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Traduction de l'espagnol]
Bonjour. Merci à vous tous de nous donner l’occasion aujourd’hui de vous décrire la réalité dans nos communautés en Colombie.
Notre organisation œuvre depuis plus de 15 ans pour la défense des droits des Noirs en Colombie. Nous nous réjouissons donc de présenter le résultat de notre expérience et de parler des relations que nous entretenons avec les Indigènes, avec qui nous partageons des territoires.
En Colombie, les droits des Noirs sont reconnus depuis 1991 dans la Constitution nationale, dans la Loi 70 de 1993 et dans l’Accord 169 de l’OIT, ratifié par la Colombie au moyen de la Loi 21 de 1991. De façon générale, nos droits portent sur le territoire, l’identité, la participation et le développement, et ils prévoient la consultation préliminaire ainsi que le consentement préalable, libre et éclairé des populations, qui sont visés aux articles 6, 7 et 15 de l’Accord 169 de l’OIT.
D’après notre expérience, dans le processus qui est en train de se concrétiser avec l’accord de libre-échange entre la Colombie et le Canada, le droit à la consultation préalable de nos communautés qui, comme je viens de le dire, est prévu dans l’Accord 169 de l’OIT, n’est ni pris en compte ni respecté.
Par ailleurs, en 2001 a pris fin en Colombie le processus de modification du Code des mines, qui a débouché sur l’adoption d’une loi toujours appliquée aujourd’hui. Ces modifications ont été apportées avec le soutien économique et, nous croyons aussi, technique de l’Agence canadienne de développement international. En vertu de cette loi modifiée et en vigueur depuis 2001, dans une région comme celle du nord de Cauca, dans laquelle nous avons travaillé et où sont établies des populations majoritairement noires et indigènes, on a délivré ces derniers temps 30 titres miniers. Tous ces titres ont été accordés sans consultation préliminaire ni consentement préalable, libre et éclairé de nos communautés. Je vous parle des municipalités de Suárez, Morales et Buenos Aires, situées au sud-ouest de Bogota, capitale de la Colombie.
Le 22 octobre de cette année, les Aigles noirs – Nouvelle génération ont envoyé un document aux bureaux de la Centrale unitaire des travailleurs du Valle del Cauca dans lequel ils menacent plusieurs organisations et notables de la région du nord de Cauca. Voici comment ils justifient leurs mises en garde : premièrement, ils s’opposent aux politiques proposées par le président de la République; deuxièmement, ils sont contre l’établissement d’entreprises dans ce territoire du nord de Cauca.
Le 13 novembre, c’est-à-dire deux semaines après les avertissements, on a retrouvé sur une route, dans les municipalités de Morales et de Suárez, un Indigène assassiné et plusieurs membres du conseil municipal de Cerro Tijeras blessés. Ce dernier avait fait l’objet de menaces, comme on l’a expliqué plus tôt. Cet Indigène assassiné vivait dans le secteur de Damián. Et le Cerro Damián est l’un des endroits qui, selon des pionniers locaux, est visé par un titre minier délivré à une société canadienne, la compagnie Cosigo. Cela démontre que les menaces du groupe paramilitaire peuvent être mises à exécution, entraînant non seulement la mort, mais aussi le déplacement des membres de nos communautés.
En ce qui concerne les déplacements forcés, comme les Indigènes et les Afro-Colombiens font l’objet de droits spéciaux et qu’en outre, ils ont subi le conflit armé interne plus que tout autre groupe, en 2009, la Cour constitutionnelle a donné une série de consignes au gouvernement pour qu’il protège les droits des Afro-Colombiens. Ces ordonnances ont à voir avec les plans de protection des territoires collectifs, les plans intégraux d’aide aux populations déplacées, la création d’une route ethnique pour la protection des biens patrimoniaux et territoriaux des Noirs en Colombie, et aussi avec le plan de caractérisation de la situation de divers territoires appartenant à notre population, indépendamment de leur statut juridique.
Pour la première fois au pays, l’ordonnance 005 a permis de reconnaître que la mise en œuvre de projets agro-industriels et miniers est l’une des causes des exodes forcés à l’intérieur de la Colombie.
Jusqu’à présent, le gouvernement colombien n’a respecté ni les recommandations ni les décisions de la Cour constitutionnelle en la matière.
Enfin, nous savons que jusqu’à présent, dans l’accord de commerce entre la Colombie et le Canada, nos droits ne sont pas suffisamment garantis, notamment parce que le droit à la consultation préliminaire ainsi qu’au consentement préalable, libre et éclairé de nos populations n’a pas été exercé correctement.
Par conséquent, comme avec le Canada les discussions sont extrêmement fructueuses, dit-on, et qu’elles ont donné lieu à une série de recommandations, dont plusieurs nous semblent novatrices, nous nous permettons de vous demander d’interrompre le processus d’approbation et de mise en œuvre du traité de commerce entre la Colombie et votre pays jusqu’à l’application des recommandations formulées au Canada, notamment en ce qui concerne l’examen et la mise en œuvre des conclusions d’une étude d’impact sur les droits de la personne.
De plus, nous croyons qu’il faut aussi interrompre le processus jusqu’à ce que le Parlement et le gouvernement canadiens se soient assurés, premièrement, que la Colombie respecte les droits et, deuxièmement, que notre droit à la consultation préliminaire ainsi qu’au consentement préalable, libre et éclairé – et quand je dis « notre », je parle des peuples indigènes des communautés noires – est dûment protégé. Il faut également que des mesures de sauvegarde soient prises pour préserver les droits économiques, sociaux, politiques et culturels de notre population.
Enfin, je crois que ce comité pourrait inviter d’autres représentants de nos communautés noires, indigènes et rurales, ainsi que des leaders syndicaux, pour qu’ils lui exposent, dans leurs mots, toutes leurs préoccupations et leur réalité, et qu’ils lui expliquent comment la conclusion et la mise en œuvre d’un traité comme celui qui est à l’étude actuellement les affecteraient.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me donner l'occasion de lui faire part des résultats du projet de recherche auquel j'ai participé au cours de la dernière année.
Ce projet visait essentiellement à dégager les statistiques importantes de manière à permettre une analyse sérieuse. Je dois préciser que toutes les statistiques auxquelles je fais référence viennent de l'ONG représentant les syndicats. D'une certaine façon, cela met notre travail à l'abri des critiques quant aux sources utilisées pour en arriver aux résultats présentés.
Comme vous le savez, la violence à l'égard des travailleurs syndiqués se trouve depuis quelques années au coeur du débat.
Permettez-moi de vous citer une déclaration d'une ONG des États-Unis.
La plupart des actes violents à l'égard des organisations syndicales s'avèrent une conséquence liée aux simples activités syndicales des victimes.
Bien que le gouvernement colombien affirme que cette violence résulte principalement des conflits armés, la Escuela Nacional Sindical (ENS), une ONG respectée qui offre de la formation et appuie le mouvement ouvrier de la Colombie, indique plutôt que la majorité des actes de violence relatifs à l'antisyndicalisme en Colombie est bel et bien une réplique aux activités syndicales courantes des travailleurs victimes...
Voilà donc les hypothèses dont nous allons examiner la véracité en utilisant les données fournies par l'ENS, l'ONG représentant les syndicats. J'estime que les éléments d'information disponibles n'ont pas été étudiés jusqu'ici de façon assez systématique pour déterminer si l'on a véritablement progressé dans la lutte contre ce problème.
Notre projet cherche à répondre à quelques questions bien précises.
Premièrement, quels sont les indicateurs spécifiques de la violence perpétrée à l'endroit des travailleurs syndiqués?
La deuxième question vise à évaluer les mesures prises dans une perspective stratégique: A-t-on réalisé des progrès en vue de résoudre le problème?
Les troisième et quatrième questions seront examinées au moyen d'une analyse empirique. La participation des travailleurs colombiens aux activités syndicales peut-elle expliquer les homicides dont certains sont victimes, ou ceux-ci sont-ils plutôt le résultat du conflit armé qui perdure en Colombie? La dernière question consiste à savoir quels sont les principaux facteurs déterminants liés à la violence contre les membres de syndicats colombiens.
Le projet de recherche se divise essentiellement en deux parties. Au moyen de quelques graphiques présentant les principales données, on s'efforce dans la première partie de répondre aux deux premières questions, à savoir de cerner l'évolution des indicateurs de la violence à l'endroit des travailleurs syndiqués et la nature de ces indicateurs en se servant dans tous les cas, ou tout au moins dans la plus grande partie du document, des données provenant de l'ONG représentant les syndicats.
Je vous décrirai brièvement la teneur de l'analyse empirique. C'est une portion un peu plus technique et théorique, mais je vous ferai part des principaux résultats.
Indépendamment des sources de données utilisées — l'ONG des syndicats, la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), une grande confédération de travailleurs en Colombie, ou encore le gouvernement — le taux de violence à l'égard des travailleurs syndiqués de la Colombie a enregistré une baisse constante au cours des sept ou huit dernières années. Je peux vous présenter tous les chiffres à cet effet.
Le taux de violence à l'endroit des travailleurs syndiqués a diminué de façon beaucoup plus marquée que celui de la violence à l'endroit de l'ensemble de la population. En fait, la diminution a été plus rapide dans une proportion de 70 p. 100. On note également une baisse plus rapide par rapport à la violence perpétrée contre les groupes que l'on dit vulnérables qui comprennent notamment les enseignants, les membres des ONG et les édiles municipaux, actuels ou anciens.
La quantité de ressources gouvernementales affectées à la protection des travailleurs syndiqués a augmenté de façon constante, tout comme le nombre de syndiqués bénéficiant de cette protection.
En mettant à contribution différentes formes de stratégies d'estimation, de délais fixés et de sources de données, nous avons constaté qu'aucune preuve statistique n'appuyait l'assertion selon laquelle la violence à l'encontre des travailleurs syndiqués est causée par leur participation à des activités syndicales. Je vais vous fournir toutes les explications détaillées à ce sujet.
Avant de vous présenter les faits stylisés au sujet de la violence à l'encontre des syndiqués, laissez-moi vous parler de deux statistiques qui sont, plus souvent qu'autrement, citées par les opposants à l'accord de libre-échange.
Ils font d'abord toujours valoir qu'il y a eu 1 700 homicides, si je ne m'abuse, de travailleurs syndiqués sous l'administration Uribe.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Supposons un pays où le taux d'inflation qui était de 30 p. 100 en 2000 atteint 4 p. 100 en 2008. En additionnant les taux d'inflation enregistrés entre 2000 et 2008, vous en arrivez à un taux de 70 p. 100. Vous prétendez que ce pays est aux prises avec un problème d'inflation galopante, parce qu'il a connu un taux d'inflation de 80 p. 100 au fil des huit dernières années. Si vous prenez de tels chiffres au sérieux, vous allez passer totalement à côté de la réalité. Il faut examiner les indicateurs annuels, mensuels ou trimestriels pour être au fait de l'évolution de ces taux au fil des ans. C'est la manière dont je vais procéder pour examiner l'évolution de la violence perpétrée contre les travailleurs syndiqués en Colombie.
On vous dira également que 70 p. 100 des homicides perpétrés à l'échelle planétaire contre des syndiqués ont lieu en Colombie. Il faudrait se demander quels sont les pays qui font rapport sur le nombre d'homicides semblables. En examinant les données disponibles, on constate qu'il y a la Suède, le Danemark, la Finlande, le Canada, les États-Unis et la Colombie notamment. Mais la Colombie est le seul pays en développement aux prises avec de graves problèmes de violence qui fait régulièrement rapport du nombre d'homicides de travailleurs syndiqués à l'OIT et aux autres organisations responsables.
J'ai participé le mois dernier à une réunion où des employés de l'OIT ont reconnu avoir appris de travailleurs et d'entrepreneurs vénézuéliens que 152 homicides de travailleurs syndiqués ont été perpétrés au Venezuela en 2008. Si l'on ajoute le Venezuela au groupe de pays signalant le nombre de travailleurs syndiqués victimes d'homicide, la Colombie passe d'une proportion de 70 p. 100 de ces homicides à moins de 12 p. 100. Il suffit d'ajouter le Venezuela à l'échantillon pour que la part de la Colombie chute considérablement. Pour que ces statistiques puissent vraiment être prises au sérieux, il faudrait que tous les pays fassent rapport sur le nombre d'homicides à l'endroit de membres de syndicats.
J'en arrive maintenant aux faits stylisés. Vous avez tous ces graphiques sous les yeux. La quasi-totalité des données utilisées proviennent de l'ONG représentant les syndicats. Le nombre de travailleurs syndiqués victimes d'homicide a connu un sommet en 1996. Il a chuté rapidement jusqu'en 1999 avant de remonter à nouveau de 1999 à 2001. Nous avons atteint une nouvelle crête de 200 victimes en 2001. Depuis, le nombre d'homicides de travailleurs syndiqués a baissé de façon constante. Pour la dernière année visée, soit 2008, on note 48 homicides, toujours selon les données de l'ENS.
On peut se demander si ces chiffres sont vraiment importants ou s'ils ne font que traduire une diminution générale de la violence en Colombie. Pour y voir plus clair, nous avons divisé le nombre d'homicides contre des travailleurs syndiqués par le nombre total d'homicides en Colombie. Nous avons constaté que les chiffres ont diminué dans les deux cas, mais que la baisse a été 70 p. 100 plus rapide pour ce qui est des travailleurs syndiqués.
Le deuxième élément à considérer est le taux d'homicide, une donnée généralement utilisée par les économistes et les criminologues pour évaluer le niveau de violence. Il s'agit en fait du nombre d'homicides par 100 000 habitants. On procède ainsi pour éliminer l'effet d'échelle habituellement associé à ces chiffres. Le diagramme nous montre que le taux d'homicide était de 70 en Colombie pour l'ensemble de la population en 2001, alors qu'il se situait à 36 l'an dernier. Nous avons aussi calculé le taux d'homicide pour les travailleurs syndiqués. Il s'agit donc du nombre de travailleurs syndiqués tués par 100 000 syndicalistes. En 2001, le taux d'homicide contre les travailleurs syndiqués atteignait presque 23; en 2008, il était descendu à 6. Ce dernier résultat correspond au taux d'homicide dans les pays comme l'Uruguay et les États-Unis en 2008. Ainsi, alors que le taux d'homicide en Colombie était de 36 en 2008, il était de 6 pour 100 000 dans le cas des syndicalistes. C'est donc le sixième du taux d'homicide global du pays. On note encore là une diminution beaucoup plus rapide du taux d'homicide contre des travailleurs syndiqués par rapport à celle du taux général d'homicide en Colombie.
Par ailleurs, et cela m'a surpris, je dois l'avouer, si l'on compare les données fournies par l'ENS, l'ONG représentant les syndicats, aux données produites par le gouvernement, on obtient des progrès plus considérables avec les données syndicales par rapport aux données gouvernementales. Autrement dit, la diminution de la violence à l'encontre des travailleurs syndiqués est plus marquée lorsqu'on utilise les données provenant de l'ENS, plutôt que celles fournies par le bureau du vice-président, qui sert d'observatoire pour les droits de la personne au sein du gouvernement.
Ce bureau fournit également des données sur le nombre d'homicides dont sont victimes les autres groupes vulnérables qui comprennent les journalistes, les membres des ONG et les édiles municipaux, anciens et actuels.
Nous constatons essentiellement que le nombre d'homicides de travailleurs syndiqués a baissé plus rapidement que le nombre d'homicides perpétrés contre ces autres groupes dits vulnérables.
Le cinquième groupe de données ne nous vient pas de l'ONG représentant les syndicats ni du gouvernement. Elles proviennent directement de la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), la plus importante confédération de travailleurs en Colombie. La CUT signale individuellement les homicides perpétrés contre des membres de syndicats, en les regroupant selon que la victime soit un activiste, un dirigeant syndical ou un travailleur syndiqué. À la figure 5, soit à la page Faits stylisés (V), nous avons intégré les activistes aux dirigeants syndicaux pour montrer l'évolution au fil des ans du nombre d'homicides dont ils sont victimes en Colombie. En 2006 et en 2007, aucun homicide de cette catégorie n'a été rapporté par la CUT, mais ce nombre est malheureusement remonté à 11 en 2008.
Les derniers graphiques illustrent la quantité de ressources investies par le gouvernement dans la protection des syndicalistes ainsi que le nombre de syndicalistes protégés par le gouvernement en Colombie. On peut voir qu'en pesos colombiens constants de 2009, le gouvernement dépensait en 2000 l'équivalent de 5 $ par syndicaliste dans des mesures de protection, alors que ce chiffre atteignait 100 000 pesos en 2008, soit environ 50 $ par syndiqué. Les sommes dépensées à cette fin ont ainsi été multipliées par 10 entre 2000 et 2008. Le taux d'inflation et tous les autres éléments pertinents sont pris en compte dans ce calcul.
Le gouvernement consacre donc 10 fois plus de ressources à la protection des syndicalistes par rapport à la situation d'il y a sept ou huit ans.
Il va de soi que l'on peut s'interroger sur la façon dont ces fonds sont utilisés. Est-ce que l'on protège le même nombre de syndicalistes ou est-ce qu'il devient possible pour le gouvernement d'en protéger davantage? La réponse se trouve dans notre dernier graphique qui indique qu'environ 80 syndicalistes étaient protégés en 1999 et 2000. Comme ce graphique est un peu difficile à interpréter parce qu'il indique le nombre de syndicalistes par 100 000 habitants, je vais vous donner les chiffres absolus.
En 1999-2000, on comptait entre 50 et 80 syndicalistes protégés; ce chiffre avait grimpé à 2 000 l'an dernier. Il y avait donc 2 000 syndicalistes ou dirigeants syndicaux qui bénéficiaient de mesures de protection du gouvernement, lesquelles prenaient plus souvent qu'autrement la forme de voitures blindées, de gardes du corps et de services de sécurité. Dans le cas d'un dirigeant syndical, on assure aussi la protection de sa famille, notamment.
Voilà donc pour les faits stylisés illustrant l'évolution au fil des ans des homicides contre les syndicalistes en Colombie. Ils sont fondés sur différents indicateurs, différentes sources de données et différents groupes comparables.
Je vais parcourir plus brièvement la seconde partie du document qui est davantage empirique, théorique et technique. Je vais tout au moins vous parler de ce que nous faisons.
Nous avons un ensemble de données obtenues au moyen d'un panel, par État et par année, de 2000 à 2008, sur le nombre d'homicides de syndicalistes, et nous avons aussi des données sur les activités syndicales. Nous pouvons compter sur un large éventail d'indicateurs de l'activité syndicale, que nous répartissons en deux types, et que nous pouvons intégrer pour des vérifications de fiabilité.
Les activités syndicales de type 1 regroupent les activités officielles des syndicats, à savoir les négociations entre les dirigeants d'entreprises et le syndicat au sujet des conventions collectives et des salaires. Au sein du second type, on retrouve les activités syndicales moins officielles, c'est-à-dire les activités de protestation par les membres des syndicats, ce qui inclut les marches de protestation, les arrêts de travail et les grèves de la faim.
Dans le but de contrôler les effets d'échelle, nous établissons une mesure de l'intensité de l'activité syndicale, laquelle peut correspondre par exemple au nombre d'arrêts de travail par syndiqué dans chaque État et pour chaque année de 2000 à 2008. Nous pouvons donc utiliser une base de données relativement vaste pour vérifier l'hypothèse — et c'est exactement le but de l'exercice — voulant qu'une activité syndicale plus soutenue engendre une violence accrue à l'endroit des syndicalistes. C'est une méthode statistique permettant de vérifier si l'activisme syndical est dangereux en Colombie.
Nous voulons également déterminer les causes de la violence dont sont victimes les syndicalistes. Nous avons évalué le niveau de développement économique, c'est-à-dire le PIB par habitant dans chaque État et pour chaque année. Nous avons établi le niveau général de violence en fonction du taux d'homicide pour l'ensemble de la population. Nous avons évalué la présence de l'État, suivant le nombre d'arrestations policières par habitant, la mesure généralement utilisée dans les recherches scientifiques à cette fin. Nous avons aussi mesuré la présence des guérillas et des groupes paramilitaires en fonction du nombre d'attaques de chacun de ces groupes par habitant.
Nous voulons essentiellement vérifier l'assertion voulant que l'intensité accrue de l'activité syndicale cause un accroissement de la violence contre les travailleurs syndiqués. Selon les propos d'une ONG des États-Unis, « la plupart des actes violents à l'égard des organisations syndicales s'avèrent une conséquence liée aux simples activités syndicales des victimes... La majorité des actes de violence relatifs à l'antisyndicalisme en Colombie est bel et bien une réplique aux activités syndicales courantes des travailleurs victimes... ». Si cette hypothèse est la bonne, on devrait observer un lien de causalité positif et significatif entre l'activité syndicale et le niveau de violence à l'égard des travailleurs syndiqués.
Quiconque souhaiterait vérifier notre travail peut avoir accès à l'ensemble des notes techniques, des détails, des données, des programmes et des codes que nous avons utilisés.
Comme constatation principale, je dirais que nous n'avons trouvé aucune preuve statistique appuyant l'assertion selon laquelle la violence à l'égard des travailleurs syndiqués serait causée par les activités syndicales en Colombie.
Nous avons toutefois pu constater, et je crois que c'est un élément crucial pour votre étude sur l'accord de libre-échange, que l'on peut effectivement observer un plus grand nombre d'actes de violence contre les syndiqués dans les États dont le niveau de développement économique est moins élevé et qui ont un PIB par habitant plus bas. Il faut aussi malheureusement déplorer une violence accrue contre les syndicalistes dans les États où la violence est plus présente dans la population en général. Autrement dit, les syndicalistes n'échappent pas à la violence qui sévit malheureusement en Colombie. Ils sont aussi des victimes de cette violence.
Pourquoi ai-je dit que c'était crucial pour l'examen de l'accord de libre-échange? Vous trouverez tous les détails dans le document, mais sachez que nous avons utilisé une vaste gamme de stratégies d'estimation, d'ensembles de données, de sources d'information et de périodes différentes afin d'effectuer toute une batterie de vérifications de fiabilité de manière à nous assurer de la véracité de nos conclusions tout au long du processus. Nous pouvons ainsi vous affirmer que des niveaux de développement économique plus faibles engendrent davantage de violence contre les syndicalistes.
En quoi un accord de libre-échange pourrait-il contribuer à améliorer les choses? Un tel accord permettrait essentiellement d'accroître le niveau de développement économique en Colombie en stimulant la création d'emplois et en intensifiant les transferts technologiques via les intrants intermédiaires qui pourraient découler de l'intensification des échanges commerciaux.
À mon avis, ce serait la meilleure façon de diminuer la violence non seulement contre les syndicalistes, mais aussi — et il ne faut pas le perdre de vue dans un débat comme celui-ci — contre tous les Colombiens et pas uniquement les activistes syndicaux ou les policiers. La meilleure façon d'améliorer la sécurité en Colombie, c'est de créer des possibilités pour que les plus démunis puissent avoir accès à un emploi et à l'éducation, de faciliter les transferts technologiques et de promouvoir la croissance économique en général dans le pays.
En conclusion, je vous dirais que nous avons examiné dans ce rapport d'étude l'évolution et les facteurs déterminants de la violence à l'égard des travailleurs syndiqués. Je vous rappelle nos deux constatations principales.
Premièrement, selon tous les indicateurs que nous avons utilisés à partir des données fournies par l'ONG des syndicats, il ressort très clairement que la sécurité des travailleurs syndiqués en Colombie s'est nettement améliorée depuis sept ou huit ans.
Deuxièmement, cet exercice empirique ne nous a permis de dégager aucune preuve statistique appuyant l'assertion suivant laquelle la majorité des actes de violence contre les syndicalistes sont perpétrés en réplique aux activités syndicales courantes des victimes. À ce sujet, je me dois de préciser que cela n'exclut pas la possibilité de cas de violence ciblée contre les syndicalistes ou les activistes des ONG. Bien qu'il y ait toujours des exceptions et que celles-ci soient régulièrement mises de l'avant, j'estime qu'il est surtout très important de comprendre que, selon les données statistiques les plus récentes, le fait est que la violence à l'encontre des syndicalistes colombiens n'est pas causée par l'intensité accrue de l'activité syndicale.
Merci beaucoup.