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Mesdames et messieurs, je suis désolé que nous commencions nos travaux un peu en retard ce matin.
Bienvenue à la 19e séance du Comité permanent du commerce international. Ce matin, nous aborderons les relations commerciales canado-américaines. Nous accueillons des témoins du Syndicat des Métallos, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. Nous accueillons également Elliot J. Feldman, avocat spécialisé en droit commercial, de Washington.
Je vais présenter le groupe de témoins, puis prier chacun d'entre eux de faire une brève déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Tout d'abord, j'aimerais accueillir M. Feldman, un avocat spécialisé en droit commercial de Washington. Merci de comparaître à nouveau devant nous. J'aimerais également accueillir Erin Weir, du Syndicat des Métallos; Guy Caron, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et Jayson Myers, de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. Merci à tous d'être venus ici ce matin.
Je vais vous demander de débuter. Chacun d'entre vous fera une brève déclaration.
Nous pourrions peut-être commencer avec M. Caron.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent du commerce international, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.
Notre secrétaire trésorier, M. Gaétan Ménard, devait au départ vous faire une présentation, mais malheureusement, la situation qui touche AbitibiBowater l'a retenu à Montréal.
Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier représente 150 000 membres d'un bout à l'autre du Canada, dont environ 60 000 dans le domaine de la foresterie, incluant 7 500 membres d'AbitibiBowater. Les questions reliées à la situation de l'industrie forestière nous touchent de très près.
Je vais vous parler brièvement de deux sujets particuliers qui affectent les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de la foresterie, c'est-à-dire du bois d'oeuvre, mais plus particulièrement de la liqueur noire. En ce qui a trait au bois d'oeuvre, le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier avait appuyé l'entente, mais un peu à reculons parce qu'on pouvait déjà percevoir les effets pervers de cet accord. Ces effets pervers se sont malheureusement concrétisés. En effet, l'industrie a perdu beaucoup de sa capacité de concurrencer l'industrie américaine.
Par exemple, sur les graphiques suivants, vous pouvez voir que le prix de référence mensuel du bois d'oeuvre, depuis la signature de l'entente, n'a jamais dépassé le montant minimum qui permettrait qu'une taxe moins élevée ou des quotas plus élevés soient appliqués. Par conséquent, depuis qu'on a signé l'entente, les taxes à l'exportation, pour les options A et B, ont été à leur niveau maximum, c'est-à-dire 15 p. 100 et 5 p. 100 respectivement, et le quota auquel ont été assujettis ceux qui ont choisi l'option B a toujours été à son niveau minimum, soit 30 p. 100 du marché américain.
Dans ce sens, l'accord sur le bois d'oeuvre a été satisfaisant pour l'industrie américaine. L'impact sur les exportations a été majeur. Le graphique de la page 3 indique que depuis la signature de l'entente, les exportations canadiennes ont été réduites de moitié. Ça démontre encore une fois que l'accord a eu un impact. Par contre, il n'est pas la seule cause. En effet, l'impact est aussi imputable à la crise immobilière majeure qui sévit aux États-Unis. La combinaison de ces deux facteurs a donné lieu à la situation très difficile que vit présentement l'industrie canadienne.
Plutôt que de vous parler de bois d'oeuvre, je vais maintenant aborder un sujet qui nous préoccupe beaucoup présentement, mais dont vous n'avez probablement pas beaucoup entendu parler, soit la liqueur noire. Celle-ci est un résidu de la transformation des copeaux de bois en pâte kraft. Ce résidu, qui vient de la production forestière, est considéré comme un carburant renouvelable. Les usines elles-mêmes l'utilisent pour s'alimenter, s'autosuffire en matière d'énergie et réduire leur consommation d'électricité ainsi que d'autres formes d'énergie provenant de l'extérieur.
En 2005, les États-Unis ont adopté un crédit d'impôt sur le carburant de remplacement qui visait particulièrement l'éthanol. Pour chaque gallon d'énergie renouvelable mêlé à des carburants fossiles, on obtenait 50 ¢. Or, dès l'an dernier, soit quatre ans après la mise en vigueur de ce crédit d'impôt, l'industrie forestière des États-Unis s'est rendu compte qu'elle pouvait bénéficier de ce crédit d'impôt en ajoutant 0,5 p. 100 de diesel, un carburant fossile, à la liqueur noire, un carburant renouvelable dont elle disposait déjà.
Au bout du compte, en ajoutant un polluant à un carburant renouvelable, l'industrie forestière profite grandement de ce qu'on peut qualifier d'échappatoire. On estime en effet que pour 2009, ce crédit d'impôt procurera à l'industrie forestière américaine des pâtes et papiers des subventions qui, selon les estimés, se situent entre 5 et 10 milliards de dollars. L'impact est majeur également parce que plusieurs usines américaines qui étaient fermées ont rouvert leurs portes pour pouvoir bénéficier de ce crédit d'impôt. Donc, l'industrie américaine inonde le marché nord-américain de pâtes et papiers subventionnés.
Pour vous donner une idée de l'importance de ce crédit d'impôt, je précise qu'à 50 ¢ par gallon, l'avantage se chiffre aux environs de 200 $ ou 250 $ par tonne de pâte produite. Le coût de production actuel est d'environ 500 $ par tonne. Autrement dit, le crédit d'impôt américain subventionne présentement à peu près la moitié des coûts de production de pâtes aux États-Unis.
International Paper, qui est le plus grand producteur de carton ondulé aux États-Unis, prévoit bénéficier à lui seul d'environ un milliard de dollars pour 2009. À ce jour, il a déjà bénéficié de 330 millions de dollars. L'impact au Canada est massif. On parle déjà de commandes perdues à Espanola, dans le Nord de l'Ontario. L'usine Domtar qui s'y trouve a transféré ses commandes à des usines américaines, de façon à bénéficier du crédit d'impôt. Vous avez probablement entendu parler de l'usine Fraser, à Thurso, qui a malheureusement fermé ses portes pour une période indéterminée. Cette fermeture est directement reliée à la liqueur noire. L'usine d'Edmundston, au Nouveau-Brunswick, est en danger, et on peut prévoir que d'autres usines canadiennes vont fermer pour ce motif.
Que peut-on faire face à ces situations? D'abord, il faut comprendre que l'industrie forestière a de l'avenir. On dit souvent que cette industrie est en déclin, mais ce n'est pas vrai. Au Canada, l'industrie forestière a de l'avenir. Nous disposons de la ressource et de l'expertise pour la développer. Cette industrie a commis des erreurs dans le passé, on ne s'en cachera pas, mais il faut maintenant qu'elle réagisse et commence à s'adapter aux nouvelles réalités. Elle doit explorer de nouveaux créneaux, s'éloigner des produits de base comme le papier journal et la pâte marchande et commencer à développer de nouveaux produits. Il pourrait s'agir notamment de biocarburants à base de déchets, donc de produits secondaires pouvant être développés.
L'industrie forestière n'est pas une industrie de faible portée, au Canada. Elle est aussi importante, en termes de poids économique, que celle de l'automobile. De plus, elle emploie deux fois plus de gens que l'industrie automobile. Pourtant, cette dernière a bénéficié de beaucoup d'appui de la part du gouvernement fédéral. C'est pourquoi on demande que l'industrie forestière, pour qu'elle puisse s'adapter aux nouvelles réalités du marché, bénéficie du même type d'appui dont a bénéficié l'industrie automobile à ce jour.
On a applaudi les garanties de prêts offertes à AbitibiBowater par le Québec. En revanche, MM. Blackburn et Lebel ont dit qu'il était impossible de réaliser ces garanties de prêts. Ce qu'on entend de la part du gouvernement, c'est que ça peut contrevenir à l'accord américano-canadien sur le bois d'oeuvre. Or, on dispose de deux avis juridiques. Un des deux nous a été envoyé, et l'autre a été envoyé au Conseil de l'industrie forestière du Québec. Ils démontrent que les garanties de prêts sont conformes à l'accord sur le bois d'oeuvre. Il est donc impossible d'invoquer cette excuse pour refuser de donner à l'industrie l'aide dont elle a besoin. Il faut aussi comprendre que l'accord sur le bois d'oeuvre sert à faciliter la gestion du commerce du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Il n'a jamais été question qu'il devienne un pacte de suicide pour l'industrie canadienne.
En ce qui a trait à la liqueur noire, ni le Congrès ni la Maison-Blanche ne semblent vouloir bouger. L'élimination de cette échappatoire aurait été la solution idéale, mais le lobby américain est très puissant, présentement. On parle même d'un crédit d'impôt qui devrait se terminer en décembre 2009, mais qui, selon certaines rumeurs, serait reconduit pour quelques années encore, ce qui sonnerait définitivement le glas pour l'industrie canadienne. Si on ne peut convaincre ni la Maison-Blanche ni le Congrès d'abolir cette échappatoire, la seule recommandation qu'il nous reste à faire est que le gouvernement canadien offre le même crédit d'impôt à l'industrie forestière pour lui permettre d'évoluer sur un terrain de jeu équivalent.
Vous aurez sans doute beaucoup de questions à me poser à ce sujet, et je vous invite à le faire.
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Merci, monsieur le président.
Je suis une fois de plus honoré de comparaître devant le comité, et je vous remercie de l'invitation. J'ai fourni un texte plus détaillé au greffier, et, pour tirer le meilleur parti de la très courte période qui m'est accordée, je serai bref.
Il me faut sans doute me décrire un peu plus en détail. J'étudie les relations entre le Canada et les États-Unis depuis 35 ans. J'ai été professeur à la faculté de commerce et d'administration des affaires à l'Université de la Colombie-Britannique, et j'ai ensuite dirigé le University consortium for Research on North America à l'Université Harvard.
Pendant 20 ans, j'ai représenté des intérêts canadiens en tant qu'avocat aux États-Unis, surtout dans des différends commerciaux. J'ai été parmi les premiers à représenter des intérêts canadiens dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado-américain, et je crois que j'ai comparu plus que tout autre avocat devant des groupes spéciaux du chapitre 19 de l'ALE et de l'ALENA. J'ai figuré pendant certain un temps au tableau de service des États-Unis relativement au chapitre 20. Je me suis aussi occupé de procès afférents au chapitre 11.
Je suis le premier avocat de l'extérieur retenu par la Commission de la frontière internationale depuis un siècle, et j'ai défendu la Commission dans la première poursuite intentée contre elle aux États-Unis. La Commission de la frontière internationale a été créée par les traités de 1908 et de 1925 entre les États-Unis et le Royaume-Uni au nom du Canada. Elle est généralement considérée comme la contrepartie « terrestre » de la Commission mixte internationale.
Le thème de mon allocution est l'indépendance, non pas en matière de souveraineté, mais plutôt en ce qui a trait à la neutralité et à l'impartialité. L'indépendance est l'ingrédient essentiel de la primauté du droit et la garantie la plus sûre de la justice. Je vais laisser entendre que ce concept est mis à mal dans les relations canado-américaines, qu'il a été lessivé de l'ALENA et qu'il est bafoué par la Commission de la frontière internationale. Les deux gouvernements fédéraux sont responsables de la situation. Cette perte d'indépendance signifie que les deux pays vont se retrouver aux prises avec un nombre croissant de différends de plus en plus difficiles à résoudre équitablement. Une autre solution pourrait être que le Canada et les États-Unis cherchent un nouveau terrain d'entente. Bien que je privilégie de réparer ce qui peut l'être, je suis d'avis que, particulièrement en ce qui concerne l'ALENA, le Canada doit regarder ailleurs, trouver un nouvel objectif, c'est-à-dire rechercher rien de moins qu'un nouveau traité pour l'Amérique du Nord, adapté aux enjeux du XXIe siècle.
Au coeur de l'ALENA se trouve un règlement des différends innovateur, encadré par trois chapitres: 11, 19 et 20. Il n'est pas nécessaire d'invoquer l'ALENA pour les mécanismes de règlement des différends relatifs aux investissements entre États. Le chapitre 11 a été traité d'une manière telle que les Canadiens se sont vu accorder moins de droits que ceux acquis par des ressortissants d'autres pays au moyen de traités d'investissement bilatéraux. Il vaudrait sans doute mieux que les Canadiens établissent de nouvelles ententes avec les États-Unis et le Mexique plutôt que de chercher à pallier les lacunes du chapitre 11 de l'ALENA.
Le chapitre 20 n'a pas été invoqué une seule fois par le Canada ou les États-Unis en dix ans. Si vous voulez résoudre des différends relatifs à la clause Buy American, le chapitre 20 est la voie désignée dans l'ALENA. Les mésententes relatives à l'ALENA ont été pléthoriques, mais les gouvernements n'ont pas cru bon d'utiliser le mécanisme que l'Accord a créé pour les résoudre.
Le chapitre 19 est unique. D'après ses propres règles, il a été créé pour l'examen « rapide, juste et peu coûteux » des différends commerciaux. Le gouvernement canadien ne s'est jamais gêné pour critiquer les groupes spéciaux de l'ALENA, dont il déplore la lenteur et les coûts élevés. Les graphiques et tableaux que j'ai distribués, et que j'espère que vous avez entre les mains, montrent qu'ils sont devenus d'une lenteur notoire, bien que rien ne prouve qu'ils soient plus onéreux que d'autres solutions juridiques. Ces groupes spéciaux ont souvent bien servi le Canada.
Cependant, plutôt que de s'engager à corriger les problèmes du chapitre 19, le gouvernement canadien, tout en clamant le contraire, a fait une croix dessus. Le gouvernement fédéral a collaboré avec les États-Unis pour empêcher un groupe spécial binational de parachever la décision selon laquelle le bois d'oeuvre canadien n'était pas subventionné. Le gouvernement a pris 50 millions de dollars de l'industrie canadienne pour financer une autre solution au chapitre 19, qui répudiait tous les principes de ce dernier; ladite solution a exposé l'industrie canadienne à des dommages pécuniers pour la première fois en commerce international, avec une première sentence de 68 millions de dollars de plus, qui sera fort probablement suivie de nombreux autres.
Cette façon de faire a coûté plus d'argent à l'industrie canadienne que toute autre contestation menée aux termes du chapitre 19, et les résultats ont été résolument pires. Malheureusement, on ne peut revenir en arrière. Les États-Unis n'accepteraient pas de remédier au chapitre 19 même si le Canada était prêt à essayer. L'indépendance réelle du chapitre 19 est bel et bien morte, tout comme l'innovation et l'utilité réelle de l'ALENA.
L'ALENA a été conçue pour réduire les tarifs, pour accroître les échanges et pour améliorer le règlement des différends commerciaux. Les tarifs ont été réduits. Cependant, le commerce canado-américain stagne depuis plus de 10 ans, comme l'illustrent les tableaux et les diagrammes que je vous ai remis.
À l'opposé, il y a eu une croissance importante du commerce avec l'Union européenne. Le système de résolution des différends de l'ALENA a été mis de côté. Cela a eu pour conséquence le déclin de la concurrence nord-américaine et l'absence d'institutions pour faire face aux enjeux du XXIe siècle.
Cette perte d'indépendance, de règlement judiciaire de différends fiable et neutre, n'a pas touché que l'ALENA. Quand le président Bush affirmé que l'organisme international qui délimite et surveille la frontière entre le Canada et les États-Unis, la Commission de la frontière internationale, ou CFI, est en réalité un organisme des États-Unis, tel que le clamait son administration, et que le commissaire nommé pour participer au processus décisionnel mixte consensuel avec le Canada devait en réalité suivre les instructions présidentielles, le gouvernement du Canada n'a rien dit.
Pourtant, l'administration Bush a supplié le Canada de lui accorder son appui dans la bataille qu'elle menait devant les tribunaux américains pour assurer le pouvoir présidentiel, et l'a éventuellement obtenu, d'abord grâce à une note diplomatique de l'ambassade canadienne à Washington, et, par la suite, par une lettre de confirmation du commissaire canadien. Ainsi, le gouvernement du Canada a cherché à gagner la faveur de l'administration Bush en coopérant à la conversion d'un organisme international en une extension de la Maison Blanche.
Malgré l'aide du Canada, l'administration Bush n'a pas obtenu ce qu'elle voulait. Les ports américains n'ont pas accepté les nouvelles positions proposées avec le soutien du Canada. Malgré tout, l'avenir de la CFI et son indépendance dans ses fonctions de délimitation et de surveillance de la frontière sont sérieusement mis en jeu, en grande partie en raison du rôle autodestructeur joué par le Canada.
Il faut protéger et préserver les traités, comme les traités de 1908 et de 1925 qui ont créé la CFI, qui font du Canada un partenaire égal et qui assurent la continuité de fonctions bilatérales essentielles. Les ententes qui portent atteinte à la capacité du Canada de gérer ses propres affaires et qui ralentissent la prospérité et la concurrence nord-américaine n'ont pas à être protégées et préservées. Les enjeux de la fin du XXe siècle qui ont justifié la création et la promotion de l'ALENA — réduire les tarifs, faciliter le commerce et résoudre les différends commerciaux — ne sont plus à l'ordre du jour. Les enjeux bilatéraux d'aujourd'hui concernent les technologies vertes et la concurrence asiatique. Ils concernent l'indépendance énergétique et la sécurité terrestre du continent, le risque émanant plus vraisemblablement de particuliers transportant des bagages dangereux que de missiles balistiques intercontinentaux.
La pandémie de grippe porcine est un avertissement. Certains la surnomment ostensiblement « grippe de l'ALENA » parce qu'elle semblerait provenir d'un élevage de porcs au Mexique dont le propriétaire-exploitant est la société Smithfield Farms de Virginie. La grippe porcine pourrait devenir emblématique du souhait du président Obama de modifier les ententes environnementales nord-américaines.
L'architecture de l'ALENA convient mal à ces nouvelles priorités. L'Accord contient peu de dispositions sur les menaces à la frontière, car il se concentre surtout sur les mouvements de marchandises et non de personnes et sur le franchissement de la frontière et non sur sa protection. Rien dans l'ALENA n'est utile pour contrer la pandémie de grippe. L'ALENA n'a rien à offrir non plus contre la tentative de prise de contrôle de la frontière par la présidence américaine grâce à l'appropriation de la Commission de la frontière internationale. L'ALENA cherche à stimuler la production d'énergie et non à la diversifier et à assainir l'environnement.
L'ALENA est devenu une entrave à l'intégration économique institutionnelle qui est pourtant essentielle à la prospérité et à la sécurité de l'Amérique du Nord. La crise économique qui nous affecte depuis septembre dernier atteste la réalité de la mondialisation, un phénomène qui n'a pas que des avantages. L'interdépendance canado-américaine est inévitable, mais échappe largement à tout contrôle. L'Amérique du Nord aurait dû avoir une réaction coordonnée, cohérente, face à la crise financière mondiale, d'autant plus que le Canada possède des institutions financières supérieures et plus stables, mais l'ALENA n'a rien fait en ce sens, et cela ne risque pas de changer tant qu'il demeurera la caractéristique institutionnelle dominante.
Devant la possibilité d'une plus profonde intégration de l'Amérique du Nord, l'alternative pour le Canada est non pas un splendide et prospère isolement, mais plutôt une marginalisation dans l'économie mondiale et les affaires mondiales. Le Canada a maintenant l'occasion de faire preuve de leadership, mais il a peu de temps pour la saisir.
Je ne suis pas le premier à dire qu'il nous faut penser en fonction des priorités du XXIe siècle, mais je suis peut-être le premier à demander la conclusion d'un nouveau traité nord-américain pour y arriver: assainissement de l'environnement lié au commerce et à la santé publique; technologies vertes au coeur du commerce international; sécurité des frontières continentales suffisamment fiables sur le périmètre pour relâcher les frontières internes; institutions financières qui coordonnent au moins leurs activités en réponse aux pressions émanant du reste du monde; véritable partage des responsabilités en matière de sécurité; revitalisation des institutions internationales qui régissent les frontières communes. Cette série d'enjeux doit être vue non pas comme une liste de tâches séparées affectées à divers ministères et organismes, mais comme une responsabilité unique qui peut être abordée par la voie d'un traité et d'un ensemble d'institutions coordonnées et gérées conjointement.
Cela fait longtemps que les Canadiens s'imaginent qu'ils sont plus verts, plus écologiques et plus responsables sur le plan social que les Américains. Ils se pensent souvent supérieurs tout en étant forcés d'admettre leur dépendance. Les Canadiens vantent la règle de droit, mais se replient souvent sur la diplomatie. Maintenant, ils peuvent se servir de la diplomatie pour rétablir la règle de droit et, de ce fait, leur influence en Amérique du Nord et dans le reste du monde.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Quand j'ai comparu devant le comité des finances par le passé, on ne me laissait jamais dépasser cinq minutes, de sorte que je suis ravi d'avoir un peu plus de temps ici, au comité sur le commerce international.
Je comparais ici au nom du Syndicat des Métallos, qui représente 250 000 membres provenant de tous les différents secteurs de l'économie canadienne; plusieurs d'entre eux fabriquent des produits qui sont exportés ou qui font la concurrence à des produits importés dans le marché canadien. J'aimerais vous présenter un aperçu de l'état du commerce international au Canada, puis faire des propositions précises en matière de politique.
En janvier 2009, le Canada a connu son premier déficit commercial depuis 1976. En février et en mars, nous sommes retournés à un excédent, mais il est fort probable que la balance commerciale globale du Canada est toujours déficitaire si l'on inclut les services. Nous saurons la réponse à cette question le 29 mai, quand Statistique Canada publiera les plus récentes informations à ce sujet. La cause réelle de cette détérioration de la balance commerciale canadienne est la chute des prix des marchandises, qui ont réduit la valeur des exportations de ressources canadiennes. Cette situation a révélé un grave déséquilibre sous-jacent à notre commerce de produits manufacturiers, c'est-à-dire que d'autres pays vendent beaucoup plus de produits manufacturés sur le marché canadien qu'ils n'en achètent du Canada.
Il est important d'établir une distinction géographique. Malgré cette détérioration, le Canada continue d'avoir un maigre excédent commercial avec les États-Unis. En réalité, nos problèmes commerciaux se situent outre-mer. Et un autre ensemble de problèmes est lié à des dispositions d'ententes de libre-échange dont l'incidence sur les échanges commerciaux réels est négligeable, mais qui limite la capacité du gouvernement canadien d'établir des politiques d'intérêt public.
Je suis d'avis que nous pouvons apporter des solutions à ces deux types de problèmes en collaboration avec l'administration Obama.
Le premier domaine politique précis dont j'aimerais vous entretenir sont les mesures législatives portant sur les recours commerciaux. L'un des éléments qui contribuent au déséquilibre commercial du Canada en matière de produits manufacturés est le fait que certains producteurs étrangers font du dumping de leurs produits dans les marchés canadiens ou utilisent des subventions gouvernementales pour exporter des produits au Canada à un coût moindre que le coût de production. La Loi sur les mesures spéciales d'importation du Canada prévoit l'imposition de droits compensateurs pour combattre les prix injustes de tels produits. Cependant, l'application et la portée de cette loi doivent être améliorées. L'une des raisons pour lesquelles la Loi sur les mesures spéciales d'importation a été si faiblement mise en application au Canada est le fait que les syndicats n'ont pas le droit de comparaître, que ce soit pour déposer des plaintes ou pour participer à des plaintes commerciales aux termes de la loi. Dans ce domaine, j'estime que les États-Unis disposent d'un bien meilleur modèle. Chez nos voisins du Sud, les syndicats ont le droit de comparaître avant de déposer des plaintes commerciales, ce qui fait que les lois relatives aux recours commerciaux sont mises en application de manière beaucoup plus énergique aux États-Unis.
Abordons maintenant la question de la portée de la loi, qui traite des subventions gouvernementales directes aux exportations. Elle ne tient pas compte des subventions qui sont parfois fournies quand les gouvernements ferment les yeux sur les violations des droits des travailleurs ou les violations des normes environnementales. Je suis d'avis que le Canada devrait, en collaboration avec les États-Unis si c'est possible, élaborer un régime qui impose des droits d'importation de valeur égale à tout avantage financier que les producteurs étrangers obtiennent en enfreignant les droits relatifs aux normes du travail ou aux normes environnementales. Fondamentalement, si un producteur d'un autre pays obtient un avantage financier par rapport aux producteurs canadiens en transgressant des normes du travail reconnues à l'échelle internationale ou en n'appliquant pas des dispositions environnementales élémentaires, le Canada devrait pouvoir imposer des droits compensateurs pour annuler cet avantage financier. Cela protégerait les producteurs canadiens contre la concurrence injuste, et cela présenterait également l'avantage de lutter contre le nivellement par le bas à l'échelle internationale, par lequel des pays réduisent continuellement leurs normes relatives au travail et à l'environnement pour obtenir des avantages concurrentiels.
Les changements climatiques sont l'un des domaines où le lien entre l'environnement et le commerce international revêt d'une grande importance. Bien entendu, le Canada devrait mettre un prix sur les émissions de carbone afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La difficulté d'une telle politique consiste toutefois à empêcher les sociétés de réagir en déménageant tout simplement leurs activités à intensité carbonique élevée vers d'autres pays qui choisissent de ne pas tarifer les émissions de carbone.
L'une des principales parties de la solution à ce problème consiste à faire en sorte que le prix du carbone soit le même au Canada et aux États-Unis. Je recommanderais au Canada de trouver le moyen de participer au plan de quotas et d'échange de l'administration Obama, parce que, si c'était le cas, les producteurs canadiens auraient à assumer les mêmes coûts en carbone que leurs concurrents américains, et ils ne seraient pas alors incités à déménager leur production au sud de la frontière pour éviter la politique canadienne de prix pour le carbone.
Cependant, même en adoptant une approche nord-américaine en matière de changements climatiques, l'Amérique du Nord serait tout de même confrontée aux sociétés qui envisageraient de déménager outre-mer leurs activités à intensité carbonique élevée pour éviter d'avoir à payer pour leurs émissions carboniques. Cela aurait pour effet de non seulement éliminer des emplois, mais cela aurait également tendance à accroître les émissions carboniques, puisque la production mondiale serait davantage concentrée dans des pays aux technologies plus sales et aux normes environnementales moins strictes.
La solution à ce problème consiste à utiliser la même grille tarifaire pour le carbone dans le cas de tous les biens vendus en Amérique du Nord, peu importe l'endroit où ils sont produits. Le mécanisme pour arriver à cette fin pourrait consister en un tarif du carbone sur les importations provenant de pays qui choisissent de ne pas mettre de prix sur leurs émissions carboniques, ou encore il pourrait s'agir d'obliger les importateurs à acheter des permis en vertu de l'entente de quotas et d'échange s'ils apportent des biens provenant de tels pays sur le marché canadien.
Le dernier domaine de politique dont j'aimerais vous entretenir est l'Accord de libre-échange nord-américain. Vous savez tous sans doute que le président Obama a récemment pris ses distances par rapport à certaines propositions visant la renégociation cet accord. Mais je suis d'avis qu'il a changé d'idée en partie parce que le Canada rejetait la perspective d'une renégociation. Toutefois, il existait des problèmes bien réels avec l'ALENA.
Je pense que ce comité pourrait jouer un rôle très utile en élaborant un ensemble de propositions canadiennes de changements à apporter à l'ALENA pour régler ces problèmes. Selon moi, l'une des principales priorités serait d'abroger le chapitre 11 de l'ALENA, qui permet aux sociétés de contester directement les politiques publiques qui, selon leurs allégations, nuisent à leurs futurs produits possibles.
Le Canada a fait l'objet de certaines contestations outrancières en vertu du chapitre 11. Par exemple, en juillet 2008, environ 200 hommes d'affaires américains ont déposé une contestation de 155 millions de dollars en vertu du chapitre 11 contre l'assurance-maladie canadienne, sous prétexte qu'elle allait nuire à une éventuelle possibilité d'affaires, à savoir la mise en place de cliniques médicales privées au Canada. Le dernier résumé exhaustif des contestations déposées en vertu du chapitre 11 que j'ai vu couvre la période allant jusqu'au 1er janvier 2008. À ce moment-là, le Canada avait essuyé la plus grande partie des assauts menés en vertu du chapitre 11: le Canada avait fait l'objet de plus de contestations déposées par des investisseurs étrangers que les États-Unis ou le Mexique. La plus grande partie des contestations déposées en vertu du chapitre 11 portaient sur des mesures relatives à l'environnement ou à la gestion des ressources.
En revanche, face à cette mise en application excessive des droits des investisseurs, il n'y a eu pratiquement aucune mise en application des droits du travail aux termes de l'ALENA. En réalité, l'ALENA ne prévoit aucune amende pour les États membres qui violent les droits du travail.
En bref, le Syndicat des Métallos est convaincu que les changements visant à réformer l'Accord de libre-échange nord-américain devraient serrer la bride aux droits des investisseurs tout en renforçant les droits du travail pour que, au bout du compte, ils se retrouvent sur un pied d'égalité.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Cela a été un réel plaisir de comparaître devant vous.
Je vais maintenant céder la place à M. Myers.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité à venir vous parler d'un certain nombre d'enjeux en matière de relations canado-américaines.
Assurément, nous avons bon nombre de préoccupations en ce moment, allant de la complexité croissante des coûts et des retards à la frontière au manque de zèle du Canada à mettre en application des règles qui empêcheraient l'entrée aux États-Unis de produits de contrefaçon provenant du Canada, en passant par l'imposition de contrôles sur l'exportation, ainsi que les nombreuses occasions que les entreprises canadiennes et américaines ont de travailler ensemble, comme l'ont mentionné, je le crois, de précédents témoins.
J'aimerais faire porter mes commentaires sur un enjeu précis, qui est le problème que nous pose actuellement l'imposition des dispositions législatives de la clause Buy American. J'ai remis un mémoire aux membres du comité sur cette question. Je ne vais pas le passer en revue point par point, mais je vous donnerai un aperçu des points saillants. Il s'agit du même mémoire que celui qui a été distribué au cabinet du premier ministre, au bureau du ministre du Commerce international et au bureau du ministre de l'Industrie. Il a été distribué dans tout le gouvernement canadien. Il a été distribué à des représentants du Congrès aux États-Unis et à bon nombre d'associations d'affaires américaines. Nous avons la version la plus récente du mémoire.
En bref, ce sont les dispositions qui étaient d'abord contenues dans l'American Recovery and Reinvestment Act qui ont été promulguées par le président en février. Cette disposition exige que tout le fer, l'acier et les produits manufacturés utilisés dans des projets de travaux publics financés en vertu de cette loi soient produits aux États-Unis. Il reste encore beaucoup de questions pour définir ce que cela signifie exactement, mais nous croyons que cela signifie qu'une transformation considérable des biens a lieu aux États-Unis. Cette loi contient également trois types de dérogations. La règle ne s'appliquerait pas si une dérogation était accordée parce que l'application de la clause augmenterait considérablement le coût de l'ensemble du projet, n'était pas conforme à l'intérêt public, ou si des produits précis n'étaient pas disponibles aux États-Unis.
La Recovery Act exige également que ces dispositions soient mises en oeuvre conformément aux obligations des États-Unis envers nous. Nous constatons l'apparition de ces dispositions non seulement dans la Recovery Act elle-même, mais également dans d'autres lois émanant du Congrès. Nous sommes d'ailleurs au courant de sept autres lois en ce moment, dont la Water Quality Investment Act, qui est celle qui nous donne le plus de maux de tête. Cette loi prévoit l'octroi de 13,5 milliards de dollars sur cinq ans pour des projets d'assainissement des eaux usées municipales et de l'eau potable, mais nous voyons également ces dispositions figurer dans d'autres lois; tout récemment, mardi dernier, nous les avons vues dans le cadre d'une loi présentée devant la Chambre des représentants, la Green Schools Act, portant sur les matériaux de construction pour les écoles aux États-Unis.
Ce qui préoccupe le Canada, c'est que, en vertu des dispositions de l'ALENA, l'approvisionnement à l'échelle des États ou des municipalités n'est pas couvert. Rien dans les dispositions de l'ALENA ne protège les exportateurs canadiens qui vendent leurs produits aux États-Unis. L'ALENA, l'accord de l'OMC sur les marchés publics, ne couvre que l'approvisionnement fédéral en ce qui concerne les exportateurs canadiens, même si je ferais valoir que ce qui a changé ici est le fait que ces dispositions sont contenues dans une loi fédérale. Ce sont des dispositions qui ont une incidence sur la manière dont les fonds fédéraux sont dépensés à l'échelle des États et des municipalités, et j'affirmerais qu'il y a un argument selon lequel, au moins en ce qui concerne l'esprit de l'ALENA, cela devrait être couvert aux termes de l'Accord. Je considère que c'est un bon argument de négociation à faire valoir pour le gouvernement canadien, mais, fondamentalement, il n'y a actuellement aucune protection claire pour les exportateurs canadiens. Les dispositions Buy American en matière de contenu existent depuis longtemps à l'échelle des États et des municipalités. Il s'agit généralement de dispositions relatives à des seuils de contenu. Les dispositions qui se retrouvent dans les lois fédérales qui apparaissent maintenant constituent carrément des restrictions qui s'appliqueront aux exportateurs de certains produits, particulièrement dans le domaine de l'eau et du traitement des eaux usées, qui est le domaine visé à l'heure actuelle, même si les producteurs d'acier de construction et les producteurs de fonderies sont également touchés.
Ces marchés étaient relativement ouverts aux exportateurs canadiens. À la suite de l'introduction de la Water Quality Investment Act, nous voyons maintenant des entrepreneurs américains qui exigent de leurs fournisseurs canadiens qu'ils signent des affidavits confirmant que le produit est bien fabriqué aux États-Unis. Si les fournisseurs canadiens ne sont pas en mesure de les signer, ils perdent des contrats. Bon nombre d'entreprises ont été touchées et ont perdu des contrats aux États-Unis. Un entrepreneur américain s'est débarrassé de toute la tuyauterie qui provenait d'une entreprise canadienne appelée IPEX, située à Don Mills. Et ça, tout simplement parce que les entrepreneurs ne veulent pas être obligés d'avoir à retirer l'équipement si ces dispositions finissent par être effectivement appliquées. C'est un enjeu de plus en plus important qui devient très préoccupant. Il touche directement les exportateurs canadiens et bon nombre de collectivités canadiennes.
Le résultat de cette situation, c'est que nous observons également une vaste gamme d'émotions de la part des entreprises canadiennes qui se retrouvent exclues du marché américain, alors que les portes des marchés publics provinciaux ou municipaux au Canada restent grandes ouvertes pour les fournisseurs américains. Bon nombre de municipalités adoptent des résolutions qui leur permettent d'avoir une certaine forme d'accès réciproque. Ce mouvement a débuté à Halton Hills et fera l'objet d'un débat au sein de la Fédération canadienne des municipalités. En vertu de ces résolutions, les municipalités permettraient aux fournisseurs d'autres pays d'avoir accès à leurs marchés, tant et aussi longtemps que ces pays rendent la pareille aux exportateurs canadiens. Ainsi, il existerait une certaine forme d'accès réciproque aux marchés.
Je peux vous assurer qu'il y a une pression de plus en plus importante pour que le Canada prenne des mesures de rétorsion. Je pense que cela pourrait servir comme levier de négociation. C'est l'un des leviers les plus importants dont nous disposons. S'il existe une chose que les entreprises américaines et les représentants américains prennent très sérieusement, c'est la menace de mesures de rétorsion de la part de leurs partenaires commerciaux. Si d'autres pays adoptent également des mesures de rétorsion, nous nous retrouverons dans un monde qui remonte aux années 1930, avec l'imposition de barrières commerciales. En pleine crise économique mondiale, je ne crois pas que l'on peut rétablir la situation en limitant les possibilités d'affaires. Il vaut beaucoup mieux garder les marchés ouverts afin de collaborer à favoriser les possibilités d'affaires. Mais, dans d'autres secteurs, la possibilité de mesures de rétorsion est très réelle.
Depuis que, en novembre dernier, les leaders du G20 se sont engagés à ne pas limiter l'accès aux marchés, l'OMC a dénombré 137 cas autour du monde d'augmentation des tarifs, d'obstacles non tarifaires ou de nouvelles restrictions sur les marchés publics. Malgré l'engagement du président Obama de ne pas limiter l'accès au marché, ces dispositions Buy American imposent des restrictions considérables, particulièrement à l'égard d'entreprises canadiennes qui exportent dans les marchés publics à l'échelle des États et des municipalités.
L'Association des MEC cherche à dresser la liste des entreprises touchées. Nous voulons nous assurer que le gouvernement est au courant des répercussions de cette situation. Nous sommes la seule association d'affaires au Canada qui possède un bureau et un représentant à Washington. Notre représentant a travaillé activement sur ce dossier et a trouvé des alliés commerciaux aux États-Unis. Au bout du compte, il est important que les entreprises américaines expliquent aux législateurs que ces politiques Buy American sont mauvaises pour les États-Unis parce qu'elles ralentissent les projets d'infrastructure, les rendent compliquées et en accroissent les coûts. Si des entreprises canadiennes perdent des occasions d'affaires aux États-Unis, alors les fournisseurs canadiens de ces entreprises perdront également des emplois. Je pense qu'il est très important pour nous d'avoir des alliés américains de notre côté.
En ce qui concerne nos recommandations de ce que le gouvernement canadien peut faire, il y en a quatre.
Tout d'abord, le et le président doivent discuter de cette question et convenir qu'il ne faudrait pas imposer de conditions sur la manière dont le financement fédéral est dépensé à l'échelle des États et des municipalités, dans l'esprit de l'ALENA.
Deuxièmement, nous devons faire des présentations très claires devant le Congrès américain. Je sais que c'est ce que fera le , mais je pense qu'il est encore plus important que nous continuions d'établir un réseau d'alliés aux États-Unis, afin que les entreprises américaines fassent part de leurs préoccupations à leurs représentants au Congrès et à leurs sénateurs.
Troisièmement, il s'agit d'une occasion pour les États-Unis d'ouvrir des négociations pour élaborer une nouvelle entente sur les marchés publics. Je suis d'avis que les autorités américaines attendent une proposition du gouvernement pour le faire, et je pense qu'elles accueilleraient très bien cette proposition.
Quatrièmement, très franchement, le gouvernement canadien doit présenter à son homologue américain le message de négociation très fort selon lequel les municipalités canadiennes pourraient imposer des restrictions réciproques. La motion actuelle qui sera examinée par la Fédération canadienne des municipalités pourrait être une arme à deux tranchants. Cette motion prévoirait des restrictions réciproques. Mais vous pourriez également l'envisager comme une motion qui offre un accès réciproque aux marchés: les marchés municipaux canadiens resteront ouverts aux fournisseurs provenant de pays dont les marchés restent ouverts aux Canadiens.
Merci.
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Permettez-moi d'essayer de l'analyser un peu.
J'étais là quand la secrétaire Napolitano a présenté l'allocution à laquelle je crois que vous faites référence. Il y a un danger pour le Canada. Je pense que les commentaires que j'ai faits sur la Commission de la frontière internationale vont au coeur de ce problème.
Le Canada a l'occasion de protéger un traité séparé, distinct, relativement à sa frontière avec les États-Unis, et il ne le fait pas. Au contraire, en ce qui touche ce qu'il a fait avec l'administration précédente, il capitule sur les modalités de ce traité. C'est dangereux. C'est exactement ce que je cherchais à démontrer.
Dans votre perspective élargie relative à la réouverture de l'ALENA, je m'oppose à cette réouverture, mais pas pour les motifs habituellement soulevés au Canada. Je ne considère pas qu'il soit de bon aloi de pousser un soupir de satisfaction quand le président affirme qu'il n'est pas intéressé à aller immédiatement dans cette direction. Au contraire, il faudrait que ce soit interprété comme une occasion de faire autre chose.
Il me semble que les préoccupations énoncées par tous les membres de ce groupe de témoins étaient reflétées par l'incapacité de l'ALENA de fournir un soutien institutionnel pour apporter une solution aux problèmes des 12 derniers mois. Mentionnons notamment, en particulier, la question des marchés publics. Si vous vous souvenez, les négociations de l'ALENA devaient être suivies d'autres négociations pour assurer la réciprocité entre les provinces et les États et l'ouverture des gouvernements des États et des administrations municipales. Cette négociation a débuté et a échoué. Elle n'a jamais été reprise.
Les Australiens, à l'aide d'une entente vieille de seulement quatre ans, ont négocié des ententes avec 33 États. Le Canada n'a d'ententes avec aucun d'entre eux.
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Merci de votre question. Vous résumez bien la position de l'industrie. Je précise que nous avons beaucoup travaillé avec l'industrie sur cette question. Nous avons participé aux différentes réunions internes pour essayer d'en arriver à une position commune. On se rejoint sur beaucoup de sujets, sur le fait que c'est un problème majeur qui doit être discuté immédiatement.
D'ailleurs, nous avons participé à l'appel de l'industrie au ministre Stockwell Day, en vue de l'inciter à agir auprès des représentants américains afin d'éliminer cette échappatoire. On diffère d'opinion avec l'industrie, en ce sens qu'on voudrait des solutions plus fortes. L'industrie et nous-mêmes préférerions que la Maison blanche change sa position, que le Congrès américain puisse éventuellement voter pour l'abolition de l'échappatoire.
Selon ce que j'ai entendu, certains partisans de l'élimination comme le sénateur Baucus sont assez bruyants. D'après ce que l'on peut percevoir jusqu'ici, cela va être extrêmement difficile. En bon français, time is of the essence, présentement. L'industrie elle-même reconnaît que d'ici deux mois, si rien n'est fait en ce qui a trait à la question de la liqueur noire, l'industrie canadienne sera en danger de disparaître. Nous voyons déjà les premiers symptômes: nous l'avons vu à Thurso, nous le voyons à Espanola, à Edmundston. Une par une, nous pouvons voir ces usines fermer. Nous devons donc avoir une réaction immédiate, d'ici deux mois. Si, d'ici là, on ne peut pas convaincre le Congrès ou la Maison blanche de changer leur position par rapport à cette échappatoire, il va falloir envisager des solutions de rechange. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons attendre deux mois pour préparer des options. Nous devons les préparer dès maintenant. Présentement, la meilleure qui nous vient à l'esprit est de nous assurer que nous allons jouer sur un terrain égal, au moins jusqu'à la fin de 2009, pour aider l'industrie à flotter sur la mer houleuse de la tempête. Ensuite, après décembre 2009, nous verrons.
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Merci, monsieur le président. J'ai bien aimé la soirée des élections en Colombie-Britannique, mais pas autant que je l'avais souhaité.
Je suis impressionné par ce groupe de témoins. Il est, de loin, le groupe le plus solide que nous avons entendu sur les relations canado-américaines. Je suis déçu par l'absence de la Tribune de la presse parlementaire. Les journalistes pourraient couvrir beaucoup mieux les enjeux économiques. Mais nous allons veiller à diffuser cette information pour qu'ils comprennent la qualité des témoins qui sont devant nous aujourd'hui.
Je vais commencer avec M. Myers et M. Weir. Vous avez tous les deux parlé de mettre en place une stratégie d'achat au Canada. Je sais que, en ce qui concerne les manufacturiers et les exportateurs canadiens, cela fait longtemps que vous affirmez que nous devrions avoir notre propre programme d'achat au Canada, particulièrement pour négocier les ententes d'accès réciproque qu'il nous faut, compte tenu de ce qui est arrivé aux États-Unis avec la clause Buy America.
Monsieur Weir, vous avez également abordé cette question, tout comme Ken Lewenza. Nous devons mettre en place des dispositions d'achat au Canada. C'est la position du NPD, que nous avons également fait valoir au Parlement. Ainsi, le gouvernement n'est pas sans savoir l'importance de mettre en place de telles dispositions.
Monsieur Weir, j'aimerais vous demander pourquoi, selon vous, les conservateurs ont refusé de mettre en oeuvre une politique qui relève du gros bon sens et qui fait largement consensus, tant dans l'industrie que du côté des représentants des droits du travail.
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Je vous remercie de ces questions. Je ne voulais pas trop parler de l'entente sur le bois d'oeuvre aujourd'hui, mais j'étais content que M. Caron le fasse.
On a précipité l'entrée en vigueur de l'entente le 12 octobre, parce que les deux gouvernements prévoyaient que le Tribunal américain du commerce international rende une décision à ce sujet. Les gouvernements s'inquiétaient du fait que cette décision torpille l'entente, ce qu'elle aurait peut-être fait et qu'elle aurait dû faire. Alors, en plein milieu de la nuit cette semaine-là, l'entente a été changée — 18 pages de changements faits en secret — afin de permettre l'entrée en vigueur de l'entente. En vertu de ses modalités négociées originales et publiques, elle n'aurait pas pu l'être parce qu'elle n'avait pas le soutien de l'industrie, sans égard au fait que, même au moment où j'ai comparu devant votre comité, il y avait des membres qui insistaient pour dire que l'industrie soutenait l'entente, ce qui, nous l'avons su par la suite, n'était pas le cas.
L'entente a été entérinée à toute vitesse le 12 octobre, et dès le lendemain, le Tribunal américain du commerce international a statué que l'industrie canadienne avait le droit de récupérer tout son argent, jusqu'au dernier sou, pas seulement le montant qui avait été déterminé en juillet. Le Tribunal américain du commerce international avait scindé son processus de décision. Il a statué qu'il n'y avait pas lieu de conclure à l'existence de préjudice ou de menaces de préjudice et que, par conséquent, il n'y avait aucun principe sous-jacent justifiant des ordonnances de perception de dépôts; cependant, le tribunal avait réservé son jugement sur la question de savoir si la somme devait être calculée seulement à partir de la date de la décision ou à partir du début.
On savait déjà qu'au moins trois milliards de dollars allaient être remboursés, et probablement au moins quatre milliards — c'est difficile à mesurer exactement en raison de l'analyse des intérêts — mais le reste de la somme devait être déterminé dans une décision subséquente. Cela a été décidé le 13 octobre: chaque sou devait être remis, avec intérêt. Au lieu, la veille, un milliard de dollars est resté sur la table. Voilà ce qui s'est produit le 13 octobre.
Quant aux autres risques, cette première décision d'arbitrage sur les 68 millions de dollars était la conséquence d'une erreur de gestion du quota par le gouvernement fédéral. J'ai bien peur que divers politiciens avaient déclaré qu'il s'agissait d'une punition pour des programmes québécois et ontarien qui cherchaient à atténuer l'impact de l'entente sur le bois d'oeuvre. Ce n'est pas le cas. L'amende de 68 millions de dollars était le résultat d'une mauvaise gestion du quota.
Mais le prochain tour est un arbitrage déjà en cours qui porte sur les programmes ontarien et québécois dont on allègue qu'ils visaient à atténuer les impacts de l'entente. D'après les estimations que j'ai entendues, les amendes liées à une conclusion défavorable à ce sujet pourraient dépasser 400 millions de dollars. Cette conséquence est exacerbée parce que le nouveau système d'arbitrage inventé pour l'entente sur le bois d'oeuvre, qui a mis de côté le chapitre 19, est un système fondé sur le droit commercial plutôt que sur le droit relatif aux échanges commerciaux. Il appert que l'une des conséquences de cette différence est que le premier tribunal, qui avait statué sur l'amende de 68 millions de dollars, a fondamentalement appliqué une théorie de responsabilité civile délictuelle. Ainsi, le tribunal a appliqué une théorie de dommages pécuniaires, un concept tout à fait étranger au droit relatif aux échanges commerciaux. Si le second tribunal devait faire la même chose — et maintenant, il existe un précédent pour qu'il agisse de la sorte —, alors ces dommages pécuniaires seront dus même si l'entente était annulée, parce qu'ils lui survivraient.
Enfin, il y a une troisième décision arbitrale que nous attendons tous. Nous ne savons pas quand elle sera déposée, mais tout le monde prévoit que, à tout moment, une demande d'arbitrage sera déposée relativement aux droits de coupe en Colombie-Britannique. Selon l'argument, les droits de coupe visés par des droits sont acquis parce que l'infestation du dendroctone était connue avant l'adhésion des parties à l'entente, et le système d'enchères était expressément visé par des droits acquis dans l'entente. Mais il n'est pas si évident que le prix du bois infesté au dendroctone l'était. Si ce n'est pas le cas, alors, d'après les estimations que j'ai entendues, la pénalité possible pourrait se situer entre 500 millions de dollars et un milliard de dollars.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos témoins.
C'est une discussion intéressante ce matin, très édifiante. Je ne sais pas par où commencer.
Je pense que je vais commencer par la liqueur noire. Nous, qui sommes du côté du gouvernement et de l'industrie, ainsi que la plupart des Canadiens, sommes convaincus qu'il s'agit d'une subvention injuste. Nous rentrons à peine d'un séjour de trois jours à Washington avec tout le comité. Nous avons parlé au plus grand nombre de membres du Congrès que nous avons pu aborder qui siègent sur le Ways and Means Committee, républicains comme démocrates. Aucun d'entre eux, pas même les membres nouvellement élus, ne croyait que la subvention relative à la liqueur noire allait se poursuivre. Selon moi, la principale raison qui justifie leur point de vue, c'est qu'ils l'envisagent simplement comme étant plus qu'une mauvaise politique; ils y voient également une politique qui va à l'encontre de l'esprit de leurs projets de loi sur les biocarburants et leurs bonnes politiques environnementales. C'est une politique environnementale terriblement mauvaise.
Mais elle mène à un problème encore plus grand. Les Américains peuvent être des partenaires commerciaux difficiles — nous en sommes tous bien conscients —, mais la question la plus importante est d'abord de savoir comment, dans ce type de loi, on trouve ces vides juridiques, puis comment faire pour y apporter des solutions. Je suis d'avis que c'est là le sens des propos de M. Feldman.
J'aimerais que M. Caron fasse une déclaration ou un commentaire sur l'industrie canadienne, parce que le crédit d'impôt sur la liqueur noire prendra fin, j'en suis convaincu, le 31 décembre. Je réalise que l'industrie canadienne éprouve déjà de vives tensions, mais bon nombre des commentaires dont elle nous a fait part indiquent que, si le tarif prend fin le 31 décembre 2009, nous serons de retour sur un pied d'égalité. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour mettre quoi que ce soit en place pour faire quelque chose à propos de cette mesure ou pour la contrer, alors je pense que nous allons devoir vivre avec pendant les neuf ou huit prochains mois.
J'ai une brève question à adresser à M. Feldman et à M. Weir.
En ce qui concerne tout l'enjeu de la renégociation de l'ALENA, à mon avis, d'après mes nombreuses années d'études de la politique américaine, une partie du problème avec les États-Unis, c'est que nous ne faisons pas affaire avec un seul joueur. Nous ne faisons pas affaire qu'avec l'administration Obama; en réalité, nous devons traiter avec autant de partenaires qu'il y a de membres au Congrès américain. À l'heure actuelle, il y a une tendance chez ces membres à se montrer très protectionnistes, à protéger leurs intérêts. Ils ont également beaucoup d'intérêts d'affaires, parce qu'ils se font élire à coup de millions de dollars.
Si une négociation devait avoir lieu, je crois que chacun d'entre eux se battrait pour sa parcelle de terrain et pour ses intérêts commerciaux précis, et pas pour le Canada. Alors, quand le Canada négocie de gouvernement à gouvernement, c'est une chose, mais quand nous négocions avec un gouvernement qui compte un si grand nombre de membres au Congrès, et que ces membres détiennent un pouvoir incroyable, c'est autre chose.
Je viens de terminer un livre de Margaret MacMillan, Paris 1919. Woodrow Wilson était le fondateur de la Société des nations. Quand ce projet a été soumis au Congrès américain, il a été rejeté, même si Woodrow Wilson l'avait signé et qu'il en était le fondateur. Alors, le Congrès américain détient un pouvoir incroyable, et notre entité législative canadienne n'a pas le même type de pouvoir de négociation.
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C'est là la véritable question.
À la surface des choses, un couple a construit un muret trois pieds à l'intérieur de l'éclaircie-frontière, qui, selon les traités et l'entente conclus entre le Canada et les États-Unis en 1908, doit être libre de tout obstacle sur une distance de 10 pieds de part et d'autre de la frontière. Le principe est simple: vous ne pouvez faire respecter une frontière et la protéger si vous ne pouvez pas la voir. Le couple a construit un muret de béton armé de 4 pieds de hauteur et de 85 pieds de longueur trois pieds à l'intérieur de l'éclaircie-frontière. La GRC l'a repéré. Le muret a été inspecté par un agent frontalier de Vancouver, qui a conclu qu'il devait être détruit. La question substantielle est de savoir si le mur peut rester en place.
L'enjeu plus large, c'est que le département américain de la Justice, sous la gouverne du secrétaire à la Justice Gonzales, a conclu que les droits de propriété privée l'emportaient sur le domaine public et a décrété que le mur devait rester en place, et il a ordonné au commissaire américain d'adhérer à cette décision. Le commissaire a refusé. Le président l'a congédié.
La question au centre du litige présentement devant les tribunaux consiste à déterminer si le président avait le pouvoir de congédier le commissaire, parce que ce dernier était nommé aux termes d'un traité directement applicable. Cette notion est difficile à comprendre au Canada, parce que vous n'avez pas de traités directement applicables. Vous avez des dispositions législatives de mise en oeuvre pour ce traité, qui précisent que le commissaire canadien est un fonctionnaire canadien. Du côté américain, c'est un traité directement applicable. Le Sénat n'a pas entériné la nomination du commissaire. Il n'est pas un employé des États-Unis, ni de l'organisme.
Le président a affirmé que cette commission est une extension de la Maison-Blanche, que c'est un organisme des États-Unis. C'est là le véritable enjeu.
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Merci, monsieur le président.
Je ferai d'abord quelques petits commentaires. Oui, nous sommes allés aux États-Unis rencontrer des élus, et cela ne faisait pas très longtemps qu'ils avaient été mis au courant de la situation concernant la liqueur noire. Nous ne l'avions pas été non plus, mais il demeure qu'ils n'étaient pas au courant depuis longtemps. Ceux qui semblaient être le plus au courant étaient ceux dont les régions abritaient des entreprises de ce genre. C'est tout dire de l'orientation qui sera prise à la fin de l'année.
Il y a quelque chose qui me semble quand même surprenant et même aberrant, parfois désarmant, et c'est lorsqu'il y a deux traitements différents pour des entreprises qui font affaire avec les États-Unis. Dans le cas des garanties de prêts, on a beaucoup de difficulté à accepter cela. Selon les normes, c'est acceptable, c'est légal. Quand on l'a fait pour d'autres industries — et je ne nommerai que celle de l'automobile —, il n'y a eu aucun problème.
Les critiques à peine voilées du comportement du gouvernement canadien, je les accepte. Je suis persuadé qu'on pourrait en faire plusieurs autres.
Je voudrais revenir sur les propos de M. Weir, qui a parlé à toutes fins pratiques de dumping social et environnemental. Parmi les solutions, vous mentionnez la mise en place d'un mécanisme pour éviter le nivellement vers le bas. Il est certain que vous ne parlez pas seulement des États-Unis, mais de nombreux autres pays. Aux États-Unis, peut-on considérer que sur les plans social et salarial, il y a un nivellement important vers le bas, selon vous?
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Je dirais que quand notre délégation s'est rendue à Washington, nous avons aussi certainement indiqué que cela n'était pas utile et que, de notre point de vue, cela remet en question la teneur du dialogue que nous cherchons à entretenir.
Voilà un excellent enchaînement vers la question que je veux adresser à M. Feldman. Comme vous le savez tous, le Canada est le plus grand marché d'exportation pour plus de trois douzaines d'États, et, en tant que principal partenaire commercial...
Monsieur Feldman, j'aimerais que vous approfondissiez une question. Dans vos commentaires, vous avez déclaré que nous devons établir un réseau d'alliés. Vous n'étiez pas convaincu de l'utilité d'embaucher d'anciens ambassadeurs, ce qui est un commentaire intéressant, mais vous avez affirmé que nous devons établir des liens d'affaires. J'aimerais que vous nous donniez des détails aussi précisément que vous le pouvez dans le cadre du délai restreint. À un moment donné, j'étais un peu dérouté parce que, d'une part, vous avez dit que l'ALENA a été un échec, mais, d'autre part, vous ne voulez pas vous en débarrasser; je dirais que vous cherchez à trouver une nouvelle manière de faire les choses.
En termes précis, que nous suggérez-vous de faire pour créer ces relations afin que le Canada puisse se faire entendre, pas seulement dans les États, mais, manifestement, à Washington même? Pourriez-vous nous répondre?
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Je serais ravi de répondre, bien que ce soit tout un programme. Mais je vous remercie pour cette question.
Je pense que, au cours des 35 dernières années, je suis le meilleur ami américain de longue date que le Canada ait connu, mais je me montre également très critique. L'une des choses sur lesquelles je me montre très critique est la difficulté viscérale qu'ont les Canadiens de comprendre les États-Unis.
C'est un système politique différent, qui n'est pas un système parlementaire comme quelqu'un par ici l'a mentionné. Le Congrès compte 585 membres, et chacun a ses propres priorités, ses propres besoins en argent et ses propres façons de se faire élire ou réélire. Notre système politique est un système complètement différent. Cela signifie que vous devez examiner les choses pour trouver un avantage selon une perspective américaine.
Par exemple, en ce qui concerne le coût des marchés publics, pourquoi n'y a-t-il pas une seule analyse qui montre les coûts pour les États-Unis? Vous êtes tous enclins, et c'est normal, à dire « Regardez tous les moulins à bois que nous fermons, regardez tous les emplois que nous perdons ». Les Canadiens ne votent pas au Congrès. Aucun de ces 585 membres ne se préoccupe du fait que vous fermez des moulins à bois et que vous perdez des emplois. Ce qui les préoccupe, c'est que le président coupe dans les programmes, qu'il sait qu'il a un budget trop chargé et qu'il doit trouver des économies.
La clause d'achat aux États-Unis entraîne des coûts, elle est onéreuse. Cette clause de 25 p. 100 plutôt que les 6 p. 100 de la clause traditionnelle d'achat aux États-Unis est une clause très, très chère qui s'est transformée en loi sous la forme d'un projet de loi entériné par le Sénat. Alors, quand vous ferez votre analyse, plutôt que d'examiner ce que la clause vous coûte à vous, analysez ce qu'elle nous coûte à nous, ce qu'elle coûte aux Américains, ce qu'elle coûte aux États-Unis. Voilà le type de recherche qu'il vous faut présenter.
Commencez à raconter l'histoire comme celle d'un partenaire qui cherche à aider — parce que vous serez toujours le partenaire subalterne, vous ne serez jamais le partenaire principal, et non, vous ne gagnerez jamais une guerre commerciale. Mais si vous agissez comme un partenaire, si vous faites preuve de créativité, vous avez de meilleurs établissements financiers que ceux des États-Unis. Où étiez-vous pendant les huit dernières années pour faire preuve de créativité et faire en sorte que les États-Unis ne se retrouvent pas dans la mauvaise situation dans laquelle ils se trouvent; comment se fait-il que, quand cette crise a éclaté, il n'y a eu aucune réponse nord-américaine?
Voici ce que je reproche en partie à l'ALENA: l'accord n'a aucune institution qui aurait pu faciliter une réponse nord-américaine. Nous n'avons pas les institutions pour tirer parti des atouts du Canada; nous n'avons pas les institutions pour tirer parti des atouts conjoints du Canada et des États-Unis. C'est pourquoi il nous faut de nouvelles institutions, qui pourraient émaner de nouveaux traités orientés sur les priorités du XXIe siècle. J'ai déjà mentionné ce que sont ces priorités, mais de manière précise et tangible, menez la recherche d'une manière différente, répondez à un ensemble différent de questions. Répondez aux questions qui préoccuperont les Américains plutôt qu'aux questions qui vous intéressent naturellement, mais qui n'auront aucune prise aux États-Unis.
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Et pour insister là-dessus, il y a déjà un coût juridique considérable. Votre chef en Colombie-Britannique a souligné l'autre jour qu'elle ne voulait pas payer des avocats pour la question du bois d'œuvre. Eh bien, ce pays a versé beaucoup d'argent à beaucoup d'avocats. Ce sont eux qui représentent les gouvernements fédéral et provinciaux dans cet arbitrage. C'est beaucoup d'argent. Vous devriez jeter un coup d'œil à certains de ces chiffres. Vous n'avez pas échappé aux coûts juridiques.
Quant aux conséquences de mettre fin à l'entente, d'abord, vous savez sans doute que la coalition aux États-Unis a demandé, il y a presque un an — en août dernier —, de mettre fin à l'entente. L'administration Bush a refusé. On s'attend à ce que la coalition présente la même demande dans un avenir rapproché, et à ce que l'administration Obama ne refuse pas. Tôt ou tard, quelqu'un va mettre fin à cette entente.
L'enjeu est la clause d'exemption qui se trouve dans l'entente. Est-ce que cela signifierait que des restrictions commerciales seraient immédiatement imposées? Si les États-Unis mettent fin à l'entente conformément aux modalités de cette dernière, alors il y a une clause d'exemption d'une durée de un an. Si les Canadiens devaient mettre fin à l'entente, il n'y aurait aucune clause d'exemption. Mais si les États-Unis devaient y mettre fin en raison d'une rupture, alors la clause d'exemption ne s'appliquerait plus. C'est ce que nous prévoyons que la coalition va demander au gouvernement, de sorte qu'il y aurait des conséquences immédiates de toute manière.
Votre principal problème est le suivant: en entrant sur le marché américain en payant des taxes de 15 p. 100, vous faites tous du dumping — probablement avec des marges considérables. Vous faites donc face à un nouvel obstacle, parce que, le 12 octobre, quand cette entente est entrée en vigueur, vous payiez moins de 11 p. 100, pas 15 p. 100, avant même que le tribunal ne statue. Maintenant, vous avez le problème de marges élevées de dumping, mais il y a un problème encore plus important, c'est-à-dire que votre part de marché n'est maintenant que de 29 p. 100. La Commission américaine du commerce international a trouvé qu'aucun préjudice n'avait été causé par les importations canadiennes aux États-Unis quand votre part de marché était de 34 p. 100. Par conséquent, même si vous faites du dumping avec des marges élevées, ce sera très difficile pour la coalition de faire valoir que vous causez un préjudice. Sans préjudice, il n'y a aucun tarif à appliquer.
Je ne peux donc pas vous donner de réponse complète. Il vous faudrait mettre cette solution à l'essai. Mais il est bien possible que vous retourniez au libre-échange.