INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 4 décembre 2002
¹ | 1535 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Matthew Bramley (directeur, Changement climatique, Pembina Institute) |
Le président |
M. Mark Jaccard (directeur, Groupe de recherche sur l'énergie et les matériaux, Université Simon Fraser) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Mark Jaccard |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Matthew Bramley |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Jeremy Rudin (directeur général, Direction de la politique économique et fiscale, ministère des Finances) |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
º | 1600 |
M. Matthew Bramley |
M. James Rajotte |
M. Marc Jaccard |
M. James Rajotte |
M. Mark Jaccard |
M. James Rajotte |
M. Mark Jaccard |
M. Matthew Bramley |
M. James Rajotte |
º | 1605 |
M. Mark Jaccard |
M. James Rajotte |
M. Mark Jaccard |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
º | 1610 |
M. Matthew Bramley |
M. Mark Jaccard |
M. Joseph Volpe |
M. Matthew Bramley |
º | 1615 |
M. Joseph Volpe |
M. Matthew Bramley |
M. Joseph Volpe |
M. Matthew Bramley |
M. Joseph Volpe |
º | 1620 |
M. Matthew Bramley |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. Mark Jaccard |
M. Matthew Bramley |
º | 1625 |
M. Paul Crête |
M. Jeremy Rudin |
M. Paul Crête |
M. Mark Jaccard |
º | 1630 |
Le président |
Mr. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.) |
M. Mark Jaccard |
M. Matthew Bramley |
º | 1635 |
M. Nick Discepola |
M. Matthew Bramley |
M. Nick Discepola |
M. Jeremy Rudin |
M. Nick Discepola |
M. Matthew Bramley |
Mr. Nick Discepola |
M. Matthew Bramley |
º | 1640 |
M. Nick Discepola |
M. Matthew Bramley |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
º | 1645 |
M. Mark Jaccard |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Mark Jaccard |
M. Matthew Bramley |
º | 1650 |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Matthew Bramley |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Matthew Bramley |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Matthew Bramley |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Jeremy Rudin |
Le président |
M. Jeremy Rudin |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Mark Jaccard |
Le président |
M. Mark Jaccard |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
º | 1655 |
M. Mark Jaccard |
M. Dan McTeague |
M. Mark Jaccard |
Mr. Dan McTeague |
M. Mark Jaccard |
M. Dan McTeague |
» | 1700 |
M. Mark Jaccard |
Mr. Dan McTeague |
M. Mark Jaccard |
M. Matthew Bramley |
M. Dan McTeague |
Le président |
M. Paul Crête |
» | 1705 |
M. Matthew Bramley |
M. Mark Jaccard |
M. Paul Crête |
» | 1710 |
M. Mark Jaccard |
M. Paul Crête |
M. Mark Jaccard |
M. Paul Crête |
M. Mark Jaccard |
M. Paul Crête |
M. Mark Jaccard |
M. Paul Crête |
M. Matthew Bramley |
M. Paul Crête |
M. Matthew Bramley |
Le président |
M. Joseph Volpe |
M. Jeremy Rudin |
M. Joseph Volpe |
M. Jeremy Rudin |
» | 1715 |
M. Joseph Volpe |
M. Jeremy Rudin |
M. Joseph Volpe |
M. Jeremy Rudin |
M. Joseph Volpe |
M. Mark Jaccard |
M. Joseph Volpe |
» | 1720 |
Le président |
M. Mark Jaccard |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Jeremy Rudin |
M. James Rajotte |
M. Jeremy Rudin |
M. James Rajotte |
M. Jeremy Rudin |
M. James Rajotte |
» | 1725 |
M. Jeremy Rudin |
M. James Rajotte |
M. Jeremy Rudin |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Mark Jaccard |
M. James Rajotte |
M. Matthew Bramley |
» | 1730 |
M. Jeremy Rudin |
M. Matthew Bramley |
Le président |
Mr. Nick Discepola |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. Mark Jaccard |
M. Jeremy Rudin |
» | 1735 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Selon l'ordre du jour établi pour aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entendrons des témoignages sur les conséquences économiques possibles de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto pour l'industrie canadienne.
Nous entendrons aujourd'hui les témoignages de M. Matthew Bramley du Pembina Institute, de M. Mark Jaccard de l'Université Simon Fraser et de M. Jeremy Rudin du ministère des Finances. Nous procéderons dans cet ordre, à moins que vous en ayez décidé autrement. Nous commençons avec M. Matthew Bramley. Je vous demande de bien vouloir présenter votre rapport, nous passerons ensuite aux questions et réponses.
M. Matthew Bramley (directeur, Changement climatique, Pembina Institute): Je crois que Mark va faire son exposé en premier, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Le président: Aucun problème. Nous allons tout simplement aller de l'autre côté de la table, puis nous passerons à la période de questions.
M. Jaccard.
M. Mark Jaccard (directeur, Groupe de recherche sur l'énergie et les matériaux, Université Simon Fraser): Merci.
Avez-vous en main le document que j'ai apporté? Oui, vous l'avez. Parfait.
Mon intervention durera dix minutes. Cela signifie que je vais vraiment me concentrer uniquement sur les premiers éléments présentés dans le document. Les autres sont en quelque sorte des sujets de réflexion qui peuvent s'avérer utiles ou qui peuvent faire l'objet de questions. En outre, je viens de me rendre compte que Matthew abordera ces questions de façon plus approfondie.
Mon exposé s'intitule «Les coûts de la réduction des GES». Il y a là des exemplaires de ce document, en anglais et en français.
D'entrée de jeu, je précise aux personnes présentes que dans le document, nous qualifions de mesure toute modification touchant le matériel, comme une ampoule électrique, les édifices, comme l'ajout de matériaux isolants, et l'infrastructure. Ces mesures changent les émissions par rapport à ce qu'elles auraient été autrement.
L'existence de points de vue divergents explique en partie les différences dans les évaluations des coûts dont vous entendez parler. D'une part, les tenants de l'approche ascendante soutiennent que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou GES nous permettra de faire des profits et s'avérera très avantageuse. D'autre part, les tenants de l'approche descendante, estiment, au contraire, que la réduction des GES entraînera des coûts faramineux. Je vais tenter en quelques minutes d'exposer ces points de vue divergents. En fait, chacun repose sur une définition particulière de la notion de coût et sur des hypothèses différentes à l'égard des changements technologiques à long terme et des préférences des consommateurs en matière de technologie.
Le transparent suivant s'intitule «Définition de l'approche ascendante et problèmes d'évaluation des coûts». Les tenants de l'approche ascendante envisagent simplement deux technologies différentes et s'interrogent sur le coût d'acquisition de chacune sur le marché? Ils s'interrogent également sur la consommation d'énergie liée à chacune de ces technologies. Ils comparent ensuite les deux technologies sous ces deux aspects. Partant de l'hypothèse que ces deux technologies sont des substituts parfaits, ils s'interrogent sur la différence dans les coûts et les émissions si on passe d'une technologie à l'autre.
Cet exercice peut permettre de faire des évaluations. Voici une récente évaluation intitulée Kyoto and Beyond, préparée par la Suzuki Foundation. D'après cette organisation, la réduction des GES permettra de réaliser des profits considérables.
Quels problèmes cette approche pose-t-elle? Le problème principal vient du fait que le calcul des coûts n'est que partiel. Par exemple, si on compare le transport en commun à l'automobile sur le plan de la mobilité, on peut obtenir une mesure en dollars par personne- kilomètres. Il va sans dire, que le transport en commun revient nettement moins cher en personne-kilomètres et que les émissions de GES sont plus faibles. Par conséquent, on arrive à la conclusion que si tout le monde délaisse l'automobile au profit du transport en commun—on ne sait cependant pas comment y arriver—il est possible de réaliser des économies et de réduire les émissions de GES.
Toutefois, cette solution pose des problèmes. Premièrement, elle ne tient pas compte de ce qu'on appelle la valeur d'option. Je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur cette question, mais je signale simplement que les nouvelles technologies comportent de plus grands risques et que cela constitue un coût réel pour les ménages et les entreprises. En outre, les technologies dont la période de recouvrement est plus longue, notamment les technologies à haut rendement énergétique, comportent davantage de risques. Je peux fournir des explications à cet égard si vous avez des questions.
Par surcroît, au sujet de l'exemple que j'ai donné, il faut se rappeler que les technologies sont rarement des substituts parfaits. Les consommateurs ne considèrent pas le transport en commun et l'automobile comme des moyens de transport parfaitement interchangeables. Dans les faits, il faut presque soudoyer les gens, leur donner de véritables incitatifs, pour les faire passer de la voiture au transport en commun. Or, le montant des incitatifs consentis aux consommateurs est un coût dont les économistes tiennent compte. C'est précisément pour cette raison que les évaluations des économistes diffèrent tellement. McKitrick et Wigle de l'Institut C. D. Howe soutiennent que la réduction des émissions de GES risque de s'avérer fort coûteuse.
Voilà donc pour la définition de la notion de coût.
Sur ce transparent, on fait mention d'un deuxième problème. Il s'agit de l'optimisme injustifié à l'égard de l'effet global du changement technologique présentement en cours. On ne tient pas compte de l'amélioration progressive de certaines techniques polluantes. On trouve des moyens de plus en plus économiques pour produire de l'électricité dans des centrales alimentées au charbon. Or, cette réalité est rarement prise en compte dans les calculs. On fait également abstraction de l'effet de rebond des services énergétiques à faibles coûts. Par exemple, les consommateurs dépensent de l'énergie pour de l'éclairage décoratif, des chauffe-terrasse ou des foyers décoratifs. Ils utiliseront davantage leur véhicule, comme ils le font à l'heure actuelle. Il faut prendre ces éléments en considération.
Enfin,—c'est d'ailleurs ce qui me préoccupe dans le plan du Canada à l'égard des changements climatiques—on examine les mesures individuelles et on oublie de considérer la synergie ou les effets interactifs de ces mesures sur l'économie. Si on prend énormément de mesures favorisant l'efficience énergétique, le prix de l'électricité chute et par conséquent, cela entraîne un changement dans la mesure de l'efficience au chapitre de la consommation d'électricité.
Voilà les problèmes que pose l'approche ascendante.
L'approche descendante est basée sur l'hypothèse que les coûts entraînés par tout écart face aux opérations courantes peuvent être estimés selon les taxes qui y seront reliées. On peut donc créer un modèle d'économie prévoyant que les choses se dérouleront d'une certaine façon en se basant sur la façon dont elles se sont déroulées par le passé. Puis, on peut se demander comment on pourrait changer les choses. On instaure une taxe sur les gaz à effet de serre ou encore un mécanisme de permis échangeables, et lorsqu'on arrive à changer les choses, on inclut tous ces éléments dans la liste des coûts.
On le fait dans le but d'essayer de saisir tous les coûts intangibles dont je viens de parler—le transport en commun par rapport à la voiture par exemple—pour donner une certaine légitimité à ce processus à l'égard de l'estimation des coûts. Toutefois, cette approche présente également des problèmes parce que les coûts peuvent diminuer avec le temps, selon le type de politique. Selon le délai prévu, si l'on peut modifier la technologie au rythme du ratio de rotation des capitaux—lorsque les gens remplacent leur réfrigérateur ou achètent une nouvelle voiture—cela peut permettre de réduire les coûts. En fait, cela constitue une préoccupation dans le cadre de Kyoto parce que cela présuppose de nombreuses modifications en sept ans.
Le deuxième facteur, c'est que les nouvelles technologies entraînent des coûts de production élevés qui diminuent avec le temps et les niveaux de rendement. Vous avez tous entendu parler des économies d'échelle. Si on peut produire des éoliennes en série, leur prix baisse. Il faut également tenir compte des courbes d'expérience et d'apprentissage, c'est-à-dire que lorsque nous acquerrons de l'expérience dans l'exploitation de nouvelles technologies, nous voyons les coûts chuter, même lorsqu'il n'y a pas d'économie d'échelle. Ce sont des choses dont on ne tient généralement pas compte dans l'analyse descendante.
Enfin, l'acceptation des nouvelles technologies par le public coûte très cher au début. Si je dois aujourd'hui avoir recours à des mesures incitatives pour convaincre les gens d'acheter un véhicule hybride, dans huit ans, lorsqu'une personne sur quatre de leur entourage sera propriétaire d'un tel véhicule, le montant des incitatifs sera grandement réduit. L'acceptation par le public évolue également avec le temps, mais c'est un long processus. C'est un problème dans le cas des estimations effectuées selon la méthode descendante.
En résumé, l'une des méthodes est basée sur l'hypothèse que nous ferons tous beaucoup d'argent et que tout le monde sera heureux. Mais on oublie qu'il faudra prévoir des sanctions pécuniaires, des règles strictes ou une augmentation des revenus tirés des taxes pour subventionner les gens qui feront ces changements. C'est un problème lorsque les coûts ont été estimés à un niveau très bas.
Mais ceux qui affirment que cela coûtera cher oublient que nous pouvons prendre certaines mesures qui auront des répercussions sur la recherche et le développement ainsi que sur le roulement des stocks et que tout cela peut devenir une importante question administrative au niveau de la réduction des coûts à long terme de même qu'une question de délai.
Les deux prochains transparents vous en donnent des exemples. Les modèles choisis n'ont pas d'importance, mais j'utilise le modèle CIMS, qui est un modèle hybride qui tient compte de tous les coûts reliés au comportement ainsi que des coûts financiers.
Le dernier modèle, le MARKAL, est un modèle de type descendant. On retrouve en bas du tableau les réductions en mégatonnes. À 90 mégatonnes, le MARKAL enregistre toujours des coûts négatifs, c'est-à-dire qu'on réalise des profits jusqu'à ce niveau. À 120 ou 130 mégatonnes, les coûts sont toujours compensés par les profits, ce qui permet l'établissement de ces prévisions selon lesquelles le Canada peut réduire ses émissions de gaz sans trop de problèmes.
Le modèle CIMS, qui présente la courbe de coûts la plus élevée, est basé sur le calendrier de Kyoto. Le transparent suivant démontre que si on allonge la période de temps prévue, les coûts diminuent—c'est également le cas pour le modèle MARKAL, mais je voudrais tout simplement vous montrer les résultats du CIMS tirés du transparent précédent—et si l'on dispose de politiques fortes qui entraînent des changements technologiques, les coûts diminuent également. Ces deux éléments sont très importants. À mon avis, la riposte de l'Alberta au plan du gouvernement fédéral est faible parce que les politiques de l'Alberta n'entraîneront pas de changements technologiques à long terme, à tout le moins si je me fie à ce qu'ils ont présenté et ce que j'ai vu jusqu'à présent.
Cela m'amène à la dernière série de transparents. Je ne les reverrai pas tous avec vous, mais j'en ferai un bref résumé en me permettant de dire que certaines politiques ne seront pas aussi efficaces. Il y a plusieurs critères qui peuvent servir à évaluer les politiques, parmi lesquels les quatre critères bien connus. Les mesures volontaires qui ont été utilisées au cours des années 1990 ne sont pas très efficaces en raison des forts coûts entraînés. Le principe du commandement et du contrôle peut s'avérer efficace, mais il n'est pas très bien coté au chapitre de l'efficacité économique. Je ne veux pas avoir l'air de m'en distancer, mais il présente certains problèmes de conception.
¹ (1540)
Enfin. les instruments économiques comme les taxes, ou même l'accroissement des taxes générales pour obtenir des subventions, entraînent des problèmes au niveau de l'acceptabilité politique. Cela m'amène à recommander le genre de politiques qui intègrent tous ces éléments, et c'est ce qu'on retrouve sur mon dernier transparent. Cela reviendra peut-être au moment de la période des questions, mais j'ai déjà parlé pendant dix minutes et ...
Le président: Vous n'avez pas pris tout à fait sept minutes.
M. Mark Jaccard: Très bien, alors je prendrai deux minutes pour expliquer les derniers transparents.
Il y a des combinaisons de politiques auxquelles même les Américains, les Européens et les Chinois ont recours. Ce sont des règlements en ce sens qu'il établissent des exigences d'ensemble pour l'industrie. Ils forcent les fabricants à penser à long terme. Toutefois, en même temps, ils prévoient un long délai d'exécution—Kyoto et après—et ils permettent aux fabricants de faire des échanges entre eux et de négocier diverses solutions, de façon à ce qu'on puisse les respecter de façon aussi économique que possible. Mais ils garantissent tout de même certains résultats.
C'est l'objectif du transparent numéro huit. On peut penser par exemple à la norme sur le portefeuille renouvelable qui prévoit qu'un certain pourcentage minimum d'électricité doit être produit à partir de formes renouvelables d'énergie. J'ai collaboré avec le gouvernement de la Colombie-Britannique à la mise au point d'une nouvelle politique prévoyant une norme de 50 p. 100 d'énergie renouvelable pour les nouveaux projets électriques. J'ai également aidé le gouvernement chinois à mettre un tel programme sur pied.
Vous connaissez tous les normes sur les émissions des véhicules adoptées en Californie. Le gouvernement de la Californie a adopté ces normes en 1990 et il a alors dit aux industries «Il y a des véhicules qui n'émettent aucun gaz d'échappement, d'autres qui en émettent très peu, et vous pouvez équilibrer le tout. Nous vous accorderons un délai assez long et vous devrez compter sur des fonds privés pour assurer le financement de la recherche et du développement.» Les entreprises ont réagi en disant «Nous ne pouvons pas le faire, C'est ridicule. Les consommateurs ne l'accepteront pas.» Elles ont actionné le California Air Resources Board, mais en même temps, elles ont commencé à consacrer beaucoup d'argent à la mise au point de nouvelles technologies innovatrices que nous connaissons aujourd'hui dans le domaine automobile.
J'ai un neuvième transparent que je ne vous présenterai pas et qui porte sur les avantages, ou les forces et les faiblesses de cette approche.
Mon dernier transparent, qui porte sur les applications possibles, souligne comment cette approche peut être utilisée dans d'autres domaines. Je vais vous donner un exemple. Je pense à l'industrie des combustibles fossiles. Ma recommandation à l'Alberta est la suivante. Si vous voulez réellement apporter des changements technologiques à long terme,—et nous savons maintenant que nous pouvons capter le gaz carbonique et continuer d'utiliser des combustibles fossiles et peut-être même les retirer ou les emmagasiner sous terre—d'ici l'an 2010, vous devez retirer 1 p. 100 du carbone émis et l'emmagasiner sous terre. En l'an 2020, ce serait 15 p. 100 du carbone émis. Ce serait là un autre exemple de ce type de politique.
Je m'arrêterai ici.
¹ (1545)
Le président: Monsieur Bramley.
M. Matthew Bramley: Je suis Matthew Bramley, directeur de la section des changements climatiques au Pembina Institute.
Je voudrais tout d'abord préciser que je n'ai pas l'intention d'induire qui que ce soit en erreur. Je ne suis pas un économiste, mais bien un spécialiste des politiques en matière de changement climatique. Toutefois, au cours des trois dernières années, j'ai fait partie du groupe d'experts-conseils associé à la Table de l'analyse et de la modélisation qui est l'organisme fédéral provincial qui a commandé l'établissement de modèles économiques approfondis pour permettre de respecter le Protocole de Kyoto au Canada.
Dans le cadre du Processus national sur le changement climatique, j'ai suivi de près le travail de la Table de l'analyse et de la modélisation et le débat plus vaste sur les coûts engendrés par le Protocole de Kyoto au Canada. J'ai présumé aux fins de la présentation que le Canada ratifierait le Protocole de Kyoto. Je ne tenterai pas ici d'en défendre l'aspect économique. J'aimerais toutefois soulever certains points qui devraient à mon avis être pris en compte dans la décision du Canada de mettre en oeuvre les dispositions prévues dans le Protocole de Kyoto.
Je parlerai de quatre secteurs en particulier. Le premier porte sur l'innovation et les débouchés, le deuxième traite de notre position face aux États-Unis, le troisième fait un lien entre le principe du pollueur payeur et de l'efficacité économique, et le dernier renvoie à l'incertitude des politiques.
Pour ce qui est de l'innovation, on peut dire que c'est l'un des principaux facteurs qui déterminent la croissance économique et la capacité concurrentielle. Bien que les preuves ne soient pas clairement établies, bon nombre d'éléments prouvent que le rôle de chef de file joué par le gouvernement face à l'adoption de mesures générales peut stimuler l'innovation et accroître par le fait même la compétitivité.
Les initiatives environnementales comme le protocole de Montréal sur les substances qui réduisent la couche d'ozone et le programme américain sur les pluies acides—qui est un système d'échange de droits d'émission—sont deux bons exemples dans lesquels les craintes de l'industrie à l'égard des coûts qui pourraient être entraînés se sont avérées grossièrement exagérées. L'une des principales raisons, c'est que ces initiatives ont fourni en fait suffisamment de flexibilité pour permettre ou stimuler des projets innovateurs imprévus, ce qui a donné lieu à des programmes de réduction de la pollution à des coûts de beaucoup inférieurs à ce que l'on avait tout d'abord prévu.
Le Pembina Institute a mené une étude approfondie sur la façon dont le Protocole de Kyoto peut améliorer la capacité concurrentielle du Canada. Une bonne partie de cet argument porte sur l'innovation. Le rapport que nous avons préparé sur le sujet se trouve sur notre site web. L'une des raisons pour lesquelles les modèles économiques, dont on a beaucoup parlé dans les débats publics au cours des derniers mois, ont tendance à surestimer les coûts de la réduction des gaz à effet de serre, c'est qu'ils ne tiennent pas vraiment compte des réductions de coûts entraînées par l'innovation. En termes simples, il est très difficile de prévoir les changements technologiques qui permettent généralement de réaliser des choses à meilleur coût que ce que nous avions prévu.
J'aimerais préciser de façon générale que nous devons cesser de voir Kyoto uniquement sous l'angle des coûts, des sacrifices et des restrictions. La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto par le Canada doit insister davantage sur les possibilités économiques et moins sur la protection des positions des partenaires économiques actuels, particulièrement dans le cas de ceux qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Mais j'y reviendrai dans un moment.
En ce qui a trait à notre position face aux États-Unis, le Pembina Institute a publié plus tôt cette année une comparaison de la mise en oeuvre de mesures qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis et au Canada. Nous nous sommes rendu compte qu'aux États-Unis, particulièrement au niveau de l'État, les gouvernements avaient en fait adopté des mesures beaucoup plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre que ce que nous avons fait au Canada jusqu'à maintenant, surtout dans le domaine de l'énergie renouvelable ayant peu d'impact sur l'environnement et de l'efficacité énergétique.
Il est vrai que l'administration américaine actuelle a abandonné la direction dans ce domaine, mais il n'en reste pas moins que même au niveau fédéral, il existe des mesures beaucoup plus importantes en vue de la réduction des gaz à effet de serre aux États-Unis qu'au Canada. Je vous donnerai quelques exemples de cela dans un instant. Mais j'aimerais souligner que lorsque viendra le temps pour le Canada de respecter ses engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto, il y a bon nombre d'exemples d'initiatives adoptées par le gouvernement des États-Unis sur lesquelles nous pourrons nous baser.
Par exemple, quelque quinze États américains ont adopté les normes sur le portefeuille renouvelable pour ce qui est de l'énergie renouvelable ayant peu d'impact sur l'environnement dont Mark a parlé. Ce que cela veut dire essentiellement, c'est que les fournisseurs d'électricité doivent tirer un pourcentage minimum de leur capacité énergétique de sources renouvelables ayant peu d'impact sur l'environnement. On a prévu qu'un producteur peut dépasser l'objectif alors qu'un autre se situera bien en-deçà, mettant sur pied un mécanisme d'échange permettant de répartir les gains et les pertes.
Un autre exemple est le programme fédéral de crédits d'impôt relié à l'énergie éolienne des États-Unis qui vaut beaucoup plus que les mesures incitatives récemment adoptées au Canada au chapitre de l'énergie éolienne. Il n'est pas étonnant que la capacité énergétique des États-Unis à ce chapitre soit vingt fois plus grande qu'au Canada, même si la population des États-Unis n'est que de neuf fois supérieure à la nôtre.
¹ (1550)
Le transport en commun constitue un autre exemple. En 2000, l'investissement total en capital du Canada s'est chiffré à moins de 1 milliard de dollars canadiens. Or, au même chapitre, la région urbaine de New York a investi plus de 2 milliards de dollars américains.
Pour en revenir à la compétitivité, lors de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, le Canada doit faire un effort concerté pour se positionner comme chef de file dans les domaines de la technologie et des infrastructures qui s'imposent, au fur et à mesure que se resserrent les exigences concernant la réductions des émissions de GES. Nous savons d'ores et déjà que le Protocole de Kyoto n'est que la première étape du processus. Notre compétitivité à long terme est étroitement liée à notre position à cet égard.
Troisièmement, pour ce qui est du principe pollueur-payeur et de l'efficience économique, l'établissement de modèles économiques révèle que la réduction des GES étroitement liée au principe pollueur-payeur maximise véritablement l'efficience sur le plan économique parce qu'on associe un prix aux émissions de GES .
Les modèles du groupe d'analyse et de modélisation en sont un exemple. Il est question de ces modèles dans le document de travail sur les changements climatiques, préparé en mai dernier par le gouvernement fédéral. Un des scénarios de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto repose sur un régime intérieur d'échange de droits d'émissions. En vertu de ce régime, dans la plupart des cas, les producteurs de GES au Canada seraient tenus d'obtenir un permis. Le gouvernement pour sa part vendrait les permis aux plus offrants— une véritable application du principe pollueur-payeur—et les produits seraient réinvestis dans l'économie pour réduire les impôts. Selon ce scénario, la croissance économique est plus rapide avec la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto que sans celle-ci, grâce notamment à l'effet stimulant des réductions d'impôts.
Ainsi, la vente, au plus offrant de permis constitue une véritable application du principe pollueur-payeur parce que les pollueurs doivent payer à chaque fois qu'ils produisent des GES. Pourquoi cette formule maximise-t-elle l'efficience économique? Parce qu'elle envoie un signal on ne peut plus clair et sans distorsion à l'égard du prix et favorise la réduction des émissions. Toutefois, elle risque de faire de grands perdants dans les secteurs où les émissions de GES sont élevées et de grands gagnants dans les secteurs où ces émissions sont faibles.
Le gouvernement fédéral a indiqué que jusqu'ici, il envisage, dans son plan de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, l'attribution de permis d'émission pour les gros producteurs de GES. Il s'agirait en quelque sorte d'un nombre de permis représentant 85 pour cent des émissions de chaque secteur ou de chaque sous-secteur. À titre indicatif, cela représente pour l'industrie pétrolière par exemple, un ajout de 3 à 12 cents uniquement sur le coût de production d'un baril de pétrole. À mon avis, ce n'est pas un incitatif suffisant pour favoriser la réduction des émissions de GES.
Il n'est peut-être pas réaliste dans le contexte du régime intérieur d'échange de droits d'émissions que le gouvernement envisage pour les grands producteurs de GES de vendre la totalité des permis d'émission au plus offrant. À mon avis, le gouvernement devrait néanmoins, dans l'application du régime intérieur d'échange de droits d'émissions, faire une plus grande différence entre les incitatifs financiers et les éléments dissuasifs visant les producteurs de GES, que leur taux d'émissions soit élevé ou faible. Cette façon de procéder pourrait stimuler la réductions globale des émissions de GES, à un coût moindre.
La dernière question que j'aborde est celle de l'incertitude de cette politique. Nombre d'intervenants ont souligné les dommages causés par l'incertitude entourant les intentions précises du gouvernement à l'égard du respect des engagements pris en vertu du Protocole de Kyoto. De toute évidence, cette incertitude complique la prise de décisions des investisseurs.
Je présente trois suggestions pour régler ce problème. La première porte sur le choix des moyens d'action, sujet que Mark a abordé plus tôt. L'actuel plan du gouvernement fédéral sur les changements climatiques manque de clarté pour ce qui est du choix des outils d'intervention visant à réduire les émissions de GES. Les économistes soutiennent que la clarté en matière d'incitatifs financiers, d'éléments dissuasifs, de normes réglementées ou de cibles réglementées, dont Mark a déjà fait mention, est nécessaire pour réduire les émissions de façon substantielle. Les solutions avant-gardistes volontaires, axées sur la sensibilisation, ont leur raison d'être, mais elles ne permettront pas d'atteindre les niveaux de réduction substantiels qui s'imposent.
Par conséquent, un engagement clair de la part du gouvernement fédéral à l'égard d'outils d'intervention, d'incitatifs financiers et de normes réglementées efficaces pour réduire les émissions de façon substantielle dissiperait considérablement l'incertitude entourant les intentions gouvernementales au sujet des formules qui seront retenues pour réduire les émissions de GES.
Le deuxième élément d'incertitude concernant l'application du régime intérieur d'échange de droits d'émissions aux gros producteurs de GES est lié à la période de négociation, annoncée par le gouvernement, sur l'attribution des permis. Ces négociations peuvent se révéler extrêmement ardues et risquent de s'éterniser. J'estime que le gouvernement fédéral devrait établir un échéancier clair à court terme pour régler la question de l'attribution de permis d'émissions et préciser très clairement le nombre de permis qui seront délivrés et quels producteurs de GES y seront soumis. On pourrait prévoir une période de négociations de six mois pour vider la question et dissiper cette incertitude.
¹ (1555)
En dernier lieu, je signale que le prochain budget fédéral offre une occasion exceptionnelle pour financer les mesures que le gouvernement songe à mettre en oeuvre pour atteindre les cibles prévues dans le Protocole de Kyoto pour renforcer la crédibilité de ses déclarations à l'égard de ses intentions. Plus le financement de ces mesures sera clair maintenant, plus les intentions du gouvernement seront claires.
Je n'en dis pas davantage à ce sujet.
Le président: Merci beaucoup.
M. Jeremy Rudin du ministère des Finances.
M. Jeremy Rudin (directeur général, Direction de la politique économique et fiscale, ministère des Finances): Merci, monsieur le président.
M. Bramley, que je connais, s'est présentant en précisant qu'il n'est pas économiste, mais bien expert en matière de politiques sur les changements climatiques. Pour ma part, je précise d'entrée de jeu, que tout à fait à l'opposé de M. Bramley, je ne suis par expert en matière de politiques sur les changements climatiques, mais que je suis économiste.
Mon introduction sera brève. Je me contenterai de restructurer certains éléments que je considère les points saillants du plan du Canada sur les changements climatiques, diffusé il y a quelques semaines et publié sur le Web à www.climatechange.gc.ca/plan_du_canada/. À la lumière des modèles économiques élaborés à ce jour, le gouvernement estime possible de gérer les conséquences des mesures liées aux changements climatiques.
Le gouvernement reconnaît que les mesures prises entraîneront des coûts, mais il estime qu'il sera possible de les contrôler. Cette position est en grande partie attribuable au fait que le plan est fondé sur de nombreux principes dont la collaboration, les partenariats et sur le fait qu'aucune région ne doit assumer une part déraisonnable du fardeau, que son application doit être transparente, progressive et qu'il doit être mis à jour et révisé régulièrement. Par surcroît, le plan prévoit qu'il faut minimiser le coût de l’atténuation et maximiser les avantages, promouvoir l’innovation et, dans la mesure du possible, limiter les incertitudes et les risques.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous commençons la période de questions.
M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier d'être ici aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages fort intéressants.
D'entrée de jeu, j'aimerais parler du régime intérieur d'échange de droits d'émissions. Vous pouvez certainement tous les trois faire des commentaires. Comment ce régime fonctionnera-t-il et comment les prix seront-ils établis?
Je crois que M. Bramley a fait mention du traité sur les pluies acides. Vous pourriez peut-être expliquer de quoi il s'agissait exactement et comment à votre avis il pourrait s'appliquer à la situation actuelle.
Je soulève uniquement une question. J'ai rencontré, le même jour, les représentants de deux aciéries. La première de ces entreprises m'a affirmé avoir réduit ses émissions de 24 pour cent au cours des dix dernières années. La seconde a remis cette affirmation en question, soutenant que la première entreprise avait comme elle réduit ses émissions d'environ 12 pour cent, non de 24 pour cent. Compte tenu des divergences entre les entreprises, comment ce régime s'appliquera-t-il?
º (1600)
M. Matthew Bramley: De toute évidence, un système fiable doit être mis en place pour mesurer les émissions de GES. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Le gouvernement fédéral envisage présentement la possibilité d'obliger les entreprises à déclarer leur production de GES en vertu de l'Inventaire national des rejets de polluants. À mon avis, il serait utile d'aller de l'avant avec cette mesure, dans les meilleurs délais, afin que tous les gros producteurs de GES disposent de l'équipement nécessaire pour vraiment mesurer les émissions conformément à une méthodologie uniformisée fiable.
Votre question initiale portait sur le prix. Si je comprends bien le gouvernement fédéral envisage d'établir un lien transparent entre le régime intérieur d'échange de droits d'émissions et le marché international d'échange des droits d'émissions créé en vertu du Protocole de Kyoto.
Si, comme les intentions du gouvernement l'indiquent, il n'y a aucune restriction concernant l'utilisation des crédits d'émissions à l'échelle internationale aux fins du régime intérieur d'échange de droits d'émissions, le marché international fixerait simplement les prix applicables au régime canadien. De nombreuses projections ont été faites au sujet du prix qui prévaudra en 2010.
Je peux d'ores et déjà vous dire que le marché international est entré dans la course. Le gouvernement des Pays-Bas a récemment payé environ 5 euros la tonne de dioxyde de carbone pour obtenir des crédits qui lui permettront de respecter les exigences du Protocole de Kyoto sur les marchés internationaux. Le gouvernement canadien, pour sa part, estime plus réaliste d'envisager à un prix d'environ 10 dollars canadiens la tonne. Je crois que la plupart des projections sont de cet ordre.
M. James Rajotte: Monsieur Jaccard, auriez-vous une observation à faire?
M. Marc Jaccard: Non.
M. James Rajotte: Vous acceptez donc l'estimation de 10 $ la tonne?
M. Mark Jaccard: Non, je n'ai pas examiné cet aspect d'assez près pour faire la moindre projection. Mais c'est ce que porte à croire la plupart des documents, parce que l'accord de Kyoto n'est pas un mécanisme global qui nous permet d'aller jusque là; étant donné les réductions déjà effectuées en Russie et ailleurs, le prix des permis internationaux serait assez bas, pourvu qu'il n'y ait aucune tentative de monopolisation de la part des pays qui possèdent des crédits et qui pourraient s'entendre pour faire grimper ces prix. C'est le seul problème que vous pourriez éprouver. Si un groupe achète toujours d'un autre groupe, il faut se demander quelle est la taille de ce dernier.
M. James Rajotte: Prenons l'exemple de l'achat de crédits auprès la Russie. La Russie serait-elle en mesure de faire ce que vous venez de dire, c'est-à-dire influencer à elle seule le prix des crédits?
M. Mark Jaccard: Je l'ignore. Dans un article paru il y a environ un an dans The Energy Journal, Denny Ellerman du MIT laissait entendre que cela se produirait. À ce moment-ci, c'est une conjecture.
M. Matthew Bramley: Les gens parlent beaucoup de l'achat de crédits auprès de la Russie, mais il y a d'autres sources aussi. Si le Canada doit acheter des unités à l'échelle internationale, il n'est absolument pas obligé de les acheter de la Russie. Au besoin, le Canada pourrait s'adresser à plusieurs pays de l'Europe de l'Est et à des pays en développement qui pourraient également créer des unités à vendre.
M. James Rajotte: Ma deuxième question, monsieur Jaccard, porte sur la page 4 de votre exposé, où vous avez décrit le premier problème de l'approche descendante. Selon votre troisième point, les nouvelles technologies ont un coût initial élevé pour ce qui est de l'acceptation par la population.
Vous avez parlé des véhicules hybrides. En septembre, j'ai effectué une visite auprès d'un constructeur d'automobiles et j'ai appris qu'il était facile de construire des hybrides, mais qu'ils coûteraient plus cher. Une automobile ordinaire coûterait à peu près 8 000 $ de plus et consommerait de l'essence plus raffinée, ce qui compliquerait le problème. Il faudrait alors soit augmenter l'additif dans l'essence ou raffiner davantage cette dernière, ce qui, de toute évidence, augmenterait les émissions de CO2.
Existe-t-il un moyen d'estimer les coûts? À votre avis, le gouvernement devrait-il accorder des crédits d'impôt ou des subventions quelconques à l'achat de véhicules hybrides?
º (1605)
M. Mark Jaccard: D'abord, ces 8 000 ou 10 000 $ s'appliquent au coût en capital initial. Il faut aussi tenir compte de l'économie réalisée sur le coût de l'essence pour calculer le bénéfice net total ou ce qu'il en coûte pour acheter un hybride au lieu d'un véhicule ordinaire. C'est mon exemple d'une action.
Pour ce qui est de la politique qui encouragerait le mieux les gens à acheter de tels véhicules, je crois que, si le Canada ratifiait Kyoto, il devrait immédiatement adopter les normes californiennes sur les émissions. Les États de New York, Massachusetts, Vermont et plusieurs autres ont maintenant une disposition automatique leur permettant d'adopter les normes de la Californie. Si le California Air Resources Board, après avoir entendu les constructeurs dire qu'il fallait reporter d'un an le délai fixé pour mettre en marché un certain pourcentage de véhicules hybrides, acceptait finalement de le faire—il y a beaucoup d'opposition et de résistance—, le même changement se produirait systématiquement dans l'État de New York et partout ailleurs.
Cela conférerait donc aux constructeurs un degré de certitude, ou du moins d'uniformité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement du Canada ne fait pas cela, ni même pourquoi le plan canadien dit que nous tenterons de promouvoir une réduction de 25 p. 100. Je crois qu'il n'en coûterait rien au Canada d'adopter le résultat des efforts que d'autres auront déjà déployés auprès des constructeurs d'automobiles.
Puis, ces constructeurs devraient vendre un certain nombre de ces véhicules. Ils y auraient déjà pensé, s'ils étaient doués en marketing. Ils inviteraient la population à imiter Leonard DiCaprio et à conduire un hybride. Il y aurait assez de gens qui voudraient le faire—qu'il s'agisse de politiques et de vedettes du cinéma, entre autres. Ou encore, ils abaisseraient la différence de coût à 4 000 $—qui est le coût en capital, parce qu'il y aurait de fortes économies de fonctionnement—en haussant le coût de tous leurs autres véhicules de 100 ou 200 $. Ainsi, il reviendrait aux constructeurs de décider comment mettre en marché ce type de véhicule.
M. James Rajotte: D'après le constructeur d'automobiles avec qui j'ai parlé, il serait très facile de construire des véhicules produisant moins d'émissions, mais on ne le fait pas au Canada, parce que cela exige de l'essence plus raffinée. En effet, le pétrole dérivé des sables bitumineux doit être plus raffiné, ce qui, de toute évidence, augmente la quantité de CO2 que les raffineries libèrent dans l'atmosphère. Les constructeurs d'automobiles sont disposés à accepter cela, mais quelles sortes d'incitatifs offrirait-on alors aux pétrolières?
M. Mark Jaccard: Tout d'abord, aujourd'hui au Canada, je peux acheter un hybride et l'essence pour le faire fonctionner, parce que les pétrolières produisent déjà l'essence nécessaire. J'ai déjà fait un petit sondage sur l'essence. Les raffineries doivent constamment rajuster le mélange qu'elles produisent. Quand on parle aux gens qui achètent des hybrides neufs, on se rend compte que le processus est très lent. À cause de l'inertie du capital-actions, on sera chanceux de réaliser 10 ou 20 p. 100 des ventes des nouvelles actions d'ici 2010. L'industrie du raffinage pourra facilement effectuer les prédictions et procéder aux rajustements nécessaires.
Maintenant, en ce qui concerne l'argument voulant que la conversion entraîne une augmentation nette des émissions de gaz à effet de serre des raffineries, j'ai fait les calculs pour les hybrides et le résultat net est une diminution radicale des émissions de gaz à effet de serre. Je voudrais bien connaître les chiffres utilisés par ceux qui font valoir cet argument, mais je ne les ai pas vus.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte. Vous étiez presqu'à la fin. Nous allons y revenir. D'accord.
Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): J'ai été heureux, monsieur Bramley, de vous entendre dire que la ratification ne faisait pas problème, et que, pour le meilleur ou pour le pire, c'était chose faite. Mais pour ceux d'entre nous qui voulons comprendre pourquoi les gens prendraient une telle décision ou, plus important encore, comment passer à l'étape suivante, je me demande si vous pourriez...
Vous avez cité deux exemples, soit ce qui se passe en Grande-Bretagne et ce qui se passe aux États-Unis. Sauf erreur, vous avez dit ne pas être très bon pour prédire les impacts économiques de l'innovation. Est-ce—je me demande comment le dire—une façon de parler ou simplement une impression générale? Il me semble que personne n'est très bon pour prédire l'impact économique de l'innovation en quoi que ce soit. La question est très spéculative.
º (1610)
M. Matthew Bramley: Je me reportais aux modèles économiques que ces deux messieurs connaissent nettement mieux que moi et qui sont utilisés pour prévoir les coûts et les avantages d'une initiative comme la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto. Ces modèles, certains d'entre eux du moins, renferment les bases de données technologiques, différents menus des technologies pouvant servir à la production d'un bien ou d'un service particulier. Certains de ces modèles supposent de fortes émissions et d'autres, de faibles émissions. Mais ces modèles sont ensuite utilisés pour bâtir des scénarios qui s'étendent sur plusieurs années.
Il est très difficile aujourd'hui de savoir, tout d'abord, quelles technologies seront disponibles dans dix ans, ce que seront leurs coûts et de combien ces coûts auront pu baisser entre temps. Dans la mesure où les coûts globaux dépendent de l'innovation, ce qui est important d'après moi, les modèles utilisés sont déficients et, dans certains cas, je pense, clairement influencés par nos connaissances des technologies actuelles, et ils ne tiennent pas suffisamment compte du fait que les coûts diminuent à mesure que l'innovation se manifeste.
M. Mark Jaccard: Puis-je citer deux phrases à l'appui de cela?
Je me reporte au rapport de Ross McKitrick, un modélisateur qui a décrit exactement ce dont parle Matthew. Il dit supposer dans son modèle que les gens minimisent déjà les coûts:
La raison est que si une entreprise pouvait vraiment réaliser des économies grâce à une nouvelle technologie éconergétique, une organisation qui recherche la maximisation de son bénéfice appliquerait déjà cette technologie. On tient pour acquis que les entreprises ont épuisé toutes les innovations aussi rentables. |
Veuillez excuser mon interruption, mais cette citation me semblait très pertinente.
M. Joseph Volpe: Elle est pertinente. À ce que je comprends, vous êtes tous deux en train de me dire qu'en dernière analyse, ce sont les forces du marché qui détermineront ce que seront les émissions produites par la consommation, que cette consommation commence au niveau industriel ou commercial—c'est-à-dire, au niveau de l'utilisateur final—, parce que tous ces modèles économiques que vous et d'autres avez cités mettent l'accent sur l'industrie et non sur le comportement du consommateur.
En citant vos exemples, vous dites que l'Angleterre et les États-Unis—j'ai noté ce que vous disiez, de sorte que j'espère ne pas me tromper—semblent plus progressifs que le Canada pour ce qui est de l'innovation visant à réduire la pollution et les gaz à effet de serre. Je me demande si vous avez choisi ces deux exemples pour une raison précise ou si vous l'avez surtout fait parce que ces deux pays industriels semblent avoir une culture près de la nôtre—en termes de consommation, je veux dire.
Je me demande si ces deux raisons ne sont pas limitées du fait qu'il y a eu des économies d'échelle en Grande-Bretagne, qui, par rapport au Canada, a une plus forte densité de population. En Grande-Bretagne, la population est à peu près le double de celle du Canada, alors que la superficie correspond au cinquième de celle de l'Ontario. La population des États-Unis est dix fois plus nombreuse que celle du Canada et elle est répartie sur une masse terrestre à peine plus petite que celle du Canada.
M. Matthew Bramley: Eh bien, je ne pense vraiment pas m'être reporté explicitement au Royaume-Uni, même si j'aurais pu le faire, parce qu'en fait, le Royaume-Uni a mis en oeuvre des initiatives stratégiques très intéressantes pour s'attaquer aux émissions de gaz à effet de serre.
Mais pourquoi avons-nous regardé ce qui se passe aux États-Unis? Nous avons vraiment comparé la mise en oeuvre de politiques aux États-Unis et au Canada justement pour vérifier l'affirmation de certains—ceux qui s'opposaient à la ratification par le Canada du Protocole de Kyoto—selon laquelle les États-Unis ne font rien à cet égard, de sorte que le Canada peut se permettre de ne rien faire. Or, quand on regarde ce qui se passe, en particulier au niveau des États, on se rend compte que ce n'est pas du tout le cas.
En ce qui concerne les initiatives prises par les États-Unis, mon argument ne portait pas tellement sur l'innovation. Je tenais surtout à citer des exemples de politiques gouvernementales dont le Canada aurait avantage à tirer profit pour remplir son engagement aux termes de l'accord de Kyoto.
Quand on compare les provinces canadiennes les plus populeuses avec certains États américains, la comparaison est équitable. On parle de territoires ayant des populations de cinq et dix millions d'habitants et de gouvernements qui exercent des pouvoirs similaires pour mettre en place une politique. Je pense que la comparaison est équitable.
Pour ce qui est de la comparaison avec le Royaume-Uni, le pays a une population qui est plus ou moins le double de celle du Canada. Il n'y a pas de structure fédérale, de sorte qu'évidemment cela fait une différence sur le plan de l'élaboration de politiques. Si le Royaume-Uni ou des États américains peuvent faire preuve de leadership pour mettre en application leurs accords visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous, au Canada, n'avons aucune excuse pour ne pas le faire.
º (1615)
M. Joseph Volpe: C'est, à bien des égards, une question de leadership, et je le reconnais. Mais l'esprit de leadership découle en grande partie d'un besoin. Dans un espace industrialisé, géographique et géopolitique comme la Grande-Bretagne, où l'industrialisation est si intense, même si le pays se modernise un peu, il me semble un peu plus facile de parler de réduction des émissions, à cause de la concentration du placement—relativement peu de puits et d'autres facteurs atténuants.
Au Canada, même si la population est d'environ 30 millions d'habitants, une fois qu'on franchit ce ruban qui longe les États-Unis, on a réellement du mal à retenir l'imagination de quelqu'un qui dit que la pollution est épouvantable et que le pays est un grand émetteur de gaz à effet de serre par kilomètre carré. Tous les chiffres que nous avons vus traitent d'émissions par habitant. On les connaît tous—2 p. 100 de toute la production mondiale. Cela semble bien beau. Cela est relatif à notre population et à notre capacité industrielle. Quand on fait le lien avec la masse terrestre et la capacité de celle-ci d'absorber le carbone, le Canada se place loin devant le Royaume-Uni, n'est-ce pas?
M. Matthew Bramley: J'ai vu des modèles réalisés par les scientifiques de Ressources naturelles Canada, qui indiquent que l'ensemble des forêts canadiennes est en fait une source nette de carbone, et non pas un puits. Il faut donc se garder de toute complaisance.
M. Joseph Volpe: Est-ce que c'est à cause des feux de forêt?
M. Matthew Bramley: À cause des feux de forêt, qui ont augmenté ces dernières années, mais aussi des infestations d'insectes, de différents éléments perturbateurs et, évidemment, de l'exploitation forestière. Il faut donc éviter soigneusement tout propos complaisant qui ferait du Canada une éponge absorbant massivement les gaz à effet de serre.
M. Joseph Volpe: J'aimerais bien régler cette question de complaisance. J'essaie de comprendre exactement ce qu'il en est. Quand on entend les écologistes et les experts en climatologie présenter un côté du problème, tandis que les représentants des industries et du secteur manufacturier disent le contraire, on a l'impression de convictions religieuses qui s'opposent. Et je suppose que chacun est persuadé de défendre l'intérêt général.
Récemment, j'ai eu l'occasion de rendre visite à différentes entreprises d'exploitation forestière du Nord de l'Ontario. J'avais peut-être mis mes lunettes roses, mais j'ai été frappé par la volonté et les plans de gestion des dirigeants d'entreprise, qui sont bien conscients des conséquences de leurs activités du point de vue de l'absorption du dioxyde de carbone. Par exemple, si on plante quatre arbres pour chaque arbre récolté, comme c'est l'usage dans le Nord de l'Ontario et, je crois, dans l'ensemble du pays, avec une moyenne nationale minimale de trois arbres...
Vous venez de dire que les forêts s'assèchent et sont donc plus exposées aux incendies. En tant que Canadien citadin, je ne suis pas certain de devoir assumer la responsabilité de ces incendies, qui de tout temps ont été déclenchés par des causes naturelles. Nous essayons d'éviter les incendies, qui évidemment, constituent un gaspillage économique. Mais cela n'a rien à voir avec les questions d'environnement. Au lieu de laisser ces arbres brûlés, nous voulons les vendre aux Américains ou à tous ceux qui sont prêts à les acheter. Mais je ne nous trouve pas complaisants. Des pressions économiques nous incitent à améliorer notre efficacité dans des domaines où les émissions posent un défi.
J'aimerais revenir à ma question précédente sur la modélisation. Est-ce qu'on a fait des calculs sur la production de gaz par habitant et est-ce qu'on a tenu compte du fait que nous avons une masse terrestre à forte capacité d'absorption? Laissons de côté le fait que la nature n'est pas aussi efficace qu'on l'imagine. Je réponds à votre argument sur la complaisance que nous nous jugeons peut-être trop sévèrement.
º (1620)
M. Matthew Bramley: La modélisation qu' on a faite sur le coût de l'application du protocole de Kyoto a pris en compte les crédits de gestion de l'exploitation forestière obtenus par le Canada dans les négociations internationales, ainsi que ce qu'on appelle les puits à carbone en agriculture. À ma connaissance, la modélisation porte sur toutes les sources ordinaires d'émissions qui figurent dans notre inventaire national de gaz à effet de serre, mais elle tient aussi compte des crédits obtenus par le Canada pour les éléments dont vous parlez. C'est ce qui est prévu dans les règles découlant du protocole de Kyoto. À l'époque, certains d'entre nous ont été déçus que l'on accorde au Canada des crédits aussi généreux pour la gestion de l'exploitation forestière et, comme l'indique le plan fédéral en matière de changement climatique, pour la poursuite d'activités routinières. En effet, les 30 mégatonnes par an de crédits correspondant aux puits de carbone que le Canada a obtenus dans le cadre du protocole de Kyoto ne nécessiteront aucun effort supplémentaire. Je pense donc que nous avons assez bien réussi à faire reconnaître la réalité canadienne.
Le président: Monsieur Crête, à vous.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos présentations; elles étaient très intéressantes.
Je retiens de tout cela, mais surtout de l'exposé de M. Bramley et des commentaires de M. Rudin, qu'il faut profiter de l'élan que donnera la ratification pour instaurer de façon très sérieuse, par exemple dans le cadre du prochain budget, des actions très concrètes d'implantation du protocole afin qu'on puisse obtenir des résultats.
Ma question s'adresse surtout à M. Bramley. J'aimerais que vous nous donniez trois exemples de mesures incitatives concrètes que vous souhaiteriez retrouver dans le prochain budget. J'aimerais aussi que vous indiquiez le niveau d'intensité que vous souhaitez pour ces mesures. Dans le dernier budget, on a commencé à voir des mesures sur l'énergie éolienne. Faudrait-il qu'il y ait une amélioration radicale de ce qui est proposé dans ce secteur et dans d'autres secteurs?
Je voudrais terminer en vous disant que votre présentation m'a rappelé que les compagnies de papier, il y a une dizaine d'années, hésitaient beaucoup à accepter de se moderniser pour faire face aux nouvelles exigences environnementales, jusqu'au jour où elles se sont rendu compte que cela leur permettrait d'économiser de l'argent et de faire des gains très significatifs en bout de ligne. Je pense qu'on va voir le même phénomène dans le cas de Kyoto.
J'aimerais que vous insistiez sur les mesures budgétaires pertinentes. J'aimerais que, sans aborder l'aspect politique, M. Rudin nous dise comment, de façon concrète, ces choses-là peuvent être agencées dans un budget. Est-ce possible et est-ce que cela pourra se faire dans le budget du mois de février ou de mars?
[Traduction]
M. Mark Jaccard: Je vais commencer, car c'est sans doute moi qui en ait le moins à dire.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis convaincu qu'il ne suffit pas de dépenser pour trouver la solution. Je reconnais qu'il va falloir faire de efforts importants dans le prochain budget mais je ne pense pas qu'on puisse obtenir grand-chose en subventionnant des changements de comportement au niveau des choix technologiques. Il y a un effort important à faire, et le budget devra l'indiquer, mais je suis persuadé que si on ne mise que sur cela et sur des programmes d'information axés sur des efforts individuels et volontaires, on ne réussira pas à obtenir des changements importants, pour les diverses raisons dont j'ai déjà parlé.
C'est pourquoi je pense qu'il faut miser, soit dans le budget ou dans des politiques comportant des délais précis, sur des règlements visant spécifiquement les marchés, qui compléteront les mesures budgétaires.
En résumé, il ne faut pas se figurer qu'on va trouver la solution en dépensant de l'argent.
[Français]
M. Matthew Bramley: En général, j'aimerais que dans le prochain budget fédéral, on prévoie clairement un financement pour l'ensemble des mesures qui ont été annoncées dans le plan fédéral sur le changement climatique, afin que la crédibilité du plan soit assurée et qu'il n'y ait pas de doute quant à l'intention du gouvernement de mettre en place ces mesures.
Permettez-moi de vous donner trois exemples, comme vous l'avez demandé.
En ce qui a trait aux énergies renouvelables à faible impact, j'ai mentionné dans ma présentation que le crédit d'impôt à la production d'énergie éolienne actuellement disponible aux États-Unis est à peu près le double de celui qui a été prévu dans le dernier budget fédéral. C'est un domaine où le gouvernement fédéral pourrait bonifier considérablement la situation financière des gens en place, conformément à l'objectif du plan fédéral sur le changement climatique, qui est d'assurer que 10 p. 100 de l'électricité vienne de sources renouvelables à faible impact.
Une deuxième mesure de financement serait dans le domaine des incitations à la rénovation d'édifices dans un but d'efficacité énergétique. La Coalition du budget vert, dont nous faisons partie depuis deux ou trois ans, essaie de convaincre le gouvernement fédéral de mettre en place un fonds pour prêter de l'argent afin de financer la rénovation d'édifices commerciaux et institutionnels à l'échelle du pays. Cet argent serait remboursé au moyen des économies d'énergie réalisées à la suite des rénovations. Il y a un modèle très intéressant dans ce domaine, qui a été mis en place par la Ville de Toronto et qui s'appelle Better Buildings Partnership. Nous avons proposé un partenariat du même genre à l'échelle du Canada.
Une troisième mesure précise, qui ne serait pas grand-chose, serait d'assurer un financement pour l'ajout des gaz à effet de serre à l'Inventaire national des rejets de polluants pour assurer qu'un système obligatoire de dévoilement des émissions de gaz à effet de serre soit en place dans les industries, afin qu'on ait des données complètes et cohérentes sur les émissions de gaz à effet de serre des industries. Ce serait une mesure très importante pour la conception et la mise en place du système d'échange des droits d'émissions.
º (1625)
M. Paul Crête: Oui, monsieur Rudin.
M. Jeremy Rudin: Merci. J'ajouterai simplement que le budget se fera plus ou moins comme d'habitude. On va tenter de chiffrer la marge de manoeuvre fiscale. Le ministre des Finances consultera ses collègues au sujet des priorités du gouvernement et préparera un budget visant à investir dans les priorités du gouvernement et dans celles des Canadiens tout en respectant les contraintes budgétaires. C'est comme ça que le gouvernement a déjà fait des investissements dans le changement climatique dans le cadre du Plan d'action 2000. Cela sera aussi cohérent avec l'aspect du plan qui prévoit qu'on procède par étape et qu'on révise constamment le plan.
M. Paul Crête: J'aimerais poser une question complémentaire pour M. Jaccard. Vous avez parlé d'exemples market oriented. Je ne connais pas la traduction de ce terme. Pouvez-vous nous donner des exemples de mesures de ce type? J'aimerais que vous les identifiiez clairement.
[Traduction]
M. Mark Jaccard: Vous trouverez la traduction de cette expression dans mes acétates. Vous l'avez? Parfait. Si vous regardez à la page 8...
[Français]
Excusez-moi de ne pas parler en français. Étant donné que je vis à Vancouver, je ne parle presque jamais en français.
[Traduction]
Je parle de règlements axés sur des marchés et des secteurs, parce qu'ils sont négociés avec chaque secteur, que ce soit les cimenteries, le bâtiment ou l'industrie automobile. Et c'est ce que l'on commence à voir dans le plan. Même le gouvernement de l'Alberta commence à parler de ce type de réglementation.
Généralement, les économistes n'y sont pas favorables parce qu'ils craignent que l'on négocie des solutions différentes d'un secteur industriel à l'autre, qui vont coûter plus cher aux uns qu'aux autres. En tant qu'économiste, je reconnais que c'est un élément dont il convient de se préoccuper mais je ne pense pas qu'il soit tellement important à cette étape préliminaire de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit simplement de rechercher l'innovation et le changement dans tous les secteurs de l'économie.
Par ailleurs, lorsqu'on négocie avec chaque secteur, on utilise une modélisation et des procédures qui donnent une idée de ce que les économistes appellent les coûts marginaux de chaque secteur. Les négociations sont spécifiques à chaque secteur, mais elles sont axées sur le marché, parce qu'une fois qu'on a fixé les exigences, par exemple le nombre de véhicules non polluants, le volume d'électricité de sources renouvelables, on fixe des délais suffisamment éloignés pour que les industries puissent investir dans la recherche et le développement. On leur permet aussi de faire des échanges entre elles pour atteindre l'objectif, de sorte que l'industrie qui trouve la solution la plus économique peut ensuite vendre ses crédits excédentaires. Certains fabricants de véhicules ne parviendront pas à se conformer aux normes de pollution zéro, mais ils pourront acheter des crédits à des fabricants qui ont déjà atteint ces normes.
Ce sont là des innovations qui ont été créées par l'industrie grâce à la négociation avec la California Air Resources Board pendant 10 ans, ou avec les commissions de services publics qui ont mis en oeuvre les normes d'énergie renouvelable aux États-Unis. Je peux vous donner l'exemple du programme de réduction des émissions de soufre aux États-Unis, que certains d'entre vous connaissent, et qui a débuté en 1990. Je veux simplement signaler que les économistes y voient un excellent instrument d'intervention, car il s'agit d'un système de permis échangeables, qui paraît efficace au plan économique pour réduire les émissions de soufre. Or, ce programme n'a été négocié qu'avec les services publics d'électricité. On a fixé des exigences aux fabricants d'automobiles, aux cimenteries, etc., par la voie réglementaire. Même dans ce cas-là, où les économistes auraient tendance à dire qu'il faut un programme applicable à l'ensemble de l'économie, on a procédé par secteur. Voilà ce que j'entends par des mesures spécifiques à chaque secteur et axées sur le marché.
Si vous allez à la dernière page, c'est-à-dire la page 10, vous y verrez l'exemple de la production de combustibles fossiles. Je vais plutôt vous parler de l'industrie du bâtiment, qui figure sur cette même page. Depuis 15 ans, on essaie d'augmenter la part de marché des maisons construites selon la norme énergétique 2000, ce qu'on appelle la norme R-2000. Pourtant, leur part de marché n'a pas vraiment augmenté. J'aimerais savoir ce qui se passerait si on disait aux entreprises de bâtiment de procéder à des échanges entre elles et de s'entendre pour que d'ici 2010, il y ait un certain pourcentage de maisons neuves qui soient conformes à cette norme. On fixerait un autre objectif pour 2015. Voilà un exemple envisageable.
º (1630)
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant M. Discepola.
Mr. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci.
Si le débat sur la ratification est déjà révolu, comme je crois que c'est le cas, pourquoi sommes-nous encore en train de débattre des coûts et des avantages? Je ne comprends simplement pas pourquoi on s'arrête à divers modèles, à d'éventuelles pertes d'emplois ou aux coûts qu'entraînerait le Protocole de Kyoto ou sa mise en oeuvre. Quel avantage y a-t-il à poursuivre de tels débats?
M. Mark Jaccard: Je laisse le soin à d'autres de répondre, mais je signale qu'il y a toujours la question de la répartition des coûts. Des politiques différentes ont des répercussions différentes au niveau des coûts. Je n'ai pas parlé de la répartition des coûts, que ce soit entre les secteurs industriels ou les provinces; quelqu'un d'autre pourrait peut-être le faire. Je peux expliquer comment les coûts sont influencés par la politique. Je pense que c'était peut-être là l'objet de nos discussions. J'ignore si je réponds ainsi à votre question.
M. Matthew Bramley: Cette question me plaît assez bien. Je l'avoue, je ne sais pas dans quelles circonstances la présente séance a été organisée, ni si elle était prévue avant que la ratification ne devienne évidente.
Ce qu'il faut dire, à mon sens, c'est que, comme je l'ai dit dans mon exposé, il reste une zone d'incertitude dans les intentions du gouvernement fédéral en matière de mise en oeuvre du protocole de Kyoto: c'est toute la question de l'attribution des objectifs ou des permis d'émissions, ou des pactes, peu importe la façon dont on les désigne, dans le système d'échange de droits d'émission. Je suppose qu'il va falloir poursuivre la modélisation économique pour déterminer les conséquences des différentes formules de répartition des objectifs ou des permis dans le cadre de ce système. Je m'attends à ce que les résultats de la modélisation soient examinés très activement pendant que les négociations vont se dérouler au cours des prochains mois.
º (1635)
M. Nick Discepola: Qu'est-ce que les modèles mesurent, en définitif? Est-ce que c'est les coûts, est-ce que c'est les quantités de CO2 produites, les niveaux de réduction? Qu'est-ce qu'ils mesurent au juste?
M. Matthew Bramley: Ces messieurs font de la modélisation et ils pourront sans doute vous en parlez en détail, mais les modèles économiques qui ont été évoqués publiquement ces derniers temps donnent des résultats comme l'effet du protocole sur le PIB du Canada, les résultats par province, les effets sur le PIB des changements dans chaque secteur, les effets sur les prix des différentes formes d'énergie, etc.
M. Nick Discepola: Je voudrais poser ma question à M. Rudin, qui a signalé que pour mettre en oeuvre le protocole de Kyoto—vous parliez si vite que je n'ai pas pu tout noter, mais voici les éléments qui m'ont frappé—, il faut pouvoir miser sur la collaboration de tous les intervenants, et veiller à ce que la mise en oeuvre n'ait pas pour conséquence de pénaliser indûment un secteur d'activité ou une région. Comment peut-on rassurer ceux qui craignent des conséquences négatives en leur garantissant que le gouvernement va limiter l'incertitude et le risque, comme vous l'avez dit? Que doit faire le gouvernement?
M. Jeremy Rudin: Merci; c'est une excellente question.
Pour limiter l'incertitude et le risque, le gouvernement devrait s'efforcer de prendre deux mesures. Tout d'abord, il s'agit de présenter un plan aussi complet que possible, qui devra cependant conserver toute la souplesse nécessaire pour réagir aux mouvements des intervenants et à toute l'information qui va nous parvenir.
En outre, dans des cas particuliers, concernant par exemple les conséquences des exigences d'échange de droits d'émission de ce qu'on appelle les gros pollueurs industriels, le plan prévoit le gouvernement entame des pourparlers avec ces pollueurs pour définir les mesures à prendre afin d'atténuer le risque lié au prix des permis que ces entreprises pourraient être amenées à acheter à l'avenir. Voilà le genre de mesures que le gouvernement envisage.
M. Nick Discepola: J'aimerais essayer d'aller au-delà des mesures fiscales que peut prendre le gouvernement, comme celles que nous avons proposées l'année dernière. Vous avez donné quelques exemples en réponse à la question de M. Crête. Ces mesures ne me semblent pas très importantes. Je suis peut-être trop pessimiste, mais on a déjà fait des tentatives en matière de réaménagement d'immeubles ou de nouveaux crédits, par exemple, et je ne sais pas si l'on peut véritablement mesurer le gain net sous forme de réduction d'émissions que peut occasionner le réaménagement des immeubles fédéraux ou des immeubles commerciaux.
Je préférerais entendre ce que vous avez à dire en matière de nouvelles technologies. À mon avis, c'est là que les Canadiens ont un avantage à saisir.
Que devrait faire le gouvernement pour aider les entreprises et l'industrie? Je m'intéresse davantage à ce que l'on peut faire, soit en matière de recherche et de développement, de politiques fiscales, de nouveaux crédits ou de nouvelles subventions, pour aider les entreprises canadiennes à sa lancer dans la mise en oeuvre de ces nouvelles technologies.
J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez des délais à envisager. S'il y a de nouvelles technologies en préparation et qu'il faut prévoir cinq, six ou sept ans avant qu'elles soient mises en oeuvre, peut-être faudrait-il dès maintenant fixer les priorités d'investissement de façon à obtenir les meilleurs résultats par rapport à l'objectif, qui est de réduire les émissions.
M. Matthew Bramley: Je suis désolé. Je ne suis pas disposé à faire des suggestions très détaillées au sujet des mesures à financer dans le budget. Je serais heureux d'en discuter plus longuement et de façon plus détaillée avec quiconque. Mais je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que la rénovation d'immeubles, par exemple, ne permet pas des réductions très considérables.
Mr. Nick Discepola: Eh bien, je ne vais pas faire croire... mais j'ai entendu dire qu'on en a déjà fait l'essai. J'en ignore les avantages dans l'ensemble.
M. Matthew Bramley: La ville de Toronto est un exemple de succès retentissant, car elle dispose d'un fonds renouvelable pour financer les rénovations grâce aux économies provenant d'une utilisation moindre de l'énergie. J'ignore les chiffes exacts, mais tous les intervenants estiment que le Better Buildings Partnership, à Toronto, connaît un énorme succès parce qu'il réduit les émissions et fait économiser de l'argent.
Nous proposons qu'on en fasse l'essai sur le plan national. Un mécanisme de financement des rénovations n'a pas été mis à l'essai au Canada. Je n'ai pas de chiffre en main, mais je sais que le plan fédéral vise un certain nombre de mégatonnes de réductions provenant de la rénovation d'immeubles. Il s'agit d'une mesure précise qui peut être appliquée maintenant, et qui promet non seulement de réduire les émissions, mais aussi d'économiser de l'argent. Le gouvernement pourrait prendre des mesures concrètes à cet égard dès que possible.
J'ai parlé d'encourager davantage l'utilisation d'énergies renouvelables à faibles conséquences. Ainsi, l'énergie éolienne, par exemple, connaît un grand essor dans des États comme le Texas, aux États-Unis. Certains pourraient être étonnés d'apprendre que les États-Unis sont très avancés par rapport au Canada, et que l'Allemagne est encore plus avancé que les États-Unis. Le Canada encourage beaucoup moins la production d'énergie éolienne que les États-Unis. C'est donc un secteur où nous pouvons à tout le moins nous hisser au même niveau qu'aux États-Unis, et il est possible de réduire considérablement les émissions au Canada en veillant à ce que les nouvelles centrales électriques ne soient pas des centrales au charbon—comme on en propose en Alberta, par exemple—mais soient axées sur des énergies renouvelables à faibles conséquences.
Vous avez posé une question sur le fait de stimuler des technologies. J'estime que des investissements dans la recherche et le développement de technologies sont importants, mais ils s'échelonnent habituellement sur une longue période, et il faut songer aux délais d'exécution. Il faut donc prendre certaines mesures immédiatement. Par ailleurs, pour effectuer les réductions à court terme qui s'imposent dans le cadre de l'accord de Kyoto, nous devons, par exemple, mettre en place dès que possible le système d'échange de crédits d'émissions avec les grands producteurs de gaz à effet de serre. Nous avons besoin de normes réglementées sur l'efficacité énergétique des véhicules, ce dont Mark a parlé, d'investissements dans les transports en commun, et de mesures permettant de faire des réductions à court terme.
º (1640)
M. Nick Discepola: Est-ce qu'il me reste du temps pour poser une autre question?
Comme il n'y a pas eu d'analyse coûts-avantages avant la ratification du protocole de Kyoto et comme il n'y a pas de plan complet de mise en oeuvre avant la ratification, est-il concevable d'envisager cette mise en oeuvre à brève échéance? Est-ce qu'il faut de toute urgence se mettre tous d'accord sur un plan de mise en oeuvre à court terme, ou bien, comme l'a dit M. Rudin, est-ce qu'on peut envisager un projet évolutif au cours des cinq ou dix prochaines années, auquel il faudra constamment apporter des rajustements?
M. Matthew Bramley: En l'an 2000, les émissions canadiennes de gaz à effet de serre étaient presque de 20 p. 100 supérieures au niveau de 1990. Comme vous le savez, l'objectif de Kyoto est des émissions totales de 6 p. 100 inférieures au niveau de 1990. Évidemment, nous ne sommes pas obligés d'atteindre cet objectif en misant uniquement sur des réductions au plan intérieur, même si je suis convaincu que la plupart des Canadiens reconnaissent qu'il serait bon de déployer le plus grand effort possible au niveau intérieur. Il est donc urgent d'amorcer des réductions importantes dans les plus brefs délais, car nous sommes déjà bien au-delà du niveau où nous devrions être. Après tout, nous n'avons que dix ans devant nous.
Jeremy a bien indiqué que les gouvernements ont l'intention d'apporter des rajustements en permanence. Il ne serait pas réaliste de penser pouvoir rédiger aujourd'hui un plan qui garantira la réalisation de nos objectifs. On ne peut évidemment pas prévoir toutes les circonstances, ni toutes les possibilités d'échec ou les chances de succès de chaque mesure d'intervention.
Le président: Monsieur Fitzpatrick, allez-y.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je crois savoir que, en 2005, des inspecteurs onusiens ou internationaux viendront ici pour surveiller la situation. Je ne suis donc pas sûr que nous aurons beaucoup de temps, contrairement à ce que tout le monde dit.
Je crains que, dans cette ville, la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto ne finisse par créer une toute nouvelle bureaucratie qui s'ingérera énormément dans le quotidien des Canadiens. On peut parler de tous les modèles qu'on voudra, mais je pense que le modèle économique de planification centrale—où l'on dicte et l'on commande des résultats—a été un échec cuisant au XXe siècle. J'estime qu'un climat économique très concurrentiel, où l'on construit un meilleur gadget et où l'on est récompensé par une ingérence minimale de l'État, constitue un modèle bien préférable.
Quelqu'un a dit que nous avons besoin d'un système fiable pour surveiller la situation. Je ne veux pas évoquer le système d'enregistrement des armes à feu, mais je vais le faire, car quelqu'un a dit un jour qu'il ne coûterait que quelques millions de dollars à mettre sur pied, car c'était simple. Il nous coûte maintenant 1 milliard de dollars.
En Saskatchewan, des industries sont très préoccupées. Prenons IPSCO, le fabricant de tuyaux d'acier. Si je comprends bien, quelqu'un devra se rendre chez ce fabricant, y évaluer les stocks et déterminer s'il respecte les normes d'émissions de CO2, etc. Des centaines d'autres entreprises et secteurs devront se soumettre à cette évaluation. Il semble que quelqu'un devra effectuer cette tâche, et il faut que ce soit le gouvernement. Nous allons avoir un système où un grand nombre de fonctionnaires sillonneront le pays, frapperont aux portes, feront des inventaires et évalueront les entreprises pour calculer les émissions de CO2.
Voici la question que je pose. Nous avons un plan. Tout le monde dit que nous avons maintenant un plan. On veut faire vite et bien. Comment le gouvernement compte-t-il surveiller toutes les différentes entreprises et industries de l'économie? Comment va-t-il évaluer tout cela? Est-ce une bureaucratie de l'État qui va s'en charger? Qui va le faire?
º (1645)
M. Mark Jaccard: Je vais dire quelques mots, mais d'autres devront peut-être répondre.
Dans cette situation, j'estime que les entreprises ont un grand rôle à jouer pour influer sur le déroulement des événements. J'en ai été témoin dans d'autres secteurs de l'environnement, où la ratification ou un autre objectif social a été fixé sur la scène politique et une entreprise veut faire en sorte que le gouvernement s'immisce le moins possible dans ses activités. Elle prend donc l'initiative de mettre sur pied ses propres systèmes de surveillance et d'élaborer des politiques qu'elle soumet au gouvernement.
Je rédige des articles et je fais des commentaires pour des groupes d'entreprises. Par exemple, mon institut, à l'université, reçoit des fonds pour recueillir des données sur l'énergie à l'intention de l'industrie canadienne, et nous avons travaillé avec le groupe CIPEC, le Programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne, que l'industrie appuie fortement. Ils veulent que le gouvernement ne s'en mêle pas. Nous présentons donc toujours à l'industrie des données auxquelles le gouvernement n'a rien à voir.
Je présume que, si l'industrie est proactive, elle peut faire en sorte que le gouvernement s'immisce le moins possible dans la surveillance de ses activités.
M. Brian Fitzpatrick: Il faut beaucoup de confiance...
M. Mark Jaccard: Je dis seulement que j'ai vu des exemples de cela. Mais je devrais laisser d'autres intervenants parler du plan.
M. Matthew Bramley: En ce qui concerne votre argument au sujet des émissions, je ferais une analogie avec les comptes financiers. Les marchés financiers s'attendent à ce que les sociétés présentent des comptes financiers fiables, vérifiés et, de plus en plus, le public s'attend à ce que les sociétés présentent des comptes environnementaux fiables, ce qui signifie qu'il faut mesurer les émissions avec précision et les déclarer publiquement. Bien sûr, beaucoup de sociétés le font volontairement et estiment agir en bon citoyen.
Dans le cas des émissions de gaz à effet de serre, il existe au Canada un programme volontaire où les grands producteurs de gaz à effet de serre, dont plusieurs sociétés de la Saskatchewan, en l'occurrence, déclarent volontairement leurs émissions. L'Inventaire national des rejets de polluants, prévu dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, exige maintenant que les grands producteurs de ce qu'on appelle les polluants atmosphériques répondant aux critères, qui proviennent essentiellement des carburants, déclarent ces émissions. Une fois qu'on a calculé ces émissions de polluants atmosphériques, l'effort supplémentaire pour calculer les émissions de gaz à effet de serre est très minime, de sorte que, à mon avis, il ne représente pas un lourd fardeau pour l'industrie. Ce n'est certes pas ce que nous voulons.
À propos de votre argument sur l'ingérence du gouvernement dans l'économie, une façon d'envisager l'accord de Kyoto est de dire qu'il s'agit d'une première tentative pour tenir compte du coût des dommages causés à l'environnement dans les prix du marché. Malheureusement, si le gouvernement n'Intervient pas, le coût des dommages causés aux biens publics environnementaux n'a pas tendance à être reflété dans les prix. Donc, si on veut vraiment commencer à modifier les comportements en réaction aux indicateurs des prix qui tiennent compte des dommages causés à l'environnement, il faut une certaine intervention de l'État. Si on recourt à un système d'échange de crédits d'émissions, ce que le gouvernement fédéral propose dans le cas des grands producteurs de gaz à effet de serre, cela peut se faire avec un minimum de bureaucratie. Le gouvernement ne fait qu'établir le plafond général et émettre des permis, puis les industrie sont libres de prendre leurs propres décisions sur la façon dont de se conformer au système.
Mark a parlé éloquemment des instruments de politique, où le gouvernement établit un objectif par voie de règlement, puis accorde de la latitude aux grands producteurs de gaz à effet de serre de l'industrie, qui décident de la façon d'atteindre cet objectif. Là encore, j'estime que cela peut se faire avec un minimum de bureaucratie.
º (1650)
M. Brian Fitzpatrick: Disons qu'un fabricant de la Saskatchewan vient de dire au gouvernement qu'il a fait son inventaire et qu'il n'a pas besoin d'un gouvernement pour venir tout vérifier de nouveau. Ensuite, quelques années plus tard, il dit au gouvernement qu'il a beaucoup innové dans son usine et que ses émissions ont été réduites d'environ 20 p. 100. Le gouvernement n'est-il pas tenu de lui accorder un crédit? Il faut que quelqu'un vienne surveiller les activités. Allez-vous faire totalement confiance aux gens en estimant qu'ils seront tout à fait honnêtes lorsqu'ils fourniront ces renseignements et que le gouvernement n'interviendra pas pour tout vérifier de nouveau et s'assurer que les renseignements sont exacts?
M. Matthew Bramley: Je le répète, j'ai fait l'analogie avec les comptes financiers, où les comptes doivent être vérifiés par des vérificateurs dignes de foi. Je sais que cela a posé des problèmes récemment. Il faudra disposer d'un système de vérification crédible. C'est considéré comme une pratique habituelle en comptabilité financière, et j'estime que cela devrait également être considéré comme une pratique habituelle en comptabilité environnementale.
M. Brian Fitzpatrick: Je vais utiliser l'exemple de la société IPSCO, un fabricant très concurrentiel de tuyaux d'acier dans les Prairies. Elle est reconnue comme étant à la fine pointe sur le plan de l'efficacité énergétique et du recyclage des déchets, entre autres, et elle doit l'être en raison de son emplacement. Tout le monde présume qu'il est possible de tout gérer. IPSCO utilise une centrale alimentée au charbon. Elle dit que cela constitue un grand désavantage concurrentiel en ce qui concerne la fabrication de tuyaux. Elle estime que, si les coûts de l'énergie utilisée pour fabriquer ces tuyaux augmentent en Saskatchewan, elle ne pourra pas gérer ces coûts, de sorte qu'elle fermera ses portes et s'installera aux États-Unis ou dans une province où l'on produit de l'hydroélectricité; elle fabrique déjà des tuyaux en Iowa, où il y existe beaucoup d'autres avantages.
Je voudrais que quelqu'un du groupe m'explique comment on peut dire à une industrie de ce genre de son problème est facile à gérer.
M. Matthew Bramley: L'une des caractéristiques attrayantes du système d'échange de droits d'émission, qui est proposé pour les gros émetteurs qui représentent quelque chose comme 50 p. 100 des émissions du Canada, est la quasi-totale flexibilité dont on dispose quant à la manière dont on attribue la responsabilité de réduire les émissions d'un secteur à l'autre.
Si un secteur dit avoir un problème légitime de compétitivité et réclame une plus grande générosité dans l'attribution des permis, on peut en tenir compte dans les négociations. Le gouvernement dispose d'une flexibilité totale quant à l'attribution des permis aux différents intervenants du système.
M. Brian Fitzpatrick: Pour atteindre l'objectif visé, il faudra une intervention énorme du gouvernement, n'est-ce pas?
M. Matthew Bramley: Cela demandera des négociations ardues qui, je l'espère, auront lieu le plus rapidement possible afin de créer le climat de certitude nécessaire pour que le système aille de l'avant.
M. Brian Fitzpatrick: Comme le registre des armes à feu.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Fitzpatrick.
M. Jeremy Rudin: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose sur la question de l'acier...
Le président: Certainement.
M. Jeremy Rudin: ...à la page 31 du plan on trouve une évaluation de l'augmentation des coûts de la production classique de l'acier et de la production par arc électrique. Les coûts augmentent certainement, mais exprimées en pourcentage des prix actuels, ces augmentations sont minimes.
M. Brian Fitzpatrick: Le PDG d'IPSCO n'est pas d'accord. Selon lui, les augmentations vont être de loin supérieures à ce que vous prétendez.
Le président: J'aimerais faire un commentaire à ce sujet. Cela fait un bout de temps que je suis dans l'industrie, mais en Ontario—et je ne suis pas sûr de ce qui se passe en Saskatchewan—chaque cheminée, chaque élément du système d'émission d'une usine, doit être autorisé par le ministère de l'Environnement. Donc si on ajoute des cheminées, il faut obtenir un permis. Tout cela est déjà en place en Ontario.
J'ignore s'il en est de même dans le reste du pays. Qui pourrait me le dire?
M. Mark Jaccard: Oui, en général c'est le cas.
Le président: En général, donc c'est déjà ce qu'on fait.
M. Mark Jaccard: Oui.
Le président: Je vous remercie.
Je donne maintenant la parole à M. McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): L'idée de la ratification exige que l'on suppose et que l'on accepte que le changement climatique est dû aux gaz à effet de serre et que nous ne traitons pas nécessairement de la pollution en soi, mais qu'on a la conviction que c'est un objectif acceptable et autour duquel nous devons créer un environnement et une infrastructure qui aboutiront à des résultats plus positifs, ou moins négatifs, grâce à l'adoption de ces nouvelles technologies.
M. Jaccard, j'ai trouvé vos propos et ceux des autres intervenants très intéressants. Je suis malheureusement très conscient des impératifs des marchés pertinents en ce qui concerne l'énergie. C'est certes ce que nous avons vu en Californie dans le cas des règlements sur le dioxyde de carbone dont vous avez parlé un peu plus tôt. Il y a deux ans, le président des États-Unis a dû intervenir lui-même dans plusieurs États dont les normes régissant l'essence étaient différentes, par exemple. Nous avons vu le prix de l'énergie provenant de diverses sources augmenter, et je ne parlerai pas d'Enron et du marché spéculatif.
Vous avez soulevé la question de la séquestration. Je m'intéresse moi aussi à la séquestration, mais bien entendu enfouir le CO 2 dans les puits de gaz est une excellente idée jusqu'au jour où se pose la question de la responsabilité quand ces gaz s'échappent, comme cela s'est produit en Afrique en 1990, faisant des centaines de victimes. Je pense que vous savez de quoi je parle.
Nous savons également que, dans ma province, par exemple, le système hydrologique limite notre capacité d'envisager d'autres sources. Nous ne pourrons jamais faire concurrence au Québec. Et dans votre province, la Colombie-Britannique, nous savons ce qui se passe quand les rivières sont asséchées, comme l'an dernier, et qu'il devient difficile de produire de l'hydroélectricité.
Je ne me fais pas l'avocat du recours à différentes sources d'énergie, mais je suis malheureusement très conscient de ce qui se passera quand le Canada, par exemple, essaiera de faire jouer ses crédits et s'apercevra que l'Europe est tout à fait disposée à accepter des chiffres inférieurs au niveau de 1996, parce que, pendant ce temps, la majorité de l'Europe se sera déjà convertie au gaz naturel en provenance de Russie. Les Européens sont donc gagnants.
Étant donné la situation des marchés pertinents aux États-Unis—et vous avez dit que plusieurs administrations utilisent déjà diverses formes d'énergie—pensez-vous que nous puissions affirmer avec un certain degré de confiance qu'il n'y aura pas d'effets perturbateurs sur notre économie?
º (1655)
M. Mark Jaccard: Nous parlons donc de l'accord de Kyoto...
M. Dan McTeague: Exact. De sa mise en oeuvre.
M. Mark Jaccard: D'atteindre les objectifs de l'accord.
Mr. Dan McTeague: C'est exact. Votre exposé semble montrer que c'est possible, et je crois que c'est ce que pensent M. Bramley et, assurément, le ministère des Finances.
M. Mark Jaccard: Non, si vous regardez mes diapositives, vous voyez que la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto sera très coûteuse. Si vous regardez la cinquième, la ligne CIMS, qui indique 150 $ la tonne de CO2 , à 180 mégatonnes, vous voyez que ce coût est très élevé. Cela entraîne des prix de l'énergie très élevés et un très grand bouleversement dans l'économie.
Par contre, si vous regardez la prochaine, la sixième, je montre ce qui se produit lorsqu'on applique des politiques sévères et qu'on reporte le délai à 15 ans, puis à 20 ans, pour obtenir la même réduction de 180 mégatonnes.
Je suis donc très préoccupé par ce que nous faisons au sujet de l'accord de Kyoto. Cependant, le message que je tentais de lancer, c'est que, si nous voulons vraiment le ratifier, nous pouvons prendre des mesures pour commencer dès maintenant à réduire ces coûts. J'ai parlé de ces mesures, et Matthew Bramley en a parlé également.
Je fais beaucoup de travail sur les prévisions à long terme concernant le système, sur 50 et 100 ans. À long terme, nous nous dirigeons vers un système où nos sources secondaires d'énergie seront principalement l'électricité et l'hydrogène. Pratiquement tout le monde est d'accord là-dessus. La grande question est de savoir quelles seront les sources principales d'énergie—les mégacentrales hydroélectriques, les petites énergies renouvelables, l'énergie nucléaire, les carburants fossiles avec séquestration du CO2 d'une façon ou d'une autre. J'estime qu'il s'agira d'enjeux importants pour l'environnement. J'ai étudié de très près les cas où du CO2 s'est peut-être s'échappé du sol, et des gens font beaucoup de recherche sur ce danger. Il se peut que les carburants fossiles soient notre meilleure option pour les 100 prochaines années et qu'ils soient les moins dangereux par rapport à toute autre solution de rechange.
M. Dan McTeague: À propos de la question qui a été soulevée plus tôt, celle des moulins à vent, nous avons le plus gros au Canada. Il a été installé tout près d'un réacteur, dans ma circonscription. Comme vous le savez, quatre des huit réacteurs ne sont pas en activité et, bien sûr, certains sous-produits, soit les barres de combustible épuisé, sont à l'air libre, sur un quai.
Selon le ratio dont j'ai entendu parler—Matthew Bramley pourra peut-être me corriger—10 000 moulins à vent équivalent à un réacteur nucléaire. Le chiffre est peut-être exagéré. Estimez-vous que nous pouvons atteindre nos objectifs? Est-ce 1 000 ou 10 000 moulins à vent?
» (1700)
M. Mark Jaccard: C'est 1 000 éoliennes.
Nous installons maintenant des éoliennes qui produisent environ un mégawatt—et parfois moins. Un réacteur nucléaire produit environ 1 000 mégawatts.
Mr. Dan McTeague: Ma question est donc la suivante. Vous suggérez qu'il y aura un coût, bien entendu, et que retarder la mise en oeuvre ou procéder lentement mais sûrement pourrait être la meilleure approche pour éviter les perturbations. Vu que beaucoup d'autres pays ne participeront pas, peut-on se donner pour objectif que, dans dix ans, l'économie du Canada sera en bien meilleure posture grâce aux changements que nous aurons apportés et aux technologiques que nous aurons adoptées?
M. Mark Jaccard: C'est effectivement l'objet d'un débat, et Matthew participe à un document très intéressant—c'est également un domaine dans lequel je fais de la recherche. L'argument est le suivant: si on a deviné juste et si on a mis en place des règlements que le reste du monde finira par suivre, les avantages pour l'économie pourraient être énormes. Que ce soit ou non par le biais de règlements, on met en place des politiques qui orientent d'une certaine façon les changements techniques. Le défi dans tout cela consiste à savoir si c'est au gouvernement d'essayer de deviner juste.
Ma réponse à cette question est que, oui, le gouvernement pourrait jouer un rôle. Le gouvernement peut dire: nous pensons que les systèmes énergétiques vont devoir être moins dangereux pour l'environnement, qu'il s'agisse du nucléaire ou des carburants fossiles, engageons-nous donc sur cette voie. C'est pour cette raison qu'il existe des arguments forts en faveur de la ratification du Protocole de Kyoto et qui nous poussent à prendre une longueur d'avance dans la direction que le monde finira par prendre.
Je vous signale—et je laisserai ensuite Matthew répondre—que je fais énormément de travail de consultation pour le gouvernement chinois. Je vais dans ce pays deux fois par an. J'y pars samedi. Cela fait 12 ans que je fais ça. Tout le monde dit que la Chine et l'Inde vont continuer à augmenter leurs émissions. Nous les avons aidés à envisager l'adoption de politiques en matière d'énergie renouvelable, notamment l'élimination des subventions à l'industrie du charbon, afin de réduire leurs émissions. Avant 1997, ils n'ont rien fait. Quand l'accord de Kyoto a été signé, les Chinois ont décidé qu'ils ne voulaient pas rester à la traîne pour ce qui est des changements technologiques, et ils ont immédiatement commencé à éliminer les subventions à l'industrie du charbon et à mettre en place des normes pour le portefeuille de l'énergie renouvelable. Quant à leurs émissions, ils ont carrément renversé la vapeur par rapport à leur trajectoire précédente. La question se pose donc de savoir si prendre de l'avance présente des avantages ou non.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à cela, Matt.
M. Matthew Bramley: J'aimerais dire en commençant que l'objectif premier de la participation du Canada à l'accord de Kyoto n'est évidemment pas économique, mais environnemental. Nous voulons participer à l'effort international en vue de régler un problème mondial pressant. Si on regarde les modèles concernant les coûts, au pire, les répercussions sur le PIB du Canada se situent aux environs de deux points de pourcentage du PIB. Cela suppose un fort taux de croissance fondamental; mettons que, sur une décennie, on a une croissance de 30 p. 100, je dis que dans le pire des cas, elle pourrait tomber à 28 p. 100.
Est-ce un impact important? Je prétends qu'en fait, il est minime par rapport à la marge d'erreurs des modèles et au taux de croissance fondamental, et cela avant que l'on commence à parler des avantages. J'ai déjà dit que ces modèles ne sont pas très bons pour prévoir les innovations technologiques et les avantages qui en dérivent—les avantages à long terme si le Canada devenait une économie à faible émission au-delà des délais imposés par le Protocole de Kyoto. Les avantages pour la santé de la réduction de la pollution de l'air sont estimés à des centaines de millions de dollars par an.
Bien entendu, l'objectif premier est de freiner le changement climatique. Si on ne fait rien pour contrecarrer le changement climatique, les répercussions seront extrêmement coûteuses. Le Protocole de Kyoto n'est qu'un début, mais si nous ne nous engageons pas sur cette voie en vue de prévenir le changement climatique et ses effets dévastateurs, nous serons aux prises avec des coûts économiques extrêmement élevés.
M. Dan McTeague: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, M. McTeague.
M. Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Dans le cadre de l'implantation de ces mesures-là, quelle façon de faire privilégiez-vous afin que les régions qui ont déjà une performance intéressante ne se sentent pas pénalisées? Il sera important, au cours des années à venir, que les gens sentent que le coût du résultat atteint en vaut la chandelle. J'aimerais que vous exploriez un peu les voies qui s'offrent à nous pour améliorer la situation et pour que les gens qui ont déjà fait des efforts soient satisfaits.
» (1705)
M. Matthew Bramley: Cette question sera abordée lors des négociations sur l'allocation de droits d'émission dans le cadre du système prévu pour les grands émetteurs.
Dans ma présentation, j'ai déjà dit que j'aimerais qu'on fasse une place plus grande au concept du pollueur-payeur dans cette allocation de droits d'émission. Le gouvernement fédéral a dit que chaque secteur ou sous-secteur se verrait allouer gratuitement jusqu'à 85 p.100 de ses émissions, ce qui voudrait dire que même un secteur qui aurait connu des hausses d'émissions très importantes aurait quand même son 85 p. 100. C'est tout le contraire du principe du pollueur-payeur. La mise en place parfaite du principe du pollueur-payeur serait de vendre aux enchères tous les droits d'émission et de recycler les revenus dans l'économie, par exemple en abaissant les impôts. Ce n'est probablement pas réaliste dans le contexte actuel, mais j'aimerais qu'une partie des droits d'émission soit vendue aux enchères.
On pourrait également envisager une allocation gratuite de droits d'émission aux producteurs d'énergie renouvelable. En ce moment, ces producteurs ne reçoivent pas de droits d'émission du tout.
Il y a des choses qu'on peut faire dans l'allocation des droits d'émission qui renforceraient l'aspect du pollueur-payeur. On pourrait augmenter les pénalités financières pour les plus grands émetteurs ainsi que les récompenses pour ceux qui émettent moins ou qui ont le plus réduit leurs émissions.
M. Mark Jaccard: Je crois que le gouvernement fédéral doit dire aux provinces de négocier entre elles. Par exemple, je constate qu'en Europe, où il n'y a pas de gouvernement fédéral contre lequel ils peuvent se battre, les gouvernements européens ont négocié entre eux en l'espace d'un an, avec l'aide des économistes, une répartition parmi les pays. Ainsi, l'Espagne a droit à un accroissement important de ses émissions, tandis que l'Allemagne doit diminuer les siennes. Ça me choque un peu quand je vois qu'ici, au sein d'un même pays, on ne peut pas en arriver à un accord.
M. Paul Crête: Quelles sont les conditions dans lesquelles on pourrait en arriver à un accord sur ces questions? En Europe, on appelle cela l'approche triptyque, je crois.
» (1710)
M. Mark Jaccard: L'approche...?
M. Paul Crête: L'approche triptyque. Cette approche tient compte des secteurs, de la géographie et d'un autre élément, et on a effectivement réussi ce que vous dites. Ici, que faudrait-il faire pour que cette opération puisse se réaliser?
M. Mark Jaccard: Le gouvernement fédéral doit dire aux provinces de négocier entre elles.
M. Paul Crête: Il ajoutera que cela se fera entre les gouvernements provinciaux pourvu qu'ils atteignent les objectifs, un peu comme dans le modèle que vous proposez pour le secteur privé.
M. Mark Jaccard: Aujourd'hui, c'est l'Alberta qui se bat contre le gouvernement fédéral, mais c'est en fait une bataille contre les autres provinces au sujet de la répartition des coûts. Chacune des provinces peut se battre contre le gouvernement fédéral, mais il faudra qu'il y ait un jour une négociation entre les provinces. Voilà ce que je veux dire.
M. Paul Crête: Aidez-moi à mieux comprendre. Le gouvernement de l'Alberta, par exemple, pourrait dire que, pour assumer sa responsabilité, il est prêt à acheter ou à vendre des droits de pollution, selon le point de vue où on se place, de telle façon qu'une autre province, qui a fait des efforts additionnels ou qui a un bilan plus intéressant, reçoive une forme de bénéfice du fait que l'Alberta est obligée de corriger sa situation. C'est cela?
M. Mark Jaccard: Oui, mais en Europe, on a calculé le coût marginal pour chaque pays, et en faisant ce calcul, on peut voir la répartition des coûts. Les Européens ont établi des cibles ou des objectifs pour chaque pays en fonction d'une répartition quasiment égale parmi les pays. Donc, on peut avoir des objectifs très différents d'un pays à l'autre.
M. Paul Crête: J'aimerais avoir le point de vue de M. Bramley.
M. Matthew Bramley: Je peux mentionner deux choses. Il y a des différences entre le Canada et l'Europe.
Premièrement, ici, le gouvernement fédéral n'a jamais voulu procéder à une répartition par province; c'est du moins ce que j'ai compris des négociations ministérielles.
L'autre différence, c'est qu'en Europe, l'Union européenne a elle-même ratifié le protocole de Kyoto et tous les États membres l'ont aussi fait. Ainsi, chaque État membre avait une responsabilité en tant qu'État souverain puisqu'il avait ratifié un protocole international. Au Canada, les provinces ne ratifient pas individuellement le protocole et on peut donc se poser des questions. Si une province avait une cible, comment s'assurerait-on que cette province se conforme à sa cible? Quel outil juridique pourrait-on utiliser pour cela?
M. Paul Crête: Ici, dans le système fédéral, on fausse un peu le jeu de la négociation. Le gouvernement fédéral a des responsabilités internationales quant aux engagements qu'il a pris, mais l'atteinte des objectifs sur le terrain appartient beaucoup aux provinces. Quelque part entre les deux, il y a un bargaining power extraordinaire qui est donné aux provinces. Si le Canada veut que son engagement international soit respecté, il va falloir que les provinces acceptent d'entrer dans le jeu.
M. Matthew Bramley: Les provinces ont un grand rôle à jouer dans la réduction des émissions, mais il y a beaucoup de choses que le gouvernement fédéral peut faire sans l'accord des provinces pour réduire des émissions au besoin. Idéalement, tout le monde s'entend, mais le gouvernement fédéral a quand même beaucoup d'outils à sa disposition.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
M. Volpe.
M. Joseph Volpe: Merci, monsieur le président.
M. Rudin, votre présence ici m'intrigue, et je vous remercie d'être venu. Étant donné qu'il établit des modèles économiques depuis quelque temps déjà, le ministère des Finances en a-t-il établi quant à l'incidence économique du Protocole de Kyoto—la croissance industrielle, le nombre d'emplois créés ou perdus et les recettes que le ministère des Finances prévoit recevoir par l'intermédiaire de l'Agence canadienne des douanes et du revenu?
M. Jeremy Rudin: Le ministère des Finances a participé jusque dans les moindres détails à l'établissement d'une série antérieure de modèles. C'est là que j'ai rencontré ces messieurs. L'exercice était dirigé par le Groupe de l'analyse et de la modélisation dont a parlé Matthew Bramley et a pris fin avec la publication par le GAM, en novembre 2000, d'un rapport intitulé: «Une évaluation desconséquences économiqueset environnementalespour le canadadu protocole de Kyoto». Quatre groupes de modélisation ont été engagés, principalement comme consultants. Le groupe de recherche de Mark Jaccard était un de ceux-là. Notre division de la recherche...
M. Joseph Volpe: Monsieur le président, nos recherchistes pourraient-ils obtenir et distribuer des exemplaires de ce rapport, si nous n'en avons pas?
Excusez-moi. Poursuivez!
M. Jeremy Rudin: Je disais que quatre groupes ont principalement servi de consultants pour le Groupe de l'analyse et de la modélisation, dont le groupe de recherche de M. Jaccard et un autre groupe de recherche du ministère des Finances. Ces groupes ont aussi plus ou moins servi de consultants.
Divers consultants ont été engagés pour l'établissement d'une série plus récente de modèles. Ni le groupe de Mark Jaccard ni les nôtres n'y ont participé à fond. Nous n'avons pas participé à la collecte de données ni à la consultation des intervenants comme nous l'avions fait en 2000.
Cela étant dit, nous avons différents modèles d'allures diverses. Dans le cadre de nos responsabilités actuelles, nous devons absolument garder un oeil sur nos modèles et nous demander ce qu'ils peuvent révéler ou ce qu'ils supposent au plan tant économique que financier.
» (1715)
M. Joseph Volpe: Vos collègues à RNCan et à Industrie Canada ont établi leurs propres modèles. Leurs rapports ont récemment fait la manchette des journaux. Nous avons les modèles d'Environnement Canada, grâce aux notes de synthèse que le ministre a fournies aux parlementaires. Où sont les vôtres?
M. Jeremy Rudin: D'accord. Eh bien, permettez-moi de revenir un peu en arrière. Dans le cas de RNCan, je suppose que ce ministère a des modèles maison. Mais sa principale participation à l'établissement de modèles—avec, par exemple, le document synoptique ou l'exposé affiché sur le site Web consacré aux changements climatiques—consistait à diriger ou à gérer les contrats des deux nouveaux consultants qu'il avait engagés.
Industrie Canada a publié récemment un document plutôt ancien sur la façon dont il utilise un modèle qu'il avait établi à l'époque. Le modèle et le document sont intéressants, mais ils ne concernent pas vraiment le plan actuel.
M. Joseph Volpe Non. Mais vous avez raison de dire que ce plan propose des hypothèses sur la validité du Protocole de Kyoto en tant que position idéologique sans égard à d'autres considérations.
Ces considérations, M. Jaccard, suppose un échange de crédits et l'atteinte d'objectifs précis au moyen de stratégies nationales maison. Je les ai supposées acceptables pour quiconque est prêt à admettre qu'il est valable pour le Canada d'exercer un certain leadership.
Il remonte seulement à quelques années, datant certes d'après la signature de l'Accord de Kyoto, mais évidemment d'avant sa ratification. Je n'ai pas compris pourquoi un ministère fédéral l'avait rejeté. Vous laissez entendre qu'il représente peut-être l'opinion prédominante.
M. Jeremy Rudin: J'estime que le rapport qu'a récemment publié Industrie Canada est intéressant, mais que les mesures qu'il faudrait prendre pour mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto, si l'on en juge par le modèle établi, ne sont pas représentatives du plan en cours. Je crois donc que son applicabilité est limitée à l'heure actuelle.
M. Joseph Volpe: Peut-être pourrais-je revenir à M. Jaccard. La question vous concerne probablement davantage—ou M. Bramley, je suppose—car il avait d'abord été question d'efficacité naturelle dans l'exploitation des ressources naturelles.
Mais je me demande si je pourrais vous ramener à des considérations démographiques. Le Canada est l'un des rares pays industrialisés qui affichent une croissance démographique et dont le gouvernement national dit avoir un objectif démographique. Si nous atteignons la cible d'ici à 2012, la population canadienne aura alors augmenté de 10 p. 100. Compte tenu du genre de clientèle que nous ciblons, il est fort possible que ces nouveaux consommateurs s'apparenteront à la majorité des consommateurs actuels.
Peut-on supposer que le taux de consommation et, partant, le volume des émissions qui en résultera augmenteront considérablement aussi? La population sera plus nombreuse—peu importe qu'on ait prévu une plus grande efficacité. J'ignore si la situation s'en trouvera améliorée.
M. Mark Jaccard: L'objectif de 240 mégatonnes dont on entend parler est fondé sur un scénario de maintien du statu quo pour l'année 2010. Y compris aux plans de la croissance démographique et des modèles de consommation. En fait, il suppose que la consommation reste en général la même dans ses composantes. C'est-à-dire qu'on n'achète pas beaucoup plus de maisons R-2000 ni de voitures écologiques. Je suis alarmé de constater qu'il faudra que les émissions baissent de 30 p. 100 pour n'être plus qu'à 6 p. 100, rien qu'avec un plan national, ce que le gouvernement n'a pas, et des mesures du genre dont nous avons parlé.
M. Joseph Volpe: Si je comprends cette notion de maintien du statu quo et si nous convenons tous deux que cela signifie que ces modèles tiennent compte d'une croissance démographique de 10 p. 100 et de taux de consommation à l'avenant, alors... Je ne tiens pas à me montrer machiavélique mais, si nous freinions notre croissance démographique—ce qui, soit dit en passant, serait facile à faire; un ministère fédéral pourrait faire cela pour notre retour à la Chambre, demain—nous aurions tout de suite une réduction automatique de 10 p. 100, n'est-ce pas, M. Jaccard?
» (1720)
Le président: Votre dernière question, M. Volpe. Je vais le laisser y répondre.
M. Mark Jaccard: Ma réponse est oui.
Le président: M. Rajotte.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Je veux revenir, M. Rudin, comme Bob et vous, sur certains points que fait valoir mon collègue, Mr. Volpe.
Le quatrième point de l'exposé de M. Bramley a trait à l'incertitude qui règne à l'égard de la politique. Il a déclaré, je crois, que le document fédéral sur les changements climatiques manque de précision. Il a ajouté que le gouvernement devrait agir vite une fois que le Protocole de Kyoto sera ratifié, probablement la semaine prochaine, c'est-à-dire dans le prochain budget fédéral. Donc, ce qui manque dans le document d'Environnement Canada serait alors manifestement fourni par le ministère des Finances, à savoir les stimulants fiscaux, la répartition des coûts dont parlait M. Jaccard, les politiques.
Pouvez-vous nous dire quelles mesures ou quelles politiques le ministère des Finances prévoit-il au juste pour le prochain budget fédéral à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto? Est-il question de crédits d'impôt à la rénovation des bâtiments? De crédits à l'achat d'un véhicule hybride? D'investir davantage dans la modernisation de l'infrastructure? Pouvez-vous mettre les propositions en évidence pour nous?
M. Jeremy Rudin: À ma connaissance, toutes les propositions qui sont envisagées dans le prochain budget sont exposées dans le document prévu. La question sera de savoir lesquelles parmi ces propositions seront présentées dans le prochain budget.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je m'attends à ce que l'on continue de budgéter comme avant. De telle sorte que nous investirons dans les changements climatiques dans la mesure de nos moyens et en fonction des priorités gouvernementales, et que nous procéderons par étapes. Je ne m'attends donc pas à ce que le prochain budget dévoile un plan de dix ans très détaillé. Cela ne serait effectivement pas conforme aux principes établis dans ce plan—à savoir que le plan doit évoluer, que nous devrions procéder par étapes. Lesquelles des mesures proposées ici ont le plus de chance d'être présentées dans le prochain budget? Franchement, je ne saurais nullement le dire.
M. James Rajotte: Je ne demande pas à connaître le budget dans ses moindres détails, mais il doit bien y avoir une indication, certes pour l'industrie que le plan de mise en oeuvre préoccupe beaucoup, des détails du budget et de certaines mesures que le gouvernement entend prendre. Elle la réclame depuis un certain temps déjà. Je crois que cette demande est raisonnable, même de la part des vigoureux partisans du Protocole de Kyoto.
Permettez-moi de m'enquérir d'une seule proposition précise contenue dans le dernier document, à savoir l'aménagement d'un pipeline de CO2. S'attend-on à ce que l'industrie construise ce pipeline ou le gouvernement en financera-t-il l'aménagement?
M. Jeremy Rudin: Je crains de devoir vous répondre que tout cela reste à préciser.
M. James Rajotte: C'est ahurissant. Le ministère des Finances va présenter un budget qui prévoira des crédits pour la modernisation de l'infrastructure et, bien sûr, des stimulants fiscaux pour nous aider à réduire nos émissions. N'existe-t-il aucun ordre de priorités qu'on fera valoir ici, à part les mesures générales dont le plan du ministre de l'Environnement donne les grandes lignes? Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire?
M. Jeremy Rudin: Je ne crois pas dire cela. Je ne dis pas que le budget ne prévoira des crédits pour aucune mesure précise. Je vous dis que je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous dire quelles mesures au juste seront financées dans le prochain budget.
M. James Rajotte: Ma foi, il me semble que la principale préoccupation de nombreuses entreprises, y compris celles qui appuient le Protocole de Kyoto, c'est de ne pas savoir combien cela leur coûtera au juste et quelle sorte de programmes lancera le gouvernement. Vous ne pouvez donc pas mettre en lumière pour nous aujourd'hui l'une ou l'autre des priorités, ni dissiper l'inquiétude des entreprises sur ce que fera le ministère des Finances, une fois que l'Accord de Kyoto sera adopté, lundi prochain ou un autre jour... Un budget fédéral est à prévoir sous peu—l'an prochain, je suppose. Le ministère des Finances a sûrement établi une liste de priorités quant à ce que prévoira ce prochain budget.
» (1725)
M. Jeremy Rudin: Le ministère est en train de cerner un certain nombre de priorités, mais vous me demandez quelles mesures seront plus probablement financées. Or, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Il vous faudra attendre la présentation du budget pour le savoir.
M. James Rajotte: Suis-je le seul ici à... Un document prévoit l'aménagement d'un pipeline de CO2et vous n'avez aucune idée de la façon dont cela se fera—ou, plutôt, vous ne pouvez tout simplement rien nous dire là-dessus. Le ministère des Finances sait-il qu'il pourrait devoir financer la construction de ce pipeline? Dans l'affirmative, quel en sera le coût? A-t-on au moins évalué le coût d'une telle mesure
M. Jeremy Rudin: La question est parfaitement légitime, mais je n'en connais pas la réponse. Je ne dispose pas de données aussi détaillées. Il se peut que ces données existent et que je ne les aies tout simplement pas vues—ou que je ne me souvienne pas de les avoir vues. Cette réponse n'est pas très bonne, mais elle est vraie.
Le président: Je crois savoir que le ministre Manley consulte toujours. Je suppose que le comité des finances poursuit ses travaux. Les a-t-il terminés?
M. Jeremy Rudin: Nous avons enfin complété notre rapport.
Le président: Il a complété son rapport. Je sais que le ministre Manley tient des consultations.
M. James Rajotte: Eh bien, c'est ahurissant. Mais je vais peut-être passer à M. Jaccard.
Le fait que vous recommandiez une période plus longue m'intéresse. En combien de temps recommandez-vous d'atteindre les objectifs de Kyoto?
M. Mark Jaccard: Il faut assurer le roulement du capital social. C'est pourquoi j'ai donné des chiffres sur 15 et 25 ans, car la situation peut changer radicalement dans ce laps de temps.
J'ai également été intéressé par ce nouveau plan dont parle le gouvernement pour ce qui concerne certaines des conventions qu'il pourrait négocier avec l'industrie. Il pourrait, dire dans ces conventions, qu'il comprend que l'industrie ne peut pas atteindre tous les objectifs fixés pour 2010, tel qu'escompté, mais qu'il s'attend à ce qu'elle en fasse bien plus d'ici à 2020. Cela me paraît légitime, et je crois que le Protocole de Kyoto prévoit des dispositions— mais Matthew en sait sans doute plus que moi là-dessus—en vertu desquelles le Canada peut décider d'appliquer une partie de ces dispositions et d'en faire davantage après. Il agirait ainsi dans les secteurs offrant un potentiel technologique réel, évidemment, un potentiel de changement radical rentable sur le long terme.
Voilà, en partie, comment on structurerait les choses. J'imagine fort bien de telles possibilités dans le plan que je trouve encourageant.
M. James Rajotte: Le Protocole de Kyoto ne le permet-il pas déjà, en ce sens que, d'ici à 2005, il faut que des progrès notables aient été accomplis? L'accord précise, à l'article 3, si je ne m'abuse, que cela doit se passer entre 2008 et 2012, période pas très lointaine sur le plan des cycles économiques. Est-ce que cela est possible en vertu du Protocole de Kyoto?
M. Matthew Bramley: Je voudrais commencer par la première question au sujet du délai plus long. On entend souvent les économistes dire que, bien que le Protocole de Kyoto ne soit pas l'idéal sur le plan économique et qu'il serait préférable de fixer un autre échéancier du seul point de vue économique, on oublie souvent la réalité politique. Quand les gouvernements doivent tenir compte d'un délai trop éloigné dans l'avenir, il ne se passe pas grand-chose jusqu'au moment où l'on se retrouve soudainement à quelques années avant l'expiration de ce délai et qu'il faut très rapidement passer à l'acte. Voilà pourquoi j'estime qu'il est très important de prévoir un échéancier de 10 ans et pourquoi je m'inquiète de voir que, dans le plan de l'Alberta, la mise en oeuvre de la plupart des initiatives de réduction des émissions a été repoussée jusqu'après 2010. Il y a tout lieu de se demander si elles se matérialiseront jamais.
Pour répondre à la question au sujet des échéances prévues dans le protocole, ce dernier indique que les États devront avoir accompli en 2005 des progrès dont ils pourront pourra apporter la preuve. Si je ne m'abuse, on a créé, en vertu du protocole, un comité de contrôle qui est pourvu d'un service de surveillance et d'un service de facilitation. Je ne sais plus lequel de ces deux services effectuera l'évaluation des progrès qui auront été accomplis, mais, que je sache, il n'y a rien, dans ce protocole, qui donne beaucoup de poids à cette évaluation. Je pense que ce service interviendra surtout dans le cas d'États qui n'auront pas accompli de progrès notables; dans ce cas, il les rappellera à l'ordre au vu et au su de la communauté internationale, mais je ne crois pas qu',il puisse leur imposer de sanctions concrètes.
Oui, la période au cours de laquelle ces progrès doivent être accomplis va de 2008 à 2012. On mesure les émissions produites par le Canada pendant cette période. Tout crédit que le Canada aura acheté à un autre pays sera ajouté au montant total de son quota d'émissions et alors on lui demandera des comptes. Comme vous le savez, le Canada peut acheter des crédits sur le marché international, s'il ne peut pas atteindre les objectifs qui lui sont fixés avec ses propres initiatives nationales.
» (1730)
M. Jeremy Rudin: N'a-t-il cependant pas une autre disposition indiquant que, si le Canada n'atteint pas ses objectifs, la sanction consistera à exiger de lui qu'il en fasse davantage dans les périodes suivantes? Je me trompe peut-être, voilà pourquoi je vous pose la question.
M. Matthew Bramley: C'est exact. La principale sanction en cas de non-observation est que si nous dépassons le niveau des émissions qu'il nous est permis de produire, ce dépassement en termes de tonnes d'équivalent de dioxyde de carbone est multiplié par 1,3. Il nous faut ensuite rattraper cet écart lors de la période suivante.
Le président: Je vais permettre à M. Discepola et à M. Savoy de poser chacun une question brève, et ensuite nous laisserons le groupe répondre. Merci.
Mr. Nick Discepola: Ma question s'adresse à M. Rudin.
Je ne crois pas avoir précédemment reçu de réponse à cette question. Quel mécanisme le gouvernement—je présume que c'est le ministère des Finances—a-t-il prévu d'utiliser pour s'assurer que les effets du Protocole de Kyoto ne seront pas indûment ressentis dans une région ou une province en particulier? Ce mécanisme ressemble-t-il à notre actuel système de péréquation, par exemple? A-t-on réfléchi à un éventuel mécanisme et versera-t-on une compensation monétaire à la province touchée? sinon, quelle forme prendra cette compensation?
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Le mécanisme que je propose est simple; il s’agit, à toutes fins pratiques, d’une réponse par un oui ou un non. Aussi sophistiqués que puissent être les modèles – et je sais que certains d’entre eux peuvent être exceptionnels – je présume que vos économistes ou vos mathématiciens… Serait possible d’inclure dans les modèles de qualité, en ce qui concerne le Canada et la politique ou non-politique adoptée par les États-Unis au sujet du Protocole de Kyoto, les effets sur la situation au Canada? Ou bien serait-ce que les modèles s’appliqueront strictement à l’intérieur de notre frontière? Peut-on tenir compte des paramètres concernant les émissions des États-Unis et de leurs conséquences sur notre économie?
M. Mark Jaccard: Nous tenons effectivement compte des États-Unis et il existe différentes façons de procéder. Il existe des spécialistes qui élaborent des modèles conjoints. Ils ont des paramètres… c'est ce que j’ai intégré dans un modèle qui montre comment les relations commerciales peuvent changer au fur et à mesure, par exemple, que le coût de la production de l’industrie canadienne change. Dans un autre modèle, il était proposé de mettre en place des échanges d’énergie et de construire des lignes de transmissions des États-Unis au Canada. De tels paramètres se retrouvent effectivement intégrés dans nos modèles, dans une certaine mesure.
Jeremy, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Jeremy Rudin Non, cette réponse à la deuxième question est excellente.
En ce qui concerne la première question, le plan prévoit non pas un système de paiements au comptant comme indemnités, mais plutôt un important train de mesures politiques grâce auxquelles le fardeau sera réparti aussi équitablement que possible sur l’ensemble des régions.
L'un des aspects particuliers de ces mesures, par exemple,—et Matthew Branley en a déjà cité le contre-exemple – veut que la mise en place d’un système d'échange de droits d’émission, l'obligation de demander un permis pour effectuer de tels échanges, un système fort simple qui s'applique de manière générale à l'ensemble du pays et, lorsque les permis sont accordés, à des consommateurs d’abord, qu’un tel système, dis-je, ait des conséquences très différentes d’une région à l’autre. M. Jaccard et moi avons pu le déterminer, en collaboration avec d’autres consultants dans l’exercice que nous avons fait en 2000. Un tel système implique des conséquences très différentes d’une région à l’autre, car ces conséquences ne sont pas les mêmes pour ce qui concerne la production des sables bitumineux et la production d’électricité par des centrales à charbon, lesquelles activités se trouvent plus ou moins concentrées dans une seule région.
Le plan proposé est bien plus complexe que cette politique toute simple. Cela s’explique en partie, mais seulement en partie, par la nécessité, comme je l'ai expliqué, de mettre en place une série de politiques qui favorisent une répartition plus équitables du fardeau entre les régions. En fait, bien que l’échange des droits d’émission soit une partie importante du plan, il ne s’agit pas du tout d'un simple système d'échange de droits d’émission. Ce système est basé sur une simple répartition de la production, comme l’a expliqué brièvement M. Bramley. Bien qu’il complique quelque peu les choses, il n’en demeure pas moins qu’il permet de répartir uniformément les conséquences pour les régions et que c'est là une caractéristique très importante, à mon avis.
» (1735)
Le président: Je vous remercie. Je tiens à remercier les témoins qui ont comparu dans de très brefs délais. Leur témoignage aura certainement permis au Comité de l'industrie d'en savoir un peu plus long sur le Protocole de Kyoto et d'aller de l'avant. Je suis persuadé qu'il y aura de nombreux échanges avec le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie au fur et à mesure que nous avancerons les travaux de notre comité.
Je vous remercie tous d'être venus et d'avoir contribué à nos travaux d'aujourd'hui. Votre participation a été des plus utiles. Merci beaucoup.
La séance est ajournée jusqu'à demain.