Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous ce matin pour discuter du projet de loi relatif à l'Accord de libre-échange signé récemment par le Canada et le Pérou.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'excuse si je parle seulement en anglais aujourd'hui.
[Traduction]
L'Association canadienne du droit de l'environnement, à laquelle j'appartiens, est une ONG sans but lucratif constituée en vertu d'une loi fédérale, ainsi qu'une clinique ontarienne d'aide juridique spécialisée. Nous offrons des services juridiques directs, notamment pour des causes-types et pour des causes qui font jurisprudence en matière environnementale, aux gens qui n'ont pas les moyens de s'offrir un avocat. Notre mandat comprend la réforme du droit, l'information juridique de la population et les services communautaires.
Pour mon intervention de ce matin, j'ai mis à contribution la longue expérience de l'ACDE en matière de commerce extérieur et d'environnement, dont les travaux de feu Michelle Swenarchuk, ex-directrice de notre programme du commerce extérieur et de l'environnement. Il y a trois messages que je veux vous transmettre aujourd'hui. Je signale qu'ils ne portent pas uniquement sur l'accord bilatéral à l'étude.
Premièrement, la disposition concernant l'accès direct de l'investisseur aux mécanismes de règlement des différends opposant un investisseur et un État, dans le chapitre sur les investissements, pose en soi un problème dans la mesure où elle invite, à mon avis, la contestation à répétition des mesures réglementaires relatives à la sécurité et à la santé environnementale prises par le Canada et les provinces. Je vais développer ma pensée.
Deuxièmement, si l'accès direct de l'investisseur est maintenu, les ententes bilatérales de libre-échange doivent être explicitées de manière à s'appliquer aux situations de véritable expropriation et à ne pas s'appliquer aux mesures réglementaires prises par le Canada et les provinces en matière d'environnement, de santé, de sécurité et de protection des travailleurs, à tout le moins.
Troisièmement, j'aimerais discuter de la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux, aussi bien au Canada que dans d'autres pays, qui crée un ensemble hétéroclite de règles relatives à la protection, ou à l'absence de protection, des droits souverains du Canada, des provinces et d'autres pays pour ce qui est d'adopter des lois et règlements visant la santé de l'environnement, la sécurité et les droits du travail que les gouvernements jugent nécessaires. L'existence même de cet ensemble hétéroclite complique l'évaluation du risque des contestations commerciales et entrave encore plus la prise de mesures réglementaires.
Au sujet de mon premier point, l'accès direct des investisseurs aux mécanismes de règlement des différents opposant un investisseur et un État, dans le chapitre sur les investissements, je dirais qu'il n'est pas nécessaire d'offrir aux investisseurs l'accès direct aux États dans les ententes bilatérales de libre-échange, même si l'on souhaite offrir une protection contre l'expropriation. Les accords commerciaux prévoient normalement que les investisseurs ont droit au même traitement que les ressortissants. En conséquence, le droit interne — aussi bien la common law que le droit législatif — qui vise l'expropriation peut être invoqué. C'est ce qui se fait dans l'Accord de libre-échange États-Unis-Australie, le deuxième accord bilatéral de libre-échange négocié par les États-Unis avec un pays développé, comme ils le disent dans leur examen environnemental de 2004.
L'Accord de libre-échange États-Unis-Australie ne prévoit pas de recours direct en cas de différend opposant un investisseur et un État, même s'il renferme certaines dispositions concernant l'expropriation. Dans le dernier examen environnemental, le comité d'examen a déclaré ceci:
Vu le caractère unique de cette entente — y compris... les liens économiques de longue date entre les États-Unis et l'Australie, leurs traditions juridiques communes et la confiance de leurs investisseurs qui souhaitent exercer leurs activités dans leurs marchés respectifs — les deux pays ont convenu de ne pas incorporer dans cet ALE des mécanismes qui permettraient aux investisseurs de faire arbitrer des litiges avec les gouvernements. Les mécanismes de règlement des différends de gouvernement à gouvernement restent disponibles...
Cet accord comprend — ce qui est normal — des dispositions relatives à l'expropriation, prévoyant qu'elle doit servir une fin publique, qu'elle ne doit pas être discriminatoire et que le dédommagement doit être rapide et raisonnable, et conforme à l'application régulière du droit. J'aimerais commenter ceci. Il s'agit de conjectures de ma part, mais jusqu'en 2004, l'ALENA avait fait l'objet de certains contestations opposant un investisseur et un État et de demandes de dédommagement par suite d'une mesure réglementaire; j'imagine que les négociateurs voulaient éviter ce genre de demandes.
C'est pourquoi, au lieu d'offrir ce type de recours direct aux mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et un État, l'Accord de libre-échange États-Unis-Australie offre la possibilité de consultations. De cette façon, s'ils souhaitent ultérieurement offrir un recours à un investisseur donné, ils pourront tenir des consultations sur la façon de le faire. Mais ce sur quoi ils se sont entendus dans l'accord, ce sont les règles normales d'expropriation de chaque pays. En cas de plainte les concernant, ils en feraient l'objet des mécanismes de règlement des différends de l'accord.
Avant de terminer sur ce point, je dirais que l'absence de recours direct en cas de différend entre un investisseur et un État dans l'Accord États-Unis-Australie constitue en soi une protection pour les États sur le plan de leur capacité de prendre des règlements visant la santé environnementale, la sécurité et la protection des travailleurs, entre autres choses. Si un investisseur avait une véritable demande d'expropriation, celle-ci pourrait suivre la filière normale du droit intérieur. En revanche, pour attirer l'attention en cas d'expropriation indirecte réputée fondée sur une mesure réglementaire prise par l'État, il faudrait qu'un investisseur réussisse d'abord à convaincre son propre gouvernement de la légitimité de sa plainte et du fait que la mesure réglementaire en question constitue un de ces rares cas d'expropriation indirecte.
Comme les États-Unis et l'Australie tenaient clairement à protéger leur propre droit de maintenir leurs normes élevées de réglementation environnementale — je vous renvoie au chapitre 19 de l'accord australien —, j'estime qu'ils hésiteraient beaucoup à donner suite à une plainte et qu'il serait très peu probable que cela se produise. Les gouvernements démocratiques doivent tenir compte d'un éventail de facteurs concurrentiels, y compris de nombreuses questions d'intérêt public comme la protection de l'environnement, la santé humaine, la sécurité, les droits des travailleurs et les conséquences socioéconomiques de leurs réglementations, et c'est là leur prérogative.
Ma recommandation au sujet de ce premier point, c'est que le droit d'accès direct par les investisseurs à une réclamation contre les parties soit supprimé et que l'on adopte à la place la formule américano-australienne, autrement dit, donner accès aux mécanismes intérieurs canadiens du droit pour les causes de véritable expropriation et ne pas permettre de réclamations pour l'expropriation indirecte. Il s'agirait au moins là de mesures réglementaires prises par le Canada ou les provinces en matière de santé environnementale, de sécurité et de protection des travailleurs.
La deuxième chose, c'est que s'il doit y avoir accès direct de l'investisseur à l'État, contrairement à ce que je viens de proposer, il vaut mieux que ce ne soit explicitement applicable qu'à une véritable expropriation. Certes, je comprends que l'accord de libre-échange a été négocié et que votre rôle est d'approuver ou non la loi qui le met en oeuvre. Je dirais que les arguments que j'ai présentés à propos des conséquences réglementaires de l'accès direct de l'investisseur sont suffisamment importants pour marquer une pause à ce moment-ci, particulièrement avant de poursuivre cet accord ou tout accord ultérieur, et pour revenir en arrière et passer en revue ce qui s'est passé au sujet de ces réclamations d'expropriation indirecte. De plus, sûrement pour tout accord futur, la démarche prise par l'Australie est celle qu'il faudrait suivre.
Pour ce qui est du libellé qui limiterait les questions aux véritables expropriations, je préciserai d'abord que mon association ne s'est jamais élevée contre l'expropriation en droit interne ou international, en termes de dispositions appropriées d'indemnisation. Il existe d'importantes protections de longue date qui couvrent, par exemple, les autoroutes, les lignes de transmission et ainsi de suite, mais en revanche, nous avons longtemps combattu les arguments selon lesquels la réglementation relative à l'intérêt public équivaut à de l'expropriation ou qu'une indemnisation est due lorsque des activités sont limitées par une réglementation d'intérêt public. En sont des exemples les décisions concernant l'utilisation du sol, l'approbation des installations et les contrôles de l'émission de pollution. Ce sont toutes là des mesures de réglementation valables dans l'intérêt public, même si elles peuvent imposer des coûts aux propriétaires ou empêcher certaines activités.
Pour ce qui est de limiter les revendications à l'expropriation directe, j'estime que le libellé de l'accord devrait expressément limiter l'accès direct de l'investisseur aux réclamations de véritable expropriation. J'estime qu'il vaut mieux choisir cette façon de faire, plutôt que la formule au cas par cas qui figure dans l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. Même si l'on tente, dans l'accord, de préciser que ces affaires ne correspondent pas généralement à de l'expropriation indirecte, le simple fait que la réclamation puisse être déposée montre qu'il y a incertitude concernant les décisions du groupe spécial d'arbitrage et que cela peut avoir un effet dissuasif sur la prise de mesures réglementaires.
Vous avez déjà entendu des témoignages l'autre jour à propos de la réclamation récente déposée par Dow Chemical contre le Canada pour les mesures prises au Québec en vertu de son code sur les pesticides. Lorsque la réclamation a été déposée, comme vous le savez peut-être, l'Ontario avait mis en oeuvre des modifications à sa Loi sur les pesticides visant l'emploi à des fins cosmétiques et l'usage de pesticides de gazon et de jardin et procédait à des consultations relatives aux règlements parallèles à cette loi. Le ministre ontarien de l'Environnement à l'époque s'est senti obligé de faire des déclarations publiques dans les médias à la fin de l'année dernière, indiquant que la contestation de Dow contre le Québec n'amènerait pas l'Ontario à revoir ses positions. À mon avis, le simple fait que ces réclamations puissent être faites constitue un problème puisque cela risque d'empêcher la prise des mesures réglementaires valides. Le risque de ces réclamations donne plus de poids ou d'importance aux intérêts commerciaux représentés, même si la réglementation envisagée par le gouvernement n'est pas une expropriation en droit national ou interne. La difficulté vaut non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Pour clore cette question, l'Accord de libre-échange Canada-Pérou comprend-il cette limitation explicite? Non, je ne pense pas. Le libellé pourrait être perçu comme une amélioration par rapport à l'ALENA. Toutefois, l'accord de l'annexe 812.1, quand il s'agit de déterminer si une mesure constitue une expropriation directe, dit que cela sera décidé au cas par cas. Plusieurs facteurs sont énumérés, comme les conséquences économiques, la mesure dans laquelle elle nuit aux décisions fondées sur des investissements et le caractère de la mesure, et on y trouve la disposition que vous avez déjà examinée, je le sais, et selon laquelle sauf en de rares circonstances — quand une mesure ou une série de mesures est si radicale, vu sa finalité, qu'elle ne peut pas être raisonnablement considérée comme ayant été adoptée et appliquée de bonne foi — des mesures non discriminatoires conçues et appliquées pour protéger des objectifs légitimes de bien-être public, comme la santé, la sécurité et l'environnement, ne constituent pas une expropriation indirecte.
Ce qui m'inquiète, premièrement, c'est que ce genre de dispositions — il ne s'agit pas du seul accord bilatéral à utiliser ce libellé — n'ont été incluses dans les accords commerciaux bilatéraux que récemment. Je signale qu'on a inséré exactement le même paragraphe dans l'accord australo-américain dont j'ai parlé tout à l'heure, mais qu'on n'a pas jugé nécessaire d'y inclure une réclamation directe de l'investisseur.
Quoi qu'il en soit, le fait que les réclamations puissent être faites au cas par cas signifie que c'est le tribunal qui va les évaluer. Par exemple, s'agit-il ici d'un de ces rares cas? La mesure est-elle radicale? Était-elle raisonnable? A-t-elle été adoptée de bonne foi? Était-elle peut-être discriminatoire? Était-elle conçue pour protéger des objectifs légitimes de bien-être public?
Chose intéressante, Howard Mann, avocat de l'Institut international du développement durable, a déclaré à propos de la décision de l'ALENA concernant Methanex en 2005 que le tribunal avait tracé une démarcation nette entre ce qui constitue une véritable expropriation et ce qui ne l'est pas. Cet article dans l'accord avec le Pérou suscite des questions.
La dernière chose, que j'ai déjà mentionnée, c'est que l'existence même de la multiplication des accords bilatéraux de libre-échange entre de nombreux pays, assortis de moyens légèrement différents de protéger le droit d'adopter des règlements, est en train en soi de devenir un problème. L'analyse de l'endroit où la réglementation est sujette à contestation est en train de devenir beaucoup plus complexe et il y a de légères différences entre elles.
Merci.
Je m'appelle Mark Rowlinson. Je suis l'avocat du Syndicat des Métallos et je siège également au comité des affaires internationales de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
Le Syndicat des Métallos est un syndicat international qui compte environ 250 000 membres au Canada. Grâce à notre travail international, nous avons conclu des alliances stratégiques et des liens de travail étroits avec des syndicats partout en Amérique du Sud, en particulier au Pérou. Notre syndicat est le principal syndicat du secteur minier au Canada et, pour cette raison, il s'intéresse particulièrement aux liens entre le Canada et le Pérou et au mouvement syndical au Pérou.
Je comparais également ici ce matin au nom de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical, une association de 350 avocats progressistes qui représente les travailleurs syndiqués du pays. L'ACAMS s'est vigoureusement employée à promouvoir les avantages des droits syndicaux dans les Amériques et à défendre devant les tribunaux diverses affaires visées par l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain.
Je comparais devant vous ce matin pour vous présenter des observations précises et une analyse des dispositions relatives à la main-d'oeuvre dans l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. Ce sont les seuls aspects de l'accord que je vais aborder ce matin.
Pour vous situer, je dirais que les dispositions relatives au travail qui figurent dans l'ALE Canada-Pérou proposé suivent évidemment généralement le schéma que l'on trouve dans les accords commerciaux de l'hémisphère, en particulier l'ALENA, l'accord Canada-Costa Rica et l'accord Canada-Chili. Évidemment, les dispositions de l'ALE Canada-Pérou sont très semblables à celles de l'ALE Canada-Colombie proposé.
Au sein du mouvement syndical, assurément au Canada et ailleurs, on s'entend généralement pour dire que les mesures de protection des travailleurs des accords commerciaux actuels qui ont été négociés à ce jour par le gouvernement du Canada laissent beaucoup à désirer. Elles comportent un certain nombre de problèmes communs. Je vais vous les énumérer rapidement.
Premièrement, les accords commerciaux actuels se concentrent sur l'application des normes du travail nationales plutôt que sur leur amélioration.
Deuxièmement, les mécanismes d'application des accords qui visent les droits du travail sont uniformément insatisfaisants. Ils sont lents et lourds. Le mécanisme d'instruction des plaintes n'est ni indépendant ni transparent. Au contraire, les plaintes sont examinées et évaluées par les bureaucraties créées à cette fin par les gouvernements signataires. Elles ne sont pas actuellement examinées et évaluées par un organe judiciaire ou quasi judiciaire indépendant. Cela tranche évidemment nettement avec les chapitres consacrés aux investissements dans les accords commerciaux que nous avons signés jusqu'à présent et dans lesquels, comme on l'a entendu, les parties, les investisseurs en particulier, bénéficient de recours efficaces et solides imposés par des organes quasi judiciaires indépendants.
Il faut signaler qu'en vertu de l'accord parallèle de l'ALENA relatif au travail, en vigueur depuis maintenant 14 ans, pas une seule affaire n'est allée jusqu'en arbitrage. Cela tranche à nouveau nettement avec les dispositions relatives aux investissements de l'ALENA, qui ont fait l'objet de multiples actions en justice par les investisseurs tant aux États-Unis qu'au Canada.
En ce qui concerne les dispositions de l'ALE Canada-Pérou, celles qui portent sur le travail marquent une évolution par rapport aux dispositions actuelles de l'accord parallèle relatif au travail de l'ALENA. Dans l'accord proposé, le chapitre 16, consacré au travail, renferme des dispositions plus générales qui énoncent les objectifs et les obligations des parties en matière de travail. En particulier, les parties, c'est-à-dire le Canada et le Pérou, réitèrent leurs obligations comme membres de l'OIT et leur attachement à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Toutefois, le chapitre 16 de l'accord se contente d'affirmations et d'objectifs généraux. Ces formules générales n'accordent pas aux parties de droits exécutoires. Comme dans le cas des accords commerciaux hémisphériques canadiens précédents, l'essentiel des droits et obligations en matière de travail sont plutôt énoncés dans ce que l'on appelle l'accord de coopération dans le domaine du travail, souvent désigné sous le nom d'accord parallèle en matière de travail. Pour comprendre les droits des travailleurs dans ces accords commerciaux, il faut naturellement examiner de près l'accord parallèle.
La première partie de l'accord de coopération dans le domaine du travail renferme généralement les droits fondamentaux de l'accord. Les deux parties, le Canada et le Pérou, doivent s'assurer que leurs lois protègent les normes fondamentales du travail internationalement reconnues qui sont contenues dans la Déclaration de 1998 de l'OIT et le programme de l'OIT en faveur du travail décent. Cet article énonce des droits fondamentaux des travailleurs supérieurs à ceux qui se trouvent dans l'un ou l'autre des accords commerciaux auxquels le Canada est actuellement partie. À la différence de l'ALENA, cet accord exige des signataires que leurs lois se conforment aux normes de l'OIT. Je dis au comité qu'il s'agit là d'une amélioration importante par rapport à l'accord parallèle relatif au travail de l'ALENA.
Toutefois, l'article 2 de l'ACT Canada-Pérou — ce que l'on appelle la clause de non-dérogation — n'interdit la violation des normes de l'OIT que lorsqu'il peut être prouvé que le but de la violation était d'encourager le commerce ou les investissements. Cela semble laisser entendre que l'on peut violer les droits du travail à la condition de ne pas le faire pour encourager le commerce ou l'investissement. Cela constitue une limitation importante des obligations fondamentales énoncées dans la partie 1.
Les autres obligations de l'accord parallèle relatif au travail avec le Pérou sont très semblables aux dispositions qui figurent dans les accords commerciaux canadiens actuels, qui se concentrent sur l'application des lois actuelles et la protection des droits en matière de procédure.
J'aimerais maintenant discuter des dispositions d'application de l'accord parallèle en matière de travail.
Étant donné que les droits du travail sont encore une fois relégués dans un accord parallèle, l'application de ces droits n'est pas assujettie aux mêmes mécanismes d'application que les autres droits de l'accord. Il s'agit d'une lacune majeure de l'accord qui fait qu'il diffère, par exemple, de celui qu'ont négocié les États-Unis et le Pérou. Dans l'accord États-Unis-Pérou, non seulement les droits relatifs au travail figurent dans le corps de l'accord, mais ils sont essentiellement assujettis aux mêmes mécanismes d'application que les autres droits.
Dans l'accord parallèle Canada-Pérou, l'article 10 prévoit la présentation, l'acceptation et l'examen de communications dites publiques. Il s'agit du principal mécanisme de plainte prévu dans l'accord parallèle. Comme pour le processus de plainte de l'ALENA, une plainte acceptée peut mener à des consultations entre les ministères du travail des deux pays. Il s'agit de l'article 12.
À la suite de consultations ministérielles, l'article 13 prévoit qu'un signataire national — c'est-à-dire que ce n'est pas la partie qui a déposé la plainte — peut demander qu'un groupe spécial d'examen soit constitué s'il estime que la question est liée au commerce et que l'autre partie n'a pas rempli ses obligations en vertu de l'accord. Autrement dit, la partie qui a déposé initialement la plainte en vertu de l'accord n'a pas le droit d'en saisir un groupe spécial d'examen si elle n'est pas satisfaite des consultations ministérielles.
Il s'agit encore une fois à mon avis en tout cas d'une lacune majeure de l'Accord Canada-Pérou. À la différence des dispositions relatives aux investisseurs, lesquels peuvent pousser l'affaire jusqu'en arbitrage, les travailleurs, les syndicats et leurs défenseurs ne peuvent pas en faire autant en vertu de l'accord parallèle.
Les articles 14 à 20 de l'accord parallèle prévoient un mécanisme d'examen par un groupe spécial. Aux termes de l'examen, le groupe produit un rapport et peut imposer une cotisation financière pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars US, qui est versée dans un fonds. Les sommes sont alors consacrées à des initiatives de travail appropriées sur le territoire de la partie qui a fait l'objet d'un examen.
Il faut signaler que le mécanisme d'application marque certains progrès par rapport aux mécanismes actuels d'application de l'accord parallèle de l'ALENA. Premièrement, le processus est moins lourd. Deuxièmement, l'étendue du processus d'examen est considérablement plus vaste.
Toutefois, bon nombre des lacunes qui caractérisent le mécanisme d'application de l'ALENA persistent dans l'accord de coopération en matière de travail Canada-Pérou.
Premièrement, encore une fois, l'accord de coopération en matière de travail Canada-Pérou dépend de la volonté des États signataires eux-mêmes pour ce qui est de prendre en charge les plaintes. Les plaignants eux-mêmes ne peuvent pas saisir un groupe spécial d'examen. Vu ce que nous avons vécu sous le régime de l'accord parallèle de l'ALENA, il semble très peu probable qu'une plainte ne dépasse jamais le niveau des consultations ministérielles.
Deuxièmement, l'accord donne peu de possibilités à la partie délinquante de négocier un règlement de la plainte.
Enfin, les pénalités se limitent à des amendes. Il n'y a pas de possibilité de sanctions commerciales, de tarifs, ou de révocation de l'accord lui-même comme pénalité pour la violation répétée et systématique des droits du travail énoncés dans l'accord.
Encore une fois, la défaillance de ce mécanisme d'application tranche nettement avec le chapitre 8 de l'Accord Canada-Pérou, relatif aux droits des investissements, qui leur offre un mécanisme d'arbitrage efficace, indépendant et relativement rapide. La décision du tribunal des investissements est définitive et exécutoire. Le tribunal a le pouvoir d'accorder des dommages pécuniaires, la restitution des biens et les dépens à l'investisseur. Aucun droit comparable n'est accordé aux victimes de violation des droits du travail. En résumé, le mécanisme d'application dont jouissent les investisseurs est de loin supérieur à celui qui se trouve dans l'accord de coopération relatif au travail.
La même inégalité existe évidemment dans l'ALENA. Il n'est donc pas étonnant que, 15 ans après son adoption, on constate une immense disparité entre le nombre de réclamations instruites en vertu des dispositions relatives aux investisseurs et le nombre des réclamations instruites en vertu des droits du travail.
En conclusion, les mesures de protection des droits des travailleurs comprises dans les accords commerciaux hémisphériques négociés jusqu'à maintenant par le gouvernement du Canada n'ont garanti aucun droit exécutoire réel aux travailleurs. En ce qui concerne les dispositions relatives au travail dans l'accord entre le Canada et le Pérou, nous considérons que, même si des progrès ont été accomplis, la structure fondamentale des dispositions des accords commerciaux précédents a à peine changé. Les principales mesures de protection des droits des travailleurs font toujours partie d'un accord parallèle plutôt que d'être intégrées dans le corps du texte; le respect de ces droits reste à l'entière discrétion des gouvernements signataires; aucune disposition ne permet aux syndicats ou aux associations d'employés d'intenter des poursuites indépendantes qui pourraient mener à de réelles mesures de redressement pour les parties lésées; finalement, l'accord ne prévoit aucune véritable sanction commerciale advenant le cas où une partie violerait systématiquement les droits des travailleurs.
En général, nous savons d'expérience que les dispositions relatives au travail dans les accords commerciaux, qu'elles fassent partie du corps du texte ou pas, sont peu susceptibles de mener à des améliorations tangibles pour les travailleurs. Les accords commerciaux ne visent toujours pas l'amélioration des normes du travail; en outre, rien ne permet de conclure que ces accords puissent servir à accroître le respect des droits des travailleurs — du moins, pour le moment. Le comité ne sera donc pas surpris d'apprendre que les mouvements syndicaux au Canada et au Pérou ont rejeté en très grande majorité l'accord commercial proposé.
Merci beaucoup.
:
Je vous remercie de m'accueillir ici et de me permettre de vous faire part de certaines réflexions concernant l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Pérou.
Depuis 25 ans, je fais de la recherche sur l'Amérique latine et en particulier sur le Pérou. Lorsque j'ai commencé à donner des cours sur la politique en Amérique latine, c'était au début des années 1990, au moment du débat sur l'ALENA, et je me souviens avoir été très perturbé par certaines affirmations des partisans de l'ALENA qui prétendaient que le Mexique allait devenir un pays développé et prospère, une démocratie capitaliste grâce à l'ALENA, et qui allait représenter un modèle aussi bien pour les pays en développement que pour les États de l'ex-bloc soviétique. Cette image simpliste, anti-historique et unidimensionnelle du Mexique ne cadrait pas avec ce que j'en savais et ce que j'en comprenais; j'en suis venu à me demander si ma formation manquait tout à fait de pertinence, ou si le débat sur l'ALENA n'était pas dissocié de la réalité.
Ensuite, je me souviens comme si c'était hier des premiers jours de janvier 1994 où, en ouvrant les journaux et en me renseignant sur l'insurrection zapatiste au Chiapas, j'ai trouvé un autre Mexique, un Mexique qui avait toujours été ignoré, qui relevait la tête et qui nous rappelait que le Mexique est une énorme société complexe et très inégalitaire. Il y a deux Mexique, le premier qui a un pied en Amérique centrale, et l'autre qui a un pied au Texas. De la même façon, il y a deux Pérou. Il y a un Pérou qui veut faire concurrence au Chili, et un autre Pérou qui a davantage d'affinité avec la Bolivie.
Lorsqu'on entend des fonctionnaires qui nous disent que certains pays deviennent des démocraties prospères grâce à des accords de libre-échange, parfois avant même que ces accords aient été mis en oeuvre, il faut véritablement se demander de quels pays il est question.
Le Pérou est un pays profondément divisé, avec, d'une part, la côte et les enclaves d'industries extractives et, d'autre part, le Sud, les plateaux centraux et les régions de jungle. Depuis cinq ou six ans, plus précisément depuis 2003, on a assisté à une très nette croissance économique dans les régions littorales et dans le secteur minier, avec des avantages dont profitait du moins la population des régions côtières, ce qui a fait passer le taux de pauvreté de 49 à 39 p. 100. En revanche, les avantages de cette croissance stimulée par les exportations ne se sont pas rendus jusqu'au Sud, aux plateaux centraux ni à la région de la jungle amazonienne, où 63 p. 100 de la population indigène vit dans des conditions de très grande pauvreté.
Ce qui est frappant au Pérou, c'est l'inaptitude des gouvernements récents pour ce qui est de prendre des mesures susceptibles de répartir la richesse de façon que tous les Péruviens bénéficient de la croissance résultant des exportations. En particulier dans l'actuel contexte d'agitation économique des marchés internationaux, on risque véritablement de voir disparaître certains des avantages qui permettraient d'atténuer la pauvreté. J'estime que le principal défi que doive relever le Pérou aujourd'hui consiste à trouver la façon de réorienter les fruits de la croissance résultant des exportations telle qu'elle se manifeste dans les régions côtières et autour des enclaves d'industries extractives vers les populations des régions méridionales, du centre et de la jungle, qui n'ont toujours pas bénéficié des mêmes avantages. Mais cela va nécessiter des investissements publics majeurs, ainsi qu'un véritable engagement à assurer le développement humain et à abattre les obstacles séculaires qui engendrent l'exclusion sociale; les récents gouvernements démocratiques n'ont pas véritablement réussi à prendre un tel engagement.
Penchons-nous en particulier sur le secteur minier. Il est à l'origine d'environ 60 p. 100 des exportations péruviennes et c'est évidemment un secteur auquel le Canada s'intéresse de près. On remarque immédiatement que de nombreuses mines, en fait la plupart d'entre elles, sont situées exactement dans les régions les plus pauvres du Pérou. Il y a donc un très important risque de conflit entre les industries minières et les collectivités locales.
Il existe un système appelé « canon » en vertu duquel les redevances provenant des industries extractives sont reversées aux collectivités locales. Mais ce système a engendré des conflits importants, notamment à cause de l'évolution du pouvoir centralisateur au Pérou, qui a fait en sorte que les autorités locales, qu'il s'agisse des municipalités ou des gouvernements régionaux, n'ont que des pouvoirs très limités pour ce qui est de demander au gouvernement central l'accès aux ressources naturelles; elles sont souvent incapables de formuler des propositions convaincantes. Lorsqu'elles y parviennent, le gouvernement central leur impose de longues périodes d'attente. Les propositions que les autorités locales réussissent à mettre en oeuvre concernent la construction de monuments ou, dans le meilleur des cas, d'infrastructure. Ce sont souvent des sortes d'éléphants blancs qui contribuent très peu au développement. Il n'y a pas d'investissement dans la santé, dans l'éducation ni dans la formation, c'est-à-dire dans les domaines qui permettraient à la population d'assurer elle-même plus efficacement son développement.
C'est vraiment un problème de capacité de l'État, à l'échelle tant locale que nationale. Il n'est donc pas étonnant que nous ayons assisté à une augmentation réelle des conflits. L'an dernier seulement, entre avril 2008, où l'on enregistrait 104 conflits dans diverses régions du Pérou, et avril 2009, où les conflits totalisaient 250, nous avons observé une augmentation marquée du nombre de conflits, dont 70 p. 100 surgissent dans le secteur minier. Ces différends concernent l'eau, la contamination des terres et des eaux souterraines et de surface, le déplacement des populations, le non-respect des ententes par les entreprises et la question de l'accès aux redevances.
Le gouvernement péruvien, plutôt que de résoudre ces différends de manière à aider les collectivités locales, a en fait criminalisé des protestataires, qualifié les dirigeants de terroristes et refusé de consulter les communautés autochtones, comme il est obligé de le faire en vertu des traités. Le Pérou a signé la Convention no 169 de l'OIT. De fait, et c'est peut-être ce qui est le plus alarmant, le gouvernement a présenté, dans le cadre des mesures de mise en oeuvre de l'accord de libre-échange Pérou-États-Unis, une série de projets de loi que les tribus amazoniennes considèrent comme une menace fondamentale à leur capacité de défendre leur terre et leur culture. Par conséquent, la région amazonienne s'est littéralement soulevée pour protester contre ces lois.
Je préférerais que ce soit des sociétés canadiennes plutôt que chinoises qui exploitent des mines au Pérou, car ces dernières ont une réputation exécrable au chapitre des normes du travail ou de l'environnement. Mais ne vous y trompez pas: peu importe les entreprises qui font affaire au Pérou, elles seront entraînées dans ces genres de conflits.
Permettez-moi de vous donner un exemple récent, celui d'une société minière canadienne qui a décroché un contrat pour faire de la prospection dans une région appelée Tambogrande, dans le Nord du Pérou, à Piura. La société y a découvert un important gisement d'or, mais dans une communauté productrice de mangues et de limes jouissant d'une économie agricole florissante. La communauté a fait front commun et, en vertu de ses propres lois de participation, s'est prononcée contre ce projet parce qu'il entraînerait le déplacement de nombreuses personnes et la contamination des eaux souterraines et de surface. Dans le cas présent, le gouvernement du Pérou a pris le parti de la collectivité, et la société, après avoir demandé un arbitrage, a quitté le pays. Mais je me demande, dans le contexte des choses que Theresa a évoquées concernant les dispositions en matière d'investissement des accords de libre-échange, si l'entreprise n'aurait pas envisagé de poursuivre le gouvernement pour préjudices si un tel accord avait été signé. J'ignore quelle aurait été l'issue d'une telle démarche, mais le simple fait de donner cette arme aux entreprises pourrait leur permettre d'exercer des pressions considérables sur les gouvernements locaux, ce qui, à mon sens, pourrait fort bien envenimer les conflits qui font actuellement rage au Pérou.
En résumé, je conclurais en soulignant trois points fondamentaux. Tout d'abord, je crois qu'il existe des motifs sérieux de douter que la négociation d'un accord de libre-échange permette une libéralisation multilatérale ou même hémisphérique du commerce. Rien ne laisse envisager que ces négociations nous feront progresser vers la conclusion d'un seul accord couvrant l'hémisphère. Nous nous retrouvons plutôt avec un fouillis complexe d'accords.
Pour ce qui est de savoir si les accords de libre-échange mèneront à une prospérité commune et durable, je considère qu'ils feront des gagnants — les résidants des régions côtières, les industries extractives et les investisseurs étrangers —, mais que les paysans des terres hautes, les travailleurs et les communautés locales seront souvent laissés pour compte.
Enfin, en ce qui concerne les effets politiques, je dirais qu'ils sont presque imprévisibles. Je rejetterais toutefois l'affirmation selon laquelle le gouvernement démocratiquement élu au Pérou a appuyé sa plateforme sur le libre-échange. En fait, les élections de 2006 ont été très serrées et Ollanta Humala, très critique à l'égard de l'accord de libre-échange, a remporté le premier tour et perdu le deuxième parce que les électeurs de Lima sont passés du côté du parti de l'APRA, qui est resté neutre sur la question du libre-échange au cours de la campagne. Ce parti a procédé aux négociations lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir et est extrêmement impopulaire dans les hautes terres et le centre du Pérou, où la population lui tient rancune.
Si nous concluons l'accord de libre-échange, je prévois qu'en l'absence du genre d'investissement nécessaire à l'établissement d'une prospérité commune et équilibrée au Pérou, ce modèle de développement suscitera probablement l'apparition au Pérou de nouveaux marginaux politiques opposés au système comme Hugo Chavez et Evo Morales.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens également à remercier nos invités d'avoir accepté de comparaître ce matin.
J'ai eu la possibilité de me rendre au Pérou en mars dernier pour représenter le groupe du FIPA, qui est l'organisation parlementaire associée aux démocraties parlementaires à l'échelle de l'hémisphère. Lors de chaque rencontre avec des membres du Congrès et des représentants d'entreprises, de la Chambre de commerce et de groupes syndicaux, nous avons parlé de l'accord de libre-échange. Comme vous le savez, même si nous avons abordé des aspects très précis, nous avons tenu beaucoup de discussions sur les questions relatives au travail — que j'ai beaucoup apprécié — et à l'expropriation.
Monsieur Cameron, j'aimerais revenir sur certains de vos propos. Tout d'abord, ce n'est pas mon but de m'élever contre les remarques d'autres députés — et je ne veux pas le faire —, mais je suis un peu troublé lorsque j'entends que cet accord de libre-échange va miner la démocratie péruvienne. Certains collègues ici n'auraient jamais appuyé aucun accord de libre-échange, de quelque nature que ce soit, mais je ne m'acharnerai pas sur leur cas.
Sachez que ce que le Canada essaie de faire nous sera essentiellement très profitable, puisque les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange avec le Pérou le 1er février. Même si nos invités ont soulevé ce matin certains problèmes, cet accord, bien qu'il ne pourra jamais être parfait, renferme de nombreux aspects très importants à la fois pour le Canada et le Pérou. J'irais même jusqu'à dire que le Pérou est celui qui en bénéficiera probablement le plus. Si vous aviez été là, vous auriez su que sa croissance économique s'est accrue de quelque 9 p. 100 chaque année au cours des dernières années. Je pense que c'est très positif.
Monsieur Cameron, j'aimerais vous poser une question à propos des deux mondes du Pérou, car j'ai trouvé cela très pertinent. Dans la mesure où nous contribuons à relancer l'économie du pays, ma mère, originaire du Cap Breton, avait une expression: « Une marée haute fait monter tous les bateaux ». Dans un sens, on se retrouve avec une croissance bien plus large.
Je trouve que M. Brison a fait une observation intéressante plus tôt. Selon lui, où il y a des possibilités d'investissement — et je ne voudrais pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas dites —, il y a de l'emploi et de l'espoir pour les gens. Je considère que cela fait partie de notre engagement et de notre obligation envers eux.
J'aimerais poser une brève question à M. Rowlinson. L'accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Pérou contient plusieurs dispositions relatives à la protection des droits des travailleurs, du droit à la liberté d'association au droit à la négociation collective, à l'abolition du travail des enfants, à l'élimination du travail forcé ou obligatoire, à l'élimination de la discrimination, au respect des normes du travail et à un mécanisme de traitement des plaintes.
Êtes-vous préoccupé par le fait que l'accord de coopération dans le domaine du travail ne fasse pas partie de l'accord de libre-échange, mais plutôt d'une entente parallèle? J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
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En fait, je pense que c'est un excellent modèle sur lequel nous devrions nous pencher, parce que l'approche adoptée dans l'accord de libre-échange laisse entendre que nous offrons accès à nos marchés et à nos investissements. Les pays feront la queue et essaierons de créer les conditions idéales qui les rendront attirants aux yeux de nos investisseurs. Les pays s'engageront dans un processus de libéralisation concurrentiel en vue d'attirer nos investisseurs et de négocier des ententes avec nous. Au bout du compte, cela était censé donner lieu à un accord de libre-échange des Amériques.
Il y a plusieurs explications à cette situation. Premièrement, le système de libéralisation des marchés n'a pas été suffisamment robuste. Les gens n'ont pas pu voir les avantages attribuables au libre-échange et à la libéralisation des marchés au point de vouloir appuyer ces ententes et d'en conclure une à l'échelle de l'hémisphère.
Par exemple, nous négocions dans un cadre bilatéral parce que nous ne pouvons pas négocier avec la région des Andes, en tant que région, parce que les pays andins sont maintenant divisés. Vous avez Chavez d'un côté, qui s'est retiré de la Communauté andine des nations; et de l'autre, des pays ayant des points de vue différents, entre le Pérou et l'Équateur, et ainsi de suite. Visiblement, toute la tentative visant à intégrer l'hémisphère dans un même accord de libre-échange semble être tombée à l'eau, et la ZLEA peut en témoigner.
Très brièvement, je tiens à dire que le Pérou a fait d'énormes progrès sur le plan de la démocratie. Le Canada, dans le cadre de l'OEA, a joué un rôle important en envoyant au Pérou une mission de haut niveau pour appuyer la transition pacifique vers la démocratie en 2000 et 2001. Depuis ce temps, des élections libres et justes se sont tenues, et cela devrait être célébré et encouragé. L'intervention du gouvernement canadien au plan de la démocratie est une bonne chose.
Au niveau électoral, la démocratie est plutôt solide, même s'il faut reconnaître qu'il y a un million de gens qui n'ont pas de cartes d'identité et qui, par conséquent, ne peuvent voter, puis un quart de million qui n'ont pas de certificats de naissance. Les gens doivent parfois marcher pendant des jours pour se rendre aux bureaux de scrutin. Toutefois, je pense que le véritable problème, c'est l'insuffisance des mécanismes électoraux démocratiques, compte tenu du niveau d'exclusion sociale et du degré de marginalisation dans certaines communautés. D'où la nécessité d'avoir plus d'instruments participatifs, puisqu'il existe une profonde tension entre les initiatives de participation et les instruments tels que l'accord de libre-échange.