INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 17 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Grant Buchanan (partenaire, McCarthy Tétrault LLP, La Guilde canadienne des réalisateurs) |
Le président |
M. Dimitri Ypsilanti (Direction des sciences, technologie et industrie (Paris), Organisation de coopération et de développement économiques) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Grant Buchanan |
¹ | 1555 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
º | 1600 |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Grant Buchanan |
M. James Rajotte |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. James Rajotte |
M. Dimitri Ypsilanti |
º | 1605 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
M. Grant Buchanan |
M. Gilbert Normand |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Gilbert Normand |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Gilbert Normand |
M. Dimitri Ypsilanti |
º | 1610 |
M. Gilbert Normand |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Gilbert Normand |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Paul Crête |
º | 1615 |
M. Dimitri Ypsilanti |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brent St. Denis |
º | 1620 |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brent St. Denis |
M. Grant Buchanan |
M. Brent St. Denis |
M. Grant Buchanan |
º | 1625 |
M. Brent St. Denis |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
Le président |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
º | 1630 |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Grant Buchanan |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
º | 1635 |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Dan McTeague |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Grant Buchanan |
M. Dan McTeague |
º | 1640 |
M. Dimitri Ypsilanti |
Le président |
M. Grant Buchanan |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
º | 1645 |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Grant Buchanan |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Grant Buchanan |
Le président |
º | 1650 |
M. Serge Marcil |
M. Dimitri Ypsilanti |
º | 1655 |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Dimitri Ypsilanti |
» | 1700 |
M. Paul Crête |
M. Dimitri Ypsilanti |
Le président |
M. Gilbert Normand |
M. Dimitri Ypsilanti |
» | 1705 |
Le président |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
» | 1710 |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Dan McTeague |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Dan McTeague |
M. Dimitri Ypsilanti |
» | 1715 |
M. Dan McTeague |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Dimitri Ypsilanti |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Dimitri Ypsilanti |
Le président |
M. Paul Crête |
» | 1720 |
Le président |
M. Gilbert Normand |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Paul Crête |
» | 1725 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Dan McTeague |
» | 1730 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité poursuit son examen des restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.
Aujourd'hui, nous accueillons M. Dimitri Ypsilanti, de la Direction des sciences, technologie et industrie de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Paris), et M Grant Buchanan, de la Guilde canadienne des réalisateurs.
M. Goluboff ne devait-il pas aussi comparaître?
M. Grant Buchanan (partenaire, McCarthy Tétrault LLP, La Guilde canadienne des réalisateurs): Si, mais il a eu un empêchement.
Le président: Je vois.
Nous commencerons par M. Ypsilanti. Ce sera ensuite au tour de M. Buchanan, puis, il y aura une période de questions.
Monsieur Ypsilanti, merci d'être venu. Nous vous en sommes reconnaissants.
M. Dimitri Ypsilanti (Direction des sciences, technologie et industrie (Paris), Organisation de coopération et de développement économiques): Merci, monsieur le président
Merci beaucoup. Je représente l'Organisation de coopération et de développement économiques, dont le bureau se trouve à Paris. Notre organisation représente les gouvernements de 30 États membres qui sont des pays industrialisés. Je m'occupe de la politique en matière de télécommunications.
Mon exposé comptera quatre parties. Je ferai d'abord une courte introduction, puis je tenterai de comparer les politiques canadiennes d'investissement étranger dans le secteur des télécommunications à celles des autres pays membres de l'OCDE; je me pencherai ensuite sur le rendement de l'investissement dans le secteur des télécommunications au Canada et, enfin, je vous toucherai un mot des réformes possibles.
Je suis certain que vous connaissez tous les objectifs de la politique canadienne de télécommunication, objectifs énoncés à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications, et plus précisément au paragraphe 7(d) où il est question de promouvoir l'accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens.
Si j'en parle, c'est que j'estime que ces objectifs se contredisent. Ils incluent toutes sortes d'objectifs économiques, sociaux et politiques. À mon sens, les paragraphes 7(d) et 7(e)—ce dernier étant maintenant caduque—sont des objectifs politiques. Dans tous les autres pays de l'OCDE, les objectifs en matière de télécommunications relèvent à la fois de la politique économique et de la politique sociale, mais ne sont pas purement politiques comme ceux-là.
Si vous me le permettez, je vous cite le préambule de la Loi américaine sur les télécommunications de 1996:
Promouvoir la concurrence et réduire la réglementation afin de garantir aux consommateurs américains de télécommunications la meilleure qualité et les prix les moins élevés tout en encourageant l'adoption rapide des nouvelles technologies de télécommunications. |
Ces objectifs rejoignent les objectifs sociaux et économiques du Canada, mais il importe de noter que le préambule ne comporte aucun objectif purement politique.
En Australie, la loi de 1997 met l'accent sur les intérêts à long terme des utilisateurs finals des réseaux et des services de réseau. On y insiste aussi sur l'efficacité et la compétitivité internationale, du secteur australien des télécommunications et on tente de faire en sorte que ce secteur contribuera à la promotion des autres secteurs de l'économie.
À mon avis, les objectifs canadiens, d'une part, adhèrent à l'économie du marché—ils parlent d'efficacité et de compétitivité—et, d'autre part, tentent d'empêcher le marché de fonctionner efficacement et de contrôler l'accès des entreprises titulaires et des nouvelles venues aux investissements et capitaux ce qui, je le répète, m'apparaît incompatible et illogique.
Vous savez que la loi a été adoptée en 1993 et que, depuis, le marché des télécommunications a connu d'importants changements. Le plus important est sans doute la croissance phénoménale d'Internet et des services soutenus par des réseaux à haute vitesse. L'OCDE estime qu'il y a actuellement environ 250 millions d'abonnés à l'Internet et que 52 millions d'entre eux ont une connexion large bande à haute vitesse.
¹ (1535)
Depuis 1993, de nouveaux concepts se sont enracinés dans nos économies, des concepts tels que le cybercommerce, la société de l'information et l'économie du savoir. De plus, et c'est aussi important, depuis 1993, il y a eu une libéralisation importante des télécommunications dans tous les pays de l'OCDE. En 1993, seule une poignée de pays avaient des marchés ouverts. Aujourd'hui, 29 des 30 pays de l'OCDE ont un marché des télécommunications pleinement ouvert à la concurrence. Ce sera aussi le cas du dernier pays, la Turquie, dès le premier janvier 2004.
L'ouverture du marché des télécommunications à la concurrence au profit de l'économie dans son ensemble n'est pas l'apanage de l'OCDE. Dans le contexte de l'Organisation mondiale du commerce, un accord sur les services de télécommunications de base est intervenu; déjà, 65 pays ont présenté leurs listes d'engagement à l'OMC, dont bon nombre d'économies en développement souhaitant ouvrir leurs marchés à la concurrence et aux investissements étrangers.
Je vais maintenant passer aux politiques repères. Vous avez un exemplaire de mes diapositives; je ne lirai donc pas le texte dans son intégralité.
Je noterai toutefois que les pays de l'OCDE qui imposent les restrictions les plus importantes sont la Corée, le Mexique, la Turquie et le Canada, et leurs restrictions sont sensiblement les mêmes. Il est à noter que la Turquie aspire à devenir membre de l'Union européenne. Par conséquent, je présume que, dans les quelques années qui viennent, elle commencera à adopter le règlement de l'Union européenne sur les pratiques exemplaires, ce qui l'amènera à éliminer ses restrictions à l'investissement étranger.
Les autres pays de l'OCDE n'imposent aucune restriction aux nouvelles entreprises, aux exploitants autorisés, sauf l'exploitant historique, et j'y reviendrai dans un moment. En Australie, la participation étrangère doit faire l'objet d'une approbation préalable, ce que la plupart des intervenants ne considèrent pas comme restrictif, puisque les signataires de l'accord sur les services de télécommunications de base reçoivent automatiquement cette approbation.
En ce qui a trait aux restrictions imposées aux exploitants historiques, je donne deux exemples sur cette diapositive: Premièrement, l'Australie, qui impose des restrictions assez rigoureuses à la société Telstra, qui est l'exploitant historique et qui appartient en majorité au gouvernement australien. Comme vous le pouvez le constater, les restrictions s'appliquent autant à la participation sous forme d'actions qu'à la nationalité du président et des membres du conseil d'administration, ainsi qu'à l'emplacement du siège social.
Au Japon, on limite à moins du tiers des actions la participation étrangère dans la société NTT. En 1997, cette limite était de 20 p. cent. Elle a été relevée depuis.
¹ (1540)
Le cas de la Nouvelle-Zélande est intéressant, parce qu'il y a deux catégories de restrictions limitant l'investissement étranger dans l'exploitant historique. Premièrement, aucune entité n'est autorisée à détenir plus de 10 p. cent de la totalité des actions avec droit de vote sans l'approbation préalable. De plus, la propriété étrangère est limitée.
La Nouvelle-Zélande a accordé son autorisation préalable à deux entreprises américaines, Ameritech et Bell Atlantic, qui, en 1993, étaient propriétaires de 49,6 p. cent de l'exploitant historique. Depuis, Ameritech a vendu ses parts et Bell Atlantic est un actionnaire important détenant 20,7 p. cent des actions.
La Nouvelle-Zélande a aussi ce qu'on appelle l'action préférentielle ou, en l'occurrence, l'action kiwi, qui impose à l'exploitant unique des obligations d'assurer un service universel.
Dans d'autres pays de l'OCDE, il y a des restrictions non discriminatoires, en ce sens qu'elles s'appliquent aux ressortissants comme aux étrangers et qu'elles limitent simplement la capacité d'acheter des parts de l'entreprise publique de télécommunications, qui est habituellement l'exploitant historique. L'Espagne impose des restrictions aux citoyens de l'UE, mais ce ne devrait pas être considéré comme un problème, puisque toute entité installée dans un pays de l'UE est considérée comme une entité de l'Union européenne.
On utilise aussi les actions préférentielles pour limiter l'accès aux exploitants historiques. Comme vous le voyez ici, les gouvernements de l'Italie, de la Hongrie, des Pays-Bas, de l'Espagne et de la Turquie détiennent des actions préférentielles. Je note aussi que la Commission européenne a déclaré qu'elle prendrait des mesures contre tout État membre qui maintiendrait des actions préférentielles.
Passons maintenant au rendement de l'investissement au Canada. Ce tableau vous montre l'investissement dans les télécommunications publiques par habitant pour la période allant de 1990 à 2001. J'ai choisi l'Australie, parce que la distribution géographique de la population y est sensiblement la même qu'au Canada. En Australie, la population est concentrée dans la région côtière et il y a deux grandes villes, Melbourne et Sydney.
En examinant ces données, on constate que, après l'adoption par les États-Unis de la loi de 1996, qui a ouvert les marchés locaux à la concurrence, et avec l'essor de l'Internet, l'investissement a augmenté considérablement. En Australie, il y avait un duopole entre 1993 et 1997 et, pendant cette période, l'investissement a connu une hausse qui s'est poursuivie après 1997.
Au Canada, l'investissement par habitant a augmenté, mais à un rythme moindre que dans les autres pays et que dans l'OCDE dans son ensemble. En l'an 2000, l'investissement canadien par habitant représentait 40 p. cent de l'investissement américain.
La même tendance se dégage des données sur l'investissement dans les télécommunications publiques en pourcentage de la formation brute du capital fixe, soit l'investissement total dans les secteurs de la fabrication et des services. Le rendement du Canada a connu une baisse importante à la fin des années 90. Au Canada, le ratio de l'investissement dans les télécommunications par rapport à l'investissement total est passé de 3,1 p. cent en 1997 à 2,9 p. cent en l'an 2000, par rapport à une moyenne de 4,2 p. cent pour l'OCDE en l'an 2000.
¹ (1545)
J'aimerais me reporter à la dernière diapositive, qui porte sur une reforme du régime limitant la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications. Je vous ai aussi fait parvenir un bref document où il est précisé que l'année dernière, l'OCDE a entrepris un examen de la réforme réglementaire au Canada, y compris dans les services de télécommunication. Une des principales recommandations de ce rapport était l' élimination des restrictions actuelles à l'investissement étranger. On prétendait qu'elles n'ont pas leur place dans une économie de marché ouverte à la concurrence internationale, fondée sur les principes de la non-discrimination. Manifestement, ce serait la mesure ultime à prendre en matière de réforme.
Certains ont proposé ce que j'appellerais des demi-mesures pour atténuer les restrictions. Pour ma part, les restrictions ne sont d'aucune utilité.On croit soit qu'elles ont une influence positive sur l'économie soit qu'elles n'en ont pas et dans ce cas il faut les supprimer. Certains analystes prétendent aussi que les limites à la propriété étrangère ne devraient être imposées qu'aux exploitants historiques et non pas aux nouvelles entreprises. Toutefois, comme les sociétés d'exploitation historiques se voient déjà imposer une réglementation asymétrique par les autorités réglementantes, cela me paraît suffisant. Il n'est pas nécessaire d'alourdir le fardeau des exploitants historiques par rapport aux nouveaux venus.
La question qu'il faut se poser en priorité c'est de savoir si les restrictions à l'investissement étranger ont un effet positif. On impose le fardeau de la preuve à ceux qui veulent les éliminer, mais à ma connaissance, depuis 10 ans, on a recueilli très peu de preuves à l'appui de leur utilité.
Si l'on accorde de l'importance à la propriété et au contrôle canadien, il faut alors se demander si l'on peut réaliser ces objectifs par des moyens moins onéreux; On pourrait par exemple limiter la participation étrangère en permettant l'acquisition par les compagnies ou les particuliers d'une proportion fixe d'actions avec droit de vote. Pour ma part, je pense que ça ne fonctionnerait pas, parce qu'on se trouverait ainsi à limiter l'accès au marché des capitaux des parties prenantes.
Ce qui importe avant tout, c'est de garantir une concurrence efficace sur les marchés, en vue d'accroître le bien-être des consommateurs canadiens et de contribuer à atteindre les objectifs sociaux figurant à l'article 7. À mon avis, le cadre réglementaire rend possible une saine concurrence.
J'ai mentionné l'examen que nous avons effectué l'année dernière du marché canadien des télécommunications et je crois que si l'on compare le CRTC aux autres organismes de réglementation des pays de l'OCDE, c'est l'un des meilleurs. Le cadre de référence qu'il a adopté ces dernières années est très efficace, mais il nous reste la dernière étape à franchir, soit de promouvoir le choix des Canadiens. Or le choix signifie la concurrence, et c'est la concurrence qui permet l'accès aux rares sources d'investissement.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Merci.
¹ (1550)
Le président: Monsieur Buchanan.
M. Grant Buchanan: Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je m'appelle Grant Buchanan et je suis membre du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. La Guilde canadienne des réalisateurs m'a demandé de vous présenter cet exposé concernant la propriété étrangère. Comme on l'a dit tout à l'heure, les membres de la Guilde qui devraient normalement m'accompagner aujourd'hui sont dans d'autres régions du Canada et ils m'ont prié de vous transmettre leurs excuses.
La Guilde canadienne des réalisateurs est un syndicat national qui représente les créateurs et les responsables logistiques de la production cinématographique et télévisuelle. Elle s'intéresse à vos délibérations à cause de la demande des entreprises de distribution de radiodiffusion, les EDR, notamment les câblodiffuseurs et autres distributeurs de vidéo, comme les services distribution multipoint et la DTH, qui souhaitent que l'on supprime les restrictions qui leur sont imposées en matière de propriété étrangère.
La Guilde n'a pas à se prononcer sur les règles applicables aux compagnies de téléphone mais elle s'oppose à de telles modifications des règles sur la propriété applicables aux EDR. De l'avis de la Guilde, il est important que les questions culturelles concernant le rôle joué au Canada par les EDR distinguent ces entreprises des compagnies de téléphone.
À l'heure actuelle, les compagnies canadiennes peuvent aller librement chercher des capitaux à l'étranger, sous forme de prêts ou sous forme d'actions sans droit de vote, à condition qu'elles n'enfreignent pas le principe qui exige que le contrôle demeure entre les mains de Canadiens. Voilà donc l'objet de notre démarche.
Il ne s'agit pas de la quête des capitaux, mais plutôt de la vente du contrôle de compagnies canadiennes à des sociétés étrangères. Si des investisseurs étrangers veulent investir dans des compagnies canadiennes, ils ont actuellement la possibilité de le faire. C'est la volonté de prise de contrôle par des non-Canadiens, éventuellement combinée avec la recherche d'une stratégie de sortie par les vendeurs canadiens éventuels, qui motive le point de vue actuel des EDR.
Dans un régime sans restrictions, des compagnies médiatiques intégrées étrangères auraient la possibilité d'acquérir des EDR canadiennes. Ce ne serait pas des investisseurs passifs. Elles peuvent déjà investir passivement dans le régime actuel. Ces entreprises gigantesques distribuent également de la programmation en grande quantité et elles chercheraient à promouvoir leur propre contenu. Les étrangers qui contrôlent des EDR canadiennes peuvent exercer une influence considérable sur les entreprises de programmation. Comme ils peuvent également détenir des intérêts minoritaires dans des services de programmation, il deviendrait très difficile de préserver le contrôle canadien sur les décisions de programmation.
Les EDR proposent de résoudre le problème par la séparation structurelle. Autrement dit, les EDR qui possèdent des services de programmation pourraient les constituer en sociétés distinctes tout en conservant l'actif de transmission dans la société initiale, qui serait la seule à pouvoir être vendue à des non canadiens.
Cette solution est inacceptable pour les raisons suivantes. Le principe de la séparation structurelle est un emprunt au monde des télécommunications, où il vise à permettre des attributions de coûts et des traitements comptables liés à l'interfinancement par les abonnés de base d'entreprises non réglementées, tant au Canada qu'ailleurs.
Dans la situation actuelle, le rôle d'une EDR est crucial et critique pour le système de radiodiffusion. Alors qu'il est interdit à une compagnie de téléphone de contrôler ou d'influencer le contenu des transmissions, l'EDR joue un rôle fort différent et très actif dans le contrôle ou l'influence de l'offre des fournisseurs des contenus. C'est le CRTC qui établit les paramètres généraux des signaux qui peuvent ou ne peuvent pas être transmis, mais c'est l'EDR qui décide quels services offrir, assembler et promouvoir, et quel appui donné à chacun. Elle établit le prix de gros et crée des forfaits de programmation.
Il est bien connu que les EDR prennent chaque jour des décisions de programmation. Elles interviennent quotidiennement dans une multitude de décisions ayant des ramifications culturelles dans les limites des paramètres généraux établis par le CRTC. Ce sont les garde-barrières qui choisissent les canaux aptes à occuper la précieuse capacité de leur pipeline vers les foyers. Elles exploitent le canal communautaire qui a changé considérablement depuis quelques années et fournit un service local aux habitants des collectivités desservies. Le canal communautaire donne également accès à des groupes qui, autrement, ne pourraient exprimer leurs points de vue.
¹ (1555)
Le choix des canaux transmis obéit aux contraintes du CRTC. Mais ce n'est que le début. Après cette décision de seuil, il y a des décisions à prendre sur le lancement, sur le positionnement des canaux, sur les dépenses de commercialisation et sur les taux. Ces EDR géantes ont un pouvoir de vie ou de mort sur les services canadiens de programmation et quiconque s'est trouvé dans une salle en train de négocier les détails d'un contrat d'affiliation sait qu'elles en sont conscientes. Permettre à un tel pouvoir de tomber entre les mains d'une société non canadienne irait à l'encontre de l'intention même tant de la Loi sur la radiodiffusion que des instructions du CRTC au sujet de la propriété étrangère.
Dans leur grande majorité, les canaux canadiens payants et les canaux de spécialité ont des conditions de licence liées à leurs revenus : plus les revenus d'abonnement à un service donné sont élevés, plus ce service doit investir dans la création de programmation canadienne. La capacité des EDR d'influer sur la taille des revenus des détenteurs canadiens de licences de canaux spécialisés et payants, et par là, sur les sommes qu'ils investissent dans la programmation à contenu canadien, est trop importante pour qu'on la confie à des non-Canadiens.
Pour conclure, il y a une gamme de domaines où les EDR doivent contribuer à des questions culturellement importantes, en conformité avec la Loi sur la radiodiffusion et avec les politiques et règlements du CRTC. Selon la Guilde canadienne des réalisateurs, ces décisions doivent être prises par des Canadiens, et non par des multinationales sous contrôle étranger.
Pour conclure, la GCR suggère que le comité ne recommande pas le changement des règles de propriété étrangère pour les EDR pour le moment.
Je serais heureux de répondre à vos questions au nom de la GCR.
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais prévenir le comité que M. Buchanan doit partir vers 16 h 50 pour prendre son avion et nous devons discuter de la motion de M. Crête à 17 h 20. Je vous demanderais donc de commencer avec des questions de six minutes. Je vais devoir respecter les limites de temps puis passer d'un participant à un autre. Nous verrons si nous arrivons à respecter les limites de temps cette semaine.
Monsieur Rajotte, s'il vous plaît.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venu témoigner aujourd'hui.
Je voudrais commencer avec le dernier exposé. Vous avez dit au paragraphe 16 que « Alors qu'il est interdit à une compagnie de téléphone de contrôler ou d'influencer le contenu des transmissions, l'EDR joue un rôle très différent ». Je suis sûr que vous savez que de nombreuses compagnies de téléphone veulent et vont certainement s'engager dans le secteur de la radiodiffusion. Est-ce que ça va changer votre avis sur la question, ou en avez-vous déjà tenu compte? En quoi cela changera-t-il votre déclaration?
M. Grant Buchanan: Non, nous n'en avons pas tenu compte. Lorsque ces compagnies jouent le rôle de radiodiffuseurs, elles sont assujetties aux règlements de la Loi sur la radiodiffusion, comme c'est le cas actuellement. Lorsqu'elles jouent simplement le rôle de compagnies de téléphone, elles continuent d'être assujetties au règlement de la Loi sur les télécommunications. Ces règlements ne changeraient pas particulièrement.
M. James Rajotte: Si dans l'avenir, vous avez un foyer canadien typique qui a le câble et le téléphone mais que tout cela passe par le fil téléphonique. Comment appliquez-vous les deux lois différentes et les deux séries de règlements?
M. Grant Buchanan: Ce sera probablement pire que cela, parce que les compagnies hydroélectriques auront probablement la fibre optique et voudront sans doute distribuer l'une des deux choses ou les deux. Mais le système actuel semble fonctionner. Comme vous le savez, les compagnies de téléphone ont obtenu des licences expérimentales pour leurs activités de radiodiffuseurs à Calgary et à Edmonton et se sont conformées à la Loi sur la radiodiffusion. L'inverse est vrai également.
Le statu quo actuel permet à ces intervenants de faire tout cela. Je ne vois pas pourquoi vous pensez que cela changerait.
M. James Rajotte: Eh bien, comment est-ce réglementé actuellement? Si une compagnie de téléphone propose des services de radiodiffusion à un foyer, est-ce qu'elle sait quand ces services sont utilisés par rapport aux services de téléphone?
º (1600)
M. Grant Buchanan: Si elles mènent les moindres activités de radiodiffusion, qui est un concept très bien défini dans la loi, il leur faut une licence de radiodiffusion. Alors, si elles ne fournissent rien qui soit considéré comme de la radiodiffusion et qu'elles ne fournissent pas de programmes, si elles ne jouent qu'un rôle de transporteur, elles n'ont pas besoin de licences de radiodiffusion.
M. James Rajotte: Mais si elles font les deux?
M. Grant Buchanan: Alors il leur faut deux licences. C'est ce qui s'est passé à Calgary et à Edmonton. Lorsque Telus menait ses essais, il devait avoir à la fois une licence de radiodiffusion pour ses activités assujetties à la Loi sur la radiodiffusion et une licence de téléphone pour ses activités de télécommunication.
M. James Rajotte: Si le comité décide de recommander l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère pour le secteur des télécommunications, je ne vois pas comment nous pourrions faire la distinction si les compagnies de téléphone...
M. Grant Buchanan: Vous suggérez que cette décision créera des problèmes, n'est-ce pas? Actuellement ces deux activités coexistent très bien, et les câblodistributeurs se trouvent dans une situation où ils sont surtout assujettis à la Loi sur la radiodiffusion. Selon la Guilde, le statu quo fonctionne très bien. Vous parlez de ce qui se passerait si l'on changeait la situation.
M. James Rajotte: Une des choses qui a été suggérée par M. Ypsilanti à la page 4 de son mémoire, c'est que « certains pays ont veillé à ce que la société d'exploitation historique reste indépendante de toute société étrangère en limitant les actions ». Bien sûr, vous n'avez pas eu la possibilité de lire son mémoire avant cette séance, mais peut-être que M. Ypsilanti souhaiterait nous expliquer ce dont il s'agit. Si M. Buchanan répond, nous pourrons voir si cette solution remédie à certaines des préoccupations de la Guilde des réalisateurs.
M. Dimitri Ypsilanti: C'est très simple. Aucune des parties ne peut posséder plus de x p. cent des actions; prenez 5 p. cent par exemple. Ce peut être une mesure non discriminatoire si elle s'applique autant aux ressortissants du pays qu'aux étrangers. C'est simplement un plafond imposé au pourcentage d'actions dont on peut être propriétaire.
M. Grant Buchanan: C'est juste un sous-ensemble. Vous décidez quelle entreprise étrangère pourra être propriétaire des actions, parce que vous avez imposé un plafond. Il y a eu des cas où des non-Canadiens possédaient 60 à 65 p. cent des actions sans droit de vote des EDR, par exemple, mais ce sont des fonds de pension ou des entités distinctes qui ne contrôlent pas l'entreprise canadienne.
M. James Rajotte: Alors, cela ne serait pas du tout une solution à vos préoccupations?
M. Grant Buchanan: Non.
M. James Rajotte: D'accord.
Dans votre exposé, monsieur Ypsilanti, vous avez dit que les exploitants historiques devaient déjà se conformer à une réglementation asymétrique. D'abord, est-ce que j'ai bien compris? Ensuite, cela semble contredire ce que nous avons entendu de la part d'autres témoins jusqu'ici. Ils ont dit que les règlements asymétriques fonctionnaient dans l'autre sens.
Alors je voudrais savoir pourquoi vous avez dit cela, peut-être pourriez-vous revenir sur cette question.
M. Dimitri Ypsilanti: La plupart des exploitants historiques sont obligés de fournir l'accès à leurs réseaux à des prix fondés sur les coûts. Je parle en termes généraux ici, pas forcément du cas du Canada. Actuellement, dans certains pays, l'obligation d'assurer un service universel n'est imposée qu'à l'exploitant historique, et non aux nouveaux venus. Or, le fardeau de la réglementation est plus lourd pour l'exploitant historique que pour les nouvelles entreprises. celles-ci n'on pas à respecter autant de contraintes en matière de réglementation que l'exploitant historique.
Au Canada, la situation est un peu différente en matière d'accès—accès au réseau, par exemple—parce que fournisseurs titulaires et nouveaux arrivants doivent fournir cet accès. Ça n'est pas forcément le cas des autres pays, où les fournisseurs titulaires doivent fournir l'accès à un réseau, mais les nouveaux arrivants qui construisent leurs réseaux n'ont pas cette obligation.
M. James Rajotte: Alors, les règlements du Canada sont-ils plus symétriques que ceux du pays de l'OCDE, de manière générale?
M. Dimitri Ypsilanti: Nous n'avons pas vraiment calculé cela, parce que ce serait très difficile à faire. Il faudrait examiner toute la gamme de règlements pour voir quel fardeau est imposé à l'exploitant historique par rapport à une nouvelle entreprise,ce qui ne serait pas facile.
º (1605)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Je vais donner ma place à Gilbert Normand.
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Moi, ce qui me frappe actuellement, c'est que des gens comme M. Grant Buchanan sont très inquiets que le contenu soit dirigé par le contenant. Je m'explique. Il y a, bien sûr, des structures qui servent à véhiculer les communications, et les gens qui produisent des émissions de télévision et de radio redoutent actuellement que le contrôle soit pris par les propriétaires des grandes compagnies de ce que j'appellerais les voies de diffusion. Je pense qu'il y a peut-être lieu de se poser la question, mais ça me surprend qu'on ne fasse pas confiance à nos producteurs canadiens, ontariens et québécois. On pense qu'on ne sera pas capables d'être compétitifs quant à la qualité de la production. Personnellement, je crois que si on a plus de moyens, on devrait avoir une meilleure qualité de production. Voilà ma première question pour M. Grant Buchanan.
[Traduction]
M. Grant Buchanan: Si j'ai bien compris votre question, il s'agit de l'éternelle question du contenu et du contrôle. Je ne crois pas que ce soit ceux qui ont peur de la concurrence qui créent ces émissions. Le problème, c'est que finalement, vous en arrivez à un point où, pour tous ces services, il n'y a qu'un seul câble par foyer, qui est contrôlé par quelqu'un qu'il faut pouvoir maîtriser. La Guilde des réalisateurs ne pense pas que ce soit une bonne idée de laisser ce pouvoir entre les mains de non-Canadiens.
Les émissions en question sont vendues à une série de services télévisés payants et de services de spécialité au Canada et à l'étranger. Mais qui décide lesquels de ces services obtiennent tel placement, sont privilégiés, et obtiennent tous les profits? Ce sont les EDR, qui, simultanément, peuvent posséder des services de programmation qui sont parfois concurrents. C'est déjà un équilibre fragile et c'est une situation qu'il faut surveiller de près. Les mesures correctives arrivent souvent après les faits. La Guilde n'appuie pas l'idée de laisser cela nous glisser entre les doigts.
M. Gilbert Normand: Ma seconde question est pour M. Ypsilanti. Dans ces pays, pensez-vous qu'il soit nécessaire que l'État exerce un certain contrôle financier pour qu'un organisme précis puisse fournir une garantie d'enregistrer à tous ceux qui se trouvent dans le pays à faible prix?
M. Dimitri Ypsilanti: Parlez-vous de la création des médias...?
M. Gilbert Normand: Non je parle des réseaux, des communications, des téléphones, de l'Internet et de la large bande.
M. Dimitri Ypsilanti: Vous demandez si l'État devrait contrôler...?
M. Gilbert Normand: Non, je demande si l'État devrait investir dans ces nouvelles technologies et...
M. Dimitri Ypsilanti: Non, je ne pense pas que l'État devrait investir. Je pense que le marché est assez compétent pour le faire. Évidemment, il y a des régions géographiques dans un pays où le marché n'investira pas et il y a déjà des mesures en place au Canada et ailleurs pour que même les régions peu peuplées aient accès à la large bande. Mais, autant que possible, je pense qu'il faut s'assurer que le marché investit.
J'ai été étonné par la déclaration de M. Buchanan à propos du câble unique pour chaque maison. Je voudrais voir des plates-formes multiples qui desserviraient chaque maison et fourniraient à l'utilisateur autant de choix que possible. Ce choix ne sera possible que grâce au marché et à la concurrence sur le marché.
º (1610)
M. Gilbert Normand: Pensez-vous que les investisseurs étrangers garantiront de meilleures technologies et un meilleur accès à la population?
M. Dimitri Ypsilanti: Si vous avez un bon cadre de réglementation, vous pouvez imposer ces garanties sans imposer un fardeau trop lourd aux entreprises. C'est possible si vous avez un cadre de réglementation en place, avec les obligations telles que le service universel.
M. Gilbert Normand: Merci.
Le président: Merci, monsieur Normand.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci de la présentation, monsieur Ypsilanti. Je voudrais être sûr d'avoir bien compris votre présentation parce qu'en effet, vous ajoutez des nuances à ce qu'on avait comme information. Les gens du ministère de l'Industrie nous avaient donné une liste de pays comme ceux que vous nommiez, dans lesquels il n'y a maintenant aucune restriction à l'investissement étranger. D'après ce que je comprends de votre présentation, à cause de la référence à l'exploitant historique, il y a quasiment, pour chacun des pays, une marge de manoeuvre par rapport à l'exploitant historique--peut-être peut-on appeler cela la compagnie mère--ou encore par rapport aux compagnies déjà existantes dans le pays. Quand on lit, par exemple, que pour l'Australie, le Japon, la Norvège, la France, la Suisse, la loi suppose que l'État doit être l'actionnaire majoritaire, est-ce que je me trompe en pensant qu'il y a eu libéralisation, mais qu'il y a quand même eu maintien d'une restriction importante pour protéger l'actionnaire principal ou, en tout cas, la compagnie mère?
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: D'abord, il faut remonter quelques années en arrière au moment où il existait un monopole dans ces pays. L'exploitant historique était un ministère du gouvernement, comme c'était le cas en France. Ce n'était même pas une entreprise. Ensuite, France Télécom a été créée en tant que société d'État à 100 p. 100. Cela a donc pris du temps pour créer un marché concurrentiel.
Puis, il y a eu un processus de privatisation. J'ai parlé de l'Espagne un peu plus tôt. On a entièrement privatisé, alors que dans des pays comme la France, la Norvège et la Suisse on exige toujours que l'État possède une action de l'exploitant historique.
L'État a plusieurs raisons de le faire. La première est une raison tout à fait politique. En France, les syndicats étaient un facteur important dans le ralentissement du processus de libéralisation. Il fallait qu'il y ait une contre-partie pour permettre au marché de s'ouvrir.
Je ne veux pas passer en revue chaque pays et vous donner une raison. J'aimerais qu'ils s'orientent vers la privatisation complète et je pense que ça finira par arriver. C'est une question de temps. Il n'en reste pas moins que les nouvelles entreprises n'ont pas à se conformer à des restrictions. N'importe quelle entreprise établie dans l'Union européenne peut venir s'installer et investir en France et une entreprise établie en Suisse peut créer une entreprise de télécommunications sans aucune limite.
Le deuxième argument que je voulais faire valoir c'est que les restrictions, dans ces pays qui imposent des restrictions aux exploitants historiques, ne sont pas discriminatoires. Elles ne s'appliquent pas plus aux étrangers qu'aux ressortissants de ces pays.
[Français]
M. Paul Crête: Je vais poser deux questions. Si je regarde ce que vous avez mis dans votre tableau, j'aurais tendance à dire que la réalité, c'est que tous les pays ont en quelque sorte libéralisé leur marché, mais qu'ils ont quand même laissé à une maison mère, dans chacun des pays, un peu plus de 50 p. 100, ou bien se sont donné un contrôle parlementaire qui leur permet d'intervenir en cas de situation grave. Est-ce que ce n'est pas plus vrai que de dire que tout le monde a fait une libéralisation totale? Dans votre acétate, vous donnez la liste des pays où « aucune restriction n'est imposée aux exploitations autorisées », mais là, il y a quelques mots importants, « à part l'exploitant historique ». Si j'enlevais les mots « à part l'exploitant historique », combien resterait-il de pays sur la liste?
º (1615)
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: Sur la diapositive six vous pouvez voir une liste des pays qui n'imposent pas de restrictions aux exploitants historiques. Je peux tous les passer en revue et vous dire lesquels appartiennent à l'État. En Europe, on est passé de la propriété étatique à la privatisation. En Australie, en Irlande, en Italie et aux Pays-Bas, l'exploitant historique a été complètement privatisé. Mais il existe encore des pays où il s'agit d'une propriété étatique. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit important. Je le répète, j'aimerais qu'ils soient tous privatisés. Mais le fait est que les nouvelles entreprises peuvent s'installer et qu'ils sont l'entière propriété d' entreprises étrangères. Elles sont très actives dans chacun de ces marchés, et font concurrence aux exploitants historiques.
Si je peux ajouter quelque chose, l'ampleur du contrôle par l'État des exploitants historiques change d'un pays à un autre. Dans certains cas, l'État est représenté au conseil d'administration, mais parfois ce n'est pas le cas. Cependant, étant donné qu'ils sont propriétaires on peut penser que les États ont leur mot à dire non pas dans la façon dont fonctionne l'entreprise mais dans certaines décisions cruciales qui toucheraient l'entreprise.
Prenons France Télécom par exemple, qui a d'énormes problèmes. Elle est très endettée. Pendant tout le temps où elle accumulait cette dette énorme, causée par l'achat d'autres entreprises, l'État n'avait pas son mot à dire. Le PDG de l'entreprise est allé à l'étranger, a acheté d'autres entreprises de télécommunications et a accumulé cette dette. C'était une décision du PDG, non pas du gouvernement.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Marcil, allez-vous poser des questions?
[Français]
M. Serge Marcil: Est-ce que Brent peut commencer?
[Traduction]
Le président: D'accord. Nous reviendrons à vous.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être parmi nous.
D'abord, je voudrais vous renvoyer à la page 10 qui s'intitule Investissement dans les télécommunications publiques par habitant. Je remarque que pour 2001, la ligne qui représente l'investissement canadien monte alors que les autres baissent. Il doit y avoir des prévisions pour les quatre catégories c.-à-d. les États-Unis, l'Australie, les pays de l'OCDE et le Canada. Dans deux ou trois ans, serait-il possible que la ligne canadienne continue de monter alors que les autres baissent, ou est-ce que c'est juste une petite déviation?
M. Dimitri Ypsilanti: Non. Ce n'est qu'une déviation. Je pense qu'il est très clair que pour 2002, l'investissement canadien va baisser comme les autres.
M. Brent St. Denis: D'accord. Je voulais juste clarifier cela. Si ce sont les prévisions, je ne veux pas vous contredire.
Il y a différents témoins qui nous ont donné des points de vue différents sur la relation entre la propriété étrangère et le contrôle du contenu. Puisque vous êtes un expert en la matière, vous comprenez que notre proximité des États-Unis a inquiété les Canadiens au sujet des questions du contenu.
Monsieur Buchanan, sentez-vous bien libre d'intervenir sur ce sujet également . Je pense que dans votre exposé vous avez suggéré qu'il était presque impossible de séparer les questions du contenu, surtout lorsque l'on parle de câble, de l'infrastructure, de l'installation, etc.
Monsieur Ypsilanti, peut-on dire que de manière générale, les pays de l'OCDE ne sont pas préoccupés par ces questions de contenu parce qu'ils ont vécu une histoire différente lorsqu'il s'agit de faire survivre leur propre culture par rapport à leurs voisins? Est-il possible que notre contexte, au Canada, nous oblige à nous occuper du contenu dans ces secteurs où il est difficile de séparer le contenu des installations? Je ne pense pas que vous ayez traité du contenu dans votre exposé.
º (1620)
M. Dimitri Ypsilanti: Non, effectivement. Je parlais des services d'infrastructure des télécommunications. La question était là, selon moi.
Il y a un pays—la France. Les Français sont préoccupés par cette exception culturelle et, comme le Canada, ils se préoccupent du contenu. Je pense qu'il faut séparer l'infrastructure du contenu et je crois que c'est faisable. Il faut trouver les outils de réglementation pour le faire, et, selon moi, c'est possible également.
Il pourrait y avoir un problème à long terme, comme quelqu'un l'a dit, si les entreprises de télécommunications se mêlent du contenu. Je suppose qu'il faut faire une distinction entre la programmation et le contenu de manière générale, parce qu'il y a beaucoup de contenu qui ne fait pas l'objet de restrictions, notamment au Canada. Dans certains cas, la ligne de démarcation entre ce contenu et le contenu que l'on considère comme faisant l'objet de restrictions, va être difficile à tracer.
Mais je pense que nous pouvons et devons séparer les questions d'infrastructure des questions de services. Je pense que les autorités réglementantes ont beaucoup d'imagination et qu'elles sauront trouver des façons de le faire.
M. Brent St. Denis: Monsieur Buchanan.
M. Grant Buchanan: Vous avez demandé s'il y avait peut-être eu des différences dans la façon dont cela s'était passé, et je pense qu'au Canada, le câble est apparu très tôt. Nous sommes devenus beaucoup plus « câblés », et beaucoup plus rapidement que partout ailleurs.
L'industrie du câble au Canada, en partie à cause de notre proximité géographique des États-Unis, était un instrument de politique gouvernementale. C'était le moyen de diffuser les canaux canadiens, qui étaient créés pour diffuser des émissions américaines et canadiennes dans les foyers canadiens et cet outil est devenu l'instrument favori de la politique culturelle canadienne depuis 20 ans. années. Je pense donc qu'il y a une différence historique entre le Canada et certains autres pays en ce qui concerne le câble.
M. Brent St. Denis: Vous avez suggéré qu'il était presque impossible de séparer les deux.
M. Grant Buchanan: C'est extrêmement difficile, si l'on pense à ce que fait un câblodistributeur. Comment allez-vous isoler les choix que fait le câblodistributeur lorsqu'il diffuse des signaux vidéo? Comment isoler le propriétaire étranger, alors qu'on peut avoir des câblodistributeurs considérés comme des compagnies de téléphone? Je pense que ce sera très difficile. Il faudra bien trouver du financement pour tout cela.
Plus tôt, nous avons parlé de Telus et des essais qui étaient menés en Alberta. Étant donné que Telus est libre d'aller chercher du capital étranger, par le biais des actions à droit de vote jusqu' à la limite légale-- 46 ou 47 p. 100 -- et qu'il peut aussi imposer un plafond pour les actions sans droit de vote, etc., l'idée qu'il puisse amasser des fonds pour devenir, par exemple, le quatrième distributeur vidéo du marché, ne me semble pas bonne. Il est tellement petit dans le marché qu'il n'aurait aucune influence sur les décisions en matière d'investissement.
Je pense que ce qui se passe actuellement, bien sûr, c'est que le malaise mondial du secteur des télécommunications fait diminuer l'investissement dans tous les pays et à tous les niveaux. Je pense qu'il serait difficile d'essayer de séparer ces deux fonctions.
º (1625)
M. Brent St. Denis: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Ypsilanti, M. Buchanan a parlé des actions avec droit de vote et des actions sans droit de vote. Comment se fait-il qu'actuellement, il y ait plus d'investissements par le biais des actions sans droit de vote, ou est-ce que c'est juste une question de contrôle en fin de compte?
M. Dimitri Ypsilanti: Je pense qu'il faut examiner ce que les utilisateurs recherchent. L'utilisateur de télécommunications le plus important, sont les entreprises multinationales qui veulent des réseaux et des services de télécommunications de bout en bout. Elles ne veulent pas avoir affaire à des compagnies multiples. Elles cherchent quelqu'un qui s'occupe de leurs réseaux, à la fois dans leur propre compagnie et auprès de leurs fournisseurs et de leurs clients. Pour cela, il leur faut faire affaire avec quelqu'un qui exerce un contrôle absolu de bout en bout, donc le contrôle est important.
M. Brian Masse: Nous allons donc assister à l'élimination et à la consolidation des entreprises par le biais du contrôle étranger.
M. Dimitri Ypsilanti: Pas forcément. Il y aura peut-être, comme ça a été le cas pour l'Internet, des fournisseurs de service principaux. WorldCom me vient à l'esprit, mais il en existe aussi en Europe. Telia, qui est l'exploitant historique de la Suède, a un réseau important aux États-Unis et en Europe.
Beaucoup d'entreprises prennent de l'expansion et se munissent d'intraréseaux, surtout intranet, ce qui leur permet de réduire leurs coûts et de conserver le trafic dans leurs propres réseaux autant que possible. Ça ne veut pas dire que vous vous retrouverez avec, pour reprendre ma comparaison avec l'informatique, une seule IMB. Je ne pense pas que cela se produira.
Le président: Monsieur Buchanan.
M. Grant Buchanan: J'allais simplement ajouter que je pense que la réponse est oui, c'est une question de contrôle. Je me souviens d'un témoignage devant le comité du patrimoine sur les EDR, où l'on disait qu'elles étaient limitées dans ce qu'elles pouvaient attirer comme capitaux par les biais des actions avec droit de vote. Les actions qui pourraient être achetées maintenant par des étrangers pour l'investissement ne sont pas utilisées. Visiblement, si les étrangers étaient intéressés à investir pour investir plutôt que pour exercer un contrôle, ils ont la possibilité de le faire.
M. Brian Masse: C'est un des obstacles auxquels je suis confronté dans ce processus. Les délégations se succèdent pour en parler, mais elles n'ont pas tiré profit au maximum des options du système actuel... En fait, on pourrait dire que la propriété peut dépasser les 46,7 p. cent parce qu'aucune limite n'est imposée aux actions sans droit de vote.
Nous savons qu'actuellement, les consommateurs profitent de services bon marché par rapport au reste du monde. Comment garantir que cette situation dure? Est-ce qu'en limitant la concurrence, on risque de créer une vulnérabilité puisque, une fois que la concurrence s'est essoufflée, il est possible que les prix augmentent?
C'est une question générale pour M. Buchanan et M. Ypsilanti, s'il vous plaît.
M. Dimitri Ypsilanti: Je pense que si on élimine les restrictions à l'investissement étranger et à la propriété étrangère pour accroître la concurrence, et comme la concurrence est positive pour l'utilisateur, je ne pense pas que ça puisse lui nuire. Au contraire. Tant que le CRTC existe, et je pense qu'on peut prévoir qu'il va continuer d'exister, au moins dans un avenir prévisible, il pourra garantir qu'il n'y ait pas un joueur qui domine le marché. C'est ce que le CRTC a toujours fait.
º (1630)
M. Grant Buchanan: En ce qui concerne les ODR, n'oubliez pas que je ne parle pas ici des compagnies de téléphone. Je pense que la situation que vous évoquez constituerait un contrôle sévère; la société serait vidée de sa substance.
En ce qui concerne le service aux abonnés, la situation actuelle est optimale puisque le contrôle est canadien, les services sont canadiens et toute la chaîne comporte des entités canadiennes que le CRTC peut réglementer intégralement. C'est très différent de la situation des réseaux téléphoniques dont a parlé mon collègue. Mais ce n'est pas de cela qu'il est question aujourd'hui.
M. Brian Masse: Enfin, d'où devrait venir, à votre avis, l'essentiel de l'investissement? Si nous levons les restrictions concernant les actions avec droit de vote, est-ce qu'il devrait venir principalement des États-Unis?
M. Dimitri Ypsilanti: C'est une question intéressante. On peut voir rétrospectivement que lorsque l'Europe a ouvert ses marchés à la concurrence, il y a eu soudain toutes sortes de possibilités d'investir. On a vu, par exemple, quelques sociétés américaines investir très vigoureusement dans le secteur de la téléphonie cellulaire en constituant non pas des filiales en propriété exclusive, mais plutôt des entreprises en co-participation avec des sociétés locales pour assurer la téléphonie mobile. Ces sociétés américaines se sont progressivement retirées du marché, elles ont procédé à des fusions et sont rentrées chez elles.
On a constaté la même chose dans le domaine des réseaux filières, où des sociétés américaines se sont implantées. Quelques-unes y sont demeurées. Au Danemark, la société titulaire, Telecom Denmark, appartient en partie à une société américaine. C'est la même chose en Belgique, mais certaines sociétés américaines se sont retirées. Sauf dans les réseaux de base et les réseaux de bout en bout, il est très rare que des société américaines se soient implantées et aient constitué des réseaux filières en propriété exclusive.
En fait, j'ai même du mal à trouver un nouveau venu qui ait beaucoup de capitaux américains. Des sociétés européennes se sont montrées beaucoup plus téméraires, elles se sont ramifiées et se sont implantées aux États-Unis en y constituant des filiales. Le Canada, pays voisin, est sans doute un peu différent, mais je pense qu'il devrait être considéré comme un marché important pour les sociétés européennes comme pour les sociétés américaines, qui ne manqueront pas de venir ici.
M. Brian Masse: Monsieur le président, M. Buchanan voudrait intervenir.
M. Grant Buchanan: Je voulais ajouter qu'en ce qui concerne les EDR, les capitaux devraient arriver très rapidement des États-Unis. Les Américains sont propriétaires du contenu et des installations dans leur pays et ils seront certainement désireux d'annexer le marché canadien, tout simplement en étendant leur réseau dès qu'on leur donnera le feu vert. C'est une question de logique économique.
Le président: Merci.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Je remercie nos deux témoins de leur présence.
Vous avez tous les deux adopté des points de vue très intéressants et nous allons avoir bien des questions à vous poser. Évidemment, la question du contenu joue un rôle de plus en plus important dans nos délibérations sur le contenu étranger.
Monsieur Ypsilanti, nous avons parlé un peu du contenu en ce qui concerne les EDR. Avez-vous des choses à dire au comité sur l'opportunité d'une étude du contenu dans le secteur des télécommunications? Les exemples que vous nous avez donnés ne nous permettent pas de bien comprendre si la question a une incidence réelle. Toutes choses restant égales par ailleurs, la plupart des pays dont vous avez parlé sont des nations qui possèdent une culture solide, comme la Pologne et l'Allemagne. Je vois mal l'Allemagne éclipsant la France—du moins, j'espère que ce n'est pas le cas—ou s'implantant en France, à moins que tout le monde soit prêt à recourir au sous-titrage.
La situation au Canada est un peu différente, puisque les cultures sont semblables et que le marché américain est très dynamique et très fortement capitalisé. Serait-il possible qu'on éprouve le besoin, par exemple, de...? Je ne veux pas vous attirer dans le domaine de la radiodiffusion, mais par souci d'équilibre, ne faudrait-il pas s'intéresser aussi au contenu dans les télécommunications?
º (1635)
M. Dimitri Ypsilanti: Est-ce que vous voulez savoir s'il faut réglementer une société de télécommunication qui fournit un contenu de type radiodiffusion?
M. Dan McTeague: C'est cela.
M. Dimitri Ypsilanti: Je suis un partisan de la convergence et de la compétition entre différentes plateformes, qui commencent effectivement à se concurrencer. Je ne suis pas partisan de l'imposition de restrictions sur le contenu ou d'une limitation du type de contenu que peuvent proposer les différentes plateformes.
Comme de telles restrictions existent, il faut concevoir un mécanisme pour séparer la réglementation des infrastructures de la réglementation des services. Il faut au moins traiter tous les intervenants sur le marché de façon uniforme. Je considère qu'il serait très injuste d'imposer aux compagnies de télécommunication des exigences qui ne seraient pas imposées aux câblodiffuseurs, ou vice-versa.
Prenons l'exemple de la France. Le principal télédiffuseur privé en France s'est associé, par une très grosse entreprise en co-participation, avec une compagnie de télécommunication pour fournir du contenu sur ligne d'accès numérique ou sur Internet à haute vitesse. Je ne suis pas certain que les Français sachent ce qu'il faut en faire, car c'est un phénomène qui devrait s'accélérer au cours des prochaines années.
Si l'on veut contrôler le contenu, je pense qu'il faut le distinguer de... Il faut faire preuve d'équilibre, mais il faut le distinguer et veiller à traiter toutes les plateformes équitablement pour qu'elles aient les mêmes possibilités de fournir du contenu que leurs concurrentes.
M. Dan McTeague: J'ai une autre question pour vous deux. Que feriez-vous dans le cas où les câblodiffuseurs pourraient bénéficier d'un fonds de production leur permettant d'obtenir un certain montant de fonds publics auprès des abonnés, contrairement aux compagnies de télécommunications? Je n'essaye pas de monter les uns contre les autres. Mais compte tenu des expériences antérieures, ne faut-il pas se placer dans un contexte mondial...où on ouvre le marché aux investisseurs étrangers en leur disant qu'ils ne pourront pas intervenir sur le contenu mais qu'ils auront accès à des fonds publics grâce à la structure de facturation des clients, ce qui leur permettra d'obtenir un bon rendement sur leur investissement, à défaut de pouvoir agir sur le contenu?
On ne souhaite certainement pas voir sur un pied d'égalité ceux qui, d'une façon ou d'une autre, sont des transporteurs du produit.
Le président: Monsieur Buchanan, allez-y.
M. Grant Buchanan: Je ne suis pas totalement sûr d'avoir bien compris votre exemple. Dans le monde actuel, on trouve Bell Canada, qui est à la fois une compagnie de téléphone et une EDR, titulaire d'une licence pour sa société BellExpressVu ainsi que d'une licence de diffusion directe. C'est aussi une entreprise de programmation pour ses services de télévision à la carte. Tout cela fonctionne parfaitement bien. Bell réussit à attirer des capitaux et s'est débarrassée de ses capitaux étrangers.
Ce qu'il faut se demander, c'est si on va améliorer les choses ou les détériorer en modifiant les règles, car il semble qu'elles donnent actuellement de bons résultats en ce qui concerne l'attrait des capitaux.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi votre exemple en ce qui concerne le fonds de production. Qui pourrait s'y approvisionner? S'agit-il de financement privé ou public...?
M. Dan McTeague: Les dispositions sur le financement des câblodiffuseurs permettent actuellement de récupérer un certain pourcentage. Une partie des infrastructures mises en place par les câblodiffuseurs est récupérable dans le cadre du programme de base. Il y a quelques années, on l'appelait CAPEX. Ce programme s'est terminé et s'est transformé en un certain nombre d'autres entités, dont le Fonds canadien de production télévisuelle; évidemment, les compagnies de télécommunications n'ont sans doute pas l'équivalent.
Je vous ai mentionné cet exemple pour vous demander si, dans une situation idéale où on ouvrirait les portes à l'investissement étranger, ce ne serait pas un motif pour dire que l'on peut déjà capitalisé une partie de l'investissement et que, par conséquent, l'investisseur étranger n'aura pas à s'engager à augmenter ses installations essentielles; c'est déjà acquis.
Je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais c'est un point important.
Prenons un autre exemple : est-ce qu'on va vraiment dire aux Canadiens que l'investissement étranger n'est que la première étape et qu'il y aura ensuite la libéralisation des tarifs locaux comme on l'a fait aux États-Unis en 1999, ainsi que l'a rappelé M. Ypsilanti? Tout cela est en préparation, ne vous inquiétez pas, l'investissement étranger n'est que la première étape; ensuite, on va procéder à la déréglementation des tarifs locaux, on va s'occuper des conséquences sur le contenu, etc. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller? Jusqu'où faut-il aller dans cette voie?
Je comprends l'argument de M. Buchanan, mais je pense, monsieur Ypsilanti, qu'il y a lieu de s'inquiéter de la prochaine étape une fois qu'on aura ouvert la porte à l'investissement étranger.
º (1640)
M. Dimitri Ypsilanti: Si je comprends bien, nous parlons des infrastructures en télécommunications et des investissements qu'elles nécessitent, ainsi que des services de télécommunication et des restrictions qui s'y appliquent. Je suis mal placé pour dire qu'il va y avoir une sorte de réaction en chaîne et qu'une fois qu'on aura levé ces restrictions, des pressions vont s'exercer pour que l'on modifie les lois sur le contenu et la programmation. Si cela doit se produire, cela se produira de toutes façons compte tenu de l'évolution actuelle, puisque les entreprises de télécommunications peuvent fournir de la programmation et peuvent y donner accès par l'Internet, où il est beaucoup plus difficile de vérifier l'origine du contenu. Je pense que cela va exercer une pression sur les lois en matière de contenu, beaucoup plus que tous les changements qu'on pourrait apporter au paragraphe 7d) de la Loi sur les télécommunications.
Le président: Monsieur Buchanan, voulez-vous terminer?
M. Grant Buchanan: Du côté de la câblodiffusion, les tarifs de base sont déjà pratiquement déréglementés. La plupart d'entre eux ont été déréglementés l'été dernier, et les quelques tarifs qui sont encore réglementés sont en passe de ne plus l'être. Il ne reste donc pratiquement plus de réglementation canadienne sur les tarifs du câble.
En ce qui concerne les fonds, les gros fonds sont normalement constitués lors des transferts de propriété, à l'exception du Fonds canadien de télévision. On assisterait à une flambée à l'ouverture des portes, avec la création d'un fonds qui durerait quelques années avant d'expirer. Et tout serait fini; ce serait le prix de sortie pour la perte de la propriété canadienne dans le secteur des EDR.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons à M. Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je voudrais faire quelques brefs commentaires.
J'ai du mal à concevoir que des groupes élitistes canadiens contrôlent et monopolisent les exploitants historiques et décident de ce qui est bon pour les Canadiens. Si l'avenir de notre nation exige que l'on impose Da Vinci's Inquest au nom du Canada, je crains que nous soyons condamnés à connaître de graves difficultés. Je préférerais un système dans lequel le consommateur canadien aurait son mot à dire en matière de choix de contenu, au lieu de laisser les décisions aux technocrates et aux exploitants historiques canadiens.
J'ai remarqué que plusieurs fournisseurs canadiens de contenu se plaignent déjà des monopoles prévus dans les contrats d'affiliation; ce sont les controverses impliquant Québécor et le système Bell.
Je tenais à le signaler. Mais je m'interroge surtout sur la règle des 46 p. 100 de propriété. On semble prêter à ce chiffre une vertu magique, en s'imaginant que s'il est dépassé, quelqu'un va pouvoir exercer un contrôle. À mon avis, si Ted Turner achetait 46 p. 100 de Bell Canada, il serait capable de nommer les membre du conseil d'administration et le PDG. Rien ne l'en empêcherait, compte tenu du grand nombre des actionnaires. Disney ou une autre société pourrait en faire autant.
Je ne comprends pas comment on en est venu à ce chiffre de 46 p. 100, car il ne permet pas d'atteindre l'objectif visé. Si aucune loi ne peut empêcher Ted Turner d'acheter 46 p. 100 de Bell Canada, il va pouvoir contrôler la compagnie, puisque les 54 p. 100 restants ne seront pas en mesure... même en concluant des alliances, les autres actionnaires ne pourront pas surmonter cette domination de l'actionnariat.
J'aimerais avoir vos réponses, car je n'accepte pas ces 46 p. 100.
º (1645)
M. Grant Buchanan: Les 46 p. 100 sont l'un des éléments d'un système de défense multiple. Il ne s'agit que d'actions avec droit de vote.
M. Brian Fitzpatrick: Quels sont les autres éléments?
M. Grant Buchanan: L'investisseur ne peut pas contrôler le conseil d'administration ni nommer le PDG; il ne peut pas non plus exercer de contrôle par des moyens juridiques ou contractuels. Il y a une multitude de règles qui régissent tout ce dont vous venez de parler et qui empêchent la prise de contrôle.
Mais il ne s'agit pas de 46 p. 100 d'une seule société. L'investisseur a 20 p. 100 au niveau de la société exploitante, puis 33 p. 100 au niveau de la société de portefeuille, pour un intérêt économique combiné de 46,77 p. 100.
Il y a donc un certain nombre d'autres éléments de défense.
M. Brian Fitzpatrick: Ma question supplémentaire est la suivante. Bill Gates et Microsoft élaborent une stratégie qui permettra, si elle aboutit, de diffuser du contenu sur Internet.
Je ne suis pas prêt à parier contre Bill Gates. Bien des gens ont perdu de l'argent en essayant de parier contre lui.
S'il réussit et que le contenu commence à circuler sur l'Internet grâce à ce système, pensez-vous que nous allons devoir apporter rétroactivement des changements à notre structure de réglementation pour constituer une police du contenu qui essaiera de contrôler ce que diffuse l'Internet, conformément au contrôle imposé à la câblodiffusion?
M. Grant Buchanan: Je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter de devoir imposer des mesures rétroactives. Pourtant, la question que vous posez est intéressante. Nous nous demandons tous ce qui va se passer le jour où on pourra obtenir sur Internet le genre de contenu que l'on juge opportun de ne pas diffuser actuellement.
Aujourd'hui, on peut commander un film par Internet, mais il faut s'y prendre un jour à l'avance et attendre—et éventuellement, le faire faire par ses ados, etc. Mais un jour viendra où...
M. Brian Fitzpatrick: Mais nous faisons aussi des règlements pour demain, et pas uniquement pour aujourd'hui.
M. Grant Buchanan: Je comprends bien, et nous devons nous en préoccuper. Ce n'est pas uniquement une question de contenu canadien. Tous les pays sont confrontés aux problèmes des messages haineux et de la pornographie, et de tout ce que l'on peut trouver sur Internet.
Tout cela est nouveau pour nous. Tout le monde se demande ce qu'il faut faire. Mais je ne suis pas certain qu'il faille déjà élaborer toutes les règles en prévision du jour où cela pourrait arriver.
Au fil des ans, on a découvert des façons novatrices de réglementer une partie de ce qui se diffuse sur l'Internet, mais en fait, nous ne pouvons pas répondre complètement à votre question.
M. Brian Fitzpatrick: Revenons à la question du contenu.
Compte tenu de la propriété canadienne de ces monopoles, si je peux employer cette formule, est-ce que ce sont les gardiens ou les protecteurs de la culture canadienne, etc.? Qui a-t-il de mal à ce que les gens de ma province, la Saskatchewan, choisissent ce qu'ils veulent?
Si je m'adresse à un câblodiffuseur ou à un fournisseur de service par satellite, je dois prendre 80 ou 90 canaux. En toute franchise, ils ne m'intéressent pas tous, surtout pas Da Vinci's Inquest, mais je devrais payer pour l'ensemble et subventionner tous les canaux, pour la bonne raison que quelqu'un, dans ce groupe élitiste, estime que c'est bon pour notre nation. Mais le téléspectateur canadien moyen ne trouve pas cela bien important. Pourquoi ne pas libéraliser le système et laisser les canadiens choisir le contenu qu'ils veulent? Si nous avons vraiment une culture, est-ce qu'ils ne peuvent trouver quelque chose qui leur plaise?
M. Grant Buchanan: La réponse, c'est que le groupement de canaux par bloc fait diminuer le coût de tous les éléments de l'ensemble. L'historie nous a appris que la plupart des téléspectateurs regardent essentiellement six ou sept canaux. Chacun à ses préférences, qui varient de l'un à l'autre. S'il fallait établir le prix de chaque canal choisi à la carte, la facture serait plus élevée que pour un abonnement en bloc.
Les coûts économiques sont donc répartis sur l'ensemble du pays. Chacun apporte sa petite contribution et finalement, on obtient un service de meilleure qualité à meilleur marché.
Vous constaterez peut-être que vous regardez moins de canaux que la moyenne, ou que ceux qui vous plaisent coûtent moins cher, mais vous serez sans doute l'exception plutôt que la règle.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick et monsieur Buchanan. Je vois que le temps passe et avant de vous laisser partir, je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
À vous, monsieur Marcil.
º (1650)
[Français]
M. Serge Marcil: Merci, monsieur le président.
Il y a des modèles qui sont très théoriques. Donc, la plupart des professeurs qui sont venus nous rencontrer ont toujours exposé des modèles économiques où il y a souvent certaines nuances au niveau de l'application. On fait aussi souvent la comparaison entre deux marchés, soit le marché européen et le marché nord-américain. On retrouve, dans le marché européen, une seule communauté maintenant, parce que tous les membres de la communauté européenne ont un même passeport et sont donc libres de voyager d'un pays à l'autre. Les économies étant presque toutes intégrées comme telles, il n'y a donc presque pas de restrictions, pour ne pas dire qu'il n'y en a pas.
En ce qui concerne l'Amérique du Nord, on parle de trois identités complètement différentes: le Canada, avec une population de 30 millions d'habitants; le Mexique; et les États-Unis, où il y a à peu près 285 millions d'habitants. Lorsqu'on fait la comparaison entre les États-Unis et l'Europe, actuellement, ce sont deux marchés qui s'équivalent dans le sens où il y a environ 300 millions d'habitants dans le marché européen comme tel; c'est un marché intégré. Sauf que lorsqu'on compare le Canada avec les États-Unis, c'est une toute autre histoire. On parle d'un géant, et même si le Canada a le deuxième plus grand territoire au monde, en termes de population et d'économie, on n'est pas là du tout.
Donc, lorsqu'il est question de déréglementation, c'est vrai que théoriquement parlant, les marchés devraient être ouverts, on devrait créer la compétition, etc.; sauf que les multinationales, elles, ne font pas de pastorale. Elles s'occupent d'économie, donc de rentabiliser leurs investissements, puis elles choisissent les endroits, et ainsi de suite.
Quand on compare les États-Unis au Canada, on voit que dans le marché nord-américain, où on devrait avoir une facilité à vendre nos produits, notamment le bois d'oeuvre, les Américains ont décidé, du jour au lendemain, d'imposer une taxe à l'exportation de 27 p. 100. Donc, j'essaie de voir... Si on déréglemente le marché au niveau des télécommunications, est-ce qu'on ne risque pas, à ce moment-là, que l'entreprise américaine qui est au moins 10, 15 ou 20 fois plus forte que l'entreprise canadienne, puisse devenir propriétaire de tout ce qu'on appelle télécommunications au Canada.
Dans le domaine du contenu, compte tenu que nos entreprises canadiennes interviennent actuellement à peu près aux deux niveaux... Je prends comme exemple Vidéotron, qui oeuvre autant au niveau de la distribution qu'au niveau du contenu. On a une petite machine ici. Il y a un fil qui joue le rôle de transporteur, mais il y a quelqu'un qui a mis un message dedans, et ce message, en apparaissant à l'écran, devient le contenu. Donc, il est propriétaire du message en même temps.
Donc, en déréglementant, on ne risque pas d'avoir une compétition de l'Europe, mais on risque davantage d'avoir un envahissement du capital américain et une prise de contrôle de l'entreprise canadienne. On a vu certains cas où des entreprises canadiennes ont été achetées par des entreprises américaines, ce qui a mené à la fermeture des entreprises et au transfert des sièges sociaux plus au sud.
Monsieur Ypsilanti, je ne sais pas comment vous réagissez à mes commentaires, mais le fait de comparer le Canada aux Américains... Vous remarquerez qu'au Mexique, aucune compagnie étrangère ne peut devenir majoritaire. Elles sont limitées à 49 p. 100 des actions d'une entreprise. Donc, ils protègent leur marché.
Comment voyez-vous cela par rapport au marché européen? Peut-on dire que le même phénomène pourrait se produire ici, sur le continent nord-américain, ou risque-t-on davantage de perdre à peu près tout ce qui s'appelle propriété canadienne? Je ne sais pas si ma question est trop vaste.
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: Je crois qu'on nous a posé une question semblable tout à l'heure. Vous faites une comparaison entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Je voudrais vous faire remarquer qu'au sein de l'Union européenne, on trouve des économies de très petites dimensions, comme le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique, et des économies plus importantes comme le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie. Je ne pense pas que la libéralisation des télécommunications ait entraîné une perte de marché pour les petits pays.
Certains des grands exploitants historiques comme Deutsche Telekom ou France Télécom n'ont pratiquement pas essayé de s'implanter sur d'autres marchés. Ils ont eu beaucoup à faire pour résister à leurs concurrents, pour essayer de prendre de l'expansion dans de nouveaux secteurs; Deutsche Telekom s'est complètement retiré du marché européen pour venir aux États-Unis, tandis que France Télécom s'implantait en Europe centrale et orientale. Il n'y a pas eu d'effondrement des fournisseurs locaux de services et je ne vois pas pourquoi on devrait nécessairement s'attendre à ce qu'un tel effondrement se produise au Canada.
Le Canada a d'excellents opérateurs de télécommunications, tant parmi les nouveaux venus que parmi les exploitants historiques, qui sont parfaitement capables de se défendre face aux nouveaux venus américains. Les exploitants historiques ont des noms bien connus, ce qui est important. Les nouveaux venus vous diront qu'il est très difficile de concurrencer l'exploitant historique, parce que tout le monde connaît Bell Canada. Les Canadiens tiennent à Bell Canada comme les Américains tenaient beaucoup à AT&T. Les utilisateurs mettent du temps à s'habituer au changement, je ne pense donc pas qu'il faille s'attendre à un effondrement soudain ni à une prise de contrôle.
Il va y avoir de nouveaux investissements et de la concurrence, ce qui devrait favoriser les utilisateurs. En définitive, il faut rechercher les solutions les plus avantageuses pour les utilisateurs, c'est-à-dire les consommateurs et les entreprises.
º (1655)
Le président: Je vous remercie, monsieur Marcil.
Je vais maintenant donner la parole à M. Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
Je vais continuer sur ce que M. Marcil a soulevé. Au fond, dans tous les exemples que vous nous donnez par rapport aux États-Unis, il y a partout une langue qui est différente de l'anglais, alors qu'ici, en Amérique du Nord, le marché, particulièrement au Canada anglais, est de ce fait directement touché par le géant américain.
Ne pensez-vous pas que c'est une situation particulière? J'aimerais voir si vous pouvez nous donner d'autres situations où quelque chose de semblable se passe, c'est-à-dire où il y a un géant qui parle la même langue qu'un plus petit, et j'aimerais que vous nous disiez comment le plus petit se débrouille pour garder sa place.
Je pense que la question de la langue est très importante là-dedans. Par exemple, au Québec, la barrière de la langue fait qu'on est très protégés de l'arrivée des Américains. Je ne parle pas des compagnies du sans-fil ou de choses du genre, mais des compagnies qui touchent l'aspect culturel. Est-ce que vous pouvez me donner d'autres exemples? Sinon, est-ce que vous avez des suggestions à nous faire pour qu'on puisse s'assurer que la culture du Canada anglais puisse survivre si jamais on libéralise le marché de ce côté-là?
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: Nous sommes passés de l'investissement dans les télécommunications à la culture. Encore ici, on pense d'emblée que les modifications à l'alinéa 7b) et l'ouverture du marché de l'investissement au contenu entraîneront une réaction en chaîne.
Votre question semble reposer sur le postulat de la faiblesse et même de la quasi inexistence de la culture canadienne, puisqu'elle serait emportée par le moindre changement. Je ne suis pas de cet avis. Je suis citoyen canadien mais né en Grèce, et je suis toujours étonné par la quantité de contenu grec qu'on trouve dans l'Internet et qui provient non de la Grèce, où la concurrence est insuffisante, mais du Canada et des États-Unis. À cet égard, la communauté gréco-canadienne est particulièrement dynamique parce qu'elle profite de l'accès à l'Internet et du service Internet haute vitesse pour participer.
À mon avis, il ne faut pas lier les avantages qu'apporteraient les investissements élargis et une plus grande concurrence dans le secteur des télécommunications et des infrastructures et la question du contenu. Les deux choses sont bien distinctes, et la concurrence en ce qui a trait aux infrastructures mènera à un contenu plus vaste plutôt qu'à l'élimination du contenu canadien.
» (1700)
[Français]
M. Paul Crête: Disons qu'un géant américain qui oeuvre à la fois dans les domaines du transport de l'information et de la création décide d'acheter, en vertu des règles qui existeraient dans le cas où il y aurait une libéralisation totale des marchés, des équivalents canadiens, même s'ils étaient seulement dans les domaines du transport, de la livraison et de la distribution. Ne pensez-vous pas qu'avant longtemps, le propriétaire américain dirait qu'il est en mesure de leur vendre beaucoup moins cher l'émission du lundi soir qui recueille telles cotes d'écoute, en la remplaçant par une émission équivalente qu'il aurait faite aux États-Unis et qui véhiculerait des valeurs qui seraient celles des États-Unis, qui ne sont pas nécessairement les nôtres?
On a vu cela dans le cas de la série télévisée Dallas, par exemple, qui a été vendue au Canada et qui a été traduite dans plusieurs langues. Mais si la personne qui produit l'émission a les moyens de la vendre à un prix tel que ça devient beaucoup plus rentable de faire passer la copie de la série américaine que d'en produire une soi-même, est-ce qu'il n'y a pas là un impact économique certain pour le Canada?
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: Je pense que les entreprises s'efforceront de vendre des produits lucratifs auxquels les consommateurs tiennent. Aussi, il se peut bien que les consommateurs ne veuillent pas des produits que les Américains tenteront de leur vendre.
Il faut aller de l'avant, jusqu'à la prochaine génération, celle du service Internet haute vitesse, et où la vitesse sera beaucoup plus élevée que maintenant. Vous pourrez alors choisir votre contenu sans aucune restriction, car vous pourrez faire affaire avec le fournisseur de service de votre choix, quel qu'il soit. Vous serez également en mesure d'acheter des films et les voir non à l'ordinateur, mais peut-être sur votre écran de téléviseur. On assistera donc à tous ces changements que vous avez évoqués, à de nouveaux mécanismes de prestation du contenu. Il faudra qu'on veille à ce que le marché soit assez dynamique pour que les fournisseurs de contenu canadiens puissent tirer leur épingle du jeu face aux grandes entreprises. C'est la seule chose que nous devons faire.
Je doute qu'une compagnie américaine veuille s'implanter ici dans l'intention de dominer l'ensemble du marché, ce ne sera certainement pas le fait d'une entreprise de télécommunications.
Le président: Monsieur Normand, allez-y.
[Français]
M. Gilbert Normand: J'ai seulement une très courte question à poser et, en même temps, une remarque à faire.
Je pense que la discussion oscille surtout entre le contenu et l'infrastructure de véhicules. Personnellement, comme Canadien, je pense qu'on est capables de produire des émissions de qualité avec un contenu qui ira chercher les téléspectateurs. Si le contenu n'est pas bon, c'est sûr et certain que les gens vont zapper. Ça, c'est définitif. On a vu une émission comme Un gars, une fille être traduite en sept langues parce que c'était une émission qui prenait non seulement ici, mais en Suisse, en Belgique et un peu partout. Alors, à mon avis, il faut faire beaucoup plus confiance aux productions canadiennes qu'on le fait actuellement. Oui, il faut être prudent, mais je pense qu'il faut faire plus confiance aux productions canadiennes.
Par contre, je remarque autre chose. Dans à peu près tous les pays, on a mis des restrictions pour la propriété des bases de télécommunications, ce qui a aidé des grandes compagnies de base, que ce soit au Mexique, en Suisse, en Nouvelle-Zélande, en Australie. Ici, au Canada, je pense que la grande compagnie, c'est Bell Canada.
Alors, est-ce qu'on doit être sélectif dans les contrôles que l'on doit garder, particulièrement au niveau de l'infrastructure?
[Traduction]
M. Dimitri Ypsilanti: Non, je ne le pense pas. Je le répète, il faut garder à l'esprit que bon nombre des compagnies européennes déjà en place étaient de véritables sociétés d'État, parfois même des entités organiques. On a bel et bien commencé à en faire des entreprises dans le sens courant du terme puis à les privatiser, mais le processus a été plus long que prévu. Cela tient à des considérations politiques et au besoin d'obtenir des appuis politiques plus vastes.
De plus, dans les pays où on allait privatiser entièrement les compagnies, les ministères des finances ont suspendu le processus en ce sens, en raison d'un marché boursier défavorable et qui demeure peu intéressant en ce moment. La privatisation a donc été interrompue. Toutefois, aucun gouvernement n'a l'intention de maintenir son emprise sur les compagnies en place. L'État réduira sa participation avec le temps.
À titre d'exemple, l'un des pays où j'imaginais que le gouvernement maintiendrait l'étatisation, la République de Corée, a entièrement privatisé son entreprise en place ces dernières années. On a maintenu des limites à l'investissement étranger, mais la compagnie de télécommunications est maintenant privée.
La privatisation se fera graduellement. En Europe, au fur et à mesure qu'on privatisera, et qu'on atteindra la privatisation totale, les restrictions sur la propriété étrangère disparaîtront.
» (1705)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Masse, la parole est à vous.
M. Brian Masse: Je vous remercie, monsieur le président.
Bien que les témoins d'aujourd'hui en aient peu ou pas du tout parlé, la question de la recherche et du développement a été soulevée par d'autres que nous avons entendus auparavant. Estimez-vous que l'assouplissement des règles aura pour effet d'augmenter la recherche et le développement dans cette industrie au Canada?
M. Dimitri Ypsilanti: Par définition, il me semble que oui, parce que de nouvelles entreprises entreraient au pays. La plupart d'entre elles pourraient cependant effectuer leurs activités de recherche et de développement par impartition, et non à l'interne. D'habitude, elles offrent des contrats à des entreprises locales. En outre, la plupart des nouvelles entreprises importeraient les nouvelles technologies de pointe et d'autres innovations de leur pays d'origine. Je pense donc qu'il y aurait davantage de recherche et développement.
M. Brian Masse: Convenez-vous que le Canada est l'un des pays du monde où la propriété étrangère est la plus répandue?
M. Dimitri Ypsilanti: Je peux parler seulement des pays de l'OCDE, c.-à.-d. les 30 économies les plus développées au monde. Je vous ai montré cela sur la diapositive. En fait, le Canada compte moins d'entreprises étrangères que... Mais le Canada se place entre la Corée, le Mexique et la Turquie.
M. Brian Masse: Nous sommes l'un des pays où la propriété étrangère est la plus répandue. Or cette réalité a toujours été liée à de faibles activités de recherche et de développement, au point où le gouvernement a été obligé de s'en occuper. Plus la propriété étrangère s'est accrue, moins il y a eu de recherche et de développement.
Compte tenu de cela, essayez de me persuader que la recherche et le développement augmenteront dans cette industrie quand dans le passé elle a reculé. Je sais qu'une étude d'Industrie Canada a établi une corrélation entre une augmentation de la propriété étrangère et une diminution de la recherche et du développement. Pourquoi les résultats seraient-ils différents cette fois-ci?
M. Dimitri Ypsilanti: Excusez-moi, mais demandez-vous pourquoi il y a moins de recherche et de développement que d'entreprises de télécommunications?
M. Brian Masse: Vous avez affirmé que la recherche et le développement augmenteraient. Toutefois, au contraire, plus le Canada a permis à des intérêts étrangers de s'implanter, moins il y a eu de recherche et de développement. Pourquoi les choses seraient-elles différentes cette fois-ci? Pourquoi y aurait-il augmentation?
M. Dimitri Ypsilanti: Votre question me déroute, parce que vous avez dit qu'il y a eu croissance lorsque nous avons limité la propriété étrangère. Cela remonte à bien des années, avant l'existence des monopoles. Je ne vois pas où vous voulez...
» (1710)
M. Brian Masse: Je vais tenter de reformuler mes propos. Vous avez affirmé qu'au fur et à mesure qu'augmenterait la participation d'intérêts étrangers dans ce secteur, particulièrement par la voie d'actions avec droit de vote, il y aurait davantage de recherche et de développement. Pour ce qui est des actions sans droit de vote, les compagnies peuvent toujours les acquérir car il y a beaucoup de latitude à cet égard. Toutefois, en général au Canada, la propriété étrangère ne s'est pas accompagnée d'une intensification de la recherche et du développement, et d'ailleurs, un rapport d'Industrie Canada le démontre. Compte tenu de cela, pourquoi est-ce qu'il y aurait plus d'activités de ce genre dans cette industrie-ci?
M. Dimitri Ypsilanti: Vous faites allusion à la recherche et au développement dans l'économie industrielle en général par opposition à ce qui se passerait dans le secteur des télécommunications comme tel.
M. Brian Masse: Oui, décrivez-moi la différence, si vous le voulez bien.
M. Dimitri Ypsilanti: À mon avis, le secteur des télécommunications est à forte concentration en recherche et en développement. L'ensemble du secteur de l'information et des communications est beaucoup plus dynamique, mais le sous-secteur des télécommunications tout particulièrement, qui fait une grande consommation des technologies de l'information et des communications. Je dirais même que pour demeurer dans la course, il faut être à la fine pointe de ces activités. C'est cette réalité qui inciterait les entreprises à augmenter leurs activités de recherche et de développement.
M. Brian Masse: Est-ce qu'on a observé ce genre de résultat dans d'autres pays où on a imposé ou au contraire éliminé les restrictions à la propriété étrangère?
M. Dimitri Ypsilanti: Nous ne nous sommes pas penchés là-dessus dans le cours de nos études du secteur, mais il ne fait aucun doute que les entreprises s'efforcent de faire entrer au pays la technologie la plus moderne. Cela a nécessairement une incidence sur les compétences des gens, puisque la technologie impose un apprentissage pour qu'on réussisse à s'en servir.
M. Brian Masse: C'est quand même différent de la création d'activités de recherche et de développement dans son propre pays. Il s'agit ici d'en importer...
M. Dimitri Ypsilanti: Ici encore, il y a lieu de faire une distinction entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Je ne m'y connais pas vraiment, mais je dirai tout de même que l'on assistera à un plus grand nombre de nouvelles applications et de retombées, grâce surtout à la recherche appliquée et au développement.
M. Brian Masse: Il serait quand même intéressant de savoir si dans les pays où on a permis aux compagnies étrangères de s'installer et de grandir, elles ont effectivement lancé des activités de recherche et de développement et les ont intensifiées. Peut-être pourrions-nous étudier cela.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur McTeague, la parole est à vous.
M. Dan McTeague: Monsieur Ypsilanti, j'aimerais passer à un autre sujet très rapidement et vous poser deux très courtes questions auxquelles, j'espère, vous pourrez répondre sans trop d'hésitation.
Premièrement, de tous les pays de l'OCDE que vous avez étudiés, le Canada est-il le seul où la compétence en matière de télécommunications et de radiodiffusion est divisée? Y a-t-il d'autres pays où existe encore ce que nous avions avant 1985, à savoir un seul ministère responsable à la fois des télécommunications et de la radiodiffusion?
Deuxièmement, a-t-on atteint la limite d'investissement étranger de 20 p. 100 que nous avons fixée? Y a-t-il des cas où cette limite n'a pas été atteinte? En règle générale, a-t-on profité de cette limite de 20 p. 100 ou y a-t-il des cas où on est resté bien en-deçà?
M. Dimitri Ypsilanti: Pourriez-vous étoffer votre deuxième question?
M. Dan McTeague: Nous envisageons de relever le plafond de 20 p. 100 pour la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications. Y a-t-il des sociétés de télécommunications qui n'ont pas atteint cette limite de 20 p. 100?
M. Dimitri Ypsilanti: Je n'ai pas examiné cette question. Je ne peux vous répondre.
Dans votre première question, vous abordez le sujet des organismes de réglementation distincts, l'un pour les télécommunications et l'autre pour la radiodiffusion. Je ne peux vous donner un chiffre précis, mais je dirais que la majorité des pays de l'OCDE ont des institutions distinctes, l'une qui réglemente les services et l'infrastructure de télécommunications et l'autre qui s'occupe de la radiodiffusion et du contenu.
Au sein de la Commission européenne, on préconise la convergence et on tente de faire adopter des règlements en conséquence. On examine différents modèles. Au Royaume-Uni, on vient de mettre sur pied Ofcom, qui réunit l'ancien Oftel, qui réglementait les télécommunications, et l'organisme de réglementation de la radiodiffusion. Il y a donc un mouvement en ce sens en Europe. Mais certaines des réserves qui ont été exprimées aujourd'hui le sont aussi dans certains pays, dont la France.
» (1715)
M. Dan McTeague: Merci. Certains d'entre nous se demandent s'il ne serait pas plus efficient d'avoir un seul ministère responsable de ces deux domaines, plutôt que deux organismes qui tentent de tirer les mêmes conclusions sans se quereller.
M. Dimitri Ypsilanti: Je crois que ce serait plus efficient.
M. Dan McTeague: Merci.
Le président: Merci, monsieur McTeague.
Y a-t-il d'autres questions du côté de l'opposition? Monsieur Fitzpatrick, à vous la parole.
M. Brian Fitzpatrick: Il y a une chose que j'aimerais comprendre. Je ne connais pas en détail le fonctionnement de la câblodistribution, mais je crois en savoir un peu. L'entreprise de câblodistribution fournit l'équipement. Il y a aussi tous ceux qui veulent faire diffuser leurs émissions par câble. Ils signent une entente avec le câblodistributeur à cette fin. S'il y a des problèmes, on s'adresse au CRTC. Le CRTC est l'organisme de réglementation qui impose sa volonté au câblodistributeur. Grâce à ce mécanisme, on peut verser de l'argent aux producteurs canadiens comme le groupe Alliance qui produit des émissions et des films merveilleux à contenu canadien tels que Bowling à Columbine : Le Jeu des armes.
Je ne suis pas certain en quoi la propriété du système de câblodistribution changerait selon ce scénario. Si ce n'était pas Rogers mais une entreprise américaine qui en était propriétaire, je ne crois pas que ces exigences réglementaires changeraient bien des choses. M. Buchanan est parti, mais je crois qu'il a dit que la propriété ne faisait pas une grande différence. Ted Turner ne peut pas contrôler le contenu de toute façon, parce qu'il y a bien des obstacles réglementaires et autres. Croyez-vous que la propriété du système canadien de câblodistribution soit réellement cruciale pour garantir un contenu canadien pour les Canadiens?
M. Dimitri Ypsilanti: Comme je l'ai dit plus tôt, il importe surtout de prévoir une réglementation distincte pour le contenu et pour la distribution, ce que les divers pays qui parlent de convergence tentent de faire. Ils s'assurent de concevoir un cadre réglementaire s'appliquant seulement à la distribution et, s'ils veulent imposer des restrictions au contenu, ça fait l'objet d'une réglementation distincte. Je ne crois pas non plus que la propriété de l'infrastructure ait une grande incidence sur le contenu.
M. Brian Fitzpatrick: Je voudrais faire une observation. Sur les sept ou huit chaînes qui me plaisent, trois sont canadiennes et se comparent favorablement à n'importe quelle autre. Je préfère nettement Report on Business Television à toute autre émission américaine semblable et TSN à ses concurrents. Je crois que si on donne aux Canadiens la liberté de choisir, ils choisiront ce qui est véritablement canadien et, en dernière analyse, c'est la qualité qui gagnera. Réglementer la propriété étrangère est inutile.
Le président: Est-ce votre dernière question?
M. Brian Fitzpatrick: Oui, c'est tout pour moi.
Le président: Monsieur Ypsilanti, je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui, non seulement pour nous présenter votre exposé mais surtout pour avoir répondu aux nombreuses questions des membres du comité.
M. Dimitri Ypsilanti: Merci à vous, monsieur le président.
Le président: Nous passons maintenant à la motion déposée par M. Crête.
Monsieur Crête, voulez-vous nous l'expliquer?
[Français]
M. Paul Crête: Je vous remercie de consacrer du temps à cette motion. Je vais la lire rapidement:
Que le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie convoque, dans les plus brefs délais, les pétrolières afin d'étudier les causes possibles de la hausse inexpliquée des prix de l'essence, notamment une collusion entre les pétrolières, les effets négatifs majeurs de cette hausse sur l'économie, et de recommander des mesures correctives appropriées au gouvernement fédérale. |
Je pense que je n'ai pas besoin d'extrapoler sur la situation que nous vivons présentement. On sait que cette situation est revenue périodiquement dans le passé, mais notre défi serait peut-être de pouvoir l'examiner à fond de telle façon à pouvoir arriver avec des recommandations adéquates. D'autant plus que présentement, on a plusieurs indices, qui ont d'ailleurs été relevés par d'autres membres du comité aussi, notamment le vice-président, qui révèlent qu'il y a lieu de fouiller pour voir qui est responsable et s'il y a vraiment une justification de marché aux augmentations actuelles. Donc, c'est dans cet esprit que je fais cette proposition.
» (1720)
[Traduction]
Le président: Y a-t-il des questions?
Normand.
[Français]
M. Gilbert Normand: Je pense qu'il faudrait que M. Crête précise ce qu'il veut dire par « dans les plus brefs délais » parce que, personnellement, je pense que ça devrait être dans les quelques semaines qui viennent, avant même l'étude qui était prévue sur la question des brevets.
M. Paul Crête: Là-dessus, je suis prêt à tenir compte de l'agenda du comité. Si M. McTeague est d'accord, il y avait une période de prévue pour l'étude du projet de loi qui a déjà été reportée. Malheureusement, je ne me souviens pas du numéro du projet de loi et je ne sais pas si ça pourrait être possible techniquement pour la Chambre, mais si c'était fait à ce moment-là, ça nous permettrait de compléter notre étude sur les télécommunications et d'aborder ensuite cette réalité-là. Entre-temps, les multinationales du pétrole sauraient quand même que nous allons les recevoir, donc elles seraient peut-être être moins gourmandes au niveau du marché.
[Traduction]
Le président: Nous avons prévu des séances jusqu'à la fin de mai, lequel est un mois très occupé puisque nous devons aussi examiner le Budget principal des dépenses et que beaucoup de gens ont demandé à venir témoigner. Notre horaire est donc chargé, mais si nous réussissons à mener à bien nos travaux, nous pourrons passer à l'étape suivante. L'issue de nos travaux dépendra bien sûr de vous. Nous devons traiter du projet de loi C-249, et nous avons prévu deux semaines pour l'étudier. Je ne sais pas s'il nous faudra deux semaines, mais si ça prend moins de temps, nous pourrons prendre un peu d'avance sur notre échéancier.
Je ne veux pas mettre ce projet de loi en veilleuse encore une fois. Nous devons traiter du projet de loi C-249 ou le renvoyer à la Chambre, car nous y sommes tenus par une motion de la Chambre. Je vous prierais donc de ne pas m'obliger à reporter encore une fois ce projet de loi. Ça dépend de nous tous; si nous réussissons à abattre tout notre travail, nous pourrons nous occuper de ce projet de loi.
M. Dan McTeague: Monsieur le président, ce qui m'étonne, c'est que je serai le premier visé. Je comprends vos inquiétudes concernant le projet de loi C-249. Quand nous avons amorcé notre étude des télécommunications, je me souviens très bien avoir demandé ce qui se passerait si des choses plus urgentes survenaient et, bien sûr, celle-ci est urgente.
Si mes collègues me le permettent, je sais que le greffier est absent, mais je crois...
[Français]
Je ne sais pas si le greffier, M. Pagé, a donné une date ferme ou précise pour aller devant la Chambre demander une autre date.
[Traduction]
Je crois que, dans le passé, nous avons demandé à la Chambre de nous donner plus de temps. En l'occurrence, puisque cette mesure législative porte sur le secteur de l'énergie, nous aurions un bon argument. Si le comité le souhaite, je suis prêt à travailler avec M. Crête et d'autres députés pour réduire le temps que nous consacrerons au projet de loi C-249 afin que nous disposions d'une ou deux journées de plus pour le reste.
Toutefois, monsieur le président, je ne crois pas que nous pourrons faire une étude exhaustive de l'un ou l'autre sujet si M. Crête tient à ce que des représentants des trois grandes pétrolières et des six pétrolières régionales comparaissent devant notre comité pour nous expliquer pourquoi le prix de l'essence est si élevé. Ses intentions sont louables, mais il faudrait que ça se fasse dans les plus brefs délais.
Selon ce qui se passera, le prix de l'essence pourrait toucher le fond du baril d'ici juin—si j'ose dire.
Le président: Deux choses : comme je l'ai déjà dit, ça dépend du comité. Nous pouvons terminer cette étude-ci plus tôt que prévu et ainsi avoir une plus grande marge de manoeuvre. Par ailleurs, je m'inquiète un peu de vous entendre employer des termes tels que « une collusion entre les pétrolières », et je présume que vous aimeriez présenter des preuves ou des témoignages à ce sujet.
[Français]
M. Paul Crête: Dans sa forme actuelle, la motion dit: « ...d'étudier les causes possibles de la hausse inexpliquée des prix de l'essence, notamment une collusion entre les pétrolières... » Cela indique qu'il s'agit d'une des causes qui peut expliquer la situation.
Mais si cette partie posait problème, notamment en ce qui concerne les mots « une collusion entre les pétrolières », et que quelqu'un proposait un amendement à cette partie, je ne verrais pas d'objection à ce qu'on la retire. Ce que je veux, c'est faire en sorte qu'on les rencontre. Cette partie-là n'est pas nécessairement obligatoire, parce qu'elle est comprise dans les causes possibles. Elle fait partie des causes qui sont énumérées, mais il peut y avoir d'autres causes que je n'ai pas incluses dans ma résolution.
» (1725)
[Traduction]
Le président: D'accord.
Monsieur Fitzpatrick, à vous la parole.
M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais présenter un amendement qui va dans le sens de la motion : après « les pétrolières » nous pourrions ajouter « et d'autres experts », afin que nous n'entendions pas que des représentants des pétrolières. Et plutôt que de parler de hausse « inexpliquée », on pourrait peut-être plutôt employer le mot « récente » et supprimer les termes « notamment une collusion entre les pétrolières ».
Le président: Ça va?
M. Crête voudrait répondre à M. Fitzpatrick.
[Français]
M. Paul Crête: Il y a beaucoup d'éléments. Trois amendements sont associés. D'abord, il y a « des pétrolières et autres experts »; cela ne cause pas de difficultés. Ensuite, pour ce qui est des « causes possibles de la hausse récente », je propose « la hausse récente inexpliquée ». Je suis bien prêt à ajouter le mot « récente », mais j'aimerais qu'on garde le mot « inexpliquée » dans la phrase. Enfin, quant à: « notamment, une collusion entre les pétrolières », il s'agit là d'une des causes qui reste à être évaluée. Si on retire ces mots, je ne m'objecterai pas. Cependant, on doit étudier la question.
[Traduction]
Le président: Je comprends. Alors, vous acceptez d'ajouter « d'autres experts », « récente » et de supprimer « notamment une collusion entre les pétrolières ». Nous avons donc un amendement favorable.
Maintenant, je cède la parole à M. Masse avant de donner la parole aux ministériels.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Je crois qu'en supprimant les termes « notamment une collusion entre les pétrolières », on modifierait considérablement la motion. Je ne crois pas que l'on laisse entendre ici qu'il y a eu collusion. Honnêtement, j'ignore combien de Canadiens vous pourriez trouver qui croient qu'il n'y a pas eu collusion. Il est donc important que les pétrolières viennent expliquer la situation et dissiper le mythe, et que nous puissions mener notre propre enquête. À mon avis, c'est une partie importante de la motion qu'il ne faut pas supprimer. Si vous parlez aux gens ordinaires, vous constaterez que bon nombre d'entre eux croient qu'il y a eu une certaine forme de collusion.
Le président: Monsieur Masse, dans le passé, nous avons mené diverses études. Les députés libéraux ont mené leur propre étude. Si vous tenez à employer le mot « collusion », je vais vous demander des preuves.
M. Brian Masse: Pourquoi, monsieur le président, alors qu'en fait, la motion n'allègue pas qu'il y a eu collusion? Il y a le mot « notamment ». Nous allons explorer les diverses possibilités...
Le président: Ça va plutôt loin, monsieur Masse. Moi...
M. Brian Masse: Nous ne faisons là aucune insinuation. Nous voulons simplement explorer les diverses possibilités et permettre aux pétrolières d'expliquer la situation au public.
Le président: Je préférerais la motion de M. Crête comme l'a modifiée M. Fitzpatrick.
Je cède la parole à M. Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil: J'aimerais seulement obtenir un renseignement, monsieur le président.
Vous dites que si on utilisait le mot « notamment » dans la motion, il faudrait peut-être avoir des preuves de ce qu'on avance.
Est-ce qu'il y aurait moyen de savoir, tout de suite ou demain--quelqu'un autour de la table le sait peut-être déjà--, quelle a été l'augmentation du prix de l'essence aux États-Unis comparativement à celle qu'on a connue Canada?
On pourrait ainsi clarifier la question, étant donné qu'il s'agit des mêmes compagnies.
[Traduction]
Le président: Vous vous lancez là dans l'étude comme telle. Nous avons examiné la Loi sur la concurrence. M. McTeague a fait une étude approfondie à ce sujet. Lorsque nous avons étudié cette loi, les experts nous ont assurés qu'ils n'avaient trouvé aucune preuve de collusion. Si vous voulez inclure ce mot dans la motion, vous serez tenu de fournir des preuves. Le contraire serait injuste.
M. Crête, suivi de M. McTeague.
[Français]
M. Paul Crête: Les deux premiers changements techniques, soit « autres experts » et « récente inexpliquée » sont, à mon avis, ce qu'on pourrait appeler un amendement collectif de bonne foi. Néanmoins, je préférerais que le retrait des mots « notamment, une collusion entre les pétrolières », fasse l'objet d'un vote. Ainsi, la situation serait clarifiée de façon officielle. Il semble en effet y avoir des avis différents autour de cette table. Si on veut considérer cela comme un amendement...
[Traduction]
Le président: Merci. À vous la parole, monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Monsieur le président, j'ai consacré énormément de temps à cette question, et je suis heureux que mes collègues ici présents le reconnaissent. Pour simplifier les choses, car je crois que M. Crête a obtenu un accord de principe sur la tenue de cette étude... Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de parler de collusion pour l'instant, et voici pourquoi.
Monsieur le président, vous avez réussi à obtenir pour nous en mai dernier un rapport d'étude qui laissait entendre que, dans certains domaines, le gouvernement s'intéresse beaucoup à la question de l'article 45 sur les complots, et je crois que c'est sur cette voie que nous nous dirigeons. Mais si nous retirons les mots « notamment une collusion entre les pétrolières », je ne vois pas pourquoi nous n'appuierions pas cette motion très méritoire présentée par M. Crête. En supprimant ces termes, on éliminerait toutes difficultés ou tensions éventuelles, car je crois que le reste est assez clair et, en fait, tombe à point nommé.
» (1730)
Le président: Vous avez la parole, monsieur Fitzpatrick, puis, il y aura mise aux voix.
M. Brian Fitzpatrick: Ce que je crains, c'est que, en incluant ces mots, nous préjugions des résultats de cette étude. Nous semblons avoir déjà tiré notre conclusion sur les faits. Si nous incluons ce bout de phrase, il faudra se demander pourquoi nous mènerions cette étude de toute façon. Cette étude vise à déterminer les causes de la situation; pour ce faire, nous entendrons les témoignages et nous en viendrons à nos propres conclusions par la suite. Il ne faut pas préjuger du processus ni des conclusions.
Le président: Je mets la motion aux voix, parce que si je permets une autre intervention, il faudra qu'il y en ait une aussi de la part de l'autre camp.
Si j'ai bien compris, nous avons accepté l'amendement favorable qui prévoit l'ajout des termes « et d'autres experts » ainsi que du mot « récente » avant « inexpliquée ». Si nous sommes d'accord, il n'y a pas de problème.
Maintenant, nous avons débattu de la question de savoir si on devrait inclure les termes « notamment une collusion entre les pétrolières »; le vote a été demandé et nous passons donc à la mise aux voix.
Que ceux qui sont pour l'indiquent.
[Français]
M. Serge Marcil: Monsieur le président, est-ce qu'on inclut le mot « notamment »?
[Traduction]
Le président: La question est de savoir si nous supprimons le bout de phrase « notamment une collusion entre les pétrolières ». Si vous êtes pour, ces mots seront retranchés.
Voulez-vous un vote par appel nominal?
Une voix: Peu importe.
Le président: Que ceux qui sont pour la suppression de ces termes l'indiquent en levant la main. Je prie ceux qui sont contre de ne pas lever la main.
Quatre et quatre. Il y a collusion entre vous. C'est la troisième fois que je dois voter pour briser l'égalité. Nous supprimons ces termes de la motion.
(La motion est adoptée)
Le président: C'est fait. Nous allons tenter de trouver un moment dans notre horaire pour cette étude et je compte sur vous pour que nos travaux se déroulent bien. C'est d'accord.
La séance est levée.