Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Monsieur le président, je suis désolé, mais je n'avais pas fini de parler.
En ce qui a trait aux commentaires des syndicats, je n'ai pas de problème. Ce qui me trouble, c'est la répétitivité. Puisque nous sommes très bien payés par les Canadiens, je crois que si nous pouvions rationaliser...
Si nous sommes pour recevoir 60 syndicats qui vont nous répéter 60 fois le même message, je n'en vois personnellement pas l'intérêt. J'ai beaucoup d'estime pour les syndicats, mais j'aimerais mieux recevoir tous les représentants d'un seul coup. D'après ce que j'ai compris et d'après mon expérience, c'est généralement le même message qui est véhiculé. Je ne veux pas de répétition.
Je crois que le greffier a fait un très bon travail jusqu'à présent en trouvant un juste équilibre entre les différents points de vue. Nous allons continuer dans cette voie.
Nous allons donc commencer la séance d'aujourd'hui, soit la 40e séance du Comité permanent du commerce international de la présente session parlementaire, avec des changements mineurs.
Comme vous l'avez sans doute remarqué, nos témoins de Medellín, en Colombie, et plus précisément M. Walter Navarro, le président de l'Union de l'industrie des employés professionnels des services publics n'a pas pu... En fait, il était présent, mais nous n'avions pas de service d'interprétation. Alors nous allons le convoquer à une autre séance, probablement très bientôt, pour recueillir le témoignage de représentants de syndicats de la Colombie.
Aujourd'hui, nos témoins sont du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique, M. Étienne Roy-Grégoire, qui présentera un exposé, ainsi que M. Jamie Kneen, qui travaille comme coordonnateur des communications et de la sensibilisation chez Mines Alerte Canada.
Nous disposons de plus de temps aujourd'hui, alors prenez tout le temps que vous voulez pour présenter votre exposé, si vous en avez tous deux préparé. Nous passerons ensuite aux questions du comité.
Monsieur Roy-Grégoire, vous pouvez commencer, et nous passerons ensuite à M. Kneen.
C'est avec grand plaisir que nous comparaissons aujourd'hui devant ce comité.
Je m'appelle Étienne Roy-Grégoire. Je suis membre du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique, le GRAMA, à l'Université du Québec à Montréal. Mes recherches portent sur le rôle des investissements extractifs dans des pays qui sont en situation de conflit ou de post-conflit.
Je suis accompagné de Jamie Kneen, coordonnateur à l'éducation, à MiningWatch Canada. Nous sommes heureux d'apporter des éléments de contexte à vos discussions sur les relations commerciales entre le Canada et la Colombie. Cependant, nous espérons également avoir l'occasion de discuter en détail du projet de loiC-23 lorsqu'il sera soumis à l'examen du comité.
Notre présentation s'appuie sur les résultats d'une recherche menée en 2008 et publiée récemment sous le titre de « Terres et conflits: Extraction des ressources, droits de la personne et responsabilité sociale des entreprises : les sociétés canadiennes en Colombie ». Cette recherche a été financée par un consortium d'organisations civiles canadiennes et est disponible sur le Web en anglais, français et espagnol. Vous en avez aussi des copies en français et en anglais.
Dans ce rapport, qui est le résultat d'une recherche de terrain de plusieurs mois effectuée par MiningWatch Canada, CENSAT Agua Viva — une organisation colombienne — et Inter Pares, nous examinons quatre cas d'investissements canadiens dans l'industrie extractive en Colombie. Nous nous référons aux principes directeurs élaborés par le représentant spécial de l'ONU pour la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales, John Ruggie.
L' Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie porte à la fois sur le commerce et sur l'investissement direct étranger. Nous nous concentrerons sur les enjeux liés à l'investissement. Ces investissements sont principalement dirigés du Canada vers la Colombie et visent surtout, à l'heure actuelle, des activités d'exploration et l'acquisition de droits dans les secteurs minier et pétrolier. L'hypothèse qui sous-tend la signature de l'accord est qu'en favorisant l'investissement il contribuera au développement de la Colombie; cela, par le fait même, réduira les facteurs à l'origine du conflit.
Cette hypothèse veut également qu'en contribuant à améliorer les conditions de sécurité, de nouveaux capitaux soient attirés, participant ainsi à un cercle vertueux menant, à terme, à la résolution du conflit colombien.
S'il vous plaît, je vous demanderais encore une fois de ralentir pour permettre à l'interprète de vous suivre. L'interprète n'a pas la version anglaise de votre déclaration.
Non, malheureusement. Si vous voulez, je reprends, c'est un aspect important. Je vais reprendre plus lentement.
L'hypothèse qui sous-tend la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie est que, en favorisant l'investissement, il va contribuer au développement de la Colombie et donc, par le fait même, affecter positivement les facteurs qui sont à l'origine du conflit armé. La même hypothèse veut qu'en contribuant à améliorer les conditions de sécurité, de nouveaux capitaux soient attirés, participant ainsi à un cercle vertueux menant à terme à la résolution du conflit.
Malheureusement, à cause de la nature même des dynamiques économiques qui sont inhérentes au conflit armé colombien, cette hypothèse ne se vérifie pas toujours dans la réalité. Notre rapport illustre clairement le besoin de réaliser des évaluations d'impact sur les droits de la personne transparentes et indépendantes pour éviter de graves risques de violations des droits de la personne découlant d'investissements extractifs. En particulier, les investissements visant des territoires qui ont fait l'objet de déplacements forcés posent problème. Nous avons observé cette dynamique de très près dans le cadre de notre étude de cas sur la région du Sur de Bolivar, dans le Magdalena Medio.
Entre 1994 et 2007, 53 202 personnes ont été violemment déplacées de leurs terres dans le Sur de Bolivar, et 380 personnes y ont connu une mort violente en raison de motifs politiques. Malgré cela, plusieurs gisements du Sur de Bolivar ont fait ou font l'objet actuellement de concessions d'exploration octroyées à des sociétés transnationales...
L'interprétation n'était pas claire. Le témoin a énoncé quelques dates qui me semblent importantes. Je n'ai pas très bien saisi les dates du déplacement de la population.
Entre 1994 et 2007, 53 202 personnes ont été violemment déplacées de leurs terres dans le Sur de Bolivar et 380 personnes y ont connu une mort violente pour des motifs politiques. Malgré cela, plusieurs gisements du Sur de Bolivar ont fait ou font l'objet actuellement de concessions d'exploration octroyées à des sociétés transnationales, dont certaines sont enregistrées au Canada.
Notre étude a conclu que ces investissements courent des risques très élevés de bénéficier à des groupes armés s'étant approprié par la violence des territoires visés par ces investissements; de motiver la réorganisation et le renforcement de groupes paramilitaires préalablement démobilisés, et enfin, de bénéficier de violations des droits de la personne commises par ces groupes contre des populations et des défenseurs des droits de la personne qui s'opposent aux investissements.
Il est important de souligner que nous nous sommes appuyés, pour étayer nos conclusions, notamment sur des rapports élaborés par l'ombudsman des droits de la personne de la Colombie, une institution qui a obtenu des fonds de l'Agence canadienne de développement international. Ces rapports ont été élaborés dans le cadre du système d'alerte préventive ou Sistema de Alertas Tempranas. Ils sont produits périodiquement pour évaluer la dynamique du conflit et les risques de violations graves des droits de la personne dans des territoires donnés. L'ombudsman émet ainsi des recommandations au pouvoir exécutif colombien dans le but de prévenir d'éventuelles violations, ce qui peut inclure, par exemple, des déploiements de troupes ou l'allocation de ressources pour la protection de défenseurs des droits de la personne.
Dans le Sur de Bolivar, une association de mineurs artisanaux et de paysans, FEDEAGROMISBOL, s'oppose aux investissements miniers proposés par les sociétés transnationales. Ses dirigeants ont été victimes de menaces de mort de la part de groupes paramilitaires remobilisés, et le vice-président de l'association, Alejandro Uribe, a été assassiné, apparemment par l'armée colombienne, en septembre 2006. L'ombudsman des droits de la personne considère à l'heure actuelle les membres et les dirigeants de FEDEAGROMISBOL comme étant soumis à un risque élevé d'« homicides sélectifs, de massacres [ou] de déplacement forcé ».
Pour prévenir ces risques, l'ombudsman recommande d'accéder à la demande de l'association voulant que cette zone soit déclarée réserve minière. Cela aurait pour effet d'éliminer la possibilité d'investissements extractifs dans la région, éliminant du même coup une motivation supplémentaire pour les responsables de violations des droits de la personne.
Les risques de déplacement forcé associés aux investissements extractifs ne se limitent pas au Sur de Bolivar et sont bien documentés. L'État colombien estime que des groupes armés — dans la majorité des cas des groupes paramilitaires — se sont appropriés 6,8 millions d'hectares en utilisant la violence. L'ONU, pour sa part, a relevé que les groupes paramilitaires faisaient de l'appropriation de terres un modus operandi dans le but de profiter d'investissements dans le secteur pétrolier, minier ou de la palme africaine. Cette stratégie est l'une des raisons pour lesquelles le conflit se prolonge.
Nous voudrions conclure sur quelques éléments qui nous semblent centraux dans le cadre des délibérations du comité. Les graves risques qui sont identifiés dans notre étude sont, dans une large mesure, indépendants du comportement ou des politiques d'une compagnie en particulier. Il ne s'agit donc pas de risques qui peuvent être mitigés par des mesures de responsabilité sociale. En ce sens, le travail de promotion de la responsabilité sociale des entreprises réalisé par le Canada en Colombie ne s'applique pas, à strictement parler, à cette problématique et ne peut aspirer à la résoudre. Cela est d'autant plus vrai que, comme le relève notre étude, l'ambassade canadienne en Colombie n'a pas le mandat d'analyser les risques auxquels font face les investisseurs canadiens qui requièrent son assistance en termes de droits de la personne.
Notons par ailleurs que l'accord sur les droits des travailleurs signé parallèlement à l'accord de libre-échange restreint son application aux cas qui auraient une incidence commerciale. Ce mécanisme ne s'applique donc pas non plus aux risques dont nous faisons état ici, qui découlent des pratiques d'investissement.
En fait, l'Accord de libre-échange Canada-Colombie ne contient aucun mécanisme qui prenne spécifiquement en compte le genre de risques identifiés dans le cadre de notre étude. Par contre, il y a un risque réel que l'accord contribue à réduire la marge de manoeuvre dont dispose l'État colombien pour prendre le genre de mesures proposées par l'ombudsman des droits de la personne pour le Sur de Bolivar.
(1125)
Si des droits acquis par une compagnie canadienne sur un territoire devaient être révoqués pour éviter des violations graves aux droits de la personne ou pour réparer des dommages infligés à des victimes de déplacement forcé, il est possible à l'heure actuelle que cela déclenche, en vertu de l'accord de libre-échange, un différend en matière d'investissement. Nous suivons, en ce sens, avec préoccupation le processus enclenché par une compagnie minière canadienne contre le Salvador en vertu de l'accord de libre-échange que ce pays a signé avec les États-Unis.
L’Accord de libre-échange avec la Colombie risque ainsi de placer le Canada dans une position très inconfortable, où ses intérêts économiques seraient placés en contradiction avec ses efforts de promotion des droits de la personne et de résolution du conflit. Ce comité a émis, en juin 2008, un rapport sur l’Accord de libre-échange avec la Colombie où il recommande qu'un organe compétent effectue un examen indépendant, impartial et complet des répercussions d'un accord sur les droits de la personne, examen qui serait vérifié et validé. Nous pensons qu'une telle étude doit être réalisée avant la mise en oeuvre de l'accord, et qu'il y va de la cohérence de la politique canadienne vis-à-vis de la Colombie.
Non, monsieur le président. Étienne a présenté notre exposé collectif. Je suis disposé à répondre aux questions touchant au cadre institutionnel alors qu'Étienne est ici à titre de chercheur.
Merci beaucoup d'être venus témoigner aujourd'hui.
Les infractions présumées des sociétés canadiennes et le lien présumé de ces sociétés au déplacement forcé constituent des allégations très graves. Ces déplacements forcés ont eu lieu sans qu'il y ait d'entente de libre-échange. Il n'y a pas non plus d'ententes relatives aux travailleurs et à l'environnement. D'après les négociateurs commerciaux, il s'agirait des ententes les plus rigoureuses à l'égard des travailleurs et de l'environnement que le Canada ait jamais signées dans le cadre d'un accord commercial et, en fait, les plus strictes à être signées entre deux pays souverains dans le cadre d'un accord commercial.
Compte tenu du fait que ces infractions présumées commises par des sociétés canadiennes se sont produites à l'extérieur du cadre d'un accord commercial, ne seriez-vous pas en faveur d'un système fondé sur des règles pour tenter de renforcer notre influence en Colombie dans ces domaines?
Il faut clarifier les choses. Le déplacement forcé et les violations des droits de la personne que nous décrivons dans le Sur de Bolivar ne sont pas attribuées à des compagnies canadiennes, elles sont attribuées à des groupes paramilitaires colombiens. Néanmoins, ces actions sont menées par ces groupes paramilitaires colombiens avec l'objectif clair et documenté de pouvoir bénéficier éventuellement d'investissements canadiens en Colombie ou d'investissements de quelque origine que ce soit. Je pense que cela doit être très clair et c'est pourquoi, dans le cadre de notre présentation, nous soulignons le fait que ce ne sont pas des risques associés à ces investissements qui découlent des pratiques de responsabilité sociale ou des politiques d'une compagnie donnée. Notre inquiétude sur le traité de libre-échange est qu'il puisse constituer un obstacle supplémentaire à ce que l'État colombien prenne des mesures pour empêcher ces violations, mesures qui ont été recommandées par l'ombudsman des droits de la personne.
En Colombie, la guerre qui se poursuit toujours avait commencé il y a 40 ans pour des raisons idéologiques, mais aujourd'hui, c'est une guerre de la drogue. Le conflit a dorénavant très peu à voir avec l'idéologie. Les membres des FARC et les anciens paramilitaires font pour la plupart partie de groupes de trafiquants de drogue. Les Colombiens qui grandissent à la campagne doivent d'une façon ou d'une autre gagner leur vie. En l'absence d'activités économiques légales, les Colombiens choisiront les options leur permettant de gagner leur vie. À ce que je sache, les groupes de trafiquants n'ont pas de code du travail ni de code de pratiques environnementales qui régissent leurs activités.
Le représentant du Secrétaire général des Nations Unies, M. Walter Kalin, a reconnu en novembre 2008 qu'il y avait un taux élevé de déplacements forcés dans certaines parties du pays. Mais il a également déclaré que des améliorations importantes avaient eu lieu depuis 2006, tout en faisant remarquer le rôle constructif qu'avait joué la Cour constitutionnelle. Il a même ajouté que les raisons expliquant les déplacements forcés étaient multiples et complexes: la violation du droit humanitaire international par divers groupes armés, y compris les FARC et l'ELN, la prolifération de groupes armés et d'activités criminelles faisant suite à la démobilisation paramilitaire récente, mais menant toutefois à la remobilisation en tant que trafiquants de drogues ou gangsters, les menaces et les pressions exercées pour forcer une collaboration avec les groupes armés illégaux et une participation aux activités de commerce de la drogue et d'épandage aérien des cultures, etc.
M. Kalin parle d'épandage aérien des cultures et de déplacements forcés liés à la production de drogue, mais il n'établit aucun lien avec l'activité minière. Le Canada, soit dit en passant, est très compétent dans le domaine minier. Nos sociétés ont la réputation d'assumer beaucoup mieux leurs responsabilités sociales d'entreprises par rapport à la plupart des compagnies d'extraction qui mènent des activités à l'étranger. Or, en l'absence d'un commerce économique légitime encadrant entre autres le secteur de l'extraction, les Colombiens se tourneront vers le commerce de la drogue, car ce sera la seule façon pour eux de gagner leur vie.
Admettez-vous qu'une part substantielle, si ce n'est pas la majorité, des déplacements forcés en Colombie est attribuable au commerce de la drogue?
Il n'y a aucun doute d'une part que la drogue est un facteur important. Cependant, l'ONU fait également référence — vous avez les références dans la présentation que j'ai faite et également dans les rapports qui vous ont été remis en anglais — aux motivations des acteurs armés à profiter de l'investissement dans les secteurs minier et pétrolier de la palme africaine. C'est bien documenté par l'ONU.
D'autre part, notre étude fait aussi état des analyses de l'ombudsman des droits de la personne qui cite clairement des investissements dans les secteurs minier et pétrolier et qui dit qu'ils sont la motivation des acteurs armés, dans le Sur de Bolivar particulièrement.
Je partage donc les conclusions du rapporteur des Nations Unies, mais je ne pense pas qu'on puisse être assurés que les investissements qui sont faits dans ces domaines sont sans risque au chapitre de la violation des droits de la personne. Ce sont des violations extrêmement graves.
J'ai rencontré quelques Colombiens qui vivaient dans des localités rurales. Ils m'ont dit que la raison pour laquelle ils s'étaient joints à un groupe paramilitaire au départ, c'était parce qu'il n'y avait pas d'autres moyens de gagner leur vie.
En l'absence d'activités commerciales légitimes dans le secteur extractif, que voulez-vous qu'ils fassent d'autre? Diriez-vous qu'ils n'ont qu'à se tourner vers le commerce de la drogue? Avez-vous réalisé des analyses sur les déplacements forcés résultant du commerce de la drogue ou des analyses comparatives donnant une idée des parties en cause et des groupes qui sont responsables des déplacements forcés?
D'après les Nations Unies, une majorité écrasante des déplacements forcés est le résultat du commerce de la drogue et non pas des activités minières. Avez-vous comparé la valeur économique du commerce de la drogue en Colombie avec la valeur économique actuelle du secteur extractif, par exemple? Cela nous aiderait à mettre la question dans une juste perspective.
Vous comparez deux choses différentes, car la valeur économique du commerce de la drogue et la valeur économique du secteur extractif ne constituent pas en soi un indice du taux d'emploi ni une façon de ventiler l'activité économique. Je crois que le commerce de la drogue est probablement aussi fortement centralisé que le secteur extractif en ce qui a trait aux risques et aux avantages.
Pardon, monsieur. Sur le plan des risques et des avantages, est-ce que vous dites que le trafic de la drogue en Colombie est comparable aux sociétés canadiennes qui exploitent des mines en Colombie? Est-ce que vous dites qu'ils sont à peu près équivalents?
Non, monsieur. Je parlais de la centralisation des avantages et de la décentralisation des risques, et je n'essayais de les comparer d'aucune autre manière.
Notre étude ne portait pas sur l'ensemble de l'économie colombienne ni sur l'ensemble du conflit dans ce pays. Nous voulions examiner le cas précis de l'investissement canadien dans les industries extractives, notamment dans le secteur minier, et essayer de déterminer les risques, sur le plan des droits de la personne, qui sont inhérents à cette activité.
Je pense que la conclusion importante, c'est que nous n'avons pas pu trouver un mécanisme pour assurer qu'un investissement canadien dans le secteur minier pouvait être effectué dans la certitude qu'il n'y avait eu aucune atteinte aux droits de la personne dans le passé et que l'investissement n'aurait pas éventuellement pour effet d'aider des personnes coupables de violation des droits de la personne, les encourageant possiblement à poursuivre cette activité, et ainsi de renforcer leur position, ni dans la certitude que les terres faisant l'objet d'un bail d'exploitation minière est à l'abri des conflits — en d'autres mots, qu'il est établi de bonne foi...
Nous avons constaté que ces sociétés minières ont, disons, les meilleures intentions. Nous n'avons pas pu montrer qu'en achetant des terres et en obtenant des baux d'exploitation minière de bonne foi, elles pouvaient s'assurer que ces titres étaient tous libres, si vous voulez.
Sauf votre respect, pour quelqu'un qui achète une terre dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, il est parfois très difficile de déterminer si cette terre a toujours été libre de toute activité illégale au cours de l'histoire. Le fait est que vous demandez que les sociétés canadiennes fassent cela, ce qui est probablement impossible, puisque je soupçonne que pratiquement tout le territoire colombien a été, à un moment donné, utilisé pour une activité illégale quelconque.
Y a-t-il eu des cas précis où des personnes ont été déplacées de force pour fournir des terres aux sociétés canadiennes afin que nous puissions parler à ces entreprises? J'aimerais convoquer ces sociétés pour discuter avec elles et déterminer où les sociétés canadiennes ont participé à des déplacements forcés ou en ont profité. Il serait très utile d'obtenir les noms des sociétés et des terres qui ont été attribuées à ces sociétés canadiennes à la suite d'un déplacement forcé. Ce serait très utile. Ce genre de détail nous permettrait de communiquer avec ces sociétés et d'exiger qu'elles nous fournissent des réponses sur leur responsabilité sociale d'entreprise.
Je pense que vous constaterez que nous n'établissons pas de lien direct dans notre étude. Ce que nous essayons de faire, c'est de cerner le risque d'être mêlé à des violations très graves. Nous avons essayé de trouver des mécanismes qui auraient permis aux entreprises ou au gouvernement canadien de mettre en oeuvre un accord de libre-échange pour assurer que cela ne se produirait pas.
Je ne suis pas sûr que je comparerais la situation dans les régions rurales de la Colombie avec celle des régions rurales de la Nouvelle-Écosse. Comme j'ai grandi là — c'est-à-dire en Nouvelle-Écosse —, je sais que les choses ne sont pas toujours entièrement honnêtes.
Nous pourrons parler plus tard des contrats pour les routes.
Je connais tous les membres de ce comité, et je peux vous dire que si vous pouviez nous fournir de l'information, de l'information granulaire qui établit un lien entre une société canadienne et un déplacement précis, je pense qu'en tant que comité, nous souhaiterions parler à ces entreprises pour entendre leur version des faits. Nous nous intéressons à la responsabilité sociale d'entreprise, mais nous ne pouvons pas admettre de telles allégations sans substance. Il nous faut des allégations précises que nous pourrons soumettre à ces sociétés.
Encore une fois, j'essaie de vous dire que si nous avions eu ce genre d'information, si nous avions découvert cela en faisant cette étude, la nouvelle aurait déjà éclaté. Nous avons d'autres cas de recours juridiques et de plaintes internationales, etc. — avec les points de contact nationaux de l'OCDE, etc. — qui ont été lancés et pour lesquels les détails précis sont disponibles.
Je pense que l'objet de l'étude était d'essayer de déterminer, à la suite du travail de votre comité sur l'évaluation de l'impact sur les droits de la personne, de quelle manière au juste on peut réduire ce risque — et idéalement, l'éliminer — dans le cours des activités de l'entreprise.
Encore une fois, nous avons constaté une lacune. Dans certains cas, cette lacune est plus grave que dans d'autres. Nous avons trouvé des sociétés qui n'étaient même pas au courant des mécanismes et des protocoles disponibles. Nous avons trouvé d'autres sociétés qui, comme j'ai l'habitude de le dire, faisaient de leur mieux dans une situation difficile.
L'autre point porte sur ce que j'ai mentionné il y a quelques instants; je pense qu'Étienne peut probablement vous en parler aussi. Dans le Sur de Bolivar, l'une des options d'emploi, si vous voulez, est l'exploitation minière à petite échelle. L'une des questions que nous avons examinée est le déplacement des artisans miniers de Marmato. Il s'agit, dans ce cas-là, de dizaines de milliers de personnes qui seraient déplacées par un projet d'exploitation minière à grande échelle qui n'emploierait que quelques centaines de personnes.
La question est de savoir ce que sont censés faire ces artisans miniers au fur et à mesure qu'ils sont déplacés?
Nous ne préconisons pas l'exploitation minière à petite échelle en tant qu'activité, car c'est dangereux pour les mineurs et pour l'environnement. La question de savoir si une technologie appropriée et des investissements dans l'exploitation minière à petite échelle pourraient rendre celui-ci productif et sans danger, c'est une discussion en soi, mais...
L'exploitation minière à moyenne échelle est acceptable? Vous êtes contre les petites et les grandes mines, mais est-ce que les moyennes sont acceptables?
J'essaie simplement de me faire une idée du genre d'exploitation minière que vous aimez.
Je dispose de combien de temps, monsieur le président? Quinze, vingt minutes?
Une voix: Trois minutes.
M. Serge Cardin: Messieurs, bonjour et bienvenue au comité.
C'est un dossier très délicat. J'ai l'impression qu'il y a une certaine prudence dans vos propos, et je comprends aussi qu'il y a un lien entre les investissements et la violation des droits de la personne en Colombie.
Vous nous dites au fond qu'un accroissement des investissements canadiens dans le cadre d'un chapitre de la protection des investissements, bien sûr, pourrait créer un contexte peut-être plus favorable à la violation des droits de la personne.
Voulez-vous nous expliquer comment, précisément, cela pourrait se produire?
Dans le cas du Sur de Bolivar, une agence de l'État colombien qui se consacre à la protection des droits de la personne a émis des recommandations très claires, à savoir que si l'on pouvait éliminer la possibilité d'investissements à grande échelle dans cette région, cela contribuerait à éviter de graves violations des droits de la personne. Cela protégerait en particulier les gens dont on parle, les membres de la Fédération agro-minière de Sur de Bolivar, FEDEAGROMISBOL, qui vivent dans cette région, qui ont des activités productrices agricoles et minières, et qui gagnent leur vie dans la région malgré la très difficile situation des droits de la personne du Sur de Bolivar, l'une des régions les plus difficiles en ce qui concerne le conflit armé en Colombie.
Notre inquiétude a trait aux concessions d'exploration octroyées à des compagnies canadiennes dans la région. Les noms de ces compagnies se trouvent dans le rapport. Je ne prétends pas que ces compagnies sont complices des violations des droits de la personne et qu'elles sont consciemment complices de groupes paramilitaires, loin de là.
M. Bryson demandait comment on pouvait demander aux compagnies minières canadiennes de s'assurer que les risques que nous décrivons dans notre rapport n'étaient pas présents dans les terres. Effectivement, ce n'est pas nécessairement le rôle d'une compagnie minière de s'en assurer. Voici la question: est-ce que l'Accord de libre-échange canado-colombien laisse à l'État colombien la marge de manoeuvre dont il a besoin maintenant et dans le futur pour mettre en place les recommandations de l'ombudsman des droits de la personne afin protéger les droits de la personne dans le Sur de Bolivar? C'est le fond de la question.
L'un des mécanismes qui devrait être étudié, et c'est notre recommandation, est que l'accord de libre-échange soit soumis à une étude d'impacts sur les droits de la personne. Cette étude irait beaucoup plus loin que l'étude que nous avons été en mesure de réaliser. Elle permettrait de mettre éventuellement en place des mécanismes qui garantissent qu'en aucun cas, cet accord de libre-échange ne puisse constituer un obstacle à l'État colombien s'il décide de révoquer une concession d'exploration donnée sur un terrain clairement identifié comme ayant fait l'objet de déplacements forcés et de violations massives des droits de la personne.
Dans le fond, la question qu'on devrait se poser touche le gouvernement colombien. Le gouvernement est-il dans l'incapacité ou l'impossibilité d'assurer la protection de sa population ou, encore, a-t-il la volonté de le faire?
Qu'un groupe paramilitaire arrive quelque part et déplace les citoyens est une chose. Par la suite, les terres évacuées n'appartiennent pas aux paramilitaires. Des gens peuvent venir s'y installer pour faire de l'extraction. On doit s'interroger bien plus sur la capacité ou le manque de volonté du gouvernement de faire quelque chose dans ces circonstances.
Effectivement, la volonté et la capacité de l'État colombien est en jeu, mais aussi la marge de manoeuvre qui lui est octroyée ainsi que l'appui et la cohérence de la communauté internationale, et du Canada en particulier, dans ses efforts.
Des efforts sont faits en faveur des droits de la personne en Colombie. Dans ma présentation, j'ai cité les recommandations qu'a faites le Canada à la Colombie dans le cadre du processus d'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Selon moi, il est très intéressant de consulter ces recommandations du Canada à la Colombie. Ce sont de très bonnes recommandations faites à la Colombie.
La question est de savoir si le message envoyé est cohérent. Le Canada serait-il éventuellement dans une position où ses intérêts commerciaux, défendus dans le cadre d'un accord de libre-échange, seraient en contradiction avec ses efforts d'entrer en relation constructive avec l'État colombien pour favoriser les droits de la personne? C'est la question centrale qui devrait faire l'objet de vos délibérations.
Il ne fait aucun doute que la Colombie est accompagnée par la communauté internationale et que le rôle de cette dernière est la fermeté, la cohérence et la clarté. Elle doit exiger le respect des droits de la personne et la prise de mesures très précises pour réparer les dommages qui ont déjà été faits. C'est absolument central. Le gouvernement de la Colombie n'est pas éternel non plus, éventuellement un autre gouvernement pourrait être mis en place. Il faut s'assurer que des accords signés par le gouvernement présent ne lient pas les gouvernements futurs, qui pourraient avoir d'autres politiques relativement aux droits de la personne.
C'est un autre point qui suscite l'inquiétude et qui mériterait beaucoup plus d'étude. La loi colombienne permet à l'État colombien de signer des contrats de stabilité juridique avec des compagnies. On devrait se demander comment l'accord touche le traitement, comment le principe du traitement national pourrait étendre ces contrats de stabilité juridique. Cela implique stabilité en matière d'octroi de concessions, de conditions, de règlements environnementaux, de règlements sur le travail, de taxation, etc.
Comment l'accord de libre-échange pourrait-il contribuer à étendre ces contrats de stabilité qui réduisent la marge de manoeuvre future de l'État colombien aux investissements canadiens, par exemple, qui seraient mis en concurrence avec les investissements colombiens sur le territoire? C'est une des nombreuses mesures que l'État colombien a mis en place pour favoriser l'investissement direct étranger et la libéralisation de son économie.
Les droits pour exploiter les terrains sont émis par le gouvernement, et celui-ci émet des droits d'exploration à des compagnies qui s'installent sur des terrains d'où des gens ont été déplacés.
Oui, je pense qu'on peut, sans crainte, émettre l'hypothèse que cette chose arrive relativement couramment. En ce qui a trait aux chiffres relatifs aux terres qui ont été saisies moyennant la violence par les paramilitaires, les chiffres gouvernementaux parlent de 6,8 millions d'hectares. D'autres estimations de groupes de société civile ou de victimes parlent de 10 millions d'hectares dans un pays dont la superficie est de 100 millions d'hectares. Il est facile de calculer le pourcentage, 10 millions d'hectares de terres obtenues par la violence, cela représente 10 p. 100 du territoire colombien. Évidemment, ces terres ne sont généralement pas les pires; ce sont généralement les plus productives et les plus intéressantes sur le plan de l'investissement futur. On peut affirmer que le risque qu'un investissement ou une concession ait été octroyé pour des terres qui ont fait l'objet de déplacement forcé...
En toute conscience sociale et en toute responsabilité, comment le gouvernement canadien pourrait-il accepter qu'une compagnie canadienne aille investir sur un territoire qui a fait l'objet de déplacements ou d'actions qui ont été à l'encontre des droits de la personne? Dans certaines situations, des gens ont été tués lors de ces conflits.
Je pense que c'est pour cette raison que dans la conclusion de notre petite étude, nous disons qu'il faut faire une évaluation en bonne et due forme de l'impact sur les droits de la personne avant de conclure une entente. Il faut faire une enquête suffisamment approfondie des différents aspects, des différents types d'investissement qui sont prévus, des différents mécanismes d'investissement, et de toutes les incidences sur les droits de la personne avant que les législateurs canadiens décident de conclure une entente qui pourrait avoir de telles répercussions.
Cela concorde très bien avec les recommandations du rapport du comité qui avait été acceptées. Les députés libéraux étaient alors favorables à la réalisation d'une étude qui portait sur l'évolution de la situation, de sorte que l'on sache si cette situation est plus stable et acceptable avant de signer quoi que ce soit.
Mon collègue aurait peut-être des questions à poser à cette étape?
Dans votre présentation, vous avez parlé du rapport du comité que mon collègue vient de mentionner. Ce rapport recommande qu'un organe compétent effectue un examen indépendant.
Qui serait l'organe compétent? Avez-vous réfléchi à ce que pourrait être un organe ou un organisme qui aurait le mandat de faire une réelle étude d'impacts, complète et surtout crédible? Avez-vous quelqu'un ou un groupe à nous proposer?
Je ne sais pas si nous sommes en position de faire une telle recommandation.
La méthodologie que nous avons utilisée en partie pour réaliser cette étude est celle de Droits et Démocratie, un organisme parapublic dont le mandat est de faire ce genre de travail. Il a des modèles pour la recherche, la méthodologie et l'élaboration de nouvelles études. Ce serait une possibilité. J'imagine que le Parlement pourrait également nommer sa propre commission ou un organisme pour le faire.
Mais non, nous n'avons pas examiné cette question; nous avons simplement examiné les problèmes.
Quelque chose dans votre présentation m'a interpellé, monsieur Roy-Grégoire. Vous dites que l'ambassade canadienne en Colombie n'a pas le mandat d'analyser les risques auxquels font face les investisseurs canadiens.
Pourriez-vous m'expliquer un peu ce que cela veut dire?
Il s'agit d'analyser les risques au chapitre des droits de la personne. C'est-à-dire que l'ambassade canadienne — comme toutes les ambassades dans les Amériques, autant que je sache — a le mandat de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises. Elle n'a pas par contre le mandat de vérifier ou de contrôler les pratiques des compagnies. Elle n'a pas non plus la capacité, ou le mandat tout simplement, d'évaluer les risques auxquels font face les compagnies au chapitre des droits de la personne. C'est-à-dire que l'ambassade prête des services commerciaux aux compagnies qui requièrent ses services sur les plans de l'environnement, des affaires, etc., mais pas en matière de droits de la personne.
C'est surprenant, en Colombie, compte tenu de la gravité de la situation des droits de la personne et des risques que nous avons relevés, bien que nous ne soyons pas les premiers à les avoir relevés.
Vous faites partie d'un groupe de recherche, et aujourd'hui on parle de la Colombie. Sauf erreur, vous avez étudié le Guatemala et probablement d'autres parties du globe aussi.
Y a-t-il quelque part sur la planète des ententes qu'on pourrait qualifier d'ententes de libre-échange durable, qui respectent les droits de la personne, l'environnement? Parfois, il est préférable de s'éloigner de l'arbre pour pouvoir admirer la forêt. Y a-t-il des choses intéressantes qui se font quelque part, que vous avez étudiées?
Ce n'est pas une question que j'ai étudiée particulièrement, mais la question centrale est une question de cohérence. Il s'agit d'évaluer les accords de libre-échange quels qu'ils soient que le Canada peut signer avec d'autres pays, mais à la lumière du mandat que le Canada s'est donné de promouvoir les droits de la personne à l'étranger. Il est important que le lien soit fait. Notre étude montre effectivement qu'il y a un lien.
L'hypothèse selon laquelle plus d'investissements égalent plus de développements, donc, résolution des conflits, et que c'est un cercle vertueux au chapitre des investissements, ne peut pas être acceptée à sa face même. Elle doit être remise en question et analysée. De fait, elle doit être soumise à l'examen des faits, ce que notre étude a tenté de faire. Notre étude montre que ce n'est pas une hypothèse qui tient la route dans toutes les situations et surtout pas dans une situation comme celle du Sur de Bolivar, qui est une situation particulièrement difficile en Colombie, mais qui est loin d'être une situation isolée.
À mon sens, il faut qu'une connexion soit faite entre des outils qui cherchent à promouvoir l'investissement et le mandat de promouvoir les droits de la personne et le développement à l'étranger.
J'aimerais remercier les témoins de leur travail. C'est très important pour nous.
Monsieur Grégoire, j'aimerais d'abord citer un extrait de l'excellent document portant sur le traité de libre-échange Canada-Colombie que vous avez réalisé et qui a été publié en juin 2009. Dans ce document, vous nous rappelez ceci: « Álvaro Uribe lui-même apparaît dans une liste des principaux narcotrafiquants colombiens élaborée en 1991 par la Defense Intelligence Agency américaine, la DIA, alors qu’il était sénateur. » Corrigez-moi si je me trompe, mais je pense qu'il était en 81eposition sur la liste des principaux narcotrafiquants colombiens à cause de son appui aux narcotrafiquants et aux réseaux de drogue.
Vous parlez également des liens entre les paramilitaires et le régime Uribe. En effet, vous parlez des représentants du gouvernement Uribe et de leurs liens rapprochés avec les paramilitaires, qui tuent régulièrement des gens, et ce, en nombre de plus en plus élevé.
(1205)
[Traduction]
Étant donné ces liens avec le trafic de la drogue, à la fois dans le passé de M. Uribe, mais également aujourd'hui avec les représentants du régime Uribe qui ont des liens avec les paramilitaires, et compte tenu des liens reconnus entre les paramilitaires et le trafic de la drogue, je me demande donc si l'un des problèmes fondamentaux n'est pas que le régime est lié si étroitement aux narcotrafiquants. Est-ce possible que le fait de récompenser le régime en permettant que cet accord commercial entre en vigueur aurait pour effet, d'une certaine façon, d'encourager ces liens qui existent déjà entre les narcotrafiquants et le régime?
Encore une fois, je dirais que la cohérence et la clarté doivent être centrales dans le cadre des relations entre la Colombie et la communauté internationale. Ça s'applique tout particulièrement au Canada. Il ne fait pas de doute que le pouvoir des paramilitaires au sein de l'appareil d'État cause problème. Cette situation est documentée par plusieurs rapports. Human Rights Watch, notamment, s'est beaucoup penché sur la question.
Ce problème devrait être au centre des préoccupations de la communauté internationale et du Canada, en particulier. Je pense que c'est l'essentiel de mon message. Il faut reconnaître que ce problème est présent et reconnu, et définir une stratégie cohérente à cet effet.
Je veux continuer. Votre rapport est excellent et tous les membres du comité devraient certainement le lire.
Ce que vous avancez est exprimé, d'après moi, de manière très efficace dans le sommaire:
La Colombie souffre encore de violation généralisée des droits de la personne — exécutions extrajudiciaires, disparitions, extorsion et menaces.
Nous avons également appris, il y a quelques semaines, dans le plus récent rapport, que le régime colombien pratiquait souvent la torture.
Vous dites aussi dans le sommaire:
Il y a des corrélations frappantes entre les sites d'investissement — national et étranger — et les violations des droits de la personne, à partir des meurtres et massacres jusqu'au vol massif des terres et de la propriété, en passant par les violations du droit de circuler librement et du droit à un environnement sain.
Les violations des droits de la personne sont liées aux efforts de ceux qui tirent les ficelles des groupes paramilitaires meurtriers en vue de créer des conditions d'investissement qui leur seront profitables.
Ainsi, vous indiquez très clairement que le problème n'est pas une corrélation directe nécessairement entre des sociétés canadiennes et les attaques brutales, la violence et le vol de propriétés de pauvres Colombiens, mais que dans un sens, les groupes paramilitaires liés au régime recyclent les terres.
N'est-il pas vrai que ce qu'ils font essentiellement, c'est de s'approprier les terres...
Une voix: J'invoque le Règlement, monsieur le président...
M. Peter Julian: ...une fois qu'ils ont mis la main sur une terre, ils sont alors en mesure de vendre et ainsi de recycler...
Une voix: ...le témoin a clairement dit qu'il n'y avait aucun lien avec une entreprise canadienne. Vous ne pouvez pas lancer ce genre d'accusation ici.
Alors le problème serait qu'en fait une société canadienne, sans qu'elle en soit directement responsable, mais en raison de ce qui s'est passé auparavant — comme vous l'indiquez très clairement dans votre rapport —, pourrait jouer un rôle dans ce recyclage des terres?
Il ne serait pas raisonnable d'exclure la possibilité qu'une compagnie puisse agir d'une façon qui ne soit pas socialement responsable, on ne peut pas exclure cela dès le départ. Par contre, le problème principal identifié par notre étude, comme vous le dites, est un problème de contexte. Pour investir, la Colombie est un endroit particulièrement problématique. Vous avez très clairement résumé le problème.
Dans votre rapport, vous dites que: « Une hausse de l'investissement dans le secteur extractif risque de consacrer, voire d'alourdir, le tribut déjà effarant imposé à la population colombienne en matière de droits de la personne ». Ainsi, un accroissement de l'investissement pourrait très bien entraîner une aggravation des problèmes de violation des droits de la personne en raison des agissements de ces brutes paramilitaires meurtrières, liées au régime.
Maintenant, pourriez-vous revenir à la question du Sur de Bolivar et de ce qui est arrivé à la fédération syndicale, ou la fédération agro-minière, dont vous parlez dans votre rapport? Quel a été l'impact? Qu'est-il arrivé aux membres de ce syndicat lorsqu'ils ont décidé de syndiquer le secteur minier?
Premièrement, il s'agit de communautés qui ont été particulièrement affectées par les déplacements forcés à partir de la moitié des années 1990. Ces gens ont été victimes de violence paramilitaire principalement, mais aussi dans le cadre de leur travail elles ont été victimes de différentes sortes d'attaques. Je parlais dans ma présentation de menaces qui originent de groupes d'anciens paramilitaires maintenant réorganisés sous le nom d'Águilas Negras, que l'on pourrait encore qualifier de groupes paramilitaires. Il y a donc eu des menaces. En ce qui a trait à leurs dirigeants, je mentionnais le nom de Alejandro Uribe Chacón, assassiné, apparemment, par l'armée. En fait, ce cas est assez bien documenté par des organisations comme Amnistie internationale. Au début de cette année, un article très recherché est paru dans l'hebdomadaire Semana, en Colombie, sur ce cas.
Le cas n'a pas été jugé, mais beaucoup d'éléments indiquent qu'il aurait été victime d'une exécution extrajudiciaire. Toutefois, l'armée colombienne a prétendu qu'il s'agissait d'un guérilléro mort au combat. Il est disparu juste après une réunion de FEDEAGROMISBOL où on discutait justement de la position de l'association face aux investissements étrangers. En page 32 et 33 du rapport, vous avez les détails des attaques contre les membres de FEDEAGROMISBOL. Le président de FEDEAGROMISBOL, Teofilo Acuña, qu'on a pu interviewer dans le cadre de notre étude, a dû quitter la région par crainte pour sa sécurité. Il a été lui-même arrêté de manière illégale par l'armée colombienne en avril 2007. Ce sont deux exemples d'une multitude d'attaques et de menaces dont font l'objet les membres et les dirigeants de FEDEAGROMISBOL.
Une chose est particulièrement inquiétante dans ces attaques. Dans les menaces d'Águilas Negras, l'opposition de FEDEAGROMISBOL aux investissements ou à l'entrée des compagnies transnationales est présentée comme une des raisons pour lesquelles ses membres sont des objectifs militaires, comme disent les gens d'Águilas Negras. C'est particulièrement inquiétant pour nous.
Aussi, lors d'interactions avec les troupes de l'armée colombienne, des commentaires ont été faits par des membres des troupes selon lesquels le travail de l'armée colombienne est de laisser entrer les compagnies. Ce sont des commentaires qui sont faits par les membres des troupes de l'armée colombienne. C'est particulièrement inquiétant dans la mesure où cela laisse planer un doute sur la capacité ou l'intérêt de l'État colombien à protéger les droits et à évaluer de manière impartiale les droits et obligations d'investisseurs et de communautés locales, etc.
Dans votre rapport, il est dit très clairement: « [...] que des soldats ont dit [que leurs opérations militaires ont été mises en place] pour protéger les intérêts des compagnies minières internationales [...] dans la région. » C'est à la page 33.
Il s'agit effectivement de commentaires qui sont faits par des membres des troupes de l'armée colombienne et qui ont été recueillis par des membres de FEDEAGROMISBOL et par une organisation canadienne qui s'appelle Christian Peacemaker Teams.
Ils font partie des gens de cette fédération qui ont été tués et torturés. Le syndicat a été mis en place et des gens ont été torturés et tués par les paramilitaires liés au régime et par l'armée colombienne dirigée par le régime, n'est-ce pas?
Merci, monsieur le président. Vous êtes très patient avec nous aujourd'hui.
Vous présentez des arguments très clairs en faveur d'une évaluation indépendante et impartiale des droits de la personne. C'est très clair. Tout député qui vous écoute ou qui lit ce rapport ne pourra s'empêcher de se demander, s'il lit sincèrement, quelles seront les répercussions et si nous allons effectivement provoquer d'autres violations des droits de la personne si nous allons de l'avant.
Pourquoi pensez-vous que certains résistent à l'idée d'une évaluation des droits de la personne en Colombie avant d'aller plus loin?
Ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a là-bas une ressource exploitable, que ce soit de l'or ou de l'uranium, et que certains souhaitent aller de l'avant et ne pas reporter à plus tard la mise en œuvre des mesures de protection des investissements qui serait prévue dans un accord de libre-échange. Cela, je peux l'affirmer.
Pour ce qui est de deviner les mobiles des autres, c'est un peu difficile.
Super. Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant.
Vous avez documenté toute une série de violations et de problèmes — le meurtre de représentants syndicaux, la torture au nom de la branche militaire du régime colombien, la section paramilitaire du régime colombien. Vous les avez documentées de manière exhaustive. Vous avez publié ce rapport et j'espère que les gens assis autour de cette table le liront attentivement.
Vous dites que nous devons faire une évaluation indépendante et impartiale des droits de la personne. Que craignez-vous si nous allons de l'avant tout simplement, comme certains le souhaiteraient, malgré le fait que cela procurera très peu d'avantages commerciaux au Canada? Il y a certainement un énorme coût en termes de droits de la personne. Que craignez-vous si nous allons de l'avant avec l'accord sans savoir si nous n'allons pas provoquer un accroissement de la violence et des violations des droits de la personne?
L'inquiétude principale, c'est qu'effectivement les risques identifiés dans le rapport se réalisent. Le risque le plus pressant, c'est que les violations possibles identifiées ici aient effectivement lieu et que les investissements prévus, ou qui se réaliseront éventuellement, donnent lieu à ces violations. À mon avis, c'est le risque qui devrait être au centre de toutes nos préoccupations.
Une autre préoccupation, c'est que l'État canadien devrait s'assurer que ce qui est donné d'une main n'est pas repris de l'autre. Il faut absolument qu'il s'assure qu'il y a cohérence dans sa relation vis-à-vis de la Colombie.
J'ai été indulgent. Je ne voulais pas soumettre nos témoins à une torture indue en leur imposant une séance de deux heures. J'ai pensé qu'on en apprendrait probablement davantage en accordant 15 minutes à chacun des partis. Vous avez tous maintenant dépassé ces 15 minutes.
Je demanderais aux députés du dernier parti de voir s'ils peuvent terminer en 15 minutes. Vous pouvez partager votre temps.
Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Holder.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Plusieurs affirmations ont été faites aujourd'hui avec lesquelles je suis profondément contre, pas nécessairement vos réponses, mais plutôt les questions. Il y a quelques sujets que j'aimerais essayer d'approfondir un peu.
Vous avez dit, monsieur Grégoire, que l'investissement étranger direct aurait mené à cet assassinat en septembre 2006. L'interprète, en tout cas, a dit qu'il avait apparemment été commis par le gouvernement. Avez-vous des preuves contre le gouvernement? Je veux dire, n'importe qui peut faire une allégation. Soit vous avez des preuves, soit vous n'en avez pas. Alors, est-ce qu'en 2006 le gouvernement a assassiné la personne dont vous parliez, ou est-ce simplement une allégation?
C'est dans le rapport. C'est l'armée colombienne qui avait le corps et qui a reconnu sa responsabilité dans le décès, et ce, dans une déclaration publique. Or, il n'y a pas eu d'enquête, et c'est pourquoi nous ne pouvons pas affirmer avec certitude ce qui s'est réellement passé. Nous n'avons que ces déclarations sur lesquelles nous appuyer.
Mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous dites qu'il a apparemment été assassiné par le gouvernement. Ce que vous dites, c'est qu'il faut faire preuve d'une certaine discrétion. Ou bien c'est vrai ou bien ce ne l'est pas.
Peut-être qu'il faudrait qu'il y ait une enquête — je ne sais pas —, mais je ne connais aucune des circonstances.
Je vous encourage à lire le détail des indices et de l'information disponibles sur ce cas aux pages 32 et 33 du rapport. Effectivement, vous avez raison, le cas n'a pas été jugé. Il n'y a pas eu d'enquête satisfaisante sur le cas et c'est pourquoi on ne peut pas dire de manière certaine qu'effectivement, il a été assassiné par l'armée. Je ne sais pas de science certaine.
Le fait que l'enquête n'ait pas eu lieu est en soi un problème qui a été identifié par de nombreux organismes. Le Canada et l'ONU en particulier ont reconnu que l'impunité en Colombie est un problème. Ce qui ne fait pas l'objet d'un débat, c'est la responsabilité de la mort de cette personne. Effectivement, l'armée colombienne a indiqué qu'il s'agissait d'un guérillero mort au combat.
Exactement. Mais nous ne savons pas et je suis surpris que quiconque puisse, sans savoir, insinuer qu'il s'agissait d'un assassinat, car c'est peut-être le cas, mais ce n'est peut-être pas cela non plus. C'est ce que je pense.
J'aimerais demander au greffier de m'arrêter après sept ou huit minutes, car je veux laisser du temps à mon collègue. Nous sommes tellement pris par nos propres questions que nous ne laissons jamais de temps pour les autres.
L'une des questions que j'ai posées à tous les groupes, qu'ils soient pour ou contre l'accord de libre-échange ou neutres, concerne le fait que nous avons déjà des échanges commerciaux avec la Colombie, et ce depuis un certain temps déjà. En quoi est-ce que le fait d'ajouter des règles à l'accord qui existe déjà, le fait d'ajouter à cet accord des dispositions avantageuses pour l'environnement et les travailleurs — il y a peut-être des groupes qui souhaiteraient que nous allions plus loin — peut-il nuire à la Colombie? Comment est-ce que cela pourrait faire autrement qu'améliorer notre relation commerciale?
Je crois qu'en fait, Étienne a répondu à cette question dans sa déclaration. Comme vous l'avez signalé, il y a lieu de se demander jusqu'où vont ces règlements et si la protection de l'environnement et de la main-d'oeuvre s'accompagne également d'une protection plus générale des droits de la personne. Cependant...
Je comprends ce que vous dites, mais je pense que vous ne comprenez pas très bien ce à quoi je veux en venir. Il n'y a actuellement aucune règle dans ce pays. Essentiellement, vous n'êtes qu'un pays qui oeuvre dans un pays étranger.
Je crois que la principale préoccupation, c'est que des règles pourraient être adoptées qui limiteraient la capacité du gouvernement colombien à prendre certaines des mesures qui ont été recommandées par l'ombudsman, ou qui pourraient être recommandées plus tard, pour régler certains des problèmes qui ont déjà été cernés. C'est une préoccupation très particulière, et...
Vous dites tout simplement qu'on peut continuer à fonctionner sans règles, et qu'en fait, il vaut mieux ne pas en adopter. C'est ce que vous dites.
Sauf le respect que je vous dois, je ne suis simplement pas d'accord. Nous pouvons ne pas être d'accord — il n'y a pas de problème — sur la rigueur de ces règles, mais tout au moins nous proposons d'adopter des règles quelconques.
De plus, j'accepte mal ce que vous dites, soit qu'aucun investissement ne pourra être fait sans qu'il comporte des risques de violations des droits de la personne. Mais non! Vous dites cela et quelqu'un qui vous écoute le croit; c'est facile à dire. Mais bon sang, vous devez avoir suffisamment confiance dans l'homme pour croire que toutes les sociétés qui travaillent à l'étranger ne sont pas foncièrement mauvaises et que tout le monde n'essaie pas simplement de s'enrichir et que certains ont une conscience sociale et tentent de faire leur travail d'une manière juste et équitable. Certainement...
J'ai déjà pris sept minutes et j'ai une autre question.
Je suis d'accord avec vous. Nous reconnaissons tous deux qu'il devrait y avoir des règles. Dans d'autres régions du monde, nous faisons la promotion de l'adoption de règles sur l'investissement, la protection des droits de la personne, la protection de l'environnement, la responsabilité sociale et la responsabilité des sociétés liées à l'investissement et au commerce. C'est clair.
Nous avons essayé d'indiquer très clairement que nous n'accusons pas du tout les investisseurs de nourrir de mauvaises intentions ou de ne pas avoir fait preuve de diligence appropriée. Ces accusations seraient peut-être justifiées ou peut-être pas. Nous n'avons pas découvert de preuves qui puissent nous pousser à dire que quelqu'un a sciemment agi de façon répréhensible. Comme je l'ai déjà dit, si nous avions découvert ces preuves, nous les aurions certainement communiquées.
Tout cela est particulièrement important, surtout dans le cas de la Colombie, en raison des antécédents du conflit, des diverses couches d'incertitude qui existent dans la région. Ainsi, lorsqu'une entreprise fait preuve d'une diligence qui serait jugée parfaitement appropriée ailleurs, il se pourrait que dans le contexte de la Colombie, il y ait quand même violation des droits de la personne. C'est justement ce risque que nous voulons cerner.
Mais la dernière question est fort brève et porte sur l'empreinte. Quelques remarques ont été formulées au sujet du nombre de kilomètres carrés, des centaines et des milliers de kilomètres carrés de terre que des gens ont été forcés de quitter simplement en raison des intérêts commerciaux ou miniers. J'ai visité beaucoup de mines au Canada et à l'étranger, et l'empreinte que vous laissez lorsque vous procédez à l'exploration minière... Et en fait, je suppose que vous savez ce dont je parle. Et vous pouvez explorer 100 kilomètres de territoire, mais vous ne construisez pas des routes partout, vous ne forcez pas les gens à quitter le territoire et vous n'avez pas des conflits avec les propriétaires fonciers pour chaque pouce.
Honnêtement, c'est tout à fait le contraire. Vous explorez une grande zone et vous exploitez une très petite portion, ne laissez qu'une toute petite empreinte qui ne touche souvent pas plus que quelques centaines d'acres. Je ne comprends pas pourquoi on force...
Lors de l'expulsion des Écossais des Highlands, les gens ont été déplacés de force de leurs terres. Mais ce n'est pas ce qui se passe ici. Il n'y a aucune raison d'agir de cette façon. Je ne comprends donc pas comment cela peut se produire. S'il y a du trafic de drogue, s'il y a des activités illégales, s'il y a une autre raison qui explique pourquoi les gens s'enfuient pour assurer leur sécurité personnelle, je peux comprendre.
Je pense qu'il importe de se rappeler ces couches d'incertitude. Nous ne parlons pas ici d'une société d'exploitation minière qui aurait acheté une concession et qui forcerait les gens à quitter le territoire. Nous parlons plutôt d'une activité militaire ou paramilitaire, avant même que cette concession soit accordée, et c'est une intervention qui permet à ce moment-là aux entreprises d'aller explorer des terres où plus personne ne vit maintenant.
Encore une fois, ce n'est pas tant l'activité d'exploitation minière que ce qui a été fait pour permettre aux entreprises de venir.
J'accorderai la moitié du temps dont je dispose à mon collègue, M. Harris, car je sais qu'il a quelques questions à poser.
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui.
J'aimerais revenir un peu sur ce qu'a dit M. Bryson un peu plus tôt. Il a parlé de l'industrie minière et a demandé si vous appuyez les entreprises, petites ou grosses. En fait, il était sur le point de vous demander si vous appuyez l'industrie minière dans son ensemble.
Monsieur Kneen, vous avez dit des choses qui étaient franchement frappantes et j'aimerais les répéter, si vous voulez bien, pour m'assurer que j'ai bien saisi.
Il y a quelques instants, M. Keddy vous parlait du commerce. Il y a un thème récurrent dans vos propos qui mérite d'être rappelé. Vous avez dit que si vous aviez découvert des preuves, vous auriez certainement communiqué ces éléments. Je pense qu'il s'agit d'une intervention très sincère et d'un commentaire honnête.
Quant aux observations de M. Bryson, lorsque nous avons parlé d'un lien direct entre les industries minières canadiennes, les industries d'extraction, et la violence en Colombie, vous avez dit que si vous aviez découvert de tels renseignements, la nouvelle aurait déjà éclaté au grand jour. Je crois que c'est ce que vous avez dit.
Quant à vos commentaires, même si vous les avez faits avec les meilleures intentions du monde, ils sont caractérisés par beaucoup de suppositions. Nous espérons tous qu'il y a beaucoup plus d'erreurs que de véracité dans ces propos. Si j'avais reçu ce rapport à l'avance, je l'aurais lu de plus près et j'aurais pu répondre plus directement à ce qui semble être de graves allégations.
J'aimerais vous poser une question bien précise. Croyez-vous qu'il existe un lien direct entre les entreprises canadiennes qui font des affaires en Colombie et les meurtres et la violence dans ce pays?
Nous n'avons pas découvert de lien direct entre une entreprise canadienne quelconque et un acte de violence particulier. Cependant, nous avons constaté qu'il pourrait y en avoir un et que ce n'est pas à négliger. Nous n'avons pas constaté non plus que les agissements du gouvernement canadien, de l'ambassade canadienne ou des entreprises elles-mêmes suffisaient pour empêcher qu'une telle corrélation soit possible.
Des mécanismes ont été élaborés à l'échelle internationale — dont les principes volontaires — qui se penchent sur le recours au personnel militaire et à l'ancien personnel militaire pour la sécurité privée. Tous les intervenants n'étaient pas au courant de l'existence de ces mécanismes; vous comprendrez qu'ils ne les mettaient certainement pas en oeuvre.
Je pense que cela résume bien ce que nous avons constaté, mais notre document donne de plus amples détails.
Je me ferai un devoir de le lire. Dans vos derniers commentaires, vous avez parlé de possibilité — encore une fois, il s'agit de suppositions et rien n'est clair.
Pourrais-je vous poser une autre question? Nous voyons les choses différemment, et c'est correct. La majorité de nos témoins à ce jour — enfin, je dirais tous nos témoins — appuient le commerce. Ils n'appuient peut-être pas le principe de l'accord du libre-échange en tant que tel, mais ils appuient le commerce. Et je crois que c'est ce que vous semblez avoir dit. De fait, soyons honnêtes, nous effectuons déjà des échanges commerciaux. Des échanges commerciaux importants avec ce pays. Ce que nous essayons de faire, c'est d'éliminer les obstacles pour le mieux-être des Canadiens et des Colombiens.
Tous nos témoins ont également dit qu'ils jugeaient qu'il fallait y voir un système fondé sur des règles. Je crois que M. Keddy essayait de dire que l'absence de règles mène inévitablement à moins d'équité et peut-être même à plus de bouleversements.
Peut-être pourrais-je présenter la question sous un autre angle. À votre avis, quels seraient les avantages d'une augmentation des échanges commerciaux avec la Colombie?
Je ne suis pas expert en matière de commerce et je dois donc bien peser mes mots. Mon organisation se concentre sur les activités du secteur des mines.
En passant, ce que nous proposons, ce sont des activités minières menées de manière responsable.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets aujourd'hui qui appuieraient l'allégation que vous venez de faire? En fait, ce n'était pas une allégation; c'était un commentaire très direct. Avez-vous un exemple précis que vous pourriez fournir au comité?
Compte tenu du temps dont nous disposons, je ne sais pas s'il est vraiment utile de donner des détails pays par pays, entreprise par entreprise, des cas et des allégations. Les liens qui auront été mis de l'avant...
Malheureusement, il est vrai que nous avons peu de temps, et je sais que M. Harris veut poser quelques questions. Vous comprendrez que le problème, monsieur Kneen, c'est que nous venons d'entendre une autre allégation. Cela me semble un peu fallacieux et j'ai l'impression que tout ce qu'on a fait à ce jour, c'est de calomnier des entreprises canadiennes qui sont en Colombie et qui, en toute bonne foi, à mon avis, essaient de faire ce qu'il faut en faisant preuve de responsabilité sociale.
Les entreprises essaient certainement de réaliser des profits, d'améliorer leur situation, tout en essayant de prendre des mesures positives en Colombie et au Canada. En faisant un commentaire de ce genre sans étoffer de quelque façon que ce soit, c'est comme si vous dénigrez les entreprises canadiennes qui oeuvrent en Colombie, et je crois que c'est regrettable.
Je parlais d'abord de la Colombie, et j'ai essayé d'être précis. Si vous me demandez si les entreprises canadiennes font toujours pleinement preuve de responsabilité sociale, j'ai déjà répondu non. Il suffit de se pencher sur l'affaire de New Gold à San Luis Potosi, au Mexique, car on vient de découvrir qu'au cours des trois dernières années, l'entreprise se livrait à des activités illégales. Je vous invite à examiner ce dossier.
Je peux peut-être vous répéter ce que ma mère du Cap-Breton me disait: « Ed, tu n'étais pas un mauvais garçon la plupart du temps. À l'occasion, tu t'énervais un peu, mais je pense que tu n'as pas trop mal tourné ».
Habituellement, je veux qu'on fasse un commentaire qui tienne compte de tous les aspects, quelque chose d'équilibré. Je crois que j'ai compris là où vous voulez en venir.
Si c'est possible, je vais laisser le reste du temps à M. Harris.
Monsieur Grégoire, vous avez dit dans vos commentaires liminaires qu'entre 1994 et 2007, quelque 53 000 personnes ont été déplacées de leur terre et un bon nombre de personnes ont également été tuées. Cela représente une période de 13 ans. Je crois qu'il est juste de dire que les résultats de ces réunions de comité et des rapports commerciaux à venir avec la Colombie mettront l'accent sur le gouvernement actuel et les gouvernements qui le remplaceront.
J'aurais préféré que vous présentiez les données en fonction de deux périodes: celle avant M. Uribe et celle où il est au pouvoir. Il a été élu en 2002, alors il aurait été juste de nous donner des chiffres sur les personnes déplacées et celles qui ont été tuées selon la période de l'histoire de ce pays.
Les membres du groupe des Nations Unies Human Rights Watch ont dit que les choses se sont améliorées de façon dramatique au cours des cinq ou six dernières années en Colombie. Le nombre d'assassinats est à la baisse et le pays semble s'être engagé dans la bonne voie.
Je dis simplement qu'il aurait peut-être été préférable de présenter vos données ainsi, compte tenu du changement d'orientation du gouvernement actuel.
Pendant vos exposés, messieurs, vous avez utilisé des termes comme « suppositions » et « conjectures » et avez dit que l'armée colombienne aurait « apparemment » assassiné une personne. Vous avez parlé des risques de violations des droits de la personne « qui sont inhérents » à cette industrie. Vous avez employé les termes et les expressions « pourrait avoir lieu », « peut », « pourrait se produire », « il est possible », « apparemment » et « potentiel »...
Très bien. C'est pourquoi je vais vous poser une question bien directe. Il s'agira de ma seule question. Pouvez-vous nous dire catégoriquement que des entreprises canadiennes qui oeuvrent dans le secteur de l'extraction minière en Colombie participent ou ont participé sciemment à des activités qui appuient ceux qui violent les droits de la personne?
Une réponse oui ou non suffit, monsieur. La question est bien simple.
On a déjà touché à cette question à plusieurs reprises, et la réponse est qu'on ne peut dire ni oui ni non. Cependant, on peut dire qu'il y a des risques très bien identifiés.
En réponse à l'autre partie de votre question concernant les déplacements forcés, je pense qu'il y a un élément qu'il faut retenir. En fait, la violation par déplacement forcé peut avoir eu lieu, par exemple, en 1998 ou au début des années 2000, qui ont été les années les plus graves au chapitre des déplacements forcés.
La réparation de ces violations n'a pas encore eu lieu puisque les gens n'ont pas pu retourner à leur lieu d'origine. C'est donc une donnée qu'il faut garder en tête non seulement en ce qui concerne les taux de déplacements, mais aussi la capacité ou la volonté de l'État colombien de réparer les violations commises contre ces personnes.
Sans vouloir vous contredire, il suffisait de répondre oui ou non à la question que je vous ai posée, et ce n'est pas ce que vous avez fait. À mon avis, compte tenu des allégations, directes et moins directes, qu'on retrouve dans votre rapport, si ce rapport était en fait le résultat d'une étude approfondie, vous auriez certainement été en mesure de déterminer sans équivoque si les entreprises canadiennes avaient sciemment violé les droits de la personne ou appuyé des groupes qui le faisaient.
Il est clair que vous ne pouvez pas répondre simplement oui ou non à cette question, ce qui me pousse à dire que nombre des allégations que vous avez présentées dans votre rapport... Si vous êtes des chercheurs sérieux, alors votre rapport n'est pas à la hauteur.
Je tiens à remercier nos témoins. Cette réunion a été fort intéressante et je vous remercie d'avoir patiemment répondu à toutes les questions qui vous ont été posées et d'avoir fourni des réponses détaillées.
Nous avons quelques questions de gestion interne à régler. Il ne faudra que quelques instants...
Très bien, nous n'avons pas à le faire. Il suffit de dire que nous continuerons jeudi. Nous poursuivrons la discussion à ce moment-là avec la liste des témoins que nous a fournie le Bloc québécois. J'espère que nous pourrons obtenir la traduction pour M. Navarro.