et il semblerait que nous refaisons la même chose encore.
Je vais maintenant demander à l'un de mes collègues de répondre à cette question précise.
M. Éric Dagenais (directeur par intérim, Direction des politiques des brevets, ministère de l'Industrie): En ce qui concerne les coûts, si vous voulez regarder l'onglet d(3), dans le cinquième document, il y a des cas confirmés d'entrée sur le marché retardée d'un médicament générique et nous donnons ici six exemples de médicaments dont le retard est confirmé. Cela signifie que Santé Canada avait donné un avis de conformité pour le produit générique mais ne pouvait pas l'émettre à cause des poursuites en cour qui ont fini par se régler en faveur du fabricant de produits génériques. Le retard représente en moyenne 11,6 mois. Nous avons calculé les coûts de ce retard à 16 millions de dollars au cours des quatre dernières années.
M. Joseph Volpe: Pour un seul produit?
M. Eric Dagenais: M. Éric DagenaisNon, pour les six produits ces quatre dernières années. Cela représente 0,03 p. 100 des dépenses en médicaments pendant la même période.
M. Joseph Volpe: Il me semble que dans votre introduction, monsieur Sulzenko, il y a un désaccord fondamental, et je n'irai pas aussi loin que M. Masse en parlant de Dieu sais quoi, mais disons une différence de point de vue entre vous et Santé Canada.
J'imagine que vous vous consultez souvent sur certaines questions. Qu'est-ce qui a créé les problèmes associés à l'effondrement dans le cas de Biolyse? Je veux dire, voici une entreprise canadienne qui fait toutes ses recherches au Canada, toutes ses recherches en laboratoire au Canada, qui fabrique son produit au Canada, qui réduit les coûts au Canada, et suite à l'interprétation de votre règlement par le juge, cette entreprise fait faillite. L'entreprise n'a pas fait faillite parce que Santé Canada pensait que ce qu'elle faisait n'était pas bien.
M. Andreï Sulzenko: Permettez-moi de préciser la relation entre les deux ministères, monsieur le président. Nous ne participons en aucune façon à l'administration quotidienne de la réglementation par Santé Canada. Nous contrôlons après le fait les actions en justice et nous examinons nos règlements à la lumière de la jurisprudence.
Je vais céder la parole à mon collègue pour vous donner plus de précisions.
» (1715)
Dr Robert Peterson: Encore une fois, les règlements, dans leur application quotidienne sont demeurés plus ou moins les mêmes ces derniers temps. Nous cherchons, je pense, nos principaux défis dans la jurisprudence qui se crée dans ce domaine.
Plusieurs de ces cas sont récents et je pense que l'honorable député a résumé les plus importants. Ces cas ont eu une incidence sur la façon dont nous appliquons les règlements. Nous avons suivi les instructions de la Cour. Ainsi, nous avons modifié nos décisions sur les produits à inscrire ou non sur la liste.
Ce sont nos défis actuellement et je pense qu'il nous faut envisager l'avenir et décider quelles conséquences cela pourrait avoir ainsi que l'équilibre atteint par le passé grâce à ces règlements.
M. Joseph Volpe: Les préoccupations sont essentiellement l'efficacité et la sécurité. C'est le mandat de Santé Canada de s'assurer que les produits sont de bonne qualité. Le ministère de M. Sulzenko s'intéresse à autre chose, pas nécessairement à la santé. C'est compréhensible. Cela ne me crée pas de problème.
Le président: Je m'excuse, monsieur Volpe, mais votre temps est écoulé et je dois passer à quelqu'un d'autre.
M. Joseph Volpe: Je reviendrai au tour suivant.
Le président: Si c'est possible.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Monsieur Sulzenko, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit au cours de votre exposé et sur une remarque que vous avez faite en réponse à une question.
Vous avez parlé de la justification de ces règles. Vous avez dit qu'il fallait concilier deux objectifs importants et concurrentiels en matière de politique : encourager l'innovation dans le domaine de la médecine en conférant une protection adéquate par brevet pour les nouveaux médicaments et deuxièmement, en promouvoir l'accès de la société à des médicaments abordables. Je pense que vous nous avez très bien expliqué ces deux objectifs lesquels, comme vous l'avez mentionné, peuvent se faire concurrence. Je pense que notre défi est de trouver la formule appropriée.
Dans cette même veine, pouvez-vous nous dire où le Canada se situe par rapport aux fabricants de produits pharmaceutiques qu'ils soient génériques, d'origine ou qu'il s'agisse d'entreprises de recherche? Comment le Canada se compare-t-il à l'Europe et aux États-Unis?
Vous avez mentionné dans votre réponse à une question que le régime de propriété intellectuelle au Canada était inférieur à celui d'autres pays. Pouvez-vous donc, ou tout autre témoin ici, nous dire où le Canada se situe dans la gamme des régimes les plus favorables aux fabricants génériques et les régimes les plus favorables aux sociétés pharmaceutiques fondées sur la recherche?
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, je pense que si nous comparons le Canada à nos principaux concurrents, les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, nous constatons que de façon générale notre régime favorise plus les fabricants génériques que les leurs. Certains aspects qu'ils ont inclus dans leur régime de brevetage des médicaments n'existent pas au Canada. Par exemple, le rétablissement de la durée des brevets dont on a déjà parlé. Mais tel est — et je reviens en arrière un instant — l'équilibre que ce gouvernement a tenté d'atteindre entre ces intérêts opposés. Nous avons adopté un point de vue différent de celui des autres pays.
M. James Rajotte: Combien de pays auraient par exemple le régime de mise au point à l'avance que nous avons au Canada?
Mme Marie-Josée Thivierge (directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, ministère de l'Industrie): Puis-je vous demander de passer à l'onglet c(3). Nous avons tenté d'y résumer, monsieur le président, certains des principaux aspects. Il s'agit d'une comparaison à l'échelle internationale des régimes de propriété intellectuelle qui visent les produits pharmaceutiques. On y trouve donc certains des principaux aspects pour le Canada, les États-Unis et la Communauté européenne. Vous pouvez voir qu'en ce qui concerne la mise au point à l'avance, au Canada et aux États-Unis, c'est possible alors que rien n'est prévu pour la Communauté européenne. Nous avons tenté de résumer certains des principaux aspects de la propriété intellectuelle.
Le président: Pouvez-vous répéter quel était le dernier onglet? Nous n'avons pas de c(3).
Mme Marie-Josée Thivierge: C'est à c et il s'agit du troisième document après la deuxième feuille verte qui s'intitule je pense «Comparaison internationale des régimes de propriété intellectuelle pour produits pharmaceutiques».
Le président: Merci.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Ma deuxième question porte sur la structure réglementaire qui régit tout ceci. Si je comprends bien, et Santé Canada et Industrie Canada ont leur rôle à jouer puisque l'approbation des médicaments relève de Santé Canada et manifestement la Loi sur les brevets relève d'Industrie Canada. À votre avis, et je comprends que vous êtes là pour conseiller le Ministre, mais je vous pose la question comme membre du comité, y a-t-il une meilleure structure de gouvernance?
Il me semble qu'il existe peut-être un lien, car on a la Loi sur les brevets et la procédure d'approbation qui relèvent de deux ministères différents. Faudrait-il des liens moins étroits, plus étroits, au niveau de la structure de gouvernance de façon à ce que la procédure d'approbation soit liée directement au fait que l'on considère un médicament...? Est-ce au moment où l'on se rend compte qu'un médicament ne viole pas le brevet que celui-ci est considéré une copie réelle? Est-ce qu'il y a moyen de faire un meilleur lien afin d'éviter que ce genre de chose se retrouve aussi souvent devant les tribunaux?
» (1720)
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, je ne peux qu'expliquer le régime tel qu'il existe, et non m'interroger sur la possibilité que le gouvernement envisage d'autres options qui modifieraient fondamentalement l'application du régime. Je n'ai vraiment donc rien à dire à ce sujet.
M. James Rajotte: Est-ce que quelqu'un a un commentaire qu'il souhaite...? Il doit sûrement y avoir des analystes de politique dans les deux ministères qui analysent le régime pour voir si c'est une bonne structure réglementaire et sinon quelle serait une meilleure structure de gouvernance.
M. Douglas Clark: Nous avons examiné des options.
M. James Rajotte: Personne ne réfléchit à ce que...
Dr Robert Peterson: Comme représentant de Santé Canada, je suis ici comme simple agent de réglementation, je ne participe pas à l'analyse de ces questions de politique que vous posez. Je suis persuadé qu'il y a des gens au sein du Ministère qui examinent ces questions et nombre d'autres questions de politique qui ont été soulevées ici aujourd'hui.
Je ne pense pas qu'il faille interpréter le silence des représentants de Santé Canada comme un manque d'intérêt dans ce domaine. C'est simplement que vous n'avez pas les responsables ici.
Le président: Merci, monsieur Rajotte.
Je doit passer à quelqu'un d'autre. Je vais partager le temps. Mme Jennings aura trois minutes et ensuite M. Savoy. Nous sommes presqu'à la fin de la réunion.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci pour les présentations.
Dans le gros cartable, on trouve des études qui précisent le nombre d'années d'exclusivité pour la vente des médicaments innovateurs; on donne la moyenne et la médiane. J'ai également pu constater qu'une étude comparative avait été réalisée sur la mise en marché des médicaments génériques au Canada et aux États-Unis.
Si j'ai bien compris, au Canada, les médicaments génériques arrivent sur le marché en moyenne 22 mois plus tôt que leurs pendants américains. Si tel est vraiment le cas, qu'est-ce qui explique ce phénomène?
M. Andreï Sulzenko: Je vais demander à M. Dagenais de répondre à cette question.
M. Éric Dagenais: Je vais répondre au moins à la première partie de la question. À l'onglet C, le quatrième document fait état du premier médicament générique sur le marché. On fait une comparaison entre les États-Unis et le Canada, et votre interprétation était exacte: 40 des 51 médicaments génériques étudiés étaient arrivés sur le marché canadien avant d'être disponibles aux États-Unis et l'écart moyen était en effet de 22 mois.
Mme Marlene Jennings: Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène?
M. Éric Dagenais: Je pense que l'ensemble du régime de propriété intellectuelle au Canada est relativement favorable aux médicaments génériques, et cela se traduit ici par une mise en marché plus rapide qu'aux États-Unis. Les Américains ont le PTR et nous ne l'avons pas; cela peut expliquer l'écart de 22 mois.
Mme Marlene Jennings: Est-ce qu'il me reste du temps?
[Traduction]
Est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Oui.
Mme Marlene Jennings: Merci.
En fait, un fabricant de génériques, Kerbapharm, qui se trouve sur l'île de Montréal, m'a demandé d'assister au plus grand nombre de réunions du comité que possible. Vu la façon dont on me décrit récemment dans les médias, comme si j'étais à la solde des grandes compagnies pharmaceutiques, etc., j'ai demandé pourquoi. On m'a répondu: «Parce que nous pensons que vous êtes juste. Nous vous avons surveillée à l'époque où vous faisiez partie du comité de l'industrie, nous pensons que vous êtes juste. Vous regardez simplement les faits avant de vous décider».
J'ai entendu mes collègues vous demander si au Canada le système était plus favorable aux fabricants génériques que dans la plupart de nos concurrents de l'Europe occidentale, les autres pays européens et les États-Unis. Vous n'étiez pas en mesure où vous n'avez pas cru pouvoir répondre clairement et donc je vous repose la question.
Pensez-vous que notre régime de réglementation, notre régime juridique protège suffisamment les fabricants pharmaceutiques innovateurs de marques déposées tout en donnant un avantage concurrentiel à nos fabricants génériques comparé aux fabricants génériques dans d'autres pays?
» (1725)
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, c'était une question précédente de l'autre côté et je pense que nous pouvons dire que, comparé à celui de nos concurrents, notre régime est plus favorable aux fabricants de génériques et moins favorable aux fabricants de marque déposée.
Mme Marlene Jennings: Parfait. Dans ce cas, pourquoi les fabricants génériques prétendent-ils constamment qu'ils sont défavorisés?
Le président: Merci beaucoup, madame Jennings.
Monsieur Savoy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): J'aimerais parler de la question des poursuites stratégiques pour tenter de déterminer si c'est une stratégie commerciale rentable. Évidemment, à cette fin, nous devons regarder quelles sont les sanctions ou quelle est la situation pendant la partie du litige qui donne lieu à l'évaluation des dommages-intérêts. S'il s'agit de déterminer les dommages-intérêts fondés sur les ventes perdues, c'est peut-être une stratégie commerciale très rentable, mais l'article 8 du règlement peut être interprété de façon à ce que le redressement soit calculé en fonction des dommages ou des profits selon les circonstances.
Je dirais que si l'on se fonde exclusivement sur les ventes perdues, alors oui, les poursuites représentent peut-être une stratégie commerciale rentable. Si l'on se fonde sur les ventes perdues plus les gains manqués, forçant ainsi l'entreprise à révéler ses profits, ce n'est probablement pas une bonne stratégie pour les fabricants de marque déposée.
Jusqu'à présent, les tribunaux ont-ils rendu des décisions qui interprètent l'article 8? Monsieur Lee, c'est peut-être vous qui êtes le mieux placé pour répondre à cette question. De quel profit s'agit-il à l'article 8, de ceux des fabricants de marque déposée ou des fabricants génériques?
M. David Lee: Si vous le permettez, je vais demander à mon collègue de répondre. M. Clark a effectué une étude de l'article 8 et connaît beaucoup mieux les détails que moi.
M. Douglas Clark: Je peux vous dire que l'on a intenté huit poursuites aux termes de l'article 8, la disposition sur les dommages, depuis sa modification en 1998. La plupart de ces poursuites ont commencé en 2001 ou plus tard et donc nous n'avons pas encore de décision qui donne une interprétation de l'expression.
Quand nous ajoutons de nouvelles expressions dans un règlement, nous nous attendons à des poursuites. Comme cette question fait l'objet de poursuites par plusieurs parties différentes, nous hésitons un peu à en parler.
Je peux dire qu'en général, lorsque l'on voit des expressions comme «dommages» ou «gains manqués», c'est une reprise du langage utilisé en droit commun ou vous pouvez obtenir des dommages ou choisir l'évaluation des profits comme redressement équitable dans les circonstances appropriées. Que ce soit ou non le cas ici, je ne peux vraiment pas m'avancer.
M. Andy Savoy: Ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'il serait utile aux fabricants de produits génériques et aux fabricants de médicaments d'origine d'avoir une définition du mot dommages, qu'il leur serait utile de savoir, avant de commencer les litiges, si on tiendra compte des profits perdus ou des ventes perdues? Ne convenez-vous pas que cela serait utile aux deux parties?
M. Douglas Clark: Cela dépendrait du langage employé et de quel côté du secteur vous vous trouvez.
Le président: Monsieur Crête, une question brève et une réponse brève.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur Sulzenko, il y a eu un examen du règlement il y a quatre ans et il y en a un présentement. Pourriez-vous nous donner une idée du temps qu'on pourrait raisonnablement laisser passer avant de procéder à la prochaine révision? Est-ce qu'en tenant compte de l'industrie et de la jurisprudence, une période de 10 ans serait raisonnable?
M. Andreï Sulzenko: Monsieur le président, le dernier examen a eu lieu il y a quatre ou cinq ans. Après quatre ou cinq ans de litiges en cour, on peut dire qu'il serait bon de faire un examen. Cependant, il ne serait pas nécessairement indiqué d'en faire un tous les 10 ans.
» (1730)
[Traduction]
Le président: Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Monsieur le président, le premier brevet portant sur un médicament est-il plus contesté que le deuxième?
M. Douglas Clark: En principe, on ne peut pas obtenir un deuxième brevet sur le même médicament. Je ne sais pas si je comprends bien la question.
M. Serge Marcil: Je vais la reformuler.
On dit qu'on abuse du règlement parce qu'on peut apporter des modifications mineures à un médicament et obtenir un nouveau brevet. Cela devient un nouveau produit. On conteste l'application du règlement parce que l'industrie pharmaceutique peut apporter chaque année des modifications mineures au même médicament et que l'industrie générique peut copier le premier médicament, mais non le deuxième parce qu'il est encore protégé par un brevet de 20 ans.
Est-ce le règlement ou la façon d'émettre un brevet qui est en cause actuellement? On revient toujours à la jurisprudence. Ce sont les juges qui interprètent un règlement ou une loi, alors que c'est l'exécutif qui fait le règlement.
Je m'adresse surtout à Santé Canada. Lorsqu'on dépose une modification à une nouvelle molécule, c'est Santé Canada qui en évalue la pertinence et décide si cela répond aux critères ou pas. Lorsque vous émettez le brevet, c'est vous qui prenez la responsabilité de dire que c'est une nouvelle molécule. À ce moment-là, il ne devrait y avoir aucune contestation en cour puisque l'industrie générique ne peut pas copier un nouveau médicament, la loi étant claire à ce sujet. Au moment où vous acceptez d'émettre un brevet pour une nouvelle molécule, est-il clair, net et précis pour vous que c'est réellement une nouvelle molécule ou un nouveau médicament, et non pas un nouveau médicament simplement parce qu'on a modifié l'emballage? Si c'est clair, le règlement ne pose aucun problème. Mais si la définition n'est pas claire, je peux comprendre qu'on ait recours au règlement en tout temps.
[Traduction]
Le président: Pourriez-vous nous donner une réponse courte?
M. David Lee: La réponse très générale et courte est la suivante. Il y a deux régimes très différents en jeu et la terminologie employée peut s'appliquer aux deux. Dans le monde des brevets, il n'est pas nécessaire que Santé Canada déclare qu'un produit est un médicament avant de pouvoir demander un brevet ou de créer d'autres inventions. Ces demandes sont déposées au commissaire, qui ne se trouve pas au sein de Santé Canada mais plutôt d'un ministère différent, Industrie Canada. Lorsqu'il s'agit d'un médicament, Santé Canada est impliqué.
Le lien entre ces deux mondes se trouve dans le règlement sur l'avis de conformité pour les médicaments brevetés. Comme nous l'avons dit, la terminologie ne veut pas toujours dire la même chose parce que ces deux mondes sont assez compliqués. La description dans le brevet reflète plus ou moins ce qui se fait du côté des médicaments, mais pas obligatoirement, selon le règlement. Jusqu'à quel point on se sert de cette incohérence, il y a plusieurs questions et réponses différentes à ce sujet et nous avons remarqué plusieurs litiges en cours, surtout depuis 1999.
À tous les quelques mois, il semble que nous devons nous pencher sur une question différente ayant trait à l'admissibilité. Cela est dû à la nature complexe des brevets et à la nature complexe de l'approbation des médicaments. J'espère que cela répond à votre question.
Le président: Merci beaucoup. Malheureusement nous n'avons plus de temps. Nous avons beaucoup d'autres questions à poser aux témoins. Demain nous allons rencontrer l'Association des fabricants de produits génériques et mercredi, l'Association des fabricants de médicaments d'origine. Vous nous avez donné beaucoup de matériel à lire. Il reste beaucoup de points d'interrogation. J'aimerais qu'on puisse se réunir de nouveau lundi prochain à 15 h 30 pour finir de vous poser les questions que nous voulions poser. Peut-être aurons-nous de nouvelles questions à poser après avoir assisté aux deux audiences que nous tiendrons cette semaine. Nous en discuterons davantage au sein du comité et nous communiquerons avec vous.
La séance est levée.