FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 2 novembre 2005
· | 1350 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
Mme Mary Corkery (directrice générale, KAIROS (Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice)) |
· | 1355 |
M. John Dillon (coordonnateur de programmes, Justice économique globale, KAIROS (Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice)) |
¸ | 1400 |
Le président |
M. John Siebert (directeur général, Project Ploughshares) |
¸ | 1405 |
M. Ken Epps (Associé principal de programme, Project Ploughshares) |
¸ | 1410 |
M. John Siebert |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
¸ | 1415 |
M. John Dillon |
Mme Francine Lalonde |
M. John Dillon |
Mme Francine Lalonde |
M. John Dillon |
Mme Francine Lalonde |
M. John Dillon |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. John Dillon |
Mme Francine Lalonde |
M. John Dillon |
¸ | 1420 |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. Ken Epps |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
M. John Siebert |
¸ | 1425 |
Mme Alexa McDonough |
M. John Siebert |
Mme Alexa McDonough |
M. John Dillon |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
M. John Siebert |
¸ | 1430 |
M. John Dillon |
Mme Beth Phinney |
M. John Dillon |
Le président |
M. John Dillon |
¸ | 1435 |
Le président |
M. John Dillon |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Ken Epps |
¸ | 1440 |
Le président |
M. John Dillon |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Le président |
Dr Henry Becker (membre , Conseil d'administration, Horizons d'amitié) |
¸ | 1455 |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
¹ | 1500 |
Le président |
Dr Henry Becker |
¹ | 1505 |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Dr Henry Becker |
Mme Alexa McDonough |
Dr Henry Becker |
Mme Alexa McDonough |
Dr Henry Becker |
Mme Alexa McDonough |
Dr Henry Becker |
Mme Susan Murdock (coordonnatrice de programmes , Horizons d'amitié) |
Dr Henry Becker |
Le président |
Mme Beth Phinney |
Mme Susan Murdock |
¹ | 1510 |
Dr Henry Becker |
Le président |
Mme Susan Murdock |
¹ | 1515 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Susan Murdock |
Le président |
Mme Susan Murdock |
Le président |
Dr Henry Becker |
Le président |
Le président |
Mme Gwen Schauerte (présidente, Conseil ontarien pour la coopération internationale) |
Le président |
¹ | 1550 |
Mme Karen Takacs (directrice générale, Carrefour canadien international) |
Le président |
Mme Karen Takacs |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
Mme Beth Phinney |
Mme Karen Takacs |
º | 1615 |
Le président |
Mme Gwen Schauerte |
º | 1620 |
Le président |
M. William Sparks (vice-président, Conseil ontarien pour la coopération internationale) |
º | 1625 |
Mme Beth Phinney |
M. William Sparks |
Mme Beth Phinney |
M. William Sparks |
Mme Beth Phinney |
M. William Sparks |
º | 1630 |
Le président |
º | 1635 |
Mme Beth Phinney |
Mme Karen Takacs |
Le président |
M. William Sparks |
º | 1640 |
Mme Kimberly Gibbons (coordonnatrice, Conseil ontarien pour la coopération internationale) |
Le président |
Mme Karen Takacs |
Le président |
Mme Karen Takacs |
Le président |
Mme Karen Takacs |
º | 1645 |
Le président |
Mme Karen Takacs |
Le président |
Mme Gwen Schauerte |
Le président |
Mme Gwen Schauerte |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 2 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
· (1350)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre examen de l'Énoncé de la politique internationale. Merci et bienvenue à cette audience du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
En avril dernier, le gouvernement a présenté son premier Énoncé de la politique internationale. Depuis, le comité a tenu des audiences à ce sujet à Ottawa et maintenant un peu partout au pays. Nous avons également lancé une consultation sur Internet que vous pourrez trouver dans notre site Web. Lorsque nous aurons terminé nos audiences et notre consultation sur Internet en décembre, nous préparerons notre rapport et nos recommandations concernant la politique gouvernementale, que nous espérons pouvoir déposer au début de la nouvelle année.
Nos témoins de cet après-midi sont les représentants de KAIROS, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice, Mme Mary Corkery, directrice générale et M. John Dillon, coordonnateur, Justice économique globale. Les représentants de Project Ploughshares sont M. John Siebert, directeur général et M. Ken Epps, associé principal de programme.
Vous êtes les bienvenus.
Nous commencerons par Mme Corkery. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Mary Corkery (directrice générale, KAIROS (Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice)): Merci de nous accueillir ici cet après-midi. KAIROS se réjouit de sa présence ici.
KAIROS croit que la politique étrangère du Canada devrait se fonder sur les valeurs canadiennes qui sont celles de la tolérance, du respect des droits de la personne et de la dignité de la personne. Notre politique étrangère devrait refléter le genre de société que nous voulons bâtir chez nous et favoriser une vie plus sûre, plus saine et plus démocratique pour tous.
Forte de ces convictions, KAIROS continue de défendre les cinq grands principes suivants pour les relations internationales du Canada: un développement économique et humain durable; la démocratie; la défense des droits de la personne; la durabilité écologique ainsi que l'établissement de la paix, le désarmement et la démilitarisation.
Ces principes sont à la base des prises de position de nos sept Églises membres auxquelles 18 millions de Canadiens ont déclaré appartenir lors du recensement de 2001. Les 10 000 cartes signées par les partisans d'une campagne en faveur d'une sécurité basée sur ces principes fondamentaux représentent un petit échantillon de cette population. J'ai ici une boîte… et j'ai commencé à vous en distribuer quelques-unes dans l'espoir que vous les remettrez au premier ministre en notre nom. Nos prises de position bénéficient donc d'un solide appui.
Dans l'ensemble, l'aspect le plus décevant de l'Énoncé de la politique étrangère est qu'il considère le modèle économique néo-libéral du libre-échange comme la clé de la prospérité économique, du développement et de la démocratie. Les objectifs que sont la justice mondiale, les obligations du Canada à l'égard des droits dans le monde et l'éradication de la pauvreté sont relégués au second plan. Rien n'est prévu pour faire de l'éradication de la pauvreté une obligation fondamentale à l'égard des droits de la personne. KAIROS propose une orientation différente pour la politique internationale du Canada.
Nous proposons que la politique étrangère s'attaque aux causes premières de l'insécurité dans le monde telles que les conflits régionaux, la domination économique et le fossé grandissant entre riches et pauvres. Pour atteindre cet objectif, nous demandons instamment que la politique économique du Canada dans le contexte des relations internationales soit conforme aux attentes de la société canadienne, de même qu'aux valeurs humanitaires que le Canada a appuyées dans des instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Mon collègue John Dillon va maintenant vous parler de certaines questions que nous soulevons dans notre évaluation de l'Énoncé de la politique étrangère.
· (1355)
M. John Dillon (coordonnateur de programmes, Justice économique globale, KAIROS (Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice)): Merci, monsieur le président.
Notre mémoire couvre 16 domaines. Je ne chercherai pas à en faire le tour complet, mais je vais essayer d'aborder un des éléments de chacun des quatre volets de l'Énoncé de la politique internationale.
Pour commencer, l'orientation géopolitique globale de cet énoncé penche en faveur d'une plus grande intégration de l'Amérique du Nord car, pour reprendre le texte de l'Énoncé « il faut en passer par là pour que notre continent reste concurrentiel par rapport à d'autres régions dynamiques du monde » telles que la Chine, l'Inde et l'Union européenne.
En lisant l'Énoncé, nous constatons qu'il fait état de la dépendance croissante du Canada vis-à-vis du commerce avec les États-Unis sans porter la moindre critique. Aucune allusion n'est faite à la crise économique qui s'annonce à l'horizon, car les États-Unis, le pays le plus endetté au monde dont le déficit financier et le déficit de la balance des paiements sont énormes, se dirigent vers une crise économique. L'Énoncé ne dit pas comment le Canada devrait se préparer à cette éventualité.
Au contraire, l'ALENA y est décrit de façon très favorable. L'Énoncé porte que les dispositions de règlement des différends de l'ALENA ont généralement bien fonctionné. Bien entendu, ce texte a été rédigé avant les décisions récemment rendues dans le dossier du bois d'oeuvre. Le fait que les États-Unis aient rejeté la décision du groupe spécial de contestation extraordinaire confirme un défaut fondamental de l'ALENA.
Un autre défaut se trouve au chapitre 11 concernant l'investissement qui permet aux sociétés étrangères de poursuivre les États au sujet de règlements touchant la santé, l'environnement et d'autres domaines.
Un troisième défaut fondamental est l'obligation pour le Canada de continuer à exporter du pétrole et du gaz naturel non renouvelables, même si ces exportations causent des pénuries sur le marché national.
Un quatrième défaut est l'effet de l'ALENA sur le Mexique. En mars, nous avons envoyé une délégation de représentants des Églises au Mexique pour constater de visu les effets dévastateurs de l'ALENA qui a causé de la pauvreté, une migration massive, des conditions de vie pitoyables et des violations des droits de la personne… Cette délégation a conclu que l'ALENA était un échec.
En ce qui concerne le développement, je tiens à souligner nos inquiétudes à l'égard de la position prise dans cet énoncé au sujet de l'endettement. Il y est dit que le Canada préconiserait des propositions d'allégement de la dette propres à traiter de façon équitable les pays qui ne sont pas des pays pauvres très endettés. Malheureusement, au récent Sommet de Gleneagle auquel le premier ministre a assisté, le programme d'allégement de la dette qui a été adopté ne couvrait que 18 pays et n'appliquait pas le principe du traitement équitable qui, selon M. Goodale et l'Énoncé, devait être au centre de la politique canadienne. Si ce principe était appliqué, 62 pays et pas seulement 18 obtiendraient une remise de dette.
L'Énoncé omet de reconnaître qu'une bonne partie des dettes des pays à faible revenu sont en fait des dettes odieuses. Cette expression juridique signifie que ces dettes ont été contractées par des régimes despotiques et utilisées à l'encontre des intérêts de la population. Le Canada a décidé de radier les dettes du régime de Saddam Hussein, mais n'a pas reconnu le fait que de nombreux autres pays allant des Philippines à l'Argentine en passant par l'ancien Zaïre sont écrasés de dettes odieuses.
Nous nous inquiétons vivement des conditions d'ajustement structurel que le FMI et la Banque mondiale ont rattachées à l'allégement de la dette. Un exemple des torts que ces conditions peuvent causer aux objectifs généraux de notre politique étrangère est leur effet sur la lutte contre le VIH-sida en Afrique. Les plafonds imposés de l'extérieur sur les dépenses de santé publique des pays africains ont empêché de débourser des fonds pour lutter contre le VIH-sida.
À propos du VIH-sida, je pense que nous pouvons être d'accord avec ce que dit le premier ministre dans le survol de l'Énoncé de politique quant au fait que le Canada a joué un rôle de direction dans la lutte contre le VIH-sida. Le gouvernement du Canada doit être félicité pour sa contribution financière au fonds mondial, par exemple, qui est plus généreuse que celles des autres pays. Néanmoins, l'Énoncé mentionne également la nouvelle loi canadienne concernant les médicaments génériques, qui présente de sérieux défauts, car en raison de certaines de ses dispositions, il est très peu probable que des sociétés pharmaceutiques canadiennes produiront des médicaments génériques pour les personnes atteintes du VIH-sida.
¸ (1400)
Pour passer à nos préoccupations concernant l'écologie, KAIROS est au beau milieu d'une campagne visant à faire reconnaître l'eau comme un droit humain universel. Il est décevant d'apprendre que le Canada s'est opposé, au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, à une motion visant à faire de l'accès à l'eau pour une utilisation personnelle et domestique un droit. Je pense que c'est une erreur.
En ce qui concerne la diplomatie -- et c'est le dernier sujet dont je parlerai -- l'Énoncé de la politique internationale reprend le principe de la responsabilité de protéger. Nous estimons toutefois qu'on met trop l'accent sur l'intervention militaire. KAIROS considère que la responsabilité de protéger doit passer davantage par la participation politique des populations locales, l'accès aux ressources et des politiques commerciales équitables, en plus d'un renforcement de la société civile et de la protection des droits de la personne, autrement dit, les mesures qui doivent être prises avant qu'une intervention militaire ne soit envisagée.
Monsieur le président, vous-même et tous les membres de ce comité méritent d'être félicités pour le rapport que vous avez présenté sur l'exploitation minière et la responsabilité des sociétés, mais nous sommes très déçus de la réponse du gouvernement à votre rapport, car elle n'est pas à la hauteur des excellentes recommandations que vous aviez formulées. Nous jugeons ces recommandations très importantes, notamment celles qui visent à exiger que les sociétés canadiennes à l'étranger respectent les obligations du Canada à l'égard des droits de la personne.
Enfin, pour ce qui est de la responsabilité de protéger, l'Énoncé affirme que les organisations régionales et les pays ont tout intérêt à rétablir la stabilité lorsque les populations sont en danger. Nous estimons toutefois qu'on insiste trop sur les engagements du Canada envers l'OTAN et pas assez sur ses engagements envers les organisations régionales comme l'Union africaine qui sont en mesure d'agir sur ce front.
Ma dernière observation concerne le programme de développement. L'Énoncé fait état de l'engagement du Canada à consacrer 0,7 p. 100 de son produit national brut à l'aide publique au développement. Nous sommes très déçus de voir que le gouvernement n'a pas jugé bon de se fixer un délai pour atteindre cet objectif.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dillon.
Nous acceptons les compliments, à l'occasion, lorsque les gens disent que le comité fait un bon travail.
Au sujet du rapport concernant les droits de la personne et l'industrie minière, c'était un de nos rapports. Nous en avons également un concernant l'objectif de 0,7 p. 100. D'autre part, nous avons récemment produit un rapport au sujet du chapitre 11. C'est simplement pour vous faire savoir que nous avons toujours une ou plusieurs longueurs d'avance sur le gouvernement.
Nous passons maintenant à M. Siebert.
M. John Siebert (directeur général, Project Ploughshares): Merci beaucoup, monsieur le président.
Project Ploughshares est un organisme oecuménique du Conseil canadien des Églises. Il a été fondé en 1976.
La réponse que nous présentons aujourd'hui à l'Énoncé de la politique internationale met l'accent sur la contribution du Canada à la paix internationale dans le cadre du programme de la sécurité humaine et comprend des recommandations particulières quant au rôle que devrait jouer le Canada pour renforcer la sécurité humaine grâce au désarmement nucléaire, en luttant contre la prolifération des petites armes et des armes légères dans le monde et en resserrant le contrôle sur les armes classiques.
Il est dit dans l'Énoncé de la politique internationale que la sécurité humaine est au coeur de notre approche de la diplomatie. Cette approche vise principalement à contrer les menaces pour les personnes et les collectivités les plus vulnérables, particulièrement lorsque les États sont incapables de faire face adéquatement aux menaces contre leurs propres citoyens.
À la page 9 de la brochure sur la diplomatie, on peut lire ceci:
Notre stratégie face aux multiples défis que représentent les États en déroute ou fragiles est avant tout centrée sur la prévention, par des programmes de développement, un appui aux droits de la personne et à la démocratie, un recours à la diplomatie pour prévenir les conflits et des contributions à la sécurité humaine. |
Nous approuvons la stratégie du gouvernement qui vise à contrer les menaces pour la sécurité humaine grâce à une approche mettant l'accent sur le développement, la démocratie, la diplomatie et la défense, mais nous y ajouterions une cinquième dimension, qui est le désarmement. Malheureusement, 60 ans après le lancement de la première bombe atomique sur Hiroshima, l'utilisation potentielle, par choix ou par hasard, des armes nucléaires, reste la plus grande menace pour la sécurité humaine. Le leadership dont le Canada a fait preuve par le passé dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement a été essentiel pour amener la communauté internationale à soutenir des étapes tangibles vers un monde dénucléarisé.
Le Canada devrait certainement continuer à travailler pour réduire la légitimité politique et la valeur des armes nucléaires afin d'accélérer les progrès vers leur élimination. L'engagement du Canada à réduire la légitimité politique des armes nucléaires est toutefois compromis par sa participation à l'alliance de l'OTAN qui continue à considérer les armes nucléaires comme la garantie ultime de la paix. Par conséquent, nous recommandons que le Canada continue à travailler avec les autres États non nucléaires de l'OTAN pour obtenir une révision de la doctrine nucléaire de l'OTAN afin de l'aligner sur ses propres engagements internationaux.
L'Énoncé de la politique internationale mentionne la possibilité que des armes de destruction massive tombent un jour entre les mains de terroristes et propose une approche contre la prolifération de ces armes pour faire face à ces menaces. Les cas de l'Iraq, de la Libye et de la Corée du Nord portent à croire que le détournement de matières nucléaires des programmes civils vers des programmes d'armement clandestins posent un véritable problème de prolifération auquel il faut s'attaquer. Par conséquent, nous recommandons que la politique canadienne s'aligne en tout point sur la norme internationale interdisant toute coopération nucléaire civile avec un État à moins que ce dernier ne s'engage de façon vérifiable -- autrement dit, à moins de garanties -- à renoncer à acquérir des armes nucléaires, tout en maintenant les contrôles à l'exportation et la réduction de la menace.
Les mécanismes diplomatiques multilatéraux visant à faire progresser le désarmement sont actuellement dans une impasse, si vous regardez ce qui se passe à Genève, à New York ou n'importe où ailleurs. Parmi les dossiers que l'impasse survenue à la Conférence sur le désarmement ne permet pas de débloquer figure celui de la sécurité de l'espace. Cette question est inscrite à l'ordre du jour de la Conférence sur le désarmement sous la forme d'une résolution intitulée « Prévention d'une course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique ». Nous demandons instamment que le Canada facilite les discussions sur les aspects techniques, commerciaux, scientifiques et politiques de ce débat sur la sécurité dans l'espace ainsi que les définitions des concepts centraux, y compris les paramètres de l'espace extra-atmosphérique, afin de préparer des négociations sur un traité interdisant les armes spatiales.
Je cède maintenant la parole à mon collègue Ken Epps qui vous parlera du contrôle des petites armes et des armes classiques.
¸ (1405)
M. Ken Epps (Associé principal de programme, Project Ploughshares): Merci, monsieur le président.
L'Énoncé de la politique internationale mentionne l'impact dévastateur de la grande disponibilité des petites armes et des armes légères et engage le gouvernement à lutter contre le commerce illicite des petites armes.
Nous nous réjouissons du désir du Canada de renouveler son engagement en renforçant ses efforts pour contrôler la prolifération et l'utilisation abusive des petites armes, tel que mentionné à la page 14 de la brochure concernant la diplomatie.
Nous demandons également au gouvernement de continuer à centrer ses efforts sur le programme d'action des Nations Unies visant à prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des petites armes et des armes légères dans tous ses aspects, communément désigné comme le programme d'action.
Dans quelques mois à peine, en juillet 2006, la communauté internationale se réunira pour examiner la question des petites armes à l'occasion de la Conférence d'examen du programme d'action. Les quelques mois qui restent d'ici là représentent une période cruciale pour relever les défis de la prolifération des petites armes.
À notre avis, le Canada devrait faire des efforts supplémentaires pour assurer le succès de la Conférence d'examen et des mesures multilatérales qui suivront. Ces efforts devraient notamment inclure, premièrement, l'amélioration des contrôles internationaux qui réglementent la possession et l'utilisation des petites armes par des particuliers en cherchant à prévenir l'utilisation d'armes d'assaut militaire par des civils; deuxièmement, un instrument international exécutoire sur le marquage et le traçage des armes et des munitions; troisièmement, une réglementation nationale des courtiers en armes, c'est-à-dire les personnes et les entreprises qui servent d'intermédiaires dans de nombreux marchés internationaux d'armement et enfin, le soutien d'importantes mesures de prévention telles que la limitation de la circulation des armes existantes ainsi que la collecte et la destruction des armes excédentaires.
Pour en venir à l'ensemble des armes conventionnelles, nous remarquons que le commerce de ces armes n'est visé par aucune entente internationale. En même temps, les contrôles nationaux qui visent à réglementer ce commerce font l'objet de normes très variables.
Une formulation plus complète de la politique internationale du Canada dirigerait l'attention nécessaire vers le commerce international de toutes les armes classiques. Nous croyons que le Canada devrait intensifier ses efforts en vue de l'établissement de normes universelles rigoureuses pour le transfert des armes classiques en favorisant l'établissement d'un traité international efficace sur le commerce des armes comme l'a proposé une coalition de lauréats du Prix Nobel de la paix et d'organisations de la société civile.
Comme les contrôles à l'exportation canadiens n'ont pas été sérieusement modifiés depuis 1986, le système de contrôle des exportations militaires du Canada doit également être réexaminé. Cet examen devrait avoir pour but l'élaboration de critères plus complets, transparents et appliqués uniformément. Cela devrait également inclure ce qui suit: premièrement, la gestion du système de contrôle des exportations militaires devrait être de nouveau transférée du ministère du Commerce international au ministère des Affaires étrangères et le ministre des Affaires étrangères assumerait la responsabilité ultime des décisions concernant les permis d'exportation; deuxièmement, les exportations militaires canadiennes vers les États-Unis devraient faire l'objet d'un permis d'exportation au même titre que les exportations militaires vers d'autres destinations; troisièmement, la réglementation des exportations militaires du Canada devrait s'appliquer à tout l'équipement destiné à des fins militaires; et enfin, il faudrait améliorer la transparence en exigeant une divulgation complète de toutes les exportations canadiennes vers des utilisateurs militaires avec suffisamment de précisions permettant d'évaluer les risques potentiels pour les droits de la personne, ainsi qu'une divulgation complète des décisions touchant les permis d'exportation.
¸ (1410)
M. John Siebert: Pour conclure, si vous me permettez de me faire l'écho d'une coalition parallèle à la nôtre, celle des Églises sur l'aide au développement, le ratio des dépenses défense-développement est actuellement d'un peu moins de 4 pour 1. Si nous atteignons notre objectif national pour l'aide publique au développement, qui est de 0,7 p. 100 du PIB, tout en permettant une augmentation importante des dépenses de défense qui pourraient atteindre environ 1,4 p. 100 du PIB, nous augmenterions nettement l'enveloppe globale de la sécurité et nous abaisserions le ratio défense-développement à 2 pour 1.
Ce ratio serait le même que celui de pays comme les pays scandinaves et les Pays-Bas. Nous recommandons que le Canada atteigne son objectif de 0,7 p. 100 pour l'aide publique au développement conformément à son engagement envers le programme de sécurité humaine.
Je mentionnerais également que notre collègue, Ernie Regehr, a récemment comparu devant le Comité de la défense où il a présenté un mémoire que nous avons remis à la greffière. Si cela vous intéresse, il est à votre disposition.
Merci beaucoup pour cette invitation. Nous sommes prêts à répondre à vos questions et à discuter avec vous.
Le président: Merci, monsieur Siebert, et merci, monsieur Epps.
J'aurais une simple observation à faire avant que mes collègues posent des questions.
À propos de la politique nucléaire de l'OTAN, notre comité a recommandé que l'OTAN révise sa politique nucléaire et c'était la principale recommandation de notre rapport de 1998 sur la politique canadienne concernant la non-prolifération et le désarmement nucléaires. C'était simplement pour vous faire savoir que nous avons également étudié cette question.
Questions, madame Lalonde, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci. D'abord, monsieur le président, je veux m'excuser d'être arrivée légèrement en retard. J'ai manqué une partie de l'intervention de Mme Corkery.
Ma première question s'adresse à M. Dillon. Vous avez parlé des effets désastreux de l'ALENA au Mexique sur la pauvreté de la population. Avez-vous déjà regardé la proposition faite par plusieurs, dont le Bloc québécois, concernant un fonds social pour l'ALENA, à l'exemple du fonds social qui existait au sein de l'Union européenne? Ce fonds social a permis aux pays plus pauvres de se doter d'infrastructures et d'instances d'éducation, ce qui leur a permis de ne pas vivre la situation actuelle qui sévit au Mexique. C'est ma première question.
Je vous remercie de demander que le désarmement s'ajoute aux quatre piliers de la sécurité humaine. Pour ce qui est des armes, des petites armes et des armes légères, quelle proposition concrète faites-vous? Nous partageons la conviction que, dans la généralisation des conflits dans des pays qui n'ont vraiment pas besoin de cela, cette liberté de circulation des armes est une plaie qu'il faudrait absolument éradiquer. Toutefois, nous n'avons pas encore trouvé le moyen de le faire.
Finalement, nous sommes heureux d'entendre encore une fois que vous êtes d'accord à l'effet que le Canada devrait accepter de se fixer l'objectif de 0,7 p. 100 pour l'aide internationale.
¸ (1415)
[Traduction]
M. John Dillon: Merci, madame Lalonde.
Oui, je crois qu'un fonds social pourrait faire partie d'une solution pour le Mexique, mais dans le cadre d'un programme global. Comme vous le savez sans doute, nous avons quatre réseaux qui travaillent en collaboration étroite et qui examinent les effets de l'ALENA. L'un d'eux est le Réseau québécois sur l'intégration continentale…
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui. J'y ai de bons amis comme M. Brunet.
[Traduction]
M. John Dillon: Oui, d'accord.
Les autres sont le Réseau mexicain d'action sur le libre-échange, l'Alliance for Responsible Trade , notre organisme et Common Frontiers.
Nous estimons que le débat en est arrivé au point où nous mettons en question certains des éléments fondamentaux…
Mme Francine Lalonde: De l'ALENA?
M. John Dillon: … de l'ALENA, précisément. Nous ne pensons pas qu'en soi un fonds social remédierait à la situation, mais dans le cadre d'un programme complet qui libérerait le Canada et le Mexique en particulier de certaines des conditions les plus exigeantes, ce serait certainement un moyen d'offrir une forme de compensation aux gens qui ont souffert le plus, c'est-à-dire, je pense, les paysans et travailleurs du Mexique, et surtout les personnes déplacées qui ont dû quitter les campagnes parce que le marché du maïs a soudainement été supplanté par les importations.
Mme Francine Lalonde: Et celui du riz.
M. John Dillon: Oui, et celui du riz.
Comme nous pour notre bois d'oeuvre, le Mexique a fait l'objet du même genre d'action unilatérale de la part des États-Unis dans le cas du ciment et du sucre.
Alors si c'est dans le cadre d'un programme global, oui.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, j'ai oublié une petite question. Est-ce que je peux la poser ?
Le président: Avec plaisir.
Mme Francine Lalonde: Je suis très contente que vous soulignez la question de l'eau. Récemment, le pacte culturel, économique et social a fait en sorte de couvrir les termes relatifs à l'eau. Un comité des Nations Unies a préparé un texte à ce propos. Je trouve cela extrêmement important parce que, dans ce texte, il est très clair que l'État dont les citoyens contribuent à polluer et à priver d'eau les citoyens d'un autre pays, comme les compagnies minières le font en Afrique, c'est l'État canadien. Dans ces circonstances, il est responsable des citoyens. Pourtant, dans la réponse que nous a fourni le gouvernement, il est clair qu'il ne se sent pas responsable puisqu'il précise que c'est l'État où sont situées les mines qui est responsable. Quand j'ai vu les éléments de ce pacte relatif à l'eau, je me suis dis qu'il fallait revenir avec ce sujet. Êtes-vous d'accord?
M. John Dillon: Oui, d'accord.
Mme Francine Lalonde: Le Canada a signé en 1976.
[Traduction]
M. John Dillon: Oui, je suis absolument d'accord.
C'est un mystère pour nous. Au niveau le plus superficiel, on penserait qu'un accord qui traiterait l'eau comme un droit humain fondamental serait parfaitement compatible. Mais vu la façon dont vous avez formulé la question, je pense qu'en fait vous avez levé le voile sur l'hésitation du gouvernement canadien à l'affirmer, parce que cela aurait des conséquences.
La conséquence est qu'il devrait superviser le comportement des sociétés canadiennes. KAIROS a envoyé aux Philippines une délégation qui est allée visiter les collectivités lésées par l'entreprise minière TVI, par exemple, et le comité a reçu des témoignages à cet égard. La population des collectivités locales de plusieurs continents tient beaucoup à ce que les entreprises soient tenues responsables.
¸ (1420)
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Epps, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Ken Epps: Oui, je voudrais répondre à la question concernant les petites armes et les armes légères.
En fait, il n'y a pas de recette miracle. Hélas, contrairement aux mines terrestres pour lesquelles le problème est clair et la solution est tout aussi claire en ce sens qu'il faudrait les interdire complètement, la question des petites armes et des armes légères est beaucoup plus complexe et exige toute une gamme de solutions. Par exemple, nous savons qu'il faut s'attaquer à la fois à l'offre et à la demande. Nous devons étudier comment les armes arrivent dans les zones de conflit, quelles sont les conditions qui attirent les armes dans certaines régions et pourquoi les gens les utilisent.
Dans nos recommandations, nous avons souligné un certain nombre de domaines dans lesquels nous pensons que le Canada peut contribuer à faire avancer les choses, mais nous reconnaissons également que cette liste n'est certainement pas complète. Il y aurait beaucoup de choses à faire.
Je dois préciser que le Canada a dirigé l'action contre les petites armes et les armes légères et nous en félicitons certainement le gouvernement. Mais nous voulons que l'on fasse plus, surtout au cours des prochains mois, car c'est l'occasion de réaliser des progrès en vue de la conférence des Nations Unies l'année prochaine.
Merci.
Le président: Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie KAIROS et Project Ploughshares pour leurs exposés très complets et le travail qu'ils accomplissent. Je suis sûre que vous n'auriez pas pu répondre aussi bien avec un préavis aussi court si vous ne vous étiez pas intéressés d'aussi près à la question qui préoccupe notre comité, c'est-à-dire notre examen de l'Énoncé de la politique internationale.
D'autre part, j'approuve tout à fait ce que vous avez dit quant au fait que le désarmement devrait être le cinquième pilier de la politique étrangère du Canada. Vous seriez sans doute sidérés d'entendre certaines paroles qui ont été prononcées hier devant notre comité par des gens qui disaient en substance que si les autres avaient des armes nucléaires, il nous en fallait aussi pour nous protéger. Bien entendu, cela ne tient aucun compte de la réalité qui interdit de faire ce genre de choses. Si nous ne commençons pas à faire entrer cela dans la tête des gens, si nous ne commençons pas à prêcher le bon exemple, cela aura de terribles conséquences. On peut dire sans exagérer que la situation sera très grave.
Je sais que vous suivez de très près ce qui se passe sur ce plan-là. La Conférence d'examen du Traité de non-prolifération s'est terminée de façon chaotique à l'automne. Le sommet n'a pas permis de s'attaquer sérieusement à la question du désarmement nucléaire. Heureusement -- et je pense que cela a été très apprécié -- le Canada s'est efforcé, avec cinq autres pays non nucléaires, de remettre le désarmement nucléaire à l'ordre du jour au cours des dernières semaines. J'étais aux Nations Unies la semaine dernière lorsqu'à mon grand désarroi, des gens ont vivement reproché au Canada d'avoir fait avorter cette initiative de six pays. La seule explication permettant de comprendre pourquoi le Canada s'est désisté à la onzième heure, laissant tomber les cinq autres pays, est que l'administration Bush aurait exercé des pressions.
Je me demande si vous êtes au courant de cette initiative qui visait à mettre sur pied des comités de travail et à s'attaquer de façon pratique aux questions du désarmement, de la non-prolifération, de la vérification, etc.
M. John Siebert: Nous suivons sans aucun doute ce qui se passe et nous avons été déçus de voir le Canada retirer sa résolution au dernier moment. Néanmoins, dans notre mémoire plus complet, nous invitons le Canada à la ressusciter et à obtenir l'appui des pays non nucléaires de l'OTAN qui ont tout autant intérêt que le Canada à s'orienter dans cette voie.
Tout effort visant à rompre l'impasse dans le monde de la diplomatie multilatérale nucléaire est le bienvenu et le processus parallèle des quatre comités qui travaillent sur la question est particulièrement apprécié.
Puisqu'on peut considérer qu'un verre est à moitié plein ou à moitié vide, nous invitons le Canada à voir son action comme un repli stratégique visant à obtenir des appuis ailleurs et à présenter de nouveau sa résolution l'année prochaine, car rien ne se fait rapidement aux Nations Unies. Je crois qu'il faut intensifier les pressions internationales sur toutes les parties, mais particulièrement sur les États-Unis.
¸ (1425)
Mme Alexa McDonough: Étant donné que cette impasse dure depuis neuf ans, personne n'accusera le Canada de mettre trop de hâte à réinscrire cette question à l'ordre du jour.
M. John Siebert: Pour être juste, il faut reconnaître que le Canada a pris un risque dans ce groupe de cinq ou six pays. C'était le seul des pays de l'OTAN et dans la mesure où nous pouvons le faire, nous recommandons de continuer.
Mme Alexa McDonough: Je suis tout à fait d'accord pour recommander la reprise de ces efforts.
Du côté de l'aide publique au développement -- et je pense que vous en avez tous les deux parlé dans vos mémoires -- vous savez sans doute que non seulement notre comité a appuyé la mise en oeuvre de l'objectif de 0,7 p. 100 avec des échéanciers, mais que la Chambre des communes a souscrit unanimement à cet objectif.
Je me demande si vous avez des suggestions en ce qui concerne vos propres initiatives à cet égard ou les choses qu'à votre avis le Comité des affaires étrangères pourrait et devrait faire, étant donné que les témoins qui ont comparu devant le comité ont clairement déclaré, les uns après les autres, que les objectifs de développement du millénaire auxquels nous avons souscrit ne pourront pas être atteints à moins que les pays donateurs ne donnent suite à leur engagement de donner 0,7 p. 100.
M. John Dillon: Dans notre mémoire écrit, nous mentionnons le vote du 28 juin auquel ont participé tous les députés présents. Nous insistons sur le fait que la qualité de l'aide est aussi importante que la quantité. Nous sommes étonnés qu'on ait détourné une partie de l'aide canadienne de l'élimination de la pauvreté au profit de programmes dits de reconstruction aux effets assez douteux, en Afghanistan et en Iraq.
Je pense que la partie de la motion que vous avez parrainée à la Chambre, qui fait de l'éradication de la pauvreté le principal objectif de l'aide canadienne, est aussi importante que l'objectif de 0,7 p. 100. C'est un élément du problème sur lequel nous insistons, à KAIROS, dans le cadre de notre travail éducatif.
Le président: Merci.
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Je me demande si vous avez suivi les efforts que font les Nations Unies pour apporter des réformes dans leur organisation et si vous avez une opinion quant au rôle que le Canada devrait jouer à cet égard.
M. John Siebert: Les Nations Unies auraient certainement besoin d'apporter certaines réformes, mais il est vrai également qu'elles jouent un rôle très positif et que le Canada a toujours joué un rôle utile sur le plan technique dans des domaines très particuliers et à des endroits très particuliers où il pense pouvoir apporter une contribution. En tout cas, dans les tribunes multilatérales sur le désarmement, le Canada a lancé le débat en proposant de débloquer l'impasse à la Conférence sur le désarmement. Apparemment, l'ambassadeur du Canada à cette conférence a également proposé une réunion des États l'année prochaine, en 2006. Cette réunion aurait lieu au Canada et nous voulons inciter le Canada à le faire.
L'occasion s'est présentée en septembre dans le cadre du processus du sommet et, comme bien d'autres, nous avons été déçus de voir qu'il ne s'est pas passé grand chose.
Je cède la parole à mes collègues qui ont des observations concrètes à vous faire.
¸ (1430)
M. John Dillon: Oui, je vais simplement vous lire un passage de notre mémoire:
Le Canada devrait soutenir l'élargissement du Conseil de sécurité de 15 membres à 24 membres. Cet élargissement contribuera à assurer une meilleure représentation régionale au sein de l'organisme décisionnel le plus important des Nations Unies. Le Canada devrait aussi soutenir l'élimination du pouvoir de veto des cinq membres permanents ou élargir la permanence et le pouvoir de veto à des pays du Sud pour dissiper l'impression que le Conseil (et du coup les Nations Unies) cherche seulement à promouvoir les intérêts occidentaux… étant donné que quatre des cinq membres permanents sont des pays de l'Ouest. |
Mme Beth Phinney: Pourriez-vous nous parler de la contribution de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international?
M. John Dillon: Oui, avec plaisir, car nous critiquons de plus en plus les politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Si vous remontez une dizaine d'années en arrière, à l'époque où M. Wolfensohn est devenu président de la Banque mondiale et a ouvert le dialogue avec la société civile, nous espérions alors qu'une réforme pourrait avoir lieu au sein de la Banque mondiale parce qu'il avait consulté un certain nombre de groupes du Nord et du Sud sur les conditions d'ajustement structurel. Un rapport issu d'une collaboration entre les gouvernements du Sud et le personnel de la Banque mondiale contenait des recommandations très progressistes, mais rien n'en est sorti. L'examen de l'industrie extractive n'a rien donné non plus.
D'une fois à l'autre, nous constatons que les idées qui auraient permis d'apporter une réforme à la Banque mondiale ne sont pas appliquées. C'est ce qui a amené KAIROS à élaborer une prise de position disant que même s'il ne faut pas fermer tout de suite les portes de la Banque mondiale et du FMI, nous devrions examiner le rôle qui devait être le leur au départ, lors de l'Accord de Bretton Woods en 1944, et créer de nouvelles institutions plus démocratiques pour remplir ces fonctions.
Le président: J'ai une question. Au début, monsieur Dillon,
[Français]
Vous avez parlé des effets désastreux de l'ALENA sur le Mexique.
[Traduction]
des effets désastreux de l'ALENA sur le Mexique. Lorsque nous avons rencontré les autorités mexicaines, elles ont exprimé un avis contraire. Je crois qu'au début, l'ALENA a été bon pour le Mexique dans une certaine mesure en ce sens qu'il a créé de nombreux emplois. Toutefois, le Mexique n'a pas suffisamment investi dans l'éducation et l'économie du savoir et perd maintenant des emplois. Vous dites que ces emplois sont allés vers l'Inde, puis la Chine et maintenant le Vietnam. Ce n'est pas la première fois que nous l'entendons dire.
Ma question est la suivante: s'il n'y avait pas eu l'ALENA, où en serait le Mexique aujourd'hui? Comment apporter la prospérité à la population si on ne commerce pas avec d'autres pays?
Voilà ma première question. Je vais vous poser toutes mes questions et vous pourrez ensuite y répondre.
Je cherche seulement à comprendre. Vous faites la distinction entre la qualité et la quantité de l'aide. Ma deuxième question est la suivante. Êtes-vous d'accord avec le gouvernement pour que les deux tiers de notre aide bilatérale soient répartis entre 25 pays? Si notre gouvernement était prêt, demain, à doubler son aide, sans même atteindre l'objectif de 0,7 p. 100, pensez-vous que nous sommes prêts à aider ces pays sur le plan qualitatif et pas seulement quantitatif?
Je passe maintenant à ma dernière question.
Vous parlez des Nations Unies. Vous dites souhaiter que le Conseil de sécurité soit élargi de 15 à 24 pays, mais vous voulez également supprimer le droit de veto des cinq membres permanents. Vous dites toutefois que vous seriez d'accord pour que les nouveaux membres permanents soient des pays du Sud. Voulez-vous leur accorder ou non un droit de veto?
Merci.
M. John Dillon: Merci.
Ce sont d'excellentes questions.
En ce qui concerne le Mexique, la création d'emplois et les effets de l'ALENA, nous avons travaillé en collaboration très étroite avec nos homologues du Réseau d'action mexicain sur le libre-échange et nous avons publié des rapports annuels sur les répercussions de l'ALENA. Ce qu'il y a de frappant dans le rapport sur le Mexique c'est que toute la création d'emplois était concentrée dans les usines de montage de la zone des maquiladoras. L'industrie mexicaine traditionnelle qui fournissait jadis une grande partie des intrants a perdu du terrain ,si bien que la qualité de l'emploi était plutôt médiocre. En fait, même en nombre absolu, on pouvait difficilement parler d'un gain net étant donné le grand nombre d'emplois perdus dans d'autres domaines.
Vous avez fort justement demandé quelle est la solution. Nous avons travaillé assidûment depuis le premier Sommet des Amériques, à Santiago du Chili, en 1998, à un document intitulé « Alternatives for the Americas ». C'est un document détaillé qui ne rejette pas totalement le commerce international, mais qui propose d'établir des bases économiques plus solides dans les différents pays afin que ces derniers puissent décider des aspects de leur économie qu'ils veulent ouvrir au commerce et de ceux qu'ils souhaitent garder pour la production nationale, comme dans le cas des produits alimentaires de base. Nous sommes fiers de ce document; il a fait l'objet d'un certain nombre de révisions et représente le fruit de nombreuses contributions. Nous croyons qu'il y a des solutions de rechange viables si on a la volonté politique de les appliquer, mais les dispositions actuelles de l'ALENA empêchent de le faire.
¸ (1435)
Le président: Pouvons-nous obtenir ce document?
M. John Dillon: Je me ferai un plaisir de l'envoyer à la greffière.
Je vais maintenant répondre à votre deuxième question concernant la qualité et la quantité de l'aide et ce que nous pourrions faire dans l'immédiat. Encore une fois, je n'ai pas mentionné qu'à notre avis le Canada devrait atteindre son objectif d'ici 2015. Autrement dit, nous reconnaissons qu'il n'est pas possible d'apporter une aide de haute qualité du jour au lendemain et qu'il faudrait donc agir progressivement, mais en se fixant un délai précis pour atteindre cet objectif. C'est justement par souci d'assurer la qualité de l'aide. Je pense donc que nous sommes assez d'accord.
Pour ce qui est du passage de notre mémoire que j'ai lu au sujet d'une réforme des Nations Unies, ce n'était pas aussi définitif en ce qui concerne le Conseil de sécurité. Il est dit plutôt que si le Conseil était élargi pour inclure des membres permanents du Sud, il faudrait alors songer à leur accorder le droit de veto. C'est seulement parce qu'on ne semble pas désireux d'enlever leur droit de veto aux cinq membres permanents actuels. Il y a là une nuance car nous disons qu'il y a plusieurs options pour réformer les Nations Unies plutôt qu'une seule solution.
Le président: Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: J'ai deux brèves questions, une pour le président et l'autre pour les deux ONG qui témoignent devant nous.
Monsieur Epp, vous avez parlé du contrôle des petites armes et surtout des exportations qui relève actuellement du Commerce international plutôt que des Affaires étrangères. Vous avez recommandé de confier de nouveau cette responsabilité aux Affaires étrangères, ce qui soulève deux questions. D'abord, que pensent vos deux organismes de la séparation des Affaires étrangères et du Commerce international et des répercussions que cela pourrait avoir? Ensuite, est-ce qu'en pratique cette responsabilité incombait à la division Affaires étrangères du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et que c'est la conséquence malheureuse de la séparation ou ce changement n'avait-il pas déjà eu lieu avant même que la séparation ne soit faite?
Ken Epps: Je parlerai seulement des répercussions de la séparation sur les contrôles à l'exportation, car c'est ce qui intéresse le plus Project Ploughshares.
En fait, le ministre du Commerce international a maintenant la responsabilité de signer les permis d'exportation pour tout le matériel militaire qui quitte le Canada alors qu'avant 2003, c'est le ministre des Affaires étrangères qui s'en chargeait. Nous estimons que le ministre des Affaires étrangères est beaucoup mieux qualifié pour se pencher sur les questions que soulèvent les permis d'exportation étant donné que cela touche les droits de la personne, la sécurité, les valeurs canadiennes, etc. Nous ne comprenons pas vraiment la raison de ce changement, mais à mon avis, c'est parce qu'au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, on considérait que la division du contrôle des exportations s'apparentait davantage au Commerce international.
Dans les deux cas, les ministres tiennent compte des opinions d'autres ministères et ne prennent donc pas leurs décisions isolément. Encore une fois, si nous souhaitons un retour aux anciennes dispositions, c'est surtout parce que la décision finale devrait être confiée au ministre qui est le mieux renseigné sur les questions à considérer.
¸ (1440)
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
J'aime vraiment cette recommandation. Je l'ai beaucoup appréciée. J'avais oublié cela.
Monsieur Dillon, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. John Dillon: Oui, je vais ajouter une chose qui figure également dans notre mémoire.
Je crois que cette séparation est regrettable. Une des choses que nous reprochons à l'Énoncé de la politique internationale est qu'il insiste sur la nécessité de supprimer le cloisonnement et d'adopter une approche canadienne cohérente, mais que ce n'est pas reflété dans le chapitre sur le commerce. On y parle seulement du commerce extérieur.
Nous disons que les obligations du Canada à l'égard des droits de la personne sont si importantes qu'il faut les intégrer. En fait, j'irais plus loin en disant qu'elles doivent l'emporter sur les intérêts commerciaux. Il est très regrettable que cette séparation ait eu lieu et que les architectes de notre politique commerciale ne puissent pas entendre le point de vue des droits de la personne.
Le président: Merci.
Oui, très rapidement.
Mme Alexa McDonough: Je pense que selon la coutume -- je ne suis pas certaine de l'expression utilisée dans la procédure, mais…
Le président: Je vous le dirai.
Mme Alexa McDonough: Voilà pourquoi je vous pose la question à vous et au personnel du comité.
KAIROS a remis à ceux d'entre nous qui étaient présents toute une série de signatures pour sa prise de position « Agenda for Just Peace » en nous demandant de les transmettre au premier ministre. Il n'est malheureusement pas possible de les déposer à la Chambre comme pétition officielle car ce n'est pas conforme aux lignes directrices officielles pour la certification.
Je crois toutefois que nous avons coutume d'ajouter, sur demande, ce genre de document au compte rendu de nos audiences. Je ne vais pas prendre le temps de le lire en entier, mais c'est une excellente déclaration et je me demande si nous serions d'accord pour l'ajouter à ce que KAIROS nous a dit au cours de la réunion d'aujourd'hui.
Le président: Je n'y vois pas d'objection. Étant donné que vous en avez parlé, cela fait déjà partie de notre discussion. Ce sera fait.
Merci.
Merci beaucoup, madame Corkery, monsieur Dillon, monsieur Siebert et monsieur Epps, d'être venus témoigner.
Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.
¸ (1443)
¸ (1450)
Le président: Très bien, nous reprenons la séance.
Nous en sommes toujours à l'Énoncé de la politique internationale et nous avons maintenant le plaisir de recevoir les représentants de Horizons d'amitié ou Horizons of Friendship, M. Henry Becker, membre du conseil d'administration, et Mme Susan Murdoch, coordonnatrice du programme.
Monsieur Becker, la parole est à vous.
Dr Henry Becker (membre , Conseil d'administration, Horizons d'amitié): Merci.
Horizons s'intéresse surtout au chapitre de l'Énoncé de la politique internationale concernant le développement. Je peux vous assurer qu'il y a là beaucoup de choses sur lesquelles nous sommes d'accord, par exemple, le fait que l'égalité entre les sexes doit être intégrée dans tous les programmes. C'est très bien et c'est tout à fait conforme aux valeurs canadiennes. Toutefois, nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour faire des louanges, mais pour signaler respectueusement les lacunes que nous voyons dans le document et pour suggérer des améliorations.
Au cours des prochaines six minutes et demie, j'aurai seulement le temps de mentionner la nature des questions que nous soulevons. Vous trouverez les arguments à l'appui ainsi qu'une analyse dans notre mémoire.
La première chose qui nous inquiète vraiment est l'hésitation évidente du gouvernement à s'engager à dépenser de l'argent pour l'aide publique au développement. Comme d'autres organismes de la société civile, Horizons demande instamment que le Canada atteigne le plus tôt possible l'objectif de 0,7 p. 100 du PNB. Nous suggérons que ce soit en 2007 au plus tard.
Le premier ministre, M. Martin, a parlé de réductions d'impôt. Étant donné les besoins criants des pays pauvres, qui sont en majorité, il est déraisonnable et même immoral d'envisager d'autres réductions d'impôt avant de tenir nos promesses envers ces pays.
En deuxième lieu, les programmes de Partenariat canadien semblent laissés pour compte dans le plan de développement. D'après notre expérience, dans l'ensemble, les partenariats représentent pour l'ACDI un des moyens les plus positifs, novateurs et productifs d'atteindre les objectifs de développement du millénaire.
Horizons appuie énergiquement une recommandation du British Columbia Council for International Cooperation -- et j'ai remarqué ce matin que le CCCI propose la même chose -- voulant que les fonds alloués à la Direction générale du Partenariat canadien augmentent graduellement pour passer de 10 p. 100 à 20 p. 100 du budget de l'ACDI d'ici 2015.
La troisième question est celle de l'agriculture. Le document sur le développement en fait à peine mention. Nous sommes entièrement d'accord avec le Conseil canadien pour la coopération internationale pour dire qu'il s'agit là d'une grave lacune dans les stratégies sectorielles de l'ACDI. Nous posons la question suivante: comment pourrait-on oublier l'agriculture alors que la majorité des pauvres de la planète vivent en milieu rural? Nous estimons que le plan de développement de l'Énoncé de la politique internationale sera gravement déficient s'il n'est pas révisé pour aborder comme il se doit la question de l'agriculture.
La quatrième question porte sur les applications du savoir-faire canadien dans les pays du tiers monde dont fait mention le document sur le développement. Nous sommes d'accord avec certaines d'entre elles, mais nous en contestons certaines autres. Nous avons notamment de sérieuses objections à l'égard des affirmations concernant les compétences canadiennes dans le domaine de l'agriculture, des négociations et des accords commerciaux et de la nutrition humaine. Les gens que nous voulons aider se trouveraient en sérieuse difficulté s'ils essayaient de profiter de notre expérience sans reconnaître nos erreurs.
La cinquième question concerne les prétendus avantages de la mondialisation auxquels le document sur le développement fait allusion. Il y a lieu de se demander en quoi consiste cette mondialisation et en quoi elle profitera aux pauvres de la planète? Dans le jargon de la politique économique, la mondialisation est un nom de code qui désigne la propagation de la doctrine et des pratiques néo-libérales dans le monde ainsi que l'élargissement du théâtre d'opérations de la coopération transnationale.
Les principales caractéristiques du néo-libéralisme sont, premièrement, la loi du marché; deuxièmement, la déréglementation; troisièmement, la réduction des dépenses publiques pour les services sociaux; quatrièmement, la privatisation; et cinquièmement, le remplacement des concepts de bien public et de communauté par le concept de responsabilité individuelle.
Cette mondialisation politique ou économique ne sert pas les intérêts des pauvres. Si le Canada veut vraiment contribuer à combattre la pauvreté, ce n'est pas la solution.
¸ (1455)
La sixième question concerne les indicateurs que l'ACDI a adoptés pour mesurer la pauvreté. Selon les lignes directrices proposées, seuls des pays dont le revenu annuel moyen par habitant est inférieur à 1 000 $ US pourront bénéficier de l'aide bilatérale.
Nous avons plusieurs critiques à formuler à l'endroit de cette approche simpliste. La principale est qu'elle ne tient aucun compte de la structure des inégalités socioéconomiques. Branko Milanovic, l'économiste principal du service de recherche de la Banque mondiale, est l'auteur d'un nouveau livre très intéressant sur la signification et l'importance des inégalités dans les pays et entre les pays, à l'heure actuelle et au fil des années. Lorsqu'on tient compte de l'inégalité des revenus, le tableau de la pauvreté devient différent. C'est vrai non seulement pour les pays du tiers monde, mais également les pays apparemment riches, comme le Canada.
La septième question concerne la possibilité que des restrictions nationales et sectorielles puissent être appliquées aux programmes du Partenariat canadien. À notre avis, il ne faudrait pas que des règles générales empêchent d'examiner de solides dossiers de financement en fonction de leur mérite. Cela nous ferait perdre de nombreuses occasions d'améliorer vraiment les choses. Horizons estime que l'ACDI a toutes les raisons de poursuivre son engagement dans tous les pays méso-américains. Sur le plan de la pauvreté, par exemple, nous remarquons que le niveau d'appauvrissement par rapport aux pays riches est en augmentation. Les pays méso-américains perdent du terrain au lieu de se rattraper.
Deuxièmement, dans l'ensemble, l'inégalité des revenus dans les pays de cette région est la plus marquée au monde. Un grand nombre de gens vivent dans une pauvreté extrême, ce que l'on évalue, par exemple, d'après le nombre de familles dont le revenu en espèces est inférieur à 1 $ ou 2 $ par jour. Si l'ACDI se retirait d'un ou de plusieurs pays méso-américains, ce serait très triste pour la population de la région, pour les ONG canadiennes et les autres groupes de la société civile qui travaillent là-bas, ainsi que pour les relations du Canada avec cette région. Nous espérons sincèrement que cela n'arrivera pas.
Pour conclure, nous désirons voir le Canada améliorer réellement la situation dans le monde en adoptant des programmes d'aide et des politiques étrangères systématiquement axés sur les intérêts des pauvres à la fois dans son action directe et dans le rôle qu'il joue au sein des institutions multilatérales. Notre gouvernement devrait également cesser de chercher des excuses. Le Canada doit tout simplement atteindre cet objectif de 0,7 p. 100.
Nous vous remercions de nous avoir permis de faire connaître nos opinions au sujet de l'Énoncé de la politique internationale du Canada.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Becker.
Nous allons maintenant passer aux questions. Mme Lalonde va commencer.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci pour votre déclaration forte sur la nécessité, pour le Canada, d'accepter cet objectif de 0,7 p. 100.
Nous l'avons entendu souvent de la part des témoins et, chaque fois, je sais que je peux partager cette position et dire que nous sommes heureux de l'entendre. En effet, nous partageons avec vous le fait qu'il nous semble inacceptable, pour un pays riche, pour un pays qui a les surplus du Canada, de ne pas accepter cet objectif.
J'ai posé la question suivante à plusieurs témoins. Ne trouvez-vous pas que ce refus d'accepter le 0,7 p. 100 discrédite d'autres actions du Canada?
Le Canada a voulu se donner, au fil des ans, une politique qui le met du côté des pays qui luttent contre la pauvreté, mais le refus de réaliser cet objectif le discrédite et rend plus difficile son action. C'est ce que je pense et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Quand vous dites que c'est mauvais sinon immoral de refuser de prévoir la réduction de la pauvreté dans la période que nous vivons, je suis d'accord avec vous, d'autant plus que la pauvreté est une des causes, une des racines des problèmes qu'on rencontre à d'autres niveaux. Je pense notamment aux conflits politiques. Alors, la lutte à la pauvreté est un enjeu majeur.
Je veux parler de la question de l'agriculture. Je ne veux pas prendre tout le temps à moi seule, mais il me semble que 60 p. 100 des personnes pauvres du monde vivent de l'agriculture.
En effet, il est difficilement compréhensible de ne pas avoir cherché à travailler à sortir de la pauvreté les pays que le Canada aide, en appuyant leur capacité de se procurer un peu de biens par l'agriculture. Je vous soulève une question que d'autres nous ont soulevée, soit le fait, pour la FAO, d'avoir fait accepter l'objectif de Faim Zéro. Cela peut signifier qu'on attend des pays qui sont des producteurs extensifs qu'ils accroissent leur production, au lieu d'aider les petits exploitants à développer leurs propres capacités pour devenir indépendants.
Il y a un risque, en ce moment, qu'on attende des grands pays producteurs qui pourraient y trouver leur compte qu'ils comblent la faim, alors que les personnes qui sont pauvres seraient aidées indéfiniment et seraient sans autonomie.
Je m'arrête, mais cette perspective m'inquiète beaucoup.
¹ (1500)
[Traduction]
Le président: Monsieur Becker.
Dr Henry Becker: Pour répondre à la première question concernant les 0,7 p. 100, je crois que nous avons les moyens et, d'une certaine façon, même la volonté de le faire. On a fait toute une histoire à propos de la sécurité et il semble que nous soyons en mesure de trouver beaucoup d'argent pour cela. Malheureusement, il semble que nous répondions largement aux pressions de nos voisins du Sud, car les mesures que nous prenons sont celles qu'on nous demande de prendre.
Néanmoins, si la pauvreté était éliminée dans le monde, pensez-vous que nous aurions de tels problèmes de sécurité? S'il n'y avait pas des gens traités injustement… il y a d'énormes injustices. S'il n'y avait pas des gens qui meurent de faim, par exemple, ce problème n'existerait pas. Nous devons simplement faire face à cette réalité et plus vite nous tiendrons nos engagements -- Lester Pearson l'a fait en 1969 -- et nous passerons du geste à la parole…
Nous n'avons aucune excuse. Je constate une certaine lâcheté de la part de tous les partis politiques. Aucun d'eux n'est prêt à dire que, par exemple, non seulement il ne faudrait pas réduire les impôts, mais nous devrions les augmenter pour nous attaquer non seulement à la pauvreté dans le tiers monde, mais même à la pauvreté et aux injustices qui règnent dans notre propre pays. Comme on craint que cela fasse perdre des votes et perdre le soutien financier aux partis politiques, on préfère simplement s'en abstenir. Mais je pense que nous en avons les moyens.
Quant à l'idée selon laquelle la grande agriculture va aider les pauvres du tiers monde, c'est une grosse erreur. On a fait beaucoup d'agriculture à grande échelle dans les pays méso-américains, il y a de grandes plantations de bananiers et d'ananas dans d'autres régions du monde; en fait, dans les pays méso-américains, c'est plutôt la laine, le coton, etc. L'agriculture à grande échelle est entièrement centrée sur les grandes cultures commerciales. Elle n'aide pas les petits paysans à être autosuffisants et à vendre leur petite production afin de pouvoir se vêtir, se loger, etc.
Par conséquent, il ne servira à rien d'aider les gros. En fait, cela va déposséder les petits. Ils seront tout simplement chassés du misérable petit bout de terre qu'ils possèdent. Comme vous le savez, les petits agriculteurs méso-américains sont marginalisés. Les gros exploitants agricoles ont les belles vallées, toutes les plaines et le reste tandis que les petits paysans cultivent les flancs de montagnes, ce qui a des résultats écologiques désastreux.
¹ (1505)
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est ça.
[Traduction]
Le président: Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup pour votre exposé.
Avant que je pose une question, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur Horizons. Vous l'avez peut-être fait dans votre mémoire écrit, mais je crois qu'il ne nous a pas été distribué parce qu'on n'a pas eu suffisamment de temps pour le traduire en français.
Dr Henry Becker: Et nous nous en excusons.
Mme Alexa McDonough: Je ne pense pas que vous ayez à vous en excuser. Comme notre invitation était tardive, c'est de notre faute. Mais il serait intéressant d'en savoir un peu plus sur Horizons.
Deuxièmement, je suis très intriguée par vos recommandations concernant les partenariats, surtout quand vous dites que l'ACDI devrait s'engager à ce que le pourcentage de son budget qu'elle y consacre soit porté de 10 p. 100 à 20 p. 100.
Je voudrais seulement vous signaler que c'était également sous-entendu dans la motion qui a été adoptée à ce comité, puis à la Chambre des communes…
Dr Henry Becker: Je l'ai vue.
Mme Alexa McDonough: … où on a reconnu que ce n'est pas seulement une question d'argent, mais également de partenariat plus efficace avec la société civile, avec les ONG, etc.
Je sais que l'ACDI a lancé un processus de collaboration et de consultation afin de relever ce défi. Je me demande si vous y participez ou si vous essayez également de savoir ce qui se passe sur ce front.
Dr Henry Becker: Je vais répondre à la première question et je demanderai ensuite à Susan de répondre à la deuxième.
Horizons a vu le jour suite aux activités de trois bénévoles qui sont allés en Amérique centrale. Deux d'entre eux étaient une équipe mari et femme, M. et Mme Stewart. En fait, Mme Stewart a siégé au Parlement à une certaine époque.
Mme Alexa McDonough: Vraiment?
Dr Henry Becker: M. Stewart était avocat et après sept années d'une brillante carrière, il a estimé qu'il était temps de rendre à la société une partie de ce qu'il avait reçu. Il a pris un congé sabbatique et s'est rendu à ses propres frais au Honduras où il a passé une année comme bénévole.
La troisième personne est le Père Tim Coughlan, un prêtre catholique qui a joué également un rôle. Quand les Stewart sont revenus et ont rencontré le Père Tim…
Mme Susan Murdock (coordonnatrice de programmes , Horizons d'amitié): Il était là-bas avec eux.
Dr Henry Becker: Il était là-bas avec eux. Désolé.
Ils ont décidé de fonder une ONG, Horizons d'amitié, établie à Cobourg pour répondre aux désirs des Canadiens d'aider les pauvres. Et c'est assez incroyable. Il y a tellement de Canadiens qui sont tout à fait prêts et tout à fait désireux d'aider les pauvres. Ils le font en donnant de l'argent, en allant sur place et pas seulement en visite. À Perth, par exemple, nous avons un groupe de gens qui se rendent là-bas chaque année pour construire un certain nombre de fourneaux de cuisine d'un modèle assez simple, mais c'est une amélioration énorme. Cela pose un sérieux problème là-bas, car les ménagères s'intoxiquent, elles et leurs familles, avec la fumée du feu ouvert dont elles se servent pour cuisiner.
Il y a donc énormément de bonne volonté chez les Canadiens. Horizons a eu du succès dès le départ et a travaillé, comme la plupart des ONG canadiennes, avec des partenaires du Sud, des ONG de la région. Nous ne pouvons simplement pas mobiliser des gens pour les envoyer travailler sur place. Cela irait d'ailleurs à l'encontre du but recherché. Il vaut beaucoup mieux travailler avec la population locale que de lui imposer nos solutions.
Il s'agit donc avant tout d'un partenariat. Nous sommes peut-être des missionnaires en ce sens que les Canadiens possèdent une vaste expérience des solutions au problème de l'inégalité entre les sexes et que nous avons peut-être des enseignements à donner là-bas. Nous le faisons dans un esprit de collaboration et la réaction est extrêmement positive.
Je devrais peut-être m'arrêter là. J'ai parlé un peu trop longtemps.
Susan.
Le président: C'est bien. Madame Murdoch.
Mme Beth Phinney: Mme Stewart est-elle toujours membre de votre organisme? Y participe-t-elle toujours?
Mme Susan Murdock: Non. Elle était la directrice de Horizons lorsqu'elle a décidé de présenter sa candidature au Parlement et c'est alors qu'elle a démissionné. Elle assiste encore à nos événements et elle continue de nous soutenir.
¹ (1510)
Dr Henry Becker: Son mari, David, est décédé récemment et Horizons a fait frappé une médaille à sa mémoire que nous remettons à un bénévole exceptionnellement méritant de la collectivité.
Le président: Madame Murdock.
Mme Susan Murdock: Merci.
J'ajouterais à ce qu'a dit Henry à propos de Horizons qu'en plus de travailler en partenariat avec les organisations des pays méso-américains, nous travaillons également en collaboration avec des organismes canadiens, surtout en Ontario, pour compléter le partenariat nord-sud.
Nous espérons élargir graduellement le secteur dans lequel les organisations de l'Ontario ont établi des liens, peut-être au départ avec l'aide de Horizons, pour défendre les intérêts de la population méso-américaine et partager leur savoir avec elle.
Troisièmement, depuis une dizaine d'années, nous participons au groupe de travail du CCCI, le Groupe de politique des Amériques, si bien que nous contribuons également de cette façon à la politique étrangère du Canada, avec les Affaires étrangères, l'ACDI et d'autres autorités canadiennes.
Le processus de consultation qui se déroule actuellement a attiré plus ou moins l'attention ainsi que le groupe d'experts qui s'est réuni récemment. La participation était uniquement sur invitation et je dirais que le CCCI, qui y a participé directement, a bien représenté nos intérêts et notre point de vue.
Nous savons que Diane Vincent, de l'ACDI, va établir un processus de consultation peut-être plus vaste et plus public et nous espérons y participer dans la mesure où des organismes comme Horizons y seront invités.
Récemment, nous avons pu participer à une tribune qui a eu lieu au CRDI, mais que l'ACDI avait, je crois, organisée en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement afin de présenter son approche de ce qu'elle appelle « le développement humain local ». Ce sont surtout les partenaires des universités qui ont été invités, mais Horizons y a été invité également. Il était très encourageant de voir que cette tribune a insisté sur le développement local dans lequel les organisations communautaires jouent un rôle clé. Cette méthodologie que le PNUD a présentée est relativement nouvelle pour ce programme, mais c'est de cette façon que fonctionnent les organismes comme Horizons.
Selon nous, les partenariats en Méso-Amérique visent à consolider les organisations de la société civile pour qu'elles collaborent davantage entre elles et avec les gouvernements municipaux, ce qui leur permet ensuite de travailler avec le gouvernement national, par l'entremise des organismes de coordination nationaux, afin d'exercer une influence sur les politiques.
J'ajouterai seulement une chose pour en revenir à 'objectif de 0,7 p. 100. Nous avons trouvé très intéressant un document qui était le fruit d'une collaboration entre l'équipe politique du CCCI et le coordonnateur de l'initiative de Halifax. Il s'intitule À table ou au fourneau? Nouvelles stratégies d'aide de l'ACDI, prise en charge locale et conditionnalité de l'aide et parle de l'importance de la façon dont l'aide est apportée et de la quantité de l'aide. L'idée au centre de leurs critiques et de leurs suggestions est que les citoyens des pays en développement devraient exercer des pressions sur le gouvernement quant à la façon dont l'aide doit être utilisée et les politiques économiques doivent être élaborées. Malheureusement, le constat que fait ce document, et que nous partageons, est que trop souvent, ce sont les pays donateurs et les IFI qui poussent les gouvernements dans une certaine direction.
Merci.
¹ (1515)
Le président: Merci.
Mme Alexa McDonough: Pourriez-vous nous donner la référence de cette étude?
Très bien. Excellent.
Le président: Vous avez beaucoup parlé de l'Amérique centrale et du Honduras. Travaillez-vous dans d'autres pays d'Amérique centrale? Quels pays?
Mme Susan Murdock: Nous travaillons dans les pays qui s'étendent du Mexique au Panama.
Au Mexique, toutefois, c'est seulement dans l'État du Chiapas. Dans un certain sens, cela fait partie de la Méso-Amérique.
Le président: D'accord. Oui.
Mme Susan Murdock: Nous ne travaillons pas au Belize, mais dans les autres pays d'Amérique centrale.
Le président: Très bien.
Dr Henry Becker: L'État du Chiapas est situé à l'extrême sud du Mexique et c'est l'État le plus pauvre.
Le président: Je sais. Mon collègue est allé au Chiapas.
Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre travail. Je pense qu'il est très apprécié. Et merci d'être venus témoigner.
Il est très important pour nous de rencontrer toutes les personnes qui viennent ici. Vous n'en avez pas idée. Comme nous l'avons déjà dit, notre comité a publié de nombreux rapports: nous en avons fait un sur l'objectif de 0,7 p. 100, un autre sur les droits de la personne et les sociétés minières canadiennes qui travaillent dans d'autres pays, ainsi qu'un rapport sur le chapitre 11. Nous avons une longueur d'avance sur le gouvernement, mais en nous forçant… nous forçons le gouvernement et nous travaillons dans un esprit de consensus entre tous les partis. C'est ainsi que nous travaillons.
Encore une fois, merci infiniment d'être venus aujourd'hui. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pour le moment. Merci.
¹ (1517)
¹ (1548)
Le président: Nous allons reprendre, même si la greffière n'est pas là.
Merci beaucoup. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son examen de l'Énoncé de la politique internationale.
Tout d'abord, je tiens à vous présenter mes excuses pour le fait qu'il y a seulement deux membres du comité présents, tous les deux du côté ministériel. Un de nos collègues est malade et les deux autres viennent de partir car ils ont été rappelés à Ottawa cet après-midi.
Cela ne veut pas dire que vous ne serez pas entendus. Je tiens à vous préciser que tout est enregistré, et surtout, que si vous avez des recommandations à adresser au comité à la fin de votre témoignage, nous examinons chaque recommandation. C'est important pour nous. Nous avons l'intention de préparer un rapport, sans doute au début de la prochaine année, car il nous reste des voyages à faire dans les régions de l'Atlantique et du Pacifique ainsi que quelques autres tables rondes à Ottawa. Nous rédigerons en janvier un rapport qui sera déposé à la Chambre des communes, sans doute en février. Toute ce que vous avez à nous dire est très important.
Je précise, pour le compte rendu, que nos témoins sont les représentantes de Carrefour canadien international, Mme Karen Takacs, la directrice générale, qui est accompagnée de Mme Christine Campbell, directrice nationale des affaires extérieures.
Également, la représentante du Conseil ontarien pour la coopération internationale, Mme Gwen… Schauerte?
Mme Gwen Schauerte (présidente, Conseil ontarien pour la coopération internationale): Schauerte. Vous l'avez assez bien prononcé.
Le président: Pas si mal. M. William Spark, vice-président, c'est plus facile, et Mme Kim Gibbons.
Bienvenue à tous.
Nous allons commencer par Mme Takacs, s'il vous plaît.
¹ (1550)
Mme Karen Takacs (directrice générale, Carrefour canadien international): Merci beaucoup.
[Français]
Je vais faire mes remarques en anglais, mais je peux répondre aux questions en français. Est-ce que vous parlez anglais?
Le président: Oui. Vous n'avez pas à vous inquiéter
[Traduction]
Mme Karen Takacs: Très bien. Cela aurait été plus difficile en français.
Tout d'abord, je vous remercie. Nous apprécions de pouvoir partager nos opinions avec vous.
Je vais vous parler un peu de notre organisme afin que vous puissiez situer mes observations dans leur contexte. Nous sommes une organisation de coopération bénévole. Nous cherchons principalement à nous servir des échanges internationaux de volontaires pour contribuer au développement. Carrefour existait déjà avant l'ACDI. En fait, notre organisme a été créé en 1958 par des volontaires.
Un élément essentiel de notre travail consiste à faire participer les Canadiens au développement de façon concrète. Nous envoyons une centaine de Canadiens à l'étranger chaque année. Nous ne sommes pas l'un des organismes les plus gros. Notre budget est d'environ 3,8 millions de dollars dont l'ACDI nous fournit actuellement 2,5 millions. La valeur du temps des bénévoles ajoute à ce montant 1,8 million de dollars supplémentaires.
Depuis que nous existons, nous avons envoyé près de 7 000 Canadiens outre-mer, sinon plus, y compris des personnalités comme Marcel Massé et Robert Pritchard et bien d'autres, et en fait des personnes qui sont à cette table. C'est souvent pour bien des gens une première expérience qui change leur vie et qui les amène à continuer à travailler dans le domaine du développement.
Ce que nous faisons est très particulier. Nous facilitons un partenariat entre des organismes canadiens qui travaillent dans des secteurs clés, comme le VIH-sida, l'égalité des femmes et le développement économique communautaire et des groupements d'outre-mer qui travaillent aussi dans ces secteurs. Comme l'ACDI et la politique étrangère du Canada, nous ciblons nos efforts, car nous travaillons dans quelques pays seulement. Nous avons réduit le nombre de pays dans lesquels nous travaillons et, d'ici la fin de l'année prochaine, nous ne serons présents que dans neuf pays situés en Afrique de l'Ouest, en Afrique australe et en Amérique du Sud où les besoins sont grands et où nous pensons pouvoir apporter une contribution en faisant le lien entre les organisations communautaires et les réseaux de ces pays et ceux du Canada. Nous mobilisons des ressources importantes et faisons participer les Canadiens directement au développement.
Notre expérience dans le domaine du développement nous a permis d'apprendre un certain nombre de choses au cours des années et ce que nous vous dirons au sujet de l'Énoncé de la politique internationale se fonde sur cette expérience. Nous avons des opinions au sujet de toutes sortes de choses, mais nous nous concentrerons sur ce que nous avons appris.
Tout d'abord, nous apprécions vraiment que le gouvernement ait pris la peine d'élaborer un cadre détaillé et une approche pangouvernementale qui cherche à renforcer le rôle que le Canada joue dans le monde. Nous apprécions également son engagement à travailler au niveau multilatéral avec les Nations Unies pour nouer de nouvelles relations et de nouveaux partenariats avec les pays industrialisés et les pays en développement.
Nous appuyons énergiquement l'engagement pris dans l'Énoncé de la politique internationale de respecter les droits fondamentaux de tous les peuples et de promouvoir le respect des droits de la personne -- ce qui est essentiel à un développement véritable -- et de le faire en renforçant les capacités locales. Je dirais que ce sont des paramètres vraiment importants.
Nous mentionnerons également l'engagement du gouvernement à équilibrer les rapports de force dans le commerce international. Nous en parlerons plus en détail, mais nous pensons que le commerce est essentiel au développement et nous invitons le Canada à continuer à jouer son rôle au sein de l'OMC, et même un rôle encore plus grand en cherchant à équilibrer les rapports de force.
Je voudrais aborder certaines questions qui nous préoccupent et pour lesquelles nous pensons qu'il faudrait renforcer notre approche. Comme je l'ai dit, nous apprécions vraiment l'approche pancanadienne et l'engagement à assurer la cohésion des politiques d'aide et des autres politiques qui ont un effet sur le développement. Une bonne coordination et une bonne communication entre les ministères sont absolument indispensables pour que les politiques commerciales ne sapent pas nos efforts de développement, par exemple.
Ce qui n'est pas clair, ce sont les priorités. À notre avis, il est important de ne pas mélanger les objectifs. Ils doivent être bien clairs, car en fait, nos objectifs sont très différents. La défense, le commerce, la diplomatie et le développement ont des buts distincts, mais clairement reliés. Si l'on ne trace pas une ligne de démarcation entre l'action militaire, l'aide humanitaire et le développement humain, cela risque de compromettre les intérêts et les objectifs que nous espérons promouvoir.
¹ (1555)
L'Énoncé de la politique internationale engage le gouvernement à respecter les droits de la personne, mais nous estimons qu'il ne place pas les droits de la personne et l'éradication de la pauvreté au centre de la politique étrangère. L'élimination de la pauvreté est certainement abordée, mais elle ne l'est vraiment que dans le document sur le développement. L'obligation morale de mettre un terme à la pauvreté dans le monde est en grande partie absente de cet énoncé et risque de passer au second plan des intérêts du Canada dans la recherche de sa propre prospérité. Nous ne croyons pas vraiment que c'est ce que veulent les Canadiens.
Nous apprécions l'engagement du gouvernement à faire en sorte que les pourparlers de Doha donnent des résultats ambitieux -- ce que nous appuyons entièrement -- grâce à des règles plus équitables pour les pays en développement, mais nous pensons qu'il insiste trop sur la libéralisation du commerce comme panacée pour le développement. Ce n'est vraiment pas la seule solution. En fait, nous savons qu'à cause de la libéralisation du commerce, il peut être difficile aux pays en développement de se sortir de la pauvreté.
Une entente sur le commerce équitable pour les pays en développement permettra à ces derniers de choisir comment utiliser leur politique commerciale pour lutter contre la pauvreté et soutenir le développement de leurs industries nationales, tout comme le fait le Canada. Nous avons d'ailleurs quelques bons exemples à vous citer et nous savons qu'il y a au Canada des secteurs, comme le secteur laitier, qui comprennent bien ce que demandent les pays en développement. Nous pensons que le Canada peut jouer un rôle à cet égard.
En fait, ce sont des observations générales.
Nous vous félicitons également pour vouloir assurer la transparence de la représentation dans des institutions démocratiques efficaces. Nous demandons que ce principe s'applique aux institutions multilatérales comme l'OMC. Quelqu'un a comparé les pourparlers de l'OMC à 140 parties de poker qui se dérouleraient simultanément sans que les pays en développement n'aient les moyens de participer à chacune d'elles. Ils sont donc nettement défavorisés. Par exemple, y a-t-il des mécanismes pour soumettre les accords commerciaux à des comités parlementaires où il peut y avoir plus de transparence, de reddition de comptes et de dialogue?
Je voudrais maintenant parler du document sur le développement et je commencerai par la nécessité d'améliorer l'aide sur le plan quantitatif et qualitatif. Comme je l'ai déjà dit, la défense des droits de la personne qui doit sous-tendre toute la politique étrangère du Canada et l'objectif de la réduction de la pauvreté n'apparaît pas dans l'Énoncé. Même dans le document sur le développement, l'importance du développement est associée à nos propres intérêts sur le plan de la sécurité. Je pense qu'on mélange trop les objectifs. Les Canadiens veulent que leur aide améliore vraiment la vie des populations les plus pauvres de la planète. Nous avons la preuve absolue de la générosité des Canadiens et de leur désir de donner. Ils ont été d'une générosité sans précédent cette année.
En ce qui concerne la réduction de la pauvreté, elle ne doit pas servir notre sécurité ou nos autres intérêts, même si ces intérêts existent et qu'il faut en tenir compte. Il faudrait que l'aide cherche vraiment à réduire la pauvreté et soit le but premier de l'aide publique au développement. Je sais que d'autres l'ont demandé, et nous voulons seulement répéter qu'un mandat législatif concernant l'aide publique au développement nous garantirait que ces objectifs seront atteints.
En ce qui concerne l'allégement de la dette, le Canada doit être félicité pour les engagements qu'il a pris jusqu'ici et le rôle de chef de file qu'il a joué au G-8. Certaines questions restent toutefois préoccupantes. Les conditions imposées dans ces accords pour l'ajustement structurel peuvent nuire aux pays en développement. Une quarantaine de pays ont encore besoin d'un allégement immédiat de leur dette et nous invitons le Canada à poursuivre son rôle de chef de file à cet égard.
En ce qui concerne l'aide, nous apprécions les investissements et l'aide qui ont été apportés jusqu'ici et surtout l'engagement à doubler l'aide à l'Afrique d'ici 2008-2009. On s'est également engagé à l'augmenter au-delà de 2010. Nous ne sommes certainement pas les premiers à vous le dire, mais nous affirmons très clairement que le Canada doit tenir sa promesse d'atteindre 0,7 p. 100 d'ici 2015. Avec une des économies les plus robustes au monde… Je viens d'assister à une conférence sur le volontariat international réunissant des gens de 15 pays différents et je peux vous dire que le Canada n'est pas considéré comme un chef de file.
º (1600)
Il y a d'autres pays comme la Norvège qui ont déjà atteint et même surpassé cet objectif. Nous avons du mal à justifier cette situation alors que nous avons une économie aussi robuste et un gouvernement qui enregistre des excédents budgétaires les uns après les autres. Il nous sera impossible d'occuper notre place dans le monde si nous ne pouvons pas nous imposer un délai pour respecter cet engagement de longue date envers la communauté internationale.
Pour ce qui est du cadre d'action du document sur le développement, nous reconnaissons la nécessité d'une concentration sectorielle accrue et nous sommes généralement d'accord avec le cadre qui est présenté ainsi que les critères. Néanmoins, comme d'autres l'ont dit également, étant donné que la majeure partie des pauvres vivent en milieu rural, le développement de l'agriculture et des régions rurales doit être une priorité. Nous apprécions également l'engagement pris envers le développement du secteur privé. Plus particulièrement, nous avons constaté qu'il était essentiel de répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises, surtout dans l'économie informelle. Nous reconnaissons également qu'il est essentiel de mettre l'accent sur le rôle des femmes comme chefs d'entreprise.
Nous apprécions aussi la discussion sur l'environnement favorable au développement du secteur privé qui reconnaît l'importance des règles et règlements gouvernementaux, par exemple. Mais le document ne parle pas des besoins particuliers des paysans, par exemple, ni du droit des femmes de posséder des terres et des biens et d'avoir accès aux terres. Cela contribue également à créer un environnement propice.
Le fait qu'on reconnaisse la nécessité d'aider les entrepreneurs à approvisionner les marchés locaux et internationaux est également quelque chose de positif. Mais on n'insiste pas suffisamment sur la nécessité stratégique d'accorder la priorité aux marchés locaux et régionaux plutôt qu'aux marchés internationaux.
Je vais parler de la bonne gouvernance. Là encore, c'est une priorité que nous reconnaissons et nous croyons certainement important d'aider les pays à réunir les conditions qui permettront un développement sûr et équitable. Comme vous l'avez constaté au cours des deux derniers jours, un élément clé de la bonne gouvernance est une société civile forte et dynamique qui peut travailler avec le gouvernement, mettre des programmes en oeuvre, permettre aux citoyens de se faire entendre et exiger des comptes de leurs gouvernements. Il n'y a pas de bonne gouvernance sans citoyens actifs et engagés, et la société civile joue vraiment un rôle essentiel à ce niveau-là.
Nous disons que vous devez investir directement dans la société civile par l'entremise des organismes canadiens de la société civile qui ont accumulé des années d'expérience en travaillant avec des groupes du Sud et investir dans l'infrastructure permettant de les soutenir. Dans l'ensemble, la politique étrangère du Canada a besoin d'un cadre d'action -- et j'insiste sur le fait qu'il en manque un -- pour engager la société civile. Malgré les engagements répétés et la reconnaissance du rôle que joue la société civile…
En fait, à titre d'exemple, les engagements financiers de l'ACDI envers la société civile ont nettement diminué. La part de l'aide à la société civile est tombée de 28,5 p. 100 en 2000 à 18,5 p. 100 en 2004-2005. Nous en avons parlé à de nombreuses reprises et je pense que cela suscite beaucoup d'intérêt. Robert Greenhill, un président fantastique, semble comprendre le rôle de la société civile. Il faut un cadre politique reconnaissant le rôle de la société civile à tous les niveaux de l'ACDI, dans tous ses programmes et pas seulement dans le cadre d'un programme spécial.
En ce qui concerne l'égalité entre les sexes, nous nous réjouissons de voir le gouvernement reconnaître l'importance que cela revêt pour le développement. Certains diraient qu'il est utile d'en faire un thème général. Je pense qu'il y a toutefois certains risques. Par exemple, une critique que nous entendons souvent est qu'en généralisant le principe de l'égalité entre les sexes dans les objectifs de développement du millénaire, on ne l'a pas suffisamment concrétisé. Ce principe se retrouve ici et là, mais pas dans un des objectifs visant à régler les problèmes des femmes et je veux parler, en fait, de l'éducation des jeunes filles.
L'Énoncé court le même risque. Nous invitons donc le gouvernement à faire en sorte que chaque aspect de sa politique étrangère et de son développement tiennent compte des droits des femmes.
º (1605)
Pour ce qui est de cibler certains pays, nous sommes généralement d'accord avec la nécessité de le faire et c'est ce que nous avons fait nous-mêmes. Il faut toutefois pouvoir continuer à travailler avec les partenaires de longue date et les États fragiles.
Dans notre cas, par exemple, il y a le Zimbabwe et le Togo. Le Togo est l'exemple classique de pays dont tous les autres donateurs se sont retirés. Il y a des groupes de la société civile qui essaient d'exiger des comptes de leur gouvernement. Rien ne changera si nous ne les soutenons pas et si la communauté mondiale ne les aide pas. Nous ne pouvons pas les abandonner.
Je pense que c'est le rôle de programmes ciblés et je m'explique. Nous en avons de bons exemples. Le Canada a joué un rôle important en Afrique du Sud au cours de l'apartheid en soutenant les ONG, ce qui lui a valu plus tard des félicitations. Nous en avons de bons exemples et je pense que c'est essentiel.
En ce qui concerne l'engagement des Canadiens dans le développement par l'entremise du Corps canadien, encore une fois, nous nous réjouissons de l'engagement à faire participer plus de Canadiens au développement. Cela nous paraît essentiel. Nous reconnaissons que le gouvernement est en train de réviser le mandat du Corps canadien et j'ai assisté hier à une réunion avec un tas de gens différents. Nous avons quelques observations à formuler qui pourraient peut-être vous être utiles.
Tout d'abord, les objectifs du Corps canadien ne sont pas clairs.
º (1610)
Mme Beth Phinney: Ils ne sont pas quoi?
Mme Karen Takacs: Ils ne sont pas clairs. Il a été question, au départ, de faire participer des jeunes Canadiens et de promouvoir la bonne gouvernance. Je dirais que ce sont là deux objectifs très distincts. Il est parfois possible de les concilier, mais si c'est le cas, les programmes deviennent imprécis.
À notre connaissance, nos partenaires du Sud ne réclament pas que davantage de jeunes aillent les aider à découvrir comment élaborer des processus démocratiques. Cela ne veut pas dire que l'idée de faire participer les jeunes n'est pas bonne, mais ce n'est pas la même chose que de promouvoir une bonne gouvernance. Les jeunes Canadiens ont beaucoup à apporter et beaucoup à apprendre, mais ils ne sont probablement pas les agents les plus compétents pour travailler avec les pays en développement à résoudre des problèmes de gouvernance ou bien d'autres problèmes.
Si nous voulons faire participer les jeunes Canadiens, ce doit être une stratégie distincte. Je dirais qu'il faut faire participer non seulement les jeunes Canadiens, mais les Canadiens de tous âges et de tous les milieux, car ils ont beaucoup à apporter et veulent participer au développement. Pour que leur participation soit significative, il faudrait s'efforcer de répondre aux besoins de nos partenaires du Sud. Si nous commençons par là, les Canadiens apporteront une contribution utile et importante et auront le sentiment d'avoir amélioré les choses et pas seulement d'avoir gagné une expérience internationale.
J'ai presque terminé.
En ce qui concerne la gouvernance, je dirais que la définition est étroite et j'ai parlé de l'importance du rôle de la société civile à cet égard. Il est question de la nécessité de coordonner la participation canadienne et d'avoir un guichet unique. Nous ne pensons pas que ce soit nécessaire.
En fait, s'il y a plusieurs guichets, cela permet à toutes sortes de Canadiens de participer. Il y a bien des façons de le faire. Chaque organisme a ses propres membres et rejoint des gens différents, que ce soit les personnes âgées, les cadres, les collectivités disparates et les collectivités ethnoraciales. Ces visages différents permettent aux gens de communiquer plus facilement et ils ne considèrent pas nécessairement que le gouvernement est la bonne solution. Cela ne veut pas dire qu'une coordination et un meilleur accès ne sont pas nécessaires, mais je ne pense pas qu'un guichet unique soit la solution.
Enfin, pour ce qui est d'engager les Canadiens et de la vision de la citoyenneté mondiale, il ne s'agit pas seulement d'éduquer le public ou d'aider les collectivités outre-mer. La citoyenneté mondiale sous-entend une réflexion critique sur nos valeurs et nos obligations, sur l'apprentissage en collaboration et l'action avec les citoyens du monde entier. Nous pensons que l'Énoncé n'indique pas vraiment comment les Canadiens peuvent établir un véritable partenariat avec les gens du Sud pour résoudre les problèmes mondiaux et comment le gouvernement canadien peut vraiment engager les citoyens dans un dialogue véritable et permanent sur la coopération pour le développement.
Cela fait 40 ans que nous faisons participer les Canadiens. Nous savons qu'ils veulent absolument et désespérément participer. C'est ce que font les membres de Carrefour. Ils donnent leur temps et leur énergie pour aller travailler outre-mer. Ils lèvent des fonds pour le faire. Si nous faisons le bilan de l'année écoulée, il y a eu la campagne pour éliminer la pauvreté. Un grand nombre d'entre vous ont peut-être reçu des courriels. Il y a eu 250 000 Canadiens qui ont participé à la campagne, qui s'intéressaient sincèrement aux problèmes mondiaux et qui avaient beaucoup à dire et à apporter.
Nous disons simplement qu'en ce qui concerne les engagements concernant la transparence et l'imputabilité, nous devons voir aussi comment continuer, à tous les niveaux, à faire participer les Canadiens à un véritable dialogue et à leur permettre d'apporter ce qu'ils connaissent et ce qui intéresse.
Je vais m'arrêter là. Je vous remercie. Vous avez peut-être des questions.
º (1615)
Le président: Merci.
Qui va parler maintenant, M. Sparks ou Mme Schauerte?
Allez-y.
Mme Gwen Schauerte: Merci.
Je voudrais d'abord dire également, au nom du Conseil ontarien pour la coopération internationale et de nos membres, que nous apprécions l'invitation du comité permanent à participer au processus et l'occasion qui nous est donnée de vous faire part de nos idées et de nos priorités à l'égard de la politique étrangère du Canada.
Je voudrais commencer par décrire brièvement notre organisme. Le COCI regroupe près d'une soixantaine de membres qui sont des organismes bénévoles sans but lucratif de l'Ontario qui travaillent à la fois dans le Nord et dans le Sud à favoriser un développement durable, centré sur les populations, dans un environnement paisible et sain.
Le COCI souscrit aux principes d'une coopération juste et équitable entre le Nord et le Sud et cherche à promouvoir une éducation participative qui aide les Canadiens à acquérir une perspective mondiale et à agir pour faire régner la justice dans le monde.
Le COCI est un membre actif du Conseil canadien pour la coopération internationale et nous sommes un des sept conseils provinciaux ou régionaux du pays qui sont des conseils pour la coopération internationale. Nous approuvons les documents précédents et les discussions que le CCCI a eu avec le gouvernement en 2004 ainsi que les observations du CCCI sur l'Énoncé de la politique internationale, que vous avez peut-être déjà reçues.
Nous profitons de l'occasion pour mentionner quatre questions qui préoccupent particulièrement nos membres au niveau provincial. Comme l'a mentionné le CCCI, l'Énoncé du gouvernement prévoit d'importantes initiatives pour renforcer la politique étrangère canadienne en augmentant l'investissement dans le développement, la diplomatie et la défense. Cet énoncé s'appuie sur les initiatives que le gouvernement a déjà prises pour accroître l'aide canadienne, tout en continuant à mettre l'accent sur les secteurs et les programmes qui apporteront une contribution essentielle à la réduction de la pauvreté dans un certain nombre de pays.
Le gouvernement réaffirme son engagement à concentrer ses ressources sur le plan de la diplomatie, de la défense et du développement, dans l'ensemble de ses efforts, surtout pour répondre aux conflits dans les États en déroute et fragiles.
L'Énoncé souligne l'importance primordiale du multilatéralisme dans un monde plus équitable et plus pacifique. Le Canada continuera de renforcer le consensus international quant à l'obligation de protéger les populations civiles dans les zones en crise, l'initiative des Nations Unies dans laquelle le Canada a également joué un rôle décisif.
Dans son avant-propos, le premier ministre a élargi cette notion de responsabilité à cinq responsabilités complémentaires: respecter les droits fondamentaux de tous les peuples; empêcher les terroristes de se procurer les moyens d'attaquer les civils innocents; répondre aux besoins des personnes vivant dans la pauvreté afin d'améliorer leur vie; assurer le développement durable pour les générations futures et enfin, l'engagement à investir dans les ressources humaines et financières des Forces canadiennes pour soutenir les opérations de paix dans les diverses zones de conflit, ce dont nous nous réjouissons. Ces initiatives, comme d'autres que prévoit l'Énoncé, sont des mesures importantes vers la mise en place d'une politique étrangère progressiste qui permettra au Canada de jouer le rôle de chef de file en s'attaquant aux problèmes urgents qui sont liés à la justice mondiale.
En même temps, l'Énoncé omet de placer la justice mondiale au centre du programme international du gouvernement. Comme l'a fait remarquer le Comité coordonnateur canadien pour la consolidation de la paix, il ne présente pas d'analyse stratégique des problèmes mondiaux permettant de situer les points forts et les points faibles de la contribution du Canada aux progrès dans ce domaine. L'Énoncé ne reconnaît pas et ne renforce pas les obligations fondamentales du gouvernement vis-à-vis des droits de la personne au niveau international. Nulle part le gouvernement ne s'engage assez clairement à travailler avec la communauté internationale par l'entremise des Nations Unies.
Le COCI a mis en lumière quatre questions problématiques en ce qui concerne l'Énoncé. La première est la place que la pauvreté et les droits de la personne occupent dans la politique étrangère du Canada. La deuxième est l'engagement public des Canadiens en tant que citoyens du monde. La troisième est celle des pays non prioritaires et de la politique à long terme de l'ACDI à l'égard d'un mécanisme de financement. La quatrième est la nécessité d'insister davantage sur le processus que sur le résultat.
Mon collègue Bill Sparks va maintenant aborder plus en détail chacune de ces questions.
º (1620)
Le président: Merci.
Monsieur Sparks.
M. William Sparks (vice-président, Conseil ontarien pour la coopération internationale): Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne la place de la pauvreté et des droits de la personne dans la politique étrangère canadienne, la pauvreté n'est vraiment abordée que dans les documents sur le développement. Les valeurs canadiennes sont souvent mentionnées dans le survol de l'Énoncé, mais l'obligation morale de mettre un terme à la pauvreté dans le monde passe largement sous silence. L'obligation de s'attaquer à la pauvreté dans le monde est plutôt considérée comme un des moyens de permettre au Canada d'assurer sa propre prospérité en réduisant la menace du terrorisme mondial et en intervenant face à l'insécurité régionale. L'élimination de la pauvreté n'est mentionnée nulle part comme un droit humain; le document parle des droits de la personne dans le contexte des valeurs canadiennes et du relativisme culturel.
Pour ce qui est de la méthodologie et des moyens, et de l'objectif des Nations Unies de 0,7 p. 100, l'Énoncé reconnaît que l'aide canadienne augmentera au-delà de 2010, mais sans fixer d'échéancier pour atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 du revenu national but d'ici 2015. Nous savons que votre comité est prêt à faire des recommandations énergiques au gouvernement à cet égard. Nous vous soutenons et nous invitons tous les membres du comité à promouvoir cet objectif au sein de leurs caucus respectifs. Comme nous l'avons entendu dire aujourd'hui, et comme l'ont dit d'autres groupes de la communauté des ONG, cet objectif a le soutien de toute la communauté du développement international du Canada.
En ce qui concerne la réduction de la dette, l'Énoncé reconnaît qu'il s'agit d'un élément crucial du financement du développement pour lequel le Canada a renouvelé son leadership. L'Énoncé soutient un plan d'allégement de la dette que le G-7 et les autres institutions internationales pourront appuyer et qui se traduira par une augmentation nette du financement accordé aux pays en développement, traitera les pays non prioritaires de façon équitable et préservera les incitatifs pour les réformes économiques et l'amélioration de la gouvernance. Toutefois, l'Énoncé ne tient pas compte de l'appui massif manifesté récemment au Canada pour le mouvement Jubilé 2000 en faveur d'une annulation totale et sans condition de la dette des pays les plus pauvres.
Pour ce qui est des menaces contre la sécurité, l'Énoncé brosse un tableau d'un monde centré sur la sécurité dans lequel les menaces contre la vie, les valeurs et la prospérité des Canadiens déterminent les décisions politiques. Il est légitime que les pays prennent des mesures pour prévenir les attaques contre les civils, mais c'est une description incendiaire de la menace terroriste qui est donnée dans la déclaration gouvernementale. Les États en déroute et fragiles sont considérés comme des havres pour les terroristes. L'investissement dans le contre-terrorisme est largement augmenté pour réduire la vulnérabilité face au terrorisme. Les armes de destruction massive sont un sujet d'inquiétude parce que les terroristes risquent de s'en emparer. La politique étrangère du Canada devrait être claire quant au fait que les conflits complexes qui font rage à l'étranger sont avant tout des catastrophes humanitaires plutôt que des menaces pour la sécurité canadienne ou des havres potentiels pour les terroristes.
En ce qui concerne la libéralisation du commerce, l'Énoncé mentionne la nécessité d'harmoniser les règles mondiales du commerce et de réduire les subventions agricoles, mais il affirme sans justification qu'une plus grande libéralisation du commerce apportera davantage de prospérité à tous les pays. Il insiste largement sur la nécessité de permettre aux pays en développement d'élaborer leurs propres stratégies de développement, que ce soit pour l'agriculture, la santé ou le développement industriel.
Sur le plan de l'Organisation mondiale du commerce, l'Énoncé affirme l'engagement du Canada envers un système de commerce multilatéral basé sur des règles et un rôle central pour l'OMC sur la scène mondiale. Il présente l'OMC comme un modèle de gouvernance positif sans reconnaître sa fragilité, l'injustice de la dynamique des pouvoirs, la mobilisation interne et citoyenne importante contre ses prises de décisions peu démocratiques et les conséquences de ces facteurs sur le déroulement des prochaines négociations.
COCI souhaite qu'en ce qui concerne la réduction de la pauvreté et des droits de la personne, une loi soit adoptée pour clarifier les obligations du Canada à l'égard des droits de la personne, pour contribuer à la réduction de la pauvreté et pour en faire le but exclusif de l'aide canadienne au développement.
Nous recommandons que le gouvernement canadien s'entende avec les autres pays donateurs, les activistes et artistes internationaux sur un échéancier pour porter le niveau de l'aide à 0,7 p. 100 de notre PNB d'ici 2015.
Nous souhaitons également que le gouvernement canadien réclame un processus décisionnel plus démocratique à l'OMC, y compris à la Conférence ministérielle de Hong Kong. Nous souhaitons des changements importants dans les règles du commerce et un engagement à défendre le droit des pays pauvres de gérer leurs frontières commerciales.
Nous voudrions que le gouvernement canadien poursuive ses objectifs commerciaux, y compris les nouveaux accords bilatéraux et régionaux, de façon transparente et imputable, en respectant ses engagements envers les droits de la personne et le développement ainsi que les principes du commerce équitable.
Pour ce qui est de l'engagement public des Canadiens en tant que citoyens du monde, le document sur le développement parle de faire participer les Canadiens à un dialogue, mais c'est dans un contexte de sensibilisation et de compréhension. Il n'est pas précisé si cela comprend la participation au dialogue politique.
Je remarque que les audiences d'aujourd'hui n'ont pas attiré un vaste auditoire. Je comprends les limitations du comité; c'est seulement la semaine dernière que vous avez obtenu votre budget pour voyager et vous avez dû envoyer rapidement les avis de convocation. Toutes ces complications limitent la démocratie; il faut en prendre conscience et y remédier.
º (1625)
Mme Beth Phinney: Il y aura un gouvernement conservateur la prochaine fois. Cela facilitera les choses.
M. William Sparks: Nous verrons.
Les gens ont besoin d'un préavis suffisant. Nous comptons plus de 55 membres. Un bon nombre d'entre eux auraient pu venir et nous aurions pu avoir le temps de les consulter et de présenter un programme solide, comme vous le savez.
Mme Beth Phinney: Il fallait que nous obtenions l'autorisation de tous nos whips et, comme vous le savez, avec un gouvernement minoritaire, tout le monde cherche à politicailler.Ce n'est pas une chose que nous pouvions…
M. William Sparks: Oui.
Mme Beth Phinney: Nous devions ou bien ne rien faire ou bien agir avec un court préavis. Comme je l'ai dit, le préavis a été court pour nous aussi.
M. William Sparks: Comme vous le savez, les différents groupes ont demandé que vous teniez des consultations un peu partout au Canada, c'est pourquoi nous l'apprécions et je sais que vous travaillerez fort pour consacrer suffisamment de temps et accorder suffisamment de place à ces consultations.
Le document sur la diplomatie parle d'accroître la capacité d'élaboration des politiques sans mentionner le rôle du public ou de la société civile. Il faut remédier explicitement à ce manque de cohérence en élargissant les possibilités et les mécanismes de dialogue et de discussion sur la politique internationale du gouvernement canadien en accordant aux citoyens qui résident en dehors des grandes villes canadiennes suffisamment de temps pour se préparer aux audiences et y participer.
La discussion sur la diplomatie publique porte principalement sur les possibilités d'éducation transculturelle pour mieux sensibiliser les Canadiens, mais il s'agit surtout pour les Canadiens de promouvoir leurs propres intérêts. La vision d'une citoyenneté mondiale dont il est question dans le document sur le développement est une vision étroite qui reste liée à l'ancienne notion de l'éducation du public quant au rôle du Canada dans le monde et l'aide que les experts canadiens apportent aux collectivités d'outre-mer dans le besoin. Elle passe à côté d'un processus mutuellement bénéfique qui permettrait aux Canadiens de travailler avec les populations du Sud à résoudre de nombreux problèmes, dans le cadre d'un partenariat.
COCI souhaite que l'ACDI élabore un cadre politique précisant les enjeux et les approches visant à renforcer le rôle de la société civile, incluant une stratégie gouvernementale d'engagement du public avec une vision moderne de la participation active des citoyens au Canada et à l'étranger, de meilleures possibilités de s'informer et d'exercer une influence sur l'élaboration des politiques pour les Canadiens, une compréhension de la citoyenneté mondiale reflétant nos valeurs et nos obligations, un apprentissage en collaboration avec d'autres citoyens dans le monde ainsi que des décisions et des mesures éthiques, ici et à l'étranger. Il ne s'agit pas de résoudre les problèmes ou d'aider à les résoudre comme s'ils touchaient seulement les autres.
En ce qui concerne les pays non prioritaires et la politique à long terme de l'ACDI au sujet des mécanismes de financement, les membres de chaque conseil provincial et régional pour la coopération internationale ont été inquiets et étonnés devant la récente décision de l'ACDI de retarder indéfiniment l'appel de propositions pour le Mécanisme de projets ONG ainsi que pour le Programme d'environnement et de développement durable. Nous avons été particulièrement déçus de voir combien cette décision faisait du tort aux petites ONG qui dépendent des petits projets pour créer des liens de développement tangibles entre les Canadiens et les collectivités locales à l'étranger. Si vous voulez en savoir plus, nous avons des tas d'exemples à vous citer.
C'est surtout par l'entremise des ONG que les Canadiens participent au développement international. L'aide canadienne au développement international diminuera s'il n'y a pas de lien crédible avec la participation locale. La décision de l'ACDI de différer indéfiniment le financement du Mécanisme de projets ONG et le mouvement vers le développement bilatéral inquiètent beaucoup le secteur des ONG quant à l'avenir de la Direction générale du Partenariat canadien de l'ACDI.
Cette situation amène également à se demander comment le gouvernement canadien propose de rendre des comptes aux citoyens s'il n'existe aucune possibilité véritable pour ces derniers de jouer un rôle dans le secteur du développement international. Les ONG canadiennes sont le premier et souvent le seul lien que de nombreux citoyens ont avec le développement international. La suppression de ces petits projets est une autre façon de couper les liens entre les Canadiens et la communauté internationale et nous savons que tel n'est pas le but du gouvernement canadien.
Le succès du secteur du développement international repose sur la participation du public et de solides relations entre les organismes de développement international et l'ACDI. Si l'ACDI veut que les Canadiens soutiennent le développement international, elle doit reconnaître que les petites ONG et les organisations de la société civile sont essentielles pour obtenir l'engagement et le soutien du public, souvent au niveau régional ou à une échelle plus réduite.
À cet égard, nous voudrions qu'on s'intéresse à plusieurs pays qui n'ont pas droit à l'aide publique au développement de façon prioritaire. Le Canada va-t-il rester actif dans ces pays? Et si c'est le cas, quelle sera la nature de son engagement?
Enfin, nous souhaitons que l'on insiste davantage sur les moyens que sur les résultats. Nous avons été étonnés de constater l'inverse dans l'Énoncé et documents préparatoires. Cela va totalement à l'encontre du processus et de l'orientation du COCI. Nous avons constaté que le processus détermine les résultats. D'après notre expérience, un processus participatoire débouche sur de meilleurs résultats. Nous avons constaté que l'engagement des pays du Sud par l'entremise des organismes de leur société civile dans un processus participatoire humanise une gestion fondée sur les résultats et permet au bénéficiaire, c'est-à-dire le monde entier, de déterminer les résultats.
Nous désapprouvons cette insistance sur les résultats et nous sommes pour un processus participatoire qui engage les gens à déterminer les résultats.
Merci.
º (1630)
Le président: Merci.
J'aurais d'abord quelques observations à faire. Premièrement, je dois dire que nous sommes très heureux d'être ici. Les ONG sont très importants à nos yeux. Nous consultons le maximum d'ONG possible au Canada, leur direction nationale. Je dois dire que si le Canada conserve une telle réputation dans le monde, c'est grâce à nos ONG qui travaillent sur le terrain. J'en suis fermement convaincu.
Je voudrais également parler des 0,7 p. 100. Notre comité a déjà adopté un rapport à ce sujet. C'était à l'unanimité. Les 12 membres du comité se sont mis d'accord sur l'objectif de 0,7 p. 100 pour 2015. D'autre part -- je pense que c'est le rapport numéro 12, mais ne je suis pas certain du chiffre -- nous avons adopté un rapport concernant les droits de la personne et les sociétés minières canadiennes qui travaillent à l'étranger, ce qui est aussi, je pense, un sujet très important. Ce rapport a également été adopté à l'unanimité. Cela ne veut pas dire que nous sommes satisfaits de la réponse du gouvernement, mais nous le poussons à agir et je pense que c'est le rôle des parlementaires.
Quant au fait que de nombreux autres ONG voudraient comparaître devant le comité, je dirais simplement que nous tenons une consultation sur Internet. Il leur suffit de consulter notre site Web et chacun de ces organismes pourra donner son opinion. Il y a un questionnaire concernant la défense… ou il peut s'agir de la diplomatie ou du développement. Ils peuvent y ajouter ce qu'ils veulent à la fin. N'hésitez pas à en parler aux ONG que vous connaissez. Leurs opinions sont les bienvenues.
C'est très important, car même si nous sommes allés à Winnipeg et Toronto -- et demain nous serons à Montréal -- dans toutes les capitales, nous estimons que les ONG des petites régions rurales sont également très importantes. Les idées ne viennent pas seulement des capitales comme Toronto, Montréal ou Vancouver. Beaucoup de gens ont de bonnes idées à nous apporter et voilà pourquoi nous tenons cette consultation sur Internet.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Vous avez la parole, cher collègue.
º (1635)
Mme Beth Phinney: J'aurais des tas de questions à poser, mais j'en poserai seulement deux pour commencer.
Vous savez sans doute que les Affaires étrangères ont été divisées et que le Commerce international a été mis de côté -- ou peut-être que le partage est équilibré, je l'ignore. Je voudrais seulement savoir si à votre avis, cela facilite ou complique votre travail.
Mon autre question concerne l'ACDI. Je voudrais savoir si à votre avis -- et d'autres groupes en ont parlé -- elle devrait être un peu plus transparente au sujet de toutes ses activités, davantage prête à faire le bilan des projets qui n'ont pas marché -- ou qui ont bien marché -- et de consulter les ONG à ce sujet.
Voulez-vous commencer, Karen?
Mme Karen Takacs: Je commencerai par la dernière question concernant nos relations avec l'ACDI. Je dois dire que nos relations avec l'ACDI se sont énormément améliorées depuis deux ans. C'est en partie parce que nous commençons à travailler ensemble dans le cadre d'un véritable partenariat. Voilà ce que nous pouvons dire. Mais je sais que ce n'est pas le cas partout. Cette situation pourrait toutefois se généraliser. Il y a des leçons à en tirer.
Par exemple, nous avons participé à l'établissement des critères pour les nouveaux accords avec nos partenaires de l'ACDI ainsi qu'à une évaluation du programme, encore avec des consultants de l'extérieur, mais nous y avons participé. Cela a débouché sur un accord pour cinq ans. Cet accord nous a permis de travailler ensemble, car nous n'avons pas peur de devoir négocier l'année prochaine et de ce qui se passera alors. Cela veut dire que nous pouvons essayer de nouvelles choses. Cela veut dire que nous pouvons prendre certains risques et que nous pouvons apprendre ensemble.
Ce ne sont pas des pratiques répandues dans l'ensemble de l'ACDI. À mon avis, ce genre de choses contribuent à augmenter l'imputabilité et la transparence.
Je sais que le groupe du partenariat qui a été mis sur pied -- il en a été question dans l'Énoncé, il s'est déjà réuni et apparemment sa première réunion a été un succès -- s'est penché sur toute la question de savoir comment l'ACDI travaille dans le cadre d'un véritable partenariat. Ce groupe a notamment envisagé -- ce que j'approuve -- d'utiliser l'accord signé avec le secteur bénévole, le cadre de travail avec le secteur bénévole pour définir les relations entre l'ACDI et ses partenaires, pas seulement le secteur des ONG, mais également le secteur privé. Il est question ici de transparence, d'imputabilité, d'accords à long terme afin que les gens puissent essayer des choses, apprendre et partager ce qu'ils ont appris, commettre des erreurs et en tirer également la leçon. Si vous ne faites pas d'erreurs, vous ne progresserez jamais, n'est-ce pas?
Par conséquent, les questions que vous soulevez ont beaucoup d'importance à nos yeux. Il y a une plus grande ouverture. Je ne sais pas si on peut généraliser. Nous avons apprécié les progrès que nous avons constatés dans certains domaines particuliers. Je pense qu'il faut les généraliser. Certaines décisions récentes comme l'annulation du Mécanisme de projets ONG nous ont inquiétés énormément pour diverses raisons. Ce n'est pas une bonne façon de procéder; ce n'est pas ainsi qu'on travaille avec ses partenaires, un point c'est tout. Cela nous préoccupe.
Pour ce qui est du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, comme nous l'avons dit, cela ne touche pas directement notre travail, mais nous constatons des effets indirects sur nos partenaires. Nos priorités internationales doivent être cohérentes. Je sais que nous avons nous-mêmes des intérêts particuliers, mais quand le commerce l'emporte sur le développement, comme je le constate, cela rend les choses difficiles.
Le président: Merci.
Voulez-vous ajouter quelque chose rapidement? Allez-y, monsieur Sparks.
M. William Sparks: Très bien. Nous pouvons certainement constater ici que le commerce l'emporte sur le développement et ce n'est pas une bonne chose.
Il est effrayant de voir comment le petit ministère de l'Industrie et du Commerce qui existait il y a 40 ans est devenu un partenaire à part entière de l'ancien ministère des Affaires extérieures et que c'est maintenant le ministère qui a le plus d'influence sur la politique étrangère du Canada. Cela fait du Canada non pas un pays axé sur le développement international et l'égalité pour tous les peuples, comme il en a encore la réputation, mais plutôt un pays qui gobe tout ce que le G-8 a à lui proposer. Je trouve cela regrettable.
En ce qui concerne l'ACDI, nous constatons un certain désir de faire preuve d'ouverture et de transparence, ainsi que certains progrès au niveau de l'engagement dans l'évaluation des projets. Il y a donc quelques progrès sur ce plan.
Nous pensons qu'un mandat législatif guiderait davantage l'ACDI, car il y a énormément de changements dans le personnel et les ONG doivent constamment éduquer les gens de l'ACDI.
Kim, voulez-vous parler du Mécanisme de projets ONG?
º (1640)
Mme Kimberly Gibbons (coordonnatrice, Conseil ontarien pour la coopération internationale): Oui, dans la mesure où je suis au courant. Une chose qui nous inquiète, ainsi que les autres conseils provinciaux et un grand nombre de petits ONG, c'est la rétroaction. Je sais que le Fonds pour l'innovation a été mis en place afin de compenser pour le Mécanisme de projets ONG, mais un grand nombre d'organismes, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique, ne savent toujours pas quand le financement leur sera accordé, ce qui est inquiétant. Même si le groupe d'experts s'est réuni, nous ne savons pas encore quels seront les résultats de cette réunion et quand on en aura des nouvelles.
Le président: J'ai une question à poser avant que nous ne finissions, madame Takacs.
Vous avez dit que vous êtes actifs dans neuf pays. Vous avez réduit ce nombre de je ne sais quel chiffre à neuf, mais vous travaillez maintenant en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest et en Amérique du Sud. Beaucoup de gens parlent de la Norvège. Les pays nordiques et les Pays-Bas… La Norvège est actuellement présente dans neuf pays et apporte de l'aide dans certains autres pays, peut-être 15 ou 16. Je ne connais pas le chiffre exact. Pensez-vous qu'en réduisant notre aide, les deux tiers de notre aide bilatérale à 25 pays, ce chiffre reste encore trop élevé? Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que ce soit un progrès?
Le problème est que chaque fois que le premier ministre voyage dans le monde, il fait toutes sortes de promesses à tous les pays. Nous n'avons qu'un montant d'argent limité et nous estimons qu'il faut également aider les pays qui veulent être aidés, dans un certain sens, et il a tellement de pays dans le monde.
Voilà ma première question.
Vous avez dit aussi que les objectifs doivent être clairs. Je suis entièrement d'accord avec vous.
Je voudrais également revenir sur l'idée de l'engagement des jeunes Canadiens par l'entremise du Corps canadien. Je ne vous demande pas de répondre tout de suite, car c'est une question qui préoccupe le comité étant donné que nous voulons faire participer les jeunes Canadiens. Nous essayons même d'aller à l'Université de Toronto. Il est trop coûteux pour le comité de tenir ses audiences là-bas. Voilà pourquoi nous sommes dans un hôtel. Demain, nous serons à Montréal, dans une des universités montréalaises. Nous y tiendrons un assemblée publique avec l'université.
Ma question concernant les jeunes Canadiens est la suivante. Pour promouvoir la gouvernance, comment commençons-nous par faire participer les jeunes Canadiens? Peut-être pourrez-vous tous les deux nous répondre, dans une semaine ou deux, en nous indiquant également comment faire participer la population canadienne, car nous voulons son engagement. Je suis convaincu que le gouvernement le souhaite aussi, mais quelle est la meilleure façon d'y parvenir?
Vous avez tous de bons exemples à citer, mais ils ne vont jamais jusqu'aux oreilles de la population canadienne et nous aimerions avoir votre opinion à ce sujet.
Mme Karen Takacs: Très bien. Merci.
Pour ce qui est de cibler certains pays, c'est une question difficile et je ne sais pas quelle est la bonne réponse. Mais d'un point de vue plus rationnel, je dirais qu'il s'agit de consacrer des ressources particulières par diverses méthodes. Je ne pense pas que les institutions multilatérales ou les approches sectorielles suffiront. Il faut un vaste éventail d'options, que ce soit l'allégement de la dette ou tout le reste. Bien entendu, il est logique de diriger l'aide vers certains pays en particulier, mais je ne pense pas qu'il faut s'y limiter.
Encore une fois, de bons programmes doivent permettre de continuer à soutenir la société civile, par exemple dans les pays qui ont un gouvernement antidémocratique ou corrompu, à la fois au niveau bilatéral et… Je crois que le mécanisme d'intervention est essentiel et je ne pense pas que cette question soit abordée dans l'Énoncé de la politique internationale.
Voilà donc ma réponse en quelques mots.
Le président: Bien. C'est important.
Mme Karen Takacs: La liste comptait 35 pays il y a cinq ans. Nous l'avons ramenée à 28, puis à 15, puis à neuf. Nous avons également eu de la difficulté à le faire.
Le président: Voilà pourquoi je vous ai posé la question.
Mme Karen Takacs: Absolument. Encore une fois, c'est en partie uniquement parce que nous disposons de ressources limitées. Nous essayons d'être efficaces.
Je ne sais pas si c'est la bonne réponse. Nous vous le dirons dans quelques années.
Nous avons écrit un document sur le Corps canadien que nous nous ferons un plaisir de vous remettre et nous avons quelques idées que nous sommes bien prêts à partager avec vous.
º (1645)
Le président: Nous l'apprécierions. Pouvez-vous le remettre à la greffière?
Mme Karen Takacs: Certainement.
Plus précisément, je dirais que l'ACDI a fait une évaluation du programme de coopération volontaire qui regroupe tous les organismes financés pour faire des échanges de volontaires. L'un de nos objectifs est d'amener les Canadiens à s'engager et je pense que nous le faisons de façon très efficace.
Ce que cette évaluation nous a appris c'est que si vous voulez le faire, il faut des stratégies. Il vous faut divers mécanismes, de nombreux partenaires et des ressources. L'ACDI a fait de l'engagement du public une priorité depuis de nombreuses années, mais sans jamais y consacrer des ressources importantes.
On nous a dit l'année dernière, par exemple... depuis des années, il fallait respecter une règle -- parfois écrite, mais pas toujours -- voulant qu'on ne puisse pas consacrer plus de 10 p. 100 des ressources à l'engagement du public malgré les attentes à cet égard. L'année dernière on a dit que finalement la règle de 10 p. 100 ne s'appliquait plus, qu'on pouvait dépenser plus d'argent si on le voulait. Mais on ne nous a pas donné de ressources supplémentaires.
Comme le financement n'a pas augmenté au cours des cinq années suivantes, contrairement à nos dépenses… Il faut du temps et de l'argent pour bien faire ce travail. Comme je l'ai dit, nous avons eu de nombreux exemples, l'année dernière, montrant à quel point les Canadiens veulent faire leur part.
Nous avons des idées dont nous serions heureux de vous parler. Je pense que le gouvernement peut faire certaines choses. Les possibilités sont fantastiques. En rencontrant les Canadiens dans vos bureaux et sur la Colline parlementaire, vous avez également d'excellentes possibilités. Nous essayons d'inviter les Canadiens de toutes les couches de la société à se prévaloir de ces possibilités.
Je pense que c'est ce que les organisations de la société civile font par définition. Nous faisons participer les gens à nos conseils d'administration et à nos comités. Ce sont des façons concrètes de permettre aux Canadiens de s'informer et de participer directement. Voilà pourquoi il faut soutenir la société civile, c'est pour que nous puissions jouer ce rôle.
Le président: Merci.
Avez-vous d'autres brèves observations avant de conclure?
Oui, Gwen.
Mme Gwen Schauerte: Pour faire suite à ce que Karen vient de dire au sujet de l'engagement des Canadiens, nous allons certainement fournir une réponse plus détaillée.
Le président: D'accord. Ce serait très apprécié.
Mme Gwen Schauerte: En tant que conseil provincial, nous savons que par le passé nous avons soutenu des centres de formation qui sont des centres de ressources locaux sur la situation dans le monde. C'est un moyen très rentable de sensibiliser les gens à des problèmes très complexes, de leur faire comprendre toutes les implications historiques économiques et autres d'un problème particulier, à un niveau très local. C'est certainement un moyen important d'amener les gens à s'engager, en finançant ces organisations. Leur financement a été réduit à la fin des années 80 et depuis, les fonds disponibles n'ont pas été suffisants pour qu'on ait le même genre d'initiatives en Ontario.
Nous pourrions donc vous fournir plus de précisions à ce sujet.
Le président: J'aimerais que vous le fassiez.
Pour conclure, je vous remercie infiniment d'être venus.
Nous sommes très satisfaits de ce que nous avons appris ici, à Toronto. Je veux seulement vous faire savoir qu'hier soir, nous avons tenu une assemblée publique. Plus de 25 personnes y ont pris la parole. La participation y était très variée et allait des Taïwanais aux Palestiniens en passant par les ONG. C'était une excellente réunion.
Encore une fois, merci beaucoup.