CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 décembre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte. C'est la 41e réunion du Comité permanent du commerce international.
Nous accueillons immédiatement nos invités de Colombie. Je pense qu'aujourd'hui, nous pourrons tous compter sur le service d'interprétation.
Nous sommes désolés pour le retard. Nous avions des votes à la Chambre des communes il y a quelques instants, ce qui a retardé le début de notre réunion.
Je souhaite encore une fois la bienvenue à nos témoins, comme nous l'avons fait il y a deux jours: Walter Navarro, président de l'Union de l'industrie des employés professionnels des services publics de Colombie; Germán Restrepo, président du Syndicat de la compagnie d'emballage Empaques S.A.; Luis Fernando Cadavid, président du Syndicat de l'industrie textile et de confection; et Gerardo Sánchez, président de la section de Rionegro du Syndicat SINTRACONTEXA.
Messieurs, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps encore une fois aujourd'hui de venir nous rencontrer. Nous sommes désolés que notre réunion commence en retard, et nous nous excusons aussi pour les difficultés techniques du début de la semaine.
Habituellement, nous demandons à nos témoins de faire d'abord une déclaration préliminaire. Je m'en remets à vous pour décider si l'un ou plusieurs d'entre vous feront une déclaration. Je crois savoir que M. Navarro est prêt à commencer. Si d'autres voudraient faire un bref exposé avant de commencer les questions, ils pourront le faire également.
Je vais donc demander à M. Navarro de faire sa déclaration, après quoi les membres du comité poseront bien sûr des questions.
Señor Navarro.
Merci beaucoup.
C'est pour nous un honneur et un plaisir de participer à cette séance du comité canadien chargé d'approuver l'accord de libre-échange. Nous représentons un groupe de syndicats. Nous nous sommes rencontrés en 2007 dans le département d'Antioquia et dans d'autres départements du pays également. Nous avons pris position en faveur d'un accord de libre-échange pour la Colombie.
Nous sommes présents — c'est-à-dire la compagnie pour laquelle je travaille — dans les secteurs du textile, du vêtement, de l'emballage et des plastiques, dans l'industrie agroalimentaire, l'extraction aurifère, les mines métalliques, l'horticulture, les boissons, sans oublier les services publics. Nous avons mis sur pied un syndicalisme positif favorisant la conciliation et l'entente, par opposition à l'affrontement permanent, et dans cette optique, nous avons réalisé des gains importants pour les travailleurs, pour les entreprises et pour le pays.
Nous demeurons convaincus qu'en cette ère de mondialisation des marchés et d'intégration des peuples du monde dans l'espoir d'améliorer le bien-être de tous, des ententes commerciales sont nécessaires, et elles doivent contribuer à créer des conditions bénéfiques pour les parties en cause.
À cet égard, notre perspective est différente de celle du syndicalisme général qui a cours dans le pays en raison de l'orientation du CUT et du CTC, qui sont mus par des concepts idéologiques et politiques. Pour des raisons d'ordre pratique, ils se sont déclarés opposés à tous les accords de libre-échange en faisant valoir les disparités et les asymétries entre les différents marchés ainsi que les avantages énormes que les pays dotés d'une économie vigoureuse souhaitent s'approprier aux dépens des pays faibles. Pour nous, c'est un argument boiteux et erroné. Au sein de la centrale SCT, il y a eu un long débat afin de réfuter cette opinion, et les résultats ont été encourageants.
Nous voulons en faire la démonstration. J'espère que vous avez reçu le courriel que je vous ai envoyé qui renferme certains chiffres concernant la mort de syndiqués en Colombie. Le nombre de décès de membres de syndicats en Colombie a décru sensiblement. De 1995 à 2003, le taux de décès des syndiqués en Colombie s'établissait approximativement à 200 morts par année. De 2003 à aujourd'hui, on constate une diminution, le taux moyen étant maintenant d'environ 40 morts par année. La mort de nos frères et soeurs est malheureuse, mais on ne peut pas affirmer qu'il s'agit d'une politique d'État, pas plus qu'il y a eu une augmentation au cours du règne du dernier régime gouvernemental. Au contraire, il y a eu une diminution.
La mort de syndiqués dans notre pays est attribuable à la violence des FARC et des forces paramilitaires, et non à l'État. Comme je l'ai dit, l'État n'a pas pour politique de tuer des syndiqués. Au contraire, en Colombie, les travailleurs syndiqués sont les maîtres de leur situation.
Le taux de mortalité dans notre pays est d'environ six pour 100 000 habitants, comparativement à la moyenne nationale, qui s'établit à 33 pour 100 000 habitants, ce qui signifie qu'il est moins probable qu'il arrive quelque chose à un syndiqué qu'à un citoyen ordinaire. La probabilité de se faire tuer en Colombie est cinq fois plus élevée pour un citoyen ordinaire que pour un membre d'un syndicat. Par exemple, certains groupes sont beaucoup plus vulnérables, comme les gens de métier, dont le taux s'établit à 86 pour 100 000, ou les politiciens eux-mêmes, notamment les conseillers municipaux.
Il existe une grande protection pour les syndiqués. À preuve, les syndiqués qui sont contre les accords de libre-échange mènent leurs activités depuis plus d'une trentaine d'années. Ils se rendent à l'étranger et brossent un portrait négatif de la Colombie, et il ne leur est jamais rien arrivé, ce qui prouve bien que la pratique du syndicalisme n'est pas une activité dangereuse.
Je voudrais mentionner un autre point important: l'impunité. Il est vrai qu'en Colombie il y a eu impunité dans les cas de décès de syndiqués dans les années 1980 et 1990, mais le gouvernement au pouvoir a renforcé... il a créé un bureau de surveillance spécial doté de plus de 126 fonctionnaires, dont 19 font des contrôles ou de la surveillance. Cent soixante-six sentences ont été prononcées, et 159 personnes ont été privées de leur liberté. Par conséquent, à ce stade-ci, le gouvernement de la Colombie déploie d'intenses efforts pour faire échec à l'impunité.
En ce qui a trait au droit d'association, nous sommes convaincus qu'il n'y a aucune restriction à cet égard en Colombie. En fait, le syndicat dont je suis le président a vu le jour sous le régime actuel, dans la foulée d'une politique proposée par le président à l'encontre de notre entreprise. Nous avons créé un syndicat, et il n'y a pas eu de répercussions pour la compagnie ou au plan personnel.
Au chapitre de l'embauche, nous avons constaté des améliorations au cours des dernières années. Nous sommes préoccupés par les coopératives de travailleurs, mais grâce à ce groupe, le gouvernement national a apporté des changements importants qui font en sorte que ces coopératives ne peuvent jouer le rôle d'intermédiaires sur le marché de l'emploi.
En outre, des progrès importants concernant le droit de grève ont été réalisés grâce au Décret 535, approuvé en 1995. Le recours à l'arbitrage n'est pas obligatoire avant de pouvoir déclencher une grève, et une convention collective a été imposée.
Nous avons une liste de syndicats qui appuient en principe la conclusion d'accords de libre-échange avec tous les pays, en particulier le Canada et notamment, comme je l'ai dit, toutes les compagnies que nous représentons. Ce sont des compagnies minières, des fabriques de chaussures, des entreprises qui vendent des boissons, des fruits, du métal, de l'équipement mécanique.
Je crois que c'est là un bon résumé de notre introduction.
Nous sommes prêts à écouter vos questions, si vous le voulez bien.
Merci beaucoup, monsieur Navarro.
J'en conclus que cela met fin aux déclarations d'ouverture.
Nous allons passer aux questions des députés.
M. Brison, le porte-parole du Parti libéral, amorcera la période de questions.
Monsieur Brison.
Merci beaucoup, messieurs, d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
J'ai rencontré M. Navarro en août, pendant un voyage en Colombie.
Vous avez alors présenté les mêmes arguments raisonnables pour nous expliquer pourquoi un accord de libre-échange et des débouchés économiques légitimes pourraient contribuer à faire une différence. Les guerres et la violence qui ont paralysé la Colombie depuis 40 ans ont commencé en tant qu'affrontements idéologiques, mais elles sont devenues davantage des guerres entre narcotrafiquants. J'aimerais que vous nous disiez ce que réserve l'avenir aux jeunes Colombiens vivant dans des collectivités privées de débouchés commerciaux économiques légitimes en l'absence d'accords commerciaux comme celui conclu avec le Canada.
M. Walter Navarro (Interprétation):
Nos relations avec les pays voisins ne sont pas bonnes, comme vous le savez ou comme vous l'avez appris au cours des derniers jours. Le Venezuela et l'Équateur imposent un embargo contre la Colombie car au plan idéologique, notre pays a choisi le président Uribe et ses politiques pour assurer la sécurité démocratique, lutter contre le trafic de la drogue et toute manifestation de violence. À notre avis, les accords de libre-échange sont non seulement nécessaires pour notre pays, comme ils le sont pour tous les pays du monde, mais ils se multiplieront au cours des prochaines années. En fait, à ce stade-ci, ils sont essentiels si l'on veut que la Colombie puisse sortir de la crise économique mondiale. C'est la vérité. Au plan commercial, nous avons une relation étroite avec le Venezuela et l'Équateur. Si un accord de libre-échange n'est pas approuvé avec le Canada et les États-Unis, la situation de notre pays pourrait être dramatique pour tous les jeunes — en fait, pour nous tous.
Je voudrais ajouter quelque chose.
À défaut d'un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Canada, il y aura une augmentation du chômage. Les jeunes qui sortent des collèges et des universités ne pourront pas trouver de travail. Dans les campagnes, la situation sera encore pire.
Encore une fois, ils se tourneront vers des cultures illégales, comme le pavot... et la cocaïne, qui ont progressivement été éradiquées. Dans le cas de la société où je travaille, dans les hauts plateaux colombiens, nous avons éliminé un grand nombre de ces cultures illégales, et je pense qu'on les a remplacées par la culture du jute. Nous travaillons avec la matière brute. Si nous ne vendons pas notre produit, cette plante sera remplacée par des cultures illégales.
Notre position est très risquée, particulièrement à la lumière des événements récents qui se sont produits au Venezuela, ce pays ayant pratiquement imposé un embargo sur la vente de nos produits.
En ce qui concerne le marché d'exportation actuel de la Colombie, votre principal partenaire commercial est le Venezuela, n'est-ce pas?
M. Germán Restrepo (Interprétation):
C'est exact. Quinze pour cent de notre production est acheminée au Venezuela. À ce stade-ci, nous ne vendons même pas un kilo de nos produits. Nous ne vendons absolument rien au Venezuela.
La compagnie qui m'emploie produit de l'indigo. Plus de 32 p. 100 de la production était vendue auparavant au Venezuela. Depuis le mois de janvier, non seulement le Venezuela a-t-il bloqué l'entrée des produits du textile, mais il a accumulé une dette au cours des derniers mois car le gouvernement vénézuélien refuse d'en autoriser le paiement.
À cela s'ajoute l'expropriation des compagnies colombiennes imposée par le gouvernement, par M. Chavez, en raison de l'accord sur la base militaire au pays. Selon les dernières nouvelles, quatre banques ont été fermées, dont certaines banques colombiennes, ce qui a eu des conséquences désastreuses pour l'économie des deux pays car les Vénézuéliens souffrent aussi des contrecoups de la situation.
La question de la violence préoccupe de nombreux Canadiens. Prenons le nombre d'agressions perpétrées contre des dirigeants syndicaux. Vous avez dit que statistiquement, les dirigeants syndicaux colombiens étaient davantage en sécurité que les simples citoyens. Est-ce en partie grâce à la protection assurée par le gouvernement?
Vous avez mentionné tout à l'heure que les dirigeants syndicaux n'étaient pas victimes d'agressions du gouvernement ou de l'armée, mais des FARC et des forces paramilitaires démobilisées. Est-ce exact?
M. Walter Navarro (Interprétation):
Oui. En Colombie, la violence qui faisait rage, et la mort de travailleurs syndiqués à la fin du siècle dernier, c'est-à-dire dans les années 1990, était attribuable à une guerre entre les forces paramilitaires et la guérilla dans les secteurs où l'on trouvait la plus forte production de bananes et les principales mines de notre pays. C'est là qu'environ 2 600 syndiqués ont été tués. Les guérillas et les paramilitaires étaient présents dans ces régions. Dans ces zones, les syndicats subissaient d'énormes pressions de la part de ces groupes armés. Présentement, le gouvernement national assure la protection de 10 000 habitants du pays, dont 2 000 sont des syndiqués. Un cinquième de l'effort déployé pour assurer la protection citoyenne au pays vise des syndicats ou leurs membres. Cela représente l'équivalent de 30 p. 100 des sommes consacrées en Colombie à la protection de la population. Autrement dit, 30 p. 100 du budget consacré par le gouvernement national à la protection des citoyens sert à protéger les syndicats.
M. Gerardo Sánchez (Interprétation):
Cela dit, il est déplorable que les opposants aux accords commerciaux utilisent les assassinats de syndiqués, même s'ils ont décru énormément, pour affirmer que la Colombie devrait être punie par la communauté internationale, qui devrait refuser d'approuver la signature d'accords de libre-échange avec le pays. Les membres de syndicats qui participent à cette campagne contre les accords de libre-échange nuisent aux intérêts des travailleurs qu'ils prétendent défendre. Si ces accords ne se concrétisent pas, et si le Parlement du Canada ne collabore pas avec nous en approuvant cet instrument, il ne fait aucun doute que le chômage augmentera et, comme mes collègues l'ont fait remarquer tout à l'heure, les cas de violence se multiplieront dans notre pays.
Par conséquent, le fait de ne pas signer ces accords de libre-échange engendrera davantage de violence à votre avis. Vous voyez les accords de libre-échange comme un moyen d'apaiser la violence et de diminuer la dépendance vis-à-vis le commerce des drogues illicites.
M. Germán Restrepo (Interprétation):
J'aimerais signaler quelque chose. L'an dernier, la situation au Venezuela a provoqué un chômage assez considérable en Colombie, sans compter que les travailleurs vénézuéliens qui viennent travailler chez nous ont aussi été touchés. Rien qu'à cause du problème avec le Venezuela, on a observé une augmentation du chômage dans notre pays. Cela prouve que des accords de libre-échange avec d'autres pays, comme le vôtre, sont nécessaires étant donné la nature des biens que vous produisez. Ce ne sont pas des biens qui sont produits chez nous, en Colombie, et nous en avons besoin.
Par exemple, il nous faut élargir nos routes et étendre notre réseau routier. Nous avons besoin d'autoroutes et de tunnels. Il y en a ici, mais pas chez nous. En Colombie, nous produisons dans les campagnes des produits que vous ne cultivez pas ici. Par conséquent, nous avons besoin l'un de l'autre. Vous utilisez de l'outillage dont nous avons besoin, et nous pourrons créer des emplois chez nous. Nous allons ouvrir des routes grâce à votre machinerie lourde et en même temps créer des emplois pour les habitants des régions rurales.
Merci. Nous vous sommes reconnaissants de ce commentaire.
Nous allons maintenant passer à M. Cardin, du Bloc québécois.
Allez-y, monsieur Cardin.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Messieurs, bonjour.
Cela me fait plaisir de pouvoir échanger avec vous. Comme le disait le président, je représente le Bloc québécois. Pour vous situer, le Bloc québécois est un parti souverainiste dans cette enceinte fédérale. Nous ne sommes pas contre le libre-échange. Nous sommes par contre favorables à des accords multilatéraux, plutôt qu'uniquement bilatéraux. Mais, comme je l'ai dit, on n'a rien contre le commerce. Au contraire, on veut que ça serve à la répartition de la richesse, c'est évident.
Cependant, il faut souligner que ce comité a déposé un rapport à la Chambre des communes dans lequel des recommandations voulaient que, tant et aussi longtemps qu'un groupe indépendant ne se serait pas penché sur la situation des droits de la personne en Colombie et n'aurait pas fait une évaluation de l'impact de l'accord sur les droits de la personne, celui-ci ne serait pas signé. Avant de le faire, il faudrait avoir la certitude que la situation s'améliore constamment et obtenir des garanties pour l'avenir.
Vous voyez donc qu'au départ, on n'est pas contre le commerce et les échanges. Par contre, on veut que les échanges se fassent dans un contexte de respect minimal des droits de la personne.
Vous avez parlé de syndicats. Vous disiez qu'il y a 6 personnes syndiquées par 100 000 personnes et 33 au sein de la société civile, mais je présume que les 6 comptent parmi les 33. Quel est le nombre de syndiqués en Colombie? Combien vos quatre formations en représentent-elles?
[Traduction]
Essentiellement, nous sommes présents dans le secteur privé. En Colombie, on compte 800 000 travailleurs syndiqués répartis dans les fédérations colombiennes, le SCT et le CUT. Il faut que vous sachiez une chose très importante avant de prendre quelque décision que ce soit: le CUT est une centrale qui comprend surtout des travailleurs du secteur officiel — des enseignants, des membres de l'appareil judiciaire, autant d'emplois qui relèvent de la fonction publique. Et qu'il y ait un accord ou non, cela ne change rien pour eux.
Pour nous, qui sommes du secteur privé, et en particulier pour le SCT, c'est différent. Nous sommes des entreprises de production, de fabrication et d'exportation. Mais si nous sommes aujourd'hui à cette table, nous qui avons eu l'occasion de voyager aux États-Unis et en Europe, c'est que nous avons compris que cette campagne négative menée par des groupes de Colombie a une saveur politique. Elle est devenue un instrument politique contre le gouvernement actuel.
J'oeuvre dans le mouvement syndical depuis 30 ans. J'ai participé à des grèves. J'ai milité en faveur du droit d'association. Et tous ceux qui sont présents autour de la table aujourd'hui se sont livrés à de telles activités, mais nous savons que certains de nos compatriotes qui s'opposent à l'accord de libre-échange sont venus ici. Nous les avons vus au Sénat américain. Ils ont brûlé le drapeau américain. Nous estimons que c'est une attitude qui ne représente pas l'identité de notre pays.
Le secteur du textile et du vêtement exporte 40 p. 100 de ses produits sur les marchés étrangers. Nous avons compris que les accords conclus entre la Colombie et d'autres pays du monde permettent une saine gestion des peuples: certains disposent de technologies et d'autres de main-d'oeuvre. Nous savons que le Canada a présenté certaines exigences au gouvernement, notamment en ce qui concerne le droit d'association, le respect des droits de l'homme et diverses mesures législatives. En l'occurrence, la propriété intellectuelle est aussi une exigence, et nous pensons que dans l'esprit de bonnes relations commerciales, nous devons respecter cela. Je le répète, nos industries se complètent les unes les autres. Ce que vous ne fabriquez pas, nous le fabriquons. En tant que pays tropical, nous cultivons différents produits qui sont exportés vers des pays dans le nord, y compris le Canada.
[Français]
Excusez-moi, monsieur. Peut-on revenir aux premières questions que j'avais posées?
Vous nous décrivez les éléments, un par un, de l'accord de libre-échange, mais mes questions portaient principalement sur la syndicalisation et sur vos groupes relativement à la syndicalisation totale. On sait que trois grands syndicats qui représentent la très grande majorité des syndiqués sont opposés à l'accord de libre-échange.
Vous disiez, à propos des autres syndicats opposés à l'accord de libre-échange, qu'ils veulent faire de la politique. Ici, une grande centrale syndicale qui regroupe les employés de la fonction publique du Canada s'est prononcée contre cette entente. Je ne crois pas qu'ils fassent beaucoup de politique. Par contre, ils se disent opposés à l'Accord de libre-échange Canada-Colombie compte tenu de ce qui se passait là-bas en ce qui a trait aux droits de la personne.
Vous avez fait référence à des gens responsables de désinformation aux États-Unis. Il n'empêche que les États-Unis n'ont pas encore ratifié l'accord de libre-échange. C'était principalement à cause de ce qui se passe relativement aux droits de la personne en Colombie. On sait très bien que les Américains ont fait beaucoup de commerce partout sur la planète et qu'ils ne se sont pas toujours souciés d'un minimum sur le plan des droits de la personne. Dans ce cas, ils le font. Il doit donc y avoir un bien-fondé. D'ailleurs, si tous les groupes qui défendent les droits de la personne ne se prononcent pas totalement contre l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, à tout le moins ils suggèrent d'attendre et de faire une étude d'impact formelle sur les droits de la personne.
Une théorie dit que si l'on fait des affaires, que l'on fasse de l'argent et que plus de personnes travaillent, automatiquement le taux de criminalité et d'atteintes aux droits de la personne diminuera. Toutefois, il n'y a pas nécessairement d'automatisme. Il faut aussi faire preuve de volonté. Quelquefois, on se pose des questions sur la volonté ou la capacité du gouvernement colombien de faire le grand ménage dans les groupes armés, comme les FARC, etc.
Je pense que vous représentez une minorité de syndiqués, mais vous lui donnez une plus grande importance parce que vous êtes dans une grande ville de 3,5 millions d'habitants. Vous dites que la majorité des crimes se produisent à l'extérieur, dans des secteurs miniers. En effet, il y a beaucoup d'investissements canadiens dans le secteur minier. Quelquefois, selon des témoins, des compagnies minières engagent des membres des groupes armés pour assurer la protection.
J'aimerais vraiment pouvoir vous dire que les arguments que vous nous donnez pour défendre le traité de libre-échange sont vraiment basés sur le fait qu'il y a une grande amélioration. Malheureusement, il y a encore une quarantaine de syndicalistes qui ont été assassinés. Au Québec et au Canada, il n'y en a eu aucun, et ce, depuis toujours. Le pire qui soit arrivé est qu'une fois, trois syndicalistes ont été emprisonnés pendant quelques jours. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait une volonté.
Avez-vous une étude d'impact sur les droits de la personne ou le contexte social, par suite d'une signature d'accord de libre-échange avec le Canada?
[Traduction]
M. Walter Navarro (Interprétation):
J'aimerais apporter certaines précisions aux commentaires de mon collègue. En Colombie, la violence qui a cours n'est pas principalement attribuable à l'inégalité. C'est dans les régions où l'on trouve les plus grandes richesses de notre pays, les mines et les plantations de bananes, que sont infiltrés les groupes hors-la-loi. S'il était vrai que l'inégalité engendre la violence dans les régions les plus pauvres du pays, elle serait manifeste dans les zones contrôlées par les guérillas et les forces paramilitaires, et nous constatons le contraire. Les guérillas et les paramilitaires sont dans le sillage de la richesse. Par conséquent, il est faux de dire que l'inégalité provoque la violence. Au contraire, les perpétrateurs — il n'y a pas d'autres mots pour les définir — les guérillas et les paramilitaires sont concentrés dans les zones riches. Ils ne représentent pas les démunis de notre pays. Ils tentent plutôt de tirer parti de la richesse.
En ce qui a trait au nombre de syndicats et de syndiqués, nous représentons approximativement 70 syndicats, soit environ 85 000 membres parmi tous les groupes qui appuient l'accord de libre-échange. Cela représente à peu près 10 p. 100 du mouvement syndical en Colombie. La Colombie compte à peu près 800 000 travailleurs syndiqués. Toutefois, je vous invite à considérer les chiffres suivants: de ces 800 000 syndiqués, 500 000 proviennent de la fonction publique, qui compte près d'un million de fonctionnaires. Cela signifie que 50 p. 100 de la fonction publique est syndiquée alors que le secteur privé, avec ses 17 millions de travailleurs, compte 300 000 syndiqués. Même si nous sommes un petit groupe de 85 000 personnes, nous sommes convaincus de représenter la majorité des travailleurs colombiens, qui souhaitent la signature d'un accord de libre-échange.
Plus encore que les syndicats, au plan idéologique, nous représentons véritablement la majorité des travailleurs de notre pays. Comme vous le savez, il existe de multiples coopératives de travailleurs associés qui englobent une forte majorité des travailleurs. La plupart des travailleurs ne sont pas syndiqués. Nous collaborons avec le gouvernement national en vue de leur permettre de signer une convention collective, ce qui nous permettrait de les représenter.
C'est une tâche que nous tentons de mener à bien. Les pourparlers sont passablement avancés. Même si ceux qui sont contre l'accord de libre-échange font partie de la majorité, il est également vrai qu'on les retrouve surtout dans le secteur public et qu'ils ne se soucient pas vraiment qu'il y ait ou non un accord de libre-échange. Cet instrument ne changera rien à la vie des enseignants, des travailleurs de la santé ou des fonctionnaires de la justice. Peu leur importe qu'il y ait ou non un accord de libre-échange. Mais dans le secteur de la production, fort de 17 millions de travailleurs environ, nous avons une présence solide, et un tel accord aura des répercussions sur leur vie.
Nous allons maintenant passer au représentant du Nouveau Parti démocratique, Malcolm Allen.
Monsieur Allen.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également mes frères du mouvement syndical.
Je suis moi-même issu du mouvement syndical canadien. Avant d'occuper mes fonctions actuelles au Parlement, j'étais membre de la direction du Syndicat national de l'automobile du Canada, le plus gros syndicat du secteur privé.
Quand vous parlez des syndicats du secteur privé, je vous comprends. Je vous comprends également quand vous parlez des syndicats du secteur public. Mais je ne comprends pas quand vous laissez entendre, comme vous venez de le faire, que les accords de libre-échange ou les accords commerciaux n'ont aucune importance pour les travailleurs du secteur public. Je ne suis pas d'accord avec vous, parce qu'une économie prospère comporte un secteur public prospère. Le secteur public dépend du secteur privé dans presque tous les pays, en tout cas dans notre pays, et peut-être pourrez-vous m'expliquer si c'est différent en Colombie, et il peut seulement exister si le privé est prospère, parce qu'il a besoin de l'assiette fiscale; il faut le secteur privé pour payer le secteur public.
Le gouvernement de notre pays — et je suis certain que c'est aussi le cas du gouvernement colombien — paye les employés du secteur public. Comme ces derniers fournissent des services au grand public, ils ne produisent pas de biens qu'ils pourraient vendre à la population. Leur tâche intrinsèque est de dispenser des services à la population.
J'adopte donc un point de vue différent quand il s'agit du secteur public, parce que je vous dirais, chers confrères syndicalistes, que les travailleurs du secteur public sont nos soeurs et nos frères en solidarité. J'espère que vous pourrez les considérer sous cet angle.
Mais je vous ai écoutés et j'ai entendu l'énoncé que j'avais entendu auparavant — mon honorable collègue M. Godin en a parlé tout à l'heure — au sujet du grand nombre de morts, et vous avez évoqué un sous-groupe des dirigeants syndicaux. Vous avez dit que seulement six pour 100 000 d'entre eux meurent, alors que le chiffre est de 33 pour la population dans son ensemble.
Un économiste m'a appris il y a longtemps à jouer avec les chiffres, et l'on peut additionner des chiffres de toutes sortes de manières différentes. Quand on isole un sous-groupe, on se trouve à fausser le sens de ce chiffre par rapport à la totalité, parce qu'il faut envisager le tout globalement. M. Cardin a justement posé cette question et je dois dire — je le dis avec tout le respect que je dois à mes confrères syndicalistes — que vous n'y avez pas répondu. Ce chiffre de six pour 100 000 est fondé sur un facteur de 800 000 syndicalistes et non pas sur une population de 45 millions d'habitants. Le chiffre 33, par contre, est fondé sur une population de 45 millions d'habitants. Le pourcentage est donc plus élevé pour les syndicalistes par rapport à l'ensemble de la population.
Par conséquent, vous admettez vous-mêmes que vous accordez une protection — puisque vous dites que votre gouvernement le fait — aux travailleurs syndiqués. Si vous protégez les travailleurs syndiqués, j'en déduis — j'admets que je suis très éloigné et que j'envisage la situation de très loin — que, d'une manière ou d'une autre, vous croyez que les travailleurs syndiqués sont en danger. Je ne pense pas que vous assumeriez le coût de cette protection s'ils n'étaient pas en danger. Je trouve cela difficile à comprendre à titre de syndicaliste.
Je dis donc avec tout le respect que je dois à mes confrères syndicalistes qu'il faut susciter la solidarité entre les syndicats de votre pays pour que vous ayez une position unie et non pas une position divisée, un peu comme ce que nous essayons de faire ici.
Maintenant, nous ne prétendons pas que tout le monde aura le pas. Vous avez une position différente et c'est correct. Mais j'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que vous parlez au nom de tous les travailleurs. Si le président des TUA, Ken Lewenza, de Toronto, disait aujourd'hui au gouvernement du Canada qu'il parle au nom de tous les travailleurs d'un bout à l'autre de notre pays, le gouvernement lui rétorquerait: « Non, monsieur. Vous parlez au nom des 240 000 travailleurs que vous représentez et non pas de tous les travailleurs du pays. » Vous dites que vous représentez 10 p. 100 des travailleurs syndiqués de Colombie, et pourtant vous dites du même souffle que vous parlez au nom de tous les autres 90 p. 100. Je trouve cela difficile à avaler.
Peut-être pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous croyez parler au nom des 90 p. 100 de travailleurs que vous ne représentez pas, surtout à la lumière du fait que le syndicat CUT n'est pas d'accord avec vous, et qu'il représente six fois plus de travailleurs que vous?
M. Walter Navarro (Interprétation):
Premièrement, au sujet des pourcentages, l'année dernière en Colombie, on a tué environ 40 syndicalistes. Et 40 syndicalistes sur 800 000, cela donne six pour 100 000, tandis que dans l'ensemble de la société civile, si l'on tient compte... Quoi qu'il en soit, ce que je voulais dire, c'est que la violence contre les syndicalistes est plus faible que le taux global. Le taux global est de 33 pour 100 000, tandis que pour les syndicalistes, c'est de six pour 100 000. C'est pourquoi j'ai deux groupes: le groupe normal, c'est-à-dire tout le monde, et ensuite les syndicalistes. C'est ainsi que je suis arrivé à ces chiffres.
Quant à ce que vous avez dit sur la représentation, c'est très simple. L'opposition en Colombie est dirigée par le Polo Democrático, qui est entre autres choses le parti associé à CUT. CUT appartient à ce parti. Et dans notre pays, aux élections pour le Congrès, Polo Democrático dénonçait les accords de libre-échange dans sa campagne et ils ont été battus. Ils ont été battus à plate couture.
C'est pourquoi je répète que si la population de Colombie était contre les accords de libre-échange, elle aurait voté en masse pour le Polo Democrático, qui en faisait le thème de sa campagne électorale. En Colombie, les travailleurs sont en faveur des accords de libre-échange. Si ce n'était pas le cas, alors les partisans des accords ne comprendraient pas non seulement les dirigeants du pays, mais aussi le président de la république, car il a été clairement établi durant le débat politique qui était en faveur de l'accord de libre-échange et qui ne l'était pas. C'était le thème des élections.
C'est pourquoi nous disons que nous représentons la majorité des travailleurs.
Avec tout le respect que je vous dois, cher confrère, je ne suis pas d'accord avec vous. En politique, dans les sociétés démocratiques, comme la nôtre, quand on discute des résultats d'une élection, nous pouvons tous prétendre en tirer les conclusions quand il s'agit des syndicalistes. Nous l'avons tous fait à un moment où un autre dans notre vie, nous tous qui sommes membres du mouvement syndical et qui sommes en fait des dirigeants du mouvement syndical. Chose certaine, j'ai entendu beaucoup de nos chefs syndicaux prétendre à la victoire, ou le contraire, selon le cas.
Une chose est claire, en ce qui a trait à la signification du syndicalisme démocratique, et je ne veux nullement donner l'impression de faire un cours, mais vous savez aussi bien que moi ce que cela veut dire pour nous tous membres du mouvement syndical: quand nous sommes membres d'une organisation démocratique, cela nous donne le droit de ne pas toujours être d'accord. Il est clair que 86 p. 100 des syndiqués de votre pays ne sont pas d'accord avec vous, monsieur. Et je dis cela avec le plus grand respect pour mes confrères. Ils ne sont pas d'accord. Ceux avec qui j'ai pu m'entretenir — et j'ai discuté avec des membres de CUT ici, dans notre pays, et il y a de nombreuses années — qui ont fui votre pays à cause des menaces et mêmes des actes de violence perpétrés contre leurs familles...
On constate que cela se poursuit encore aujourd'hui, quoiqu'à un taux plus faible, ce qui est louable. Il faut reconnaître que l'on va dans la bonne direction. Le problème est qu'à mes yeux, et aux yeux de certains parlementaires de notre pays, la tendance doit continuer d'être à la baisse jusqu'au point où les véritables syndicalistes libres et démocratiques auront le sentiment qu'ils ne sont plus en danger. À l'heure actuelle, en Colombie, c'est encore le cas: c'est l'un des rares pays du monde où le simple fait d'être un leader libre et vraiment démocratique met votre vie en péril. Il n'y a pas beaucoup de pays du monde où c'est le cas.
Tout ce que nous demandons — M. Cardin l'a demandé tout à l'heure et, en fait, un autre comité en a discuté auparavant — c'est qu'un comité des droits de la personne puisse examiner la situation et avoir un rôle de surveillance, pour que l'on puisse à un moment donné consulter un rapport pour vérifier si vous êtes dans la bonne voie. Mais vous n'en êtes pas encore là. De dire que l'on devrait simplement aller de l'avant avec le libre-échange alors que cette violence n'est pas enrayée, c'est aller dans la mauvaise direction à nos yeux.
Je vous le dis encore une fois: je crois que vous devriez travailler avec votre centrale syndicale pour mettre au point une position syndicale vraiment homogène. Car vous êtes des syndicalistes, mes chers confrères, tout comme je le suis ici dans notre pays, et vous travaillez au nom des travailleurs. Et c'est bel et bien un serment solennel que nous faisons envers ces travailleurs, celui de travailler en leur nom, pas nécessairement au nom d'un gouvernement en particulier. Voilà pour qui nous travaillons, nous, les syndicalistes.
C'est donc la suggestion que je vous fais: au lieu, peut-être, de travailler au nom du gouvernement de votre pays, de travailler plutôt au nom du mouvement syndical et des travailleurs que vous représentez.
M. Gerardo Sánchez (Interprétation):
Quand on se concentre sur les chiffres, cela donne l'impression d'une certaine insensibilité par rapport à la solidarité qui devrait exister entre tous les travailleurs, et ce n'est pas l'impression que nous voulons vous laisser. Vous devez savoir que, avant tout, nous vous sommes extrêmement reconnaissants de l'intérêt que vous manifestez au Parlement canadien envers la situation des droits de la personne en Colombie. C'est une lutte que nous livrons tous et cela me peine d'entendre l'honorable représentant dire que nous représentons les intérêts ou le discours du gouvernement colombien. Cela n'a jamais été le cas. Il y a beaucoup à faire sur le plan des droits de la personne et nous l'avons fait savoir au gouvernement. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour mettre à jour nos normes du travail afin que tout soit conforme à l'OIT et que l'on respecte et protège les activités des syndicalistes et le droit de grève. Nous n'avons jamais dévié de cette ligne.
Nous agissons dans la solidarité et nous ne souhaitons jamais la mort d'un seul syndicaliste. Néanmoins, je voudrais signaler que, pour ce qui est des accords commerciaux, certains de nos confrères et consoeurs syndiqués ont fait des efforts pour faire croire faussement à la communauté internationale que dans notre pays, le meurtre de syndicalistes est une politique gouvernementale. Ce n'est pas le cas. Nous tenons à le dire clairement ici.
Nous vous demandons sincèrement d'approuver l'accord commercial avec la Colombie comme outil de création d'emplois dans notre pays et aussi pour améliorer les conditions de travail. Nous allons collaborer avec vous pour améliorer la situation des droits de la personne et des travailleurs en Colombie.
Je vous remercie pour cette réponse.
Nous passons maintenant au Parti conservateur.
M. Holder va parler en premier.
Muchas gracias, señores.
À nos invités de Medellín, je vous remercie pour vos témoignages aujourd'hui.
Je veux d'abord vous expliquer que je suis membre du Parti conservateur, qui forme actuellement le gouvernement. Je dis cela pour vous réconforter, car il y a au moins un autre parti autour de la table qui, je le sais, appuie l'accord avec la Colombie, et c'est le Parti libéral. Je ne prétends pas parler en leur nom.
Je dis cela pour que vous sachiez que nous croyons en cet accord de libre-échange. Nous croyons qu'il devrait être mis en oeuvre et qu'il le sera effectivement, et qu'il respecte l'intégrité des travailleurs et des citoyens de Colombie. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt supérieur de nos deux pays de mettre en oeuvre cet accord de libre-échange le plus rapidement possible. Le témoignage d'aujourd'hui était probablement le plus convaincant que nous ayons entendu. Je dis cela parce que vous vivez là-bas, et pas nous. Tous les gens qui ont témoigné devant nous sont bien intentionnés, mais ils ne vivent pas tous dans votre pays. Vous, vous y vivez.
Les gens autour de cette table, qui, j'en suis convaincu, veulent le bien de la Colombie et du Canada, vivent ici. Ils ne vivent pas avec vous. Je dois dire respectueusement que moi-même, je ne comprends pas dans tous les détails les avantages de cet accord. Je suis aujourd'hui plus déterminé que jamais après avoir entendu votre témoignage.
Vous avez parlé de l'embargo imposé à la Colombie par l'Équateur et le Venezuela, et vous avez dit qu'il ferait augmenter le chômage et la violence. Je me sens maintenant dans l'obligation d'aller de l'avant avec ce projet.
Monsieur Navarro, je pense que vous avez dit que tout retard dans la mise en oeuvre du libre-échange coûterait des emplois et causerait de la violence. Il semble que nous nuisons à la capacité des travailleurs et de leurs familles de subvenir à leurs besoins. Pourriez-vous nous en dire plus long sur cet embargo et les retards dans l'application du libre-échange et nous dire en quoi cela contribuera à la violence?
M. Walter Navarro (Interprétation):
En Colombie, d'après le dernier rapport de DANE, l'agence chargée des statistiques dans notre pays, le chômage a augmenté et se situe maintenant à 11,5 p. 100. Cela veut dire qu'en Colombie, il y a environ 2,5 millions de chômeurs. De même, les exportations en Équateur et au Venezuela, qui représentent 50 p. 100 de toutes les exportations, ont baissé considérablement. Récemment, nous avons peut-être atteint le seuil de 10 p. 100 des exportations, pour l'essentiel vers l'Équateur. C'est une équation bien simple. Nos exportations aux autres pays sont demeurées à peu près au même niveau qu'auparavant, tandis que durant la dernière année, nos exportations vers le Venezuela et l'Équateur ont baissé sensiblement. Il en est résulté une forte augmentation du chômage. De plus, les Colombiens se font expulser du Venezuela. En fait, 400 personnes habitant près de la frontière ont été expulsées et, chaque jour, des actes de violence sont commis contre des Colombiens au Venezuela. C'est pourquoi beaucoup de Colombiens qui résident au Venezuela sont rentrés à la maison. Cela augmente le chômage dans notre pays et la violence en Colombie a augmenté. L'augmentation n'est pas très forte, mais on peut l'attribuer au chômage dans les villes et dans les campagnes. On ne constate absolument aucune solidarité avec les États-Unis.
Nous pressons le gouvernement canadien, qui est en faveur de l'accord de libre-échange, d'approuver l'accord le plus rapidement possible pour que nous puissions commencer à exporter nos produits vers votre pays.
Merci.
Je vous remercie pour cette réponse bien réfléchie.
Je sais que mon collègue à la table, qui est très actif dans le mouvement syndical, a fait des observations. Il a dit une chose avec laquelle je suis entièrement d'accord, à savoir que c'est le secteur privé qui paye le secteur public. J'ai trouvé que c'était très clair et je pense qu'il avait absolument raison.
Il a également mentionné le nombre de décès de syndicalistes par 100 000 personnes, et vous avez apporté une précision. Je pense que vous avez tiré cela au clair et je vous remercie de l'avoir fait. Par ailleurs, vous avez fait une réponse très claire en disant que vous ne travaillez pas pour le gouvernement.
J'ai trouvé intéressant d'entendre mon collègue à la table dire que vous devriez tous défendre la même position. Eh bien, savez-vous, je crois que vous défendez une position qui est dans l'intérêt supérieur de vos membres et, je crois, dans l'intérêt supérieur des Colombiens. Vous avez le droit de ne pas toujours être d'accord. Je respecte le fait que vous avez le droit de ne pas toujours être d'accord.
Si vous aviez un message que vous aimeriez transmettre à vos confrères et consoeurs syndiqués au Canada — et nous vous aiderons à diffuser ce message — puis-je vous demander de bien vouloir nous dire quel serait ce message?
M. Walter Navarro (Interprétation):
Gerardo va vous répondre. Il est notre collègue du secteur du textile.M. Gerardo Sánchez (Interprétation):
Un message à l'intention des syndicalistes canadiens et aussi de la classe ouvrière du Canada, un message à tous les travailleurs: nous avons créé un groupe syndical qui représente une minorité dans l'ensemble des syndicats du pays. Cependant, nous nous sommes implantés dans un nombre grandissant de secteurs et de régions, au point que nous constatons maintenant que l'information qui est diffusée à l'extérieur de notre pays est faussée, et c'est le fait de dirigeants syndicaux. Je dis les dirigeants, parce que ce ne sont pas tous les travailleurs colombiens qui partagent leur point de vue et qui croient qu'en raison des violations des droits de la personne et des droits des travailleurs, la Colombie n'est pas digne d'un accord de libre-échange. Ceux qui disent que les travailleurs colombiens ne veulent pas d'un accord de libre-échange ne représentent pas la grande majorité des travailleurs de notre pays, qui travaillent dans de petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas la possibilité de se syndiquer, qui ne sont pas représentés chaque année aux discussions pour l'établissement d'un salaire minimum, parce que c'est une minorité qui participe à une minorité de lieux de travail syndiqués.
Comme mon collègue Walter l'a dit, des 18 millions de Colombiens qui forment la population active de notre pays, seulement 800 000 sont syndiqués. De ces 800 000, nous en représentons seulement 10 p. 100, mais notre présence est de plus en plus solide dans le pays. Nous avons une autorité morale suffisante pour pouvoir dire que ce ne sont pas tous les travailleurs colombiens qui sont contre l'accord de libre-échange. Au contraire, la grande majorité estime que nous avons besoin d'un accord de libre-échange.
Je m'adresse ici à mes frères et soeurs. Je m'exprime dans la solidarité. C'est un message que nous adressons aux travailleurs canadiens qui sont dûment représentés par vous, députés au Parlement. Nous espérons pouvoir compter sur cette collaboration, nous espérons cette approbation, qui est très nécessaire pour notre pays afin que nous puissions réaliser nos plans de développement, pour que nous puissions créer des emplois, dont nous avons grandement besoin. À cause de tous ces problèmes avec nos voisins, nous devons vraiment exporter nos produits au-delà de nos frontières, avec l'appui de la communauté internationale.
Merci, señor Sánchez.
J'ai deux dernières observations.
Señor Navarro, vous avez fait observer que vous avez une liste de syndicats de Colombie qui appuient l'accord de libre-échange avec le Canada. Pourrais-je vous demander si vous pourriez, par l'entremise de notre greffier, nous faire parvenir une liste de ces syndicats, pour que nous puissions nous y reporter à titre d'information? Vous n'avez pas besoin de le faire aujourd'hui, mais si vous pouviez nous la faire parvenir, nous vous en serions obligés.
M. Walter Navarro (Interprétation):
Je vais essayer de l'envoyer électroniquement.
Perfectamente.
Nous sommes nombreux autour de cette table à travailler fort pour réaliser cet accord le plus soigneusement possible. S'il y a quelque chose que je retiens dans le témoignage que vous nous avez tous donné aujourd'hui, c'est l'urgence d'aller de l'avant. Je ne veux pas être négatif, mais si cela ne se fait pas, quelles en seraient les conséquences pour l'ensemble de la population colombienne et en particulier pour le mouvement syndical et les syndiqués et leurs familles? Auriez-vous l'obligeance de nous donner votre opinion là-dessus?
M. Luis Fernando Cadavid (Interprétation):
Je suis lié au secteur du vêtement. C'est une organisation, comme Leonisa, qui compte 1 800 mères de famille et chefs de ménage. Nous exportons 40 p. 100 de notre production. Si nous ne concluons pas d'ententes avec des pays du nord qui sont plus avancés et qui acceptent notre production, notre situation deviendra passablement compliquée. Ce n'est pas facile d'avoir la technologie. Nous ne sommes pas à la fine pointe du progrès dans le secteur manufacturier. C'est pourquoi nous voulons que tout soit clair. En Colombie, il y a deux centrales syndicales. En nombre, CUT représente la majorité, mais qualitativement, dans le secteur de la production, c'est SCT. Parmi nos dirigeants, certains disent non à l'accord de libre-échange. Au sein de SCT, cela a suscité la création d'une équipe inter-institutionnelle comprenant des employeurs et des travailleurs et des représentants de l'État lui-même. La plupart des personnes en cause sont des employeurs et des travailleurs qui seraient directement touchés si un accord de libre-échange n'était pas signé.
Un accord de libre-échange représente des négociations mettant en jeu des intérêts. Je pense que le Canada et les États-Unis et la Colombie sont intéressés à établir des lignes directrices dans les relations commerciales. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir exigé, dans le document final, qu'il y ait des garanties quant aux droits de la personne et au droit de libre association, parce que c'est de cette manière que nous pouvons progresser.
Nous devons progresser sur le plan industriel. Nous progressons quand il y a de l'emploi. S'il y a de l'emploi, il y a des travailleurs. C'est l'occasion d'organiser les travailleurs au sein de syndicats.
Par exemple, l'une des exigences a été l'élimination du travail des enfants. Le droit de grève, le droit de la Colombie de signer des ententes... La demande que nous vous faisons est que ces accords soient appuyés et qu'ils soient réalisés.
C'est un fait que nous partageons certaines positions du gouvernement et nous combattons pour la sécurité. Nous ne faisons pas partie du gouvernement, comme se plaisent à le dire certains secteurs qui sont contre l'accord de libre-échange. Nous ne sommes pas tous pareils. Nous avons la volonté politique de nous battre pour défendre l'industrie nationale afin de garantir des milliers d'emplois qui doivent demeurer, qui vont demeurer en Colombie.
Enfin, je voudrais dire, pour être bien clair, que nous faisons déjà des affaires avec la Colombie, et c'est un point sur lequel il faut insister. Ce que nous demandons, pour réaliser cet accord de libre-échange, c'est de faire en sorte de mettre en place des échanges avec la Colombie qui sont fondés sur des règles et qui sont équitables pour les deux pays et d'avoir en même temps ce qui est en bout de ligne un très solide accord de coopération dans le domaine du travail et de l'environnement. Je pense que ces deux éléments sont essentiels pour que cette affaire aboutisse.
Si vous avez un dernier mot à nous dire quant à l'importance de mettre en place un accord fondé sur des règles pour renforcer les échanges commerciaux et pour éliminer les droits de douane de part et d'autre, je m'en remets à vous.
Merci de nous avoir consacré de votre temps.
Nous n'aurons pas le temps de faire un autre tour de questions.
Si l'un de vous, messieurs, voudrait faire une brève déclaration de clôture, je vous demanderais de le faire maintenant. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir participé à nos travaux aujourd'hui et nous vous remercions pour les réponses que vous nous avez données.
Aimeriez-vous faire une dernière intervention avant de mettre fin à l'entretien?
M. Germán Restrepo (Interprétation):
En terminant, je voudrais dire quelques mots au sujet de la mort d'un syndicaliste. Je travaille depuis 38 ans à la compagnie Empaques. Trois chefs syndicaux ont été tués dans l'histoire de la compagnie. Ils ont été tués pour des raisons qui étaient totalement différentes et qui n'avaient rien à voir avec le travail syndical. L'un a été tué parce qu'une motocyclette a été volée, un autre parce qu'une voiture a été volée, et un autre encore à cause d'un problème qu'il avait dans le quartier où il était allé prendre quelques verres. Il y a environ un mois, aux petites heures du matin, un vendredi, l'un de nos affiliés dans la municipalité a été assassiné et l'enquête a constaté qu'il a été tué parce qu'il avait volé une chaîne et une radio. C'est ainsi qu'en Colombie, on tue des syndiqués, parfois des chefs syndicaux, mais la majorité d'entre eux se font tuer non pas à cause de leur activité syndicale, mais à cause de la violence dans laquelle nous vivons en Colombie. Vous êtes au courant de cela dans votre pays et vous devrez collaborer avec nous pour voir comment nous pouvons enrayer cette violence qui existe depuis un certain temps en Colombie.
Dans un autre exemple, un enseignant a été assassiné l'année dernière et nous sommes allés à l'OIT. L'OIT a déclaré que le chef de la fédération des enseignants était en cause. Une enquête a montré que l'enseignant a été tué par son beau-fils parce qu'il frappait sa mère. Il n'en a pas été fait mention dans la plainte. L'OIT a déclaré qu'un chef syndical de l'usine textile à Bello a été tué. C'est ainsi qu'on l'a annoncé. Quels ont été les résultats de l'enquête? Les gens l'ont tué parce qu'il violait des mineures.
Donc, les syndiqués qui sont morts en Colombie ne sont pas tous morts parce qu'ils étaient des syndicalistes, mais souvent à cause de la violence dans notre pays.
M. Walter Navarro (Interprétation):
Comme l'a dit Gerardo, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous à titre de témoins à la Chambre des communes du Canada. En guise de conclusion, je voudrais dire que l'accord de libre-échange avec la Colombie devrait être approuvé, pour la raison très simple qu'il y a de la violence chez nous. Cette situation ne va pas s'améliorer du jour au lendemain, comme les syndicalistes à votre table l'ont dit. Nous avons fait un bout de chemin. En Colombie, nous avons amélioré la situation des droits de la personne, mais nous n'allons pas faire disparaître la violence en Colombie du jour au lendemain. Si l'accord de libre-échange n'est pas approuvé parce qu'il y a de la violence chez nous, cela voudrait dire qu'en Colombie, nous ne pourrions jamais avoir un accord de libre-échange; il se trouve qu'il y a de la violence chez nous, et la violence se poursuivra pour une raison ou une autre.
Je pense que l'approbation de l'accord de libre-échange est une manière de nous aider. C'est tout à fait nécessaire pour notre pays, pour que nous puissions continuer de progresser vers l'élimination de la violence.
Je voulais vous faire cette dernière observation que vous pourrez méditer.
Merci, monsieur Navarro, monsieur Sánchez, monsieur Cadavid et monsieur Restrepo. Vous nous avez été très utiles. Votre témoignage nous donne un point de vue local. Comme M. Holden l'a dit, vous connaissez et comprenez tellement bien votre pays.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui et de votre disponibilité mardi dernier. Je suis désolé que cela n'ait pas marché ce jour-là.
Encore une fois, nous vous sommes très reconnaissants d'être venus témoigner aujourd'hui. Muchas gracias.
J'ai quelques petites annonces administratives à faire. Je m'adresse aux membres du comité: il y aura la semaine prochaine deux conférences susceptibles de vous intéresser. La première aura lieu ici, à l'édifice de l'Ouest, lundi, à partir de 10 heures, et portera sur le commerce international. Le programme semble assez intéressant. J'espère que vous en avez pris bonne note.
Il y a aussi une conférence sur les droits de la personne organisée par Amnistie Internationale. Elle aura lieu mardi, à 12 h 55. Nous allons nous réunir mardi de la semaine prochaine et nous mettrons probablement fin à la séance assez tôt pour permettre aux membres du comité d'y assister.
Mardi, nous aurons une réunion d'information sur la Jordanie. Nous n'avons pas réussi à obtenir des témoins mardi pour notre discussion sur la Colombie, et nous commencerons donc notre étude sur la Jordanie. À 11 heures mardi, nous allons commencer par un briefing d'une heure donné par des fonctionnaires ministériels sur l'accord de libre-échange avec la Jordanie. Ensuite, nous aurons une réunion du comité pendant une demi-heure. Je voudrais discuter à ce moment-là de ce que le comité aimerait faire après que nous aurons adopté la Colombie et la Jordanie.
J'ai ici une brève motion:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité entame une étude du Traité de libre-échange Canada-Jordanie.
Quelqu'un pourrait-il présenter cette motion?
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