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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 20 février 2003




¿ 0940
V         Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         M. David Edmonds (directeur général des télécommunications du Royaume-Uni)

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         Mme Claire Durkin (directrice des politiques en matière d'Internet, de large bande et de réseaux de communication, ministère du Commerce et de l'Industrie, Gouvernement du Royaume-Uni)
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne)
V         M. David Edmonds

¿ 0955
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. David Edmonds

À 1000
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin
V         Le président
V         M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.)

À 1005
V         Mme Claire Durkin
V         M. Serge Marcil

À 1010
V         M. David Edmonds

À 1015
V         Mme Claire Durkin
V         Le président
V         M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne)
V         M. David Edmonds

À 1020
V         Mme Claire Durkin
V         M. James Rajotte

À 1025
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin
V         Le président
V         M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)

À 1030
V         M. David Edmonds

À 1035
V         M. Brent St. Denis
V         M. David Edmonds
V         M. Brent St. Denis
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin
V         M. Brent St. Denis
V         Mme Claire Durkin

À 1040
V         M. Brent St. Denis
V         Mme Claire Durkin
V         M. Brent St. Denis
V         Mme Claire Durkin
V         M. David Edmonds
V         Le président
V         M. David Edmonds
V         Le président

À 1045
V         M. James Rajotte
V         Mme Claire Durkin
V         M. David Edmonds

À 1050
V         M. James Rajotte
V         M. David Edmonds
V         M. James Rajotte
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin

À 1055
V         Le président
V         M. Serge Marcil
V         Mme Claire Durkin

Á 1100
V         M. Serge Marcil
V         M. Brent St. Denis
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin

Á 1105
V         Le président
V         M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité)
V         Mme Claire Durkin
V         M. Dan Shaw
V         Mme Claire Durkin
V         Le président
V         M. Dan Shaw
V         M. David Edmonds

Á 1110
V         M. Dan Shaw
V         M. David Edmonds
V         Mme Claire Durkin
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 022 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 février 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0940)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons les restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.

    Nous accueillons aujourd'hui des témoins du gouvernement du Royaume-Uni: Claire Durkin, du ministère du Commerce et de l'Industrie, et David Edmonds, directeur d'OFTEL.

    Je vous remercie beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Nous ne nous réunissons pas normalement le jeudi matin; c'est ce qui explique que certains de nos membres sont à d'autres comités.

    Petit préambule: il ne faut pas toucher aux microphones. L'opérateur qui est là derrière moi va s'occuper de cela, car la séance est enregistrée. Je suis sûr que les membres du Comité de l'industrie et du Comité du patrimoine voudront pouvoir lire le texte intégral de nos délibérations dans le compte rendu.

    Je tiens encore une fois à vous souhaiter la bienvenue ici aujourd'hui, au Comité de l'industrie. Je vous invite à nous faire vos remarques préliminaires. Vous voudrez peut-être nous en dire un peu plus sur vos antécédents et vos responsabilités pour que nous sachions à quoi nous en tenir et que cela puisse être consigné au compte rendu. Nous pourrons ensuite passer aux questions.

    Alors, qui va commencer? Monsieur Edmonds, allez-y.

+-

    M. David Edmonds (directeur général des télécommunications du Royaume-Uni): Merci de ces bonnes paroles et de nous avoir invités à vous adresser la parole aujourd'hui.

    Je m'appelle David Edmonds. Je suis directeur général des télécommunications au Royaume-Uni, ce qui signifie que je suis responsable de la réglementation du secteur des télécommunications et que je rends compte de mon activité au Parlement. Je ne suis pas un homme politique; je dirige un service gouvernemental non ministériel. Même si j'ai été nommé à l'origine par le secrétaire d'État et que j'ai en fait été reconduit dans mes fonctions par le secrétaire d'État pour un deuxième mandat de trois ans, j'ai toute l'indépendance qui tient tellement à coeur aux responsables de la réglementation et qu'ils recherchent constamment. Depuis cinq ans, je suis associé de près à l'évolution de la réglementation au Royaume-Uni, et je connais donc assez bien les questions sur lesquelles votre comité se penche.

    Permettez-moi de bien insister, monsieur le président, sur le fait que les propos que je vais tenir ici n'engagent que moi; je ne représente pas le gouvernement du Royaume-Uni. Je suis là en tant que responsable de la réglementation. Il convient également de préciser que nous vivons des moments intéressants au Royaume-Uni, parce que nous sommes en train de passer d'un système de réglementation simple de l'industrie, dont je suis actuellement responsable, à une approche plus collective. Une fois que le projet de loi à cet effet aura été adopté par le Parlement plus tard cette année, un nouvel organisme verra le jour, qui s'appellera le Bureau des communications et qui sera chargé de réglementer le contenu radiodiffusé sur le spectre de télécommunication. Nous aurons donc un nouvel organe de réglementation convergé.

    Je suis sans doute en train d'établir un record, car il y a trois semaines, je me trouvais devant le Comité du commerce et de l'industrie de la Chambre des communes, où j'ai été passé au crible pendant deux heures sur la façon dont je m'acquitte de mes responsabilités en matière de télécommunications. Venir témoigner devant les comités des deux Parlements en l'espace de deux semaines est sans doute un exploit qui ne sera jamais répété.

    Ce que je tiens à préciser très brièvement en guise d'introduction, monsieur le président, c'est que l'expérience que j'ai des télécommunications au Royaume-Uni tient à la nature de mon rôle. Il y a une différence très intéressante par rapport à ce que je considère comme le principe fondamental de la loi canadienne de 1993, qui affirme «le caractère essentiel des télécommunications pour l'identité et la souveraineté canadiennes». Mon rôle en tant que directeur général est très différent de cela. Il consiste, aux termes de la loi de 1984 sur les télécommunications du Royaume-Uni, à promouvoir les intérêts du consommateur du Royaume-Uni, dans toute la mesure du possible, en favorisant la concurrence au Royaume-Uni. J'ai donc un rôle très vaste et aucunement circonscrit pour ce qui est d'appuyer et de servir les intérêts du consommateur au Royaume-Uni, sur le plan tant de la prestation économique de services de télécommunications que, bien sûr, de la qualité de ces services. Même si je ne suis pas pour autant un économiste du genre d'Adam Smith, pour qui tout passe par la concurrence, mon rôle reflète la prise de conscience depuis bien des années maintenant des avantages de la concurrence sur le marché du Royaume-Uni.

    L'essentiel à retenir de notre expérience étant donné le sujet qui vous occupe aujourd'hui, c'est que cette concurrence est en grande partie attribuable aux entreprises étrangères qui sont venues au Royaume-Uni avec leurs capitaux propres, leurs compétences particulières et leurs ressources à elles. Je suis fermement convaincu, tout comme votre comité, j'en suis sûr, que l'innovation qui découle de la concurrence est presque toujours entièrement positive et productive.

    Au Royaume-Uni, les secteurs de la téléphonie mobile, des services d'accès à Internet, des télécommunications de base, des télécommunications commerciales et de la télévision numérique doivent dans une très large mesure leur développement à l'arrivée sur le marché du Royaume-Uni de concurrents étrangers.

    Au Royaume-Uni, nous avons—et je ne m'éterniserai pas là-dessus—des tarifs peu élevés, une grande qualité et un choix très vaste. L'exemple le plus remarquable que je puisse vous donner de l'effet bénéfique de l'investissement étranger chez nous est celui de la câblodistribution, qui rejoint maintenant environ 52 p. 100 de la population du Royaume-Uni, dont le financement est venu entièrement de capitaux étrangers. NTL et Telewest, deux entreprises d'envergure, ont pu toutes deux commencer à assurer leurs services de câblodistribution au Royaume-Uni grâce à des capitaux privés et sans aucune subvention de l'État, et elles ont par conséquent soumis le câblodistributeur existant à une vive concurrence. Face aux pressions intenses qui résultaient de l'arrivée de ces capitaux au Royaume-Uni, British Telecom a ainsi dû améliorer le service qu'il offrait aux consommateurs et abaisser ses tarifs.

¿  +-(0945)  

    Les tarifs canadiens sont très bas, je crois. Nos tarifs sont un tantinet plus bas que les vôtres, mais de très peu. Et c'est surtout grâce à la concurrence dans le secteur de la câblodistribution que nous avons ces tarifs très bas au Royaume-Uni.

    On trouve le deuxième exemple frappant de l'effet bénéfique de l'investissement étranger au Royaume-Uni dans la téléphonie mobile de troisième génération. Nous avons déjà un secteur de deuxième génération—ou de deuxième génération et demie—qui est très concurrentiel, deux des quatre entreprises du secteur étant, soit dit en passant, entièrement sous contrôle étranger. Elles détiennent environ 25 p. 100 du marché. L'une d'elles est la propriété d'une société française et l'autre, d'une société allemande.

    L'implantation de la téléphonie de troisième génération au Royaume-Uni—où elle est sans doute, après le Japon, la plus avancée au monde—doit son élan en fait aux investissements de la société Hutchison 3G de Hong Kong, dont l'activité au Royaume-Uni est entièrement financée à même ses propres capitaux. Elle est en train de construire au Royaume-Uni le premier réseau de troisième génération dont l'entrée en service est prévue pour cette année.

    Je n'ai pas le moindre doute que c'est l'arrivée de ce cinquième acteur sur le marché qui a la licence 3G et qui est en bonne voie d'offrir les nouveaux services à un prix compétitif qui est le facteur déterminant dans les efforts des quatre entreprises de deuxième génération pour faire de même. Ainsi, les exemples que je peux vous donner d'investissements étrangers au Royaume-Uni, que ce soit dans la câblodistribution, dans la téléphonie mobile de troisième génération ou même dans la téléphonie de deuxième génération, semblent être presque entièrement, voire complètement, bénéfiques.

    Enfin, j'aimerais vous parler de l'expérience que nous avons d'entreprises comme Motorola et Nortel qui sont venues s'installer au Royaume-Uni, en raison, je pense, de l'absence totale de restriction sur le marché. Ces investisseurs étrangers ont financé des installations de R-D au Royaume-Uni.

    Je sais bien, monsieur le président, que la situation au Royaume-Uni est différente de la situation au Canada. Vous vous intéressez toutefois au thème des investissements étrangers, de leur impact éventuel, ainsi qu'à la question de la propriété étrangère. Au Royaume-Uni, les entreprises de télécommunications sont majoritairement sous contrôle étranger. En contrepartie, des sociétés britanniques comme Vodafone investissent énormément à l'étranger. Vodafone a des intérêts considérables, comme vous le savez, aux États-Unis et en Allemagne. À mon avis, ces allées et venues, ces flux de capitaux venant de l'étranger et allant à l'étranger ont, je le répète, été extrêmement avantageux d'après moi pour ce qui est de leur effet de stimulation au Royaume-Uni.

    Quant aux inconvénients, je dois admettre qu'après ces cinq années comme directeur général, je n'en vois pas. La réglementation que j'applique aux entreprises est en tous points équitable. Peu importe qu'elles soient constituées en sociétés au Royaume-Uni, en France, en Allemagne ou en Amérique, elles sont toutes traitées exactement de la même façon. Il n'existe aucune restriction chez nous quant à la nationalité des dirigeants de ces entreprises de télécommunications. Le PDG de British Telecom est hollandais. Le premier dirigeant d'une des entreprises de téléphonie mobile est américain. Un des deux adjoints au PDG de British Telecom est français. Nous tirons un énorme avantage de toute la gamme des compétences que nous apportent ces dirigeants venus de l'étranger.

    Comme vous avez pu vous en rendre compte, je suis un ardent défenseur et promoteur de la concurrence dans le secteur des télécommunications. Le gouvernement du Royaume-Uni, dans ses efforts pour se tailler une place dans ce nouveau monde convergé qui est le nôtre, a pris des décisions très importantes en ce qui concerne d'autres secteurs du marché des communications. Il a décidé d'assouplir les limites à la propriété étrangère pour deux chaînes de télévision indépendantes, ITV et Channel 5. Le gouvernement estime que le nouvel organe de réglementation qui sera créé lui permettra de protéger l'intérêt national, c'est-à-dire les quotas de production indépendante, la qualité de la programmation et le contenu journalistique. Nous sommes également en train de libéraliser la propriété des entreprises radio au Royaume-Uni.

¿  +-(0950)  

    De façon très délibérée et à dessein, nous nous dirigeons vers un monde où l'investissement étranger ou la propriété étrangère sont perçus comme produisant des avantages. Dans les domaines où il y a lieu d'imposer des contraintes d'ordre social ou qualitatif, nous considérons que cela peut se faire par une réglementation, légère cependant, et qui reposerait clairement sur l'autorité absolue du Parlement.

    Merci de m'avoir donné l'occasion de vous présenter mon point de vue personnel auquel je suis arrivé après cinq ans d'expérience.

    Claire Durkin, qui m'accompagne aujourd'hui, est haut fonctionnaire au ministère du Commerce et de l'Industrie. Elle pourrait peut-être se présenter et ajouter ce qu'elle juge bon d'ajouter à mes remarques préliminaires.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Durkin.

+-

    Mme Claire Durkin (directrice des politiques en matière d'Internet, de large bande et de réseaux de communication, ministère du Commerce et de l'Industrie, Gouvernement du Royaume-Uni): Bonjour.

    Je suis fonctionnaire et directrice des politiques en matière d'Internet, de large bande et de réseaux de communication au ministère du Commerce et de l'Industrie. Dans la pratique, cela signifie que je suis responsable du cadre réglementaire qu'a créé David et qui le surveille et qui est aussi en train de créer OFCOM, l'organe qui réglementera la culture et les médias de même que les télécommunications. Le projet de loi a été déposé au Parlement, et mes collaborateurs veillent au moment où nous nous parlons à lui faire passer toutes les étapes pour être adopté au Parlement.

    Je tiens simplement à vous dire que, en tant que fonctionnaire qui, bien sûr, représente le gouvernement, nous entérinons pleinement tout ce que David a dit. Le ministère est entièrement axé sur la productivité et l'esprit d'entreprise, si bien que tout ce que nous faisons au ministère vise à renforcer notre économie en favorisant la productivité des entreprises britanniques.

    L'expérience des 15 ou 20 dernières années montre sans équivoque que les investissements étrangers ont eu un effet d'entraînement qui s'étend bien au-delà du plan strictement financier—ces investissements étrangers nous valent un apport de capital de quelque 50 milliards de dollars par an—et ont à ce point stimulé les idées et l'activité que notre toute petite île en a retiré un bénéfice énorme.

    Je dois vous avouer que, quand je suis entrée en fonction comme responsable des télécommunications, je ne savais pas du tout que Nortel était une société canadienne. C'était pour moi cette méga entreprise extraordinaire qui avait des bureaux extraordinaires et qui faisait du travail extraordinaire au Royaume-Uni. C'est une entreprise qui agit en tout point comme les autres entreprises britanniques. Les investissements étrangers venus du Canada n'ont donc eu que des effets bénéfiques à notre connaissance.

    Je suis heureuse de pouvoir participer à la discussion de ce matin.

+-

    Le président: Parfait.

    Monsieur Fitzpatrick, vous avez la parole.

+-

    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

    Si je comprends bien ce témoignage, la libéralisation des règles de propriété en Grande-Bretagne est bien plus avancée là que n'importe où ailleurs dans le monde. Vous êtes un chef de file. Vous nous dites que les grands gagnants de ce processus sont l'amélioration du service, la réduction des coûts et un meilleur choix pour le consommateur. Cela semble avantageux.

    Ici, entre autres préoccupations, nous nous inquiétons surtout de l'impact négatif d'une libéralisation des règles de propriété sur la culture et le contenu canadiens. Avez-vous constaté cela en Grande-Bretagne? La culture et le contenu britanniques ont-ils été sacrifiés ou ont-ils souffert de la libéralisation des règles de propriété?

+-

    M. David Edmonds: Dans le secteur des télécommunications, essentiellement un réseau, ce qui s'est produit n'a pas eu d'effet perceptible. J'ai parlé du fait que trois des réseaux de téléphonie cellulaire sont sous contrôle étranger. Comme utilisateur d'un téléphone cellulaire, que m'importe que le réseau soit géré par une entreprise allemande, française ou de Hong Kong. Le service, pour moi, ne s'en ressent pas, et je sais que grâce à la concurrence, les prix payés sont parmi les plus bas au monde. Comme consommateur, je sais que l'arrivée sur le marché britannique des deux grandes compagnies de câble a beaucoup encouragé les réseaux nationaux—deux de propriété privée et la British Broadcasting Corporation—à améliorer la diversité et la qualité des services offerts aux consommateurs du Royaume-Uni.

    Il y a bien entendu l'obligation de diffuser les signaux, un élément très important qui existe aussi au Canada, je crois. Si une entreprise de télécommunications vient offrir chez nous une gamme de services de câble et de télécommunications, la loi dont je suis responsable—et qui sera appliquée par OFCOM—précise que ces signaux doivent être offerts sur leur réseau, gratuitement. Ainsi, les programmes culturels de chez nous, de la commission de télévision indépendante et de la BBC sont diffusés par le câble, qui en a l'obligation. C'est là.

    Je n'en ai pas parlé plus tôt, mais je dois aussi dire en réponse à votre question que la chaîne australienne Sky, ou Murdoch's News International, disponible par satellite, a vu sa popularité grandir rapidement au Royaume-Uni et a beaucoup stimulé la qualité des services des producteurs nationaux. Sky, propriétaire du satellite, a l'obligation d'offrir à la BBC et à ITV, représentants de l'industrie britannique, l'accès à ses plates-formes et à ses méthodes d'encodage à un prix raisonnable et non discriminatoire. En cas de litige, c'est moi qui fixe ce prix. Les chaînes de ITV et la BBC ont maintenant recours au satellite Sky et paient un prix juste, raisonnable et non discriminatoire pour leur transmission dans les foyers.

    Malgré l'arrivée des colosses que sont News International ou Sky Broadcasting Corporation, au Royaume-Uni, la chaîne par satellite continue de diffuser l'ensemble des programmes britanniques. Mais surtout, grâce à l'investissement des entreprises étrangères au Royaume-Uni, il y a une concurrence pour la faveur des consommateurs britanniques, et il en résulte une vaste gamme de services, y compris des émissions de sport. Grâce à l'arrivée d'un concurrent étranger, nous voyons tous bien davantage de soccer, de cricket et de tennis britanniques qu'auparavant.

    Donc en réponse à votre question, non, nous n'avons pas vu la diminution dont vous avez parlé.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Au Canada, le secteur du câble fait l'objet d'une réglementation distincte de celle des télécommunications. En raison de la convergence, beaucoup remettent en question l'opportunité d'avoir deux régimes réglementaires distincts, dans ces cas-là.

    On agite beaucoup d'épouvantails, en prétendant que le câble est sacré. On affirme qu'il doit être sous contrôle canadien, et qu'il serait terrible que la câblodiffusion au Canada soit la propriété d'étrangers, ou qu'ils y aient des intérêts importants, puisque cela saperait, détruirait et oblitérerait le contenu canadien. D'après ce que vous me dites, en Grande-Bretagne, c'est exactement le contraire qui s'est produit puisqu'il y a eu une augmentation des services, entre autres, grâce à la libéralisation des règles de propriété qui a amélioré le contenu britannique.

+-

    M. David Edmonds: J'en suis intimement persuadé, mais il serait bien impoli de ma part de formuler des commentaires au sujet de la situation canadienne. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en Grande-Bretagne, la concurrence a eu une incidence positive sur la variété, le choix et l'élévation des normes de programmation pour une bonne part du secteur de la télévision et de la radio.

    Si les réseaux de câble n'étaient pas venus il y a 10 ans, et s'étaient limités à la téléphonie, nous n'aurions pas toute cette gamme de nouvelles chaînes, ni cet énorme effet de stimulation pour les entreprises nationales. Je pense que nous avons une programmation de très haute qualité.

À  +-(1000)  

+-

    M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais formuler encore une observation qui semble peut-être sans rapport, mais j'aime les émissions britanniques. En essayant de me rappeler où j'en ai vues le plus, dans la dernière décennie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il me semble que c'est par l'intermédiaire de chaînes américaines qui sont diffusées ici, comme PBC, le Public Broadcasting System. Étrangement, c'est peut-être l'accès de chaînes américaines à notre réseau qui a contribué à promouvoir la culture britannique au Canada.

+-

    M. David Edmonds: Je l'espère.

    J'aimerais aussi revenir à votre question sur la double réglementation. Au Royaume-Uni, je pense que nous nous orientons vers une convergence dans la réglementation et c'est très important. Votre question porte sur des problèmes très concrets. Je parle en mon nom propre, comme je l'ai dit au début.

    Au Royaume-Uni, des gens craignent une incidence négative sur la culture britannique de la prise de contrôle par une société américaine de nos deux sociétés de télévision indépendantes, qui ont la faveur d'environ 25 p. 100 de l'auditoire au Royaume-Uni. C'est une préoccupation réelle, exprimée chez nous. Je vais y répondre en toute honnêteté.

    La réponse se trouve dans le mandat du nouvel organisme de réglementation, OFCOM. J'en serai l'un des administrateurs; je ne serai plus directeur général et je deviendrai membre du conseil d'administration de ce nouvel organisme; c'est pourquoi ce sujet m'intéresse beaucoup. OFCOM devra stipuler où se fera la production, quelle proportion devra se faire au Royaume-Uni, quelle proportion pourra être importée et quelle proportion, ce qui est très intéressant, pourra venir des producteurs indépendants.

    Une question intéressante sous-tend la vôtre. Faut-il stimuler la concurrence des diffuseurs nationaux? L'un des objectifs de nos politiques est de stimuler la concurrence parmi les principaux diffuseurs, de la BBC aux entreprises indépendantes, en leur disant qu'une part importante de ce qui est diffusé doit être produite par des sociétés indépendantes.

    Avec un régime réglementaire convergé, appuyé par le Parlement... Je crois fermement que les principes de la culture nationale font partie de ce qui fait la souveraineté, comme vous l'avez décrit, et que cela doit être établi par le Parlement et non par un organisme de réglementation. Le Parlement est actuellement saisi d'un projet de loi qui fixera les conditions de base relatives au contenu provenant des sociétés indépendantes, et qui sera mis en oeuvre par l'organisme de réglementation. Même après la libéralisation, si des parties importantes du secteur de la télévision et de la radio britannique sous contrôle britannique étaient achetées par des entreprises étrangères, les mêmes règles de production s'appliqueraient et pourraient même être renforcées.

+-

    Mme Claire Durkin: Je pourrais vous donner un exemple précis, que vous ne connaissez peut-être pas mais qui est très pertinent pour vous. Nous avons la chaîne S4C. C'est une chaîne galloise qui est obligée de présenter des émissions en gallois, et non seulement dans cette langue, mais aussi en respectant des normes de programmation, des normes de qualité. Cette règle demeure, peu importe qui est propriétaire de la chaîne. La chaîne est obligée de fournir ces émissions en gallois, et des émissions de ce niveau de qualité.

    Pour le gouvernement, ce qui est enthousiasmant, c'est de profiter de nouvelles compétences et de nouvelles idées, tout en réglementant dans la mesure nécessaire pour veiller à ce que la culture soit respectée. Ces intérêts ne sont pas complètement oubliés. Ils sont respectés dans le cadre de règlements parlementaires, plutôt que dans le cadre du régime de propriété.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.

    C'est votre tour, monsieur Marcil.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Bonjour. Si je comprends bien l'historique sur la libéralisation des télécommunications au Royaume-Uni, vous avez ouvert le marché à toutes les entreprises qui avaient un intérêt à investir, mais ce que j'ai compris, c'est que cela a été fait de façon prudente. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu quelles ont été les étapes, puisqu'on dit que cela a été fait de façon prudente et graduelle.

    D'abord, vous comprenez notre système. Il n'y a pas d'entreprises appartenant à l'État comme tel. Lorsqu'on parle de télécommunications, ce sont des entreprises canadiennes qui sont propriétaires de ces entreprises-là. La réglementation ne permet pas à des entreprises étrangères d'acheter des entreprises canadiennes en télécommunications ou en radiodiffusion. Donc, ce n'est pas une privatisation, mais plutôt une libéralisation ou une déréglementation, en ce sens qu'on ouvre le marché aux entreprises extérieures.

    Vous, vous l'avez fait de façon prudente et graduelle. Pourriez-vous m'expliquer quel a été le processus et me dire combien de temps il a fallu pour le faire, à peu près?

À  +-(1005)  

[Traduction]

+-

    Mme Claire Durkin: Il y a certainement eu des dates marquantes, notamment en 1984. Je suis, hélas, assez âgée pour m'en rappeler, même si je n'étais pas à mon poste actuel, et cela a eu un effet marqué en Grande-Bretagne. Comme vous le disiez, vous parlez ici de libéralisation, mais il s'agissait chez nous de privatisation, et une privatisation précoce. Elle est arrivée plus tôt que bon nombre d'autres de nos privatisations.

    On avait le sentiment que le téléphone faisait partie de l'infrastructure communautaire, qu'il devait être de propriété publique et par conséquent, pour usage public. C'était à l'époque une mesure radicale. C'est maintenant très difficile à croire, mais c'était le cas. Voilà pourquoi on a agi avec prudence. On avait l'impression que le téléphone appartiendrait désormais au secteur privé, mais il s'agissait néanmoins d'une seule organisation très sérieuse.

    Nous avons créé un duopole. Le gouvernement a déployé beaucoup d'efforts pour créer une deuxième société. Cette deuxième société, appelée Mercury, avait un rôle limité au sein du réseau. De 1984 à aujourd'hui, nous avons procédé par étape. Au début des années 90, nous sommes passés à l'étape suivante, en élargissant les possibilités de transmission et l'étape la plus marquante a eu lieu en 1997, quand nous avons aboli toutes les restrictions, sauf une, évidemment très importante, pour la sécurité nationale.

    J'insiste sur le fait que nous avons toujours agi prudemment et que si on percevait une quelconque menace pour la sécurité nationale, le gouvernement interviendrait. Cette exception mise à part, nous avons procédé étape par étape, afin de gagner la confiance du public et de l'industrie.

    En créant OFTEL, on voulait démanteler le monopole d'État. David pourrait vous parler du rôle d'OFTEL dans cette libéralisation. Plus il y avait d'intérêt pour le réseau, plus il y avait de concurrence au sein du réseau, plus nous pensions que nous pouvions nous retirer et nous avons procédé à la libéralisation.

    Je dois ajouter que si nous avons procédé étape par étape, c'est parce qu'à chaque étape, nous constations des avantages énormes. Après trois ou quatre ans de ces avantages, nous avons eu suffisamment confiance pour passer à l'étape suivante de la libéralisation. Celle de 1997 a eu lieu parce que nous croyions que le marché était suffisamment dynamique. Nous n'y serions pas arrivés, je crois, sans la concurrence et j'aimerais savoir ce que David aurait à dire sur son rôle. C'était une concurrence simple, fournie par le câble, mais ce qui comptait vraiment, c'était les services de téléphone par câble. Bien entendu, dans le cas des services téléphoniques par câble, le contenu importait peu. Il n'y avait pas d'incidence sur le consommateur.

    Pour le consommateur, je tiens à dire que tout cela ne changeait rien au contenu. Je sais que si je ne faisais pas ce travail... je peux dire que mes amis n'ont aucune idée de qui sont les propriétaires des réseaux de téléphone fixes qu'ils ont chez eux, et nous pouvons choisir dans ce cas-là aussi, et question contenu, pour le téléphone cellulaire, cela n'a certainement pas d'importance.

    Toutes mes excuses. Pour revenir à votre question, nous avons procédé par étape, en passant à la suivante seulement quand nous étions sûrs qu'il était raisonnable et sans danger de le faire; nous avons été plutôt prudents. C'est en suivant cette logique que nous sommes devenus le secteur le plus libéralisé.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil: Juste avant que vous complétiez, je voudrais ajouter un autre élément. Tout semble être tellement clair et tellement facile lorsqu'on parle de télécommunications, donc de la téléphonie, du téléphone sans fil et ainsi de suite. Mais je retrouve dans vos propos un point que M. Edmonds a soulevé également au sujet du contenu de fond. Le câble est un distributeur, une infrastructure pour distribuer, mais il y a aujourd'hui de plus en plus d'entreprises qui intègrent autant la distribution que le contenu comme tel. Tout à l'heure, vous avez mentionné que les Britanniques semblaient craindre de perdre un peu de leur souveraineté culturelle.

    Aujourd'hui, comment pouvez-vous intervenir pour éviter que les entreprises étrangères qui possèdent déjà des entreprises de télécommunications en Angleterre ne s'ingèrent ou ne pénètrent dans le contenu et que cela ait un impact sur la culture britannique? Je ne sais pas si vous saisissez bien ma question.

À  +-(1010)  

[Traduction]

+-

    M. David Edmonds: Je pense que le concept de la souveraineté culturelle est extrêmement intéressant. Je crois pouvoir répondre à votre question de deux façons, monsieur.

    Tout d'abord, vous demandiez un historique du processus, que Claire a décrit dans sa réponse. Il faut dire qu'il a été assorti d'une compréhension croissante de la réglementation, et qu'à chaque étape, de nouveaux règlements étaient pris, qui se concentraient sur l'ouverture des réseaux, de l'accès et du choix. Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, ce processus a toujours considéré que le consommateur britannique était la priorité.

    Comme responsable de la réglementation, mon rôle n'est pas de protéger les intérêts des compagnies de téléphone, des câblodiffuseurs, de Sky ou de l'une ou l'autre des grandes entreprises. Je dois plutôt m'assurer que le marché fonctionne de manière avantageuse pour le consommateur. Il est vrai qu'il est plus facile de définir un marché économique qu'un marché culturel. D'ailleurs, il est peut-être un peu risqué de parler du concept de culture dans un marché.

    Je crois qu'il y a deux réponses à votre question. J'ai déjà essayé de donner la première, qui porte sur l'incidence de la propriété étrangère, ou de la propriété différente—ça peut être tout simplement un propriétaire tout à fait différent—sur l'amélioration de la qualité du service offert au consommateur... ou plutôt, dans ce cas-ci, parlons plutôt du citoyen, puisqu'il y a une différence majeure entre le citoyen et le consommateur—le concept de citoyen est plus complet et se rapporte mieux à votre question. Si le citoyen veut une qualité élevée et une vaste gamme de services et qu'il perçoit ne pas les obtenir chez son fournisseur national, alors qu'ils sont offerts par son nouveau rival sur le marché, il y a là un incitatif très important pour le producteur ou la société nationale. Je crois donc que l'industrie nationale peut être dynamisée simplement par la concurrence et par la réduction de sa part de marché. Voilà pour ma première réponse.

    Deuxièmement, je crois l'avoir déjà dit, avec une réglementation intelligente, on peut fixer des normes. Je crois qu'on peut fixer des normes de qualité.

    Le nouvel organisme de réglementation, OFCOM, exigera de chaque société de télévision et de radio qu'elle présente annuellement ses objectifs. Le mandat d'OFCOM, avec l'appui de mesures législatives, comprendra la production nationale, la qualité et la diversité de la programmation, l'impartialité, les nouvelles locales et la couverture locale des régions du Royaume-Uni, ainsi que toute une série de sujets qui vont au coeur même de votre question. Les règlements prévoiront tout cela et l'organisme de réglementation devra s'assurer que les services offerts répondent à ces conditions, qui seront inhérentes à la licence émise à toute nouvelle société.

    Je crois vraiment qu'on peut transposer notre expérience du secteur des télécommunications dans le monde des médias et de la communication, tant pour les produits que pour la programmation. Je crois aussi vraiment qu'il est possible de prévoir les garanties dont vous parlez et qui découlent en fait d'une obsession pour la qualité, une obsession pour ce que je viens de décrire, plus que de préoccupations relatives à la propriété. D'une certaine façon, je dirais que la propriété a moins d'importance que les normes de qualité que vous imposerez, comme Parlement, comme gouvernement ou comme organisme de réglementation, avec l'appui du Parlement. La quadrature du cercle est possible, même si elle suscitera parfois des tensions.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Claire Durkin: J'ai indiqué au début que j'étais responsable des réseaux de communications, mais aussi d'Internet et de la large bande. Le gouvernement reconnaît que, l'Internet étant maintenant omniprésent, il nous est impossible de nous isoler derrière un mur et de maintenir le contenu que nous, au gouvernement, choisirions pour la population. C'est impossible.

    Par conséquent, nous avons décidé d'encourager l'effort de notre propre marché médiatique afin d'être véritablement concurrentiels, parce que nous devons rivaliser avec les autres pays. Le protectionnisme n'est pas une solution. Les portes sont maintenant grandes ouvertes. Par conséquent, le gouvernement croit sincèrement qu'en ajoutant aux investissements provenant du secteur privé, on peut stimuler le marché et en faire un marché dynamique.

    Notre situation est bonne. Nous avons un marché du contenu médiatique très solide au Royaume-Uni, et les Britanniques semblent aimer regarder ces émissions. La tradition nous a peut-être aidés.

    Si vous me le permettez, j'aimerais aborder un autre sujet qui est davantage source de préoccupation politique, soit le secteur de la presse. Vous qui êtes Canadiens savez sans doute que, depuis longtemps, des Canadiens sont propriétaires de journaux britanniques. Depuis une centaine d'années, nous nous interrogeons sur la possibilité d'une domination politique plutôt que sociale et culturelle.

    Dans ce cas-ci comme dans le cas précédent, nous avons choisi de soutenir la concurrence plutôt que de faire obstacle à la propriété étrangère dans les médias écrits. C'est le maintien de cette concurrence dont est actuellement saisi le Parlement. Nous voulons modifier ce régime dans la presse écrite. Il s'agit de libéraliser le marché, mais aussi d'assurer la concurrence afin de trouver un équilibre politique et, comme dans le domaine de la radiodiffusion, de garantir la qualité. Nous ne voulons pas bloquer des investissements futurs, nous voulons simplement réglementer ce secteur pour y maintenir l'équilibre.

    D'ailleurs, avec l'Internet, nous savons que c'est un phénomène inéluctable.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Marcil.

    Je cède la parole à M. Rajotte.

+-

    M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur et madame, d'être venus témoigner aujourd'hui. Vos exposés étaient excellents.

    J'aimerais d'abord vous demander ceci. Nous discutons notamment de pénétration et de large bande. Manifestement, le Canada est un pays dont la superficie est immense mais dont le nombre relativement peu élevé d'habitants se concentre surtout près de la frontière canado-américaine. Lors de l'une de nos séances, certains témoins nous ont dit que si nous permettions une plus grande concurrence dans le secteur des télécommunications, les régions plus isolées seraient mieux desservies. D'autres nous ont dit exactement le contraire, qu'avec une plus grande ouverture à la concurrence, les entreprises de télécommunications se concentreraient davantage dans les centres urbains et dans les banlieues.

    Quelle a été votre expérience à cet égard au Royaume-Uni?

+-

    M. David Edmonds: J'aimerais revenir à la réponse de Claire sur les étapes de la libéralisation du marché dans le cadre de laquelle nous avons ouvert le secteur commercial aux grands fournisseurs de nouvelles infrastructures. Au début des années 90, certaines entreprises telles que Colt, financées entièrement par des sources étrangères, a créé une imposante infrastructure en boucle; puis, deux autres grands rivaux, Cable & Wireless et la société Energies, deux entreprises britanniques, ainsi que la société titulaire British Telecom sont venus se faire concurrence dans la région équivalente à celle que vous avez décrite. Il y a maintenant trois grandes boucles reliant Londres, Bristol, les Midlands, Manchester et le nord-est du pays, et une concurrence importante pour l'obtention du principal utilisateur.

    De même, à mesure que le service à large bande s'est étendu, et nous accusons un retard par rapport au Canada à cet égard, on s'est d'abord concentré dans les régions les plus populeuses du Royaume-Uni. Il ne fait aucun doute que l'élan commercial vise ces régions, car c'est là qu'on fera le plus de profits le plus rapidement. Actuellement, nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités locales—les organismes appelés les agences de développement régional—pour trouver une façon de regrouper la demande et de stimuler le recours à d'autres façons de mettre les technologies en place dans ces régions. Honnêtement, je crois que nous pourrions en apprendre beaucoup du Canada.

    En résumé, la large bande est beaucoup plus présente dans les régions urbaines. Il y a certainement beaucoup de concurrence dans le secteur commercial, ce qui donne au Royaume-Uni un incroyable avantage concurrentiel.

    L'avantage, pour ce qui est du Royaume-Uni, c'est qu'en raison de cela, la concurrence est très concentrée dans les grandes régions et qu'il y a dominance dans la prestation de la nouvelle technologie de centres d'appel. Les investissements qui sont faits au Royaume-Uni dans le secteur axé sur les communications proviennent en majorité du Japon, des États-Unis, et d'autres pays. Grâce à cette infrastructure, nous avons une part bien supérieure à ce que nous devrions avoir compte tenu de notre population. Il y a donc de nombreux avantages.

    L'inconvénient, comme vous l'avez souligné, c'est que nous n'y jouons pas encore un rôle important. C'est d'ailleurs l'un des principaux objectifs de Claire.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Claire Durkin: Oui, c'est l'un de mes principaux objectifs. Je croyais avoir d'assez bonnes idées. Puis, quand j'ai appris que mon ministre devait venir au Canada, j'ai fait des lectures et j'ai constaté que vous aviez eu les mêmes idées six mois plus tôt. Mais c'est très bien.

    Nous avons constaté que l'entreprise titulaire hésitait à se lancer dans la large bande. Nous avons donc au moins une année de retard par rapport à vous. Mais cela a changé depuis qu'il y a concurrence. D'autres sociétés se sont lancées dans la large bande et l'entreprise titulaire a vite compris qu'elle serait perdante. Elle a donc rapidement pris des mesures, surtout ces six derniers mois, après avoir compris qu'elle risquait de tout perdre. Vous avez raison, elle a visé les centres urbains où elle espère pouvoir faire des profits.

    J'ai sous ma direction un groupe de travail sur la large bande au Royaume-Uni. J'ai remarqué que le Canada aussi a un groupe de travail de ce genre, qui, il est vrai, a été créé avant le nôtre. Ce groupe de travail tente d'encourager la pénétration à l'extérieur des centres urbains. Les petites entreprises ont très vite compris qu'il y avait là des débouchés et qu'elles auraient en plus de l'aide du gouvernement. Les petites localités et les petites entreprises se sont alors mises à réfléchir à ces perspectives commerciales, un peu comme on le décrit dans un article que j'ai lu ce matin dans le Globe and Mail, offertes par toutes sortes de technologies différentes. Trois mois plus tard, l'entreprise titulaire avait remarqué cette activité dans les petites localités et a réagi très rapidement.

    L'exemple de Cornwall est intéressant; ce n'est peut-être pas pour vous une région rurale, mais pour nous, ce l'est. C'est une très petite localité qui était très peu susceptible d'obtenir la large bande, mais, en partenariat avec le secteur privé, l'entreprise titulaire et l'agence de développement rural, elle a réussi à obtenir la large bande. Dans le village voisin, où il n'y avait pas de partenariat, rien ne s'est fait. Dans les six prochains mois, mon objectif est de susciter un intérêt pour la large bande dans les localités rurales.

    Au début de mon exposé, j'ai dit que notre véritable objectif, c'est la productivité. Mais le gouvernement a aussi un objectif plus général, celui d'assurer la viabilité des localités rurales. Il est donc absolument crucial d'y implanter la large bande. Comme à la frontière canado-américaine, nous avons une trop forte concentration dans le sud-est. Voilà donc une belle occasion, pour le Royaume-Uni, d'étendre le service à large bande dans les régions rurales et de mettre à profit toutes les technologies et toutes les façons d'amener les petites entreprises à faire concurrence aux entreprises titulaires. Je sais que c'est ce que vous prévoyez aussi, et j'espère tirer profit de votre expérience dans les deux prochains jours et vous voler le plus d'idées possible.

+-

    M. James Rajotte: Merci. Il est intéressant d'apprendre que l'entreprise titulaire a hésité à se lancer dans le service à large bande. En ce qui a trait à l'accès Internet haute vitesse au Canada... Moi, je viens de l'ouest du Canada, et notre principale société de télécommunications titulaire, Telus, s'est contentée d'offrir le service Internet à basse vitesse et a pris tout son temps avant d'envisager d'offrir Internet haute vitesse. Puis, le câblodistributeur, Shaw Cable, qui domine le marché de l'Ouest, a offert Internet haute vitesse de façon entreprenante et, maintenant Shaw et Telus offrent l'accès Internet haute vitesse à des tarifs très concurrentiels. C'est donc un peu la même chose pour nous, au Canada, où c'est la concurrence qui a fait bouger les choses.

    Cela m'amène à une autre question importante. Vous avez parlé de l'approche britannique à la convergence. Nous étudions les télécommunications et les restrictions à la propriété étrangère, mais les câblodistributeurs font valoir qu'on ne peut examiner les questions de large bande et de convergence isolément, parce qu'elles se font directement concurrence et que si on supprime certaines des restrictions imposées aux sociétés de télécommunications, il faudra en faire autant pour les câblodistributeurs. Je présume que vous êtes de cet avis, mais j'aimerais m'en assurer et vous demander de nous en dire plus long à ce sujet.

À  +-(1025)  

+-

    M. David Edmonds: Je n'oserais surtout pas faire de remarques sur une question de politique intérieure.

    Mais vous avez certainement constaté d'après mes remarques liminaires et mes réponses que je suis fermement convaincu que la libéralisation encourage l'innovation au sein des entreprises et que l'innovation n'a eu pratiquement que des avantages pour le Royaume-Uni. C'est la première chose que je voulais souligner.

    Deuxièmement, les mesures que nous avons commencé à adopter au Royaume-Uni en vue de créer cet organisme réglementaire pour tout le secteur, qui régira toutes les sociétés dans l'ensemble du secteur, que ce soit pour les satellites, la câblodistribution, le fil fixe, le sans-fil ou la télévision terrestre—imposition des mêmes règles pour tous—m'amènent à la même réponse. D'après l'expérience britannique, peu importe qui est propriétaire de l'entreprise ou qui la dirige. Ce qui compte, c'est la qualité du produit qu'on obtient et, au niveau économique, il ne fait aucune doute que la qualité de notre produit s'est améliorée et que la gamme des services s'est améliorée.

    Au niveau culturel, j'ai déjà dit dans une réponse précédente que, à mon avis, et, je crois, de l'avis de la majorité des Britanniques, nous avons profité de la diversification des investissements et de la diversification de la gestion. Il est intéressant de noter toutefois que, si vous vous adressez au Français qui dirige la division nationale de la société titulaire, British Telecommunications, il exprimera des idées différentes. Ses antécédents culturels sont différents. C'est fascinant de l'entendre, parce qu'il insiste sur des aspects bien différents d'un Britannique de souche. Il est aussi intéressant de parler aux membres de Sky Corporation, de News International, de la façon dont ils voient le téléspectateur, en comparaison à l'opinion qu'on a d'eux à la British Broadcasting Company. Cette espèce de concurrence au niveau culturel, ce mélange, peut aussi être très bénéfique.

    Vous pouvez constater que je suis un libéraliste invétéré, surtout dans ce marché particulier, car je n'y ai vu aucun inconvénient jusqu'à présent. Cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas, mai j'occupe cet emploi dans le secteur des télécommunications depuis cinq ans, je surveille ce qui se passe dans la télédiffusion et la radiodiffusion, et presque tout me semble positif.

+-

    Mme Claire Durkin: J'ajouterai simplement que c'est un secteur qui progresse à un rythme effréné, tout comme la convergence—cela ne servirait à rien de se mettre des oeillères—nous ne voyons pas comment nous pourrions conserver un secteur dynamique et de première classe sans une réglementation stratégique par opposition à une réglementation cloisonnée. C'est grâce à la réglementation stratégique que notre secteur pourra être suffisamment dynamique pour être l'un des meilleurs au monde.

+-

    Le président: Nous reviendrons à vous plus tard.

    Monsieur St. Denis, vous avez la parole.

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup d'être venus. Votre témoignage nous est extrêmement utile. Comme je l'ai dit à d'autres témoins, j'ai entrepris cette étude croyant que nous devrions envisager d'assouplir les règles. Je demande donc généralement aux témoins de me prouver pourquoi on ne devrait pas le faire. D'après votre témoignage, j'en conclus qu'il n'y a pas d'empêchement important.

    Je suis certain que le projet de loi dont votre Parlement est saisi figure sur un site Web. Cette information nous serait très utile, parce que nous cherchons toujours les pratiques exemplaires, autant ici qu'à l'étranger. Ce serait très instructif pour nous de pouvoir jeter un coup d'oeil à votre projet de loi.

    Monsieur Edmonds, j'aimerais avoir une précision : dans vos fonctions actuelles de réglementation des télécommunications—et vous avez expliqué que vous feriez partie de ce nouveau bureau de réglementation des télécommunications, de cet organisme qui régira les télécommunications de façon générale—que réglementez-vous précisément si la propriété est déjà ouverte? En quoi consiste votre journée de travail? Vous êtes payé à faire quoi?

À  +-(1030)  

+-

    M. David Edmonds: C'est une question intéressante, et je me la pose parfois. Je n'aborderai pas ce sujet ici.

    Oui, le projet de loi est sur notre site Web et peut être téléchargé. Je vous préviens toutefois qu'il compte 400 pages. Il comporte plus de 300 dispositions et n'est pas vraiment en langage clair et simple, en dépit des efforts de mes collègues et amis au ministère du Commerce et de l'Industrie. Ce projet de loi a été rédigé en étroite collaboration par deux ministères, le ministère du Commerce et de l'Industrie et le ministère de la Culture, des Médias et du Sport, ce qui explique pourquoi il compte tant d'articles sur le contenu. Mais vous pouvez trouver le projet de loi sur le site Web, et il est tout juste compréhensible.

    Il y a aussi sur ce site Web un document explicatif qui, lui, est très compréhensible et qui décrit l'objet du projet de loi. Il est écrit en anglais, et non pas en jargon juridique.

    Qu'est-ce que moi, je réglemente? J'ai consacré le gros des cinq dernières années à poursuivre les efforts en vue d'accroître l'accès aux réseaux de ceux qui ont une emprise sur le marché. La réglementation économique des télécommunications se fonde sur le concept voulant qu'on examine le marché pour voir si un joueur a une emprise telle qu'il peut modifier les prix. Si tel est le cas et que les autres n'ont pas à emboîter le pas, nous jugeons qu'il domine le marché.

    Donc, ces cinq dernières années, j'ai surtout consacré mes journées de travail à exercer des pressions sur l'entreprise titulaire, British Telecommunications, pour qu'elle ouvre son réseau. Le dégroupage des lignes locales a crée un volume considérable de travail pour moi et l'imposition de quelque 30 directives à BT.

    J'ai récemment demandé à BT d'ouvrir ses réseaux à un niveau supérieur afin que les grands concurrents puissent y accéder à un prix inférieur et avec une plus grande capacité et fonctionnalité qu'auparavant. Mon principal objectif a donc été de rehausser l'accès.

    J'ai récemment ordonné à BT d'abaisser le prix des lignes qu'elle loue aux grandes sociétés, car il a été encore une fois déterminé que BT dominait ce marché et que ses prix étaient trop élevés. N'oublions pas que c'est une entreprise du secteur privé. Je réglemente ici une société privée, et non pas une société publique. J'ai fait baisser les prix d'environ la moitié, ce qui a été très bénéfique pour le secteur.

    Je vous donne un autre exemple: je viens d'avoir gain de cause dans une affaire qui a été un an devant la Commission de la concurrence. J'ai déterminé que, bien qu'il y avait une bonne concurrence dans le secteur du téléphone mobile—au Royaume-Uni, c'est essentiellement celui qui appelle qui paie—les frais imposés par les réseaux de téléphonie mobile pour l'interconnexion à un autre réseau étaient beaucoup trop élevés. Je viens d'imposer le contrôle des prix qui abaissera les prix de 15 p. 100 cette année et de 15 p. 100 pendant les trois années suivantes. J'aurai donc abaissé de moitié les frais d'interconnexion aux réseaux de téléphonie mobile.

    Ce qui est intéressant, c'est que nous sommes passés d'un monde où nous voulions avant tout nous assurer que l'entreprise titulaire imposait des tarifs raisonnables à ses concurrents à un monde où c'est l'accès qui prime.

    Je vous donne un dernier exemple de ce que je fais, et ça touche le prix que l'on devrait payer pour la transmission par un satellite appartenant à une autre société de production. J'ai récemment entendu un appel interjeté par des entreprises de télévision indépendantes, qui détiennent environ 25 p. 100 du marché au Royaume-Uni, et qui alléguaient que Sky, une entreprise de News Corporation, demandait un prix déraisonnable pour l'accès au satellite. J'ai tenu une audience et établi le prix à l'issue de cette audience. Voilà donc essentiellement ce que je fais pour réglementer les télécommunications au Royaume-Uni. Une bonne part de cela n'a rien à voir avec votre étude, car il s'agit d'accès, de concurrence et d'accès accru.

À  +-(1035)  

+-

    M. Brent St. Denis: Est-ce que cela sera inclus dans la nouvelle loi? Le nouvel organe de réglementation jouira-t-il de ces pouvoirs? Est-ce qu'il y aura deux ministères et deux ministres qui seront responsables de l'infrastructure et du contenu, au bout du compte?

+-

    M. David Edmonds: Tous les pouvoirs dont je dispose actuellement et d'autres—et je ne veux pas semer la confusion en ajoutant que, puisque nous faisons maintenant partie de la Communauté européenne, bon nombre des pouvoirs que j'ai me sont conférés par des directives élaborées à Bruxelles—essentiellement tous les pouvoirs que je viens de décrire seront ceux du nouvel organisme.

    Je réglemente aussi la concurrence. J'ai des pouvoirs identiques à ceux du directeur général du commerce loyal et je peux donc invoquer la Loi sur la concurrence pour mener une enquête ou le faire aux termes des pouvoirs dont je dispose en matière de violation des conditions de la licence, et tout cela restera possible après la création du nouvel organisme de réglementation.

    Je répondrai à votre dernière question dans un moment. Le nouvel organisme de réglementation sera entièrement fusionné. Les cinq bureaux de réglementation existants seront essentiellement éliminés puis reconstitués. Les questions relatives à l'accès, dont je m'occupe actuellement, seront plus étendues; de même, les questions liées à la définition du marché seront plus vastes; l'attribution de bandes de fréquence ne sera plus dorénavant faite par un bureau d'autorisation technique et le bureau de la radiodiffusion et le bureau de la télévision indépendante feront tous partie du même organe. Notre commission, qui ne compte que six membres, sera aussi fusionnée avec le nouvel organisme. Toutes ces questions seront examinées très différemment dans ce nouveau monde de convergence. Il y aura probablement des frictions au départ, mais nous allons tenter de les régler en commun.

+-

    M. Brent St. Denis: Et la surveillance politique...

+-

    M. David Edmonds: La responsabilité politique, oui... Je tente de trouver une façon diplomate de répondre à votre question.

+-

    Mme Claire Durkin: Peut-être que je devrais répondre.

+-

    M. David Edmonds: Oui, allez-y.

+-

    Mme Claire Durkin: La réponse est oui, il y aura encore deux ministères qui veilleront à leurs intérêts respectifs. Mais l'an dernier, le Parlement britannique a adopté la Enterprise Act qui dispose que le secrétaire d'État—le gouvernement—exerce moins de contrôle qu'auparavant sur la concurrence. Le Bureau du commerce loyal, l'organe principal en matière de concurrence, est maintenant indépendant aux termes de la loi et c'est ce bureau, et non pas le gouvernement, qui prend les décisions définitives en matière de fusion et d'enquêtes sur le marché.

    C'est pour nous une mesure très importante. C'est un peu ce que fera aussi la nouvelle Loi sur les communications, en ce sens que le nouvel organisme de réglementation prendra presque toutes ses décisions de façon indépendante du gouvernement. Il est vrai que les deux secrétaires d'État continueront de surveiller la situation et resteront en contact avec l'organisme de réglementation, mais ils ne pourront apporter de contribution directe à ces politiques. Ils disposeront de pouvoirs limités de direction. Dans l'ensemble, l'organisme de réglementation est censé être indépendant des deux ministères, mais—et je suis certaine que vous savez comment cela se passe dans la pratique—les deux ministères conserveront un droit de regard.

+-

    M. Brent St. Denis: J'en conclus d'après vos observations, qui sont très utiles, qu'il est possible de séparer le contenu du contenant, de l'infrastructure de distribution. Comme l'ont dit mes collègues, parce que la câblodiffusion a une plus longue histoire, les câblodistributeurs auraient un intérêt accru parce qu'ils possèdent l'infrastructure et souvent aussi les installations de production et qu'ils devraient donc pouvoir contrôler le contenu. Mais d'après votre expérience il semble qu'on puisse régler tout cela par le biais de la réglementation.

+-

    Mme Claire Durkin: Dans un domaine, celui de l'Internet, nous avons préféré la convergence au cloisonnement pour cette raison. Il arrive qu'on n'aime pas le contenu de l'Internet et que certains fournisseurs de service Internet s'en lavent les mains—je suis certaine que vous en débattez ici au Canada aussi chaudement qu'au Royaume-Uni. La question est alors de savoir s'il s'agit d'un contenu ou de prestation de services. Plus on pense en fonction des années 90, plus on risque de n'avoir aucune pertinence dans les 10 prochaines années. Voilà pourquoi nous tenons beaucoup à ce que l'organisme de réglementation ait compétence dans tous les secteurs, à ce qu'il n'y ait plus de cloisonnement.

À  +-(1040)  

+-

    M. Brent St. Denis: C'est très intéressant. Plutôt que de tenter de créer des structures de régie qui imposent artificiellement une structure à l'industrie, on devrait laisser l'industrie évoluer naturellement et laisser la régie s'adapter à cette évolution, et non pas le contraire. Est-ce là le cloisonnement par rapport à la convergence? Autrement dit, n'est-ce pas la convergence dans la régie par opposition à la convergence non balisée?

+-

    Mme Claire Durkin: Exactement, et la réglementation doit s'adapter à la convergence et même l'anticiper. Je ne crois pas qu'on puisse éviter une plus grande convergence et un apport accru de technologies internationales. Nous avons donc dû reprendre notre souffle et nous lancer dans la mêlée pour ne pas nous retrouver dans une situation très déplaisante.

+-

    M. Brent St. Denis: Puis-je conclure en vous demandant votre opinion? Revenons à 1984: même si nous libéralisions totalement la propriété d'un coup, ce serait une mesure bien moins radicale que celle que vous avez prise alors, car notre secteur n'est pas public. Croyez-vous donc qu'il serait préférable pour nous de procéder par étape avant d'assouplir totalement la propriété? Un témoin important a laissé entendre que ce serait peut-être possible, mais je me demande si ça vaut vraiment la peine. Avez-vous une opinion à ce sujet? Nous inquiétons-nous d'une chose qui ne devrait pas nous inquiéter?

+-

    Mme Claire Durkin: Il ne m'incombe pas à moi, une fonctionnaire britannique, de présumer vos vues. Je dirai simplement qu'en rétrospective, la décision qui a été prise en 1984 semble très prudente mais qu'elle constituait à cette époque une mesure révolutionnaire. Si je devais me prononcer—et certaines parties de notre secteur sont moins libéralisées que d'autres—je voudrais m'assurer que le secteur et les utilisateurs sachent bien ce qui se passe et l'acceptent. Si pour ce faire vous devez procéder en deux étapes plutôt qu'une, ça me semble être un prix tout à fait acceptable, mais si vous croyez que la libéralisation est déjà bien acceptée, je ne vois pas la nécessité d'être si prudent.

+-

    M. David Edmonds: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose à ce qu'a dit Claire?

+-

    Le président: Oui, je vous en prie.

+-

    M. David Edmonds: Je serai plutôt davantage courageux dans ma réponse—encore une fois non pas pour vous conseiller, monsieur, car manifestement, c'est à vous de décider ce que vous ferez.

    Si vous me permettez de parler de mes cinq ans d'expérience, si vous faites la consultation... Avec ce projet de loi, nous avons eu deux ans, presque trois, de consultations massives. En fait, le projet de loi a d'abord été imprimé comme un avant-projet de loi et un comité mixte des deux Chambres du Parlement a siégé pendant quatre mois et a entendu des témoignages, comme vous le faites aujourd'hui, au sujet du projet de loi, et j'ai moi aussi témoigné devant ce comité. On a donc longuement parlé de la façon dont le projet de loi pourrait fonctionner avant qu'il ne soit finalement présenté au Parlement, et dans le contexte du Royaume-Uni, cela a été un processus assez révolutionnaire et incroyablement utile.

    Je crois que le fait que des parlementaires des deux Chambres aient travaillé ensemble à produire un meilleur projet de loi—le président du comité a produit un rapport contenant une centaine de recommandations dont la plupart ont été acceptées par le gouvernement—signifie que nous avons maintenant un assez bon projet de loi. On est en train de l'adopter rapidement à la Chambre des communes avec très peu d'amendements, en partie grâce à ce pré-examen, ce qui est une bonne chose.

    En fait, je crois que nous avons maintenant suffisamment d'expérience, certainement sur le marché du Royaume-Uni... et je ne peux parler de la situation entre le Canada et les États-Unis, qui est différente, je le sais, de la situation au Royaume-Uni. Je sais que dans le contexte du Royaume-Uni, je consulterais. J'aurais en place toutes sortes de garanties relativement au contenu, qu'il s'agisse des codes de pratique, des minimums de production, de la situation géographique et de tout ce genre de choses. J'aurais tout cela en place, et ensuite je crois que je tenterais de faire tout cela en une seule étape.

    Il y a tellement d'expérience dans le monde à l'heure actuelle au sujet des avantages pour le consommateur et le citoyen que, si je travaillais dans un environnement où il était possible de le faire en une seule étape, je le ferais sans doute.

+-

    Le président: Merci, monsieur St. Denis.

    Je vais maintenant donner la parole à M. Rajotte, à M. Marcil et je permettrai ensuite aux attachés de recherche de poser quelques questions, car je sais que le temps passe rapidement et que les députés sont de service à la Chambre.

À  +-(1045)  

+-

    M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.

    Notre ministère de l'Industrie a préparé à notre intention un aperçu du débat sur les télécommunications, notamment pour déterminer si nous devrions réduire ou non les restrictions à la propriété étrangère, et il a proposé trois scénarios possibles que le comité devrait certainement examiner. J'aimerais vous demander ce que vous pensez de deux de ces scénarios.

    Le premier scénario, si nous réduisons les restrictions, prévoit que le Canada envisage de mettre en place un régime de licence. La plupart des sociétés qui ont comparu devant notre comité étaient certainement favorables à cette idée. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Le deuxième scénario consiste à mettre en place ce que l'on appelle un processus à deux volets, qui permettrait aux nouveaux arrivants ou aux concurrents, aux plus petites sociétés—plus petites en ce sens qu'elles ne sont pas aussi dominantes au Canada—d'avoir davantage accès au capital étranger, mais qui serait plus restrictif à l'égard des grandes sociétés comme Bell Canada, tout au moins pendant la période transitoire.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux scénarios.

+-

    Mme Claire Durkin: Il est intéressant que vous nous posiez la question au sujet du régime de licence car, au Royaume-Uni, dans ce projet de loi, nous éliminons ce régime, mais non pas parce qu'il était inefficace. En fait, je pense qu'au cours des 20 dernières années, ce régime s'est avéré une mesure très efficace tout d'abord pour ce qui est de donner confiance aux nouveaux arrivants—comme je l'ai dit, dans les années 80, c'était un tout nouveau domaine pour nous—et deuxièmement, pour ce qui est de s'assurer que l'on faisait une utilisation responsable du spectre, etc. Ce régime s'est donc avéré assez efficace. Il n'était pas trop lourd, et je pense qu'il a eu un succès raisonnable.

    Le fait d'éliminer le régime de licence constitue à mon avis une étape qui reflète que nous avons confiance que personne ne s'est vraiment imposé indûment sur le marché, que personne ne fait quoi que ce soit de déraisonnable et lorsqu'une société arrive sur le marché, elle a des droits et des responsabilités. Donc, d'une certaine façon, je pense que notre nouvelle approche reflète la maturité du marché. Cependant, il y a des droits et des responsabilités, et l'organisme de réglementation sera très sévère si ces droits et responsabilités ne sont pas respectés.

    Donc, nous ne sommes pas autoritaires, mais nous sommes en train d'éliminer ce système de délivrance de licence, et c'est ce qui se fera dans toute l'Europe. Nous mettons en place une directive européenne. En toute honnêteté, je pense que c'est une façon plus efficace d'aborder toute la question, si l'on croit que ces droits et ces responsabilités peuvent être raisonnablement réglementés, et je pense que nous avons confiance en notre organisme de réglementation.

    Pour ce qui est du deuxième scénario, encore une fois, je ne peux en toute honnêteté faire d'observations en ce qui concerne la situation canadienne qui, je le sais, est très différente, et j'aurais tort de même présumer vouloir le faire.

    En ce qui concerne le Royaume-Uni, je pense que cela serait une mauvaise chose à faire, car nous ne voulons pas vraiment avoir un titulaire qui occupe toute la place, qui n'est pas très concurrentiel et qui occupe tout simplement le réseau sans faire quoi que ce soit alors qu'il y a plein d'autres petits titulaires pleins de vie qui ramassent les miettes. Ce n'est pas là l'idée que je me fais de la propriété des médias.

    Je veux avoir un titulaire vif et capable qui n'est plus un titulaire parce que tous les autres sont également vifs et capables. Je suis donc vraiment fermement convaincue que si nous avons vraiment du succès, dans 20 ou 30 ans l'industrie sera réglementée par la concurrence de façon classique, et c'est ce dont nous avons tous besoin, car le marché aura une telle maturité qu'il sera très dynamique et concurrentiel. Pour y arriver, les règles du jeu doivent être équitables pour toutes les entreprises.

    Comme je l'ai dit, je ne peux parler que pour le Royaume-Uni, mais je déconseillerais certainement à mes ministres d'adopter le second scénario.

+-

    M. David Edmonds: Si vous me permettez d'ajouter une observation à la première réponse, naturellement Claire a répondu à votre question dans le contexte du marché des télécommunications, où les licences disparaissent. Pour ce qui est de la télévision et de la radio, les licences vont continuer d'exister, et dans ces licences, on voudra incorporer les conditions nécessaires pour maintenir les objectifs culturels, sociaux et autres du gouvernement. Il y aura donc, si vous voulez, un système à deux volets, ce qui en fait crée un ou deux problèmes en soi, mais avec le nouveau régime, une entreprise de radio et de télévision aura certainement besoin d'une licence tandis que ce ne sera pas le cas du tout pour une entreprise de télécommunications.

    Pour ce qui est de l'approche à deux volets, je suis tout à fait d'accord avec Claire. Si je peux revenir à ce que j'ai dit dans mes observations liminaires, l'amélioration que l'on connaît à l'heure actuelle au Royaume-Uni grâce à la participation de Hutchison, une entreprise de Hong Kong dans la troisième génération, est assez remarquable. Je n'ai absolument aucun doute que, pour toutes sortes de raisons, notamment le déclin important de la santé économique du secteur en général, les quatre entreprises du Royaume-Uni qui sont en place attendraient tout simplement avant d'investir dans des services de troisième génération. Le fait que Hutchison arrive avec du capital étranger a vraiment fait en sorte que ces entreprises mettent l'accent sur le service.

    Il est intéressant qu'au Royaume-Uni, on ait maintenant trois entreprises de téléphonie mobile, une qui appartient aux Français, une aux Allemands et une à Hong Kong, qui font concurrence à deux opérateurs, et je pense que cela donne d'excellents résultats.

À  +-(1050)  

+-

    M. James Rajotte: Donc le régime de licence sera maintenu pour la radio et la télévision. Le même organisme de réglementation appliquera donc le régime de licence à la radio et à la télévision mais ne l'appliquera pas aux télécommunications.

+-

    M. David Edmonds: En réalité, dans le secteur des télécommunications, pour être honnête, les licences en ce moment sont largement sans pertinence. Si vous vous présentez demain au bureau de OFTEL et de DTI et que vous demandez une licence, vous en obtiendrez une pour fournir un service de revente. Il n'y a pas d'obstacle à obtenir une licence de télécommunications.

    Il y a un obstacle pour obtenir une licence de radio et de télévision en raison du spectre. En fait, avec votre licence, vous obtenez la capacité d'utiliser une partie du spectre en particulier. Cependant, dans le cas des grandes entreprises, des grandes entreprises indépendantes, les licences sont clairement accompagnées de conditions et ces conditions seront incorporées à la nouvelle loi.

+-

    M. James Rajotte: Je voulais tout simplement obtenir un éclaircissement, même si vous en avez parlé assez longuement et que cela devrait être clair pour moi.

    En ce qui concerne la convergence au Royaume-Uni, aux paragraphes 17 à 19 vous dites qu'un seul organisme de réglementation remplacera l'Office of Telecommunications et les quatre organismes de réglementation, et vous parlez du projet de loi sur les télécommunications qui est en ce moment devant le Parlement.

    Au Canada, notre Loi sur les télécommunications et notre Loi sur les radiocommunications relèvent du ministère de l'Industrie, et la Loi sur la radiodiffusion relève de Patrimoine Canadien. Il y a habituellement une certaine tension entre les deux ministères.

    Comment la situation se compare-t-elle à la vôtre au Royaume-Uni, et de quelle façon est-ce que cela évolue? Ces trois paragraphes indiquent que la situation semble être en train de changer au Royaume-Uni.

+-

    M. David Edmonds: Elle change. Je sais que Claire voudra elle aussi vous faire part de son point de vue, car elle travaille dans l'un des deux ministères concernés.

    Ayant été au coeur du processus visant à créer le nouvel organisme de réglementation, j'ai travaillé très fort pour le créer. Je travaille maintenant encore plus fort pour faire en sorte que ce soit vraiment un bon organisme.

    Oui, il y a eu des tensions de temps à autre entre le ministère du Commerce et de l'Industrie et le ministère de la Culture, des Médias et du Sport qui est responsable de la télévision et de la radio et du contenu. Dans une large mesure, les tensions ont été éliminées grâce au projet de loi qui a créé un mécanisme de coordination efficace. En effet, une équipe mixte d'étude du projet de loi a été créée. L'équipe se réunit et toutes les recommandations concernant le contenu du projet de loi sont soumises aux deux secrétaires d'État ou aux deux ministres en second.

    Ce qui est très intéressant, c'est que nous avons créé en fait une façon différente pour deux ministères du gouvernement de travailler ensemble, sachant que les tensions et les problèmes éventuels pouvant découler des divisions que nous avions par le passé pourraient détruire l'objectif que nous visons, c'est-à-dire la convergence. La convergence a été l'objectif des deux ministères du gouvernement.

    Personnellement, tout ce que je peux dire, c'est que jusqu'à présent cela a fonctionné beaucoup mieux que je ne l'aurais espéré. Je pense que cela a eu également beaucoup à voir avec l'excellente relation personnelle qu'entretiennent les deux secrétaires d'État qui ont travaillé au projet de loi en très étroite collaboration, et à l'excellente relation personnelle entre les deux ministres d'État qui ont également travaillé au projet de loi.

    On ne pourrait peut-être pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais certainement au cours des deux dernières années cela a été un exemple remarquable de bonne collaboration entre les ministères du gouvernement.

+-

    Mme Claire Durkin: Oui, abstraction faite des protagonistes qui, on le sait, changent souvent ici comme chez vous, si on avait maintenu la distinction entre la culture, d'une part, et les structures, d'autre part, chaque côté aurait pu évoluer de façon divergente. Il y aurait eu plus de confits, et non moins.

    En les reconnaissant et en les obligeant à discuter entre eux... nous envisageons le sort de l'ensemble de l'industrie, plutôt que des deux secteurs isolés. La même entreprise, ou le même secteur aura deux positions très différentes, quant aux émissions à diffuser et à la clientèle visée. En discutant de la convergence, ces tensions ne sont pas cachées, elles sont au grand jour. Je crois donc que, peu importe les personnes en cause, c'est la bonne façon de régler ces problèmes et de le faire du point de vue du consommateur ou du citoyen, et de l'industrie, plutôt que pour l'un ou pour l'autre.

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.

    Monsieur Marcil, avez-vous une autre question?

[Français]

+-

    M. Serge Marcil: Oui, monsieur le président. Il serait sans doute profitable d'aller discuter avec eux, dans leur pays, de cette démarche qui est, à mon avis, très intéressante.

    Je voudrais soulever deux points. Le premier est un commentaire, mais j'aimerais par la suite connaître votre réaction à celui-ci. La population de l'Angleterre est environ deux fois plus nombreuse que celle du Canada. Nous sommes 31 millions et vous êtes 70 ou 75 millions sur un territoire très petit. En revanche, les 31 millions de Canadiens vivent sur le deuxième plus grand territoire au monde, après la Russie. Plus que la moitié de la population y est concentrée le long du fleuve Saint-Laurent, des Grands Lacs, de la côte du Pacifique et de la frontière américaine. Un grand nombre de petites communautés vivent donc au centre, au nord, à l'est et à l'ouest du Canada.

    Plus tôt, on a parlé de ce qu'on fait lorsqu'on libéralise ses marchés et on a dit que dès lors, les entreprises concurrentes n'investissent pas pour rendre service à la population dans son ensemble, mais avant tout pour rentabiliser leurs investissements. Cependant, comme parlementaires, nous nous devons non seulement de protéger la population, mais aussi de faire en sorte que l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens, peu importe leur origine et le lieu où ils vivent, aient les mêmes services que la population des grands centres comme Toronto et Montréal, par exemple.

    Les entreprises canadiennes telles que BCE ont des responsabilités sociales; elles doivent entre autres assurer des services dans les régions. Pensez-vous que le modèle de libéralisation que vous avez mis en oeuvre pourrait s'appliquer de la même façon au Canada?

    Ma deuxième question sera courte: est-ce que le fait de vous intégrer à un marché européen, en l'occurence l'Europe des 25, vous a obligés à enclencher cette démarche de libéralisation pour ouvrir votre marché à la concurrence européenne?

[Traduction]

+-

    Mme Claire Durkin: Je vais d'abord répondre à la plus courte de vos questions.

    Ce n'est pas le cas pour tout, dans l'Union européenne, mais dans ce domaine, nous sommes des chefs de file. Les quatre lignes directrices européennes que mettent en oeuvre ces mesures législatives créent la structure applicable partout en Europe. C'est une structure très semblable à la nôtre, contrairement à ce qu'on aurait pu croire. Nous avons eu beaucoup d'influence en Europe. Le Royaume-Uni a fait pression sur les autres pays pour imposer des exigences aux entreprises locales en place, plus qu'on ne l'aurait fait dans d'autres pays plus importants. Historiquement, je crois que nous avons été des chefs de file.

    Il sera fascinant d'observer la situation et d'y travailler, quand le nombre passera de 15 à 25. C'est très important, de toute évidence, pour ce qui est des marchés nouveaux, mais du point de vue des politiques, nous avons été à la tête de l'Europe.

    Au sujet de votre première question, il vous revient bien sûr de prendre cette décision et nous n'avons pas de conseils à vous donner mais je dois d'abord vous dire que nous serions ravis que vous veniez au Royaume-Uni rencontrer d'autres parlementaires qui sont saisis de projets de loi semblables, ainsi que d'autres ministres. Quand mon ministre est venu il y a deux semaines, il était si enthousiaste qu'il nous a envoyés. Nous tenons vraiment à échanger au sujet de nos expériences.

    Vous avez tout à fait raison de dire que géographiquement, nous sommes des contraires. Nous sommes un pays très petit et densément peuplé alors que vous êtes un pays vaste à la population disséminée, je le comprends. Mais en fait, en en discutant avec nos homologues canadiens, comme Michael Binder avec qui j'ai parlé la semaine dernière, je constate que les problèmes sont étonnamment semblables. Cela peut paraître paradoxal, mais c'est vrai. Il est assez difficile de faire parvenir des transmissions à large bande et les télécommunications aux îles Shetland. Je sais que cela est loin d'être aussi difficile que d'offrir des services à Yellowknife, à cause des distances qui sont beaucoup plus grandes, mais c'est le même genre de problème et le même genre de modèle de gestion.

    Je pense que c'est la même chose pour ce qui est des dispositions relatives à l'universalité des services, selon lesquelles les titulaires de licences doivent promettre d'offrir tel ou tel service. Peu importe la taille du pays, c'est la même chose. De même, pour l'obligation de transmettre un signal prioritaire. Le pays de Galles est tout petit, et pourtant, les communications galloises doivent y être transmises. Nos listes de problèmes et les vôtres, de même que celles des solutions de gestion sont remarquablement semblables, malgré les différences géographiques.

    Je ne sais vraiment pas ce que vous devriez adopter, mais je crois certainement que nous pouvons beaucoup apprendre l'un de l'autre.

Á  +-(1100)  

[Français]

+-

    M. Serge Marcil: Cela rejoint un peu ce que disait Napoléon, à savoir qu' il faut avoir la politique de sa géographie.

    Je vous remercie beaucoup pour votre exposé; ce fut très enrichissant. Vous nous laissez avec des idées et des concepts que nous aimerions--moi-même et sans doute aussi d'autres parlementaires--développer davantage. Il s'agit là d'une orientation que le Canada pourrait adopter à l'égard de la déréglementation. Il serait important de bien évaluer les différents avantages et inconvénients, et de tracer un plan de mise en oeuvre si jamais on optait pour cette approche.

    Merci beaucoup. Je tiens aussi à vous dire que je suis allé souvent au Royaume-Uni et que vous avez un très beau pays.

[Traduction]

+-

    M. Brent St. Denis: J'aimerais que Dan et Lalita aient la possibilité de poser des questions; veuillez si possible donner de brèves réponses.

    Dans vos règlements sur les entreprises de télécommunications, avez-vous des dispositions sur les emplois sur le marché national? C'est une question qui a été soulevée ici, à savoir que la propriété étrangère puisse signifier l'exportation de postes de chercheur. Est-ce l'une de vos préoccupations?

+-

    M. David Edmonds: Je vais parler de la réglementation, si vous le permettez, monsieur le président, et Claire vous présentera son propre point de vue.

    Pour vous répondre : pas vraiment. J'ai été franc toute la matinée et je continuerai de même. Je vais vous donner un exemple. Vous m'avez demandé ce que je faisais de mes journées. Récemment, j'ai procédé à la déréglementation de l'assistance annuaire, pour laquelle il y avait auparavant un seul numéro. J'ai ouvert le marché de l'assistance annuaire et huit nouvelles entreprises offrent maintenant leurs services au Royaume-Uni dont trois, je crois, à partir de l'extérieur du Royaume-Uni.

    On craignait vraiment que cela cause une perte d'emplois dans notre pays, mais au contraire, des emplois ont été créés. L'entreprise en place a créé des emplois et les entreprises qui sont nouvelles au Royaume-Uni en ont aussi créés. D'après mon expérience des cinq dernières années, l'investissement chez nous a créé des emplois et nous avons eu une augmentation importante du nombre d'emplois dans les télécommunications un peu partout au pays, grâce à l'investissement étranger.

    Oui, chez BT, le nombre d'emplois a baissé. Chez l'entreprise en place, British Telecommunications, les nombres ont baissé, mais ces pertes ont été grandement compensées par le nombre d'emplois créés ailleurs dans le secteur. Le bilan de la création d'emplois est positif pour le Royaume-Uni

    Claire?

+-

    Mme Claire Durkin: Le gouvernement a à coeur les emplois en Grande-Bretagne, c'est absolument crucial pour lui. Notre chancelier vient d'une région de l'Écosse où les emplois ne sont pas faciles à trouver, c'est donc une priorité pour lui. Pour nous, l'augmentation de la productivité signifie un renforcement de l'économie et il nous faut donc créer des emplois. C'est essentiel.

    Je vais vous donner un exemple. Vous avez parlé de R-D. J'ai visité deux fois des installations de Nortel, une dans le nord de l'Irlande et une autre, juste à l'extérieur de Londres. Dans ce dernier endroit, qui est une sorte de bureau central, on est fier de dire que c'est là qu'a été découverte la fibre optique, même si à l'époque, l'entreprise ne s'appelait pas encore Nortel.

    C'est très important pour la R-D dans ce secteur, et on fait là de l'excellente recherche. La concurrence, c'est Marconi, pour la R-D, et c'est ce qui pousse British Telecom à aller de l'avant. Plus la concurrence est féroce, meilleure sera la R-D, et plus il y aura d'emplois au Royaume-Uni, plutôt qu'ailleurs.

    D'après notre expérience, et pas seulement pour le secteur des télécommunications, l'investissement étranger crée de l'emploi chez nous, notamment par l'installation de sièges sociaux. Comme nous l'avons dit plus tôt, la situation n'est pas nécessairement la même pour d'autres pays, mais tant les investisseurs étrangers que les entreprises locales en place ont certainement beaucoup misé sur la R-D et sur des travaux scientifiques importants.

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Shaw.

+-

    M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité): Je vais d'abord m'excuser, car j'ai moins d'expérience que mes patrons ici présents lorsqu'il s'agit de poser des questions. Je vais donc vous en poser des faciles.

    Je me reporte ici à la question de M. St-Denis. L'investissement étranger direct peut être envisagé et classé de bien des manières, l'une d'elles étant son apport à de nouvelles infrastructures et de nouveaux réseaux.

    Il est également possible qu'une entreprise comme la British Telecom soit absorbée par une autre. Au Canada, on redoute le même sort pour Bell Canada, notre équivalent de British Telcom. À ce sujet, je ne suis pas sûr qu'une entreprise étrangère tiendrait à acquérir ce genre d'actions ou qu'elle leur accorderait autant d'importance que de petits investisseurs ou des fonds commun de placement. Enfin, ce qu'on craindrait, c'est que le siège social ne quitte notre pays en entraînant avec lui les postes de R-D. Je crois savoir que dans le secteur des télécommunications, la R-D porte non seulement sur les services mais sur le matériel, bien que les deux puissent être étroitement liés.

    J'aimerais donc savoir si des entreprises étrangères ont cherché à prendre le contrôle de British Telecom. Deuxièmement, vos lois ou vos règlements empêcheraient-ils qu'on transporte les activités de R-D à l'extérieur du pays?

+-

    Mme Claire Durkin: Le régime de licence a été au coeur de la question en 1994. À l'époque, nous étions très préoccupés par cela. Je me souviens d'étudiants qui étaient très inquiets de voir des étrangers prendre le contrôle de notre secteur, mais je dois admettre que depuis, je n'ai pas souvent entendu exprimer ce genre de préoccupation.

    Dans un marché établi, différentes compagnies ont acheté diverses parties d'industries. Ainsi par exemple, l'entreprise traditionnelle française s'est portée acquéreur d'Orange, la compagnie de téléphonie mobile. Il y a eu beaucoup de va-et-vient dans certains sous-secteurs de ces grandes compagnies, mais aucune entreprise étrangère nous paraissant un peu suspecte n'a tenté d'absorber l'ensemble de nos infrastructures.

    De toute manière, dans le cas où cela se serait produit, ainsi que je l'ai précisé au départ, nous aurions tenu compte de considérations liées à la sécurité nationale. Si cette dernière avait été en jeu, nous aurions pu intervenir de façon à empêcher une prise de contrôle, grâce à certains pouvoirs précis. Nous aurions ainsi limité la proportion d'avoirs à vendre ou à vendre à une seule entreprise. Par rapport à ce genre d'éventualité, nous nous sommes dotés de l'équivalent de tous les pouvoirs dont disposent les autres pays.

+-

    M. Dan Shaw: Comment définissez-vous la sécurité nationale. Vos forces militaires ont certainement leur propre système de communications, et par conséquent elles ne doivent pas dépendre de British Telecom.

+-

    Mme Claire Durkin: Si vous me permettez de vous donner un exemple lié à l'actualité, si Saddam Hussein essayait d'acquérir British Telecom, Cable & Wireless et Telewest, je suis certaine que nous serions assez préoccupés.

+-

    Le président: Est-ce assez clair, monsieur Shaw?

+-

    M. Dan Shaw: Oui.

    Ma seconde question s'adresse à M. Edmonds.

    La grande majorité des témoins que nous avons entendus nous ont demandé de mettre fin aux restrictions à la propriété étrangère. Cependant, certains d'entre eux, plus précisément les entreprises se retrouvant dans la catégorie de la transmission par câble, comme AT&T Canada et Call-Net, que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de Sprint Canada, défendaient une position un peu différente. Elles estiment que l'abandon des restrictions à la propriété étrangère risque de nuire à la concurrence si par la même occasion, on ne modifie pas le régime réglementaire. Leur situation est différente de celle des compagnies de téléphonie sans fil.

    L'un de leurs principaux griefs est que les compagnies titulaires comme Bell Canada doivent payer des droits trop élevés pour se permettre le raccordement et la location de matériel sur place. En outre, c'est l'organisme de réglementation qui établit les droits en question. Comment ce dernier peut-il fixer un prix juste, et d'abord, est-ce possible sans que quelqu'un aille rouspéter devant le Parlement et se permette de juger d'avance les décisions à venir en matière de réglementation.

+-

    M. David Edmonds: Oui, certainement monsieur Shaw, à mon avis, le régime réglementaire au Royaume-Uni se fonde avant tout sur des prix de raccordement équitables pour les titulaires et leurs concurrents. Et pardonnez ici mes quelques termes de jargon, mais le prix équitable repose sur les coûts différentiels à long terme, c.-à-d. le coût de la prestation du service et un bénéfice équitable.

    M. Dan Shaw: S'agit-il de coûts réels ou hypothétiques?

    M. David Edmonds: De coûts réels mais auxquels s'ajoute une marge bénéficiaire brute équitable.

    Nous estimons donc d'abord un coût des investissements équitable puis un rendement équitable—et ici je vais vanter quelque peu le Royaume-Uni mais non sans raison— et c'est grâce à cela que le Royaume-Uni connaît les prix d'interconnexion les plus faibles au monde. Cela tient donc à l'imposition d'une base de coûts différentiels à long terme permettant de fixer de tels droits. Tout cela est surveillé par l'organisme de réglementation; les mesures de surveillance sont renouvelées à tous les cinq ans puis le cycle reprend. Et pour répondre de façon précise à votre question, dans une situation de domination du marché par l'entreprise titulaire, des mesures de surveillance sont tout à fait essentielles à la protection des concurrents.

Á  -(1110)  

+-

    M. Dan Shaw: En guise de complémentaire, donc, vous avez parlé de problèmes avec... Ainsi par exemple, pendant plus d'une centaine d'années, au Canada, nous avons été régis par un règlement portant sur un rendement de base. Or, malgré son utilité pour maintenir les prix à un niveau proche des coûts, il n'a pas été très efficace lorsqu'il s'est agi de limiter ces mêmes coûts.

    Ainsi par exemple, il encourage à chercher davantage de bénéfices en surcapitalisant la... Cela ne se traduira pas nécessairement par l'installation d'un plus grand nombre de commutateurs à Tombouktou. Même dans des régions aussi denses qu'Ottawa ou d'autres capitales, il y a déjà trop de matériel de commutation, ce qui impose des coûts élevés à une nouvelle compagnie de transmission par câble, tout au moins lorsqu'on se base sur les coûts réels.

    Comment résout-on ce problème?

+-

    M. David Edmonds: Il y a deux possibilités. On peut d'abord réglementer les prix. Oui, il s'agit de coûts mais le prix réglementé se fonde d'habitude sur un indice du prix de détail, moins un chiffre. Ainsi par exemple, on réglementera le prix des raccordements de British Telecom, ce qui lui permettra d'augmenter ses prix à tous les ans de l'équivalent du prix de détail, par exemple de 2,5 p. 100, moins 5. On se trouve ainsi à soumettre le titulaire à une concurrence par procuration pendant quelques années, au moyen d'une réglementation de son offre de service en gros. C'est pourquoi nos prix de raccordement sont les plus faibles au monde.

    En second lieu, on peut aussi recourir à la concurrence. Lorsque certaines entreprises installent leurs propres infrastructures, cela aussi a une incidence sur la concurrence. Dans l'idéal, le marché en viendra à favoriser tellement la concurrence qu'on pourra se passer d'une réglementation des prix. Pour être intervenu deux fois afin de réglementer les prix de gros depuis que je suis directeur, je peux vous dire que les choses pourront progresser pendant quelques années.

+-

    Mme Claire Durkin: Si vous me permettez, j'aimerais ajouter que ce qui compte plus que tous les détails qu'on vient de donner sur le fonctionnement, c'est d'abord que tout ce que fait David est susceptible de recours, afin qu'on puisse toujours discuter. Il y a donc possibilité d'appel devant les tribunaux et devant les autorités régissant la concurrence.

    En second lieu, si l'on tient à un marché dynamique, il est important que l'on puisse compter sur un organisme de réglementation intelligent et fort.

-

    Le président: Je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

    J'aimerais aussi m'excuser au nom de nos membres absents. Ils ont dû retourner à la Chambre, appelés par leur travail là-bas. Je sais que M. Marcil devait y prendre la parole.

    Encore une fois, je vous remercie vivement d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant. Je suis sûr que beaucoup de gens vont consulter le compte rendu officiel de notre réunion d'aujourd'hui. Merci beaucoup.

    La séance est levée.