INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
Mme Solange Drouin (directrice générale et vice-présidente aux affaires publiques, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
¹ | 1535 |
Le président |
¹ | 1540 |
Mme Anne-Marie Des Roches (directrice des affaires publiques, Union des artistes, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
Mme Claire Samson (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
¹ | 1545 |
Mme Francine Bertrand-Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec; Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
Mme Lise Lachapelle (directrice générale, Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
M. Richard Paradis (président, Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
º | 1600 |
Le président |
M. Gerry Shannon (conseiller en commerce international, À titre individuel) |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Donald Ching (président et chef de la direction, SaskTel) |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
M. Gerry Shannon |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
º | 1635 |
M. Donald Ching |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Richard Paradis |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
Le président |
M. Larry Bagnell |
º | 1640 |
Mme Claire Samson |
º | 1645 |
Mme Francine Bertrand-Venne |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ) |
Mme Francine Bertrand-Venne |
Mme Anne-Marie Des Roches |
º | 1650 |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Le président |
M. Gerry Shannon |
M. Richard Paradis |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
Mme Solange Drouin |
Le président |
º | 1655 |
Mme Solange Drouin |
Le président |
Mme Solange Drouin |
Le président |
Mme Claire Samson |
M. Richard Paradis |
Le président |
M. Donald Ching |
» | 1700 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Richard Paradis |
Le président |
Mme Solange Drouin |
» | 1705 |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Solange Drouin |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
M. Donald Ching |
M. Joseph Volpe |
M. Richard Paradis |
M. Joseph Volpe |
M. Richard Paradis |
M. Joseph Volpe |
Mme Solange Drouin |
M. Joseph Volpe |
Mme Solange Drouin |
M. Joseph Volpe |
» | 1710 |
M. Richard Paradis |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Mme Francine Bertrand-Venne |
M. Joseph Volpe |
Mme Francine Bertrand-Venne |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
» | 1715 |
Le président |
M. Serge Marcil |
Mme Anne-Marie Des Roches |
Le président |
Mme Solange Drouin |
M. Serge Marcil |
» | 1720 |
Le président |
M. Richard Paradis |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Richard Paradis |
Le président |
Mme Solange Drouin |
» | 1725 |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Gerry Shannon |
Le président |
M. Gerry Shannon |
Le président |
M. James McQueen (attaché de recherche auprès du comité) |
» | 1730 |
M. Gerry Shannon |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, examen des restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.
Nous accueillons plusieurs témoins aujourd'hui. Nous allons commencer par les exposés. Vous aurez chacun trois ou quatre minutes. Je tiens à souligner que la discussion porte sur l'investissement étranger dans les télécommunications. Il faut donc vous en tenir à ce sujet. Parfois nous nous éloignons du sujet et je vais tenter de vous garder dans le droit chemin.
Nous allons commencer par Mme Drouin.
[Français]
Mme Solange Drouin (directrice générale et vice-présidente aux affaires publiques, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Je suis Solange Drouin, vice-présidente aux Affaires publiques et directrice générale de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo. Mes collègues ici présents se présenteront à tour de rôle, mais pour l'instant, je me contenterai de dire que l'ensemble des associations que vous avez ici représentent pratiquement tous ceux qui alimentent le système de radiodiffusion de langue française, autant au niveau musical qu'audiovisuel. Ensemble, nous vous présenterons un consensus profond qui rallie l'ensemble de nos membres.
De façon plus spécifique, l'organisme que je représente, l'ADISQ, regroupe les entreprises indépendantes de l'industrie musicale qui contribuent à plus de 95 p. 100 de la production de musique vocale canadienne de langue française.
Dans le cadre de vos consultations, vous avez probablement été en mesure de constater que la structure industrielle canadienne s'est construite de telle manière que les activités des entreprises de radiodiffusion et de télécommunications sont intimement liées et ce, à plusieurs niveaux. Que ce soit au sens strictement légal ou encore du point de vue des services et des activités d'affaires qu'elles offrent, des entreprises de plus en plus nombreuses intègrent ces deux facettes. Ainsi, nous pensons que toute modification à la réglementation à l'égard de la propriété étrangère des entreprises de télécommunications auront un effet domino sur toute la politique de radiodiffusion.
De fait, les compagnies de téléphone et les entreprises de câblodistribution sont toutes deux des distributeurs hybrides partiellement distributeurs de télécommunications, en vertu de la Loi sur les télécommunications, et partiellement entreprises de distribution, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. C'est pourquoi, par équité concurrentielle, les câblodistributeurs n'accepteront pas que les entreprises de télécommunications accèdent à un traitement réglementaire différent.
D'après les nombreux témoignages que vous avez entendus jusqu'à maintenant, vous aurez sans doute remarqué qu'on peut, en simplifiant, ramener les points de vue à deux clans: ceux évidemment en faveur d'un assouplissement ou d'une élimination des règles de propriété étrangère et ceux qui s'opposent à la levée des restrictions en matière de propriété étrangère. Nous sommes, l'ensemble des groupes devant vous, de ce dernier clan.
Ceux en faveur de la déréglementation souhaitent essentiellement cette déréglementation pour faciliter l'accès aux capitaux, lequel serait, selon eux, insuffisant sur le seul marché canadien pour assurer la croissance et l'innovation.
Or, le besoin d'accès aux capitaux s'inscrit en porte-à faux dans le contexte de la Stratégie d'innovation du Canada, me semble-t-il.
À la fin de janvier, M. Peter Harder, sous-ministre de l'Industrie, vous a fait état de la forte concurrence internationale à laquelle doit faire face le Canada en ce qui concerne l'économie du savoir. Il a mentionné que les télécommunications représentent la colonne vertébrale de l'économie du savoir. Il a ajouté que la réglementation canadienne devait se calibrer aux normes internationales, car autrement, l'innovation pourrait en souffrir.
Cependant, nous avons constaté que malgré les difficultés qu'a engendrées l'éclatement de la bulle spéculative dans le secteur des hautes technologies et des télécommunications, le Canada a réussi à se démarquer. Selon le récent rapport du World Economic Forum, qui s'intitule Global Information Technology Report 2002-2003: Readiness for the Networked World, le Canada figure parmi les 10 premiers pays en ce qui concerne l'utilisation de nouveaux ordinateurs et de la technologie de l'information.
Les résultats de l'enquête de 2001-2002 qui portait sur l'état de préparation des infrastructures de réseaux ont servi à démontrer que le Canada occupait le douzième rang. La même enquête a été menée en 2002-2003, et parmi les 82 économies nationales recensées, le Canada s'est hissé au sixième rang.
En fait, selon ce rapport, le Canada est le premier en ce qui a trait à la rapidité de service lors d'une demande d'installation d'une nouvelle ligne téléphonique. Il est le deuxième en ce qui a trait à la disponibilité de l'Internet à haute vitesse ou à large bande. Il est le quatrième en ce qui concerne le niveau d'investissement des entreprises en recherche et développement. Il est également le quatrième en ce qui a trait à l'environnement servant à soutenir l'état de préparation des infrastructures de réseaux. Cet environnement regroupe trois facteurs, soit le marché, les politiques et la réglementation, ainsi que l'infrastructure. Tout ceci a pu se réaliser dans un contexte difficile, d'une part, et pratiquement sans l'apport d'investissements étrangers, d'autre part.
D'après notre situation par rapport aux 82 pays recensés, on peut conclure que ce ne sont ni les infrastructures ni la technologie qui représentent une entrave à la Stratégie d'innovation du Canada. Il nous semble en effet que la pièce manquante se trouve au niveau du savoir lui-même. Nous avons ces merveilleux outils à notre disposition, mais nous ne savons pas encore comment en retirer tous les avantages.
Par exemple, vous savez probablement que l'industrie canadienne du disque souffre beaucoup des échanges de fichiers musicaux par Internet. Selon une étude de Download.com, sur le site payant MusicNet, il y a eu 18 000 téléchargements la première semaine de janvier 2002 comparativement à 2,5 millions de téléchargement sur les sites gratuits Morpheus et Kazaa durant la même semaine.
De plus, les Canadiens, qui bénéficient par ailleurs de l'un des tarifs les moins élevés dans le monde pour l'utilisation d'Internet, se révèlent être parmi les internautes les plus enthousiastes au monde à répondre à cette offre de musique gratuite.
Selon une étude de AOL Canada et de RoperASW, résumée dans l'article publié en novembre 2001 par le Financial Post et intitulé Canadians among world leaders in Web use, 44 p. 100 des internautes canadiens téléchargent régulièrement ou occasionnellement des fichiers musicaux distribués gratuitement comparativement à 37 p. 100 des internautes au Brésil et 33 p. 100 aux États-Unis et en Allemagne.
Rappelons que le Canada ne s'est doté d'aucun objectif en matière de politique à l'égard du développement des technologies et des nouveaux médias. Par conséquent, il n'y a aucun mécanisme visant à résoudre ce problème croissant. Pourtant, puisque le téléchargement de la musique est une question qui affecte tous les pays, le gouvernement du Canada aurait peut-être intérêt, s'il souhaite conserver l'avance du pays en matière d'utilisation des nouvelles technologies, à se montrer innovateur à cet égard.
En terminant, j'aimerais rappeler au comité que les mécanismes réglementaires, en particulier ceux touchant la propriété étrangère, ont été mis en place après de nombreuses consultations, car ils ont le potentiel d'affecter l'intérêt public. Il s'agit d'un service public qui touche tous les Canadiens.
¹ (1535)
Au-delà des questions d'emploi ou de talent créateur, il s'agit de la capacité de contrôler le médium le plus puissant de notre temps, un médium qui permet de véhiculer notre identité culturelle, soit la conscience collective, la compréhension commune et l'attachement conjoint des Canadiens à certaines valeurs morales, esthétiques, artistiques et sociales.
Je cède maintenant la parole à Mme Anne-Marie Des Roches de l'Union des artistes afin qu'elle vous expose quelques-unes des ramifications.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi un instant. Vous avez pris le double du temps permis. Cela signifie que quelqu'un au bout de la ligne n'aura pas la possibilité de parler.
Nous avions prévenu chacun que comme groupe, vous disposiez de 30 minutes. Nous avons deux autres intervenants qui auront 10 minutes et vous rendez les choses très difficiles. Quand vous arriverez à trois minutes, je suis désolé, mais je vais devoir vous prévenir que vous disposez d'une minute pour résumer. Cela vous convient-il?
Cela n'aide pas de parler plus vite. Je pense que nous avons prévenu tous les témoins, à plusieurs reprises que, surtout lorsqu'il s'agit d'un groupe, vous ne disposez que de tant de minutes. Vous pouvez faire un exposé ou deux exposés. Si vous décidez de faire des exposés séparément, vous devez vous en tenir au temps alloué.
Je vous en prie, commencez.
¹ (1540)
[Français]
Mme Anne-Marie Des Roches (directrice des affaires publiques, Union des artistes, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo):
Bonjour. Je m'appelle Anne-Marie Des Roches et je suis directrice des Affaires publiques de l'Union des artistes.
L'Union des artistes est un syndicat professionnel qui représente les artistes-interprètes oeuvrant en français dans les domaines du cinéma, du disque, des arts de la scène et de la télévision.
L'enjeu de la déréglementation des services de télécommunications soulève bien des débats partout dans le monde. Le CRTC a d'ailleurs reçu des félicitations de la part de l'OCDE, qui concluait que le Canada réussissait mieux que la moyenne des pays de l'OCDE à créer un marché concurrentiel dans le secteur des télécommunications. La concurrence a suscité, entre autres, l'implantation rapide de l'accès Internet haute vitesse, à un point tel que l'offre pour la large bande dépasse maintenant la demande.
Au nom de la concurrence, de la compétitivité et de nos engagements à l'égard de la libéralisation des échanges commerciaux, le gouvernement examine quand même la question de la propriété étrangère dans nos entreprises de télécommunications, cela malgré le bon bulletin que nous a donné l'OCDE.
J'aimerais faire un rappel ici. Le 31 mars 2003 constitue la date limite pour les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce pour déposer leurs demandes en vue de la libéralisation de certains services. C'est la première étape des suites du Sommet de Doha. Les demandes ne sont pas encore rendues publiques, mais il semble déjà que plusieurs pays se soient dits intéressés à ce que le Canada libéralise davantage certains secteurs de services culturels, soit tout le secteur de l'audiovisuel et de l'édition du livre, y compris celui des télécommunications.
À cet égard, nous voudrions saluer la position canadienne prise à ce sujet dans le cadre des négociations de la ZLEA. En effet, le 14 février dernier, le gouvernement du Canada annonçait qu'il se réservait le droit de réglementer notamment la propriété étrangère des entreprises.
Par contre, le gouvernement n'a pas dit qu'il continuerait de réglementer ou de réglementer au même niveau qu'il l'a fait jusqu'à présent. Le gouvernement n'a pas encore non plus défini ce qu'allaient être les services à valeur ajoutée dans le secteur des télécommunications. Donc, c'est encore ouvert, et les pressions se font grandissantes et nos inquiétudes ne sont que peu amenuisées.
On se demande quel serait l'impact de la décision de libéraliser ou d'assouplir les règlements en matière de propriété étrangère sur nos entreprises de contenu et nos politiques de radiodiffusion. On se demande surtout quel en serait l'impact sur l'engagement du gouvernement de ne pas prendre d'engagements en matière de culture dans le cadre des accords de libre-échange.
Présentement, l'Office of the U.S. Trade Representative est en processus d'évaluation au sujet de la conformité aux accords de commerce dans le domaine des télécommunications. Il sollicite des comments concerning compliance with telecommunications trade agreements. Dans ce processus, les entreprises se plaignent des pratiques de certains pays à l'égard de leur réglementation.
On va regarder un petit extrait de la lettre de AOL Time Warner.
[Traduction]
Nous avons rencontré plusieurs obstacles à la concurrence au niveau des marchés de télécommunications de base et à valeur ajoutée. Par exemple, les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs titulaires offrent des services légers de bande large à des prix d'éviction, refusant à leurs concurrents le droit d'obtenir ces services à des prix de gros non discriminatoires. |
[Français]
Les services à valeur ajoutée sont au coeur du débat actuel.
Lors de la comparution de M. Harder du ministère de l'Industrie, M. Rajotte lui demandait s'il avait observé une corrélation entre l'investissement étranger autorisé et les pressions pour changer les politiques culturelles. M. Harder a répondu: «Pas à ce que je sache.» On peut vous confirmer qu'aux États-Unis, il n'y a pas eu de pressions pour ce faire, évidemment. C'est parce qu'ils n'ont pas de politique culturelle à protéger. Il ne faut pas demander au colonel Sanders si ça le dérange d'avoir des poulets dans sa cour. Cela ne le dérange pas. C'est aux poulets qu'il faut demander si ça les dérange que le colonel Sanders soit dans leur cour.
Mme Claire Samson (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo): Bonjour.
Dans notre industrie, la partie patronale étant traditionnellement la plus raisonnable, j'écourterai mon texte pour laisser à mes collègues et à tous les autres la chance de s'expliquer.
Je m'appelle Claire Samson et je suis présidente-directrice générale de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Nous représentons quelque 130 entreprises québécoises de production cinématographique et télévisuelle non liées à des radiodiffuseurs. Je vais aller à l'essentiel de mon propos.
C'est le CRTC qui a actuellement la responsabilité de gérer l'équilibre délicat entre l'atteinte d'objectifs sociaux et culturels, et l'appui à une industrie des communications économiquement solide et concurrentielle. Les équilibres à assurer sont donc étroitement liés aux exigences en matière de contenu canadien et la propriété des entreprises.
Le contenu canadien en télévision existe en bonne partie grâce au Fonds canadien de télévision, auquel les câblodistributeurs et les satellites doivent contribuer en vertu des règles du CRTC. Les quotas de diffusion d'émissions ou d'oeuvres musicales canadiennes à la radio et à la télévision favorisent aussi la production nationale. Ces politiques seraient impossibles à appliquer si la structure industrielle n'était plus contrôlée au Canada par des Canadiens.
En plus d'être contrôlée par des Canadiens, cette structure industrielle doit être diversifiée afin d'assurer la qualité des productions. Une poignée d'entreprises intégrées verticalement ne favoriseraient pas l'émulation et l'innovation nécessaires au développement de productions originales et de qualité.
Au cours des deux dernières décennies, on a mis en place un cadre régulateur favorisant la diversification des lieux de création. On a fait en sorte qu'il existe une saine concurrence et une bonne complémentarité entre les entreprises intégrées de diffusion et de production et les entreprises se consacrant principalement à la production. Par exemple, l'industrie de la production audiovisuelle et indépendante au Québec regroupe plus d'une centaine d'entreprises qui génèrent annuellement 35 000 emplois directs et indirects. Cette industrie contribue à la diversité des lieux de création. Ces mesures ont permis des productions dont la qualité est reconnue non seulement à l'échelle nationale mais aussi à l'échelle internationale.
La tendance lourde du marché rend plus faciles la diffusion et la distribution d'oeuvres étrangères, surtout américaines. C'est pourquoi il faut continuer de faire en sorte qu'il y ait suffisamment de productions canadiennes de qualité dans des environnements de plus en plus abondants de diffusion. Pour y arriver, il faut assurer que les ressources dégagées par les activités de distribution de contenus canadiens ou étrangers soient réinvesties dans la production canadienne.
En ce qui concerne les exigences en matière de propriété canadienne, pour appliquer les exigences réglementaires que requiert la politique de radiodiffusion, il faut que les entreprises auxquelles on impose des obligations soient contrôlées au Canada. Par exemple, si on laissait s'implanter ici des entreprises américaines de distribution, elles pourraient baisser artificiellement leurs tarifs, adopter des pratiques de dumping et invoquer ensuite leur incapacité à participer au réinvestissement dans la production canadienne. Cela aurait un effet d'entraînement sur les autres entreprises et pourrait mettre en péril plusieurs mesures exigeant le réinvestissement dans la production canadienne.
De plus, nous sommes très préoccupés par la question des relations de travail dans un contexte d'entreprises contrôlées par des Américains. Les budgets des productions canadiennes sont généralement très inférieurs à ceux que connaissent les producteurs américains. Ces conditions requièrent des tarifs différents et des clauses normatives adaptées à notre réalité. En d'autres termes, la négociation des conventions collectives entre producteurs et travailleurs de l'industrie serait très difficile à réaliser si elle devait se faire en partenariat avec des intérêts américains. La production canadienne ne serait plus prioritaire dans un tel contexte. L'ensemble du milieu en souffrirait, car notre production nationale ne serait plus viable économiquement.
Les règles exigeant la propriété canadienne ont permis la création d'entreprises canadiennes dont nous sommes tous fiers. Ces entités sont capables d'agir et de contribuer efficacement à la promotion de notre culture. Ce n'est pas le temps de les affaiblir en les laissant devenir des filiales d'entreprises étrangères. Pour assurer le caractère canadien du système, il demeure essentiel que le contrôle de ces composantes fondamentales des entreprises de diffusion et de distribution demeure entre des mains canadiennes. Honnêtement, en tant que Canadienne francophone, j'aime mieux faire confiance à des entrepreneurs canadiens et à une réglementation canadienne que de laisser la culture aller selon la bonne générosité de nos voisins du Sud. Merci.
¹ (1545)
Mme Francine Bertrand-Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec; Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo):
Le but de mon intervention est de vous parler des mesures positives dans le milieu culturel, des politiques dont le législateur canadien a doté les auteurs, compositeurs et créateurs d'oeuvres de l'esprit. Vous êtes responsables de la Loi sur le droit d'auteur, et je vous parlerai donc de cette première loi.
Il est important de comprendre que les politiques culturelles, ainsi que les programmes de soutien aux industries culturelles favorisent l'utilisation des oeuvres de créateurs canadiens. Vous aurez compris que le droit d'auteur est payable en autant qu'on se serve de nos oeuvres. C'est dans les politiques culturelles qu'on peut trouver l'arrimage entre les lois et les politiques de soutien aux industries culturelles.
La Loi sur le droit d'auteur a permis la création dans notre secteur, au Québec, de la seule société d'auteurs et d'éditeurs en droits de reproduction. Vous connaissez sans doute très bien la SOCAN, mais vous connaissez peut-être moins la SODRAC, une société qui est identique à la SOCAN, mais qui gère le droit de reproduction d'oeuvres musicales dans l'industrie du disque. Le terme «reproduction» inclut l'Internet. Il y a énormément d'utilisations en reproduction.
En 1985, quand la SODRAC a été instituée, elle a perçu 100 000 $. L'année dernière, elle a perçu 11 millions de dollars. C'est un exemple du fait que les politiques de soutien ne soutiennent pas seulement M. Péladeau chez Quebecor, M. Rogers ou les grandes sociétés de câblodistribution, de radiodiffusion directe par satellite ou de téléphonie. Dans nos secteurs, nous avons des succès et nous sommes fiers de vous les présenter aujourd'hui.
La Loi fédérale sur le statut de l'artiste permet à une association comme la mienne, accréditée en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, de négocier des conditions minimales de commande d'oeuvres musicales à un créateur canadien, pour qu'il y ait un plancher d'utilisation de son oeuvre et de sa rénumération, afin d'assurer à ce créateur les revenus essentiels de son droit d'auteur. Une politique américaine consisterait en un complete buyout: on payerait probablement 2 000 $ dans le meilleur des cas, et le créateur ne pourrait pas obtenir son droit d'auteur.
Il est absolument essentiel que vous compreniez que ces lois doivent être négociées et donc adaptées à notre milieu. Nous sommes ici en présence des compagnies de disques et des compagnies de productions audiovisuelles pour vous démontrer que dans notre secteur et dans notre milieu canadien, nous avons réussi à entretenir avec nos gens d'affaires une relation dans laquelle sont respectés les droits des gens qu'on représente, tout en assurant aux gens d'affaires la possibilité de faire pleinement la commercialisation de leurs productions.
La Loi sur la radiodiffusion est certainement aussi chère aux coeurs des créateurs, parce qu'à l'obligation en matière de propriété canadienne prévue dans la Loi sur la radiodiffusion s'oppose l'obligation de faire appel au maximum aux ressources créatrices canadiennes. Il faut qu'il y ait équilibre entre cette obligation et le privilège d'obtenir une licence de radiodiffusion. Comme vous le savez, au Canada, on a décrété que les ondes étaient publiques. Donc, le privilège d'obtenir une licence d'exploitation est assorti de l'obligation de faire appel au maximum aux ressources créatrices canadiennes, d'où les obligations en matière de contenu culturel canadien sur les disques et en radiodiffusion--Canadian content rules--, et on parle aussi de l'obligation dans le domaine de l'audiovisuel, qui est aussi de 40 p. 100. Ces mesures soutiennent les créateurs canadiens et elles sont essentielles à l'obtention des revenus économiques que nous défendons.
Depuis quelques années, nous participons à des audiences où il est question de propriété croisée. Ce phénomène est assez inquiétant pour la diversité culturelle dans un contexte canadien, parce qu'il s'agit de gens d'affaires canadiens, mais nous avons, avec beaucoup de réticence, fini par accepter les structures à la verticale puisque nous étions assurés que ces entreprises demeureraient canadiennes, et donc plus proches de nous. Mais la propriété étrangère serait la fin de tous les succès canadiens que je viens d'énumérer dans les domaines des relations de travail et du droit d'auteur et dans le domaine culturel.
Je cite en exemple Videndi et AOL Time Warner qui sont venus à Montréal. Le vice-président des affaires publiques d'AOL est venu à un colloque aux HEC, à Montréal, l'année dernière, et je lui ai demandé ouvertement: vous venez de nous dire que sur votre site Internet, vous offriez les 10 best-sellers des livres canadiens et les top ten de la musique canadienne; si vous deviez analyser le marché francophone avec l'oeil d'un homme d'affaires, seriez-vous aussi courageux qu'un homme d'affaires canadien à qui on impose une certaine obligation de production canadienne, seriez-vous content d'être soumis aux mêmes obligations et le feriez-vous?
¹ (1550)
Il n'a pas répondu à ma question. Tous les professeurs d'université et gens d'affaires qui étaient à cette rencontre m'ont dit que le fait de ne pas me répondre équivalait à dire que, quand on fait une analyse commerciale objective du marché, on ne peut que décider de ne pas investir dans la production de musique canadienne de langue française ou d'oeuvres audiovisuelles canadiennes-françaises. On ne diffuse que la production des stars, des Céline Dion. Les Américains produiraient peut-être les oeuvres d'une personne dans le marché canadien.
Actuellement, au Canada, il y a des milliers de personnes qui vivent décemment de leur travail dans le milieu culturel. Je parle aujourd'hui de toutes ces personnes, non pas de deux ou trois personnes, mais de l'ensemble des créateurs canadiens qui ont besoin de votre soutien. La télécommunication est directement liée à la radiodiffusion.
Merci.
¹ (1555)
[Traduction]
Le président: C'est cinq contre un.
[Français]
Mme Lise Lachapelle (directrice générale, Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo):
Je m'appelle Lise Lachapelle et je suis directrice de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, qui regroupe près de 450 réalisateurs qui travaillent en cinéma et en télévision au Québec.
Je voudrais simplement compléter l'exposé de mes collègues. Nous produisons tous ensemble du contenu. J'aimerais vous rappeler que les dirigeants et les agences publiques qui établissent des règles cherchent à satisfaire d'abord les besoins des Canadiens en matière d'identité et de souveraineté culturelles. Ainsi, les règles en matière de propriété doivent favoriser la diversité des offres de production, tant sur le plan culturel qu'en matière de genres, favorisant de la sorte la diversité de la demande.
De plus, le public a besoin d'une culture à partager. On dit souvent que le téléviseur est la nouvelle place publique. Âgée de 50 ans, la télévision a maintenant une histoire au sens large, ainsi que des histoires nationales aussi bien que technologiques. C'est sur ces histoires que s'appuient les façons actuelles de faire de la télé, et c'est sur notre façon de faire de la télé que les artisans de demain s'appuieront pour communiquer avec leurs contemporains. Nous avons donc la responsabilité de léguer un héritage à nos enfants.
L'histoire de la télévision canadienne présente ses caractéristiques propres, son évolution et ses idiosyncrasies. Ce n'est qu'avec le recul qu'on peut organiser un ensemble donné de contenus pour constituer une histoire que nous voulons nôtre. Les consommateurs de contenu étant partie prenante de l'industrie--et cela peut s'appliquer, bien entendu, aux télécommunications--, leur intérêt doit également être pris en considération dans les réflexions politiques et les processus décisionnels rattachés à celles-ci. Le seul avantage à ouvrir la propriété étrangère résiderait dans son obligation de réinvestir dans la production canadienne, comme le soulignait un de mes collègues.
L'ouverture du consommateur canadien aux autres cultures doit être stimulée, soit, mais à la condition que la pluralité des offres soit aussi au rendez-vous.
M. Richard Paradis (président, Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo):
Je suis Richard Paradis, président de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films et de programmations télévisuelles. Avec mes collègues qui sont autour de la table aujourd'hui, les membres de mon association et moi-même sommes d'avis que l'analyse de la modification du niveau de propriété étrangère permis dans le domaine des télécommunications au Canada ne peut se faire sans tenir compte des éventuelles conséquences qu'elle entraînerait forcément sur le secteur culturel et tout particulièrement sur le secteur de la radiodiffusion.
Le comité doit voir au-delà des revendications émanant d'entrepreneurs et de dirigeants d'entreprises de télécommunications qui ont tendance à ne considérer que l'avenir à court terme lorsqu'ils recommandent d'ouvrir les règles de propriété en matière de télécommunications et à n'y voir que leurs bénéfices propres.
Il importe que le comité puisse évaluer ce dossier en tenant compte de l'intérêt public plutôt que de l'intérêt pécuniaire d'un groupe de gestionnaires susceptibles d'être les seuls à profiter d'une telle situation. D'ailleurs, les gens que nous représentons ici aujourd'hui ne sont pas les seuls à se questionner sur le bien-fondé d'examiner la possibilité d'ouvrir à des intérêts étrangers la propriété de nos entreprises de télécommunications.
Les Canadiens se sont, eux aussi, une fois de plus clairement exprimés sur cette question il y a à peine quelques semaines. Ainsi, dans le sondage express de Decima Research effectué pour le compte de Decima Publishing Inc. en décembre 2002, donc il y a trois mois, auprès de 2 017 répondants canadiens, 72 p. 100 des Canadiens se sont prononcés contre un changement aux règles qui permettrait à des étrangers d'être propriétaires majoritaires de nos entreprises de radiodiffusion ou de télécommunications. Ce sont donc 4 p. 100 de plus de Canadiens qu'en juin 2001, quand on leur posait la même question, alors que 68 p. 100 des Canadiens étaient contre tout changement tel que proposé.
La majorité des Canadiens, 60 p. 100, trouvent inacceptable que les entreprises de télécommunications puissent être de propriété étrangère. Cinquante-six pour cent sont du même avis en ce qui a trait aux entreprises de câblodistribution. De plus, 54 p. 100 sont contre une situation où des intérêts étrangers pourraient se retrouver actionnaires majoritaires dans les entreprises de radiodiffusion et 58 p. 100 sont contre la propriété étrangère, particulièrement dans l'industrie de la radio. Finalement, 66 p. 100 des Canadiens s'opposent à la propriété étrangère dans la presse écrite.
Ce sondage Decima Research confirme, avec des taux encore plus élevés que ceux obtenus lors du dernier sondage de 2001, que les Canadiens ressentent un grand malaise à l'idée de voir leur système de communications cédé à des intérêts étrangers.
À l'ACDEF, nous sommes d'avis que l'expression culturelle joue un rôle de premier plan dans ce qui distingue le Canada de bien d'autres pays et que, bien que nous soyons envahis par la technologie, l'expression culturelle continue d'être unique dans sa capacité d'affecter les gens. Elle provoque l'esprit, l'essence, les émotions; elle est une forme de création au potentiel presque illimité qui nous permet de raconter nos histoires et de les faire connaître à de vastes auditoires aux niveaux national et international.
Mais pour rejoindre les Canadiens avec des contenus culturels qui leur sont propres, nous devons nous assurer de toujours être en mesure d'accéder à nos principaux moyens de communication. Nous devons aussi nous assurer de tenir compte de la convergence des technologies qui nous permettent d'offrir des contenus, que ce soit au moyen de la radiodiffusion, de la câblodistribution, des satellites directs ou encore par l'entremise de nos systèmes de télécommunications et du sans-fil.
La viabilité des industries culturelles canadiennes est extrêmement fragile dans le contexte d'une internationalisation et d'une omniprésence américaine croissante dans plusieurs domaines dont ceux du cinéma, de la musique et de l'édition, et ce, où qu'on soit sur la planète. Or, c'est vers ces industries culturelles que les gouvernements fédéral et provinciaux se tournent pour mettre en valeur notre culture auprès du public d'ici et d'ailleurs.
º (1600)
Depuis des décennies, le gouvernement canadien s'est doté d'entités publiques telles que le Conseil des Arts du Canada, la Société Radio-Canada, l'Office national du film du Canada, Téléfilm Canada et le CRTC pour s'assurer que les Canadiens puissent toujours avoir accès à des contenus canadiens.
À notre avis, il serait contre-productif d'augmenter de façon importante la propriété étrangère dans nos entreprises de télécommunications, car il n'y a pas urgence; la preuve étant que notre principale entreprise de télécommunications au Canada, BCE, a récemment réussi à trouver dans son propre marché les ressources financières nécessaires au rachat d'une importante participation étrangère toujours minoritaire au capital-actions de l'entreprise.
Les modèles voulant que la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications soit bénéfique pour les consommateurs sont loin d'avoir fait leurs preuves. Les risques qu'encourraient les industries culturelles canadiennes sont sans aucun doute, et de loin, nettement plus importants que les quelconques bénéfices éventuels que tentent de faire valoir les promoteurs d'une ouverture de la réglementation. C'est de la survie même à moyen ou à long terme de l'expression culturelle canadienne dont il est finalement question quand on songe à permettre que le contrôle effectif des moyens de distribution de produits culturels ne soit plus aux mains des Canadiens.
De la part de mes collègues, je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à M. Shannon, conseiller en commerce international; vous avez 10 minutes.
M. Gerry Shannon (conseiller en commerce international, À titre individuel): Merci, monsieur le président. Les télécommunications sont sur la table de négociation internationale depuis au moins 20 ans, en commençant par l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et ensuite l'ALENA.
Par suite de la Ronde Uruguay de l'OMC, nous avons pris des engagements multilatéraux considérables pour la première fois au cours des négociations dans l'important secteur du commerce des services, l'AGCS. L'entente de base de l'OMC dans le domaine des télécommunications, conclue en 1998, comporte deux parties. Il y a d'abord l'engagement de donner accès au marché et d'accorder un traitement national aux services de télécommunications de base. Nous avons contribué en grande partie à libéraliser certains secteurs, que vous connaissez, tout en évitant l'obstacle principal, soit l'élimination ou la diminution marquée des restrictions à l'investissement étranger. Nous sommes loin d'être les seuls à cet égard.
La deuxième partie de l'accord est un document de référence sur les principes réglementaires pour les services de télécommunications de base dans lequel le Canada s'est engagé à confier à un organisme indépendant et transparent la réglementation des procédures d'interconnexion et de licence.
Pour l'avenir, nous pouvons nous attendre à ce que les industries de services, y compris les compagnies de téléphone, de même que les entreprises de services financiers occupent la première place sur l'ordre du jour des négociations commerciales de la ronde de Doha qui, en fait, a commencé en février 2000. Le processus vise à augmenter le nombre de pays qui prennent des engagements réels dans le secteur des télécommunications tout en haussant aussi le niveau des engagements.
Il y a aussi la possibilité que l'OMC négocie un régime embryonnaire d'investissements internationaux qui pourrait également être pertinent à cet égard.
Bref, monsieur le président, le processus de libéralisation des télécommunications à l'OMC est bien engagé.
Afin de justifier ma présence ici, monsieur le président, permettez-moi de dire que j'étais le négociateur en chef du Canada au cours de la dernière ronde de négociations commerciales multilatérales à Genève et qu'auparavant, j'étais sous-ministre pour le Commerce international ici à Ottawa.
Dans ce contexte, l'avenir des restrictions canadiennes à l'investissement étranger est manifestement critique, et comme ancien négociateur, je suis tout naturellement disposé en faveur du commerce et de la libéralisation des investissements. Personne ne peut vraiment contester les avantages économiques qui découlent du commerce ni le rôle que joue l'investissement dans la promotion du commerce et de la croissance mondiale.
Si les restrictions actuelles du Canada à l'investissement étranger empêchent d'attirer le genre d'investissement nécessaire pour que nous soyons un chef de file dans ce domaine, sans autre raison que sur le plan psychologique, alors on peut supposer qu'il y a lieu de les éliminer ou tout au moins de les réduire considérablement. Toutefois, je suis dans le domaine depuis assez longtemps pour savoir qu'une question aussi importante et litigieuse doit être abordée les yeux grands ouverts.
Il nous faut avoir confiance jusqu'à un certain point que si le Canada élimine ou réduit considérablement ces obstacles, on peut s'attendre à des investissements considérablement accrus et à la stimulation de l'industrie canadienne, et non pas simplement aux résultats que craignent de nombreux Canadiens tels que des prises de contrôle par les Américains, l'implantation des sièges sociaux dans le Sud, la perte de souveraineté, etc.
Pour ma part, je serais plus rassuré en empruntant cette voie si j'étais convaincu que nous avons de meilleures connaissances et une meilleure analyse que ce dont nous semblons disposer actuellement. Il serait utile, par exemple, de savoir jusqu'à un certain point si les restrictions actuelles représentent un empêchement sérieux à l'investissement, par rapport à d'autres facteurs, et jusqu'à quel point on peut s'attendre à ce que leur élimination provoque de nouveaux investissements étrangers compte tenu de la situation financière actuelle de l'industrie mondiale.
Il serait également utile, monsieur le président, de regarder derrière les chiffres pour savoir comment le niveau de restrictions au Canada se compare à celui dans d'autres pays. À la lecture des données qu'Industrie Canada a préparées pour vous, j'ai été frappé de constater que nous sommes presque le pays le plus restrictif de l'OCDE, venant même après la Turquie. Il est pourtant étonnant que nous soyons si réticents à accepter l'investissement étranger dans ce secteur quand, de façon générale, nous sommes très ouverts à l'investissement étranger. Il est aussi étonnant que dans la documentation généralement disponible publiée par les États-Unis sur ce qu'ils veulent dans cette négociation—je parle maintenant des télécommunications, monsieur, et non pas de la culture—on identifie le Mexique, la Corée et le Japon comme étant des pays dont il faut modifier les régimes, mais on ne parle pas expressément du Canada. Comment est-ce possible à la lumière de notre dernier rang sur la liste?
Lorsqu'on entend dire qu'il n'y a aucune restriction à l'investissement étranger dans les pays X, Y ou Z, cela ne signifie pas nécessairement que ces pays sont grands ouverts à l'investissement étranger. Dans de nombreux pays européens de cette catégorie, par exemple, le gouvernement détient toujours majoritairement la propriété des fournisseurs principaux de télécommunications. De telles affirmations n'expliquent pas non plus toute la gamme de moyens dont disposent les gouvernements pour contrôler l'investissement.
º (1605)
Afin de déterminer vraiment à quel point les autres pays sont ouverts à l'investissement étranger, il serait utile d'examiner les niveaux réels d'investissement étranger, c'est-à-dire ce que cela donne dans les faits. En d'autres termes, nous ne devons pas abolir ou réduire les restrictions à l'investissement étranger à cause de l'impression que nous sommes au dernier rang d'un soit-disant concours de beauté international; nous devons le faire parce que cela nous semble raisonnable.
En ce qui concerne l'expérience aux États-Unis, monsieur le président, les États-Unis évidemment ont mené la charge en vue de libéraliser les services de télécommunications au sein de l'OMC... il y a un point sur lequel je souhaite revenir. Les États-Unis n'ont aucune restriction officielle à l'investissement étranger sauf, si je comprends bien, dans le domaine du sans-fil. Bien que les États-Unis soient prédisposés à accepter l'investissement des pays membres de l'OMC, ils ont aussi leurs propres pressions politiques et les moyens de contrôler les investissements non désirés, qu'ils soient étrangers ou nationaux.
Plus précisément, la FCC détient le pouvoir de revoir de telles transactions «dans certaines circonstances» et le Comité des investissements étrangers aux États-Unis—dont l'acronyme malheureux est CFIUS—est un comité interorganismes présidé par le secrétaire au Trésor et où sont réunis une pléthore de ministères et d'organismes américains qui peuvent recommander au président que l'on rejette une proposition d'investissement étranger.
Ces procédures ont été conçues pour permettre au gouvernement fédéral américain d'examiner la question de savoir si la propriété proposée va à l'encontre des normes d'intérêt public de la FCC ou menace la sécurité nationale d'une façon telle que le président devrait, sur recommandation du CFIUS, reporter ou interdire la transaction. Bien qu'il ne soit pas possible de contester la justification de la sécurité nationale comme moyen légitime de protéger les intérêts d'une nation, il est à noter que les organismes responsables ne se limitent pas aux simples questions de sécurité, ni aux simples questions de protection de la vie privée.
Parmi les facteurs que la FCC doit considérer, on trouve l'incidence de la transaction proposée, non seulement sur la sécurité nationale et le maintien de l'ordre aux États-Unis, mais également sur la concurrence aux États-Unis et sur «les préoccupations en matière de commerce et de politique» des organismes américains intéressés. Certaines de ces considérations ont été révélées ces dernières années au cours de discussions sur la façon dont la FCC traitait les demandes étrangères parce qu'on a laissé entendre qu'aux États-Unis, on avait eu recours à certaines procédures pour obtenir des concessions avant de donner les autorisations.
Aux États-Unis, on continue de discuter pour savoir s'il faut de nouveaux mécanismes pour contrôler l'investissement étranger dans ce secteur. Jusqu'à présent, l'administration actuelle a annulé ces mesures, mais cela pourrait revenir à l'ordre du jour lorsque sera terminée la ronde de l'OMC et que le Congrès devra rejeter ou adopter les résultats.
Une autre question que j'aimerais aborder brièvement, monsieur le président, porte sur le rôle des sous-gouvernements dans le respect des engagements pris par le gouvernement, par exemple le gouvernement américain pour ses États ou la Commission européenne pour ses États membres. L'Accord général sur le commerce des services définit les engagements des membres de façon à inclure clairement les sous-gouvernements.
En temps normal, il n'y aurait pas lieu de se préoccuper de l'acquiescement d'un État à un engagement fédéral, mais nous avons vu des cas où une entente négociée à un litige bilatéral, dans ce cas-ci les produits, n'a pas été mise en oeuvre par les organismes au niveau de l'État, à notre détriment. Le Mexique s'est vu traiter de la même façon en ce qui concerne des mesures des États visant le transport de ses biens dans le marché américain.
Il n'existe peut-être pas de problème dans ce cas-ci, mais vu l'importance du rôle de réglementation et d'habilitation joué par les organismes étatiques, nos négociateurs devraient demander et être prêts à exiger un engagement quelconque du gouvernement fédéral américain qui nous garantira que des États importants ne vont pas réduire les avantages pour le Canada de nouveaux accords dans le secteur des télécommunications.
Cela m'amène, monsieur le président, au principe de la transparence réglementaire que le Canada et d'autres pays se sont engagés à respecter dans le document de référence de l'OMC que j'ai mentionné. Peu de gouvernements, à mon avis, vont se laisser sans les moyens d'exercer un certain contrôle sur l'investissement étranger dans un secteur essentiel. La question par conséquent devient non pas l'élimination des restrictions par rapport à un système complètement ouvert, mais bien le remplacement des restrictions par d'autres mécanismes comme les licences ou l'examen administratif.
Je ne suis pas spécialisé dans ce domaine, monsieur le président, et je n'ai aucune opinion particulière sur ce que pourraient être ces mécanismes, mais il y a lieu de nous préoccuper de l'éventuel manque de transparence qui pourrait constituer un obstacle aussi important que les restrictions elles-mêmes si nous voulons attirer l'investissement étranger.
º (1610)
Quoi qu'on dise des restrictions à l'investissement, au moins celles-ci donnent une idée du niveau de pénétration permis. En d'autres termes, cela ne servirait sans doute à rien de simplement échanger le monde certain des restrictions officielles par le monde plus flou de la réglementation. Il ne faut pas s'attendre non plus à pouvoir faire indirectement ce que nous ne pouvons plus faire directement. L'idée d'éliminer ou d'assouplir considérablement les restrictions à l'investissement étranger suppose aussi la nécessité éventuelle de renforcer la coopération internationale au niveau de la politique sur la concurrence.
Je sais que le bureau a examiné très attentivement l'incidence sur la concurrence au Canada de l'élimination des restrictions à l'investissement étranger. Certains prétendent qu'en ouvrant les frontières, cela va offrir un niveau plus élevé de concurrence et que tous les problèmes de domination du marché pourront être évités grâce à la politique sur la concurrence. C'est probablement juste. Toutefois, à mon avis, il y a le risque qu'avec l'élimination des barrières commerciales, les gouvernements tentent d'exercer une influence politique sur la politique de la concurrence dans un but protectionniste.
J'ai l'impression qu'à Washington, et à Bruxelles, on craint que l'autre cède à ce genre de prédilections. Pour notre part, je serais plus heureux si je savais qu'il y a des chances de mettre en place un régime de concurrence, à l'échelle mondiale, peut-être sous les auspices de l'OMC, qui permette la mise en oeuvre et l'application de règles convenues. La politique sur la concurrence est à l'ordre du jour de l'OMC.
Enfin, monsieur le président, il y a l'échéancier. Nous nous sommes engagés à déposer, d'ici la fin mars, notre première offre sur les services en général qui doit comprendre quelque chose sur les télécommunications. À l'ordre du jour des négociations de la ronde de Doha, sont prévues des réunions importantes cet automne au cours desquelles on évaluera notamment les progrès dans des secteurs de services essentiels qui sont d'une importance critique pour le système commercial.
Les négociations de l'OMC doivent se terminer en 2005, mais d'après mon expérience, il faudrait un miracle ou se contenter de très peu pour que ce soit le cas. Il serait plus réaliste de considérer 2007, si le passé peut nous instruire sur l'avenir. En ce qui concerne les négociations sur les télécommunications, cet échéancier serait peut-être préférable si le malaise actuel dans le secteur ne peut pas être renversé beaucoup plus rapidement. Rien évidemment n'empêche le Canada de prendre des mesures pour libéraliser immédiatement et unilatéralement le régime d'investissement étranger dans le secteur des télécommunications si nous décidons de le faire. En fait, certains disent que ceux qui feront précisément cela retireront les plus grands avantages au niveau des investissements et de l'expansion.
S'il existe des raisons impérieuses d'aller en ce sens avant que les négociations de l'OMC ne soient terminées, nous devrions le faire. À mon avis, il serait même plus sage d'agir unilatéralement dans un domaine aussi important en l'incluant dans les négociations plus générales si nous pouvons obtenir quelque chose en retour de nos partenaires des pays industrialisés. Cela pourrait également servir à encourager les pays industrialisés les plus réticents à faire de même.
Plus important, nous gagnerions ainsi le temps nécessaire pour trouver une façon de faire face aux complexités structurelles de cette industrie ainsi qu'à la délicate dimension culturelle. Je serais également porté, monsieur le président, à examiner étroitement les politiques et les pratiques actuelles dans les principaux pays, certainement aux États-Unis, mais aussi dans les pays qui ont des restrictions officielles considérables à l'investissement étranger, comme le Mexique et l'Australie ainsi qu'à ceux qui n'en ont pas, tout particulièrement la Finlande.
Bref, monsieur le président, il y a bien des choses à dire si nous envisageons la prochaine ronde de négociations pour déterminer ce que nous gagnerons en retour des concessions que vous, comme législateurs, êtes prêts à faire. Nous disposons du temps, tant à cause de l'échéancier de la ronde actuelle qu'à cause de la nécessité pour l'industrie de se remettre des difficiles dernières années.
Merci, monsieur le président.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Donald Ching, président et chef de la direction de Saskatchewan Telecommunications.
Monsieur Ching.
M. Donald Ching (président et chef de la direction, SaskTel): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité permanent, merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour présenter le point de vue de SaskTel et du gouvernement de la Saskatchewan, notre actionnaire.
SaskTel est le principal fournisseur de services de télécommunications en Saskatchewan. Depuis 2002, nous sommes également une entreprise de distribution de radiodiffusion sous licence. En tant que société d'État, un des principaux objectifs de SaskTel est de s'assurer que les technologies sont en place pour que les résidents de la Saskatchewan puissent participer à l'économie mondialisée. Par exemple, le réseau de fibre optique de SaskTel était le réseau commercial de fibre optique le plus long au monde au moment de sa création. Et, plus récemment, nous avons été les premiers en Amérique du Nord à offrir le service Internet haute vitesse au moyen de la technologie de ligne d'abonné numérique (DSL).
En quelques mots, notre système de télécommunications fait partie intégrante du développement économique de la province et améliore la qualité de vie de tous les résidents. À notre avis, SaskTel continuera à jouer un rôle important en Saskatchewan dans la nouvelle économie mondialisée et réseautée. C'est dans ce contexte que nous livrons nos commentaires en matière de restrictions à la propriété étrangère.
Beaucoup de témoins ayant comparu devant ce comité ont demandé un assouplissement des restrictions actuelles en matière de propriété. Ils ont soutenu qu'un assouplissement de la réglementation accroîtrait l'accès aux capitaux et, par conséquent, favoriserait la concurrence, encouragerait l'innovation et permettrait aux sociétés de bâtir des réseaux à large bande pour desservir les régions rurales et isolées du Canada.
Je commenterai successivement chacun de ces arguments. En ce qui concerne la concurrence, certains ont suggéré qu'un accroissement des investissements étrangers stimulerait la concurrence, améliorant ainsi le secteur canadien des télécommunications. Permettez-moi de réitérer un commentaire émis par M. Sabia, de BCE, devant votre comité la semaine dernière. Il a déclaré, et je suis d'accord, «Le Canada fait bien les choses». Une concurrence dynamique et viable prévaut dans pratiquement tous les segments du marché des communications. Les services de télécommunications offerts aux consommateurs canadiens figurent parmi les meilleurs au monde et parmi les moins chers. La population canadienne bénéficie de services novateurs qui sont disponibles grâce à des réseaux qui sont également parmi les meilleurs au monde. Ainsi, le taux de pénétration des services à large bande au Canada est deux fois supérieur à ce qu'il est aux États-Unis, ce qui, selon moi, montre la position de chef de file du Canada en matière de télécommunications. Les Canadiens et les Canadiennes profitent de prix peu élevés, de niveaux de service élevés, de l'innovation et du choix.
Ce n'est qu'au chapitre des services locaux de téléphonie que le choix est quelque peu restreint, ce qui s'explique par le fait que la concurrence locale met du temps à se développer partout au Canada. Dans certaines régions, notamment en Saskatchewan, on ne trouve aucun exploitant de centraux urbains en activité pour livrer concurrence. Chez SaskTel, cette absence de concurrence locale ne nous surprend pas. Comme d'autres entreprises de télécommunications titulaires, SaskTel offre des services de qualité à un prix raisonnable. À 22 $ par mois, il reste bien peu, sinon pas du tout, de marge possible dans le prix auquel nous avons fixé le service résidentiel de base.
Par conséquent, il n'est pas surprenant que des sociétés comme Call-Net et AT&T ne parviennent pas à monter des plans de rentabilisation viables. Un accès plus grand aux capitaux étrangers n'améliorera pas ces plans d'entreprise voués à l'échec.
J'aimerais décrire au comité l'expérience de SaskTel en tant que fournisseur titulaire de services locaux. SaskTel a réussi à mettre sur pied et à faire fonctionner des systèmes concurrentiels en Angleterre et en Nouvelle-Zélande.
Nombre de facteurs communs ont contribué à notre réussite dans ces pays. Dans les deux cas, les clients se retrouvaient devant un prix élevé des services locaux assorti d'une qualité de services médiocre. SaskTel a bâti son propre réseau plutôt que d'être à la remorque du réseau du fournisseur local titulaire. SaskTel a fourni à la fois des services de câblodistribution et de téléphonie locale, afin de se différencier du fournisseur en place. Dans les deux cas, l'intervention de la réglementation sur le marché était minime. La situation est tout autre au Canada, où les prix sont bas et où l'intervention réglementaire est importante, ce qui oblige les fournisseurs à offrir des services de qualité.
º (1620)
SaskTel trouve très préoccupant que les responsables des politiques gouvernementales du Canada semblent croire qu'il faille faire quelque chose pour faciliter, voire accélérer, la concurrence au niveau local. Ce «quelque chose» se présente sous diverses formes, notamment de modifier les restrictions à la propriété étrangère, de réduire les capacités de mise en marché des sociétés titulaires ou, encore, de créer une concurrence inefficace et artificielle en subventionnant l'accès d'un concurrent aux réseaux et aux services de compagnies de téléphone déjà établies. À notre avis, il est encore beaucoup trop tôt pour conclure que la concurrence au niveau local est un échec au Canada et qu'une intervention réglementaire est nécessaire.
À notre avis, cinq catégories de concurrents rivaliseront pour offrir des services locaux dans l'avenir. Ce sont: les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) sur leur propre territoire, c'est le cas de Bell, de Telus et de SaskTel, les sociétés affiliées aux ESLT livrant concurrence à l'extérieur de leur territoire de résidence, les fournisseurs de services sans fil, les sociétés de câblodistribution et les entreprises de services locaux concurrents (ESLC).
Parmi tous ces concurrents, seules les ESLC prétendent avoir besoin que des changements soient apportés à la réglementation pour être en mesure de soutenir la concurrence. Or, SaskTel estime qu'il n'appartient pas à l'organisme de réglementation fédéral ni au gouvernement fédéral d'aider certains concurrents à rentabiliser leurs activités.
Enfin, nous soutenons que la population canadienne ne souffre pas indûment du retard qu'accuse la concurrence au niveau local. Par le truchement de la réglementation du CRTC des entreprises de services locaux titulaires, des services téléphoniques abordables et de grande qualité sont offerts dans tout le Canada. Le fait que la concurrence locale met du temps à s'organiser n'est pas un problème national grave. Une intervention de nature réglementaire n'est ni nécessaire, ni justifiée.
Le deuxième argument mis de l'avant concerne l'innovation. Les parties intéressées à cet examen soutiennent que les restrictions actuelles à l'investissement étranger nuisent à l'innovation et à l'expansion du secteur des télécommunications. Or, le bilan sectoriel ne confirme en rien cette affirmation. Comme d'autres témoins l'ont signalé, le Canada est un chef de file mondial en matière d'innovation dans le domaine des télécommunications et il a réalisé plusieurs percées technologiques. Et, comme d'autres l'ont indiqué, le secteur canadien des télécommunications a continué d'accroître son niveau d'investissement par habitant en pleine période de recul des investissements dans la plupart des autres marchés. Il l'a fait dans le cadre de la structure et du régime actuels.
Notre bilan en Saskatchewan est aussi très éloquent. SaskTel a été la première compagnie de téléphone en Amérique du Nord à offrir l'Internet haute vitesse au moyen de la technologie DSL. À l'heure actuelle, nous avons le plus fort taux de déploiement de DSL par habitant au Canada.
SaskTel a été parmi les premiers à offrir le service de vidéo numérique interactive (DIV) en ayant recours à la technologie DSL.
SaskTel et la Saskatchewan sont depuis longtemps à l'avant-garde du développement des services à large bande. Dans son rapport final, le Groupe de travail national sur les services à large bande a déclaré que le projet Community Net de la Saskatchewan est l'un des «plus modernes mis de l'avant par un gouvernement national, d'État ou provincial comparable ailleurs dans le monde». Grâce en bonne partie à cette initiative, d'ici la fin de 2003, SaskTel sera en mesure de fournir des services haute vitesse à large bande à 237 localités, dont certaines ne comptent qu'une centaine d'habitants.
Et toutes ces réalisations ont été accomplies avec un taux de propriété canadienne de 100 p. 100. Somme toute, dans notre province, l'absence de propriété étrangère n'a pas entravé l'innovation.
Le troisième argument concerne l'expansion des services haute vitesse à large bande dans les régions rurales et isolées du Canada. À notre avis, il n'y a aucun rapport entre l'expansion de ces services et l'élimination des restrictions à la propriété étrangère. C'est l'absence d'analyses de rentabilité justifiant cet investissement qui freine l'expansion des services à large bande. Or l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications ne changera absolument rien à cette réalité.
Des analystes indépendants réputés sont arrivés à la même conclusion. Par exemple, le Yankee Group a affirmé que «Deutsche Telekom AG ne va pas investir des centaines de millions de dollars dans des installations canadiennes uniquement pour desservir 100 foyers situés dans un village isolé sur le littoral de la baie d'Hudson».
º (1625)
La présence de capitaux étrangers ne va pas étendre les services à large bande aux régions rurales et isolées du Canada. En bout de ligne, cela dépendra de l'engagement du gouvernement fédéral, en particulier d'un financement fédéral viable en faveur du déploiement des services à large bande à l'extérieur des grandes zones urbaines, des programmes de promotion de modèles de déploiement pouvant s'appliquer dans toutes les parties du pays et du soutien offert à ceux qui développent des idées en premier tels que la Saskatchewan et SaskTel.
En conclusion, je crois qu'il est clair qu'une libéralisation des restrictions à la propriété étrangère n'améliorera pas le tableau en matière de concurrence et n'augmentera pas le déploiement des services à large bande dans les régions rurales et isolées du Canada. Il n'est pas plus évident que la réglementation en vigueur en matière de propriété soit une entrave à l'innovation.
L'industrie canadienne des télécommunications est pleine de dynamisme et de santé. La concurrence est solide sur la plupart des marchés et commence à apparaître sur les autres. Surtout, les Canadiens tirent profit de la concurrence sous forme de prix bas, d'un service de haute qualité et d'une technologie de pointe.
Les politiques canadiennes en matière de télécommunications doivent être alignées sur les objectifs nationaux plutôt que copier les politiques et modèles des autres pays.
Nous croyons que la réglementation actuelle en matière de restrictions à la propriété étrangère est équitable et raisonnable, et que l'intérêt public est mieux servi lorsque les Canadiennes et les Canadiens possèdent et contrôlent une des infrastructures de base du pays, soit les télécommunications.
Comme je l'ai déjà dit, nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat. Un récent sondage de Decima Research montre que la grande majorité des Canadiens sont de cet avis.
Je conclurai en disant qu'à mon avis le Canada a trouvé la bonne formule. L'approche actuelle en matière de réglementation de la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications est équilibrée et elle demeure le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de la vigueur des investissements et de la stratégie économique nationale.
Merci, monsieur le président.
º (1630)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions en tranches de cinq minutes.
Monsieur Fitzpatrick, je vous invite à poser des questions concises et j'espère que les réponses seront brèves et claires pour que nous puissions faire au moins deux tours de table.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Ce que je trouve intéressant dans l'exposé de SaskTel, c'est que vous avez profité de la libéralisation de la réglementation des investissements au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande pour investir de l'argent dans ces marchés, pour le profit de SaskTel, j'imagine.
Je tenais à le souligner car nous avons l'air de dire que nous ne voulons pas que quelqu'un vienne ici d'ailleurs. Nous avons tendance à vouloir aller dans la cour de quelqu'un d'autre, faire des profits, promouvoir notre cause, etc. Mais je ne suis pas sûr qu'on puisse s'en tirer de cette façon dans le monde actuel. Les choses marchent dans les deux sens. Je soulève simplement cette question.
Pour ce qui est de la question du contenu, j'ai entendu beaucoup de témoignages. Je crois que vous parliez en fait des industries de production culturelle au Canada et de la propriété de ce genre de choses.
Ce n'est pas de cela que nous parlons aujourd'hui. Nous parlons de propriété du câble, des télécommunications, des dispositifs de transmission par satellite et des autres transporteurs qui acheminent un contenu. Nous ne parlons pas de Time Warner, de réalisateurs d'émissions, etc. Il s'agit simplement du dispositif de transmission et des règles de propriété en la matière.
On nous a parlé de l'expérience britannique. Ils ont libéralisé ce secteur. Ce qu'ils ont dit à notre comité, c'est qu'en matière de culture, etc., le coût des services a diminué, la qualité du service s'est améliorée et le choix est devenu plus étendu grâce à la concurrence.
En fait, le grand gagnant a été le contenu culturel britannique. Les autorités de réglementation se sont assurées que ces gens-là allaient transmettre un contenu britannique. Ils ne s'occupaient pas de cela. Ils ont dit que tout le monde était gagnant dans cette situation. Je voulais simplement le dire parce que c'est un exemple concret.
Les gens de SaskTel nous disent même que leur expérience, lorsqu'ils ont apporté leur dispositif là-bas, a été positive. Ils ont fait partie de cette libéralisation du système en Grande-Bretagne.
J'aimerais poser une question à M. Shannon car je crois qu'il peut y répondre.
Nous avons des règles de propriété différentes pour les entreprises de câblodistribution par rapport aux entreprises de télécommunications et peut-être d'autres transporteurs ici. Le commissaire à la concurrence et de nombreux témoins ont dit qu'ils ne voyaient pas de raison d'avoir des règles différentes pour les transporteurs. Tous les transporteurs sont en droit d'être régis par un ensemble uniforme de règles de propriété, d'accès au capital, etc. Cela me semble parfaitement logique puisqu'ils se concurrencent les uns les autres pour transmettre des services dans toutes sortes d'endroits.
Qu'en pensez-vous? Faudrait-il envisager des règles uniformes pour tous les transporteurs?
M. Gerry Shannon: Monsieur le président, cela dépasse peut-être mes compétences. Je ne prétends pas être un expert en télécommunications ni un expert de cette industrie. Je parlais en fait de l'aspect commercial, mais votre point de vue me semble parfaitement logique. S'il y a concurrence, alors il me semble logique que tout le monde ait un accès égal au capital.
Le président: Excusez-moi, monsieur Fitzpatrick, vous dites qu'il y a des règles différentes actuellement?
M. Brian Fitzpatrick: Il y a des règles de propriété différentes pour les compagnies de câble et les entreprises de télécommunications.
Le président : Non.
Peut-être que je me trompe.
º (1635)
M. Donald Ching: J'aimerais répondre à des remarques de M. Fitzpatrick à propos de SaskTel.
Vous avez raison, et a priori, monsieur Fitzpatrick, il semble presque hypocrite de notre part de dire que nous avons participé à cette évolution en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne, mais je dis quand même qu'il faut faire attention et ne pas ouvrir toutes grandes les portes ici en Saskatchewan.
Premièrement, en Grande-Bretagne, il y avait un énorme dispositif de réglementation en place. N'allez pas croire les gens qui vous diraient que le marché est complètement ouvert là-bas. En Nouvelle-Zélande, c'est un peu différent. Le système y était très peu réglementé. Mais je pense que le comité doit faire preuve de prudence et ne pas se contenter de regarder la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, l'Autriche ou un autre pays et de dire que puisque c'est comme cela qu'ils procèdent, nous n'avons qu'à faire en gros la même chose au Canada.
Je dis cela parce que le contexte de ces pays n'est pas le même que celui du Canada. Nous sommes tout près—littéralement tout contre—du plus gros moteur économique du monde, les États-Unis. Contrairement, par exemple, à la France et à la Grande-Bretagne, nous n'avons pas de différence de langue. Nous partageons une bonne partie de notre histoire. Nos régimes politiques sont différents, mais pas radicalement différents. Nos régimes juridiques sont semblables.
Disons que nous ne sommes pas dans la même situation qu'un pays comme la Nouvelle-Zélande, qui est dans une certaine mesure protégé géographiquement et à bien d'autres égards là où le Canada ne l'est pas.
M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais apporter une précision ici car je ne veux pas laisser passer cela. Je pense que le plus gros fournisseur de contenu global au monde, c'est le groupe Murdoch. Il n'est pas américain, d'abord, il est australien. Il a la plus grande part du marché dans de nombreux pays du monde pour l'acheminement de contenu par satellite et via des systèmes de câblodistribution, etc.
Les Européens traitent avec Murdoch. L'Asie traite avec lui. L'Australie aussi, l'Amérique du Sud, aussi, etc. Ce n'est pas un cas particulier au Canada. Le monde s'est rétréci avec l'ère des communications. On peut capter le Home Box Office ou CNN un peu partout dans le monde. Ce n'est pas simplement une question de proximité, car les distances ne comptent plus tellement. Le monde s'est rétréci en raison de cette révolution des télécommunications.
Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Paradis, vous vouliez faire un commentaire?
M. Richard Paradis: Je voudrais revenir à sa remarque quand il a dit qu'il n'y avait pas de rapport entre les entreprises de télécommunications et les radiodiffuseurs et les gens qui élaborent du contenu.
Je pense que BCE est un parfait exemple d'entreprise qui a profité du régime que nous avions au Canada et qui a pendant longtemps favorisé les monopoles des télécommunications. Comme l'a dit le représentant de SaskTel, nous avons pu élaborer au Canada un modèle de développement de nos télécommunications et un dispositif de radiodiffusion dont se sont inspirés les Français, les Australiens, les Néo-Zélandais pour élaborer leurs propres régimes de réglementation.
Nous avons eu des résultats extrêmement positifs. Nous avons des entreprises très puissantes. Maintenant que Bell se met à élaborer du contenu par l'intermédiaire de l'une de ses filiales, à savoir le réseau privé de télévision au Canada, on parle vraiment de ce lien entre les diverses façons de communiquer aujourd'hui—le fait que d'ici quelques années, on pourra regarder la télévision sur son téléphone cellulaire—et ce n'est pas le problème. Nous savons que nous allons communiquer de plus en plus et de plus en plus efficacement. Ce que nous disons, c'est que nous pouvons le faire avec nos entreprises qui appartiennent à des Canadiens. Il est très important que nous puissions préserver notre propre contenu canadien sur ces réseaux.
Le président: Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président.
Évidemment, je ne suis pas d'accord avec Bell, mais je ne veux pas entrer là-dedans. La concurrence ne fonctionne pas bien et le régime de réglementation ne marche pas.
Le président: Je vous rappelle que vous avez cinq minutes.
M. Larry Bagnell: Je vais simplement vous dire où j'en suis pour l'instant et ensuite poser ma question à Mme Samson probablement, compte tenu du contexte.
On nous demande de nous pencher simplement sur les communications par câble, mais naturellement tout est lié. Nous n'avons entendu presque aucun argument, et aucun argument convaincant qui justifierait le fait de fermer la porte aux investissements étrangers dans le domaine des télécommunications.
Tout est lié. Les compagnies de câblodistribution sont en concurrence et ne seraient pas d'accord pour être laissées de côté. Elles sont présentes au niveau du contenu et il y a un lien avec le contenu dans tout ce réseau.
J'aimerais qu'on développe un peu plus certains des arguments. Je n'ai pas entendu beaucoup d'arguments—même l'idée que nous ne pourrions pas contrôler le problème du contenu à l'aide de la réglementation existante ou d'une réglementation future.
Madame Samson, c'est vous qui m'avez donné quelques bons exemples. Je voudrais m'assurer que je les ai bien compris. Dans un cas, vous avez parlé de réduction de la production et dans un autre de la structure de l'industrie, de choses que nous n'aurions pas pu faire s'il y avait eu une présence étrangère...
Pourriez-vous m'expliquer cela un peu plus?
º (1640)
[Français]
Mme Claire Samson: Il faut être réaliste. Prenons par exemple les chaînes spécialisées, qui ne sont pas des producteurs de contenu mais qui sont quand même des fournisseurs de contenu, des diffuseurs. Il est excessivement difficile pour elles à l'heure actuelle, dans leurs négociations, d'obtenir une distribution dans l'ensemble du pays. Les négociations sont ardues, difficiles. Je peux m'imaginer ce que ça pourrait être advenant le fait que le distributeur soit américain et qu'elles doivent aller négocier leur participation au contenu, le niveau de production canadienne, chez un distributeur, qu'il soit satellite ou câblo, dont le siège social serait au Connecticut, à New York ou ailleurs.
Il est évident que notre système nous donne un certain niveau d'assurance quant à l'acheminement des signaux canadiens et au contenu canadien.
L'autre point que je soulevais était celui des relations de travail. Évidemment, il n'y a pas de productions canadiennes qui se font avec des budgets à la hauteur de ce que connaissent les Américains, naturellement. On sait qu'il y a des productions américaines qui viennent travailler au Canada, que ce soit en Colombie-Britannique, en Ontario ou au Québec. On sait que pour ces gens-là, il y a d'abord la faiblesse de notre dollar. Pour eux, venir produire au Canada, ça ne leur coûte pas très cher. Donc, règle générale, ils sont beaucoup plus généreux que les producteurs canadiens, qui n'ont pas les moyens financiers qu'ont les Américains pour une production. Pour un producteur américain, venir tourner un film à Montréal et dépenser 78 millions de dollars ne pose pas de problème. Avec 78 millions de dollars, on ferait probablement neuf films au Québec: pas un, mais bien neuf. Alors, il est évident que ça créerait certainement un déséquilibre assez important quant à la façon de faire, une menace à l'équilibre économique fragile du cinéma canadien.
Je vous dirais en conclusion qu'on a vu la semaine dernière, dans le budget fédéral, une diminution de la contribution du gouvernement au Fonds canadien de télévision. On sait que cela va représenter, en productions francophones seulement, 200 heures de moins de télévision pour l'an prochain; ce qui veut dire que nos radiodiffuseurs francophones québécois vont acheter plus de productions américaines. Cela va nous ramener exactement là où on était il y a 15 ans, alors que les émissions les plus populaires au Québec étaient Little House on the Prairie, Dynasty, Dallas, qui étaient des émissions traduites en français. Ça nous aura pris 15 ans pour développer notre propre industrie de production, nos propres succès, notre propre star system, qui est totalement autonome aujourd'hui, et le seul manque à gagner de 8 millions de dollars l'an prochain pourra nous mener à un retour en arrière pour les événements culturels, du moins au Québec.
On prend toujours l'exemple des Américains; ils sont plus près et c'est la plus grande puissance économique. D'ailleurs, ils nous considèrent comme un marché local. Alors, s'ils sont propriétaires des entreprises, qu'elles soient de téléphonie ou de câblodistribution, qui détiennent des réseaux de télévision, il est évident que leur intérêt, c'est la distribution de leur propres productions. Je ne vois pas comment la réglementation actuelle pourrait à elle seule tenir le coup, avoir les reins assez solides pour se tenir debout devant un tel géant. Je pense que ce serait théoriquement impossible.
º (1645)
[Traduction]
Mme Francine Bertrand-Venne: Je félicite M. Ching de tout ce qu'il a dit ici, mais pour vous donner une idée de l'importance de cette question dans le contexte de la culture et du contenu canadiens, il y a quelques années les câblodistributeurs disaient que la SOCAN n'était qu'un transporteur et ne s'occupait pas du contenu. Ils ne voulaient pas que la SOCAN paye. Il a fallu 10 ans pour englober les câblodistributeurs dans la Loi sur le droit d'auteur et imposer les paiements. Maintenant, ils sont bien obligés de l'accepter puisqu'ils travaillent avec du contenu.
Il est important de souligner qu'avec la technologie, les choses sont de plus en plus imbriquées. M. Ching nous a montré aujourd'hui à quel point il en était convaincu. Il faut comprendre que ces questions de droit d'auteur ont évolué et que ces sociétés sont devenues des industries culturelles canadiennes. Ce que nous disons simplement, c'est que si les compagnies de téléphone transmettent du contenu, tout le monde devrait être soumis aux mêmes règles en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Si ces compagnies transmettent du contenu canadien, il est important qu'elles investissent dans le contenu canadien et qu'elles respectent la culture et les histoires canadiennes.
Voilà pourquoi nous nous intéressons aussi vivement à cette évolution du monde des télécommunications et pourquoi nous sommes là aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Bagnell.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos témoignages. Cela rejoint tout ce que je pense également du domaine dont on parle présentement. Vous êtes les vrais artisanes et artisans de ce monde. Vous êtes venus donner l'heure juste: oui, on parle présentement de la politique culturelle d'un pays.
Contrairement à ce que dit M. Shannon, je pense qu'on ne doit pas aller sur la scène internationale permettre aux étrangers de venir négocier notre culture chez nous. C'est un domaine qui nous appartient et on doit se mettre des balises pour le protéger.
Je constate que vous nous avez tous donné des exemples extraordinaires, mais l'une d'entre vous m'a vraiment interpellée lorsqu'elle a dit qu'on avait créé, à l'intérieur des balises qu'on s'est données, 100 entreprises qui ont créé 37 000 emplois, juste au Québec. Alors, imaginez tout ce que cela peut nous donner.
Je pense aussi aux témoignages de gens qui sont venus nous dire la semaine dernière que le plafond qui est permis présentement n'est même pas atteint. Alors, qu'est-ce que cela va nous donner de plus si on lève cela en regard de la concurrence déloyale des Américains à l'endroit de nos produits canadiens et québécois? Je me pose cette question. Je me demande pourquoi on perd notre temps présentement à vouloir refaire l'histoire, alors que la situation est fragile, comme vous le dites. Présentement, les résultats sont très fragiles avec ce qu'on a atteint.
Vous avez aussi fait mention, monsieur Paradis, d'un sondage qui m'interpelle en tant que parlementaire et qui a interpellé tous les Canadiens et les Québécois. M. Ching était dans le même registre que nous, même s'il est d'une entreprise de télécommunications, quand il a dit que ça marche aujourd'hui, ça. Si vous me dites que ça marche, je vous crois, parce que vous êtes les vrais artisans et artisanes.
Alors, quel l'argument pourriez-vous me donner que je pourrais invoquer face aux gens qui viennent me dire le contraire, qui viennent me dire que je ne devrais pas penser que ça fonctionne bien?
Mme Francine Bertrand-Venne: Eh bien, on est devant des politiciens. Il s'agit d'avoir un certain courage.
Mme Anne-Marie Des Roches: Je pense que là où on se rejoint, les câblodistributeurs et nous, c'est quand on dit qu'effectivement, quand on parle de concurrence et de compétitivité, on parle de cela aussi. On est compétitifs et on est assez autonomes dans le milieu culturel aussi; on n'est pas ici pour demander la charité ou quoi que ce soit. Mais il y a un genre d'équilibre dans le système canadien par rapport aux télécommunications comme par rapport aux câblodistributeurs, dans la mesure où en échange d'une protection du marché, dont SaksTel jouit entre autres dans le marché local, et en échange de cette protection pour les diffuseurs, ces derniers doivent réinvestir dans la production canadienne. Ici, c'est le fonds des câblodistributeurs, le Fonds canadien de télévision, dans lequel ils investissent quand même des millions de dollars. C'est cet équilibre-là qui est, je pense, typiquement canadien. Il n'y a pas un étranger qui va venir effectivement passer le câble dans un village de 100 personnes. Ils vont venir siphonner le marché, faire du dumping et ensuite retourner chez eux avec leurs millions, et ces compagnies-là vont être sur le dos et elles auront perdu des emplois. C'est ça, l'équilibre.
Je pense que quand on parle des liens entre les télécommunications et la radiodiffusion, c'est ça: on te protège et en retour, tu travailles pour l'intérêt public. On est venus donner le message de maintenir l'équilibre.
º (1650)
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Moi, madame, ce que je pense aussi...
[Traduction]
Le président: Monsieur Shannon.
M. Gerry Shannon: Merci, monsieur le président.
Je vous dirai deux choses, madame. Premièrement, je ne représente pas une entreprise de télécommunications. J'ai un petit groupe d'experts-conseils en politique commerciale. Je suis ici simplement pour vous présenter les choses dans cette perspective, c'est-à-dire la dimension commerciale internationale du problème.
Deuxièmement, je ne souhaite certainement pas inviter les étrangers à venir nous dicter nos politiques culturelles au Canada. Lors des dernières négociations, quand le problème s'est posé, le gouvernement canadien a refusé de mettre la question sur le tapis. Il n'y a pas eu d'offre sur la culture, et le gouvernement peut très bien poursuivre sur ce cap s'il le souhaite, c'est son affaire. Mais je ne voudrais certainement pas laisser l'impression que je recommande que quelqu'un d'autre vienne nous dicter notre politique culturelle. Je parle simplement de ce qui me semble être le principal problème ici, c'est-à-dire les restrictions de base à la propriété pour les entreprises de télécommunications.
Merci.
[Français]
M. Richard Paradis: Moi, je donnerais peut-être une réponse à votre question pour avoir un argument. Il faut se souvenir que l'entreprise Bell Canada Entreprise a été, pendant toute la période des années 1990, la seule société au Canada à faire plus d'un milliard de dollars par année de profits, tout en investissant des centaines de millions de dollars dans la recherche et le développement. Comme a dit monsieur, les entreprises de télécommunications sont de gros investisseurs dans la recherche et le développement parce qu'elles savent, et c'est pour cela qu'on a un système de télécommunications efficace et qui est un modèle pour bien des pays.
Les seuls qui ont réussi à rattraper les compagnies de télécommunications, à faire autant de profits, sont les banques, et j'imagine que vous les connaissez bien. Il reste qu'on a une entreprise de télécommunications au Canada qui n'a apparemment aucune difficulté à générer des profits très intéressants avec des investisseurs canadiens.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être là. Cette séance est très instructive.
Je ne vous cacherai pas la position que j'ai depuis le début de ces rencontres—je pense qu'il est presque impossible d'aborder un débat comme celui-ci sans un parti pris quelconque—je pars du principe que nous devrions le faire, et je cherche simplement à entendre des raisons de ne pas le faire. Je vous remercie donc de vos excellentes argumentations aujourd'hui.
Je me pose une question. Compte tenu de la diversité des points de vue que nous avons entendus, certains ont dit qu'on pourrait peut-être régler l'effet de propagation de l'infrastructure au contenu ou à l'aspect culturel de l'autre—et je pense que M. Shannon y a fait allusion aussi—en mettant en place de nouveaux régimes ou en renforçant le régime actuel du CRTC ou en le dotant d'un nouveau régime d'octroi de licence.
Est-ce qu'une telle démarche vous satisferait? Vous n'avez pas besoin de répondre tous, un ou deux suffiront pour me dire ce que vous pensez de cette façon de protéger notre culture—car je crois que c'est ce que la plupart d'entre nous autour de cette table souhaitent protéger.
[Français]
Mme Solange Drouin: La question telle que je la comprends reprend un peu la prémisse de départ de M. Fitzpatrick qui disait que telecommunications have nothing to do with content.
Je pense que ça, c'est à la base. Quand on parle de télécommunications, on parle d'une infrastructure qui va permettre à la fois au fournisseur de rejoindre le public et au public d'avoir accès à du contenu. Ça peut être du contenu de conversations téléphoniques, bien sûr, mais ça peut être du contenu de toute autre forme. C'est pour cela qu'on pense sincèrement que vous ne pouvez pas vous mettre la tête dans le sable ici et dire: Oh, we don't deal with content here. Ce n'est pas vrai. Vous, vous parlez, vous êtes en train d'étudier une question...
[Traduction]
Le président: Madame Drouin, la question était la suivante : si nous ouvrons la porte aux investissements étrangers, est-ce que le CRTC, dans le cadre de ses pouvoirs actuels ou avec des pouvoirs supplémentaires, pourrait encore contrôler le contenu et toutes les autres choses qui nous préoccupent?
º (1655)
Mme Solange Drouin: Oui, j'allais y venir, mais je voulais d'abord formuler cette prémisse qui me paraît importante.
Le président: Vous avez pris deux fois plus de temps comme dans vos remarques d'ouverture. Je suis désolé, mais je dois vous interrompre car il y a d'autres gens qui attendent pour parler après vous, donc soyez claire. Merci.
Un témoin: Et il faut la supporter!
Une voix: C'est votre problème!
Mme Solange Drouin: Et c'est quelque chose.
Nous pensons que oui, si le CRTC avait plus de pouvoir pour protéger ce contenu, mais nous considérons que le contenu est aussi au coeur des télécommunications, donc il faudrait que le CRTC ait plus de pouvoir. Et nous pensons que s'il...
[Français]
Je devrais le dire en français, it's better. Pourquoi le CRTC peut-il agir sur le contenu? C'est qu'il y a une entente dans la loi qui fait qu'on vous protège, vous, compagnies de télécommunications ou de radiodiffusion. On vous donne un marché protégé en contrepartie duquel on vous force à mettre en place des règles de contenu. Ça, c'est un marché qui est dans la loi.
[Traduction]
C'est cela qu'il y a au coeur de la Loi sur la radiodiffusion, et il n'y a rien de tel pour les «télécommunications». Je pense que si l'on brise cet équilibre, le CRTC n'aura pas la possibilité d'imposer du contenu s'il n'a pas le pouvoir de contrôler la question de la propriété. Voilà ce que nous disons.
Le président: Madame Samson.
[Français]
Mme Claire Samson: Je pense que le CRTC n'a pas, à l'heure actuelle, les dents assez longues pour réagir à une situation semblable. La vraie question qu'il faut se poser, c'est le jour où votre entrepreneur, votre distributeur de signal, qu'il soit satellite ou câblo, ou les trois principaux qui sont détenus par des intérêts américains, qui représentent X milliers d'emplois dans un pays et une force économique, va demander à ce qu'on change ci et ça après qu'il aura fait assez de dumping pour démontrer que ses revenus sont tellement faibles qu'il ne peut pas réinvestir en R-D--il peut le faire seulement chez eux mais pas chez nous--et que nos cerveaux seront partis aux États-Unis. Qu'allons-nous garder, nous? Les bureaux de vente des entreprises américaines? Je ne pense pas que notre système, à l'heure actuelle en tout cas, ait les dents assez longues, définitivement pas.
[Traduction]
M. Richard Paradis: Vous savez que le CRTC réglemente les télécommunications en vertu d'autres lois que la Loi sur la radiodiffusion. La radiodiffusion inclut la câblodistribution, donc nous contrôlons les relations entre les entrepreneurs et les distributeurs de contenu radiodiffusé et nous pouvons leur imposer des obligations de développement du contenu.
En matière de télécommunications, c'est totalement différent. Si nous voulons donner plus de pouvoir aux autorités de réglementation dans ce domaine, il va falloir revoir la loi et la changer car dans le passé, une compagnie de «télécommunications» n'avait aucun droit sur ce qu'elle distribuait. Autrement dit, elle distribuait un signal vocal, et du moment qu'on louait la ligne téléphonique, on pouvait dire ce qu'on voulait au téléphone sans être inquiété par qui que ce soit.
Le problème maintenant, c'est que ces compagnies sont en train de progresser dans le domaine culturel et le domaine du contenu. Là où les compagnies de télécommunications se contentaient de vendre de l'espace sur une ligne téléphonique, elles sont maintenant en train de se mêler directement d'élaboration du contenu. Or, notre législation n'a pas été adaptée à cette évolution de la réalité.
Le président: Monsieur Ching.
M. Donald Ching: Monsieur le président, je suis d'accord avec ce qu'on dit de l'autre côté de la table, car il y a effectivement une forte convergence entre notre industrie et l'industrie de la câblodistribution. Il y a cinq ou six mois, nous avons commencé à diffuser notre première réalisation vidéo sur nos lignes téléphoniques, et nous savons que la technologie permet aux câblodistributeurs de transmettre un produit vocal sur le câble. À mon avis, l'industrie des télécommunications et l'industrie de la câblodistribution sont à toutes fins utiles en train de devenir une seule et même industrie. Alors je me demande comment on peut exclure la culture du rôle du transporteur et réglementer les deux choses séparément.
En général, les compagnies de téléphone, qui sont nouvelles dans ce secteur, n'en sont pas encore arrivées à donner une telle importance à la question du contenu, mais je dois dire qu'à mon avis, les compagnies de téléphone et les compagnies de câblodistribution convergent et si l'on constate qu'on ne peut pas distinguer le contrôle et la propriété des compagnies de câblodistribution du contrôle et de la propriété des compagnies qui font du contenu, alors j'ai bien l'impression qu'on ne pourra pas séparer le contrôle et la propriété des télécommunications du contrôle et de la propriété du contenu.
» (1700)
Le président: Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: C'est intéressant. Nous savons que cette convergence est effectivement en train de se réaliser. Nous devrions peut-être revoir le CRTC et ses pouvoirs législatifs pour voir s'il est en mesure de contrôler la question du contenu sur tous les fronts. Je voudrais d'ailleurs mentionner aussi les satellites. C'est un domaine très important. Beaucoup de gens reçoivent leur contenu par satellite. Je pense que c'est donc important.
Je voudrais vous rappeler que le président du CRTC était ici hier, et que si je l'ai bien compris, il ne voyait pas de problème entre la propriété du canal et la question du contenu. Il estimait que si quelqu'un n'avait pas un accès équitable au système, et ce peu importe le propriétaire du système, il avait tous les pouvoirs et les recours nécessaires pour dénoncer cette situation et obtenir un traitement équitable.
C'est aussi à peu près ce que nous ont dit les Britanniques, à savoir que c'est une question de réglementation. Ce n'est pas une question de propriété. S'il y a une bonne réglementation, on peut garantir un bon contenu pour le pays, etc.
Je voulais simplement mentionner cette perspective. Vous avez eu raison de faire remarquer que les entreprises de télécommunications débordaient peut-être des paramètres du CRTC, et c'est quelque chose que nous devrions peut-être examiner.
Toute cette argumentation sur la protection de la culture commence à me fatiguer, car souvent quand j'entends des gens parler de culture, j'ai l'impression que c'est une élite culturelle qui se croit détentrice du savoir au nom de tous. Pour moi, la culture, c'est un choix individuel. Nous choisissons chacun notre culture. Pour moi, la culture va de Beethoven à Mozart en passant par Shakespeare et Mark Twain. C'est toutes sortes des choses. C'est une question de préférence personnelle. La meilleure définition de la culture, c'est la liberté de choix pour les individus.
Les Américains qui regardaient le match du Super Bowl à la mi-temps ont dû se demander si le Canada envahissait les États-Unis, pour vous donner un autre point de vue.
Je pense qu'un jour nous aurons une définition claire de la culture et nous saurons exactement ce que nous entendons par ce terme. Mais ce que je ne veux pas, c'est une machine à propagande dirigée par les élites qui imposent leur vision culturelle à tout le monde. Je trouve que c'est dangereux.
Le président: Et si nous écoutions leurs réponses avant que votre temps expire?
Monsieur Paradis.
M. Richard Paradis: J'ai quelques brèves réponses. Tout d'abord, il a parlé des satellites. Je tiens à rappeler à tout le monde qu'une des compagnies de satellite au Canada appartient à la compagnie de téléphone, et je parle d'ExpressVu qui relève de Bell, cependant que Star Choice appartient à la deuxième compagnie de câblodistribution en importance au Canada.
Pour revenir à ce que M. Dalfen disait à propos du rapport entre le contenu canadien et les gens qui transportent les signaux, M. Dalfen a son propre problème. C'est un sérieux problème concernant les dramatiques à la télévision qu'il essaye de résoudre. C'est un problème qui a été créé par la commission en 1999 quand elle a essayé de modifier les règles de contenu canadien, ce qui a entraîné au Canada français une diminution de 50 p. 100 de la réalisation de dramatiques de qualité, et la disparition totale de la réalisation d'émissions dramatiques au Canada anglais.
Quant à la question de savoir en quoi consiste la culture, quand vous parlez des Américains, ce qui est intéressant c'est que si vous êtes abonné au câble et au satellite au Canada, vous avez accès à environ 200 chaînes dont 50 p. 100 ou plus sont américaines. Si vous allez aux États-Unis, essayez donc de trouver une chaîne qui n'est pas américaine.
Le président: Madame Drouin.
Mme Solange Drouin: En matière de culture, nous sommes tous d'accord avec vous sur le droit au choix. Mais ce que nous disons ici, c'est que nous voulons que les produits culturels canadiens soient accessibles au public canadien. C'est cela que nous voulons préserver dans le secteur des télécommunications et dans la radiodiffusion. Nous sommes bien d'accord pour laisser le choix aux consommateurs, mais il faut que cela fasse partie des choix possibles qu'il a. C'est ce que nous avons en commun.
» (1705)
M. Brian Fitzpatrick: Je disais simplement que nous avons le CRTC et que c'est son travail de veiller à ce qu'il y ait un certain degré de contenu canadien.
Mme Solange Drouin: Dans le secteur de la radiodiffusion, que nous connaissons mieux, le CRTC est quelquefois obligé de recourir à la force pour imposer ce genre de choses à des entreprises canadiennes. Imaginez sa situation en face d'une compagnie étrangère. Quelquefois, il est vraiment obligé de mettre la pression pour obliger des compagnies à respecter la réglementation.
M. Brian Fitzpatrick: Il peut révoquer une licence.
Le président: Merci beaucoup.
M. Brian Fitzpatrick: C'est un moyen de pression considérable.
Le président: Merci beaucoup.
Je vous signale qu'il est très difficile d'interpréter quand deux personnes parlent ensemble.
Monsieur Volpe, puis monsieur Marcil.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Ching, j'espère que je ne vous ai pas mal compris, mais j'ai eu l'impression que vous vouliez pratiquement dire que, vu le passé du CRTC, dans ce contexte de convergence, les gens qui s'imaginent que le CRTC pourrait continuer à s'assurer qu'on maintient une programmation sont des nostalgiques du CRTC qui rêvent en couleur.
M. Donald Ching: Si c'est ce que vous avez entendu dans mes paroles, ce n'était nullement intentionnel.
Je dis simplement qu'il y a convergence. Si on a déjà de la difficulté à séparer la propriété et le contenu dans l'industrie de la câblodistribution, on va aussi avoir ce problème dans l'industrie téléphonique. C'est tout ce que j'ai dit.
Je n'ai pas dit que le CRTC pouvait ou devait avoir les compétences ou les connaissances ou les instruments législatifs nécessaires pour contrôler le contenu. Nous commençons simplement à découvrir ce nouveau domaine, le domaine de la transmission vidéo, et les choses ne sont pas encore très claires dans ce secteur.
Je crois sincèrement que le CRTC a eu beaucoup d'influence sur le contenu véhiculé par les câblodistributeurs. Je ne me prononce pas sur la question de savoir s'il a suffisamment de pouvoirs ou non.
M. Joseph Volpe: Merci.
M. Paradis semble avoir voulu aborder cette question lorsqu'il a commenté les dramatiques en français et en anglais, d'origine canadienne dans les deux cas. Monsieur Paradis, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais la semaine dernière, un de nos témoins a laissé entendre, ou plutôt il a affirmé sans équivoque que le CRTC avait «raté son coup»—le témoin a utilisé le mot «botched» en anglais—pour ce qui est de maintenir un contenu acceptable aux yeux de la population canadienne. J'imagine que vous serez du même avis.
M. Richard Paradis: Le président du CRTC a récemment pris ses fonctions et il peut donc commenter ce que son prédécesseur a fait. Dès son entrée en fonction, il a été mis au courant des difficultés qui commençaient à se poser dans la réalisation de dramatiques en anglais et en français. Il a immédiatement amorcé une étude qui devrait être terminée au mois de mars.
M. Joseph Volpe: Nous serons déjà tous devenus des Américains.
M. Richard Paradis: Je ne crois pas.
M. Joseph Volpe: Permettez-moi de pousser mon idée un peu plus loin.
Selon les propos de Mme Girard-Bujold sur la culture et l'opinion de Mme Solange Drouin qui a affirmé qu'il y a des récits canadiens intéressants et qu'il faut pouvoir les présenter, comme je suis fier comme vous d'être Canadien, je pense que les récits canadiens sont fascinants...
Mme Solange Drouin: Il en va de même pour la musique canadienne.
M. Joseph Volpe: Cela fait partie du récit.
Si de telles émissions sont attrayantes, pourquoi le CRTC ne peut-il pas les promouvoir, selon les témoins que nous avons entendus?
Mme Solange Drouin: Bonne question.
M. Joseph Volpe: Sans vouloir entrer dans des débats philosophiques, je dirais que si c'est le cas, est-ce que l'entreprise ne devrait pas pouvoir récupérer les frais qu'elle a assumés pour lancer le produit sur le marché, si ce produit est valable?
Si nous sommes incapables au Canada de concevoir des produits qui trouveront preneurs sur le marché et que nous avons un organisme de réglementation comme le CRTC qui n'est même pas capable de promouvoir même un mauvais produit, sommes-nous en train de nous perdre dans des considérations philosophiques ou voulons-nous vraiment faire valoir notre position?
» (1710)
M. Richard Paradis: Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression qu'en tant que groupe... nous comparaissons tous régulièrement devant le CRTC et n'avons pas peur d'exprimer nos opinions. S'il a manqué son coup en ce qui concerne les émissions dramatiques, le CRTC a fait du bon travail pour ce qui est de promouvoir le contenu canadien, que ce soit dans le domaine de la musique ou de l'audiovisuel. Il parvient même parfois à nous aider dans le domaine du cinéma.
Personne ne prétend que les entreprises de télécommunications ne devraient pas faire d'argent lorsqu'elles distribuent du contenu. Nous estimons cependant qu'il faut garantir l'accès : il faut que les Canadiens aient accès à des productions canadiennes. Et la qualité des productions n'est pas en cause parce que...
M. Joseph Volpe: Permettez-moi de vous interrompre un instant, parce que vous venez de toucher un point sensible...
Le président: Votre temps est écoulé.
M. Joseph Volpe: Je vais terminer rapidement.
Vous n'êtes pas le seul à avoir soulevé cet aspect. Qu'elle soit étrangère ou canadienne, l'entreprise n'a qu'un seul but : faire en sorte que sa clientèle achète le produit qu'elle offrira.
Pourquoi certains pensent-ils que la population canadienne serait intéressée par ce qui se passe au Chili ou dans le sud de l'Argentine? Si vous habitez Montréal ou Québec ou si vous vivez à St. John's, à Terre-Neuve, ou ailleurs au Canada, pourquoi votre récit serait-il moins attrayant?
Mme Francine Bertrand-Venne: Parce que pour certains, la culture doit être considérée comme n'importe quelle autre industrie.
Comme vous le savez, les budgets des entreprises dépendent du marketing et du positionnement de l'entreprise. Prenez l'exemple de la soupe Campbell. Ne pensez-vous pas qu'il y a sur n'importe quel marché une personne haut placée qui négocie l'accès à ce produit?
Nous disons simplement que nous voulons avoir accès, et que nous voulons que nos concitoyens connaissent la culture et le contenu canadiens. Si nous sommes absents... nous craignons que, si les entreprises de télécommunications tombent entre les mains d'étrangers, ceux-ci ne verront pas les avantages d'offrir du contenu canadien, puisque leurs décisions se fonderont sur une analyse purement économique.
Il est important d'offrir différents produits culturels, et c'est ce que nous sommes venus vous dire.
M. Joseph Volpe: Vous dites que les entreprises canadiennes ne font pas mieux que les compagnies étrangères, parce que nous devons recourir au CRTC pour les forcer à se conformer à nos exigences.
Mme Francine Bertrand-Venne: Nous savons que ce n'est pas facile. Nous en convenons.
Nous représentons les auteurs et les compositeurs, et rien ne nous garantit qu'un organisateur ou qu'un producteur de disque va nous offrir un contrat. Mais il reste que nous évoluons dans le même milieu et que nous sommes d'accord pour dire qu'il y a une façon canadienne de faire les choses. Ce sont des valeurs canadiennes. Nous avons réalisé de grandes choses au Canada, et nous ne voulons pas les perdre. Voilà ce que nous sommes venus vous dire.
S'il n'y a pas de problème, pourquoi chercher une solution? Qui, d'ailleurs, a demandé qu'on se penche sur la question? Ce ne sont pas des Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Volpe.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président. En fait, j'aimerais dire deux petites choses. On a dit que le plafond n'est jamais atteint. Il faut comprendre qu'il ne peut pas être atteint, parce qu'il n'y a personne qui veuille investir 20 p. 100 s'il n'est pas capable de prendre le contrôle de l'entreprise. Il ne sera jamais atteint.
Dans ce que j'ai entendu du CRTC hier, il n'y avait aucune opinion. Ils nous ont tout simplement dit qu'ils administraient une loi, et la loi dit que c'est 80:20, point à la ligne. Ils se limitent à ça.
Le problème que nous vivons ici, c'est que nous, nous avons un objectif, celui de consulter les gens pour voir si une déréglementation au niveau de la télécommunication est acceptable. Au niveau du patrimoine, ils ont fait une consultation qui allait un peu dans le même sens, pour voir s'il y aurait un danger s'il y avait une déréglementation au niveau des contenus, et ainsi de suite.
En ce qui concerne l'opinion du Comité permanent du patrimoine canadien, on sait à peu près la tendance qu'ils tiennent à prendre. Nous, nous pensons que si on la limitait strictement aux télécommunications, la déréglementation ne devrait pas causer de problème. Sauf que vous nous dites aujourd'hui, comme d'autres l'ont fait avant vous, que maintenant, on ne peut pas dissocier les télécommunications. Donc à ce moment-là, on mettrait en danger la culture canadienne, et notamment la culture québécoise. Parce que vous savez qu'au Québec, il y a une loi qui dit que tous les films qui sortent doivent être traduits en français. Le problème, c'est qu'on n'est pas capables de les faire traduire par les Québécois, on les fait traduire par les Français. Donc, nous ne nous retrouvons pas nécessairement dans notre langue. Même si nous parlons le français, nous n'avons pas les mêmes expressions.
» (1715)
[Traduction]
Le président: J'attends toujours votre question.
[Français]
M. Serge Marcil: Monsieur le président, j'ai cinq minutes. Je vais me limiter à mes cinq minutes.
La question, en fait, c'est qu'il n'y a rien à faire, parce que c'est la première fois qu'on voit en même temps une compagnie de télécommunications et des représentants qui disent la même chose: qu'il y a un danger à dissocier les deux. Donc, on est en fait devant un mur, ce qui veut dire que si on déréglemente, on risque de perdre le contrôle sur les contenus, et si on ne déréglemente pas, on maintient ce qu'on a actuellement, ce qui serait bon, semble-t-il, selon la plupart des témoins.
Donc, pour conclure, votre opinion à vous, c'est de ne pas y toucher, de maintenir la même chose. C'est cela que vous dites? Et vous aussi, vous dites la même chose? Sauf que les professeurs nous disent des choses différentes. D'accord. C'est juste ça.
Mme Anne-Marie Des Roches: Les professeurs jouent beaucoup dans la théorie, parfois.
Le président: Oui.
Mme Solange Drouin: Mais je vous dirai, à ce sujet, une chose qu'on a dite au Comité permanent du patrimoine canadien et que je pense qu'il est important de répéter ici, c'est qu'on pense que les tenants de la déréglementation n'ont pas du tout en tête l'intérêt public. Ce n'est pas seulement nous qui le disons, Matthew Fraser l'a écrit lui-même dans son journal, que je ne nommerai pas pour ne pas lui faire de publicité parce que souvent, nous ne sommes pas d'accord avec lui.
L'intérêt qui est poursuivi par les gens des télécommunications qui demandent une déréglementation, disons-le franchement, c'est de briser les monopoles qui sont là, le gros monopole de Bell. Ils veulent avoir accès, eux, à du capital pour briser le monopole de Bell. Mais ce n'est pas sûr que ça fonctionnerait parce que peut-être que les gens donneraient encore plus d'argent à Bell, et ils se retrouveraient Gros-Jean comme devant, peut-être.
Les gens de câblodistribution, eux, veulent bénéficier par effet domino de la déréglementation que vous pourriez mettre en place pour les télécommunications. Celle-ci aurait un effet domino en broadcasting. Les gros câblodistributeurs du pays sont tous des entreprises familiales qui veulent, à un moment donné, vendre leur compagnie au plus offrant. Rogers veut vendre, COGECO veut vendre. C'est clair, tout le monde en est à une deuxième, sinon à une troisième génération, et ils veulent vendre le plus cher possible.
Alors, qui a à coeur l'intérêt public des Canadiens, là-dedans? Il n'est pas certain que ce soit ça qui soit sur la table. Il faudrait peut-être regarder ce qui se cache derrière ces préoccupations-là, derrière ce qu'on vous dit, parce que comme on vous l'a dit, et on n'est pas les seuls, en télécommunications, le Canada fait bonne figure. Alors, qui a vraiment l'intérêt public canadien à coeur? On n'en est pas sûrs.
M. Serge Marcil: Donc, on va voir.
Je tiens à sensibiliser justement les Canadiens anglais à notre situation. Nous, nous sommes des Canadiens français, des Québécois, nous avons une culture qui nous appartient, et il est important et nécessaire pour nous de protéger notre culture francophone; pas à cause du Canada anglais, mais à cause du milieu américain. L'impact que la culture américaine peut avoir sur nos jeunes est quasiment incalculable.
En allant dans ce sens-là, s'il y avait un déséquilibre au niveau du contenu, c'est-à-dire si l'ensemble de la population canadienne n'avait pas le choix entre des émissions américaines, européennes ou canadiennes, à ce moment-là, on irait au plus facile et il n'existerait plus de programmation canadienne. Les gens auraient donc le choix, dans une programmation américaine, entre les soap operas, les parties de football et les parties de baseball, et ainsi de suite. C'est un peu ça qui est en cause au niveau du patrimoine, mais je croyais qu'on pouvait quand même déréglementer au niveau de la télécommunication sans mettre en danger ce côté-là.
Monsieur, vous avez bien dit qu'en fin de compte, si on optait pour une déréglementation, il faudrait, pour maintenir la qualité du contenu canadien, que le gouvernement du Canada s'engage à financer les services dans les régions rurales. Car si je lis entre les lignes, les entreprises iraient au plus rentable, donc elles négligeraient toute la distribution au niveau des régions, à laquelle les entreprises, notamment BCE, sont obligées de veiller actuellement. Elles ont la responsabilité d'alimenter les régions rurales, de leur fournir des services comparables à ceux des régions urbaines.
» (1720)
[Traduction]
Le président: Monsieur Paradis.
[Français]
M. Richard Paradis: Je voulais juste revenir sur le Superbowl. S'il n'y avait pas la réglementation au Canada au niveau de la radiodiffusion, on n'aurait pas eu Céline Dion et Shania Twain au Superbowl.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je veux juste approuver ce que dit M. Marcil. C'est vrai que nous sommes dans une mer d'anglophones. L'excellence qu'a réussi à atteindre la télévision québécoise n'aurait pas été possible, je pense, sans ce qu'on a présentement sur la table.
Je suis également d'accord avec Mme Drouin quand elle dit qu'on ne sait pas ce qu'il y a derrière et ce qu'il y a devant cette volonté de tant déréglementer. Alors nous, le Bloc québécois, nous sommes d'accord avec votre position.
Au Comité permanent du patrimoine canadien, c'est ma collègue, Mme Gagnon, qui est la représentante du Bloc québécois et qui témoigne, et elle est d'accord elle aussi avec votre argumentation. Je pense qu'on doit garder et même améliorer ce qu'on a.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi, mais le temps passe. Je vous invite à poser votre question.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Alors, je voulais dire que moi...
[Traduction]
Le président: Ce n'est pas le moment de faire des discours politiques. Nous avons seulement six ou sept minutes, alors...
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, monsieur. Alors...
[Traduction]
Le président: Nous avons des questions à poser.
Qui d'autre veut intervenir?
Quatre membres du comité veulent interroger les témoins. Je dois leur donner la parole avant de la donner aux attachés de recherche.
M. Brian Fitzpatrick: Je voudrais revenir à quelque chose qu'a dit M. Volpe. Vous semblez laisser entendre que nous rejetons les produits canadiens. La chaîne de câblodistribution TV 1 offre 100 canaux. La semaine dernière, j'ai regardé une émission qui a été très cotée pendant toute la semaine. C'était la soirée du tournoi de curling canadien pour dames. J'ai bien aimé cette émission, à l'instar de centaines de milliers de Canadiens qui ont fait comme moi. C'était une émission à contenu canadien. Si vous présentez des émissions véritablement canadiennes, elles attireront les téléspectateurs. Je suis sûr qu'au Québec, lorsque la télévision offre d'excellents produits à fort contenu culturel québécois, les gens les regardent.
Il est évident que les émissions chiliennes ou argentines ne nous intéressent pas. Elles ne reflètent pas notre réalité. J'aimerais souligner ce que j'ai dit au sujet des Murdoch. Je pense que les Britanniques font affaire avec eux et qu'ils ont obtenu une licence pour offrir des services au Royaume-Uni. Ils sont tenus de respecter une certaine proportion de contenu britannique sur cette station, et c'est ce qu'ils font. S'ils ne le faisaient pas, ils pourraient perdre leur licence en vertu des règlements économiques en vigueur au Royaume-Uni.
C'est un puissant levier qui n'a rien à voir avec la propriété des entreprises. Le gouvernement a le pouvoir de réglementer l'industrie et oblige les entreprises à présenter une certaine proportion de contenu britannique. Si les émissions qu'on présente sont sans intérêt, les consommateurs ne s'abonneront pas et choisiront une autre entreprise. Cela me semble élémentaire: les entreprises doivent présenter une programmation de qualité sinon elles feront faillite. Personne n'achète sciemment une bagnole qui fonctionne mal. Tout le monde essaie d'acheter une bonne voiture, et c'est la même chose pour la programmation. Le consommateur essaie d'acheter un produit de qualité, et si l'entreprise n'en produit pas, elle fera faillite.
C'est tout ce que je voulais dire.
Le président: C'est votre dernier point.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Paradis.
M. Richard Paradis: J'allais dire qu'avant de commencer à parler des canaux de Murdoch partout sur la planète, il faudrait peut-être que nous les regardions, car presque tout ce qu'il diffuse c'est ce qu'il peut trouver de moins cher—c'est essentiellement américain.
Le président: Madame Drouin, très brièvement.
Mme Solange Drouin: Si nous vivions à Disney World, je serais portée à en convenir. Je n'ai pas consulté mes collègues, mais si nous avions le même droit au début, nous n'aurions probablement pas de réglementation. Les Chiliens auraient les mêmes chances aux États-Unis et les Canadiens auraient les mêmes chances que les Français. Mais ce n'est pas le cas, nous ne vivons pas dans un monde de rêve. Nous avons un gros voisin qui peut imposer son opinion—peut-être pas au début—sur le contenu. Mais je vous exhorte à ne pas penser uniquement à demain. Pensez à dans cinq ans, parce qu'ils auront le pouvoir d'ici là d'exercer des pressions pour changer les règles sur le contenu. Nous ne serons pas en mesure de nous y opposer, parce qu'ils seront partout.
» (1725)
Le président: Monsieur Marcil, est-ce une question?
Je vous en prie, pas de sermon, une question.
[Français]
M. Serge Marcil: L'automne dernier, il y a eu un phénomène assez particulier ici, au Canada. La Ligue nationale de hockey a décidé de signer un contrat de télédiffusion uniquement avec RDS, donc un poste pour lequel les gens doivent payer, ce qui voulait dire, pour le Québec, qu'on ne pouvait plus voir le Canadien de Montréal à Radio-Canada en français. Par contre, on pouvait voir les Maple Leafs de Toronto ou le Canadien de Montréal à la télévision anglaise. Eux ne payaient pas, et nous, les francophones, nous étions obligés de payer si nous voulions les voir.
Le Comité mixte permanent des langues officielles est intervenu et, en fin de compte, il y a eu une entente pour que le samedi soir, au moins, on puisse voir le Canadien de Montréal à Radio-Canada en français. Vous voyez ce que ça peut faire, simplement en termes de rentabilité, si une entreprise décide de mettre au rancart Radio-Canada en français parce que ça coûte trop cher et qu'on ne les paie pas assez. Donc, c'était juste un petit exemple, quand on parle de télécommunications et de contenu.
[Traduction]
Le président: Monsieur Marcil, nous aurons trois heures jeudi pour discuter entre nous. Nous aurons beaucoup de discussions et je tenterai de maintenir l'ordre.
Avant de terminer, j'ai quelques questions. Monsieur Shannon—avant que vous ne partiez—vous avez parlé des discussions à l'OMC pour obtenir des concessions au cours de la prochaine ronde. J'aimerais donc savoir, quelles concessions? Dites-vous que nous devons obtenir certains avantages dans le secteur des télécommunications pour compenser certains autres? Je n'ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire. Pourriez-vous nous l'expliquer?
M. Gerry Shannon: Monsieur le président, je peux vous l'expliquer. Ce que je voulais dire c'est que la question des télécommunications est une question parmi plusieurs autres dans le secteur des services qui feront l'objet de négociations plus poussées au cours de la prochaine ronde. En ce qui concerne les télécommunications, nous avons déjà en place ce que l'on appelle le document de référence, qui existe et dont nous sommes signataires. Deux questions se posent cependant. Jusqu'à quel point les membres sont-ils, de façon générale, disposés à ouvrir encore plus leurs régimes à la concurrence, notamment en ce qui concerne la propriété étrangère?
Deuxièmement, il y a aussi l'aspect important du niveau auquel de nombreux pays en voie de développement qui nous sont très importants—le Brésil par exemple qui est un marché et certains des principaux marchés asiatiques—sont disposés à ouvrir leurs régimes pour que les entreprises canadiennes qui souhaitent investir dans leurs industries puissent le faire. Ce sont là des questions qui se prêtent à la négociation, monsieur le président. Ces questions sont délicates pour nous, mais elles le sont pour d'autres aussi. Toutefois, il est clair qu'avec l'évolution de l'industrie, avec le libre mouvement des biens, de la technologie et des capitaux même, mieux cela vaudra pour les entreprises capables de se positionner pour faire concurrence à l'échelle internationale. De ce point de vue, certaines entreprises canadiennes de télécommunications veulent bien sûr être en mesure de jouer au plus haut niveau.
Le président: Justement, il s'agit de savoir si le Canada est un joueur important à ce niveau. Il faut aussi se demander ce qui se produira si nous n'obtenons pas de concessions, et suite à ce qu'a dit Mme Drouin, ce qui se produira dans cinq, six, sept ans...?
M. Gerry Shannon: Monsieur le président, d'après mon expérience, si on ne nous fait pas de concessions, nous n'en ferons pas beaucoup non plus. C'est une entente équilibrée, mais on tente toujours de négocier multilatéralement de sorte qu'on se retrouve à gagner autant qu'on donne, et au niveau sectoriel et plus généralement, sur toute la gamme des questions sur la table.
J'ai l'impression que bien que les entreprises canadiennes ne soient pas les plus grandes au monde, elles sont très concurrentielles. Et comme tout repose sur les droits, certaines d'entre elles font valoir que de toute façon, l'élimination ou la réduction marquée des restrictions à l'investissement étranger les placerait dans une position encore plus compétitive. Si c'est vrai, alors manifestement, elles doivent se considérer comme ayant beaucoup à gagner en ayant un meilleur accès aux marchés étrangers que ce n'est le cas actuellement.
Le président: Une dernière question courte de l'attaché de recherche, avant que nous n'arrêtions.
M. James McQueen (attaché de recherche auprès du comité): Merci, monsieur le président.
Monsieur Shannon, de nombreux témoins nous ont dit qu'il nous fallait éliminer maintenant les restrictions à l'investissement étranger. Que se produira-t-il si dans trois ou quatre ans, après l'OMC, nous sommes exclus, nous n'obtenons aucune concession? Qu'est-ce que nous dirons à ces gens? Désolé, vous avez quatre ans de retard.
» (1730)
M. Gerry Shannon: Monsieur le président, à mon avis, on peut prétendre—certains le prétendent—que l'élimination unilatérale des restrictions est justifiée du point de vue canadien.
D'après mon expérience, ce ne serait pas sage. Je préfère garder quelque chose pour les négociations en retour pour ce que nous considérons être dans notre intérêt national. Je suis donc porté à dire que puisque nous disposons de trois ou quatre ans, lorsque les négociations porteront fruit, compte tenu du fait qu'il y a un certain malaise dans l'industrie des télécommunications, à l'échelle mondiale, il serait raisonnable de se réserver—certainement de nous renseigner, d'être prêts, d'identifier les obstacles que nous considérons nuisibles à nos intérêts à l'étranger. Par ailleurs, je ne suis pas de ceux qui préconisent de démanteler notre régime tant et aussi longtemps que nous ne serons pas en négociation et il faut nous assurer d'obtenir quelque chose pour ce que nous offrons. Voilà mon point de vue. C'est peut-être différent de certaines des grandes sociétés probablement, mais c'est mon point de vue.
Le président: Merci beaucoup. Nous devons nous arrêter. La sonnerie se fera entendre bientôt.
Je veux remercier tous les témoins de leurs présentations aujourd'hui et de la discussion parfois animée. Comme vous pouvez le voir, nous avons aussi beaucoup de discussions au sein du comité. Donc, je remercie les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Merci encore.
À l'intention des membres du comité, je tiens à vous rappeler que nous avons des réunions mercredi et jeudi matin. Jeudi matin, ce sera de 9 heures à 13 heures. On fera venir le déjeuner, et nous pourrons discuter entre nous.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais la parole.
Le président: Très bien.
M. Dan McTeague: Monsieur le président, j'ai reçu des renseignements voulant que l'une des sociétés que nous aimerions entendre lorsque nous allons examiner l'industrie du pétrole a dit qu'elle croit que nous pratiquons de la malveillance politique. Je me demandais si nous ne pourrions pas en parler à l'avenir.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.