HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 23 mars 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte. C'est notre première réunion au sujet de la motion M-47.
Je tiens aussi à dire que nous avons déposé ce matin le rapport sur le projet de loi C-277 et que tout s'est bien déroulé. Je vous félicite. C'est le huitième rapport de notre comité.
Nous entamons aujourd'hui notre étude sur la motion M-47. Il y a quelques changements dans la liste des témoins. Un des témoins ne peut pas être ici aujourd'hui pour des raisons personnelles. Je crois savoir également que nous éprouvons des difficultés techniques pour ce qui est d'établir la communication avec notre témoin qui se trouve en Pennsylvanie.
Quoi qu'il en soit, nous allons commencer. Nous accueillons la professeure Jacqueline Gahagan, directrice intérimaire et vice-doyenne de la Faculté des professions de la santé à l'Université Dalhousie. Je vous souhaite la bienvenue. Nous recevons également Kathleen Hare, étudiante au doctorat au Département de l'enseignement des langues et littératie de l'Université de la Colombie-Britannique. Les deux extrémités du pays sont donc représentées ici aujourd'hui. Nous sommes très heureux de vous accueillir.
Plus tard, nous espérons pouvoir nous entretenir avec Mme Mary Anne Layden, directrice du programme des traumatismes sexuels et de psychopathologie au Département de psychiatrie de l'Université de la Pennsylvanie. Nous n'avons toujours pas réussi à établir la communication avec elle.
Je vous souhaite à tous la bienvenue au Comité. Chacune d'entre vous dispose de 10 minutes pour faire un exposé.
Je crois que Mme Hare va commencer.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. C'est un honneur.
Je vais vous parler d'une vision renouvelée de la pornographie, précisément de la consommation de films à caractère sexuel dans Internet chez les jeunes adultes et sa contribution aux démarches de promotion de la santé sexuelle au Canada.
J'ai effectué ma recherche en collaboration avec Mme Gahagan et deux autres universitaires dans le cadre de ma maîtrise en promotion de la santé à l'Université Dalhousie.
Il y a un lien entre nos deux exposés. Pour ma part, je vais parler de la recherche en particulier, et Mme Gahagan présentera une analyse générale de la pornographie en tant que problème de santé publique.
Pour commencer, il vaut mieux que je vous parle de l'ensemble des recherches qui orientent mes travaux et qui façonnent mon raisonnement sur le sujet.
Comme on peut le croire, les recherches publiées sur le sujet sont complexes. La façon de définir la pornographie ainsi que la santé et la violence sexuelles aux fins de ce type de conversation fait l'objet d'un débat dans le domaine de la recherche sur ce sujet. Il en va de même en dehors du milieu universitaire. En outre, l'ensemble des résultats de recherches sur le sujet sont imprécis.
Les recherches menées avant l'ère numérique ont abouti à des conclusions nombreuses, mais insatisfaisantes sur les répercussions de la pornographie sur la santé globale. Au sujet de la violence et de la pornographie, tout ce qu'on pourrait affirmer, c'est que, pour certaines personnes, le fait d'être exposé à certains types de pornographie dans certaines conditions pourrait les amener à adopter un point de vue misogyne. Récemment toutefois, on a recommencé à effectuer des recherches sur le sujet en raison de l'émergence de la pornographie en ligne, qui est facilement accessible de façon anonyme. C'est aussi en partie en raison de la théorie selon laquelle il pourrait y avoir une incidence sur les jeunes en particulier.
À l'heure actuelle, en général, la recherche est souvent axée sur deux grands aspects. Il y a premièrement les changements de comportements, dont on parle souvent en faisant référence aux comportements sexuels à risque et à la violence fondée sur le sexe. En deuxième lieu, il s'agit des dommages psychologiques ou physiologiques, qu'on aborde le plus souvent dans l'optique des dépendances et de ce genre de problème.
Même si on peut dégager certaines tendances, comme la participation précoce à des activités sexuelles, comme l'ont révélé les études menées avant l'ère numérique, un grand nombre des conclusions sont incohérentes et contradictoires. En outre, les deux principaux domaines de recherche, à savoir les comportements à risque et les dépendances, font seulement partie de l'ensemble des répercussions sur la santé de la pornographie.
On mène également beaucoup de recherches sur d'autres théories concernant la façon dont la pornographie, qu'il s'agisse des différents genres ou de la pornographie dans son ensemble, peut avoir d'autres répercussions sur la santé, en raison notamment de ses attraits et de ses avantages apparents.
Par exemple, la communauté LGBTQ utilise depuis longtemps la pornographie pour explorer des pratiques sexuelles qui sortent du cadre de l'hétéronormativité. Certaines recherches révèlent que des couples utilisent la pornographie pour parler de sexualité. D'autres recherches continuent de montrer que des jeunes utilisent la pornographie pour se renseigner au sujet des différentes formes d'expressions sexuelles. Ces recherches peuvent contribuer à faire avancer la réflexion au sujet de la pornographie en tant que problème de santé publique.
Pour revenir à notre étude des répercussions de la pornographie, je dirai que nous avons jugé qu'il était essentiel de nous pencher à la fois sur les dommages potentiels et l'incidence négative sur la santé pour des raisons évidentes. Nous avons toutefois pensé qu'il était nécessaire de tenir compte de la nature diversifiée de la pornographie et de la vaste gamme des expériences que les gens peuvent avoir avec la pornographie.
Par conséquent, nous avons déterminé, pour notre étude, par souci d'efficacité et pour mieux tenir compte des expériences des gens, de conceptualiser le lien entre la pornographie et la santé sexuelle de façon exhaustive.
Ainsi, nous avons procédé à une étude qualitative conçue d'une manière qui nous permette d'explorer le lien entre la santé sexuelle et la pornographie et qui est axée sur la personne. Nous avons considéré que la pornographie présente des activités sexuelles qui servent à susciter de l'excitation. Nos questions étaient les suivantes: Est-ce que les jeunes hommes et les jeunes femmes hétérosexuels des milieux urbains considèrent que la consommation de films à caractère sexuel dans Internet influence leur santé sexuelle? Si tel est le cas, de quelle manière? Comment les conclusions peuvent-elles contribuer aux démarches de promotion de la santé sexuelle au Canada?
Pour répondre à ces questions, nous avons axé notre étude sur six mesures globales de la santé sexuelle, à savoir les connaissances sur la sexualité, la perception de soi par rapport à la sexualité, les activités sexuelles, les attitudes envers ses partenaires, les opinions sur la sexualité et le bien-être général.
Nous avons mené des entrevues auprès de 12 jeunes — six hommes et six femmes — âgés de 19 à 28 ans. Leur niveau d'instruction allait des études secondaires aux études supérieures et ils provenaient d'origines raciales ou ethniques diverses.
Après avoir recueilli les données, nous les avons analysées par rapport à chacune des six mesures pour en arriver à des conclusions catégoriques, et ensuite, par rapport à l'ensemble de ces six mesures pour dégager des thèmes émergents.
Pour ce qui est des conclusions, nous pourrons discuter plus en détail après nos exposés des six mesures et des trois thèmes émergents si cela vous intéresse, mais pour l'instant, je vais me contenter de résumer les conclusions pour les membres du Comité. Deux grandes conclusions sont ressorties de notre étude.
La première concerne les personnes. Les participants considéraient que la pornographie avait des influences positives et négatives sur la santé sexuelle et que ces influences sont interreliées et parfois contradictoires.
Cette conclusion traduit bien le fait que les jeunes estiment que les répercussions sur la santé de la pornographie ne peuvent pas toujours être définies comme des effets ou des manifestations physiques qu'on peut cibler séparément. En effet, comme l'ont démontré les jeunes, la santé sexuelle englobe les facteurs biologiques ainsi que des manifestations complexes liées aux discours social, politique et populaire à propos de la sexualité.
Ces conclusions concordent avec celles d'autres recherches qui donnent à penser qu'il n'existe pas autant de réponses simples fondées sur des données probantes que certains peuvent le prétendre, ou que nous pourrions tous l'espérer. Parfois, lorsqu'on obtient des réponses très simples, il est très important de prendre en considération le point de vue qui est à l'origine de ces réponses. Ce qui est particulièrement pertinent, à mon avis, c'est que ces conclusions mettent en lumière l'importance d'utiliser des données canadiennes dans un contexte canadien.
La deuxième conclusion, qui présente probablement le plus grand intérêt pour le Comité, est que les jeunes Canadiens qui ont participé à l'étude se servent activement de la pornographie comme ressource sexuelle multifonctionnelle et complète dans un contexte dépourvu d'autres options. Les jeunes ont affirmé que les occasions de s'éduquer à propos des aspects positifs de la sexualité sont limitées, à la fois dans le cadre des formes institutionnelles de communication des connaissances sur la sexualité et dans la société en général, alors ils ont recours à la pornographie pour combler cette lacune.
Même s'ils ont souligné, ce qui est très important je crois, que ce n'est pas l'option qu'ils préfèrent, car ils sont conscients des aspects troublants de la pornographie, ils considèrent que c'est la seule option puisque la pornographie est la seule ressource sexuelle non limitée et non réglementée accessible sans jugement.
Cette conclusion laisse penser que la consommation de pornographie par les jeunes est attribuable en partie à la difficulté d'avoir accès à des ressources complètes au Canada.
Lorsqu'on examine ces conclusions dans leur ensemble, on constate que, dans le cadre d'une étude comme celle de la motion M-47, il est important de mettre en évidence le fait que la pornographie, y compris celle présentant un contenu violent, est consommée conjointement avec d'autres contenus à caractère sexuel, qu'il s'agisse d'images ou de messages, que ce soit en ligne ou non. La pornographie fait partie d'un grand écosystème de la sexualité, alors elle ne peut pas ou ne devrait pas être examinée isolément. Les répercussions sur la santé publique de la pornographie sont liées à la façon dont la sexualité est abordée dans les milieux de l'éducation et de la santé, dans les médias et dans Internet.
Cela signifie que, du point de vue de la santé publique, la pornographie n'est pas le seul sujet sur lequel il faut se pencher. La pornographie est l'un des éléments d'une discussion plus vaste sur l'amélioration de la santé sexuelle, surtout des jeunes, au Canada. Ces résultats nous amènent à nous poser certaines questions. Comment faire en sorte que l'éducation sexuelle soit plus complète et uniforme et mieux coordonnée à l'échelle des provinces? Comment l'égalité entre les sexes peut-elle être améliorée au sein de la société? Est-il possible d'établir de nouveaux partenariats à cet égard?
L'objectif n'est pas de minimiser la conversation très importante que suscite l'étude de la motion, mais plutôt de reconnaître qu'il est impératif d'avoir une discussion plus vaste sur la promotion de la santé sexuelle au Canada.
Je vais m'arrêter ici. Mme Gahagan vous parlera plus en détail des répercussions. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écoutée. Je serai ravie de discuter avec vous.
Je vous remercie pour votre exposé.
Nous avons maintenant établi la communication avec Mme Mary Anne Layden, directrice du programme des traumatismes sexuels et de psychopathologie au Département de psychiatrie de l'Université de Pennsylvanie.
Je vous souhaite la bienvenue.
Nous allons écouter l'exposé de 10 minutes d'un autre témoin, et ensuite, vous pourrez présenter votre allocution de 10 minutes.
Je vous remercie de vous joindre à nous depuis la Pennsylvanie. Nous vous en sommes très reconnaissants.
La parole est maintenant à Mme Jacqueline Gahagan, professeure, directrice intérimaire et vice-doyenne à l'Université Dalhousie.
[Français]
C'est un grand plaisir d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
J'aimerais d'abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine Anishnabe.
Bien que nous sachions que la pornographie à l'ère d'Internet est clairement un problème important de santé et de société, le rôle de la santé publique à l'égard de ce problème est beaucoup moins clair. Nous savons que les autorités de la santé publique s'occupent de protéger la santé de la population. Nous savons également que leur raison d'être est essentiellement de déployer des efforts structurés au sein de la société pour maintenir les gens en santé et prévenir les maladies, les blessures et les décès prématurés. Dans le cadre de son mandat, par exemple, l'Agence de la santé publique du Canada a pour tâche d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer des politiques, des programmes et des services de santé publique qui visent à promouvoir et à protéger la santé des Canadiens.
Bien que la promotion de la santé et la prévention des maladies constituent des éléments clés du mandat en matière de santé publique, c'est véritablement dans les parties portant sur les sous-programmes intitulés Conditions favorisant une vie saine, Développement sain durant l'enfance et peut-être Communautés en santé du Rapport sur les plans et les priorités pour 2016-2017 de l'Agence de la santé publique du Canada que nous pouvons observer un lien évident entre la santé publique et les effets potentiels sur les femmes, les hommes et les enfants du matériel sexuellement explicite à caractère violent et dégradant.
Lorsque nous réfléchissons au rôle de la santé publique à l'égard de la promotion de la santé sexuelle, d'une part, et de la prévention des maladies, d'autre part, on constate que le problème de la pornographie n'est pas aussi simple que les mesures de santé publique qui sont prises pour, par exemple, prévenir la transmission de maladies contagieuses ou infectieuses. Grâce à l'épidémiologie, il est souvent possible d'attribuer les taux de prévalence des maladies et les conséquences négatives sur la santé à des facteurs précis comme l'absence d'eau potable, la piètre qualité des logements, l'inactivité physique, etc. Les causes et les effets de la pornographie en tant que problème de santé publique sont obscurcis par d'autres iniquités structurelles liées à des problèmes, comme la violence fondée sur le sexe et la misogynie, qui, dans une certaine mesure, sont réglementés par nos lois, nos normes sociales, nos valeurs et nos moeurs, qui, nous le savons, sont appelées à évoluer avec le temps.
Nous savons que, par définition, la pornographie consiste à créer et à diffuser des livres, des magazines, des vidéos, de l'art et de la musique destinés à susciter l'excitation sexuelle. Toutefois, les causes et les effets exacts de la pornographie en ce qui a trait à la violence sexuelle et à la mauvaise santé font encore l'objet d'un débat animé. Cela dit, il est tout de même important de souligner qu'en raison de la consommation croissante de pornographie dans Internet et de la facilité avec laquelle on peut y avoir accès, la question du rôle que peut jouer la santé publique tombe certes à point nommé.
Du point de vue de la promotion de la santé, encourager l'adoption de comportements sans risque et améliorer la santé grâce à des politiques en matière de santé publique, à des interventions communautaires, à la participation active du public, à la sensibilisation et à la mise en oeuvre de mesures visant les principaux déterminants de la santé peut contribuer à répondre à des préoccupations liées à l'accès facile à la pornographie dans Internet ainsi qu'à d'autres formes de pornographie. Cependant, un examen des programmes d'éducation en matière de santé sexuelle offerts dans des écoles canadiennes donne à penser qu'il faut mettre en place d'autres mesures pour transmettre de l'information sur la sexualité, la santé sexuelle et l'expression sexuelle. En effet, de nombreux jeunes Canadiens ne reçoivent pas le niveau d'éducation sexuelle dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées à propos de la prise de risques, y compris les risques liés à l'utilisation de technologies exploitant le Web, notamment l'utilisation de téléphones cellulaires pour l'envoi de sextos ou de matériel pornographique maison à des amis par l'entremise d'Internet.
Mener d'autres études ne nous apprendra pas ce que nous savons déjà. Par exemple, nous savons déjà que le matériel sexuellement explicite est facilement accessible en ligne et ailleurs. Une mesure qu'il serait possible de prendre à cet égard, à mon avis, consisterait à élaborer une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle qui serait intégrée aux cours d'éducation sexuelle dans les écoles et mise en oeuvre grâce à Internet et d'autres moyens de communication. Cette stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle qui est proposée servirait à transmettre de l'information sur des sujets comme les relations saines, les infections transmissibles sexuellement et par le sang, la prévention et les tests, ainsi que de l'information sur les répercussions potentielles de la pornographie violente sur les jeunes et les jeunes adultes, y compris de possibles sanctions pénales pour ceux qui produisent ou diffusent du matériel pornographique sans consentement.
Je félicite les députés de se pencher sur la question de la pornographie violente en tant que problème important de santé publique. Cependant, nous devons nous attarder à cette vérité qui semble universelle, à savoir que la misogynie, la violence sexuelle et le viol sont de nature sexospécifique. Je dirais que c'est le principal problème sur lequel nous devons collectivement consacrer notre énergie.
En outre, nous devons remédier à l'incapacité de notre système scolaire de fournir à nos jeunes et jeunes adultes les outils dont ils ont besoin pour reconnaître ce qui est moralement, légalement ou autrement inapproprié lorsqu'il est question de violence sexuelle. La couverture récente des médias de la contestation par des organisations de parents de la décision de certaines écoles de ne pas offrir des cours d'éducation sexuelle où on présenterait, par exemple, une perspective qui sort du cadre de l'hétéronormativité laisse croire que nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Le temps est venu de mettre en place une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle pour diffuser de l'information sur les répercussions potentielles des avances sexuelles non désirées, des agressions sexuelles, des sextos et des images sexuelles diffusées sans consentement. Demandez-vous si nos jeunes comprennent clairement les enjeux dans le monde nouveau du cybersexe, de la pornographie en ligne, du sextage et de la diffusion de pornographie maison. En plus de veiller à ce que les jeunes comprennent bien la différence entre les relations sexuelles consensuelles et les agressions sexuelles, nous devons aussi faire en sorte qu'ils sachent quel rôle ils peuvent jouer lorsqu'ils sont témoins d'une agression sexuelle.
Les cas qui ont été médiatisés récemment, y compris celui de Rehtaeh Parsons en Nouvelle-Écosse, ont mis en évidence le besoin urgent d'en faire davantage pour prévenir les agressions sexuelles, l'exploitation sexuelle et d'autres formes de violence sexuelle. Qu'il soit vrai ou non que de tels comportements peuvent être directement attribuables à l'accès facile à du matériel pornographique violent en ligne, la réalité est que les jeunes y ont accès, mais qu'ils n'ont peut-être pas les connaissances nécessaires pour déterminer ce qui est réel, ce qui est criminel ou autre.
J'aimerais revenir à la question de la violence fondée sur le sexe, qui constitue une préoccupation de longue date au Canada et dans bien d'autres pays. En dépit de ce fait, il existe malheureusement très peu d'analyses comparatives entre les sexes pour évaluer la mesure dans laquelle les initiatives en matière de santé sexuelle, y compris celles mises en place dans le système scolaire, contribuent à diminuer la violence fondée sur le sexe.
Il importe donc de souligner que le gouvernement du Canada, depuis 1981, respecte diverses obligations constitutionnelles liées à l'analyse comparative entre les sexes. Pourtant, nous avons très peu recours à des ACS+ pour mieux comprendre dans quelle mesure les cours d'éducation sexuelle répondent aux besoins en matière d'information des jeunes hommes et des jeunes femmes au sein de notre système scolaire.
En terminant, j'exhorte le Comité permanent de la santé à s'intéresser de plus près à la question de savoir si nous offrons actuellement aux jeunes et aux jeunes adultes au Canada les connaissances en matière de santé sexuelle dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées à propos de la place que doit occuper la pornographie dans leur vie. À cet égard, je crois fermement qu'une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle, qui comporte des méthodes d'évaluation, comme des analyses comparatives entre les sexes, se révélera essentielle pour s'attaquer à ce problème complexe.
[Français]
Merci beaucoup de votre attention.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Je vous remercie toutes les deux d'avoir respecté le temps imparti.
Nous allons maintenant écouter Mme Mary Anne Layden, qui s'adresse à nous depuis la Pennsylvanie.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vous suis reconnaissante de votre intérêt à l'égard de cet enjeu.
Je démontrerai que la société est envahie par la pornographie, c'est-à-dire que le sexe est devenu un produit et que le corps est donc maintenant considéré comme une marchandise. Si c'est un produit, on peut le vendre; si on peut le vendre, on peut le voler. L'industrie de l'exploitation sexuelle comprend la pornographie, les bars de danseuses nues, la prostitution et la traite des personnes aux fins d'exploitation sexuelle. La violence sexuelle comprend le harcèlement sexuel, le viol et l'inceste. L'industrie de l'exploitation du sexe et le phénomène de la violence sexuelle forment un continuum intégré et interrelié qu'on ne peut pas dissocier.
J'aimerais parler un peu de l'apprentissage. Des psychologues ont étudié le phénomène de l'apprentissage et ils ont découvert que les images sont porteuses d'une multitude de messages, et que l'apprentissage est accentué par un comportement gratifiant — et l'orgasme est très gratifiant. L'apprentissage est accentué lorsque des modèles de rôle démontrent les comportements visés et que ces modèles sont gratifiés pour leur comportement. L'apprentissage est accentué en présence de l'excitation, et les comportements antisociaux s'acquièrent et se manifestent plus facilement dans l'anonymat.
Ainsi, les images, la gratification, les modèles de rôle, l'excitation et l'anonymat accentuent tous l'apprentissage, et ce sont tous des phénomènes présents dans la pornographie qu'on retrouve en ligne, ce qui fait que la pornographie, surtout celle qu'on retrouve en ligne, est le parfait environnement d'apprentissage, sauf qu'elle n'enseigne que de fausses réalités.
Les psychologues soutiennent maintenant que la pornographie qu'on retrouve en ligne est le nouveau crack. Quelle conclusion faut-il en tirer?
Tout d'abord, la pornographie inculque des convictions qui mènent au laxisme. Les convictions menant au laxisme s'entendent d'idées qui poussent les gens à croire qu'un comportement est normal, qu'il ne nuit à personne et que tout le monde agit ainsi. Ces gens estiment donc qu'ils ne doivent pas modifier leur comportement. Ils croient que les gens qui n'aiment pas leur comportement ont tort, et qu'ils sont fous ou prudes.
Par exemple, certaines convictions menant au laxisme soutiennent que tous les hommes fréquentent des prostituées, et que tous les gens veulent avoir des rapports sexuels avec tout le monde en tout temps. D'autres exemples comprennent la conviction que les femmes aiment être violées, que les femmes aiment les rapports sexuels dégradants et que les enfants aiment avoir des rapports sexuels avec les adultes.
Cela produit également une mauvaise éducation sexuelle. En effet, la pornographie nous dit que la sexualité n'a aucun lien avec l'intimité, l'attention, l'amour ou le respect. La sexualité n'a aucun lien avec le mariage et la parentalité. Le sexe n'est qu'un divertissement. Il n'est pas nécessaire de connaître son partenaire. Les rapports sexuels avec les étrangers sont les meilleurs et les plus intenses. Les relations sexuelles sont conflictuelles. La pornographie repose donc sur les rapports à sens unique qui valorisent uniquement le plaisir personnel. Les besoins et les sentiments d'autrui n'ont aucune importance. De plus, la pornographie soutient que les rapports sexuels sont dus aux hommes. Les hommes ont besoin de relations sexuelles, et le corps des femmes ne sert qu'à divertir les hommes sexuellement.
La pornographie compte sur des exécutants qui ne disent jamais non et ne refusent pas les avances sexuelles. Cette réalité accroît les attentes irréalistes envers autrui, donne le sentiment que la sexualité est un droit, intensifie la frustration qu'un refus peut entraîner et réduit la capacité de percevoir la réticence des partenaires.
À partir de maintenant, je parlerai des résultats des recherches. Je ne peux pas parler des plus de 200 études qui ont été menées à cet égard ou des dizaines de milliers de questions soulevées, mais permettez-moi de vous parler de certaines conclusions qui ont été tirées.
Ces recherches ont permis de conclure que les hommes qui consomment de la pornographie pensent qu'une femme aime se faire violer et qu'une femme violée a reçu ce qu'elle voulait. Ces hommes sont plus susceptibles d'accepter l'idée que le viol relève du mythe, c'est-à-dire une série de fausses croyances sur le viol, et ils croient également qu'un violeur mérite une peine de prison plus clémente. Ces hommes ont une perception conflictuelle de la sexualité et ont des croyances moins empathiques envers la sexualité. Ainsi, ils acceptent plus facilement la violence faite aux femmes, ils utilisent plus de termes sexuels pour décrire les femmes et ils perçoivent les femmes comme des objets sexuels. Ils sont également moins favorables au mouvement de libération de la femme. Ils trouvent plus souvent leurs partenaires moins attrayantes et sont moins satisfaits de la performance sexuelle de leurs partenaires. Ainsi, ils préfèrent les rapports sexuels qui ne sont pas axés sur les émotions, ils acceptent plus facilement d'avoir des relations extraconjugales, ils accordent moins d'importance au fait d'avoir des enfants en union et ils sont moins désireux d'être pères de filles.
Ils sont disposés à avoir des rapports sexuels avec des personnes de 13 ou 14 ans, ils ressentent une attirance sexuelle pour les enfants et sont moins susceptibles de croire que la pornographie doit être interdite aux enfants.
Une consommation accrue de pornographie favorise un comportement psychopathique. Voilà donc les effets psychologiques. Les effets sur le comportement sont les suivants: une dysfonction sexuelle chez les hommes qui consomment de la pornographie, une dysfonction érectile, l'éjaculation précoce, l'éjaculation retardée, surtout chez les jeunes hommes. Dans une étude, 58 % des hommes de 25 ans en moyenne qui consommaient de la pornographie souffraient de dysfonction érectile en présence d'une femme, mais pas lorsqu'ils visionnaient du contenu pornographique.
Les récentes études menées à l'aide de l'imagerie cérébrale démontrent que les consommateurs de pornographie ont ce qu'on appelle un « cerveau d'adolescent », c'est-à-dire que les zones de réactions impulsives sont plus actives que celles liées à la réflexion. Ils ont également le cerveau d'une personne ayant consommé de la cocaïne, car la pornographie active les mêmes ondes cérébrales que la cocaïne. Ils ont également une matière grise moins volumineuse, et ils souffrent d'une diminution de la sensibilité cérébrale au stimulus sexuel et d'une diminution de la connectivité cérébrale.
Ils ont davantage de partenaires sexuels, ils sont moins attirés par leurs partenaires sexuels, ils ont moins d'intérêt pour de vraies relations sexuelles et ils demandent à leurs partenaires de reproduire des scènes de films pornographiques. Ils ont davantage de relations extraconjugales s'ils sont mariés et ils fréquentent plus souvent des prostituées.
En fait, dans une étude, 25 % des hommes de 19 à 21 ans ont affirmé avoir eu recours à la prostitution ou s'y intéresser. Plus un homme consomme de la pornographie, plus il est susceptible d'avoir eu recours à la prostitution ou de s'y intéresser. De plus, un homme qui a fréquenté une prostituée est plus susceptible d'avoir des relations non consensuelles. Les hommes qui fréquentent les bars de danseuses nues sont également plus susceptibles d'avoir des relations sexuelles non consensuelles.
Les hommes qui consomment de la pornographie manifestent un comportement plus agressif et sont plus susceptibles d'infliger des violences sexuelles à leurs partenaires battues, d'avoir recours à des fantaisies sexuelles pour favoriser leur excitation et ils sont plus susceptibles d'avoir recours au harcèlement sexuel. Ils sont également plus susceptibles de violer une fréquentation, une étrangère ou leur conjointe. Ils sont plus susceptibles de contraindre une personne à avoir des rapports sexuels verbalement, physiquement et à l'aide de drogues ou d'alcool.
Plus tôt les garçons sont exposés à la pornographie, plus ils sont susceptibles d'avoir des rapports sexuels avec une personne non consentante. En effet, la consommation de pornographie est plus fréquente chez les délinquants sexuels mineurs, les délinquants sexuels adultes, les agresseurs d'enfants et les délinquants auteurs d’actes incestueux. Des hommes reconnus coupables de possession de pornographie juvénile avoueront plus tard avoir infligé des violences sexuelles à des enfants.
Le diagnostic de pédophilie est plus fréquent chez les consommateurs de pédopornographie que même chez les violeurs d'enfants.
Les trois facteurs suivants ont été associés à la perpétration de violences sexuelles: l'hostilité envers les femmes, la conviction que les rapports sexuels sont des actes occasionnels, non intimes, divertissants et conflictuels, et la consommation de contenu pornographique.
Aux États-Unis, les statistiques sont épouvantables. En effet, une femme sur huit a été violée. Vingt-cinq pour cent des femmes aux études collégiales ont vécu un viol ou une tentative de viol. Cinquante pour cent des femmes seront harcelées sexuellement au cours de leur vie. Trente-huit pour cent des femmes ont subi des violences sexuelles avant l'âge de 18 ans.
Voici les effets sur les femmes.
Les femmes exposées à la pornographie sont plus susceptibles d’accepter l'idée que le viol est un mythe, d'avoir des fantaisies sexuelles liées au viol et de croire que les violeurs méritent des peines de prison plus clémentes.
Elles sont également moins favorables au mouvement de libération de la femme. Elles perçoivent leur corps plus négativement, elles pensent que leurs partenaires masculins sont plus critiques à l'égard du corps des femmes, et elles ont moins de rapports sexuels. Plus une jeune femme adulte consomme du contenu pornographique, plus elle risque d'être victime de rapports sexuels non consensuels.
Examinons maintenant les recherches sur les enfants.
Les enfants exposés à du contenu sexuel sont plus susceptibles d'avoir une relation sexuelle orale, une relation sexuelle anale, et des rapports sexuels. Ils sont plus susceptibles d'avoir une attitude plus négative envers le condom, d'avoir évité les moyens de contraception au cours de leur dernier rapport sexuel, d'avoir évité les moyens de contraception au cours des six derniers mois, d'avoir une initiation sexuelle précoce, d'avoir plus de partenaires, d'avoir eu plus d'un partenaire au cours des trois derniers mois, et d'avoir des rapports sexuels plus fréquents. Ils sont plus susceptibles d'avoir un fort désir de procréation et, en fait, de tomber enceintes.
Ils sont plus susceptibles de faire du harcèlement sexuel et d'avoir des rapports sexuels non consensuels. Ils sont plus susceptibles d'avoir reçu un test positif pour la chlamydia, d'avoir consommé de l'alcool ou d'autres substances lors du dernier rapport sexuel, d'avoir une plus grande permissivité sexuelle et des attitudes moins progressistes quant aux rôles des sexes.
Selon le philosophe Roger Scruton, la pornographie menace l'amour dans un monde où l'amour est l'unique source de bonheur.
Merci.
Merci beaucoup de votre exposé percutant.
Nous entendrons maintenant les questions des membres du comité. La parole est d'abord à M. Kang.
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais remercier tous les témoins de nous avoir communiqué leurs recherches sur cet enjeu très important.
Ma question concerne le Code criminel. Même si l'accès à du contenu sexuel explicite est légal au Canada, ce contenu est réglementé par l'article 163 du Code criminel. En effet, quiconque produit, imprime, publie, distribue ou met en circulation quelque écrit, image, modèle, disque de phonographe ou autre chose obscène commet une infraction. C'est également une infraction de posséder ce contenu à des fins de publication, de distribution ou de circulation. Une publication est réputée obscène lorsque sa caractéristique dominante est l'exploitation indue des choses sexuelles ou de choses sexuelles et de l'un ou plusieurs des sujets suivants, à savoir le crime, l'horreur, la cruauté et la violence.
À votre avis, devrait-on s'efforcer davantage d'appliquer le Code criminel dans les cas de production et de distribution de contenu obscène en ligne? Si oui, selon vous, quelles mesures devraient être prises à cet égard?
Je ne suis pas avocate. Je vous suggère toutefois de parler à un représentant du Health Law Institute de l'Université Dalhousie à ce sujet.
Le point que je tentais de faire valoir dans mon exposé, c'est essentiellement que les jeunes ne connaissent pas les infractions criminelles, et même s'ils sont assez âgés pour être accusés d'une infraction criminelle adulte en vertu du Code criminel, je ne suis pas convaincue qu'ils comprennent ce que cela signifie. À mon avis, rendre cette information plus accessible aux jeunes... Par exemple, dans le cas de Rehtaeh Parsons en Nouvelle-Écosse — je suis sûre que les personnes présentes dans cette pièce connaissent bien cette affaire —, je ne suis pas convaincue que les jeunes impliqués comprenaient vraiment ce qu'ils faisaient et ce que signifiait la circulation de ce contenu dans ce contexte.
Encore une fois, pour revenir au point que je faisais valoir au début, je crois que nous pouvons mieux diffuser cette information aux jeunes, afin qu'ils puissent comprendre les sanctions criminelles potentielles auxquelles ils s'exposent lorsqu'ils adoptent ces types de comportements.
Je ne connais pas bien les lois canadiennes, mais je dirais que les recherches sur le contenu pornographique indiquent que près de 90 % des images qui sont actuellement diffusées comprennent de la violence physique et un comportement d'agression, et que la vaste majorité de cette violence est infligée à des femmes par des hommes. Il s'ensuit que nos jeunes consomment surtout de la pornographie liée à de la violence physique et sexuelle. Cela me préoccupe, car il y a d'énormes quantités de ce type de pornographie.
Dans le cadre de nos recherches menées aux États-Unis, nous avons énormément de difficulté à trouver des jeunes hommes adultes qui n'ont pas été exposés à la pornographie. C'est presque universel, et ils y sont exposés de plus en plus jeunes — dès l'âge de 11 ans, par exemple, selon une étude récente. Nous nous retrouvons donc avec une combinaison de très jeunes personnes qui sont universellement exposées à du contenu universellement agressif et violent.
Lorsqu'une personne regarde ces images et qu'elle ressent de l'excitation, son amygdale est excitée, ce qui désactive son cortex préfrontal. Cela signifie que ses fonctions rationnelles cessent de fonctionner lorsqu'il y a excitation. Cette personne ne réagit donc pas de façon adulte et mature à ces images. On ne peut pas bloquer ces réponses cervicales en décodant la pornographie ou en menant une analyse médiatique de la pornographie, car les effets sur le cerveau et les réactions ont déjà eu lieu.
Ces effets sont très rapides. Dans le cadre d'une étude, on a montré une image de violence liée à la sexualité à des sujets, et après une seule présentation, ces gens ont commencé à utiliser des images violentes pour se stimuler sexuellement. Cela signifie que l'élément sexuel se propage très rapidement sans faire l'objet d'une intervention rationnelle. Je crois donc qu'il est un peu naïf de leur montrer des images d'activités criminelles en espérant qu'ils ne reproduisent pas ces comportements. Je pense qu'ils reproduiront ce qu'ils voient.
À votre avis, la loi devrait-elle être appliquée en ce qui concerne la distribution et la production de ces contenus?
Nous avons une loi américaine en vertu de laquelle la production et la distribution de contenu obscène représentent une infraction fédérale. Nous encourageons les autorités américaines à appliquer cette loi.
Le nouveau procureur général des États-Unis soutient qu'il appliquera rigoureusement la loi sur le contenu obscène, c'est-à-dire celle qui permet d'engager des poursuites judiciaires en cas de production et de distribution de contenu obscène. Maintenant, selon la loi fédérale, il est illégal de produire, de distribuer et de consommer du contenu qui représente de la violence sexuelle faite faux enfants. La loi a donc une portée plus vaste en ce qui concerne ces contenus.
Je crois toutefois que la loi devrait être appliquée et que nous devrions tenir responsables les entreprises et les fournisseurs de services Internet qui distribuent ce contenu. Aux États-Unis, on a tenté de convaincre les hôtels de cesser de distribuer du contenu obscène, et nous avons réussi à convaincre la vaste majorité d'éliminer le contenu obscène des vidéos qu'ils proposent. Nous encourageons le recours à la loi et nous encourageons également les entreprises à soumettre leurs activités à des normes plus élevées en matière d'éthique.
Je dois informer les membres du comité qu'il y a un appel au vote. Nous avons donc 27 minutes et 26 secondes. Je dois obtenir le consentement unanime pour poursuivre la réunion pendant 10 ou 15 minutes. Ai-je le consentement unanime pour poursuivre la réunion?
Des députés: Oui.
Le président: D'accord. Nous avons le consentement unanime.
Il vous reste 42 secondes.
Je suis désolé, madame Layden.
Selon un rapport intitulé Basically... porn is everywhere, qui offre une évaluation rapide des effets de l'accès et de l'exposition à la pornographie sur les enfants et les jeunes, il y a des preuves mitigées de la mesure dans laquelle les enfants et les jeunes sont exposés à du contenu lié à la violence sexuelle. Pouvez-vous nous parler de résultats de recherches récentes qui décrivent la mesure dans laquelle les hommes, les femmes et les enfants ont accès ou sont exposés à du contenu explicite sexuel dégradant et violent en ligne au Canada ou ailleurs?
Madame Hare.
Je dirais que c'est assez semblable à certains autres... Comme on l'a dit, nous estimons que les jeunes, et surtout les jeunes hommes qui ont l'âge de fréquenter un collège, sont exposés à ces contenus dans une proportion de 70 % à 90 %. En ce qui concerne les femmes qui ont l'âge de fréquenter un collège, nous estimons que leur exposition est généralement moins élevée, c'est-à-dire de 20 % à 40 %.
En ce qui concerne la proportion de l'accès en ligne à l'un des sites les plus importants, par exemple Pornhub, le Canada occupe le troisième rang mondial.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je partagerai mon temps avec Mme Harder.
Malheureusement, nous n'avons pas suffisamment de temps pour poser toutes nos questions, mais nous pourrons peut-être obtenir des réponses par écrit plus tard.
Je dois vous dire que cette étude est très importante pour moi, car je crois qu'elle concerne nos enfants. Selon moi, madame Gahagan, vous avez parfaitement raison. Je pense aussi que les enfants ne se rendent pas toujours compte qu'ils commettent un crime. Nous avons modifié la loi et il est maintenant illégal de distribuer des images indésirables, mais cela ne signifie pas que les enfants ne le feront pas.
J'ai également été extrêmement surpris, madame Hare, lorsque vous avez dit qu'aujourd'hui, le contexte canadien n'offre pas de solution de rechange. Cela me ramène à il y a presque 40 ans, lorsque j'étais enfant et qu'on refusait de parler de sexualité, etc. À mon avis, il s'agit des contrôles et de l'accès relativement à nos enfants.
J'aimerais que vous répondiez à ces questions. Nous constatons que cela peut représenter un problème. Le gouvernement devrait-il intervenir? Et que devrait-il faire? Pouvons-nous intervenir et devons-nous intervenir?
C'est deux fois oui. Oui, nous le devons! Oui, nous le pouvons!
J'ai proposé une stratégie nationale plus complète de promotion de la santé sexuelle. Tout en reconnaissant que l'éducation et la santé relèvent des provinces, je persiste à croire en un rôle de direction pour le gouvernement fédéral. Autrement dit, l'existence d'un ensemble de normes fédérales, par exemple, prescrivant aux écoles de recevoir ce type de renseignements sur la pornographie ou la violence sexuelle, fixe en quelque sorte les règles du jeu pour les provinces. En fait, dans un blogue que j'ai publié lundi sur le sujet, un hyperlien conduit à un graphique de la répartition de l'éducation sur la santé sexuelle au Canada. Il montre une grande variabilité, selon l'âge, la région, etc.
Je pense que la direction doit provenir d'en haut, encore une fois, et que nous devons nous tourner vers le gouvernement fédéral pour décréter que nous sommes en situation de crise.
Par exemple, les infections transmises sexuellement augmentent depuis les années 1990. La tendance est très forte et ne montre aucun signe de ralentissement. Ça signifie que nous bourrons le crâne des écoliers sans les armer pour prendre des décisions sur des questions comme la violence sexuelle ou la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang.
Nous savons que, sur le plan de la santé publique, et c'est peut-être le fait intéressant, les coûts, pour le contribuable, ne diminuent pas. En fait, ils augmentent avec l'âge. Voilà pourquoi je pense que la solution débute à l'école et qu'il faut affirmer la nécessité d'agir, mais sous la houlette fédérale.
Je sais que, dernièrement, le Royaume-Uni a monté un programme. Encore une fois, que peut faire le gouvernement fédéral? Dites-en plus.
Une de mes consoeurs de l'University College de Londres, Julia Bailey, vient d'effectuer une étude très exhaustive de cadrage sur la question de l'information sur la santé sexuelle dans Internet. Vous y trouverez, et c'est factuel... L'étude a porté sur l'efficacité des interventions en matière de santé sexuelle partout au Royaume-Uni, particulièrement celles qui sont considérées comme efficaces dans le domaine affectif, sur le plan des connaissances, sur la traduction de ces connaissances en comportements. Je pense que c'est un bon point de départ.
Le pays de Galles dispose aussi d'un ensemble de lignes directrices nationales vraiment intéressantes sur la promotion de la santé sexuelle. Je pense que cet ensemble de lignes directrices, encore une fois fixé à l'échelon national, vise à rejoindre chacun des secteurs chargés de l'éducation sur la santé sexuelle, y compris les écoles, pour montrer la voie à suivre.
Nous devons nous inspirer de l'Australie, du Royaume-Uni et d'autres pays où, avec tout le respect qui vous est dû, on est beaucoup plus avancé pour s'attaquer à ce problème à un âge beaucoup plus tendre qu'ici.
Ici, on laisse aller et on se croise les doigts. L'augmentation des taux d'infections sexuellement transmises montre bien que l'information ne parvient pas efficacement aux écoliers, sinon notre pays ne connaîtrait pas de tels taux ni les niveaux de violence sexuelle qui sévissent ici.
Madame Layden, j'ai deux questions pour vous et j'espère les vider toutes les deux.
Pouvez-vous dire comment la pornographie aide à perpétuer la culture du viol? Vous en avez parlé dans votre déclaration préliminaire et je voudrais plus de précisions.
Les images véhiculent la violence des hommes contre les femmes. Certaines d'entre elles sont des représentations de viols, et c'était les plus demandées dans la pornographie trouvée dans Internet, des images donnant l'impression d'assister à un viol. Un viol simulé, qui survenait malgré le refus clair de la femme. Elles enseignaient comment s'y prendre.
Ça sous-entend aussi le patriarcat, où l'homme commande et est obéi.
De toutes ces façons, c'est un appui à la culture du viol. Même au point où nous en sommes dans nos recherches, vu le nombre d'études reliant pornographie et violence sexuelle, la probabilité de l'inexistence de ce lien est de 1 sur 88 000 quintillions, c'est-à-dire 1 sur 88 suivi de 33 zéros. Autant dire qu'elle est nulle.
Je traite des violeurs et des auteurs de violences sexuelles. Ils m'avouent que leurs croyances sont nettement déclenchées par les messages de la pornographie. Ils disent posséder le droit d'avoir une relation sexuelle avec une femme qui agit de telle ou telle manière ou ils se défaussent sur les partouzes estudiantines où on baise des femmes non consentantes. Ils peuvent aussi avouer un viol survenu parce que l'occasion s'y prêtait. Toutes ces idées inculquées par Internet servent aux violeurs à justifier ou à autoriser leurs comportements.
Je crois qu'il faut suspendre les travaux. Nous devons aller voter à la Chambre, mais nous reviendrons. Ça prendra peut-être 30 minutes. Toutes mes excuses pour le contretemps, mais ça fait partie de notre processus.
Nous avons le quorum. Poursuivons les questions.
Merci, madame Harder, pour vos questions.
Toutes mes excuses pour le contretemps.
J'espère que le moment n'a pas été trop dur à passer, madame Layden.
Le prochain intervenant est M. Davies, qui dispose de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici et de nous prodiguer leurs lumières.
Commençons par définir certains termes de base, pour que nous puissions nous situer dans cette étude. Le titre de l'étude, notre sujet, est les « effets de santé publique liés au contenu violent et sexuellement explicite en ligne ».
J'ai été très attentif et j'ai entendu à maintes reprises le mot pornographie. D'abord, s'agit-il d'une représentation explicite d'une sexualité dégradante et violente ou de toutes les représentations de la sexualité? Ma question trahit mon âge, puisque, au début des années 1980, quand j'étais à l'université, une discussion houleuse portait sur la distinction entre l'érotisme et la pornographie. Chers témoins, j'ai besoin de vos lumières.
De même, lorsque nous parlons des effets négatifs pour la santé, parlez-vous de la pornographie en général ou de certaines représentations de l'activité sexuelle?
Je peux expliquer comment nous fonctionnalisons cette définition dans notre étude, parce que je pense que c'est une distinction vraiment capitale. La pornographie, au sens de notre étude, était tout ce qui décrivait des activités sexuelles de manière non déguisée, dans un but d'excitation. Nous n'avons pas particulièrement privilégié la pornographie violente et dégradante.
À cet égard, on peut approcher la notion de différentes façons. Je pense que la distinction entre pornographie et pornographie violente est nette, tant dans les publications que d'après les jeunes sujets de mon étude. Ils parlaient souvent des genres dans la pornographie ordinaire, où on trouve de tout, de l'érotisme aux couples qui téléchargent des vidéos d'amateurs d'eux-mêmes dans Hentai, une sorte de dessin animé. La diversité est grande. Il y a ensuite les types de pornographie qu'on peut décrire d'après leur violence.
D'après moi, la pornographie violente est faite d'actes non consensuels de violence, de dégradation ou de déshumanisation. La notion clé est « non consensuel », ce qui reconnaît l'existence, aussi, d'une pornographie consensuelle, produite par des groupes aux goûts particuliers, qui représente des activités qui pourraient sembler violentes.
La distinction, à première vue, est très difficile, parce que la violence est subjective. L'essentiel est de considérer que la pornographie violente est consommée en même temps qu'un contenu sexuel plus large et corrélativement avec lui. Si c'est le sujet dont nous allons discuter et si nous allons discuter de pornographie, il faudrait vraiment prendre le médium dans son ensemble, examiner ce que signifient pornographie violente et pornographie non violente pour les consommateurs et comment ils les comprennent.
Madame Hare, je peux vous poser une question à vous, puis à Mme Layden. Je n'ai peut-être pas tout saisi de votre témoignage, mais il semble dire que les résultats de la recherche sont quelque peu contradictoires.
Madame Layden, les résultats très concrets que vous avez cités m'ont donné l'impression que, dans votre esprit, il subsistait très peu de doutes sur ce que la recherche montre. Voilà pourquoi je vais vous questionner.
Est-ce que la recherche est extrêmement claire, pour vous, sur les répercussions négatives de la pornographie violente et dégradante sur la santé? Aussi bien vous poser la même question aussi: Faites-vous une distinction entre ce genre de pornographie?... Existe-t-il des représentations saines de la sexualité humaine qui n'ont pas cette nocivité?
La réponse est plutôt complexe. Des travaux de recherche distinguent les images que leurs auteurs considèrent comme violentes et non violentes. En fait, cependant, des études arrivent à la conclusion que même la pornographie non violente augmente l'acceptation de comportements comme le viol. Nous pensions que la pornographie violente serait la seule à avoir cet effet, mais des travaux affirment que la pornographie non violente produit cet effet aussi.
Plus on présente d'images de violence et de dégradation à des sujets en leur demandant de livrer leurs impressions, moins ils les classent comme violentes et dégradantes. En les interrogeant sur leurs perceptions, ce que font certaines études, on s'aperçoit qu'ils s'habituent à ces images.
Si on leur demande s'ils trouvent dégradante, je ne veux pas utiliser de termes trop crus, mais si on leur demande... Une pratique, il faut quand même le dire, consiste à insérer dans la bouche de la femme le pénis déjà souillé par son insertion dans l'anus de cette femme. Si on leur demande, les sujets, après un certain temps, n'y voient plus de pornographie dégradante, contrairement aux femmes à qui on pose la même question. Il est donc difficile de qualifier la pornographie de dégradante: au spectateur d'en juger.
L'éjaculation faciale, à première vue, semble dégradante, mais les hommes finissent par s'y habituer et cessent de la considérer comme dégradante. Contrairement aux femmes. Il est parfois difficile d'en juger d'après le spectateur et l'évaluateur. Selon qui en est le juge, ça vient compliquer la recherche.
Outre l'affirmation que même les pratiques non dégradantes et non violentes ont des aspects et des effets négatifs, toutes franchissent une limite. Le spectateur, qui n'est pas intime avec les acteurs, participe avec eux à une activité intime. Il franchit une limite. Pourquoi suis-je intime avec un étranger? J'espionne quelqu'un; mon regard envahit son intimité. Nous avons constaté que cette invasion par le regard conduit à l'invasion physique. Le lien existe simplement par la possibilité de franchir une limite.
Au début de notre recherche, nous avons pensé que l'impact ne proviendrait que de représentations agressantes et dégradantes. De plus en plus, nous constatons que c'est l'effet de toutes les représentations.
Enfin, il est très difficile, aujourd'hui, de trouver des représentations visuelles qui ne sont ni dégradantes, ni violentes. D'après la recherche, 88 % des images comportent une agression physique. Plus de la moitié comportent des images dégradantes. De moins en moins on peut visionner des représentations non dégradantes et non violentes. Nous avons acquis une tolérance. Les amateurs regardent des représentations de plus en plus dures, de plus en plus crues. Les représentations non dégradantes, non violentes, sont ainsi devenues un petit sous-ensemble de ce qu'offre Internet.
Le sous-ensemble dont la demande croît le plus vite dans la pornographie offerte par Internet est la pratique que je décrivais tout à l'heure, l'insertion, dans la bouche, de matières fécales avec le pénis, et, invariablement, on réclame des images d'éjaculations faciales et oculaires. Des chercheurs préviennent que cette pratique causera des conjonctivites à bacille de Weeks, des infections des yeux et d'autres maux. À cause de la pornographie d'Internet, beaucoup d'hommes considèrent cette pratique comme répandue et ils demandent à leurs partenaires de s'y soumettre.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici.
On a beaucoup parlé d'éducation.
Madame Hare, vous avez dit que beaucoup de jeunes tentent de s'instruire eux-mêmes au moyen de la pornographie, parce qu'elle est gratuite et qu'elle peut être visionnée en privé. Madame Gahagan, vous avez dit que nous devons mieux enseigner aux jeunes l'hygiène sexuelle, les limites à ne pas franchir, et ainsi de suite.
L'un des défis, invariablement, quand on essaie d'introduire l'éducation sur la santé sexuelle dans les écoles est l'opposition, souvent de groupes très bien organisés, motivée par diverses raisons. Ils pensent qu'elle pourrait empiéter sur le droit exclusif des parents d'y instruire leurs enfants. D'autres pourraient invoquer des objections religieuses contre l'acceptation des homosexuels, ce genre de choses.
Croyez-vous possible de rendre cette éducation obligatoire, comme toutes les autres matières telles que les mathématiques, l'histoire, qu'on ne peut pas décider de ne pas suivre?
Oui, absolument. C'est exactement ce que je voulais dire quand j'ai lancé la proposition d'élaborer une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle. Tous les programmes d'étude seraient rattachés à une norme fédérale. Encore une fois, la plus grande variabilité règne au Canada dans la matière et son enseignement. Le résultat net est que nous n'en évaluons pas les répercussions sur les comportements réels au cours de la vie.
Pour revenir à l'augmentation des taux d'infections sexuellement transmissibles au Canada depuis les années 1990, ça montre clairement le besoin de plus d'éducation, qui, comme l'histoire, ne devrait pas être facultative. Les parents peuvent s'opposer à l'enseignement de l'histoire à leurs enfants, mais la matière fait partie du programme canadien d'études. C'est la norme. Tout le monde l'apprend.
D'accord. Merci. Je m'attendais à une réponse plus longue, mais c'était une réponse parfaite, très succincte. Je vous en remercie.
L'objet de cette étude concerne les conséquences pour la santé publique. Vos témoignages ont fait allusion à certaines d'entre elles et je donne à chacune de vous la possibilité de répondre à cette question-ci: Mais quels sont les effets sur la santé publique auxquels il faut s'attaquer, que pourrait corriger une stratégie pour l'éducation?
L'un des principaux effets, absolument, auquel j'ai fait allusion, est le taux d'infections transmises sexuellement et par le sang. C'est un indicateur éloquent de la réussite des programmes visant à les diminuer, mais il faut un volet d'évaluation sur la façon d'offrir l'éducation sur la santé sexuelle. Si on s'inspire des réactions de la santé publique à des épidémies, le syndrome respiratoire aigu sévère, par exemple, il faut un objectif. Quel est-il? C'est le syndrome, le SRAS. Quel est le résultat escompté? C'est la réduction de la probabilité de la propagation du SRAS.
Quand on réfléchit à la logique, pour la santé publique, de mieux prodiguer une éducation sur la santé sexuelle et mieux évaluer les répercussions de cette éducation, il y a des sources particulières de données à consulter et à suivre au fil du temps. En fait, j'ai réalisé un projet avec l'Agence de santé publique du Canada qui a permis l'élaboration d'un outil d'évaluation de la santé sexuelle.
Possédons-nous un instantané de la santé sexuelle au Canada qui représente l'ensemble des classes d'âge, des régions, des commissions scolaires? Non. Possédons-nous suffisamment de données pour affirmer que certains indicateurs de la santé publique peuvent être améliorés? Je dirais que nous pourrions le faire. Le Royaume-Uni, l'Australie et le pays de Galles, auxquels j'ai fait allusion, se sont donné d'excellentes normes nationales de santé sexuelle. Ils les diffusent à leurs citoyens en les présentant comme une priorité de la santé publique et non comme un renseignement qu'on peut, à son gré, décider de consommer ou pas.
Je pense que nous devons agir de façon plus stratégique sur le résultat que nous escomptons, relativement aux effets de santé publique de la pornographie.
Aux États-Unis, nous nous penchons sur ce que nous voyons comme une « crise de santé publique ». Plusieurs États ont déjà déclaré que la consommation de pornographie constitue une crise de santé publique. C’est une option qu’étudient également les Centers for Disease Control.
Nous examinons la question dans son ensemble. Il y a des crises sanitaires, comme les MTS et la dysfonction érectile chez les jeunes hommes. D’autres se pointent et nous devrons peut-être en tenir compte à l’avenir. Par exemple, nous avons constaté une augmentation spectaculaire des cas de cancer de l’anus et du colon de l’ordre de milliers du point de pourcentage chez les jeunes adultes, et l’on tente d’en découvrir la cause. Il pourrait y avoir un lien avec l’augmentation des relations sexuelles anales. C’est une chose que nous examinons.
Il y a également d’autres facteurs dans cette crise de santé publique, comme l’augmentation du taux de divorces causés par la consommation de la pornographie et une augmentation de l’infidélité chez les couples mariés. Il y a une crise de violence sexuelle. Nous vivons une crise en matière d’agressions sexuelles au sein des Forces armées et sur les campus. Cela fait partie de la crise de santé publique. Les autorités étudient d’autres sortes de crimes associés à la consommation de pornographie. Outre le viol, il a été démontré que la prostitution des femmes et le trafic sexuel des enfants sont liés à la consommation de pornographie.
Donc, les États-Unis considèrent la situation comme une crise de santé publique au sens large, précisant qu’une seule personne ne peut pas régler le problème. C’est une situation qui touche de nombreuses personnes et qui a des effets à grande échelle, dont l’augmentation du taux de divorces, l’incidence sur les femmes et enfants prostitués et les problèmes de santé physique. Nous avons tenté d’apporter plusieurs solutions, dont traiter la situation comme une crise de santé publique. Nous avons également considéré la vérification de l’âge en ligne pour bloquer certains sites. Au Royaume-Uni, les autorités tentent de pousser les fournisseurs de services Internet à adopter des politiques d’adhésion facultative. Ainsi, les utilisateurs n’ont accès à du contenu pornographique que s’ils adhèrent au site. Il s’agirait d’une solution à court terme.
Ceci met un terme à cette série de questions où les intervenants disposaient de sept minutes chacun.
Pour la prochaine série de questions, les intervenants disposeront de cinq minutes chacun. Madame Harder, vous avez la parole.
Ma première question concerne la politique. Je siège au Comité de la condition féminine. Nous venons de terminer une étude sur la violence envers les jeunes femmes et filles dont la pornographie, évidemment, était une composante importante, notamment en ce qui concerne le développement des attitudes chez les hommes et garçons et les gestes qu’ils posent à l’endroit des femmes et filles.
Ceci dit, j’aimerais connaître votre opinion, en commençant par Mme Layden, sur les problèmes de santé publique auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne les attitudes chez les hommes et garçons et les gestes qu’ils posent à l’endroit des femmes et filles en raison de l’accès qu’ils ont à la pornographie. J’ai lu, également, qu’en moyenne, au Canada, les jeunes hommes sont exposés à la pornographie dès l’âge de 11 ans. C’est préoccupant. Cela m’inquiète que, pour bon nombre d’entre eux, la pornographie est la principale source d’éducation et que c’est à partir de ces informations qu’ils développent leurs attitudes à l’endroit des femmes. C’est ce que j’entends aussi aujourd’hui.
Nous nous inquiétons, nous aussi, du développement des attitudes chez les enfants, car ils sont encore très influençables et leurs attitudes peuvent être modifiées. Une image peut avoir un impact très important sur un enfant. Il en va de même pour les adultes. Ce n’est pas parce que nous nous inquiétons pour les enfants que nous ne nous inquiétons pas pour les adultes, car nous remarquons le même impact chez les adultes. Même si nous avons constaté une augmentation spectaculaire du nombre d’agressions sexuelles entre enfants, et il est très inquiétant de voir que les enfants regardent ces images et agressent ensuite d’autres enfants, nous nous inquiétons également de voir que des adultes agressent des enfants et d’autres adultes.
Selon nous, la pornographie est l’un des plus puissants producteurs d’attitudes que nous connaissons. Compte tenu de tous ces facteurs qui influencent l’apprentissage, rien d’autre, à mon avis, n’a autant d’impact sur les attitudes sexuelles que la pornographie, en raison de la façon dont le cerveau fonctionne.
Par exemple, selon certaines recherches, lorsque les femmes regardent des images sexualisées d’hommes, elles utilisent la partie de leur cerveau qui se spécialise dans l’analyse des humains et des visages, la partie centrale du cerveau qui traite de la reconnaissance faciale, alors que les hommes qui regardent des images sexualisées de femmes utilisent la partie de leur cerveau spécialisée dans l’utilisation d’outils et d’objets et utilisent ensuite la règle qui s’applique aux outils: s’ils brisent, on les jette; ils ne sont plus utiles.
Ce que nous retenons, c’est que ces images sont extrêmement puissantes et qu’elles peuvent favoriser le développement d’attitudes, de comportements, de déclencheurs et de croyances, comme « j’ai la permission de faire cela », notamment la croyance selon laquelle c’est ce que tout le monde fait. Les gens ne posent des gestes que s’ils pensent que tout le monde pose ces gestes. L’attirance vers la sexualité est très forte. Si vous croyez que tout le monde le fait et que cela ne fait du mal à personne, il est très probable que vous aussi allez le faire.
On remarque le même phénomène lorsqu’un pays légalise la prostitution. Il y a une explosion du nombre d’hommes qui vont prostituer des femmes; puisque c’est légal, ce doit être acceptable et, puisque tout le monde le fait, je vais le faire aussi. S’ensuit une augmentation frappante du trafic sexuel des enfants, car il n’y a pas suffisamment de femmes prostituées pour répondre à la demande. Dès que les gens pensent que c’est acceptable, que cela ne fait du mal à personne et que tout le monde le fait, ils le font aussi. La pornographie excelle à faire croire que c’est permis.
Merci.
J’aimerais vous poser la même question, madame Hare, et ensuite à votre collègue.
Vous ne voulez pas intervenir?
C’est une très bonne question. Je vais parler du volet politique.
Nous savons que le Canada dispose depuis longtemps d’un cadre analytique selon les sexes. Il l’a dépoussiéré et parle maintenant du cadre relatif à l’ACS+. Ce que je propose, c’est de regarder la question du point de vue de la politique. Utilisons les outils pour lesquels nous avons pris un engagement constitutionnel, comme l’ACS, et regardons comment celle-ci est utilisée pour évaluer, par exemple, la promotion de la santé sexuelle dans les écoles.
Si le point que tente de faire ma collègue des États-Unis est que toutes les formes de pornographie sont toxiques pour le cerveau, préparons une réponse axée sur l’analyse entre les sexes et voyons comment les bonnes informations relatives à la santé sexuelle traitent, notamment, de la misogynie ou de l’idée selon laquelle « le viol est toujours acceptable » et, s’il y a un problème à ce chapitre, on intervient. À mon avis, ce flux logique illustre la nécessité d’examiner les outils proposés par Condition féminine pour répondre aux questions que vous soulevez. Je crois que le cadre relatif à l’ACS+ devrait être utilisé pour examiner cette question au Canada.
Votre temps est écoulé.
Avant de laisser la parole à Mme Sidhu, je tiens à souligner que nous allons prolonger la séance jusqu’à 13 h 15. Certains membres doivent quitter à 13 h 15, mais nous souhaitons échanger le plus possible avec les témoins, puisque nous…
J’invoque le Règlement. Si je ne m’abuse, vous devez demander le consentement unanime des membres pour prolonger la séance.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
J’aimerais d’abord m’adresser à Mme Gahagan.
Comme vous le savez, l’éducation et les programmes scolaires sont des compétences provinciales. Selon votre expérience, quel rôle pourrait jouer la santé publique, surtout le gouvernement, en matière de sensibilisation? Vous avez parlé de la politique d’ACS. Quelles mesures précises le gouvernement fédéral pourrait-il adopter en matière de sensibilisation, notamment?
Merci. C’est une question très importante.
Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous devons examiner l’éducation en matière de santé sexuelle offerte dans les écoles, non seulement le programme — le programme approuvé —, mais la façon dont la matière est enseignée en classe. Par exemple, nous savons que certaines personnes chargées d’enseigner la matière en santé sexuelle s’opposent à enseigner, par exemple, comment utiliser un préservatif. Nous savons que cela varie beaucoup d’un bout à l’autre du pays.
Il faut se pencher sur le processus décisionnel des provinces dans l’établissement du programme et comparer le tout à la norme fédérale. Si, selon la norme fédérale, tous les enfants d’une année donnée doivent savoir ce qu’est la sexualité à risques réduits, y compris comment utiliser un préservatif, c’est un bon point de départ. Si je ne m’abuse, peu d’évaluations ont été faites sur le rapport entre ce qui se fait en classe et le changement d’attitude, de comportement et de croyances chez les jeunes.
Si nous ne nous attaquons pas à ces questions, nous allons continuer d’en débattre à perpétuité. Nous devons adopter des mesures concrètes pour évaluer si le programme de santé sexuelle répond aux besoins des jeunes et des jeunes adultes du Canada.
C’est une question sur laquelle il est difficile d’intervenir, car, comme l’a souligné votre collègue, ce avec quoi les parents sont à l’aise n’est probablement pas ce dont ils parlent à la maison.
Alors, que pouvons-nous faire pour que cette information soit plus facilement accessible? Ce que je propose, c’est d’adopter une stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle à l’intention non seulement des enfants, mais aussi des parents et des enseignants. Tout le monde doit être au courant. Si un enfant revient d’une fête et parle de photos nues prises dans la cour arrière, c’est une occasion pour les parents d’intervenir dans la conversation.
Je crois que, pour le moment — et c’est ce que nous apprennent les données —, les parents ont l’impression d’être mal outillés pour répondre à ces questions. Soit ils n’en parlent jamais, soit lorsqu’ils en parlent, le massage n’est pas très utile, si vous voyez ce que je veux dire. Par exemple: « Va dans ta chambre. Nous n’en parlerons pas. Tu es trop jeune pour cela. »
Nous devons adopter une approche multidimensionnelle qui inclut les parents, les enseignants et les enfants. Absolument.
Aussi, il y a trois jours, vous avez publié un article sur cette question sur impactethics.ca dans lequel vous demandez l’adoption d’une stratégie nationale.
Pourquoi, selon vous, faudrait-il adopter une stratégie nationale plutôt que de laisser chaque province adopter sa propre stratégie? Est-ce que d’autres pays ont adopté une stratégie nationale et laquelle nous recommanderiez-vous?
L’idée derrière une stratégie nationale est de combler ces lacunes. Le Royaume-Uni et l’Australie ont d’excellentes pratiques exemplaires sur la façon de promouvoir et d’enseigner la santé sexuelle aux jeunes dans les écoles et, dans les deux cas, il s’agit d’une approche multidimensionnelle. Encore une fois, il ne s’agit pas de sermonner les enfants sur l’importance de la sexualité à risques réduits, mais plutôt de voir la question comme une responsabilité partagée pour s’assurer que les enfants, adultes et enseignants disposent de l’information appropriée, précise et à jour.
J’ai un excellent document que j’aimerais partager avec vous. Il a été publié par la Dre Julia Bailey, professeure au University College London. C’est un document très complet et je crois qu’il vous serait utile.
Merci.
Madame Hare, selon vous, quelle est la question la plus urgente à aborder dans le cadre de votre étude? Quelles expériences vous ont mené à choisir ce sujet?
Les raisons sont semblables à ce qui a été dit. L’idée de cette étude vient des témoignages anecdotiques recueillis sur la façon dont les jeunes utilisent la pornographie pour s’éduquer, car ils ne voient aucun autre médium pour les aider à apprendre sur les aspects positifs de la sexualité. Ils trouvent la pornographie très troublante comme moyen d’éducation. Il a été question des conséquences de la pornographie sur leur santé sexuelle.
C’est ce qui a motivé ma décision: les témoignages anecdotiques et ma volonté à transformer ces témoignages en informations plus crédibles.
Merci beaucoup.
Je vais cadrer mes questions en fonction des trois questions que j’ai posées précédemment, car, comme je l’ai dit, il est important pour moi de mettre l’accent sur les enfants et les jeunes.
J’aimerais savoir s’il y a eu des interventions en santé publique efficaces et pourquoi elles ont été efficaces. J’aimerais que vous me répondiez en fonction de ce que le gouvernement devrait faire, de ce qu’il peut faire et de ce qu’il doit faire.
Encore une fois, je vais remettre au comité une copie du document de la Dre Julia Bailey. Il s’agit d’une étude de cadrage très détaillée qui se penche sur l’efficacité de certains types d’interventions. Il est question, notamment de l’accès en ligne.
Le document propose également des types d’interventions ayant fait leurs preuves. Je crois certainement que le gouvernement devrait s’inspirer de ce document pour décider quoi mettre en œuvre.
Il existe un certain nombre de publications. Ce qui est intéressant à propos d'une étude de cadrage, c'est que les auteurs ont essentiellement fait le travail à votre place. Ils ont examiné tous les documents qui correspondent à un cadre donné pour les inclure à leur étude. Ils se sont plus particulièrement attardés à des questions comme la rentabilité et le changement des attitudes ou des comportements. Nous savons qu'il y a un écart entre les changements d'attitudes et les véritables changements comportementaux.
C'est une étude remarquable, étant donné que les auteurs ont examiné les données probantes d'une décennie à l'échelle mondiale. L'étude a été publiée en 2015, et le document est formidable, de sorte que je serai heureuse de vous en donner la référence bibliographique.
Je pense qu'il est fort important d'examiner les programmes et les recherches connexes pour savoir s'ils fonctionnent. Je suis heureuse de la recommandation que le document propose, car elle porte sur les deux programmes et sur ce qui change la donne, plutôt que de se limiter aux prévisions à ce chapitre.
Veuillez m'excuser, mais je vais devoir partir puisque je n'ai plus de temps. Je serai heureuse de répondre à une dernière question rapide avant de partir, si vous en avez une, mais je n'ai plus de temps.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, j'ai une autre question. J'ignore par contre à quel point la réponse sera brève.
Madame Hare, pour revenir sur votre recherche et vos conclusions, il semble encore que les jeunes utilisent la pornographie pour s'éduquer. Pensez-vous qu'il faudrait surveiller plus étroitement l'industrie qui la produit, d'autant plus qu'elle propose plus de matériel sexuellement explicite et violent? C'est essentiellement leur objectif. Cette industrie est axée sur le profit, comme n'importe quelle autre, et ses produits ne sont pas vraiment conçus pour éduquer.
Qu'en pensez-vous?
Je tiens à remercier Mme Layden d'être venue. Je vous remercie infiniment de votre participation. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous nous excusons de notre retard et de notre procédure, et nous espérons avoir de vos nouvelles à une autre occasion.
Pour ce qui est de cibler l'industrie, je pense que le principal message que j'ai tiré de la recherche est qu'il y a bel et bien une industrie qui produit certains types de vidéos ou, je dirais plutôt une proportion écrasante d'un seul type de vidéo. Le fait est que ce matériel n'est pas produit en vase clos. La raison pour laquelle ces vidéos sont constamment produites découle vraiment de perceptions plus vastes sur l'inégalité entre les sexes dans notre société.
L'industrie de la pornographie n'est pas la seule source de messages semblables. À vrai dire, ces mêmes messages sont très fréquents dans les publicités et dans le discours populaire. Vous pourriez bien vous attarder brièvement à cette industrie, mais je pense qu'il faut surtout reconnaître que l'industrie est fortement enracinée dans un vaste système d'inégalité.
L'autre façon d'aborder la question serait de se demander comment sensibiliser les gens pour qu'ils commencent à donner un sens à ces images, de sorte qu'ils en tirent peut-être une conclusion contraire et plus équitable que ce qu'ils observent. Il faut donc que le changement s'opère à l'échelle de la société plutôt qu'au sein d'une seule industrie.
J'aimerais simplement vous faire remarquer que je me souviens avoir entendu parler à la radio de Cinquante nuances de Grey. En avez-vous déjà entendu parler? Je pense que la plupart des gens sont au courant.
Je crois que c'était un des romans les plus populaires, et que ce sont surtout des femmes qui l'achètent. Je ne l'ai pas lu, mais je pense que ma femme et ses amies en ont pris connaissance. Je ne peux pas le commenter.
Encore ici, ce genre de matériel écrit semble appartenir aussi à une culture du sadomasochisme et de ce genre de choses. Je pense donc qu'il s'agit d'un enjeu sociétal.
Merci beaucoup de nous avoir donné votre opinion, que nous respectons énormément.
Je vais devoir poser ma question en français.
[Français]
Merci.
Je formulerai un commentaire avant de poser ma question. Je suis contre toute forme de violence et de manque de respect, dans le cadre de quelque activité que ce soit. Je ne voudrais donc pas que mes questions portent à penser différemment.
Le gouvernement est un législateur et il doit prendre des mesures ou proposer des règlements. Je crois, lorsqu'on parle de l'implication d'enfants, lorsqu'on parle de violence extrême, lorsqu'on parle de viol, lorsqu'on parle d'absence de consentement, que c'est l'évidence même que personne n'est pour ce genre d'activités. Je crois que le problème ne se situe pas là. Pour reprendre l'analogie de mon collègue M. Carrie au sujet des Cinquante nuances de Grey, le problème, c'est la zone entre les deux, entre ce qui est évident et ce qui apparaît peut-être comme une latitude en ce qui concerne la tolérance de chacun.
Vous proposez un programme de santé sexuelle canadien. J'ose espérer qu'on parle de bonne santé. Qui définit les normes de la bonne santé? Dans le texte de la motion, on parle surtout de violence en ligne et de comportements dégradants. On ne parle pas seulement de maladies au plan physique, mais aussi de santé mentale, de dépendance. Ce qui apparaît peut-être moins évident se situe dans cette zone de gris, entre ce qui est toléré par certains et moins par d'autres. Ce que certains font, et qui semble être toléré et accepté, pourrait paraître violent à d'autres.
Où est la ligne de séparation? Qui décide où elle se situe? Quelles sont les bases de référence de ceux qui vont tracer cette ligne?
Une personne qui n'a aucune tolérance et qui définit le programme pourrait nous offrir un produit très différent de celui préparé par quelqu'un dont le comportement est beaucoup plus libertin.
Merci.
[Traduction]
Je ne sais pas par où commencer.
À vrai dire, il est vraiment difficile de dire qui établit les normes, étant donné que celles-ci évoluent avec le temps. Les moeurs sociales, les normes et le reste changent avec le temps, et ma seule suggestion ou recommandation serait de vous tourner vers des pays qui ont réussi à ce chapitre, c'est-à-dire des nations qui ont réuni des personnes ayant une connaissance poussée de la façon de former des équipes pouvant prendre une telle décision. Aussi, si vous fixez une norme donnée, le défi consiste ensuite à trouver comment faire en sorte que la norme interpelle les Canadiens. Je dois dire qu'à l'époque où ma soeur Michelle fréquentait la faculté de droit de l'Université Queen's, un des sujets préférés dans ses cours était de savoir qui détermine ce qui est considéré comme moral, et qui a le droit de prendre cette décision, un sujet qui est encore chaud. Elle a quitté l'Université Queen's depuis longtemps, mais la question se pose encore, au point où nous sommes ici aujourd'hui, en 2017, à discuter de qui décide de ce qui est moral, illicite et inapproprié. Je crois comprendre que votre travail est de faciliter la gestion de ce processus décisionnel en apportant les meilleures preuves à cette fin. En 2017, quelles sont les attentes normales relatives à la sexualité et aux images sexuelles, entre autres? J'espère que vous arriverez à former une équipe de gens qui seront en mesure de prendre une telle décision dans le cadre du processus — je suis persuadée que vous y arriverez. Je trouve tout à fait déterminant de s'attarder à ce qui se passe du début à la fin, y compris au milieu, et je me demande si nous pouvons réellement déterminer le niveau de tolérance qu'a la société canadienne à l'égard de certaines images.
Voilà qui vous aidera aussi à répondre à la question sur le genre d'images et de messages que nous devons transmettre à nos enfants dans les écoles. Nous devons leur fournir les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées pendant toute leur vie relativement à leur santé sexuelle, qu'il s'agisse de consommation de pornographie, quelle qu'en soit la définition, ou de leurs relations avec leurs conjoints, leurs enfants ou qui que ce soit d'autre. Au Canada, nous devons nous demander où nous en sommes à ce chapitre, car je peux vous assurer que nous n'y arrivons pas dans le système scolaire. Nous investissons des centaines de millions de dollars publics dans un système scolaire qui prétend offrir une éducation sexuelle de pointe à nos jeunes, mais nous discutons pourtant encore de nos résultats médiocres en matière de santé sexuelle et de relations, pour citer notre consoeur américaine qui vient de nous quitter.
Si nous voulons vraiment outiller les jeunes Canadiens pour qu'ils prennent des décisions éclairées, nous devons faire en sorte que l'information aboutisse entre les mains des jeunes, des parents et des enseignants. Tout le monde doit participer à la conversation. C'est justement pourquoi je propose une sorte de stratégie nationale de promotion de la santé sexuelle, qui dirait qu'au Canada, à compter de 2017, de 2018 ou du moment où l'initiative prendra forme, voici le genre d'information qu'il est acceptable de donner aux enfants pour leur apprendre ce qu'est la pornographie, ce qui est considéré comme étant criminel, et en quoi consiste l'infraction criminelle lorsqu'un jeune envoie des messages textes érotiques à ses amis ou filme de petites vidéos pornographiques dans la cour d'école, puis les partage à d'autres sans demander de consentement.
Je ne crois pas qu'aujourd'hui, en 2017, nos enfants comprennent vraiment ce problème, et la situation ne va pas s'améliorer en leur disant que toute forme de pornographie a un effet toxique sur le cerveau, comme notre consoeur américaine le propose. Je ne suis pas nécessairement de cet avis. Je pense qu'un juste milieu nous donnerait un bon point de départ afin de transmettre des informations appropriées aux enfants et aux jeunes adultes du Canada, de façon à ce qu'ils puissent réellement prendre des décisions éclairées sur le rôle que joue la pornographie dans leur vie, le cas échéant.
Merci.
Je suis ravi que vous ayez terminé avec ces dernières remarques. Je suis déçu que Mme Layden ne soit plus avec nous, car je suis un peu préoccupé par la certitude avec laquelle elle trace une ligne à propos de toute forme de pornographie et, bien franchement, par son interminable litanie de problèmes sociaux.
En sciences sociales, la question de la corrélation et de la causalité est endémique... J'ignore comment il est possible d'établir un lien entre la consommation de pornographie et la prévalence des divorces ou des liaisons extraconjugales.
Je me demande donc si vous avez des commentaires à ce sujet. J'aimerais m'attarder quelque peu à l'idée que toute représentation de la sexualité humaine est nécessairement néfaste.
Qu'en pensez-vous, madame Gahagan?
De toute évidence, je ne me base pas sur la prémisse que toute forme de pornographie est toxique pour le cerveau. Je pense que c'est faux. Si nous examinons le trafic cybernétique, nous constatons que les jeunes ont accès à ces informations pour toutes sortes de raisons, comme Kathleen l'a dit, y compris l'éducation, l'information, et peut-être même l'excitation sexuelle, suivant la définition de la pornographie. Il est donc vrai que tous ces éléments font partie de l'équation. Mais y a-t-il une autre façon de présenter des renseignements sur la santé sexuelle de manière à refléter la profondeur et l'ampleur de la sexualité humaine, sans commencer à dire que si une personne fait telle chose, cela se terminera par un divorce, par la violence, et ainsi de suite? Je pense que la relation de cause à effet peut encore soulever des débats houleux, et je suis le genre de personne qui aime trouver des solutions à des problèmes bien connus. Autrement dit, fermons la boucle, et trouvons des façons concrètes d'aborder la question. Je suis d'avis qu'il faut donner aux gens l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons au bout du compte à nous demander si une information donnée est trop explicite, ne l'est pas assez, permet de tirer des enseignements, ou fera grimper les taux de divorce.
Je pense qu'il existe entre les deux extrémités une position bien informée à laquelle nous pouvons souscrire. Nous sommes des Canadiens, après tout, et nous sommes raisonnables. Nous pouvons parvenir à un consensus sur le genre d'information à transmettre et la meilleure façon de le faire.
Mais de mon point de vue, le problème vient des diverses façons dont l'information est présentée à l'heure actuelle.
Oui. Pour renforcer ce que Mme Gahagan vient justement de dire, je ne pense pas que la pornographie soit toxique. Il y a d'ailleurs d'innombrables preuves à cet effet. Il y a eu 40 années de recherche sur la question, dont les conclusions sont peu concluantes et contradictoires. Dans mon étude en particulier, les participants ont dit voir à la fois des avantages et des inconvénients à la pornographie. Parmi les avantages, on compte une meilleure acceptation de sa propre sexualité, une meilleure compréhension de l'ensemble des possibilités et des différentes identités, puis une meilleure ouverture à la sexualité d'autrui.
Lorsque nous demandons aux gens ce qui devrait faire partie de l'éducation en matière de santé sexuelle, ils parlent de ces messages. Les gens disent que c'est positif, que les jeunes peuvent ainsi explorer leur propre identité et mieux accepter l'identité et la sexualité des autres. Je pense que c'était vraiment le message à retenir, et c'est le message que j'essaie de transmettre.
Eh bien, c'est justement pourquoi je tiens à établir clairement que tous les députés à la table s'inquiètent des représentations violentes et dégradantes.
Je pense que nous convenons tous que ces images sont néfastes pour la santé. Je voulais que ce soit bien clair.
Le temps est écoulé. Je tiens à dire aux témoins que vous étiez nos premiers invités de l'étude, et que nous n'aurions pas pu faire un meilleur choix. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre contribution, et vous nous avez aidés sur un sujet délicat. La séance a été fort instructive, et je tiens à vous remercier au nom de tous les membres du Comité.
Nous allons donc terminer la séance à l'heure, ou presque. Merci beaucoup.
La séance est levée.
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