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Merci, monsieur le président. Je remercie le Comité de m'avoir invité à parler de ce sujet important. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici.
Je suis un scientifique qui travaille sur la plante de cannabis depuis plus de 18 ans. Mes recherches ont porté principalement sur la biochimie et la génétique de cette plante extrêmement fascinante, et je connais très bien sa culture, dans un contexte scientifique ainsi que dans le cadre de l'industrie commerciale naissante au Canada. Je suis aussi professeur adjoint au département de botanique de l'Université de la Colombie-Britannique et fondateur et premier dirigeant d'une entreprise d'évaluation du cannabis et de biotechnologie de Vancouver, Anandia Labs.
Je pourrais vous parler de beaucoup de choses, mais j'ai limité mes commentaires au sujet précis de la culture du cannabis, et j'espère vous informer et, peut-être plus tard, répondre à certaines de vos questions.
Je crois qu'il est d'une importance cruciale que l'actuel processus de légalisation prévoie la capacité de produire du cannabis à usage personnel. J'étais heureux de voir que le projet de loi contenait certaines dispositions à cet égard. La culture des plants est un aspect fondamental de la culture humaine. En fait, l'avènement de l'agriculture grâce à la domestication des plantes a été l'un des principaux facteurs ayant mené à la création des sociétés humaines.
Les humains cultivent le cannabis depuis des milliers d'années. Il s'agit d'une source de nourriture, de fibre et de drogue. Vu la relation de longue date entre les humains et le cannabis et le fait que nous allons très bientôt permettre aux adultes d'en consommer légalement, il est important que la permette aux Canadiens de cultiver la plante. L'absence de la culture personnelle dans la loi, ce qui, par exemple, pourrait se produire si la disposition à cet effet est retirée du projet de loi C-45 en réaction aux pressions des organisations d'application de la loi, ferait assurément en sorte que des Canadiens s'exposeraient à des amendes ou des accusations simplement parce qu'ils plantent des graines.
Je crois aussi qu'un nombre relativement restreint de personnes décideront de cultiver cette plante, puisque la plupart des consommateurs de cannabis préféreront l'acheter au magasin. C'est la même chose dans le cas des personnes qui brassent de la bière ou font du vin à la maison. Je ne crois pas qu'il faut s'attendre à ce que les immeubles d'habitation soient envahis par des jardins de cannabis.
Le fait que le projet de loi prévoit permettre la culture personnelle dans une certaine mesure ne signifie pas que tout est réglé. Il y a un certain nombre de choses qui me préoccupent. Le projet de loi C-45 limite le nombre de plants qu'on peut faire pousser pour usage personnel, soit une limite de quatre plants par ménage. Je comprends pourquoi on impose cette limite, puisque la possibilité de produire un plus grand nombre de plants pourrait entraîner le détournement de la production dans un marché commercial illicite. En effet, toutes les limites liées à la culture des plantes, y compris la hauteur des plants, le nombre de plants et les limites liées à la possession des graines semblent avoir comme principal objectif la réduction du détournement. Cependant, ces limites montrent bien l'embarras lié au fait d'appliquer des définitions juridiques strictes à un organisme vivant, une plante, et cela pourrait entraîner la criminalisation de Canadiens qui font simplement du jardinage.
La limite proposée de quatre plants par ménage ne tient pas compte des défis pratiques liés à la culture des plantes ni aux caractéristiques biologiques du cannabis. Comme je crois que chaque jardinier ou agriculteur le sait, les plants sont difficiles à faire pousser, et ils peuvent ne pas porter leurs fruits ou même succomber à la maladie. Lorsqu'on produit des tomates, on peut planter des douzaines de graines sur l'appui d'une fenêtre, puis choisir les plants les plus robustes qu'on transplantera ensuite dans le jardin.
Les plants de cannabis peuvent être des plants mâle ou femelle, les plants mâles étant inutilisables pour produire de la drogue. Sans semis croisés, qui représentent une proportion des graines accessibles, 50 % des plants seront des plants mâles et devront, par conséquent, être jetés. Dans de nombreux cas, les producteurs de cannabis conservent ce qu'on appelle des « plantes-mères » qui sont utilisées en tant que source permanente. On y prélève des boutures pour produire ce qu'on appelle des « clones », lesquels permettent la multiplication végétative des plants par bouturage qu'on utilise pour la production, puis on prévoit la floraison d'un ou deux plants en même en temps. Selon moi, les limites liées à la production devraient être rajustées pour tenir compte de ces plants non florifères et non producteurs, qui sont requis par les pratiques culturales normales. En fait, le projet de loi fait déjà la distinction entre les plants non florifères et les plants florifères. Par conséquent, je propose que la Loi soit modifiée pour permettre aux adultes de produire, peut-être, jusqu'à 10 plants en tout, dont quatre peuvent être en floraison. Cela offre aux producteurs la souplesse nécessaire pour produire des plants à usage personnel sans enfreindre la loi.
Je veux aussi parler de la taille limite des plants de 100 cm, soit environ trois pieds et demi. Les espèces de cannabis varient beaucoup, et j'ai vu des plants de 30 cm fleurir, et d'autres plants de plusieurs mètres de haut. La limite de 100 cm est potentiellement problématique en raison du fait que les producteurs pourraient enfreindre la loi simplement parce qu'ils fournissent un sol fertile aux plants et les arrosent bien, puis partent en vacances pendant une semaine. Les plants peuvent pousser et passer de 95 cm à 105 cm durant leur absence. Je me demande quel est l'objectif de la limite de 100 cm, limite qui était aussi mentionnée dans le rapport du groupe de travail sur la légalisation. L'objectif est-il de réduire la quantité de cannabis que chaque Canadien peut produire afin qu'il n'en vende pas ou veut-on réduire la visibilité des plants qui poussent sur les propriétés privées?
Si c'est la deuxième option, je crois que la meilleure façon de régler ce problème est grâce à des règlements administratifs municipaux. Si l'objectif est la prévention du détournement sur ce que l'on appelle le marché noir, j'estime qu'atteindre cet objectif grâce à un élagage obligatoire est assez absurde et que la limite de 100 cm devrait être éliminée.
Je veux aussi formuler des commentaires sur le traitement bizarre qu'on réserve aux graines de cannabis dans le projet de loi . Une graine de cannabis est plus petite qu'un grain de poivre. Chaque graine pèse environ 15 mg et ne contient aucun cannabinoïde, comme le THC. Et, malgré tout, l'annexe 3 du projet de loi C-45 indique qu'une graine équivaut à 1 g de cannabis sec. Un gramme de cannabis sec peut contenir jusqu'à 250 mg de THC et il peut tout à fait servir de drogue.
Le projet de loi propose que ce gramme est l'équivalent d'une seule petite graine qu'on ne peut absolument pas utiliser comme drogue. La limite de possession en public est donc de 30 graines, soit environ un dé à coudre de graines. Puisqu'on limitera le nombre de plants qu'on peut cultiver, ce facteur d'équivalence semble extrêmement arbitraire. La possession de graines de cannabis à des fins de culture personnelle ne devrait pas être limitée du tout.
La Loi sur le cannabis fait aussi une distinction entre les produits illicites et licites, qu'on applique aussi aux graines et aux plants. Au titre du RACFM, notre règlement actuel sur l'accès à des fins médicales, les patients et les producteurs autorisés peuvent seulement acheter des graines et des clones de sources licites, alors que la plupart des patients choisissent d'obtenir leurs graines et leurs clones sur Internet, dans des étalages de magasins et grâce à des échanges avec d'autres producteurs. Toutes ces sources sont considérées comme illicites.
Les producteurs autorisés se voient aussi imposer des restrictions très sévères en ce qui concerne les aspects génétiques des variétés de cannabis utilisées pour commencer leurs opérations commerciales. Comme tout phytogénéticien vous le dira, la diversité génétique est importante. La diversité génétique du cannabis est importante pour la culture future et aux fins d'améliorations.
Nous devons nous assurer que la réglementation — je comprends le fait que ce n'est pas quelque chose qui est prévu dans la loi en tant que tel, mais que ça se trouvera dans la réglementation qui en découlera — permet un accès plus large à des sources génétiques variées de cannabis sans criminaliser les producteurs qui utilisent leurs propres semences patrimoniales comme matériau de départ.
Du côté commercial, les producteurs autorisés doivent aussi avoir accès à une abondance de variétés de cannabis et à leur importante diversité génétique telle qu'elle existe actuellement au Canada et à l'échelle internationale.
Je veux formuler un bref commentaire sur les tests de contrôle de la qualité. Mon laboratoire à Vancouver fait beaucoup de ce genre de travail. Le cannabis peut être produit de façon sécuritaire à toutes les échelles de grandeur, et le cannabis produit par des particuliers n'est pas plus dangereux que les tomates, le basilic et la laitue que d'autres personnes font pousser à la maison. Il y a toujours des dangers associés au jardinage, et l'application prudente d'engrais, de fumier et de produits antiparasitaires est toujours conseillée. Le fait de permettre à tout le monde d'avoir accès à des tests de contrôle de la qualité exacts réalisés par des laboratoires d'essai accrédités aidera à garantir la sûreté du produit. C'est actuellement le cas pour les cultivateurs-patients au titre du RACFM, et il faudrait maintenir cet accès et l'élargir, même, au moment de la légalisation.
Le dernier point que je veux soulever est lié à mon point de vue en tant que scientifique qui a effectué des recherches sur le cannabis pendant de nombreuses années. La demande que j'adresse au gouvernement, tandis qu'il procède à la légalisation du cannabis et qu'il définit la réglementation, c'est de permettre à nos scientifiques de travailler sur le cannabis. Le cannabis est une plante qui, de maintes façons, a été laissée de côté par le milieu scientifique populaire en raison des interdictions et des limites imposées à la recherche. Autant que je sache, il n'y a actuellement aucun laboratoire universitaire canadien accrédité pour produire du cannabis utilisé comme drogue ou de la marijuana. Il y a donc plus de 200 000 patients autorisés ainsi que 56 ou 58 producteurs autorisés, et nos universités traînent de la patte.
Lundi, ici même, M. Mark Ware a formulé une affirmation sans équivoque au sujet du leadership du Canada en matière de recherche sur le cannabis, de la phytologie aux essais cliniques en passant par l'épidémiologie. Je me fais l'écho de ce qu'il a dit et j'ajouterais que, si nous permettons la culture du cannabis dans nos maisons et que nous vendons du cannabis dans nos magasins tout en laissant de côté nos universités, le gouvernement et les laboratoires du secteur privé, alors, ils ne pourront pas maximiser les avantages et atténuer les désavantages découlant de la légalisation.
Monsieur le président, je conclus ma déclaration en affirmant que je soutiens cette ambitieuse mesure stratégique. Le temps de la légalisation est arrivé. Le projet de loi n'est pas parfait, mais je suis sûr que le Comité recommandera des changements pour en assurer l'amélioration.
Merci beaucoup.
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Bonjour. En tant qu'avocat, c'est toujours difficile de se limiter à 10 minutes. Mais je vais y arriver.
Pour reprendre la métaphore utilisée hier sur le fait de voyager par avion, eh bien, je suis à bord de l'avion depuis près de 45 ans. À un certain nombre de reprises, j'ai cru que nous allions manquer de carburant, au fil des diverses autres propositions qui ont été soulevées au cours de ces 45 années, mais je crois que nous sommes mûrs pour un bon atterrissage. Ce ne sera assurément pas un atterrissage parfait, selon moi, mais je crois que ce sera un atterrissage sécuritaire. Il y aura un peu de turbulence, évidemment, au cours du vol.
Mon expérience dans ce dossier a commencé peu après mon admission au barreau, en 1972, lorsque le rapport provisoire de la Commission Le Dain a été déposé. On recommandait alors au gouvernement un modèle hybride, et de prévoir des déclarations de culpabilité par procédure sommaire et des infractions punissables par mise en accusation pour trafic. C'est seulement maintenant qu'on le propose, environ 45 ans plus tard. On recommandait alors que la pénalité maximale soit de cinq ans d'emprisonnement, pas 14, comme vous le proposez actuellement, quelque 45 ans plus tard.
Pour ce qui est de la question de la sensibilisation publique, il y a des études qui remontent à 1894, la Indian Hemp Drugs Commission, et il y a bien eu sept ou huit commissions royales qui ont ensuite mené à la Commission Le Dain. Il y a plus de renseignements accessibles sur le cannabis qu'au sujet de toute autre drogue, si vous voulez utiliser ces renseignements à des fins de sensibilisation publique, qui, si j'ai bien compris, est l'une de vos préoccupations.
Je suis né à Montréal, mais après deux ou trois ans, mon père, qui a obtenu un diplôme en agriculture, de McGill, est parti pour les colonies, alors j'ai grandi en Afrique centrale. Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour me rendre compte que certains Africains fumaient quelque chose qu'on appelait « dagga »; c'était du cannabis. Des années plus tard, mon père m'a dit que, s'il voyait un plant de marijuana pousser près des plants de tabac, il le déracinait et le jetait au sol, puisqu'il était consultant sur la culture du tabac.
J'ai grandi dans un contexte où il n'y avait pas de préoccupation au sujet du problème que constitue le cannabis. Lorsque je suis revenu au Canada et que j'ai commencé à pratiquer le droit, au début des années 1970, je me suis rapidement retrouvé devant des juges qui buvaient de l'alcool après leur journée au tribunal et prenaient des valiums, mais ils envoyaient en prison des gens simplement parce qu'ils étaient en possession de cannabis et ils leur faisaient la leçon à ce sujet. L'hypocrisie de ce qui se passait, à cette époque, est assurément quelque chose qui m'a motivé, en ce qui concerne les dossiers dont je m'occupais.
À cette époque lointaine, personne ne faisait pousser de marijuana. Tous les produits sur le marché venaient de Los Angeles, comme Arlo Guthrie l'a dit, ou la drogue venait de Thaïlande, de Colombie et ainsi de suite. Il s'agissait de cas majeurs d'importation. C'est seulement au fil du temps, grâce à l'ingéniosité des Canadiens, que les gens ont appris comment faire pousser le cannabis à l'intérieur et ont créé ce qu'on a appelé le B.C. Bud, qui est devenu populaire. Nous sommes devenus une économie d'exportation après avoir été une économie d'importation pendant des années.
Je me rappelle l'une de mes premières affaires concernant la culture. Il s'agissait d'un jeune homme qui avait décidé de faire pousser quelques plants dans sa cour, à Clearbrook, en Colombie-Britannique. Les policiers ne savaient pas comment utiliser leur propre caméra, et c'est donc lui qui les a aidés à prendre les photos. Lorsque nous nous sommes retrouvés devant le tribunal, les responsables ont même traîné les plants sur le plancher, et les gens ramassaient les débris derrière eux. C'était au milieu des années 1970. C'est ce qui se passait alors du point de vue de la production du cannabis durant ces premiers jours. La situation a bien sûr beaucoup changé depuis.
À cette époque, des membres d'escouades antidrogues, d'autres agents de police et des collègues avocats venaient de me dire que j'essayais de ruiner une bonne situation en prenant la parole et en affirmant que c'était une folie de miser sur l'interdiction dans ce dossier. Maintenant, au moins, les policiers viennent souvent me voir en me disant qu'ils espèrent que nous gagnerons. Les choses ont beaucoup changé depuis lors.
J'étais un des avocats dans les affaires R. c. Malmo-Levine et R. c. Caine, dans le cadre desquelles l'interdiction a été contestée. Le dossier s'est rendu devant la Cour suprême du Canada, vers 2003. J'ai constitué en une personne morale la BC Compassion Club Society il y a environ 20 ans, et nous avons reçu la visite de sénateurs, de députés et de beaucoup d'autres intervenants qui ont complimenté la société sur son mode de fonctionnement, y compris, récemment, le groupe de travail. J'ai aussi été un des avocats dans le dossier Allard.
Vous devriez avoir accès à un résumé de cinq pages que j'ai préparé ainsi qu'une annexe, qui contient des extraits de la décision de la cour sur l'enjeu que vous m'avez demandé d'aborder, soit la culture à domicile.
Je dois revenir en arrière et vous fournir quelques renseignements historiques, que certains d'entre vous connaissent probablement déjà. Lorsque la BC Compassion Club Society a vu le jour, les patients avaient une autorisation au titre de l'article 53 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui, à l'époque, autorisait les praticiens à donner, vendre, administrer ou prescrire n'importe quel narcotique à un patient pour une affection médicale qu'ils traitaient. C'était l'idée qui sous-tendait le Compassion Club, lequel faisait l'objet de vérifications policières et tout le tralala à cette époque, et à qui on permettait toujours de poursuivre son travail.
Par la suite, il y a eu l'affaire Parker, ici, en Ontario, où on a déterminé qu'un patient autorisé pour des raisons médicales devait se voir accorder un accès raisonnable. Lorsque le gouvernement du jour a déterminé, au bout du compte, que le Règlement sur l'accès à la marijuana à des fins médicales, le RAMFM, était la façon d'y arriver, cela a poussé les gens à... La seule solution qui s'offrait à eux, c'était de faire pousser eux-mêmes les plantes ou de demander à quelqu'un de les faire pousser pour eux.
Même si, à cette époque, nous avons tenté de convaincre le gouvernement qu'il fallait permettre aux gens de faire pousser plus de plants afin qu'il y ait moins d'exploitations de culture, ce dernier a répondu qu'on pouvait faire pousser deux plants, plutôt qu'un. Nous sommes retournés devant les tribunaux pour dire qu'il fallait permettre de cultiver plus de un ou deux plants dans un même endroit, et on nous a dit qu'on pouvait se rendre à quatre. Nous nous sommes efforcés de trouver des gens qui allaient produire du cannabis pour plus de personnes, afin qu'il y ait moins de producteurs à domicile, mais le nombre de producteurs à domicile était passé à environ 38 000, en mars 2014.
C'est la situation dans laquelle on se trouvait lorsque le nouveau gouvernement a décidé qu'il allait créer le Règlement sur la marijuana à des fins médicales et retirer le droit de cultiver des plants ou éliminer le rôle de producteur désigné, qui existait depuis environ 10 ans. Nous nous sommes tournés vers les tribunaux et nous avons obtenu une injonction du juge Manson en mars 2014. Cette injonction permettait essentiellement à ceux qui avaient un permis de producteur au titre du RAMFM de continuer à produire du cannabis, tant que le permis était valide au 30 septembre 2013. En outre, leur autorisation de possession devait être valide à la date de l'injonction, soit mars 2014.
Nous avons continué à travailler sur le dossier, et, au bout du compte, le juge Phelan, de la Cour fédérale, a tranché: la nouvelle réglementation était bel et bien inconditionnelle parce qu'elle n'assurait pas un accès raisonnable. La position des patients était qu'ils devaient se tourner vers un producteur autorisé, peut-être pour obtenir ce dont ils avaient besoin, la première fois, et ils pouvaient ensuite faire ajouter leur nom à une liste d'attente, après quoi ils attendaient de recevoir, par la poste, leur médicament, dont ils avaient besoin. Ça ne fonctionnait pas.
La preuve a permis de déterminer que les patients ont voté avec leurs pieds et se sont tournés vers les dispensaires. Il n'y en avait que quelques-uns durant ces premiers jours, le Compassion Club étant l'un d'eux. Mais soudain, il y a eu une importante augmentation du nombre de dispensaires, parce que les personnes qui tentaient de vendre du cannabis et de faire de l'argent ont déterminé que c'était la façon de faire. La même chose s'est ensuite produite ici, en Ontario, particulièrement à Toronto. L'augmentation du nombre de dispensaires a eu lieu, et a permis de conclure — je crois que Jonathan Page l'a dit déjà — que la plupart des gens ne veulent pas faire pousser les plants eux-mêmes ou demander à quelqu'un de le faire pour eux: ils veulent pouvoir aller au magasin et acheter leur cannabis et obtenir de l'information et pas seulement attendre de tout recevoir par la poste. C'est la situation actuelle.
Il me reste une minute, alors je vais aller directement au vif du sujet.
Dans le cadre de ce dossier, qui concerne le droit des patients autorisés pour des raisons médicales à avoir un accès raisonnable — ce qui inclut leur capacité de produire le cannabis eux-mêmes — nous étions confrontés aux services de police, au caporal Holmquist et au chef Len Garis, de Surrey, des ardents opposants à la culture à domicile, qui parlaient d'incendies, de moisissures, de sécurité publique et de tout le reste. Nous avons établi, comme on fait durant les procès, après les interrogatoires et les contre-interrogatoires des témoins, que ces gens manquaient totalement de crédibilité. Le juge Phelan a déterminé que Holmquist était totalement biaisé et n'était pas qualifié. Il en allait de même pour le chef Garis. Nous avons établi clairement que toutes ces choses peuvent être faites de façon raisonnable et sécuritaire dans un marché légal. Toutes les données sur lesquelles ils s'appuyaient venaient des marchés illicites, où les gens coupent les coins ronds, se cachent et ne respectent rien.
Actuellement, les inspecteurs avec lesquels j'interagis au sein des administrations locales me disent que la dernière chose qu'ils veulent, c'est de revenir à ce qu'on faisait avant.
L'enjeu majeur, ces temps-ci, ce n'est pas un important problème d'incendie, de sécurité électrique, de moisissure ou je ne sais quoi d'autre. Ce sont des choses très faciles à régler. La plainte la plus courante, c'est l'odeur, donc le fait d'empester le quartier et le besoin de ne pas avoir d'incidence sur les voisins constituent l'aspect crucial sur lequel il faut se pencher.
Je veux conclure rapidement en disant que M. Dickie et moi avons eu le temps de discuter un peu avant d'arriver ici. Il représente les propriétaires d'appartement, et je suis d'accord avec ce qu'il dit, dans la mesure où, encore une fois, on ne veut pas permettre aux gens de faire des choses pouvant faire courir des risques à leurs voisins ou pouvant avoir un impact négatif sur leur quartier. Cependant, on ne peut pas tout simplement ne rien faire et dire, eh bien, nous allons l'interdire, parce qu'une telle décision ne fonctionnera pas. Elle ne fonctionne pas depuis aussi longtemps que j'exerce le droit.
Je crois que vous allez devoir regarder du côté des jardins communautaires de l'État de Washington ou quelque chose du genre. La plupart des gens n'ont pas une maison d'habitation comme la loi le définit, entourée d'un terrain, et tout le reste. Il va falloir trouver une solution afin d'encourager les gens à faire pousser des plants dans un endroit sécuritaire. Il y a les BloomBoxes, qui sont des solutions d'ingénierie, mais la plupart des gens ne peuvent pas se les payer, et les boîtes prendront trop de place dans l'appartement.
Je crois que nous voulons une réglementation raisonnable, mais nous allons dans la bonne direction.
Merci.
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Merci, monsieur Casey. Je suis heureux d'avoir été invité à comparaître devant vous, et je suis heureux de le faire.
En tant que président, je suis en fait directeur administratif de la FCAPI. Je suis aussi l'analyste des politiques de logement de la Fédération et spécialiste des relations gouvernementales.
Notre association représente les propriétaires et gestionnaires de près d'un million d'unités locatives résidentielles au Canada. L'ensemble du secteur locatif canadien compte près de quatre millions de logements, soit près de un million d'appartements dans des tours d'habitation, un peu moins de deux millions d'appartements dans des immeubles de faible hauteur et diverses autres unités locatives de faible hauteur — des duplex et des triplex — et environ 525 000 maisons unifamiliales qui sont louées. Vous pouvez vous promener dans une rue d'une ville et penser qu'elle est composée de propriétaires occupants, mais, en fait, tout dépend de la ville. À Toronto, par exemple, six ou sept de ces résidences peuvent être louées, même s'il s'agit de maisons unifamiliales, et dans d'autres villes, il peut y en avoir une, deux ou trois qui sont louées ou quelque part entre les deux.
Permettez-moi de vous en dire un peu à mon sujet aussi, comme M. Conroy l'a fait. J'ai 61 ans. J'ai grandi à Montréal, et je me souviens de la Commission Le Dain. Je me rappelle à quel point il était remarquable de constater que le gouvernement avait donné à M. Le Dain — c'est ce qu'il espérait — la tâche de condamner la marijuana et ce que les jeunes faisaient, et M. Le Dain et sa commission sont plutôt revenus en disant que la consommation non médicale de drogue n'était pas le plus gros problème, et que l'alcool était pire. Cette affirmation était un peu troublante pour un certain nombre de personnes à l'époque. Lorsque j'ai grandi, j'ai bien sûr vu des gens consommer de la marijuana, et certains d'entre eux en consomment sans qu'il n'y ait aucun préjudice. Je connais un jeune homme qui en consomme de cette façon, qui en fume une fois par semaine, et il n'a pas de problème. Ma fille, d'un autre côté, est aussi sortie avec quelqu'un, qui était lui aussi un très bon jeune homme, mais ce dernier est maintenant aux prises avec un problème de schizophrénie, et son problème est apparu parce qu'il a fumé de la marijuana alors qu'il était adolescent. Il y a toute une gamme de réactions au cannabis et à son mode de fonctionnement.
Si je peux dire une autre chose, d'un point de vue personnel, c'est que, à part représenter la FCAPI, je suis avocat de profession. En fait, je suis l'un des experts du droit sur la location à usage d'habitation en Ontario, et avec mon associé, j'ai rédigé l'un des textes qui font autorité en la matière. Je connais donc très bien les lois ontariennes sur la location à usage d'habitation. Je connais aussi assez bien les lois sur la location à usage d'habitation des autres provinces.
Je vais revenir à la question des unités résidentielles multiples. Ces unités sont un environnement de vie qui est différent des maisons unifamiliales. Dans une maison unifamiliale, essentiellement, ce qu'on fait n'a un impact que sur nous et notre famille, sans avoir d'incidence sur les autres, tandis que, dans un appartement, ce qu'on fait peut avoir beaucoup d'incidence sur les autres et les voisins. C'est une question de bruit, une question de tout ce qui produit des odeurs dans votre appartement et, bien sûr, c'est une question de sécurité. Si un propriétaire enfreint les règles et n'a pas de détecteur de fumée, les gens qu'il risque de tuer, c'est lui-même et sa famille. Si on n'a pas de détecteur de fumée dans un appartement, on peut très bien tuer une demi-douzaine de personnes dans l'immeuble. Les propriétaires d'immeubles ont le pouvoir de mettre un frein aux activités qui constituent des risques liés à la sécurité ou qui dérangent les voisins.
Avant, la fumée secondaire indirecte était dans une catégorie de nuisance à laquelle personne ne pouvait s'attaquer. Les gens devaient tout simplement s'y faire, mais ce n'est plus le cas. Je sais que nous ne sommes pas ici pour parler de la cigarette, alors je ne vais pas m'éterniser, mais c'est assurément une préoccupation pour nos membres et les voisins des gens qui consommeront de la marijuana en la fumant plutôt qu'en la mangeant.
Les diverses provinces ont imposé un certain nombre d'interdictions sur le fait de fumer du tabac. J'espère bien sûr qu'ils vont empêcher les gens de fumer de la marijuana dans ces mêmes emplacements, comme les aires communes des immeubles à appartements de l'Ontario. Mais c'est une question provinciale, et tout ce dossier est très compliqué en raison de la relation provinciale-fédérale.
Notre position, en tant qu'organisation, c'est que nous aimerions qu'il y ait plus de limites et de restrictions sur la production de cannabis dans des appartements loués afin de protéger les intérêts des propriétaires et ceux des voisins.
Au mieux, il y aurait une interdiction fédérale. Ce n'est probablement pas nécessaire d'en faire une infraction pouvant mener à une peine d'emprisonnement de 14 ans, mais une interdiction fédérale serait la solution que nous préférerions. C'est en raison du risque d'incendie lié aux surcharges électriques, de l'humidité — et donc, de la sécurité des bâtiments — et assurément de l'odeur associée à la production et son incidence sur les voisins.
C'est ce que nous préférerions. Cependant, je suis ici, et tout ce que je vous dis a été décrit dans notre mémoire; nous nous sommes appuyés sur des renseignements tirés du site Web ilovegrowingmarijuana.com. Jusqu'à il y a 12 mois, je n'étais pas vraiment un expert sur la marijuana, mais je suis bien sûr allé sur ce site et je l'ai trouvé extrêmement informatif. J'ai trouvé ce que, en droit, on appelle des admissions qui vont à l'encontre des intérêts. Si les partisans de la marijuana disent qu'il y a un problème, eh bien, il y a un problème, et ils disent qu'il y a un problème d'odeurs et un problème électrique. Ils disent aussi qu'il peut y avoir un problème d'humidité.
Il y a des façons de régler ces problèmes, mais elles exigent toutes de modifier physiquement les bâtiments, parce que nos bâtiments ne sont pas construits pour ce genre d'activités, et, habituellement, nous n'avons pas l'obligation de modifier nos bâtiments pour permettre ce genre de choses, à part prendre les mesures d'adaptation au titre du code des droits de la personne en ce qui a trait aux consommateurs à des fins médicales. Pour eux, nous devrons peut-être faire certaines choses, mais pour les consommateurs récréatifs, nous ne sommes pas obligés d'apporter ces changements. Du moins, nous ne l'étions pas avant que cette loi soit proposée.
Pour ce qui est des compromis et des suggestions, un genre de solution de dernier recours pour nos membres serait, selon moi, la mise en place d'un régime dans le cadre duquel la production est permise dans des logements loués lorsque le propriétaire donne son consentement. Cela permettrait aux propriétaires qui ont de petits bâtiments ou qui n'ont pas d'inquiétude liée à la ventilation ou, encore, qui possèdent de bons systèmes électriques de permettre la culture. Les locataires voulant cultiver du cannabis pourraient aller vivre là. D'un autre côté, les propriétaires qui ne peuvent pas gérer cette situation, qui ne veulent pas investir d'argent, qui ne veulent pas déranger leurs autres locataires pourraient refuser de consentir.
Par ailleurs, la loi fédérale pourrait permettre aux provinces de créer un cadre pour faire de cette proposition une réalité pratique. En vertu d'un tel cadre, les provinces pourraient dispenser des locataires d'obtenir le consentement des propriétaires. En d'autres mots, un locateur pourrait se présenter et dire: « Eh bien, monsieur le propriétaire, vous refusez de consentir de façon déraisonnable. Votre bâtiment est muni d'un bon système électrique, il n'y a pas de problème d'humidité, en fait, ce n'est pas un problème. Mais deux voisins me disent que ça ne les dérange pas. » Vraisemblablement, la Commission de la location immobilière pourrait donner une dispense de consentement et fournir une solution appropriée. La personne pourrait ensuite faire pousser de la marijuana légalement dans son appartement, sous réserve des limites de taille imposées.
L'autre côté de la médaille — encore une fois, on pourrait laisser les provinces décider de la façon de faire —, c'est que les provinces pourraient créer un cadre en vertu duquel si un propriétaire veut interdire la culture de marijuana dans son immeuble, il peut présenter une demande, vraisemblablement à la Commission de la location immobilière, et dire: « Écoutez, mon bâtiment n'est pas adapté pour la culture — à cause du système électrique, d'autres considérations techniques, de la ventilation, d'une pétition des locataires du bâtiment — et on devrait donc me permettre d'interdire la marijuana. »
Encore une fois, ce sera un peu plus complexe, mais il y a des gens très intelligents dans la salle et des gens aussi très intelligents qui travaillent sur le projet de loi. Je suis sûr qu'un système dans le cadre duquel les provinces pourraient s'occuper des petits réglages pour corriger les problèmes qui surviennent vraiment et qui ont été soulevés dans la décision Allard serait une solution positive.
La dernière chose que j'aimerais suggérer, en ce qui a trait aux compromis, c'est ceci: nous craignons que la limite de quatre plants ne soit pas une limite suffisante. Nous avons entendu M. Page dire qu'il faudrait peut-être permettre plus que quatre plants. Ma préoccupation, c'est que, si on permet aux producteurs d'avoir quatre plants ou peu importe le nombre qui sera établi et qu'ils se rendent sur le site ilovegrowingmarijuana.com, ils découvriront rapidement qu'ils peuvent utiliser une technique de culture qui utilise une grille. Il est possible d'installer une grille au-dessus des plants. Lorsqu'ils grandissent, on peut en couper la cime. On peut ainsi recueillir les feuilles et remplir de feuilles de marijuana une surface qui va de la fin du bureau, ici, jusqu'à passé l'endroit où M. Page est assis ou jusqu'à l'autre bout de la table, et ce, avec seulement quatre plants.
De toute évidence, ce n'est pas une bonne idée. Je suis sûr que, lorsque le gouvernement s'imagine et que le législateur envisage quatre plants, vous voulez dire quatre plants — un plant ici, un autre là et un autre là-bas —, vous parlez d'environ une verge cube. À notre avis, en plus de limiter le nombre de plants, que ce soit quatre, six ou peu importe, il faudrait aussi limiter une zone de croissance.
Notre suggestion serait un mètre cube, parce qu'on réglemente ainsi pas mal tous les problèmes. Premièrement, on tiendrait compte de la préoccupation de M. Page au sujet de la hauteur des plants, et, deuxièmement, on réglerait la question d'avoir un plant qui soit grand, deux plants en milieu de croissance et un petit plant. J'admets que ce serait des règles un peu plus difficiles à appliquer, mais personne ne sera accusé d'une infraction assortie d'une peine d'emprisonnement possible de 14 ans s'il a une zone de pousse de 1,2 mètre cube. Ce sera assez clair, si on parle de plus de 1,5 mètre cube, d'en déterminer la grandeur. Les policiers peuvent prendre un mètre à mesurer, l'installer et prendre une photo des plants cultivés. Puis, au bout du compte, on peut prouver devant le tribunal que, holà, la personne avait une zone de croissance de 4 mètres cubes, ou 6 mètres cubes, et c'est bien au-delà des limites permises.
C'est ce que je vous suggérerais de faire pour limiter la quantité de cannabis que les gens font pousser.
Merci beaucoup.
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C'est une question à laquelle j'ai réfléchi. Est-ce que 1,5 mètre ou 2 mètres permettraient d'inclure la majorité des variétés qu'on fait actuellement pousser? Je crois que c'est le cas, alors on pourrait doubler la hauteur ou augmenter la limite de croissance de 50 %. De cette façon, on engloberait ou on inclurait probablement une plus grande partie des plants habituellement cultivés, y compris dans le cadre de la culture extérieure.
L'un des enjeux, c'est que le cannabis est, d'un point de vue technique, sensible à la photopériode, ce qui signifie que les plants fleurissent lorsqu'ils sont exposés à de courts jours d'ensoleillement. Si on fait pousser du cannabis à l'intérieur, on peut produire ces courtes journées simplement grâce à l'utilisation d'une minuterie ou d'un interrupteur pour forcer les plants à fleurir à 60 centimètres, 80 centimètres ou un mètre et plus.
D'un autre côté, à l'extérieur, la durée du jour est bien sûr déterminée par la saison. Pour ce qui est de la production extérieure du cannabis au Canada actuellement, la saison de floraison commence en août et peut se poursuivre jusqu'en septembre. Selon l'endroit où l'on se trouve au pays, en fait, la récolte peut avoir lieu vers l'Action de grâce. Ce qui se produit durant ces longs étés canadiens, c'est que les plants deviennent très grands. Si on permet la culture à l'extérieur, vu les types de climats canadiens, on peut se retrouver avec des plants de près de deux mètres de haut, et peut-être même un peu plus, lorsqu'arrive la période de floraison.
Bien sûr, comme je l'ai dit, on peut obliger l'émondage, et les gens peuvent plier leurs plants vers le bas, ou je ne sais quoi. Cependant, de façon générale, si on impose une limite, un nombre de plants maximal, si on détermine que c'est quatre plants à fleurs et quelques plants de plus en raison des aléas du jardinage, comme je l'ai laissé entendre, ce peut être là la limite. Pour ce qui est de la question de savoir ce que les gens font avec ces quatre plants, s'ils atteignent 1,5 mètre ou 2 mètres, ou même 2,5 mètres, je ne crois pas que nous devrions vraiment nous préoccuper des 100 centimètres ou d'une telle limite de hauteur.
Le groupe de travail a décidé de suggérer 100 centimètres, et j'ai été un peu déconcerté par la raison justifiant cette suggestion. Je crois que c'était principalement pour cacher les plants qui poussent dans les cours arrière des gens. La hauteur des clôtures habituelles au Canada est d'environ 4 pieds, selon les règlements municipaux, ce qui est suffisant pour cacher des plants de 100 centimètres de hauteur. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, il faut permettre aux villes d'adopter ces règlements administratifs. J'éliminerais tout simplement la limite de hauteur des plants.
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Je vis dans la bulle de la Colombie-Britannique, où personne n'a été accusé de possession simple depuis longtemps; les policiers se contentent d'une saisie. Il y a encore beaucoup d'accusations, mais très peu de condamnations, sauf dans les cas plus graves qu'une simple possession. Dans mon cabinet, je vois beaucoup moins de cas qu'auparavant, même si la légalisation n'a pas encore eu lieu. Le fardeau a été réduit.
Cependant, ce thème d'emprisonnement maximal de 14 ans, la mise en accusation, etc., sont totalement irréalistes par rapport à ce que l'on voit sur le terrain. Même la Cour d'appel de la Saskatchewan, qui n'est pas reconnue comme la cour la plus libérale au pays, impose des peines de 12 à 18 mois dans les cas de trafic, par exemple. La plupart des peines d'emprisonnement s'élèvent à deux ans ou moins. Dans le cas du tabac et de l'alcool, les peines d'emprisonnement maximales sont de deux et trois ans. Honnêtement, cette peine d'emprisonnement de 14 ans est ridicule et problématique, car elle augmentera le fardeau de la façon suivante.
Il y a des années, par l'entremise de la commission sur la détermination de la peine, du Parlement et autres organes, nous avons déterminé que nous devions réduire le nombre de peines d'emprisonnement, car cela ne fait que rendre beaucoup plus de personnes dangereuses au lieu de protéger le public. Par conséquent, pourquoi devrions-nous emprisonner quelqu'un pour trafic de cannabis de nos jours? Cela me semble ridicule.
Un juge donnera ce que l'on appelle une ordonnance de sursis. L'ordonnance de sursis constitue la dernière mesure qui peut être infligée avant la peine. Selon les principes de dénonciation et de dissuasion, le juge décide d'infliger une peine d'emprisonnement ou non. En raison des amendements de 2012, une peine maximale de 14 ans empêche le juge de faire cela.
Quelle est la pertinence d'une peine de 14 ans, si le juge estime qu'une peine de deux ans est appropriée et que le délinquant ne présente pas un danger pour la collectivité, qu'il n'a aucun antécédent de violence et qu'il devrait être en mesure de purger sa peine dans la collectivité? Le juge ne peut pas le faire. Que feront les juges dans cette nouvelle réalité? Ils imposeront une probation assortie de conditions qui ressemble à une ordonnance avec sursis.
Je vous encourage à écouter ce que disait Le Dain il y a au moins 45 ans et à réduire la peine maximale à cinq ans, si vous voulez conserver un système hybride.
J'espère que les consommateurs de cannabis que j'observe depuis longtemps déjà vont vous prouver qu'ils sont capables de respecter le système proposé et qu'ils ne créeront pas trop de problèmes pour les tribunaux criminels, notamment. J'espère aussi que la légalisation sera efficace et que l'on vous prouvera que bon nombre des limites qui vous préoccupent ne sont pas nécessaires.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous donner l'occasion de commenter le projet de loi , ce matin, au sein de cet important groupe de témoins.
Je représente la Coalition canadienne des politiques sur les drogues ou CCPD, une organisation non gouvernementale regroupant plus de 70 organismes et 3 000 intervenants qui appuient l'élaboration d'une politique canadienne sur les drogues fondée sur la science et les principes de santé publique, qui respecte les droits de la personne.
La CCPD appuie l'adoption du projet de loi et la réglementation du cannabis à des fins non médicales dans le but de réduire au minimum les coûts sociaux et personnels de la prohibition et de s'assurer du même coût que la politique en matière de cannabis respecte dans la mesure du possible les normes de santé publique et les droits de la personne.
La légalisation et la réglementation du cannabis permettront une surveillance adéquate du marché du cannabis non médical dans son ensemble, y compris le contrôle des surdoses, de la qualité, de la puissance, de la mise en marché et de l'accès. Après des décennies de prohibition des drogues au Canada, les faits montrent de façon claire et sans équivoque que la criminalisation des personnes qui ont de la drogue en leur possession ou qui en consomment a des conséquences néfastes sur la société et les personnes. Par conséquent, la CCPD appuie la réglementation de toutes les drogues au Canada afin de reprendre le contrôle d'un marché dangereux et non réglementé qui soutient les organisations criminelles et d'éviter qu'un nombre incalculable de Canadiens fassent l'objet de sanctions pénales.
Nous croyons que la légalisation atténue le risque de contracter des maladies infectieuses, comme l'hépatite C et le VIH, de réduire le nombre de cas de surdose et de stigmatisation sociale et de promouvoir la santé publique et la sécurité. Nous croyons aussi que les faits démontrent clairement que la décriminalisation de toutes les drogues améliorerait encore davantage la santé publique et la sécurité publique.
J'aimerais commenter ce matin les recommandations de la CCPD à l'intention du Comité, qui se trouvent dans notre mémoire.
Je vais me pencher d'abord sur l'âge minimal d'accès. La Loi sur le cannabis fixe à 18 ans l'âge minimal d'accès au cannabis et permet aux provinces d'augmenter l'âge minimal, comme l'a fait l'Ontario pour qu'il corresponde à l'âge minimal d'accès à l'alcool. La CCPD appuie le maintien de l'âge minimal de 18 ans fixé par la loi fédérale.
Malgré qu'il existe depuis des décennies au Canada un système de prohibition du cannabis, une personne sur trois âgée entre 16 et 25 ans est considérée comme un consommateur actif. Une étude menée par les Nations Unies montre que le taux de consommation de cannabis chez les jeunes est moins élevé dans les pays qui ont adopté des politiques plus libérales que le Canada en matière de drogues, ce qui indique que l'application de politiques plus strictes n'a aucun effet dissuasif sur les jeunes.
Il est irréaliste de conclure que tous les jeunes s'abstiendront de consommer du cannabis, peu importe l'âge limite fixé et les sanctions imposées pour consommation. Toutefois, l'adoption d'un âge minimal trop avancé favorisera la survie du marché noir et encouragerait de nombreux jeunes Canadiens à prendre de plus grands risques que celui que représente la simple consommation de cannabis. Il faut plutôt miser sur une approche axée sur la santé publique qui tient compte de tous les risques pour les jeunes, ce qui inclut la drogue elle-même, mais aussi les politiques. Pour protéger les jeunes, il faut tenir compte des dangers auxquels ils s'exposent en s'approvisionnant sur le marché noir ainsi que des dangers associés à la consommation de cannabis, un équilibre qui soutient l'adoption d'un âge minimal d'accès.
Pour ce qui est maintenant des sanctions criminelles contre les jeunes, la Loi sur le cannabis interdit aux jeunes d'avoir en leur possession plus de cinq grammes de cannabis séché. Un jeune qui contrevient à cette disposition commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité, par mise en accusation ou par procédure sommaire, une peine aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La province de l'Ontario a notamment choisi de combler le petit écart et d'établir des infractions provinciales pour les jeunes en possession de cannabis, peu importe la quantité.
La Loi sur le cannabis semble reconnaître les difficultés qu'entraîne le fait d'avoir un casier judiciaire et prévoit des circonstances dans lesquelles un agent de la paix peut donner une contravention à un adulte ou à une organisation. Par contre, cela ne s'applique pas aux jeunes.
Il est maintenant bien reconnu que le fait d'avoir un casier judiciaire cause des difficultés sociales considérables, comme limiter les déplacements à l'étranger ainsi que les possibilités de carrière et de bénévolat, exacerber la pauvreté et entraîner une détérioration de la santé, ce qui entraîne la stigmatisation et l'utilisation de ressources publiques déjà rares.
Comme je l'ai déjà mentionné, les faits démontrent également que le risque de sanctions criminelles ne dissuade pas les adolescents de consommer du cannabis. Comme l'a recommandé le groupe de travail, il faut plutôt miser sur l'éducation et les méthodes douces pour atteindre les objectifs de santé publique et de sécurité de la Loi sur le cannabis et dissuader les jeunes de consommer au lieu de mettre l'accent sur les sanctions criminelles.
Dans une grande majorité, les intervenants devant le groupe de travail ont souligné que la criminalisation des jeunes devrait être évitée et que les sanctions criminelles ne devraient être imposées qu'aux adultes qui fournissent du cannabis aux jeunes, et non pas aux jeunes eux-mêmes. C'est l'approche qu'a adoptée la Californie, dont le cadre réglementaire prévoit que tout jeune trouvé en possession de cannabis se voie infliger une sanction non assujettie à une peine criminelle et doive participer à un cours ou à du counseling sur les drogues et faire des travaux communautaires. La CCPD recommande que les jeunes ne soient assujettis à aucune peine criminelle et que la Loi sur le cannabis soit modifiée afin que les mécanismes moins sévères soient appliqués à la consommation de drogue par les jeunes, notamment le counseling et les travaux communautaires. L'élimination de ces sanctions criminelles améliorera la santé publique et la sécurité, particulièrement pour les jeunes, en réduisant le danger lié à la stigmatisation et à la criminalisation, tout en décourageant la consommation illégale, le tout dans le cadre d'une approche équilibrée et réaliste.
De plus, le groupe de travail a recommandé que le partage social, qui est répandu chez les jeunes, soit permis. Cependant, la Loi sur le cannabis interdit cette pratique en criminalisant toute forme de distribution à un jeune, infraction qui peut entraîner une peine d'emprisonnement extrêmement sévère de 14 ans. Cela pénaliserait, par exemple, un adulte de 18 ans qui partage du cannabis avec un ami âgé de 17 ans ou un parent qui partage avec son fils ou sa fille.
Dans le cas de l'alcool, il existe des exceptions claires à la criminalisation des adultes qui partagent de l'alcool avec leurs enfants d'âge mineur dans une résidence privée, et toutes les provinces prévoient pour le partage social d'alcool des sanctions beaucoup moins punitives que la Loi sur le cannabis. La CCPD recommande que le partage social avec un jeune ne soit pas criminalisé, mais qu'il soit plutôt traité d'une façon similaire à la consommation par les jeunes, avec l'obligation de suivre du counseling et d'effectuer des travaux communautaires. La CCPD recommande aussi que les adultes puissent fournir du cannabis à leurs enfants d'âge mineur dans une résidence privée, au même titre que l'alcool.
Mon dernier point touche la justice sociale. Il existe une notion sous-jacente à la réglementation du cannabis selon laquelle nos politiques de criminalisation du cannabis ont toujours mené à des résultats négatifs inacceptables au sein de la société canadienne, dont le maintien d'un marché pancanadien du cannabis illégal et prospère ainsi que la condamnation au criminel de centaines de milliers de personnes pour des infractions liées au cannabis. Le droit criminel est rarement appliqué de façon uniforme, et la prohibition du cannabis a eu un impact négatif plus important sur les personnes marginalisées, les personnes issues des minorités visibles, les jeunes et les Autochtones. Les mesures législatives visant à corriger les politiques antérieures devraient également chercher à réparer les dommages causés à ceux qui ont été punis par un système injuste et créer, notamment, des possibilités au sein de la nouvelle économie et effacer leur casier judiciaire.
La CCPD recommande que deux modifications soient apportées à la loi afin qu'elle puisse atteindre son objectif de justice sociale. Tout d'abord, les condamnations antérieures liées à la drogue ne devraient pas permettre à elles seules de refuser l'octroi d'un permis pour intégrer le marché du cannabis. L'alinéa 62(7)c) permet au ministre de refuser l'octroi, le renouvellement ou la modification d'un permis fédéral requis pour participer à l'industrie du cannabis, si le demandeur a contrevenu à la loi réglementant certaines drogues et autres substances ou s'il a commis toute autre infraction liée aux drogues au cours des 10 dernières années. Évidemment, cela inclut toute condamnation liée à la drogue, y compris les condamnations liées à des activités qui seraient considérées comme légitimes en vertu de la nouvelle loi. Il n'y a aucune raison logique d'établir un motif précis relativement aux infractions liées à la drogue dans cette disposition par rapport à toute autre infraction antérieure qui pourrait rendre une personne inadmissible à l'obtention d'un permis, que ce soit un vol ou une fraude. Il serait préférable d'adopter une approche semblable à celle de la Californie, qui interdit d'utiliser une condamnation antérieure pour infraction non violente liée aux drogues afin de refuser l'octroi d'un permis.
Ensuite, un mécanisme clair devrait être adopté de façon à permettre aux personnes qui ont déjà été condamnées pour des infractions liées au cannabis de demander que ces condamnations soient éliminées de leur casier judiciaire ou, pour celles qui purgent encore leur peine, de faire annuler ou réévaluer leur peine en vertu de la nouvelle loi. La CCPD recommande des amendements à la Loi sur le cannabis pour que les peines en cours soient réévaluées et que les condamnations antérieures figurant au casier judiciaire soient suspendues.
La Loi sur le cannabis est une mesure législative remarquable qui entraîne la création de nouvelles normes stratégiques pour la réglementation des substances qui étaient illégales auparavant.
Il est important que ces nouvelles normes soient axées sur les données probantes, la santé publique et le bien-être des Canadiens, jeunes et moins jeunes. Merci.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Je vais d'abord souligner ce matin que je vais parler uniquement de la consommation récréative de cannabis; je ne traiterai pas de la consommation de cannabis à des fins médicales.
Au nom de l'Association canadienne de santé publique, nous sommes ravis que le gouvernement du Canada s'engage à intégrer une approche de santé publique à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi confirme cette approche.
Par opposition au système de soins de santé public, la santé publique désigne les mesures prises par la société pour garder ses membres en santé et prévenir les blessures, les maladies et les décès prématurés. Ainsi, les principes de justice sociale sont à la base d'une approche de santé publique, qui met l'accent sur les droits de la personne et l'égalité. C'est une approche fondée sur les faits qui touche les déterminants sous-jacents de la santé. Une approche de santé publique est organisée, détaillée et multidisciplinaire et elle favorise les initiatives pragmatiques.
Comme un collègue l'a expliqué récemment, la santé publique est un peu comme le petit enfant qui demande toujours « pourquoi? ». Dans le cas du cannabis, nous voulons savoir pourquoi les gens en consomment afin que nous puissions élaborer des politiques et des mesures d'intervention qui répondent à leurs besoins. Notre relation avec le cannabis va de l'abstinence à de nombreux niveaux de consommation. Ces niveaux peuvent être bénéfiques, non problématiques, potentiellement dangereux ou à risque de déboucher sur des troubles de consommation. À l'échelle fédérale, la légalisation et la réglementation du cannabis doivent tenir compte de tous les niveaux de consommation, tandis que les provinces et les territoires veulent plutôt se concentrer sur leurs besoins organisationnels, et il revient aux régions ou aux municipalités de répondre aux besoins de leur population.
L'âge légal de possession de cannabis a fait l'objet de nombreuses discussions, et il est malheureusement difficile d'atteindre un consensus. L'Association canadienne de santé publique appuie les dispositions du projet de loi qui établissent l'âge légal minimal à 18 ans et qui permettent aux provinces et aux territoires d'imposer un âge plus avancé, le cas échéant. Sur le plan pratique, il est important et approprié que les provinces et les territoires établissent le même âge légal pour la consommation de cannabis et la consommation d'alcool. Ainsi, on évite la confusion, et les mesures de sensibilisation sont plus faciles à coordonner.
Même s'il serait préférable qu'aucun Canadien ne consomme de cannabis ou tout autre psychotrope, une approche de santé publique reconnaît que le cannabis continuera d'être consommé pour toutes sortes de raisons, peu importe les efforts déployés pour dissuader les consommateurs. Vous connaissez déjà les statistiques: 12 % de la population générale, 21 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans et 30 % des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans ont indiqué dans un sondage mené en 2015 qu'ils avaient consommé du cannabis au cours de l'année précédente. Puisque plus d'un jeune sur cinq âgé entre 15 et 19 ans consomme du cannabis aujourd'hui — et nous n'avons aucune raison de croire que la proportion changera —, la stratégie la plus raisonnable à adopter est de créer un marché du cannabis légal et réglementé accessible aux adultes, à partir de l'âge de 18 ans.
Le projet de loi permettra d'établir un approvisionnement en cannabis dont la puissance et la qualité sont contrôlées. En ce moment, les consommateurs de cannabis jouent à la roulette russe, car ils ne connaissent jamais la qualité du produit avant de le consommer et ils ne savent pas s'il a été mélangé à d'autres psychotropes plus puissants. Dans une perspective de santé publique, l'Association canadienne de santé publique encourage les gouvernements provinciaux et territoriaux à faire en sorte que le cannabis soit vendu uniquement par des organismes contrôlés par le gouvernement afin que l'objectif demeure la réduction des méfaits, et non pas la génération de profit.
La prohibition qui existe actuellement au Canada a grandement nui à la promotion de la santé et à la réduction des méfaits. Le seul message qui nous était transmis était « il suffit de dire non », et cela a clairement échoué. Au-delà d'une simple éducation en matière de santé, la promotion de la santé donne aux gens les outils dont ils ont besoin pour prendre le contrôle de leur santé et l'améliorer. Selon nous, la vente légale de cannabis doit d'abord être précédée par des campagnes de promotion de la santé globales, inclusives et sans jugement en vue de transmettre un message clair et cohérent d'un bout à l'autre du Canada. Ces campagnes doivent être appuyées de manière continue et accompagnées de messages visant la promotion de la santé personnelle et la réduction des méfaits aux points de vente. Nous devons ouvrir la communication au sujet du cannabis, et non pas sa consommation.
Certains craignent que la légalisation entraînera une augmentation considérable de la consommation de cannabis, particulièrement chez les jeunes. L'expérience au Canada peut certes être différente, mais deux rapports récents de l'État de Washington confirment que la consommation de cannabis chez les jeunes est demeurée stable depuis la légalisation à cet endroit. Un des rapports révèle toutefois une augmentation de la consommation de cannabis chez les adultes plus âgés, tandis que l'autre mentionne une augmentation du nombre de personnes qui consomment du cannabis chaque jour ou presque.
Ces premiers rapports de l'État de Washington nous rappellent que nous devons tenir compte de tous les membres de la population et que nous devons prêter une attention particulière aux personnes plus susceptibles d'avoir des problèmes de consommation.
Certains craignent également les effets de la consommation de cannabis sur le cerveau en plein développement. Bien que les études citées constituent des éléments de recherche importants, ils ne concernent que les jeunes qui consomment beaucoup de cannabis au quotidien. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que, si un enfant consomme une grande quantité de cannabis chaque jour, il y a de quoi s'inquiéter. Si un enfant consommait beaucoup d'alcool chaque jour, il y aurait également matière à s'inquiéter. Encore une fois, dans une optique de santé publique, nous voulons savoir pourquoi cet enfant consomme beaucoup au quotidien, car c'est ainsi que nous pouvons apprendre à intervenir adéquatement.
En ce moment, nous manquons de données au sujet des effets d'une consommation occasionnelle de cannabis sur la santé, et nous espérons que la légalisation permettra d'effectuer des recherches à cet égard. Maintenant que nous avons accepté que les personnes continueront de consommer diverses quantités de cannabis pour diverses raisons, il est essentiel que nos politiques et nos mesures d'intervention soient axées sur la réduction des méfaits. Veiller à ce que la puissance et la qualité du produit soient connues, mener des activités efficaces d'éducation et de promotion de la santé, s'assurer que les consommateurs et les fournisseurs de soins de santé et de services sociaux connaissent les méthodes de consommation les plus sécuritaires ainsi qu'adopter et promouvoir des lignes directrices pour une consommation de cannabis à faible risque sont toutes des mesures de réduction des méfaits.
Je sais qu'un groupe de témoins traitera de cette question plus tard aujourd'hui, et c'est pourquoi je n'aborderai pas ces lignes directrices, mais je tiens à dire qu'elles constituent un outil important qui devrait être mis en oeuvre par tous les gouvernements.
L'Association canadienne de santé publique recommande un amendement au projet de loi qu'un de vos témoins d'hier a mentionné, je crois. En ce moment, le paragraphe 10(5) du projet de loi fait en sorte que le crime de possession en vue de la vente devient une infraction punissable par mise en accusation qui peut donner lieu à un emprisonnement de 14 ans sur déclaration de culpabilité, y compris pour les jeunes de 12 à 18 ans. L'article 8 qui touche la possession et l'article 9 qui concerne la distribution prévoient des peines similaires pour les personnes âgées de plus de 18 ans, mais permettent l'imposition de peines aux jeunes de 12 à 18 ans aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Selon l'Association canadienne de santé publique, le paragraphe 10(5) devrait également permettre l'imposition de peines en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Dans de nombreux cas, ces infractions sont liées à la possession par les jeunes en vue de la vente à leurs pairs, et la stigmatisation découlant d'une telle condamnation peut causer un tort irréparable à l'avenir de ces jeunes, tort qui éclipse l'infraction en tant que telle. Il faut prendre soin d'appliquer les règles proposées sur la possession en vue de la vente d'une manière qui reflète la gravité du crime.
Vous avez également entendu dire que nous ne sommes pas prêts pour la légalisation. Malheureusement, le temps est un luxe que nous ne pouvons nous offrir, car les Canadiens consomment déjà des quantités record de marijuana. Les dommages pour les personnes et la société causés par la consommation de cannabis se font déjà ressentir chaque jour. La loi proposée et la réglementation qui suivra sont le meilleur moyen de réduire ces dommages et d'assurer le bien-être de tous les Canadiens. Nos premières interventions ne seront pas parfaites, mais la perfection n'est pas l'objectif à atteindre, car nous apprenons de nos expériences et nous pouvons adapter nos approches en conséquence. Au bout du compte, nous voulons faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens qui consomment déjà du cannabis ou qui peuvent choisir d'en consommer pour diverses raisons.
L'Association canadienne de santé publique croit que le projet de loi et les mesures prises par les provinces, dont l'Ontario, sont un pas dans la bonne direction. Les administrations qui se sont lancées dans cette grande aventure avant nous ont retenu des leçons importantes. Par exemple, les organismes de réglementation doivent avoir la capacité de s'adapter aux conditions du marché, qui sont en constante évolution; un investissement initial dans l'éducation et la promotion de la santé est essentiel; les organismes d'application de la loi et de santé publique doivent travailler ensemble; et les intérêts de l'industrie privée du cannabis sont rarement ceux de la santé publique.
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Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la santé, je suis une spécialiste de la médecine des adolescents et professeure agrégée de pédiatrie à l'Université McMaster. Je vous remercie de l'invitation de témoigner au nom de la Société canadienne de pédiatrie au sujet du projet de loi en ce qui a trait particulièrement à l'âge minimum pour la possession légale et aux conséquences de la légalisation du cannabis sur des jeunes Canadiens.
Je vous ai fourni un résumé du mémoire de la SCP sur le cannabis et les enfants et adolescents canadiens aux fins de consultation. Mon but aujourd'hui est de m'assurer que vous disposez des dernières données scientifiques sur les conséquences de la consommation de cannabis sur les jeunes Canadiens, y compris les tout-petits et d'aborder la position de notre société quant à l'âge de possession légale.
Tout d'abord, les données scientifiques confirment hors de tout doute que la consommation de cannabis avant la mi-vingtaine peut avoir des effets structurels, fonctionnels et néfastes sur le cerveau en développement, comme le soutiennent de nombreuses autres études sanctionnées par des pairs. Des recherches rigoureuses établissent un lien entre la consommation régulière de cannabis chez les jeunes et le risque accru d'environ 40 % de vivre un épisode psychotique. Nous savons qu'une consommation précoce, des doses élevées et une consommation fréquente exacerbent ce risque, sans compter les autres facteurs de prédisposition à un trouble psychotique, comme les antécédents familiaux.
Certaines études démontrent également un lien entre la consommation régulière de cannabis et la dépression clinique, quoique les résultats ne soient pas aussi solides que ceux qui établissent la relation entre la consommation et la psychose. Des études révèlent que les jeunes ayant certains troubles anxieux risquent davantage d'adopter des habitudes de consommation de cannabis problématiques qui interfèrent inévitablement avec leur quotidien.
Fait étonnant, un adolescent sur six qui consomme du cannabis sera atteint du trouble de l'usage du cannabis, maladie psychiatrique semblable à l'alcoolisme diagnostiquée lorsque la consommation de drogue nuit à de multiples aspects du fonctionnement. Cela peut toucher le rendement scolaire, les relations sociales et familiales et les activités parascolaires, aspects indissociables du grand développement qui se produit au cours de l'adolescence et qui permet de se préparer à la vie adulte.
Pour toutes ces raisons, il n'y a pas d'âge sécuritaire pour consommer du cannabis, et nous recommandons que les jeunes n'en consomment pas. Cependant, l'adolescence est une période d'expérimentation. Nous savons que les jeunes Canadiens présentent le taux le plus élevé de consommation de cannabis par rapport à d'autres pays du monde. Avec la proposition d'une industrie du cannabis légale au Canada vient la question de l'âge le plus approprié pour la consommation légale, âge qui devrait être déterminé dans le but de réduire au minimum les méfaits pour les enfants et les jeunes, notre population la plus vulnérable.
Ainsi, l'interdiction de consommer du cannabis avant la mi-vingtaine protégerait les adolescents pendant une phase critique de développement de leur cerveau. Par contre, les adolescents et les jeunes adultes consomment déjà fréquemment de la marijuana. Le fait que l'âge légal pour consommer du cannabis soit le même que pour la consommation d'autres substances contrôlées, soit l'alcool et le tabac, permettrait de s'assurer que seuls les jeunes ayant atteint l'âge de la majorité peuvent obtenir un produit réglementé dont la puissance a été vérifiée. De plus, ils seraient moins portés à prendre de grands risques et à commettre des actes illégaux pour obtenir du cannabis.
Aux États-Unis et en Europe, on s'inquiète du nombre de cas de très jeunes enfants qui ont ingéré accidentellement du cannabis. Nous parlons ici de produits alimentaires contenant de la marijuana qui peuvent prendre plusieurs formes, comme des biscuits et des bonbons. Ces aliments sont très intéressants aux yeux des jeunes enfants et ressemblent souvent en tous points aux bonbons, aux tablettes de chocolat et aux produits de boulangerie ordinaires. Au Colorado, le taux d'ingestion accidentelle par des enfants de moins de 9 ans a augmenté de 34 % après la légalisation du cannabis. Plus du tiers de ces cas ont nécessité une hospitalisation d'urgence en soins pédiatriques en raison de symptômes de surdose. Dans la plupart des cas, les tout-petits ne pouvaient plus respirer par eux-mêmes.
Une étude de France publiée ce mois-ci révèle que le nombre de jeunes enfants, surtout des tout-petits, ayant besoin de soins pédiatriques d'urgence pour crise ou coma consécutif à une ingestion accidentelle de cannabis a triplé.
Vu les inquiétudes que je viens de mentionner, je demande au Comité de prendre en considération les recommandations suivantes de la SCP afin que, en tant que société, nous puissions protéger les personnes les plus vulnérables.
Premièrement, le gouvernement devrait adopter et faire rigoureusement respecter la réglementation sur l'industrie du cannabis afin de limiter l'accès au cannabis et sa commercialisation auprès des mineurs. Cette réglementation doit interdire l'installation de points de vente près des écoles primaires et secondaires, des centres de la petite enfance agréés, des centres communautaires, des quartiers résidentiels et des centres jeunesse. Il faut imposer des normes d'étiquetage rigoureuses pour tous les produits du cannabis, dont l'emballage devrait inclure une liste exhaustive des ingrédients et une mesure exacte de la concentration de cannabis. L'emballage de tous les produits du cannabis devrait être accompagné d'avertissements sur, notamment, les effets nuisibles connus et potentiels de l'exposition à ces substances, comme pour les paquets de cigarettes. Les emballages devraient également être à l'épreuve des enfants. Nous demandons de décréter et d'appliquer une interdiction de commercialiser les produits liés au cannabis à l'aide de stratégies ou dans des lieux qui attirent les enfants et les jeunes, y compris les produits comestibles.
Deuxièmement, nous recommandons le financement adéquat de campagnes d'éducation publique pour souligner le fait que le cannabis n'est pas sécuritaire pour les enfants et les adolescents et sensibiliser la population aux méfaits liés à la consommation de cannabis et à la dépendance. Ces campagnes devraient être créées en collaboration avec de jeunes leaders et inclure les messages de jeunes leaders d'opinion.
Enfin, il faut que le public sache clairement que le cannabis présente des risques au chapitre du développement neurologique: par conséquent, il convient de limiter les concentrations de THC dans le cannabis que les adultes âgés de 18 à 25 ans peuvent acheter légalement.
Merci.
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Je vous remercie de nous avoir invités à la Chambre des communes pour parler de ce très important projet de loi, du problème de la consommation chez les jeunes, de l'âge pour la possession légale et les conséquences sur les jeunes Canadiens.
La prohibition du cannabis est un échec monumental. En tant que directrice exécutive d'EFSDP, je veux que les politiques en matière d'éducation et la réforme connexe favorisent un changement progressif, qui permettra aux étudiants, aux parents, aux enseignants, aux professionnels de la santé et aux fournisseurs de soins de santé mentale de travailler ensemble pour offrir un apprentissage de qualité à l'image d'un lieu où ce qui est appris est mis en pratique et fondé sur de solides données scientifiques et où la vérité est mise en valeur.
De plus en plus, pour diverses raisons, il revient à la société d'éduquer et de soutenir les parents et leurs enfants. Les éducateurs ont la responsabilité d'agir comme bâtisseurs d'estime de soi. Le projet de loi découle de bonnes intentions, mais la Loi sur le cannabis n'empêchera pas les jeunes d'en consommer, et elles ne devraient pas leur causer plus de tort au chapitre de leurs droits.
Les éducateurs comprennent que, malgré l'omniprésence des drogues, les jeunes ont une opinion ambiguë sur le cannabis, et c'est ce que confirment les chercheurs. Bon nombre de jeunes ont une position contradictoire et une opinion négative à l'égard de la consommation. Cela n'est pas surprenant vu la complexité de la substance. Contrairement à l'alcool et au tabac, deux substances consommées presque exclusivement à des fins récréatives, le cannabis peut être utilisé à des fins récréatives ou thérapeutiques, et la distinction entre les deux n'est pas évidente.
Afin que l'on puisse mieux comprendre les problèmes que pose le cannabis relativement à la santé et au bien-être des jeunes, les éducateurs spécialisés dans la réforme de la lutte contre la drogue croient que nous devrions les sensibiliser aux effets négatifs potentiels de la substance, mais aussi à ses effets positifs. Pour ce faire, il faut leur communiquer de l'information holistique, impartiale et fondée sur des données probantes, car c'est la vérité qui compte.
L'omniprésence du cannabis constitue un problème de santé majeur. Les jeunes doivent connaître les faits sur le cannabis afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à cette substance et à sa consommation et éviter du même coup les risques potentiels. Comme le groupe de travail, nous croyons que 18 ans est un âge approprié pour la consommation légale. Cependant, certains membres d'EFSDP estiment que l'âge de 16 ans est également approprié comme l'avait mentionné le Sénat dans son rapport de 2002.
En tant que société, nous devons éliminer les nombreux mythes qui se perpétuent après huit décennies de prohibition. Les éducateurs doivent s'entendre. Alors que certains continuent de favoriser le régime prohibitionniste, les éducateurs reconnaissent de plus en plus que l'alcool, les produits pharmaceutiques et les opioïdes présentent un risque beaucoup plus élevé pour les adolescents. Le neuroscientifique Marc Lewis a rédigé un ouvrage intitulé Memoirs of an Addicted Brain. Il explique en détail le fonctionnement des cannabinoïdes comme agents chimiques naturels du cerveau. Voici un extrait:
Le moment où les récepteurs cannabinoïdes prennent le plus de maturité, ce n'est pas durant l'enfance ou l'âge adulte, mais à l'adolescence. Ce ne serait donc pas surprenant que les récepteurs cannabinoïdes soient plus actifs durant l'adolescence qu'à tout autre moment de la vie. Sur le plan de l'évolution, les adolescents ont peut-être avantage à mettre en action leurs pensées, leurs objectifs et leurs plans grandioses. En agissant de la sorte et en faisant fi des données probantes — et de la force d'inertie — qui les entravent, ils seraient encore plus portés à explorer, à expérimenter, à mettre leurs plans à exécution avec plus de confiance... Les objectifs primaires des adolescents sont de devenir indépendants, de créer de nouvelles relations, de trouver de nouveaux territoires et systèmes sociaux, et, surtout, de nouveaux partenaires. Les distorsions de la pensée des adolescents leur permettent peut-être justement d'atteindre ces objectifs.
Les adolescents font fi de la plupart des conseils de leurs parents et des idées convenues, et seules leurs propres idées comptent. Ils suivent une logique que tous les autres trouvent illogique et ils croient dur comme fer que leurs prédictions se réaliseront. Même à jeun, les adolescents vivent dans leur propre monde d'idées et leurs réflexions mènent à des conclusions extrêmes, même s'il est évident qu'ils ont tort sur toute la ligne.
En 2001, je me suis vu offrir un poste d'administratrice au sein d'une Première Nation dans le Nord de la Colombie-Britannique. Cette expérience a changé ma vie et m'a permis de me rendre compte que les éducateurs et les citoyens canadiens ordinaires n'ont aucune idée des difficultés, des tragédies et de l'adversité auxquelles font face de nombreux jeunes autochtones avant même d'avoir atteint l'adolescence. Ces jeunes ont connu la mort, ils ont été victimes de violence, et leur désespoir est palpable. J'ai rencontré le Dr Maté, médecin spécialiste reconnu de la dépendance aux drogues et auteur des ouvrages In the Realm of Hungry Ghosts et Hold On to Your Kids.
À propos du désespoir vécu par les jeunes des Premières Nations, du dégoût d'eux-mêmes qui les habite et des obstacles à une vie empreinte de liberté et de sens, il a mentionné que l'éducateur ne doit jamais oublier une chose: l'important, ce n'est pas le pourquoi de la drogue, mais bien le pourquoi de la douleur.
Au coeur des traumatismes toujours vifs qui se transmettent de génération en génération, outre les conditions sociales qui perpétuent le désespoir, j'ai été témoin de traumatismes cachés et multigénérationnels dans plusieurs collectivités autochtones. L'histoire des Premières Nations transparaît dans l'art des jeunes autochtones, qui l'expriment brillamment dans leurs danses, leur musique et leur sagesse. Le Dr Maté a affirmé que, lorsque les éducateurs rencontrent leurs pairs des Premières Nations, ils voient leur humanité, leur grandeur, leur souffrance indescriptible et leur force.
Il a été démontré que la Loi sur le cannabis est appliquée de façon discriminatoire sur le plan racial. Le passage de l'école à la prison est une réalité. Les cellules de prison ne peuvent faire office de classe. Nos jeunes autochtones souffrent. Nous devons cesser de cibler les personnes issues de minorités visibles marginalisées et nous devons comprendre les traumatismes et leurs multiples effets sur la mentalité humaine et son comportement. Je suis d'accord avec le Dr Maté lorsqu'il dit que les personnes aux meilleures intentions peuvent sans le vouloir replonger dans le traumatisme ceux qui ont de la difficulté à faire face à la douleur et au deuil.
Le but d'EFSDP est de trouver une solution de rechange aux politiques punitives de lutte contre les drogues qui ont échoué. Peu importe ce que nous faisons, nous ne réussirons jamais à convaincre tous les jeunes de dire non en tout temps. Si nous pouvons régler les problèmes sous-jacents, les jeunes seront moins portés à consommer de la drogue pour faire face à leurs facteurs de stress.
Je vous remercie et je serai ravie de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je m'appelle Paul Renaud, et je suis très reconnaissant d'avoir l'occasion d'être ici aujourd'hui.
Lorsque mon épouse, Judith, était directrice de l'école de bande à Bella Coola, en Colombie-Britannique, la nation Nuxalk m'a embauché en tant qu'agent du développement économique. Ce rôle m'a permis de rencontrer de nombreux membres de la nation et d'entendre leurs histoires. Je me suis vite rendu compte qu'il n'y avait pas beaucoup d'occasions d'emploi dans la région et que de nombreuses personnes touchaient des prestations d'aide sociale. Malgré tout, la consommation d'alcool et de drogues semblait être à la hausse, car les médicaments étaient payés par le gouvernement, et les enfants étaient également sous médication.
Un jour, j'ai décidé de me rendre au tribunal, dont les séances avaient lieu tous les trois mois dans le sous-sol de l'administration de la bande. J'étais surpris et désespéré de voir le nombre de cas d'infractions liées au cannabis et le nombre de jeunes plaignants, soit des adolescents et des adultes dans la vingtaine. J'y voyais une utilisation cruelle du système judiciaire. En même temps, il était évident selon moi que de nombreux membres de la collectivité consommaient du cannabis pour éviter l'alcool, mais les gens évitaient d'en parler en raison des risques liés à la consommation de cannabis.
Vu que le cannabis donne des résultats prometteurs pour le traitement de diverses affections, il sera prescrit à des enfants, qui devront en prendre à l'école, comme tout autre médicament standard. Cela nous amène à un élément très important de la sensibilisation au cannabis: il s'agit principalement d'un médicament.
Comme on l'a déjà mentionné souvent, la distinction entre l'usage récréatif et l'usage thérapeutique est floue. Gabor Maté définit la toxicomanie comme tout comportement qui a des conséquences négatives, dans lequel on est forcé de persister et de rechuter et dont on a envie, malgré ses conséquences négatives. Dans cet esprit, la possibilité qu'une personne, y compris un jeune, consomme du cannabis pour éviter l'alcool ou d'autres drogues plus dures et obtenir un résultat positif ne correspond peut-être pas à la définition de toxicomanie et ne devrait certainement pas être considéré comme une infraction. Les jeunes ne peuvent pas être accusés au criminel pour possession d'alcool. Pourquoi donc devrait-on criminaliser le cannabis?
Il y a de plus en plus de cas, disons, anecdotiques où on consomme du cannabis pour éviter d'autres substances plus néfastes. Certains disent que cela ne peut pas être considéré comme de l'abstinence et que ce n'est qu'un remplacement d'une drogue par une autre. Cela est peut-être vrai en partie, mais, selon un principe de réduction des méfaits, si l'abstinence est impossible, la consommation réduite d'une substance plus nuisible peut être considérée comme un résultat positif.
En moyenne, les membres des Premières Nations sont très jeunes par rapport aux autres Canadiens. Les lois et les politiques de santé publique qui visent les jeunes toucheront les jeunes des Premières Nations de manière disproportionnée, comme dans le cas des taux d'incarcération.
Le gouvernement du Canada dirigé par le s'est dit prêt à consulter les Premières Nations de manière plus concrète et productive. Puisque les nations sont aux prises avec d'importants problèmes de toxicomanie et que de nombreux membres de leurs collectivités consomment déjà du cannabis, elles pourraient bénéficier...
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Monsieur le président et distingués membres du Comité, Portage, l'organisme dont je suis le président, traite depuis près de 50 ans les adolescents, les adultes, les toxicomanes enceintes, les mères avec de jeunes enfants, les collectivités autochtones et les toxicomanes atteints de maladies mentales. Nous offrons des programmes en établissement carcéral ainsi que dans 15 autres pays environ. Portage n'est pas ici aujourd'hui pour débattre du bien-fondé de la légalisation de la marijuana. Plutôt, nous voulons vous faire part de nos préoccupations à propos des impacts indirects du projet de loi sur les jeunes de façon générale, et sur les jeunes toxicomanes en particulier. Nous allons aussi vous présenter quelques recommandations sur la façon dont ces risques pourraient être atténués.
En avril dernier, Santé Canada a publié un document expliquant que le cannabis est une drogue toxicomanogène dont les effets éventuels sur le corps et l'esprit des utilisateurs sont considérables. Toujours selon le document, l'utilisation fréquente, intensive et prolongée du cannabis est susceptible d'entraîner une physicodépendance et des problèmes de toxicomanie. Dans son étude, Anthony a conclu, en se fiant aux critères du DSM-IV, que de 8 à 10 % des adultes et 16 % des adolescents qui consomment du cannabis remplissent les critères de la dépendance au cannabis. En 2013, Callaghan, Allebeck et Sidorchuk se sont intéressés à un autre facteur de risque, soit la prévalence future de cancers du poumon chez les consommateurs intensifs de cannabis qui ont l'âge de s'enrôler aux États-Unis. L'American College of Pediatricians, dans son article d'avril 2017 intitulé « Marijuana Use: Detrimental to Youth », fait état d'un certain nombre d'études sur la relation de causalité potentielle entre la consommation intensive de cannabis et un certain nombre de maladies non infectieuses, par exemple les impacts à long terme sur le système cardio-pulmonaire.
En plus de ces risques associés à la consommation intensive de cannabis, d'autres études mentionnées par l'American College of Pediatricians établissent un lien entre la consommation chronique de marijuana et les maladies mentales. Selon les conclusions des études, il semble qu'il y ait un facteur de comorbidité entre la dépendance au cannabis et divers troubles de santé mentale, comme la schizophrénie. Selon une partie des études citées, il y a une augmentation de près de 50 % des cas de psychose chez les consommateurs de cannabis par rapport aux personnes qui n'en consomment pas. Les auteurs ont axé leurs études sur les conséquences d'une consommation intensive et fréquente, et nous voulons rappeler au Comité que 16 % des jeunes consommateurs correspondent à cette description. Notre exposé aujourd'hui concernera surtout cette minorité importante et très vulnérable ainsi que la façon dont nous pouvons la protéger.
Même si la proportion de consommateurs intensifs et dépendants par rapport aux consommateurs occasionnels est susceptible de demeurer la même, on s'attend à ce que la légalisation entraîne une croissance démesurée dans ces deux groupes. Si on se fie aux données recueillies depuis 2007, on voit qu'il y a eu une augmentation des consommateurs de cannabis chez les jeunes aux États-Unis en raison de la légalisation restreinte et de l'amoindrissement du risque perçu associé à la drogue. Depuis 2014, le nombre de consommateurs de 12 ans et plus est passé de 14,5 millions à 18,9 millions. Aux États-Unis, 7,3 % des personnes admises dans un centre de désintoxication financé par l'État étaient âgées de 12 à 17 ans. Cela met en relief la forte proportion de consommateurs chez les jeunes.
Une étude sur les impacts de la légalisation du cannabis au Colorado relativement aux infractions routières a montré qu'il y a eu une augmentation de 45 % des cas de conduite avec facultés affaiblies entre 2013 et 2014 ainsi qu'une augmentation de 32 % des accidents routiers causant la mort liés au cannabis. En 2013, la consommation de cannabis au Colorado était supérieure de 55 % à la moyenne nationale chez les adolescents et les jeunes adultes et de 86 % chez les adultes de 25 ans et plus.
L'American College of Pediatricians affirme que la légalisation du cannabis entraînera une augmentation de la consommation chez les adolescents, des cas de toxicomanie et des risques connexes. On a comparé les deux années précédant la légalisation et les deux années suivantes en utilisant des données recueillies au Colorado chez différents groupes d'âge: de 12 à 17 ans, de 18 à 25 ans et de 26 ans et plus, et on a conclu que la consommation avait augmenté de 17 à 63 %, tandis que la moyenne nationale pour les mêmes groupes était restée stable ou avait diminué. Callaghan, dans son étude de 2016, a cité divers calculs du nombre approximatif de consommateurs de cannabis en 2013 selon qu'ils soient âgés de moins ou de plus de 25 ans et a conclu que les adolescents et les jeunes adultes étaient représentés de façon disproportionnée chez les consommateurs de cannabis.
Selon les études, il est peu probable que les mesures de contrôle concernant les boissons alcoolisées et les produits du tabac puissent être reprises pour restreindre convenablement l'accès des jeunes au cannabis après la légalisation. Même si la vente et la distribution d'alcool sont interdites aux mineurs, la consommation de boissons alcoolisées est toujours très répandue chez les élèves du secondaire en Ontario, et ce, à tous les niveaux.
Les données concernant les jeunes de 19 ans et moins qui conduisent avec les facultés affaiblies sont très troublantes. Jusqu'à 18 % des personnes impliquées dans un accident de voiture mortel entre 2000 et 2007 avaient les facultés affaiblies par l'alcool, la drogue ou les deux, selon les analyses toxicologiques. Le nombre de personnes qui ont déclaré avoir conduit avec les facultés affaiblies par l'alcool ou le cannabis est également élevé, et le nombre de personnes qui ont déclaré avoir pris place à bord d'un véhicule conduit par une personne dont les facultés étaient affaiblies est encore plus élevé.
Pour revenir à ce que j'ai mentionné plus tôt, on est en droit de se préoccuper des conclusions tirées des données du Colorado relativement aux accidents de la route mortels liés au cannabis après la commercialisation répandue du cannabis médical. Au Colorado, les tentatives pour restreindre l'accès au cannabis médical ont échoué. De 70 à 72 % des jeunes de 12 à 17 ans qui ont dû suivre un programme de désintoxication étaient en majorité dépendants au cannabis, et 74 % des membres de ce groupe ont déclaré consommer le cannabis médical de quelqu'un d'autre.
Maintenant, à la veille de la légalisation, nous sommes en train de discuter de l'âge légal et des façons réglementaires de restreindre l'accès pour les mineurs. Vous voyez où le bât blesse.
D'abord et avant tout, le problème tient au message. Le cannabis n'est pas une substance sans danger. Les adolescents sont de grands consommateurs de cannabis, et ni une limite d'âge ni des mesures de contrôle pour la distribution légale ne sont susceptibles de décourager les adolescents et leurs fournisseurs de poursuivre leurs activités.
En 2014, Hopfer a affirmé que le rapport de 1964 du directeur du Service de santé publique des États-Unis où il déclarait que fumer était dangereux pour la santé a peut-être été l'intervention la plus importante pour lutter contre la toxicomanie. Ce rapport a entraîné, avec l'aide des intervenants dans le domaine de la santé publique, un virage dans la perception du public à l'égard du tabac, suivi par une diminution progressive des fumeurs. Portage craint que le message actuel sur la consommation à des fins récréatives, et le projet de loi en général, aient l'effet contraire. A-t-on déjà réussi à dissuader les adolescents, en général, de faire quoi que ce soit en leur disant « attendez que vous soyez assez vieux »?
On doit se demander qui est avantagé ici. On présume que les recettes tirées de la légalisation, comme c'est le cas pour l'alcool, vont compenser l'augmentation des dépenses pour les programmes et l'éducation dans le domaine de la santé publique. Cependant, une étude menée en 2007 par Rehm et coll. semble indiquer que l'effet inverse est possible. Ils ont conclu que les coûts sociaux et économiques entraînés par la consommation d'alcool sont peut-être supérieurs aux recettes tirées de la production et de la vente. Pourquoi cela serait-il différent pour le cannabis légal vendu par un monopole d'État?
Portage ne voit pas comment les coûts associés aux services de police pourraient diminuer. Même avec la légalisation, l'importation, la production et le trafic sont toujours des actes criminels qui nécessitent l'intervention des policiers et qui entraînent des dépenses juridiques. Le même principe s'applique à d'autres domaines. Diriger le débat sur l'âge minimum et le mode de distribution semble avoir occulté les problèmes qui mineront notre société et nos jeunes une fois que le projet de loi sera adopté. Nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont nous allons protéger nos jeunes à risque, qui vont continuer de sombrer dans la toxicomanie, et peut-être maintenant en plus grand nombre.
J'en viens à nos recommandations, car comme la situation comporte des risques élevés et suppose des conséquences considérables pour un grand nombre de jeunes Canadiens vulnérables, nous ne pouvons pas procéder par tâtonnements. Nous devons bien faire les choses dès le début.
Le gouvernement fédéral, en tant que rédacteur et promoteur du projet de loi , se doit de veiller à ce que toutes les provinces disposent des ressources nécessaires, autant sur le plan financier que sur celui des infrastructures pour réagir adéquatement aux problèmes indirects de santé physique et psychologique qui découleront probablement de l'entrée en vigueur du projet de loi. Le gouvernement doit dicter avec rigueur quelles seront les normes minimales qui s'appliqueront à toutes les provinces et tous les territoires; il ne doit pas décliner toute responsabilité, sous prétexte de respecter les droits des provinces.
Nous recommandons de supprimer les mentions de l'utilisation à des fins récréatives et d'axer le message et la discussion avec les parents, les éducateurs et les employeurs sur les problèmes éventuels que la légalisation entraînera. Il faut aussi se préparer à répondre aux besoins accrus pour le traitement des maladies non infectieuses.
La distribution devrait être rigoureusement réglementée en ce qui concerne l'âge et la quantité achetée et devrait également être surveillée grâce à un registre centralisé. Le gouvernement pourrait prendre exemple sur l'Europe, où il existe des clubs de cannabis dont il faut être membre pour consommer, où la consommation est permise seulement sur les lieux, où il faut avoir l'âge minimum, etc. Ainsi, on pourrait s'assurer de restreindre au minimum les quantités de cannabis légal dans la rue.
Le projet de loi devrait également prévoir d'interdire l'achat aux trafiquants qui ont un casier judiciaire, aux personnes qui ont des antécédents de toxicomanie, aux gens atteints de troubles de santé mentale aigus ou à ceux qui ont été pris à conduire avec les facultés affaiblies.
Nous devrions investir massivement dans la prévention, l'éducation et les traitements afin de répondre à la demande qui sera sûrement exacerbée par la légalisation du cannabis.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
J'aimerais commencer avec certaines statistiques que M. Culbert et Mme Grant ont présentées: 12 % des Canadiens et 30 % des jeunes consomment du cannabis. On nous a beaucoup parlé de ce que les consommateurs veulent et de ce dont ils ont besoin, mais je crois que pour trouver un juste milieu dans ce projet de loi, nous devons nous intéresser à l'envers de la médaille, c'est-à-dire aux 88 % de Canadiens — c'est-à-dire la majorité — qui ne consomment pas. Comment pouvons-nous protéger leurs droits de ne pas être exposés à davantage de préjudices, comme la fumée secondaire, les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par la drogue et les jeunes atteints de psychose ou de schizophrénie? Dans le même ordre d'idée, 70 % des jeunes ne consomment pas de cannabis. Alors, comment pouvons-nous les protéger pour nous assurer qu'ils ne commencent pas?
Les témoins précédents nous ont fait quelques recommandations, et je voulais vous en soumettre deux afin que vous puissiez nous donner vos commentaires, que vous puissiez nous dire s'il s'agit de bonnes idées.
D'abord, il y a la sensibilisation du public: on nous a dit que l'État de Washington, où vivent environ sept millions de personnes, dépense environ 7,5 millions de dollars par année pour la sensibilisation du public. Selon les responsables, c'est un moyen de dissuasion très efficace. Au Canada, avec notre population de 30 millions de personnes, je doute que les 9 millions de dollars prévus par le gouvernement libéral soient suffisants, ou investis en temps opportun. Selon moi, nous devons déployer davantage d'efforts en ce qui concerne la sensibilisation du public, et le plus tôt sera le mieux.
Ensuite, on nous a parlé du message envoyé aux enfants à propos de la quantité appropriée de cannabis pour eux: la loi devrait préciser que c'est zéro pour les personnes de moins de 18 ans et qu'en posséder n'importe quelle quantité est une infraction pouvant donner lieu à une amende. Ce serait mieux que le libellé actuel.
Je vous pose la question à tous: quels sont vos commentaires par rapport à ces deux recommandations? Sont-elles bonnes? Procédons de gauche à droite.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Amy Porath-Waller et je suis la directrice, Recherches et politiques, du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances ou le CCDUS.
Le CCDUS a été créé en 1988. Nous sommes le seul organisme canadien titulaire d'un mandat législatif visant à réduire les méfaits liés à l'alcool et aux autres drogues pour la société canadienne. Nous sommes heureux de pouvoir vous parler aujourd'hui du sujet de l'âge de la possession légale du cannabis et de ses effets sur les jeunes.
L'expertise du CCDUS en la matière repose sur la recherche, des conseils stratégiques et des activités de mobilisation des connaissances qui sont le domaine d'intérêt prioritaire pour nous depuis 2008. Par conséquent, la question de la légalisation du cannabis revêt un grand intérêt pour notre organisation, et nous estimons être bien placés pour contribuer de façon importante à la discussion sur le projet de loi .
Pour ce qui des contraintes de temps, mon exposé aujourd'hui sera bref. Le CCDUS a présenté un mémoire sur le projet de loi en préparation de notre présence aujourd'hui, et nous serions heureux d'aborder les sujets présentés dans le mémoire qui dépassent la portée des jeunes et de l'âge de possession légale.
Comme beaucoup d'entre vous le savez peut-être déjà, les jeunes Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis au monde. Malgré une diminution de la consommation chez les jeunes au cours des dernières années, le cannabis demeure la drogue illégale la plus couramment consommée chez les jeunes Canadiens de 15 à 24 ans. Les jeunes Canadiens de 15 à 24 ans sont aussi deux fois plus susceptibles d'avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année, comparativement aux adultes âgés d'au moins 25 ans.
Les jeunes sont aussi plus à risque que les adultes de subir les méfaits associés à la consommation du cannabis, parce que l'adolescence est une période de développement cérébral rapide. Les risques associés à la consommation augmentent si les jeunes commencent à en consommer plus tôt dans la vie et si la fréquence et la quantité qu'ils consomment sont supérieures. Par conséquent, le fait de retarder le début de la consommation et de réduire la fréquence, la puissance et la quantité de cannabis consommé peut permettre de réduire ce risque.
Un argument important que je veux faire valoir aujourd'hui, c'est que, lorsque nous parlons d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes, nous parlons des outils réglementaires, mais de manière tout aussi importante, nous parlons d'une approche globale fondée sur des données probantes à l'égard de la prévention et de l'éducation du public. Je parlerai davantage de ce dernier point bientôt.
D'abord, l'âge minimum légal de l'accès est un élément important d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation du cannabis chez les jeunes. Vu le nombre de jeunes de 18 à 24 ans qui consomment actuellement du cannabis de façon illégale, le risque accru d'effets sur la santé doit être pris en compte en même temps que les risques associés à la consommation continue de cannabis obtenu à l'extérieur du marché réglementé.
Le fait de fixer la limite légale à 18 ans à l'échelle fédérale signifie que les jeunes ne seront pas visés par des accusations criminelles pour adultes pour possession de cannabis. Le fait de fixer l'âge à 18 ans permet également aux provinces et aux territoires d'établir des règlements supplémentaires qui peuvent décourager la consommation sans les risques associés à la participation de la justice criminelle.
Par exemple, les provinces peuvent songer à faire passer de 18 à 19 ans l'âge de l'accès au cannabis en vue de l'harmoniser avec l'âge minimum légal pour boire dans la plupart des provinces. Cela envoie aux jeunes d'âge légal un message cohérent selon lequel nous leur faisons confiance pour consommer de façon responsable des substances qui peuvent affaiblir leurs capacités et qui sont peut-être dommageables.
Un deuxième outil réglementaire qui est un élément important d'une approche globale à l'égard de la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes est le prix. Nous savons que les jeunes sont sensibles au prix. On rapporte dans la littérature sur l'alcool que le prix minimum normalisé est un mécanisme efficace pour réduire les quantités globales de consommation d'alcool et que l'indexation — ou plutôt l'établissement du prix en fonction de la puissance du produit, et, dans le cas du cannabis, en fonction de la teneur en THC — peut inciter les jeunes à consommer des produits à faible risque. Des analyses continues seront assurément importantes pour nous permettre de nous assurer que l'établissement des prix permet de maintenir un équilibre entre la réduction de la consommation et l'incitation au détournement vers le marché illégal.
En plus de ces considérations réglementaires, il convient aussi d'adopter une approche globale fondée sur des données probantes à l'égard de la prévention et de l'éducation du public afin de fournir aux jeunes Canadiens les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leur consommation personnelle de cannabis. Les données probantes accumulées donnent à penser qu'une approche à facettes multiples, qui suppose plusieurs éléments, y compris des programmes dans des écoles, des ressources pour les parents et les familles, des interventions communautaires ainsi que celles des médias de masse, aidera à maximiser les résultats chez nos jeunes. L'adoption d'une approche globale à l'égard de la prévention et de l'éducation nécessite aussi un investissement proactif et continu, ainsi qu'une surveillance et des évaluations continues pour permettre d'obtenir les effets souhaités.
Le CCDUS a tenu des groupes de discussion avec des jeunes pour comprendre leur perception du cannabis et de la consommation du cannabis. Dans le cadre de ces discussions, les jeunes nous ont dit qu'ils souhaitaient obtenir des renseignements au sujet du risque qui est lié à des résultats concrets et qu'ils souhaitaient connaître des stratégies de réduction des méfaits de manière à pouvoir réduire ces risques s'ils décidaient de consommer du cannabis. Selon les données probantes, et nous avons entendu cela directement de la bouche des jeunes, ils veulent connaître les deux versions de l'histoire du cannabis, les avantages aussi bien que les méfaits. À cette fin, les initiatives d'éducation et de prévention doivent intégrer les commentaires des jeunes afin de produire leurs effets.
Nous savons aussi que les jeunes continuent de s'accrocher à certaines perceptions erronées au sujet du cannabis, y compris la perception selon laquelle tout le monde consomme du cannabis tout le temps. Nous avons entendu dire dans nos groupes de discussion de jeunes que, même s'ils reconnaissent qu'il est dangereux de boire et de conduire, ils ne perçoivent pas le cannabis de la même façon.
Nous savons grâce à nos groupes de discussion ainsi qu'à la documentation de recherche en général que les jeunes sont influencés par Internet, les médias et le discours public sur le cannabis. Des renseignements clairs, uniformes et factuels qui déconstruisent les mythes et les perceptions erronées sont donc essentiels pour trancher dans les nombreuses sources et les nombreux types de renseignements et de messages auxquels les jeunes sont exposés par rapport au cannabis de façon quotidienne. De tels renseignements aideront à établir des normes sociales réelles qui réduisent la consommation de cannabis plutôt que de l'encourager.
Nous savons également grâce à nos recherches que les jeunes veulent recevoir des renseignements de sources qui parlent avec crédibilité du cannabis et en lesquelles ils ont confiance. Selon l'âge, cela comprend des parents et des éducateurs, mais peut-être de façon plus importante encore, des pairs. Par conséquent, l'adoption d'une approche globale à l'égard de la prévention signifie de fournir la formation nécessaire, des ressources et des messages cohérents aux parents, aux éducateurs, aux fournisseurs de soins de santé, aux mentors, aux alliés des jeunes ainsi qu'aux pairs. Cela suppose également de fournir aux jeunes des capacités leur permettant d'évaluer de façon critique les renseignements qu'ils reçoivent. Cela peut comprendre la littératie numérique et les connaissances des médias.
Il importe aussi qu'une approche globale comprenne des messages ciblés concernant la consommation de cannabis à risque élevé afin d'aider les jeunes à prendre des décisions éclairées et à réduire les méfaits. Cela comprend des renseignements au sujet des effets de la consommation fréquente et importante de cannabis, de l'utilisation à un âge précoce, de la consommation en combinaison avec d'autres substances — parce que nous savons que les jeunes consomment souvent d'autres substances en même temps — de la consommation par des jeunes ayant des problèmes de santé mentale ainsi que de la consommation par des jeunes femmes enceintes.
En conclusion, les règlements, la prévention et l'éducation du public peuvent fonctionner ensemble à promouvoir la prise de décisions saines chez les jeunes, en augmentant la sensibilisation à l'égard du risque et de stratégies de réduction du risque. Pour être efficaces, la prévention et l'éducation du public exigent des messages clairs, exacts et cohérents qui sont ciblés et appropriés pour les publics clés, et ceux-ci doivent être livrés par des messagers de confiance.
J'aimerais remercier le Comité de m'avoir permis de parler aujourd'hui de cette question d'importance vitale pour les Canadiens. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, Marc. Comme vous l'avez dit, j'ai commencé ma pratique médicale en 1972. Peu après, je me suis intéressé aux dépendances, parce que personne d'autre ne le faisait et que je ressentais un grand besoin.
Au fil des ans, je me suis occupé d'innombrables personnes, et ce, avec grand succès. J'ai élaboré certaines clés et certaines techniques, et peut-être que le fait de vous les communiquer vous aidera à comprendre le dilemme qui se présente à nous avec la consommation juvénile du cannabis. J'ai une accréditation en médecine des toxicomanies, et j'espère que ces commentaires pratiques aideront à alimenter la création d'un programme d'éducation publique, qui doit même précéder la légalisation.
Dans le cadre du présent exposé, la consommation du cannabis concerne surtout les produits à haute teneur en THC. Cela ne comprend pas le cannabis consommé à des fins médicales, qui est surtout le cannabidiol ou le CBD. Il est très important de faire cette distinction.
Les adolescents commencent souvent à consommer du cannabis pour soulager l'anxiété propre à l'adolescence, naturellement, et comme résultat de la pression qu'exercent les pairs; mais au-delà de l'usage à des fins récréatives, pour certains jeunes, le cannabis est une forme d'auto-médication pour un trouble sous-jacent, qu'il soit mental ou affectif. Le plus courant est le trouble déficitaire de l'attention, avec ou sans hyperactivité. Celui-ci provoque de l'anxiété et un sentiment d'insuffisance chez les jeunes. La consommation de cannabis calme leur anxiété, mais elle diminue malheureusement aussi leur capacité d'attention, ce qui aggrave le problème.
Le TDAH et la dépendance coexistent dans au moins 50 % des cas. Je peux dire qu'une bonne partie des jeunes que je traite ont un problème sous-jacent de TDAH qui n'a pas été traité. Lorsque je le traite, nous obtenons du succès.
D'autres troubles psychiatriques coexistants comprennent l'anxiété généralisée, la psychose latente, le trouble de stress post-traumatique et le trouble bipolaire. Toutes ces affections existent à l'adolescence et sont beaucoup trop fréquemment oubliées par le médecin traitant. Ces adolescents doivent recevoir un diagnostic et être traités, sinon ils continueront de s'auto-administrer des médicaments.
Les parents d'adolescents qui consomment fréquemment du cannabis et les médecins qui les traitent sont bien au courant des troubles cognitifs caractéristiques qui influent sur le traitement de la mémoire, le raisonnement et le jugement, l'exécution des tâches, les idées et la perception temporelle. Ces troubles s'accentuent en fonction de la durée et de l'intensité de la consommation et prennent plusieurs mois à se régler après la cessation de la consommation. Il s'ensuit un retard du processus de maturité affective, qui, comme vous le savez, n'est habituellement pas terminé avant l'âge de 25 ans, dans des circonstances normales.
Si une dépendance apparaît, comme c'est le cas chez un minimum de 17 à 25 % des usagers adolescents, on remarque aussi les caractéristiques de la dépendance: une perte de contrôle de la quantité consommée, assortie du défaut de reconnaître les conséquences néfastes de la consommation et d'une envie menant à une consommation obsessionnelle. Le syndrome de sevrage qui suit la cessation de consommation de cannabis, qui comprend de l'irritabilité, de l'insomnie et de la désorganisation, dure environ deux semaines. Cela joue un rôle dans la difficulté d'arrêter.
Au-delà de tout cela, le nombre de mois qu'il faut pour régler le trouble cognitif causé par la consommation de cannabis contribue à une deuxième phase de sevrage, tandis que la personne s'éveille à une réalité qui est entièrement étrangère et effrayante, ce qui l'amène à éprouver de la panique et de l'anxiété, réactions qui nécessitent souvent un énorme soutien, y compris de la médication. Le type de comportement que nous remarquerons, c'est celui du jeune de 18 ans qui a cessé de consommer, qui n'est pas passé par sa phase de croissance évolutive normale de 13 à 18 ans, et qui recommence à adopter le comportement d'un jeune de 13 ans.
Peu d'études longitudinales prouvent ce qui est fréquemment observé et ce dont je vous parle. Toutefois, ce type d'études est en train d'apparaître. Le National Institute on Drug Abuse, à Washington, D.C., a produit — notamment Nora Volkow — un travail colossal, et on a cité ses travaux ailleurs. Une nouvelle étude menée en 2016 par le NIDA qui portait sur le développement cérébral et cognitif des adolescents devrait permettre de mettre au jour plus de données probantes.
Une étude menée au Royaume-Uni en 2016 s'est penchée sur le modèle de la consommation de cannabis durant l'adolescence et son lien avec la consommation de substances dangereuses plus tard au cours de la vie. L'étude a mesuré chez plus de 5 000 adolescents suivis de l'âge de 13 à 18 ans la quantité de nicotine, d'alcool et de drogues illicites consommée. Lorsque ces personnes ont eu 21 ans, on a recueilli toutes les données de l'étude et révélé que la consommation problématique de nicotine, d'alcool et de drogues illicites se produisait dans 20 % des cas chez les personnes qui consommaient du cannabis, et cela, à une intensité comparable à celle de leur consommation de cannabis.
Ce sont des études très révélatrices qui sont enfin menées. C'est le genre de choses que nous avons constatées pendant des années, mais qui sont mises en lumière seulement maintenant. Malheureusement, on doit investir davantage pour alimenter votre programme d'éducation publique.
Le problème croissant de la dépendance à des substances illicites et à des médicaments d'ordonnance détournés chez les adolescents et les adultes est directement lié à des niveaux élevés de consommation régulière du cannabis également. Peu importe l'âge, la grande majorité des gens que nous traitons pour un trouble lié à la toxicomanie a commencé à consommer du cannabis tôt dans la vie. Chaque héroïnomane, cocaïnomane et accro au speed que je traite à 20, à 30, à 40 ou à 50 ans a commencé à consommer du cannabis vers 12 ou 13 ans. Dans le cas d'adolescents entraînés dans la crise des opioïdes, chaque adolescent que je vois et qui inhale de l'Hydromorph Contin, soit une quantité énorme d'opiacés, a commencé par le cannabis. C'est parce qu'ils ont perdu la faculté de discerner les dangers.
Comme je l'ai mentionné, les adolescents vont se procurer du cannabis et en consommer peu importe les restrictions légales. Dans cette optique, la création d'un programme d'éducation publique détaillé est primordiale.
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Merci, docteur Barakett.
Les jeunes Canadiens arrivent au deuxième rang des grands consommateurs de cannabis dans le monde, ce qui est déjà très problématique, même avant que le cannabis à des fins récréatives devienne légal. Le cannabis vient au second rang des substances utilisées par les adolescents après l'alcool, un peu plus d'un adolescent sur cinq, ou 21 %, en ayant consommé au moins une fois. Toutefois, à mesure que les adolescents vieillissent, la consommation grimpe à plus d'un tiers — 37 % en réalité — en 12e année.
Le fait que l'âge minimum pour la consommation de cannabis à des fins récréatives soit établi à 18, à 21 ou à 25 ans n'aura pas une grande importance si nous ne fournissons pas aux parents et aux enfants de meilleures approches pour traiter la consommation de drogues. Jeunesse sans drogue Canada a déjà commencé à lancer des campagnes de prévention et d'éducation, mais il faudra faire beaucoup plus encore.
Nous avons déjà produit une brochure qui a été distribuée à plus de 100 000 exemplaires, et une campagne nationale multimédia de plusieurs millions de dollars pour la soutenir est en cours depuis la mi-juin. Elle se terminera à la fin septembre et sera répétée l'automne prochain, et ce, jusqu'en janvier 2019.
Une étude récente a permis à JSD d'évaluer la valeur de la prévention pour la société. Le coût à vie pour la société d'un adolescent qui souffre d'une dépendance est de 450 000 $. Ce coût tient compte de la santé, de l'application de la loi et de la perte de productivité, mais pas du coût humain pour les personnes et les familles.
L'avantage du message de prévention de JSD, qui encourage les parents à prendre part à des conversations utiles avec leurs enfants au sujet des drogues, a permis de protéger 700 adolescents de la consommation de substances chaque année. Si le coût pour la société d'un adolescent accro est de 450 000 $, les messages de prévention et d'éducation de JSD ont permis de faire économiser aux Canadiens près de 2 milliards de dollars durant six années d'activités.
Comme société, nous devons montrer à nos jeunes qu'il y a de meilleures façons que de se tourner vers le cannabis ou d'autres substances pour traiter des problèmes personnels ou des problèmes de santé mentale. Nous croyons que les parents peuvent jouer un rôle essentiel pour ce qui est de changer la relation que les enfants ont avec les drogues, et nous sommes ici pour les éduquer et les soutenir. Nous voulons aider les parents à renforcer chez leurs enfants la résilience pour leur permettre de composer avec les réalités auxquelles ils font face au XXIe siècle.
En ce moment, nous connaissons les conséquences néfastes du cannabis. Assurons-nous de proposer des stratégies de sensibilisation à l'éducation et à la prévention efficaces bien avant l'adoption de la législation, en fournissant des messages continus qui sont cohérents et clairs, pour nous assurer que nos jeunes sont protégés.
Nous devons vous rappeler la promesse du gouvernement d'affecter une partie des recettes à la prévention et à l'éducation. C'est la seule façon que nous avons de nous assurer que les jeunes sont outillés pour prendre des décisions éclairées au sujet d'une substance connue comme étant néfaste pour leur santé et leur bien-être, mais qui deviendra bientôt légale.
J'aimerais remercier le Dr Barakett, du Comité consultatif de JSD, et les membres du Comité de nous avoir permis d'exposer notre point de vue.
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Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à présenter les travaux de l'Institut national de santé publique du Québec, l'INSPQ, sur la question de la légalisation du cannabis. À l'Institut, nous sommes toujours intéressés à faire part de notre expertise à nos collègues à travers le Canada. Nous l'avons fait au cours de l'hiver dernier au moyen d'une présentation au programme FPT sur la légalisation du cannabis. Nous avons aussi présenté des webinaires à l'occasion des audiences pancanadiennes et donné une conférence sur la légalisation du cannabis à l'Association canadienne de santé publique à Halifax, l'été dernier. Nous allons continuer à présenter nos travaux aujourd'hui et nous espérons que vous en tirerez profit.
L'INSPQ est un organisme parapublic qui a été créé par le gouvernement du Québec. Il est un centre d'expertise et de référence scientifiques qui a pour mission de soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et les directions régionales de santé publique dans l'exercice de leurs responsabilités en matière de santé de la population. C'est à ce titre que nous présentons des travaux depuis de nombreuses années sur l'alcool et le tabac, et maintenant sur le cannabis. Tous ont un point commun assez important, et nous y reviendrons dans notre présentation.
La commercialisation des substances psychoactives est un élément important de l'équation si on veut réduire les méfaits et en prévenir l'usage. Depuis longtemps, nous nous intéressons à l'alcool sous l'aspect de sa commercialisation, et essentiellement à l'histoire de la santé publique en ce qui concerne le tabac et son industrie. C'est un problème de santé publique que nous cherchons à contenir depuis 70 ans. Nous avons décidé que nos commentaires d'aujourd'hui sur le projet de loi concerneront ces éléments commerciaux. Pour ma part, je vais présenter strictement notre position sur l'âge minimum pour l'accès au cannabis, qui est un élément de la stratégie visant à contenir la commercialisation, et Mme Maude Chapados abordera d'autres questions plus tard.
La position de l'INSPQ sur la question de l'âge d'accès au cannabis correspond à une recommandation que nous avons formulée aux autorités québécoises, qui est de fixer cet âge à 18 ans, de manière à ce qu'il soit cohérent avec celui qui est exigé pour l'alcool et le tabac au Québec. Dans les prochaines minutes, je vais essayer de vous expliquer les raisons de notre position.
D'abord, selon la littérature scientifique, on sait que le fait de hausser l'âge d'accès à 21 ans pourrait retarder sensiblement l'âge de l'initiation au cannabis. C'est un inconvénient pour la santé publique d'avoir un âge d'accès un peu plus bas. En revanche, il y a beaucoup d'avantages à maintenir cet âge d'accès plus bas. Si on présume que la légalisation peut avoir des effets bénéfiques, il serait bien d'en faire bénéficier aussi les gens de 18 à 21 ans si on pensait prendre position pour un accès à 21 ans.
Si vous n'avez pas suivi nos travaux, je vous signale que l'Institut a recommandé aux autorités québécoises de mettre sur pied un système de distribution à but non lucratif. Qu'il soit entre les mains du secteur public ou du secteur privé, nous avons mis l'accent sur le fait qu'il soit sans but lucratif. Qu'il soit contrôlé par l'État ou par des organisations sans but lucratif, nous souhaitons que la mission première de ce système ne soit pas de faire des profits, mais de prévenir et de réduire les méfaits. C'est l'orientation que nous avons prise; il pourrait donc y avoir des désavantages à hausser l'âge d'accès au cannabis.
Si on tient pour acquis que notre système de distribution accomplira sa mission de prévention et de réduction des méfaits, on peut se dire qu'il faudrait en faire bénéficier les 18-21 ans sur au moins deux plans. Le premier plan concerne la prévention de l'usage et la réduction des méfaits. Il faudrait que cela s'applique aux 18-21 ans si on pense éliminer cette catégorie du projet de loi.
Concernant la réduction des méfaits, nous avons beaucoup travaillé sur l'assurance de la qualité des substances, par exemple. Nous souhaitons que la qualité des substances soit contrôlée afin qu'elles soient sécuritaires aussi pour les 18-21 ans. En haussant l'âge légal d'accès au cannabis, nous pensons que cela éliminerait, au moins en partie, l'accès à une substance de qualité contrôlée pour cette catégorie d'âge, ce qui ne semble pas tellement approprié.
Si vous comprenez bien mon propos, l'âge de l'accès au cannabis est une question importante, mais ce n'est qu'un élément faisant partie d'un ensemble de préoccupations que nous avons, à l'Institut, sur les substances psychoactives, et sur leur commercialisation en particulier.
Je vous ai parlé de l'alcool et du tabac, mais la raison pour laquelle la situation est si préoccupante est la même dans le cas du cannabis. Au Colorado, une commercialisation intense a été mise sur pied et on a pu en observer les conséquences sur les habitudes de consommation, aussi bien globales que par catégorie d'âge. Cela nous concerne directement aujourd'hui. Chez les jeunes de 12 à 17 ans, entre 2009 — soit le début de la commercialisation du cannabis au Colorado — et 2014, l'usage déclaré au cours des 30 derniers jours est passé de 10 % à 12,5 %. Chez les jeunes de 18 à 25 ans, on est passé de 26 % à 31 %. Autrement dit, au sein de deux groupes d'âge qui nous concernent directement aujourd'hui, l'usage déclaré a augmenté respectivement de 25 % et de 20 % au Colorado. Vous avez reçu hier, je crois, des intervenants du Colorado et de Washington. On a observé dans ces endroits des conséquences quant aux admissions à l'urgence et aux collisions de la route impliquant des personnes dont le taux de THC a été vérifié. On peut observer d'emblée les conséquences que subit le système de santé.
Avant de clore ma présentation, j'aimerais préciser que cette situation dépasse la question de l'âge. Le système qui a été mis sur pied au Colorado a mené à une commercialisation intense. Nous pensons, en nous fondant sur notre analyse, que c'est cet accent mis sur la commercialisation, le marketing et la publicité concernant le cannabis qui ont mené aux résultats qu'on a pu observer.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue Mme Maude Chapados, qui va vous parler d'autres dimensions du projet de loi qui, à notre avis, mériteraient une certaine attention.
Bonjour.
Au-delà de l'âge minimum, la prévention de l'usage du cannabis chez les jeunes passe en grande partie, comme l'a dit mon collègue, par la mise sur pied d'un cadre légal serré autour de ce produit que nous considérons comme pas ordinaire ou un « no ordinary commodity », comme diraient certains collègues de santé publique.
La création d'environnements où l'usage de substances psychoactives n'est pas stimulé ou banalisé figure parmi les meilleures pratiques de prévention de l'usage. Les dispositions prises par les provinces et les territoires en matière de vente et de lieux de consommation autorisés seront déterminantes dans la création de ces environnements. Cependant, certaines mesures prévues par le projet de loi et les règlements qui en découleront seront également d'une grande importance pour la commercialisation de la substance, notamment auprès des populations plus vulnérables comme les jeunes, soient-ils majeurs ou mineurs.
L'INSPQ saisit dès lors l'occasion qui lui est donnée aujourd'hui pour réitérer certaines analyses présentées dans son mémoire déposé en août dernier, afin d'assurer un meilleur encadrement des pratiques de marketing.
Les recherches sur les pratiques commerciales dans l'industrie du tabac et de l'alcool ont montré à quel point le raffinement de ces stratégies pouvait engendrer des effets sur la consommation des substances et les problèmes de santé qui y sont associés. Les recherches ont également démontré comment les jeunes y étaient particulièrement perméables. C'est pourquoi l'INSPQ encourage dès lors l'interdiction de toute forme de publicité ou de promotion de marque, ce qui soulève en particulier quatre préoccupations en lien avec le projet de loi à l'étude et les jeunes.
Premièrement, l'emballage neutre devrait être imposé d'emblée et contenir les informations permettant un jugement éclairé sur la nature du produit. L'emballage constituant en soi un outil de promotion du produit, l'interdiction prévue à l'article 26 voulant qu'il ne soit pas jugé attrayant pour les jeunes n'est pas claire, peut laisser porter à interprétation et ne semble pas suffisamment forte. Le rapport de la consultation sur la banalisation des emballages des produits du tabac publié en janvier 2017 devrait certainement s'avérer instructif à cet égard.
Deuxièmement, les objets promotionnels ne devraient pas être tolérés. Les casquettes, les chaussettes, les t-shirts et les tasses illustrant des feuilles de chanvre ou exposant des marques de compagnies de cannabis médical sont déjà en vogue, notamment chez les jeunes, et ils favorisent la banalisation de la substance. L'exposition de marque sur une autre chose, dont il est question au paragraphe 17(6) du projet de loi, semble ouvrir la porte à des produits dérivés du même genre. Encore là, l'interdiction visant à assurer que cette autre chose ne soit pas attrayante ou associée pour les jeunes demeure floue, et cette pratique de promotion de marque devrait être interdite.
Troisièmement, la promotion de marque dans les lieux interdits aux mineurs permise par le paragraphe 17(2) soulève le même problème que l'emballage ou les produits dérivés. D'abord, on sait que les mineurs réussissent souvent à fréquenter ces lieux. Les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans constituent le groupe où l'on retrouve la plus forte proportion de consommateurs. D'ailleurs, on s'interroge à savoir s'il ne faudrait pas hausser l'âge légal. Le fait que ce groupe de jeunes adultes puisse être exposé à de la publicité dans les bars, par exemple, cadre mal avec une approche de santé publique. Ce type de promotion encourage non seulement l'usage du cannabis, mais peut inciter de manière insidieuse à la consommation concomitante d'alcool, pratique qui peut s'avérer à très haut risque, vous en conviendrez, particulièrement en matière de transport.
Quatrièmement, mentionnons que toute la stratégie efficace d'encadrement de la publicité ou de la promotion devrait idéalement inclure le Web. Le projet de loi interdit la diffusion de la promotion par la presse, la radio et la télévision, mais il demeure silencieux sur les mesures qui seront prises par la suite pour l'encadrer sur le Web. Or, c'est sur les plateformes numériques que s'activent déjà de manière prédominante les jeunes et l'industrie, et cette réalité devrait faire l'objet d'une attention soutenue dans la réglementation ultérieure.
En bref, s'il s'avère légitime de s'interroger sur la possibilité de fixer l'âge d'accès légal au-delà de la majorité, dans la mesure où l'âge légal est un déterminant de l'âge d'initiation, cela pose des enjeux de cohérence avec les dossiers de l'alcool et du tabac, des substances autant, sinon plus toxiques que le cannabis. La discussion d'un âge plus élevé que 18 ans pour le cannabis doit donc s'effectuer dans le cadre d'une discussion élargie autour des substances psychoactives et, en fait, sur l'âge de la majorité.
Entretemps, il s'avère possible, selon l'INSPQ, de modifier ou de clarifier certaines dispositions du projet de loi et des règlements qui vont en découler, afin de diminuer la promotion commerciale du cannabis auprès des jeunes.
Nous espérons que les éléments de réflexion soumis aujourd'hui vous aideront en ce sens.
Merci.
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Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui et d'avoir présenté votre exposé.
Simplement à titre de déclaration liminaire, je dois dire que nous sommes à mi-chemin de notre semaine d'étude du projet de loi. Au bout du compte, les membres du Comité devront faire un examen ligne par ligne et article par article du projet de loi.
À mon avis, la législation a été proposée en vue d'atteindre trois objectifs principaux. Le premier, c'était de retirer ces drogues des mains des jeunes, ou du moins, de réduire leur accès à ces drogues. Le deuxième consistait à réduire la fonction et le rôle du marché noir et du crime organisé, et, à tout le moins, à réduire leur accès à ce lieu et aux recettes qui en sont tirées. Le troisième concernait un objectif de santé publique, soit de s'assurer que le cannabis à des fins de consommation était produit par des établissements autorisés, nous permettant ainsi de comprendre la sécurité du produit et la toxicité ou le dosage du produit pendant sa préparation.
La plupart des exposés que nous avons entendus semblent appuyer la législation, mais ils n'appuient pas la façon dont on équilibre ces trois objectifs, particulièrement le premier et le deuxième, et je veux donc les démêler un peu plus.
Par exemple, madame Porath, je ne l'ai pas entendu clairement aujourd'hui, mais je pense que, dans le passé, vous avez recommandé l'adoption d'une stratégie concernant l'établissement d'un prix minimum normalisé pour réduire la consommation, un genre de prix minimum national, est-ce exact? Si ce n'est pas le cas, toutes mes excuses, mais je crois comprendre que c'est quelque chose que vous avez dit. On arrive ensuite à un moment où le crime organisé connaît exactement le prix le plus bas jusqu'où ses concurrents sont prêts à aller, et il peut donc en faire une histoire de prix.
Nous avons entendu d'autres témoins dire que si le marché autorisé ne produit pas de variation dans les drogues, y compris même dans certains des produits les plus distillés ou de puissance supérieure, les jeunes iront les chercher. De nouveau, cela ouvre la porte au marché noir pour offrir des solutions de rechange et pour exposer des produits emballés et quoi que ce soit d'autre.
Pourriez-vous parler brièvement de cet équilibre? Je crois comprendre que, à votre avis, le fait d'accorder un intérêt particulier à la santé peut nous mener sur une voie, mais cela ouvre alors cette autre fenêtre de compétition par rapport à l'accès au marché noir, avec lequel nous essayons aussi de composer. C'est la dualité de l'action. Pouvez-vous exposer votre point de vue et la façon dont vous souhaiteriez équilibrer ces éléments?
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Nous reprenons la réunion 66.
Nous sommes maintenant en compagnie d'un groupe de témoins qui parleront de prévention, de traitement et de consommation à faible risque de cannabis. Souhaitons la bienvenue à ceux qui témoignent par vidéoconférence et à ceux qui sont présents.
Je vais faire les présentations.
Gabor Maté, médecin à la retraite, comparaîtra par vidéoconférence en Colombie-Britannique à titre personnel.
Nous entendrons Benedikt Fischer, scientifique principal de l'Institut de recherche sur les politiques de santé mentale. Avec un peu de chance, nous entendrons Bernard Le Foll, chef du Service de traitement médical de la toxicomanie par vidéoconférence de Toronto.
Est-il avec nous?
Je pense qu'il n'est pas là. Son fauteuil est vide.
De Toronto, nous entendrons Eileen de Villa, médecin-hygiéniste de Santé publique de Toronto.
Merci beaucoup d'être venue.
Sharon Levy, directrice du Programme pour adolescents toxicomanes de l'hôpital pour enfants de Boston témoignera par vidéoconférence de New York à titre personnel.
Bienvenue. Merci de prendre le temps de nous aider avec cette question.
Michelle Suarly, présidente du Groupe de travail sur le cannabis et Elena Hasheminejad, membre du Groupe de travail sur le cannabis de l'Association pour la santé publique de l'Ontario sont avec nous.
Bienvenue et merci beaucoup.
Nous allons commencer par une déclamation préliminaire de 10 minutes. Je crois savoir que certains d'entre vous vont partager le temps, mais j'aimerais qu'on essaie d'en rester à 10 minutes.
Je vais offrir au Dr Maté, qui est médecin à la retraite, de commencer avec une déclaration préliminaire de 10 minutes.
Si vous le souhaitez, donnez-nous une idée de votre position à l'heure actuelle.
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Merci de m'inclure dans la conversation. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
J'ai travaillé pendant 12 ans dans le Downtown Eastside de Vancouver, qui est reconnu dans toute l'Amérique du Nord comme étant le quartier où la consommation de drogues est la plus concentrée; et à l'heure actuelle, je voyage beaucoup à l'échelle internationale pour parler de la dépendance et des problèmes connexes.
Avant tout, en ce qui concerne le cannabis, je me réjouis du projet de loi qui va apporter une certaine rationalité dans la politique touchant cette substance. En général, les lois relatives à la drogue — et j'y reviendrai plus tard — sont plutôt irrationnelles, dans le sens où elles ne comportent aucun lien logique et ont très peu de liens avec les données scientifiques de quelque nature que ce soit.
Pour ce qui est de la marijuana, il s'agit d'une substance présente depuis longtemps. Je crois que le premier document archéologique montrant la consommation de la marijuana par l'homme remonte à 4 000 ans, et il a été mentionné pour la première fois dans un compendium médical publié en Chine en l'an 2700 av. J.-C.; alors, sa consommation remonte à très loin.
Dans les temps modernes, la substance était bien connue de l'Inde britannique, où les médecins l'ont étudiée et ont découvert qu'elle aidait à soulager la nausée, à détendre les muscles et à apaiser la douleur. D'ailleurs, la reine Victoria s'est elle-même fait prescrire de la marijuana pour ses crampes menstruelles, alors l'utilisation médicale de la substance et ce que vous pourriez appeler son utilisation à des fins récréatives remontent à très longtemps.
Du point de vue du risque d'accoutumance, il est tout faux de croire que la plante en soi crée une dépendance ou qu'il s'agit d'une drogue d'introduction pour d'autres dépendances. S'il existe une substance d'introduction à l'accoutumance, c'est le tabac, puisque la majorité des gens qui ont eu une dépendance à quoi que ce soit ont d'abord fait usage du tabac. Mais ce n'est pas une question d'introduction. En réalité, pour toutes les substances, qu'il s'agisse de marijuana, d'héroïne, d'alcool, d'aliments ou de stimulants comme la cocaïne, la majorité des gens qui en font usage de manière répétée ne deviennent jamais dépendants, mais une minorité le deviendra.
La question qui se pose toujours est la suivante: la substance crée-t-elle une dépendance? La réponse est oui et non. En soi, aucune substance ne crée de dépendance, et pourtant, tout peut créer une dépendance. Le fait qu'une chose crée une dépendance ou non repose grandement sur la susceptibilité de la personne. Maintenant, ces susceptibilités peuvent être déterminées génétiquement dans une certaine mesure, mais pour l'essentiel, je ne sais pas où trouver les réponses. Je pense fondamentalement que les substances que consomment les gens ont une fonction dans leur vie.
Si on prend le cas d'une personne qui souffre de TDAH, par exemple, il est bien connu que les enfants souffrant d'un trouble déficitaire de l'attention sont plus susceptibles de consommer de la marijuana. Pourquoi? Parce qu'elle calme le cerveau hyperactif. Bien souvent, les dépendances sont une forme d'automédication; elles commencent comme automédication.
La marijuana apaise également l'anxiété. Cela veut-il donc dire que sa consommation est inoffensive? Pas nécessairement, parce que certaines personnes vont commencer à s'automédicamenter puis elles vont commencer à consommer à un point tel que cela crée un problème dans leur vie. Vient une dépendance. Donc, la question de savoir si une substance crée une dépendance n'a rien à voir avec la substance en soi: il faut déterminer si une personne en consomme à un point tel que cela crée une incidence négative sur sa vie. Comme toute autre substance, la marijuana peut avoir cet effet, donc on ne peut pas vraiment dire qu'elle crée une dépendance, mais on ne peut pas dire qu'elle n'en crée pas. Encore une fois, c'est une question très personnelle, et ce qu'il faut déterminer c'est la façon de l'aborder.
Avant tout, nous devons aborder la question de manière rationnelle. Le personnel non médical pourrait être choqué ou surpris d'apprendre que les substances légales comme le tabac et l'alcool sont, médicalement, beaucoup plus nuisibles que presque toutes les substances illégales. Par exemple, si vous prenez 1 000 gros fumeurs ou gros buveurs et que vous les comparez à 1 000 héroïnomanes qui consomment tous les jours une quantité qui n'entraîne pas de surdose, et que vous observez ces personnes 10, 15 ou 20 ans plus tard, vous verrez qu'il y a beaucoup plus de cas de maladie et de décès chez les consommateurs d'alcool et de tabac que chez les consommateurs d'héroïne. Cela est particulièrement vrai pour la marijuana.
Des études à long terme montrent qu'avec le temps, les consommateurs de marijuana ne subissent tout simplement pas de conséquences considérables, à part une exception notable près, et j'espère que le Comité en tiendra compte. Une étude très convaincante menée par les Britanniques a révélé que si les adolescents consommaient de manière intensive de la marijuana durant la période de développement cérébral, cela pouvait en fait avoir des conséquences nuisibles sur leur fonctionnement psychosocial et cognitif à long terme. En d'autres mots, même s'il est vrai que la marijuana n'est pas aussi nuisible que le tabac et l'alcool, des substances déjà légales, il est aussi vrai que si elle est consommée abondamment durant la période de développement du cerveau des adolescents, elle peut avoir des effets négatifs à long terme.
Ce qu'il faut savoir, c'est comment aborder ces problèmes. Le problème avec les adolescents et la marijuana, c'est que même si la substance a toujours été entièrement illégale, elle l'était jusqu'à aujourd'hui, cela n'a jamais empêché les adolescents d'en consommer. En fait, c'est la chose la plus facile à obtenir pour presque tous les jeunes de 12 ans et plus.
Je ne sais pas si le projet de loi peut possiblement régler ce problème. Je ne sais pas quelles mesures légales pourraient empêcher les adolescents d'en consommer. En d'autres mots, lorsque nous pensons à la prévention, nous devons vraiment nous pencher sur la raison pour laquelle les gens consomment une substance, la culture qui motive leur utilisation et la façon dont nous pouvons aborder ces problèmes.
Malheureusement, lorsqu'il est question de stratégies de prévention de la toxicomanie, le fait de dire aux jeunes que la substance est mauvaise pour eux ne fonctionne tout simplement pas. La raison est la suivante: les jeunes qui écoutent les adultes ne sont pas à risque. Ceux qui sont réellement à risque n'écoutent pas les adultes. Le vrai problème concerne la façon de créer les conditions propices dans nos foyers et nos écoles pour que les jeunes écoutent réellement ce que leur disent les adultes. Sans ce lien de confiance du côté de l'adolescent, les jeunes vont simplement écouter beaucoup plus leurs pairs que les adultes.
La dépendance à la marijuana existe bel et bien. Je définirais la dépendance comme tout comportement, qu'il soit lié à une substance ou non, caractérisé par une personne qui ressent un manque à l'égard de quelque chose, quelque chose qui lui procure un plaisir temporaire ou quelque chose qu'elle aime faire, et qui la soulage temporairement, mais qui entraîne des conséquences négatives à long terme et à quoi la personne n'arrive pas à renoncer. C'est ce qu'on appelle une dépendance.
Lorsqu'il s'agit de traiter une dépendance, le fait de traiter uniquement la dépendance est inadéquat, puisqu'il y a toujours une raison pour laquelle une personne consomme une substance ou adopte un certain comportement. Lorsque vous demandez à une personne pour quelle raison elle consomme de la marijuana, elle dira que c'est pour se sentir plus détendue. Si vous posez la question à une personne qui consomme de l'héroïne, elle dira que c'est pour ne pas ressentir la douleur émotionnelle.
En d'autres mots, le problème réel n'est pas la consommation de marijuana ou d'héroïne; le vrai problème réside dans la douleur émotionnelle que ressent cette personne. Le vrai problème est le bouleversement dans le cerveau de la personne. Autrement dit, les dépendances sont toujours une deuxième tentative de résoudre un problème. Je dois dire qu'au pays, le traitement des dépendances n'aborde pas les vraies questions la plupart du temps. Le traitement des dépendances, dans la plupart des cas, aborde la dépendance, mais pas les causes sous-jacentes, les raisons pour lesquelles la personne se comporte ainsi. Ces traitements sont insuffisants.
Pour ce qui est de la prévention, je pense qu'il faut nous pencher sur les conditions qui, au sein de la société, font la promotion de la consommation de substances en grand nombre. Si on regarde les statistiques chez les enfants, le nombre d'enfants anxieux et dépressifs, aliénés, troublés ou qui ont reçu un diagnostic de ceci, de cela ou d'autre chose augmente de plus en plus avec le temps. Chaque année, les statistiques sont de plus en plus désastreuses. C'est un vrai problème.
L'utilisation de la drogue est un phénomène secondaire. Ce sont ces questions primaires au sein de notre société qui alimentent l'inconfort mental chez nos jeunes que nous devons aborder. Ce sont des questions sociales de grande envergure.
En ce qui concerne le traitement, encore une fois, il faut savoir comment aborder le traumatisme, le stress et la détresse émotionnelle des gens qui consomment alors des substances pour apaiser ces symptômes. Je le répète, nous devons nous pencher sur les causes plutôt que sur les comportements. Je ne sais pas où j'en suis avec mes 10 minutes. Je vais clore le sujet.
Je dirai que je suis encouragé par la volonté du Parlement d'opter pour un point de vue rationnel à l'égard d'une chose pour laquelle notre attitude a été complètement non scientifique et irrationnelle. J'espère seulement que cette même ouverture d'esprit et cette volonté d'être réaliste seront bientôt élargies pour s'appliquer à l'ensemble des politiques sur les drogues, car toute l'irrationalité qui caractérise la politique sur la marijuana au pays depuis des décennies caractérise encore la politique sur les opioïdes, par exemple. L'épidémie actuelle de surdoses liées à la consommation d'opioïdes pourrait être réglée efficacement, mais seulement si l'on tient compte de la science et des expériences et si l'on examine les données probantes.
Il y a quelques années, on m'a demandé de témoigner dans le cadre d'un comité du Sénat au sujet d'un projet de loi omnibus sur la criminalité, et j'ai dit aux honorables sénateurs que, en tant que médecin, on s'attend à ce que je pratique la médecine fondée sur des données probantes, ce qui est une bonne chose. En ce qui concerne les lois sur les stupéfiants, je souhaiterais que le Parlement mette en pratique des politiques fondées sur des données probantes, étant donné que les données probantes à l'échelle internationale montrent que les approches actuelles en matière de consommation de drogues ne fonctionnent habituellement pas. Elles exacerbent le problème.
Je vous remercie de votre attention. Je suis très encouragé par le fait que ce projet va de l'avant et j'espère que d'autres suivront.
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Merci, mesdames et messieurs. C'est génial d'être ici et de partager quelques pensées avec vous.
Je m'appelle Benedikt Fischer. Je suis scientifique principal à l'Institut de recherche sur les politiques de santé mentale du CTSM et président de la psychiatrie de la dépendance du département de psychiatrie de l'Université de Toronto.
Je partagerai mon allocution avec mon collègue, le Dr Le Foll. Je vous parlerai principalement du point de vue de la santé publique, et il vous parlera essentiellement des traitements d'un point de vue clinique.
Je travaille sur l'épidémiologie, les interventions et les politiques en matière de cannabis depuis près de 20 ans. De façon générale, nous accueillons très favorablement l'initiative du gouvernement fédéral en ce qui concerne la légalisation de la consommation et de l'offre de cannabis au moyen de lois strictes, car nous croyons — et nous l'avons énoncé clairement dans le cadre stratégique du CTSM de 2014 — qu'il s'agit de la meilleure façon d'améliorer les questions de santé publique et de sécurité relatives à la consommation de cannabis. C'est ce que nous avons dit avant que cela devienne populaire sur le plan politique à l'échelle fédérale.
En ce qui concerne la consommation de cannabis, je formulerai quelques commentaires de fond. La consommation de cannabis n'est pas inoffensive et présente des risques pour la santé. Elle est associée à un certain nombre de risques graves et chroniques pour la santé. Je ne les répéterai pas: ils sont très bien documentés dans la littérature scientifique.
Il s'agit d'une tribune sur les interventions en matière de prévention et de traitement. J'aborderai un peu le volet prévention. Dans le cadre d'interventions, nous faisons habituellement la distinction entre la prévention primaire et la prévention secondaire: la prévention primaire est la prévention générale, et la prévention secondaire, ou ciblée, vise les consommateurs afin de réduire les risques concrets des effets nuisibles liés à la consommation.
Laissez-moi insister sur le fait que la prévention primaire liée à la consommation de cannabis, plus particulièrement dans le cadre de la légalisation, constitue un volet important de la politique et des interventions. Je souligne que le fait de s'abstenir de consommer du cannabis est encore le moyen le plus sécuritaire et le plus fiable d'éviter les risques liés à la consommation et de les réduire.
Toutefois, un grand nombre de Canadiens — environ 15 % de la population adulte, mais de 40 à 45 % des jeunes et des jeunes adultes — ont pris la décision d'en consommer, peu importe la raison. Nous devons donc unir nos efforts du côté de la prévention afin de garder le vrai taux d'abstinence aussi bas que possible dans une mesure raisonnable et pour faire tout en notre pouvoir afin de réduire les risques et les préjudices pour ce grand nombre de personnes qui ont choisi de consommer. Il s'agit essentiellement du principal défi pratique à relever dans le cadre de la légalisation.
Étant donné que la consommation se concentre principalement dans le groupe des 15 à 29 ans — en d'autres mots, les jeunes et les jeunes adultes — nous devons nous assurer que ces jeunes Canadiens passent au travers cette période de consommation de cannabis et se rendent au milieu et à la fin de l'âge adulte avec le moins d'effets possibles sur leur santé et leur vie sociale afin que la légalisation connaisse du succès en tant qu'intervention en matière de santé publique. Il s'agit essentiellement du principal défi à relever dans le cadre de la politique sur la légalisation afin qu'elle ait un effet bénéfique sur la santé publique.
Afin de décrire un peu la prévention secondaire, ou ciblée au moyen de quelques exemples, je dirai que la prévention secondaire est, bien sûr, un domaine très vaste, ou suppose une diversité d'efforts liés à de nombreux détails différents concernant la façon dont la légalisation est conçue et mise en place. En d'autres mots, il s'agit de ce que nous vendons, de l'endroit où nous le vendons, à qui nous le vendons, et comment nous contrôlons la distribution, mais cela comprend aussi le fait d'éviter la promotion et la publicité du cannabis ainsi que la politique de fixation des prix. Tous ces aspects de l'organisation de la légalisation telle que promulguée, comme nous le savons très bien grâce aux données découlant des politiques sur l'alcool et le tabac, constituent des leviers extrêmement puissants au chapitre des risques et des préjudices que nous souhaitons éviter. Nombre de ces détails — ou les problèmes qui se cachent dans ces détails — sont étroitement liés aux types de résultats que la politique sur la légalisation entraînera.
Je vais donner quelques exemples. Le type de produits vendus constituera un aspect extrêmement important de ces risques et préjudices. Nous devrions éviter de vendre des produits à risque élevé ou très puissants. Par contre, les produits comestibles devraient être autorisés, car ils ont le potentiel de réduire les effets liés à la fumée, par exemple.
Nous ne devrions manifestement pas permettre tout type de commercialisation au moyen de la publicité ou de promotion qui entraîne une hausse de la consommation et des préjudices. Selon notre expérience avec l'alcool et le tabac, la distribution devrait être laissée entre les mains d'un monopole public.
La tarification et les taxes constituent des éléments très importants, mais pas de manière statique. Elles doivent être souples afin de nous permettre de nous adapter et d'organiser l'offre et la demande.
Personnellement, je suis préoccupé par le fait que l'on limite la consommation de cannabis — et la production potentielle par la culture à domicile — aux résidences privées. Cela n'est pas dans l'intérêt supérieur de la santé publique.
Enfin, on peut aussi réduire les risques et les préjudices chez les consommateurs de cannabis en influençant leurs choix comportementaux. C'est précisément le fondement conceptuel des lignes directrices en matière de réduction des risques liés à l'utilisation du cannabis que nous avons présentées en juin, en collaboration avec un comité international de scientifiques, et qui ont été publiées dans le American Journal of Public Health et approuvées par la et par cinq grandes organisations importantes dans le domaine de la santé à l'échelle nationale. Il s'agit d'un outil prêt à l'emploi visant la prévention ciblée des consommateurs dans le cadre d'une stratégie globale en matière de prévention à laquelle nous sommes heureux de collaborer.
Je cède la parole à mon collègue, le Dr Le Foll, afin qu'il parle des troubles liés à la consommation de cannabis et des traitements.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de parler des traitements des troubles liés à la consommation de cannabis. En guise de présentation, je suis scientifique clinicien au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Je pratique dans le domaine de la médecine des toxicomanies. J'ai effectué des recherches sur les effets du cannabis, réalisé des études sur l'administration de cannabis à des sujets humains ainsi que des essais cliniques analysant une approche thérapeutique des troubles liés à la consommation de cannabis.
J'aimerais commencer par décrire divers symptômes cliniques que nous pouvons observer. Des sujets peuvent présenter des symptômes liés à une intoxication au cannabis, notamment l'euphorie, mais aussi la tachycardie, un jugement affaibli et des complications psychiatriques. Je mentionne ici essentiellement les symptômes physiologiques et psychotiques.
Le cannabis n'est pas lié à un risque de surdose, ce qui le rend beaucoup moins risqué que les opioïdes, qui peuvent causer la mort.
Il y a aussi des symptômes très clairs qui peuvent survenir lorsqu'un sujet cesse d'être exposé au cannabis après une consommation régulière prolongée. Il y a un syndrome de sevrage typique du cannabis, qui comprend l'anxiété, la dysphorie, les troubles du sommeil, l'irritabilité et l'anorexie. Le sevrage du cannabis peut être éprouvant, mais il ne met pas la vie en danger. Néanmoins, nous savons que les symptômes du sevrage font en sorte qu'il est plus difficile de cesser de consommer du cannabis et qu'ils sont associés à un plus grand risque de rechute.
Le principal défi concerne la perte de contrôle sur la consommation de cannabis. Cela peut survenir chez une partie des consommateurs et entraîner des problèmes d'accoutumance. Actuellement, dans le domaine, cela est défini comme le trouble lié à l'usage du cannabis. Ce trouble se caractérise par un schéma relatif à l'usage du cannabis qui cause une détresse cliniquement importante ou un dysfonctionnement social et qui entraîne des conséquences négatives, comme l'incapacité de cesser de consommer.
Dans le passé, le milieu utilisait les termes « abus » et « dépendance », la dépendance étant la forme d'accoutumance la plus grave. La recherche fondée sur les enquêtes épidémiologiques montre clairement que de 7 à 9 % des personnes qui consomment du cannabis au cours de leur vie acquerront une dépendance au cours de leur vie. Il y a une certaine partie des gens qui perdront le contrôle de leur consommation et qui seront atteints du trouble lié à l'usage du cannabis. On estime que ce pourcentage va de 30 à 40 %.
Il est important de garder en tête que ces chiffres couvrent la vie entière, ce qui signifie qu'il y a des sujets qui connaîtront des problèmes liés à l'usage du cannabis seulement pendant une certaine période de leur vie et qui s'en sortiront sans avoir nécessairement besoin de traitements spécialisés. Toutefois, on constate qu'il s'agit actuellement d'un problème croissant, car on voit de plus en plus de personnes qui se présentent pour le traitement de la toxicomanie et qui demandent un traitement pour un trouble lié à l'usage du cannabis ou qui présentent une accoutumance liée au cannabis.
J'aimerais préciser que, pour l'instant, le nombre de sujets qui se présentent pour le traitement de la toxicomanie principalement en raison d'un trouble lié à l'usage du cannabis est très faible comparativement au nombre de sujets qui souhaitent obtenir un traitement lié à l'alcool ou aux opioïdes.
Si le traitement du trouble lié à l'usage du cannabis peut se faire en consultation externe, parfois les patients peuvent être hospitalisés ou traités dans un établissement, mais habituellement, cela est réservé aux sujets qui ont simultanément des problèmes psychiatriques ou qui consomment plusieurs substances. On recommande que le prestataire de soins évalue attentivement les objectifs du patient relativement au traitement et qu'il comprenne que ces objectifs peuvent varier considérablement. Certains sujets peuvent vouloir devenir complètement abstinents, tandis que d'autres peuvent souhaiter réduire leur consommation ou éviter la consommation risquée.
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Ça va. Je suis assez souple en ce qui concerne le titre, même si j'ai travaillé fort pour l'obtenir.
Bonjour, et merci, monsieur le président et chers membres du Comité, de l'occasion que vous me donnez de vous parler aujourd'hui.
Comme vous l'avez entendu, je suis la Dre Eileen de Villa et je suis médecin hygiéniste en Santé publique de Toronto, où j'offre des services à 2,8 millions de résidents de notre très belle ville.
J'aimerais souligner que les commentaires que je formulerai aujourd'hui représentent non seulement mes points de vue, mais également ceux de Santé publique de Toronto et du Conseil de la santé de Toronto, et qu'ils se limitent au projet de loi proposé en ce qui concerne le cannabis à des fins non médicales.
Pour commencer, j'aimerais dire que nous appuyons l'objectif du projet de loi , qui consiste à fournir aux Canadiens un accès légal au cannabis et, par conséquent, à cesser de criminaliser les personnes qui consomment du cannabis à des fins non médicales.
Comme vous l'avez entendu jusqu'à présent, la science en matière de cannabis est encore émergente. Nous savons que ce n'est pas une substance inoffensive. Nous savons qu'il s'agit d'une substance qui a un effet psychoactif et qui entraîne des effets nuisibles connus. Mon organisation et moi croyons donc qu'il est urgent qu'on élabore un cadre réglementaire fondé sur des principes de santé publique afin de trouver un équilibre entre l'accès légal au cannabis et la réduction des effets nuisibles liés à sa consommation.
Comme vous l'avez déjà entendu aujourd'hui de la part de certains autres témoins, des données probantes en santé montrent que le fait de fumer du cannabis est lié à un certain nombre de problèmes de santé et à des troubles respiratoires, notamment les bronchites et le cancer. On sait également qu'il affaiblit la mémoire, la durée de l'attention ainsi que d'autres fonctions cognitives. Il altère les capacités psychomotrices, notamment la coordination motrice et l'attention divisée. Il s'agit de préoccupations pertinentes en matière de santé publique puisqu'elles sont particulièrement liées à la conduite avec facultés affaiblies.
Vous avez aussi entendu qu'une consommation très importante de cannabis durant l'adolescence est associée à des problèmes plus graves et chroniques, comme une plus grande probabilité d'acquérir une dépendance et d'avoir des troubles de mémoire et d'apprentissage verbal. De plus, le risque de dépendance croît lorsque la consommation commence à l'adolescence, comme l'a bien souligné le Dr Maté.
Comme vous le savez peut-être, les accidents de véhicules constituent le principal facteur de maladie et de blessures liées au cannabis au Canada. Une récente étude a révélé que de nombreux jeunes Canadiens croient que le cannabis affaiblit moins les facultés que l'alcool; toutefois, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les effets psychoactifs du cannabis peuvent nuire aux aptitudes cognitives et psychomotrices nécessaires à la conduite.
En plus de renforcer les sanctions pour conduite avec facultés affaiblies en modifiant le Code criminel, comme le propose le projet de loi , la prévention de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis exigera une sensibilisation publique ciblée. Je crois comprendre que le gouvernement du Canada prépare une campagne publique pour sensibiliser davantage la population à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Santé publique de Toronto recommanderait au gouvernement qu'il ait recours à des messages fondés sur des données probantes qui ciblent en particulier les jeunes et les jeunes adultes et qu'il lance cette campagne sans tarder.
De plus, je recommanderais au gouvernement de soutenir les initiatives locales des municipalités, des provinces et des territoires qui visent à décourager les personnes à conduire après avoir consommé du cannabis.
Dans ses recommandations finales au gouvernement, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a soulevé des préoccupations concernant la fiabilité de la prédiction des facultés affaiblies fondée sur les taux de THC, le principal composé psychoactif du cannabis décelé dans des échantillons de fluides corporels. Ces préoccupations ont également été formulées par d'autres organisations, notamment aux États-Unis. Je recommanderais que le gouvernement investisse davantage en recherche et en perfectionnement des technologies pour mieux associer les taux de THC aux facultés affaiblies et au risque de collision afin d'élaborer des normes fondées sur des données probantes.
L'objectif clé énoncé dans le projet de loi qui consiste à empêcher les jeunes d'avoir accès à du cannabis est essentiel pour que l'on adopte une approche fondée sur la santé publique au chapitre de la légalisation du cannabis. Nous devons appliquer les leçons apprises du tabac et de l'alcool en élaborant un cadre stratégique adéquat à tous les échelons du gouvernement afin de prévenir l'usage de cannabis chez les jeunes.
Comme l'a mentionné mon collègue, les données probantes concernant la publicité sur le tabac montrent qu'elle a des répercussions sur la consommation de tabac chez les jeunes et que l'interdiction générale de la publicité est plus efficace pour réduire l'usage du tabac ou le fait de commencer à fumer. En ce qui me concerne, j'applaudis les exigences du projet de loi qui conservent les règles de promotion et de commercialisation du tabac déjà en place, notamment les restrictions concernant la promotion dans les points de vente. Nous aimerions également que l'on renforce ces restrictions afin d'inclure la publicité présente dans les films, les jeux vidéo et d'autres médias, notamment la commercialisation et la publicité en ligne, auxquels les jeunes ont accès. De plus, il faut effectuer d'autres recherches sur les répercussions de la commercialisation et de la promotion afin de modifier les règlements à la lumière de données probantes et pour élaborer des stratégies de prévention. Le financement fédéral devrait viser ces domaines.
En outre, nous savons que l'étiquetage et l'emballage sont utilisés pour la promotion du tabac et des marques de tabac. Même si j'appuie le fait que le projet de loi interdise les emballages et l'étiquetage du cannabis de façon à le rendre attirant pour les jeunes, on a oublié d'inclure dans le projet de loi une exigence relative à la banalisation des emballages des produits du cannabis, ce qui est essentiel.
Dans un rapport récent, le Comité consultatif scientifique de la stratégie Ontario sans fumée mentionnait que la banalisation des emballages constitue un moyen très utile de réduire la consommation du tabac. L'exigence relative à l'emballage banalisé et normalisé pour le tabac est actuellement proposée dans le projet de loi fédéral , et nous vous recommandons de faire de même pour le cannabis.
La réglementation de l'accès au marché de détail est essentielle dans le cadre d'une approche en matière de santé publique au chapitre de la légalisation de l'accès au cannabis. Je suis heureuse que la province de l'Ontario ait récemment annoncé son intention de mettre en place un organisme provincial de contrôle de la vente au détail et de la distribution de cannabis à des fins non médicales séparé de la régie des alcools. Un système de vente au détail et de distribution contrôlé par le gouvernement et fondé sur des objectifs de santé publique et la responsabilité sociale assurera un meilleur contrôle des mesures de protection de la santé liées à la consommation de cannabis. J'exhorte également votre gouvernement à ordonner aux autres provinces et territoires de mettre en place un système de vente au détail et de distribution fondé sur des principes de santé publique et de responsabilité sociale.
Je recommande au gouvernement de ne pas légaliser l'accès à des produits comestibles contenant du cannabis avant que l'on ait élaboré une réglementation exhaustive en matière de production, de distribution et de vente. L'expérience des États-Unis nous met en garde contre les défis que posent les produits comestibles contenant du cannabis, notamment la consommation accidentelle par des enfants, une surconsommation causée par le délai avant que la personne ressente des effets psychoactifs et le fait d'assurer la normalisation de la puissance du cannabis contenu dans les produits comestibles.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur certaines des limites de la recherche actuelle sur le cannabis. Même s'il y a de plus en plus de données probantes concernant les effets du cannabis sur la santé, certaines des conclusions de la recherche sont incohérentes ou même contradictoires, et les relations de cause à effet n'ont pas toujours été établies. Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas. La plupart des recherches effectuées jusqu'à présent ont mis l'accent sur la consommation fréquente et chronique, et les résultats doivent être interprétés dans ce contexte. Il faut obtenir plus de données probantes sur l'usage occasionnel et modéré du cannabis, qui constitue la plus grande partie de la consommation. Par conséquent, je vous prie instamment de réserver des fonds pour la recherche sur la gamme complète des effets sur la santé liés à la consommation du cannabis, plus particulièrement à la consommation occasionnelle et modérée.
Il est essentiel de sensibiliser le public en se fondant sur des données probantes afin de mettre en place un cadre réglementaire concernant le cannabis qui fait une promotion efficace de la santé. Nous avons l'occasion de favoriser une culture de modération et de réduction des risques liés au cannabis qui peut s'étendre à la consommation d'autres substances, particulièrement chez les jeunes. Le gouvernement du Canada a déclaré qu'il prévoit adopter le projet de loi d'ici le 1er juillet 2018. Toutefois, pendant ce temps, des Canadiens continuent d'être arrêtés pour possession de cannabis. La criminalisation pour usage et possession de cannabis a des répercussions sur les déterminants sociaux de la santé, comme l'accès à un emploi et à un logement. Étant donné que la possession de cannabis sera bientôt rendue légale au Canada, je vous demande de décriminaliser immédiatement la possession de cannabis à des fins non médicales pour consommation personnelle.
En conclusion, j'aimerais réitérer que Santé publique de Toronto appuie l'intention déclarée du projet de loi et recommande que l'on renforce les exigences du projet de loi relatives à la promotion de la santé. Nous sommes conscients de la complexité que représente l'élaboration d'un cadre réglementaire pour la consommation de cannabis à des fins non médicales. Étant donné que nous apprenons encore de nouvelles choses sur les effets de l'usage du cannabis, le cadre réglementaire concernant le cannabis doit permettre de renforcer les politiques en matière de promotion de la santé tout en limitant l'influence des politiques fondées sur les profits. J'attends avec impatience les prochaines consultations du gouvernement du Canada concernant le contexte stratégique évolutif de cet important enjeu en matière de santé.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le projet de loi , Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois. En tant que pédiatre du développement et du comportement et chercheuse dans le domaine de la consommation de substances chez les adolescents, je suis préoccupée par les effets potentiels des modifications apportées, plus particulièrement sur la santé des enfants et des adolescents.
J'ai été présidente du comité national de l'American Academy of Pediatrics sur la consommation de substances et la prévention, et je suis directrice du Programme pour adolescents toxicomanes au Boston Children's Hospital depuis ses débuts, en 2000. Au cours des 17 dernières années, j'ai évalué et traité des centaines d'adolescents avec des troubles de toxicomanie, et, même si nombre de mes commentaires ont déjà été formulés d'une façon ou d'une autre, j'aimerais parler de mon expérience personnelle.
Le cannabis est une drogue qui cause une accoutumance et qui est particulièrement nuisible au développement du cerveau des adolescents. Les adolescents qui consomment du cannabis ont une moins bonne qualité de vie, à certains égards. Ils ont plus de troubles de santé mentale, notamment la dépression, l'anxiété et la psychose. Dans l'ensemble, ils vont moins longtemps à l'école et sont plus susceptibles de se retrouver sans emploi ou sous-employés que leurs pairs. Ces effets nuisibles se distinguent de ceux liés à la consommation d'autres substances, comme le tabac, l'alcool et les opioïdes, mais ils ne sont pas pour autant moins graves ou sans conséquences.
En tant que directrice d'un programme pour adolescents toxicomanes qui sert les jeunes de 12 à 25 ans, je travaille régulièrement avec des enfants et des jeunes adultes qui consomment du cannabis. En fait, plus de 90 % des patients que nous voyons dans le cadre de notre programme ont un problème lié à l'usage du cannabis. Bien que la plupart d'entre eux aient commencé par consommer du cannabis, peu de jeunes consomment une seule drogue. Presque tous nos patients traités pour une dépendance à l'héroïne ont commencé par consommer du cannabis, et la plupart en consomment beaucoup.
Nous avons traité un certain nombre d'adolescents qui consommaient du cannabis et qui ont développé des problèmes de schizophrénie sous nos yeux et qui ne seront jamais en mesure de prendre soin d'eux-mêmes ou de mener une vie autonome. Nous ne savons pas ce qu'ils seraient devenus s'ils n'avaient pas consommé de cannabis, mais la science et les statistiques font en sorte que nous nous demandons s'ils auraient eu une vie différente, n'eût été ce facteur de risque complètement évitable.
Plus fréquemment, nous voyons et revoyons des adolescents dont la consommation de cannabis entrave les progrès. Deux patients avec des antécédents semblables dressent un portrait très clair de la dépendance au cannabis. Les deux étaient de bons élèves au secondaire et ont été acceptés par des universités prestigieuses; c'est là qu'ils ont commencé à consommer beaucoup de cannabis et ils ont fini par échouer. Tous deux disent que leurs changements dans leurs résultats scolaires sont liés à leur forte consommation de cannabis. Les quatre parents étaient dévastés. L'un des pères a confié avoir dû modifier ses espoirs et attentes envers son fils. Quelques années plus tôt, il imaginait que son fils deviendrait un professionnel accompli. Maintenant, tout ce qu'il espère, c'est qu'il soit en mesure de subvenir à ses besoins.
La liste s'allonge, et de nombreux adolescents dont je m'occupe et n'atteignent pas leurs objectifs scolaires, sont sans emploi et aux prises avec des troubles de santé mentale, et leurs familles les observent et se demandent ce qu'il adviendra d'eux.
Le projet de loi interdirait la vente ou la commercialisation du cannabis chez les adolescents et les jeunes adultes de moins de 18 ans, et la légalisation est souvent proposée en tant que mécanisme pour réduire l'accès chez les jeunes en imposant une taxe et en réglementant le cannabis, en augmentant les prix, en éliminant le marché noir et en donnant un rôle de gardien aux propriétaires de commerce. Par le passé, cette approche a échoué avec d'autres substances. Les restrictions relatives à la commercialisation se sont montrées d'une utilité limitée lorsqu'elles s'opposent à un potentiel de profits importants. Même si les compagnies de tabac n'ont pas le droit de commercialiser les cigarettes auprès des enfants, l'histoire familière de Joe Camel illustre bien à quel point la publicité peut être pernicieuse.
Aux États-Unis, l'expérience du Colorado, qui a été l'un des deux premiers États à légaliser le cannabis, en dit long. Au cours des deux années suivant la légalisation du cannabis, le nombre de consommateurs adolescents au Colorado a augmenté de 20 %, tandis qu'il a diminué de 4 % dans le reste du pays. En tant que pédiatre en développement et aussi parent de deux adolescents, je ne trouve pas que ces conclusions sont surprenantes. La vente au détail de cannabis sert à banaliser la consommation. Les adolescents sont très sensibles aux tendances culturelles. Si la consommation de cannabis est acceptée, les adolescents sont plus susceptibles d'en consommer. Tout argument contraire est simplement déraisonnable d'un point de vue du développement.
Aux États-Unis, les politiques évolutives sur le cannabis ont entraîné des changements dans le cannabis en tant que tel. La concentration de THC, principal ingrédient actif du cannabis, a augmenté de façon marquée au cours des trois dernières décennies, ce qui expose les consommateurs à des taux plus élevés de drogues que jamais. C'est l'une des raisons pour lesquelles la science a tant de difficultés à cerner la question, parce que le produit change constamment. De nouveaux produits comestibles, notamment des biscuits, des bonbons et des boissons gazeuses sont apparus sur le marché et sont vendus comme produits renfermant de la marijuana.
Il faut s'attendre à cette expansion du marché, car la création de produits nouveaux et améliorés est une technique qui a fait ses preuves pour ce qui est de faire augmenter les ventes, soit en invitant constamment les nouveaux utilisateurs à faire l'essai de nouveaux produits et les anciens utilisateurs à en ajouter à leur répertoire.
Le dabbing, un nouveau moyen populaire de consommer du cannabis, entraîne une élévation extrême des taux de THC dans le sang. Une exposition à une forte concentration de THC produit davantage d'euphorie, mais cause aussi davantage de problèmes médicaux. Dans notre pratique clinique, les jeunes arrivent avec de nouveaux problèmes que nous observions rarement il y a 10 ans. Le syndrome d'hyperémèse cannabinoïde, qui provoque des vomissements récurrents, était autrement rare, mais est maintenant très fréquent dans notre pratique. Les occurrences de symptômes psychiatriques ont également augmenté. Nombre de nos patients ont entendu des voix, ont déliré ou sont devenus anxieux et paranoïaques à cause de la consommation de cannabis. Dans une étude que mène actuellement notre groupe dans notre centre de soins primaires, plus de 25 % des consommateurs de cannabis déclarent avoir eu des hallucinations pendant qu'ils étaient sous l'influence du cannabis, et plus de 30 % déclarent avoir été paranoïaques.
En tant que pédiatre, je trouve ces chiffres terrifiants. Même si le nombre d'études menées dans le passé sur ces questions est limité, notre expérience clinique nous donne à penser que ces taux augmentent, comme on pourrait s'y attendre compte tenu de l'exposition toujours croissante à la drogue.
En puisant dans mon expérience en tant que chercheuse et que clinicienne, je voudrais faire les suggestions suivantes: tout d'abord, je recommande que l’on explique clairement aux jeunes que la meilleure façon de protéger leur santé consiste à ne pas consommer de cannabis. L'American Academy of Pediatrics et la Société canadienne de pédiatrie sont toutes deux opposées à la légalisation de la marijuana et elles encouragent les parents, les fournisseurs de soins de santé, les enseignants et d'autres adultes à donner des conseils clairs et limpides aux enfants.
Des campagnes de sensibilisation du public qui viseraient a prévenir la consommation de cannabis ou à retarder l'adoption d'un tel comportement pourraient être bénéfiques. La campagne menée par Truth Initiative pour enrayer le tabagisme a remarquablement permis de transformer la perception du tabac par le public, qui y voit maintenant une habitude répugnante plutôt que chic. Les taux d'utilisation du tabac ont chuté au cours des 20 dernières années, à mesure que s’est accélérée la stigmatisation du tabagisme. On sait bien que le cannabis est une substance psychotrope qui nuit particulièrement au développement du cerveau chez les adolescents. Les affirmations selon lesquelles le cannabis est « bon pour la santé parce qu'il est naturel », ou « sans danger parce que la consommation en est légale » présente un attrait culturel, mais elles sont fausses, et il importe de leur opposer des messages continus et solides à l'effet contraire.
L'imposition d'une limite d'âge est efficace pour réduire la consommation de drogues chez les jeunes. Aux États-Unis, l'adoption de la National Minimum Drinking Age Act, qui a effectivement fait passer à 21 ans dans les 50 États l'âge minimum qu'il faut avoir pour boire de l'alcool, a entraîné une réduction de 16 % du nombre d'accidents de la route. Il s’agit du résultat direct d’une consommation réduite d’alcool. Le Canada, où cet âge minimum est moindre, affiche le taux de problèmes dus à l'alcool le plus élevé des Amériques. Ces faits militent en faveur d'un âge minimum plus élevé, car c'est là un élément d'une bonne stratégie en matière de santé publique.
Les innovations dans le domaine des produits à base de cannabis présentent des risques pour la santé publique, surtout pour les adolescents. II se pourrait qu'il faille des approches stratégiques carrément nouvelles face aux substances qui créent une accoutumance. De nouveaux régimes réglementaires qui permettraient d'éliminer les profits, de contrôler les prix et d'exercer une surveillance tant au niveau de la personne qu'à celui de toute la population devraient être envisagés. Une telle approche nécessiterait une collaboration sans précédent entre les diverses branches du gouvernement. L'histoire et les éléments de preuve existants donnent à penser qu'en légalisant tout simplement le cannabis et en laissant l'industrie ainsi engendrée agir à sa guise, le gouvernement confierait au secteur privé le soin de protéger la santé publique, rôle que l'industrie n'est pas conçue pour jouer.
Enfin, il nous faut davantage de cliniciens qualifiés pour traiter les adolescents dépendants au cannabis, ce qui exigera du soutien financier. Compte tenu de la légalisation de la marijuana au Canada, il y aura un besoin pressant de fournisseurs de soins de santé spécialisés dans la dépendance chez les jeunes et le traitement des troubles liés à la consommation de substances chez les adolescents. Je suis heureuse de déclarer que le premier médecin à avoir obtenu une formation spécialisée en médecine des toxicomanies pédiatriques en Amérique du Nord est un Canadien. La formation se donne actuellement à l'hôpital pour enfants de Boston. On a besoin de bien plus de soutien et d'un bien plus grand nombre de places et de programmes de formation financés.
Merci d'avoir écouté et de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à votre groupe.
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Nous allons prendre la parole tour à tour.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de nous donner la possibilité de comparaître devant votre Comité.
Je m'appelle Michelle Suarly et je représente l'Association pour la santé publique de l'Ontario, où j'occupe le poste de présidente du groupe de travail sur le cannabis. Je suis heureuse d'être accompagnée par ma collègue, Elena Hasheminejad, qui est membre du groupe de travail.
L'Association pour la santé publique de l'Ontario — ou l'OPHA — est une association non partisane sans but lucratif qui rassemble les membres des secteurs public, privé, universitaire, du bénévolat et de la santé communautaire, qui sont déterminés à améliorer la santé des gens. Nombre de nos membres, qu'il s'agisse d'infirmières en santé publique comme nous ou de personnes d'autres domaines, travaillent en première ligne afin de promouvoir et d'améliorer la santé publique au sein de leurs collectivités.
L'OPHA est la championne de la prévention, de la promotion et de la protection de la santé depuis sa création il y a plus de 68 ans. Notre mission est de faire preuve de leadership à l'égard d'enjeux touchant la santé publique et de renforcer l'incidence des personnes qui oeuvrent activement dans le milieu de la santé publique et communautaire partout en Ontario.
Notre groupe de travail encourage le gouvernement fédéral à adopter une approche de santé publique à l'égard de la réglementation du cannabis afin de permettre un plus grand contrôle des facteurs de risque associés aux effets néfastes liés au cannabis. À la lumière des données probantes selon lesquelles les risques posés par le cannabis sont plus grands parce que sa consommation commence à un âge précoce et/ou lorsque la consommation est fréquente, une approche de santé publique viserait à retarder l'âge du début de la consommation du cannabis, à réduire la fréquence de la consommation, la consommation à risque élevé, la consommation problématique et la dépendance, à élargir l'accès aux programmes de traitement et de prévention et à assurer une éducation et une sensibilisation du public précoces et durables.
Nous proposons que le gouvernement fédéral applique un point de vue d'équité en santé et qu'il reconnaisse le rôle que jouent les déterminants sociaux de la santé, qu'il comprenne qui sont les personnes les plus susceptibles d'être touchées par la légalisation du cannabis récréatif et qu'il appuie les stratégies correspondantes visant à atténuer les conséquences.
Elena va maintenant souligner les recommandations de l'OPHA.
Je voudrais commencer par mentionner que nous appuyons l'objectif du groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis de protéger les jeunes Canadiens en gardant la marijuana hors de la portée des enfants et des jeunes.
Comme on vous en a fait part aujourd'hui et tout au long de la semaine — j'en suis certaine —, les jeunes Canadiens ont l'un des taux les plus élevés de consommation déclarée parmi les pays industrialisés, ce qui, nous le savons, est préoccupant, car les recherches ont montré que le cerveau continue de se développer jusqu'au début de la vingtaine.
Afin de protéger les jeunes Canadiens, il importe que nous envisagions la prise de certaines de ces mesures de prévention. Santé Canada reconnaît que les emballages de produits du tabac sont de puissants organes publicitaires pour l'industrie du tabac et a déclaré être déterminé à instaurer l'emballage neutre, ce que beaucoup de mes collègues ont également souligné aujourd'hui.
Nous recommandons que la même réglementation soit mise en place dans le cas des produits du cannabis. Nous recommandons des exigences claires et contraignantes pour l'atténuation de la vente et la promotion de produits auprès des jeunes, la prise en compte de l'exposition accidentelle et des exigences relatives à l'octroi de permis de vente au détail. Nous recommandons que tout le cannabis et les produits qui en contiennent comprennent une indication clairement affichée de la teneur en THC et en cannabinol, des avertissements relatifs à la santé étayés par des données probantes, des messages concernant la réduction des préjudices et de l'information sur l'accès à des services de soutien.
Même si un emballage neutre et à l'épreuve des enfants pourrait réduire le risque d'exposition accidentelle grâce à la réglementation, il ne réduirait pas efficacement les risques liés aux produits comestibles. Les enfants pourraient confondre ces produits avec des aliments réguliers s'ils ne sont pas dans leur emballage. Dans cette optique, nous recommandons que la réglementation concernant les produits comestibles tienne compte des conséquences des produits de fabrication qui ressemblent à des bonbons, à des biscuits, à des jujubes et à d'autres produits habituellement commercialisés auprès des enfants.
Enfin, étant donné qu'une proportion importante des consommateurs de cannabis sont de jeunes adultes, nous encourageons le gouvernement fédéral à faciliter les discussions avec tous les ordres de gouvernement afin de veiller à ce que l'âge minimal soit uniforme. Cette uniformité éliminerait la variation transfrontalière, laquelle limiterait l'efficacité de la réglementation relative à l'âge légal minimal pour ce qui est de protéger les jeunes.
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C'est également lié à la discussion actuelle sur la marijuana et sur la prévention. Si M. Sessions a raison, que ces politiques consistant à dire aux gens que la drogue, c'est mal, et de ne pas en consommer à tout âge fonctionnent, pourquoi y a-t-il de cinq à dix fois plus de consommation d'héroïne aux États-Unis qu'il y a 10 ans? Autrement dit, la situation actuelle démontre plus qu'amplement l'échec de ce genre d'approche.
La raison pour laquelle les gens consomment de la drogue — et je l'ai indiqué dans une certaine mesure en ce qui concerne la marijuana... Si vous demandez aux jeunes ce qu'ils en tirent, ils vous diront ce qu'ils en tirent. Ils éprouvent un sentiment de connexion sociale. Leur esprit est calmé. Dans le cas de certains problèmes comme le TDAH, le cannabis a en fait un effet apaisant dont les personnes atteintes ont un besoin impérieux. L'héroïne est un analgésique. Elle soulage la douleur émotionnelle et physique. Les stimulants font en sorte que les gens se sentent plus en vie, plus présents, plus vifs et plus dynamiques.
La vraie question est la suivante: pourquoi les gens ressentent-ils de la douleur émotionnelle? Pourquoi un si grand nombre de jeunes sont-ils anxieux? Pourquoi un si grand nombre de jeunes sont-ils déprimés? Pourquoi ces chiffres augmentent-ils encore et encore? Pourquoi de plus en plus de jeunes reçoivent-ils un diagnostic de TDAH, trouble qui, en soi, est un facteur de risque de dépendances de toutes sortes, surtout à la marijuana?
On ne trouvera pas ces réponses auprès de chaque personne; on les trouvera dans les facteurs sociaux. Quand je parle de prévention, nos approches de prévention doivent vraiment tenir compte de ces facteurs sociaux: ce qui se passe dans les écoles; ce qui se passe dans les maisons; et ce qui se passe dans la culture.
Je sais que le projet de loi ne peut pas répondre à ces questions de façon complète ou même approfondie, mais je souscris certainement à l'opinion de tous mes collègues qui ont affirmé qu'il devrait s'agir d'un système public fondé sur le monopole. Je suis également d'accord avec tout ce qu'ils ont dit au sujet de la façon dont l'argent tiré de la vente du cannabis ne devrait pas servir à financer les routes ou quoi que ce soit d'autre. Il devrait être injecté dans les programmes qui aident à prévenir les affections et les pressions sociales qui poussent les jeunes à consommer de la drogue. Autrement dit, si nous devons établir un monopole, utilisons les recettes qui en découlent pour régler les vrais problèmes expliquant pourquoi les jeunes consomment de la drogue.
Enfin, je dirai — et j'ai écrit à ce sujet dans un de mes livres — que le problème lié au fait d'exhorter les jeunes à ne pas faire des choses tient, encore une fois, à ce que les jeunes qui écoutent les adultes sont bien moins à risque et que ceux qui présentent un risque élevé n'écoutent pas les adultes en raison de ce qui s'est passé dans leur vie.
Nos approches de prévention doivent aller au-delà du fait de dire aux jeunes de ne pas consommer des substances. Elles doivent également aller jusqu'à amener ces jeunes à entretenir une relation saine avec les adultes, de sorte qu'ils nous écouteront. C'est un gros problème.
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Merci beaucoup, et merci du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui.
Nous avons obtenu un certain nombre d'assez vastes conversations à divers sujets, mais, pour nous, en tant que Comité, au bout du compte, notre mandat consiste à examiner le projet de loi dans le cadre d'une étude article par article afin de déterminer s'il permet d'atteindre les objectifs énoncés ou s'il doit faire l'objet d'amendements.
À cet égard, un domaine que nous n'avons pas vraiment encore approfondi en tant que Comité, c'est la question de l'emballage, de la stratégie de marque et de la promotion. Je me suis dit que j'allais consacrer un peu de temps à ce sujet avec vous. Je pense que l'Agence de la santé publique du Canada et l'OPHA ont toutes deux proposé l'emballage neutre. J'ai certainement vu ce type d'emballage dans le cas des cigarettes, et il fonctionne très bien dans certaines administrations. Je ne suis tout simplement pas certain de la façon dont on le légifère.
Je vais simplement lire rapidement ce qui figure dans le projet de loi au sujet de la promotion et de la stratégie de marque. Vous verrez si vous pensez que c'est suffisant ou si vous avez des conseils à adresser au Comité afin que nous y fassions des ajouts.
Aux termes du paragraphe sur la promotion... je vais l'abréger un petit peu, simplement pour que ce soit plus facile:
17 (1)… il est interdit de faire la promotion du cannabis…
a) par la communication de renseignements sur leur prix ou leur distribution;
b) d’une manière dont il existe des motifs raisonnables de croire que la promotion pourrait être attrayante pour les jeunes;
c) au moyen d’attestations ou de témoignages, quelle que soit la façon dont ils sont exposés ou communiqués;
d) au moyen de la représentation d’une personne, d’un personnage ou d’un animal, réel ou fictif;
e) par leur présentation, ou celle de l’un de leurs éléments de marque, d’une manière qui qui évoque une émotion ou une image, positive ou négative, à l’égard d’une façon de vivre… intégrant… du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace.
Ce sont toutes les façons dont on ne peut pas en faire la promotion.
Le paragraphe sur la stratégie de marque énonce qu'une personne peut faire la promotion du cannabis par exposition de l'un de ses éléments de marque, comme Players par rapport à — je ne sais même pas quelles sont les marques de cigarettes — sur le produit ou sur une chose qui n'est pas le produit, pas du cannabis,
17(6)… sauf dans les cas suivants:
a) la chose est associée aux jeunes;
b) il y a des motifs raisonnables de croire que la chose pourrait être attrayante pour les jeunes;
c) la chose est associée à une façon de vivre, telle une façon de vivre intégrant notamment du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace.
Ces limites sont très claires. C'est un genre de nom et peut-être une couleur, et, dans le cas des cigarettes, on n'utilise même pas de couleur dans l'emballage neutre. Ces dispositions sont-elles suffisantes, à votre avis, en ce qui concerne la promotion et la stratégie de marque, pour que l'on interdise strictement quoi que ce soit qui rendrait ce produit attrayant pour les jeunes? Y a-t-il des réactions à cela?