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Je constate qu'il y a quorum et je déclare donc la séance ouverte. Il s'agit de la 67
e réunion du Comité permanent de la santé. Nous réalisons notre étude sur le projet de loi au sujet du cannabis. Aujourd'hui, avec notre groupe de témoins, nous nous intéresserons à la prévention, au traitement et à la consommation à faible risque.
Je souhaite la bienvenue à tous nos invités, qui participent, soit par vidéoconférence, soit en personne.
À titre personnel, nous accueillons aujourd'hui Michael DeVillaer, professeur adjoint et analyste des politiques à l'Université McMaster ainsi que, par vidéoconférence, Mark Kleiman, professeur de politique publique au Marron Institute of Urban Management de l'Université de New York.
Bienvenue.
Nous accueillons aussi Mme Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse sur le cannabis médical et non médical, et Karey Shuhendler, conseillère en politiques, Politiques, représentation et planification stratégique, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, le Dr Serge Melanson, par vidéoconférence, de la Société médicale du Nouveau-Brunswick, et, par vidéoconférence, de Halifax, depuis Moncton le Dr Robert Strang, médecin hygiéniste en chef du ministère de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse.
Merci beaucoup. Nous allons commencer par des déclarations préliminaires de 10 minutes de chaque organisation; nous passerons aux questions des membres du Comité.
Nous allons commencer par l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mme Balneaves.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité. Je m'appelle Karey Shuhendler. Je suis infirmière autorisée et conseillère en politiques pour l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'organisation professionnelle nationale représentant plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés et infirmières et infirmiers praticiens.
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui en compagnie de Mme Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse sur le cannabis médical et non médical, qui pourra répondre à vos questions de nature plus technique.
Mme Balneaves occupe actuellement le poste de professeure agrégée à la Rady Faculty of Health Sciences de l'école des soins infirmiers de l'Université du Manitoba. Elle est aussi chef de file des soins infirmiers dans les domaines de la prise de décisions communes en matière de traitement et des soins de santé complémentaires et intégrés. Elle a produit des articles et présenté des exposés sur des sujets liés au transfert des connaissances, à l'oncologie intégrative, à la prise de décisions en matière de traitement et au cannabis consommé à des fins thérapeutiques ou non thérapeutiques.
D'entrée de jeu, je tiens à remercier le Comité d'étudier cet important enjeu et d'avoir invité l'AIIC à formuler ses recommandations. La légalisation du cannabis consommé à des fins non thérapeutiques aura une incidence sur la santé publique et, par conséquent, il faut adopter une approche préventive pour réduire les risques liés à la santé et les préjudices sociaux associés à la consommation de cannabis. L'AIIC se réjouit des travaux du gouvernement fédéral pour présenter le projet de loi , qui encadrera le processus de légalisation et de réglementation ainsi que les restrictions en matière d'accès au cannabis consommé à des fins non thérapeutiques. L'AIIC soutient l'adoption du projet de loi et croit que la légalisation est une excellente option pour s'attaquer aux préjudices associés au cannabis.
L'AIIC a récemment réalisé un sondage national auprès des infirmières et des infirmiers pour évaluer l'état de préparation à la légalisation, cerner les lacunes en matière de connaissances et les ressources nécessaires et obtenir des commentaires sur les articles du projet de loi qui sont liés à la portée des travaux de l'AIIC.
Même si le sondage réalisé sur deux mois est encore accessible jusqu'à demain, les résultats préliminaires indiquent que la majeure partie des répondants du corps infirmier sont favorables à la décision du gouvernement de légaliser le cannabis et estiment que l'accent devrait être mis sur la prévention de l'accès et la prévention des préjudices connexes pour les jeunes grâce à une diversité de mécanismes, y compris des considérations liées à l'emballage, l'étiquetage, l'affichage, la promotion et la vente du cannabis et des accessoires connexes. La légalisation peut permettre la réglementation de la qualité, des doses et de la puissance, tout en réduisant au minimum les préjudices sociaux ainsi que les coûts de l'interdiction. De plus, la légalisation peut améliorer l'accès, ce qui permettra d'effectuer des recherches sur les éventuels préjudices et avantages médicaux du cannabis.
En examinant le projet de loi, l'AIIC a été heureuse de constater l'approche modérée en matière de santé publique adoptée relativement à l'enjeu complexe qu'est la légalisation du cannabis. Dans sa version actuelle, le projet de loi favorise l'élimination des préjudices associés au modèle d'interdiction, tout en reconnaissant le besoin de protéger les populations vulnérables, y compris les jeunes. L'AIIC a formulé quatre recommandations d'amendement au projet de loi. Elles figurent toutes dans notre mémoire. Nous encourageons le Comité à inclure l'ensemble des recommandations de l'AIIC dans son rapport final, y compris celles liées à la vente et à la promotion du cannabis et des accessoires connexes ainsi que les considérations concernant la promotion et la consommation associée à l'alcool.
Il ne faut pas traiter le cannabis de la même façon que l'alcool. Les préjudices liés à la consommation d'alcool et la politique actuelle en matière d'alcool peuvent parfois être banalisés, et cette politique ne devrait pas nécessairement servir de modèle pour la politique sur le cannabis simplement en raison du fait qu'elle existe déjà. De plus, le cannabis est différent dans la mesure où il est associé à des indications thérapeutiques et qu'il y a des formulations particulières utilisées à des fins thérapeutiques. Par conséquent, l'accès au cannabis thérapeutique ne doit pas être oublié dans le cadre du processus de légalisation. Même si ces autres recommandations ne sont pas au coeur de notre exposé d'aujourd'hui, nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions sur l'ensemble des recommandations formulées dans notre mémoire.
Ce matin, nous voulons mettre l'accent sur deux de nos quatre recommandations, notamment celles liées aux sanctions pénales à l'endroit des jeunes et à l'adoption d'une approche de santé publique globale dans le cadre de la légalisation du cannabis consommé à des fins non thérapeutiques.
Notre première recommandation, qui concerne les sanctions pénales à l'endroit des jeunes, est liée précisément à l'article 8 et aux paragraphes connexes. Ces dispositions indiquent qu'un jeune, âgé de 12 à 18 ans, trouvé en possession d'une ou de plusieurs catégories de cannabis dont la quantité totale — qui peut être calculée conformément à l'annexe 3 — est équivalente à plus de 5 grammes de cannabis séché commet une infraction punissable par mise en accusation et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une peine spécifique sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Non seulement un dossier criminel limite la capacité d'une personne à voyager dans certains pays, mais il entraîne aussi des préjudices sociaux considérables. Plus particulièrement, pour les jeunes, un casier judiciaire peut être un obstacle à des possibilités de bénévolat, ce qui constitue une condition dans de nombreux programmes d'études secondaires et peut être un facteur dans les décisions relatives aux bourses. Un casier judiciaire peut aussi limiter le choix de carrière et engendrer la pauvreté et de piètres résultats de santé. La légalisation du cannabis tout en maintenant les sanctions pénales à l'endroit des jeunes peut constituer un désavantage disproportionné pour les jeunes, particulièrement ceux qui appartiennent à des groupes marginalisés ou racialisés, pouvant en outre les priver de possibilités pour leur avancement équitable et leur contribution à la société.
Puisque les faits démontrent que 21 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans au Canada ont consommé du cannabis au cours de l'année précédente, le projet de loi pourrait avoir une incidence sur un grand nombre de jeunes. Des solutions de rechange à l'approche punitive traditionnelle pour lutter contre les crimes mineurs et la consommation de substances problématiques ont prouvé leur efficacité. Les exemples comme les tribunaux saisis des affaires de drogue, qui misent sur une approche de justice réparatrice, sont une solution de rechange aux processus judiciaires traditionnels. Ces modèles misent sur l'engagement et la responsabilisation totale des délinquants et aident à tenir compte d'un plus large éventail de facteurs contributifs, comme la pauvreté, la santé ou les enjeux de justice sociale qui peuvent avoir poussé la personne à commettre l'infraction d'entrée de jeu.
Prenons le cas d'un jeune de 15 ans qui a des problèmes de consommation de cannabis et qui est arrêté en possession de plus de 5 grammes réservés à son usage personnel. Il utilise du cannabis non thérapeutique pour s'automédicamenter en raison d'un problème non diagnostiqué d'anxiété et de dépression, qui est exacerbé par le stress associé au fait de vivre dans la pauvreté. Est-ce que la criminalisation de la possession et même l'imposition d'une amende importante aideront ce jeune ou serait-il mieux servi par un système de tribunaux des drogues axé sur une approche réparatrice, où il pourrait être tenu responsable de son propre processus de guérison tout en se voyant offrir des occasions d'avoir accès à des organisations de santé et de services sociaux pouvant s'attaquer aux causes profondes de sa pauvreté et lui offrir des services de traitement pour régler son problème de santé non diagnostiqué et son problème de toxicomanie?
Dans cet esprit, l'AIIC recommande de ne pas imposer de sanction pénale aux jeunes qui sont en possession de cannabis. Elle recommande aussi au gouvernement d'avoir recours à la justice réparatrice à titre de principe directeur pour sanctionner la possession chez les jeunes. En outre, une telle dépénalisation élimine les répercussions actuelles et futures pour les jeunes en supprimant la disposition à l'article 8 et les paragraphes connexes du projet de loi sur le cannabis.
Notre deuxième recommandation, c'est que le gouvernement investisse dans une approche de santé publique dans le dossier du cannabis, y compris grâce à un programme complet de sensibilisation publique. L'AIIC appuie fermement les recommandations présentées au groupe de travail fédéral relativement à la légalisation et la réglementation du cannabis selon lesquelles il faut apprendre des autres administrations, comme le Colorado et Washington et investir dans des programmes complets de santé publique et d'éducation, y compris des programmes liés à la consommation de cannabis et la conduite automobile, et ce, avant de procéder à la légalisation.
Le Canada dépense chaque année plus d'un milliard de dollars pour assurer l'application des lois régissant la possession de cannabis et appréhende près de 60 000 Canadiens pour une possession simple, ce qui représente environ 3 % des arrestations. La légalisation devrait permettre de prévenir de graves préjudices sociaux et d'éliminer les coûts financiers associés à l'application de la loi dans le cadre du modèle actuel d'interdiction.
Dans cet esprit, l'AIIC recommande que, après l'entrée en vigueur de la légalisation, le gouvernement utilise une partie des économies réalisées relativement aux coûts d'application de la loi et/ou les recettes fiscales associées à la vente de cannabis pour investir dans des initiatives susceptibles de produire des résultats de santé positifs et d'améliorer les résultats sociaux. De tels investissements pourraient inclure des outils, de la formation et des lignes directrices pour soutenir les programmes de sensibilisation publique, les stratégies de réduction des méfaits, les programmes de prévention et de traitement de la toxicomanie et des travaux de recherche pour mieux comprendre les méfaits associés à la consommation à des fins non thérapeutiques ainsi que les avantages potentiels de son utilisation à des fins médicales. On peut estimer les coûts de ces mesures en s'informant auprès des administrations où le cannabis a déjà été légalisé ou en examinant les résultats des campagnes de sensibilisation publique et des investissements actuels du gouvernement fédéral dans la sensibilisation publique associée à l'utilisation du tabac.
Les infirmières et les infirmiers forment le plus grand groupe de fournisseurs de soins de santé du pays et sont souvent le premier point de contact d'une personne au sein du système de santé. Par conséquent, ils sont bien placés pour contribuer à l'élaboration et la prestation de ce genre de sensibilisation lié à la santé.
Les résultats d'un sondage Nanos Research commandé par l'AIIC, en août, cette année — résultats que nous vous présenterons — révèlent que plus de neuf Canadiens sur dix sont favorables dans une certaine mesure à ce que le personnel infirmier éduque les Canadiens sur les risques associés à la consommation du cannabis à des fins non thérapeutiques.
Les résultats préliminaires du sondage national de l'AIIC réalisés auprès du corps infirmier révèlent que 49 % des répondants ont indiqué qu'ils se sentaient à l'aise à l'idée d'amorcer une discussion ou de répondre aux préoccupations des patients sur les risques associés à la consommation de cannabis à des fins non thérapeutiques. À la lumière de ces résultats, l'AIIC est déterminée à fournir des ressources pédagogiques supplémentaires sur le cannabis consommé à des fins non médicales pour soutenir les infirmières et les infirmiers qui prennent soin des gens tout au long du continuum de soins.
J'aimerais conclure en soulignant que la légalisation du cannabis est une excellente occasion de réduire les préjudices associés à la consommation du cannabis à des fins non thérapeutiques, mais il faut bien faire les choses. L'AIIC encourage le Comité à demander instamment au gouvernement fédéral d'intégrer toutes les recommandations qu'elle a formulées.
Merci.
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Merci et bonjour. Je m'appelle Serge Melanson. Je suis médecin-chef et urgentologue à l'hôpital de Moncton, ici, au Nouveau-Brunswick. Je comparais aujourd'hui au nom de la Société médicale du Nouveau-Brunswick, une association professionnelle qui représente plus de 1 600 médecins du Nouveau-Brunswick.
En tant qu'association professionnelle, nous estimons avoir un rôle clé à jouer dans la promotion de l'amélioration de la prestation des soins de santé au Nouveau-Brunswick. Nous avons ouvert la voie en réalisant diverses initiatives, comme la promotion de la prestation de soins de santé axée sur le travail d'équipe. Nous avons aussi réussi à faire la promotion d'initiatives sur les modes de vie sains et de changements stratégiques pour protéger les jeunes contre les dangers pour la santé comme le tabagisme et l'utilisation de lits de bronzage.
Nous avons récemment lancé une campagne pour faire du Nouveau-Brunswick l'une des trois provinces les plus en santé du pays au cours des 10 prochaines années. Nous avons aussi travaillé en collaboration avec les écoles pour améliorer les choix alimentaires sains et nous avons fait la promotion de l'utilisation obligatoire des casques de ski pour prévenir les traumatismes crâniens.
[Français]
Je remercie le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes de m'avoir invité à parler aujourd'hui des préoccupations de la Société médicale du Nouveau -Brunswick concernant la légalisation de la consommation récréative de la marijuana.
En juin de cette année, notre organisation a publié un exposé de position sur la consommation de marijuana à des fins récréatives, qui comprenait des recommandations à l'intention du gouvernement du Nouveau-Brunswick sur un cadre approprié pour limiter les effets néfastes de l'usage de la marijuana sur les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises.
De plus, nous cherchons à sensibiliser les gens aux questions de santé associées à la consommation de cannabis, et nous avons récemment lancé une compagne d'information du public sur l'usage de la marijuana.
[Traduction]
Comme c'est le cas pour le tabac et l'alcool, la consommation de cannabis peut avoir des répercussions négatives sur la santé. Même si les Canadiens auront la possibilité de consommer de la marijuana légalement dans un peu moins d'un an, il est essentiel qu'ils comprennent bien les risques. Rendre le cannabis légal n'en rend pas la consommation sécuritaire. Nous comprenons que l'objectif de la légalisation et de la réglementation stricte du cannabis du gouvernement fédéral est de décriminaliser la consommation de la drogue et de réduire la vente illicite de la substance, mais nous croyons qu'il reste d'importantes préoccupations à dissiper associées aux particularités de la légalisation.
Notre position sur la légalisation est conforme à celle de l'Association médicale canadienne, dont les recommandations s'appuient sur l'expérience canadienne en matière de réglementation de l'alcool et du tabac. Nous soutenons aussi les lignes directrices créées par le Centre de toxicomanie et de santé mentale en ce qui a trait à la consommation à faible risque du cannabis. L'un des enjeux qui sont particulièrement préoccupants, selon nous, dans cette discussion, du point de vue de la prévention et de la consommation à faible risque, c'est l'âge minimum proposé pour posséder et acheter légalement de la marijuana consommée à des fins récréatives. Nous croyons fortement que l'âge de 18 ans proposé dans le projet de loi envoie le mauvais message aux jeunes Canadiens, soit qu'ils peuvent consommer de la marijuana à cet âge de façon sécuritaire. Il y a des données scientifiques probantes claires selon lesquelles le cerveau d'un jeune adulte continue de se développer jusqu'à 25 ans et que la consommation de marijuana peut avoir des répercussions négatives sur le développement du cerveau. Même si, idéalement, nous aimerions que l'âge légal pour consommer de la marijuana à des fins récréatives soit établi à 25 ans au Canada, nous reconnaissons qu'il est peu probable que ce soit possible et que 21 ans est peut-être un âge minimal plus réaliste pour prévenir l'achat illicite de cannabis par les jeunes adultes.
Au cours des 14 années durant lesquelles j'ai travaillé à l'urgence, à Moncton, j'ai vu de mes propres yeux une importante augmentation de la quantité de cannabis consommée et de ses répercussions négatives sur la santé chez les patients qui se présentent à l'urgence, que ce soit en tant que principale cause de leur problème médical, quelque chose ayant empiré une maladie chronique préexistante ou quelque chose n'étant peut-être pas lié à la raison pour laquelle ils se présentent à l'urgence. Je gère les effets de la consommation de cannabis à l'urgence dans un certain nombre de situations. Des patients peuvent avoir des effets inattendus parce que le cannabis a été mélangé avec des additifs chimiques dangereux. D'autres peuvent avoir un problème lié à la consommation de cannabis qu'on appelle le syndrome des vomissements cycliques ou une maladie mentale grave déclenchée par la consommation de cannabis. En outre, d'autres peuvent avoir de graves problèmes de santé comme une maladie pulmonaire chronique découlant directement de la consommation de cannabis.
Je vois des patients qui ont consommé du cannabis, des adolescents et des jeunes adultes pour la plupart, qui ont par la suite leur premier épisode de psychose, de schizophrénie, de trouble bipolaire ou d'autres problèmes de santé mentale majeurs. Les adolescents et les jeunes adultes qui consomment du cannabis sont plus susceptibles de présenter ces problèmes de santé mentale s'ils continuent à consommer du cannabis. Certains jeunes pensent peut-être aussi que ces problèmes médicaux sont guérissables. La réalité, c'est qu'il s'agit de maladies chroniques. Les jeunes Canadiens prennent un risque important lorsqu'ils consomment du cannabis. Nous croyons qu'il y a un lien clair entre la consommation de cannabis et l'apparition de troubles psychotiques, parce que le cerveau de ces jeunes est encore en développement.
[Français]
Étant donné que nous savons que la consommation récréative de marijuana sera légalisée et que l'usage accru aura probablement des répercussions sur les soins de santé, il est important que les provinces et les territoires disposent des ressources adéquates pour y faire face.
Si le Parlement adopte le projet de loi , il incombera alors au gouvernement du Canada de veiller à ce que les provinces et les territoires soient équipés adéquatement pour réagir à la pression accrue exercée sur le système de soins de santé.
De plus, le gouvernement canadien doit s'assurer que les provinces et les territoires ont les ressources qu'il faut pour mesurer de manière appropriée l'impact de la légalisation, afin d'être mieux à même d'adapter à la situation leurs efforts de sensibilisation et d'éducation, ainsi que leurs services d'intervention et de traitement au fil du temps. Des recherches sur la santé de la population seront nécessaires pour mesurer les effets néfastes de l'usage accru du cannabis sur nos collectivités et nos citoyens et citoyennes.
[Traduction]
Il est aussi crucial que les gouvernements, à tous les échelons, investissent les ressources nécessaires pour soutenir une importante campagne d'éducation et de sensibilisation de façon continue. Si on veut offrir aux Canadiens le droit de consommer légalement du cannabis, il faut aussi leur offrir un accès facile à des renseignements clairs sur les risques associés à un tel choix.
Pour conclure, je tiens à dire clairement que la décision du gouvernement du Canada de légaliser la consommation de cannabis doit être étayée par ces principes de précaution. Le gouvernement a la responsabilité fondamentale de protéger sa population. Il est particulièrement important, dans le cadre de la légalisation du cannabis, que le gouvernement s'assure qu'il assume ses responsabilités à l'égard de tous les Canadiens.
[Français]
Je vous remercie.
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Bonjour aux membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole aujourd'hui. Je comparais au nom des médecins hygiénistes en chef des 13 provinces et territoires. Je présente un point de vue global sur la santé publique, pas les positions précises de certaines provinces ou de certains territoires.
Ce matin, mes remarques porteront sur le sujet de la prévention, du traitement et de la consommation à faible risque, mais, par nécessité, je vais aussi parler d'autres sujets comme l'âge légal, l'étiquetage et l'emballage, sujets qui ont été abordés dans d'autres séances.
J'ai présumé que, par prévention, vous vouliez parler de la prévention des préjudices pour la population et les particuliers relativement à la façon dont le cannabis est produit, distribué, vendu et consommé, la prévention ou, au moins, le fait de retarder le début de la consommation par les jeunes qui n'ont pas encore atteint l'âge légal et la prévention des préjudices auprès des populations pouvant être plus à risque.
La prévention, ce n'est pas seulement le fait de fournir des renseignements et des enseignements sur les risques et les préjudices. Une éducation et du marketing social appropriés peuvent être efficaces, mais seulement si on les inclut dans une stratégie globale. Les décisions stratégiques liées à la façon dont le cannabis sera vendu, la façon dont on établira les prix, la façon dont les produits seront étiquetés et commercialisés et le niveau d'accessibilité et de disponibilité sont les éléments les plus cruciaux si on veut prévenir les préjudices pour la population, prévenir la consommation individuelle néfaste et réduire au minimum la consommation chez ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge légal.
Pour être plus précis, afin de miser sur la meilleure approche de prévention possible, nous formulons les recommandations suivantes:
Le cannabis devrait être distribué et vendu grâce à des monopoles gouvernementaux dont l'objectif principal est de protéger la santé et la sécurité publiques et non la production de recettes.
Comme le groupe de travail qui a conseillé le gouvernement fédéral l'a recommandé, on ne devrait pas vendre au même endroit des produits liés au cannabis, au tabac et à l'alcool.
Au début, il faudra établir les prix afin de maximiser les achats sur le marché légal, mais, au fil du temps, il faudra utiliser le prix en tant qu'outil clé pour réduire la demande globale et encourager la consommation de produits moins néfastes, comme des produits contenant des concentrations moindres de THC et des produits qui ne se fument pas.
Les activités de promotion des produits, comme la publicité, la commercialisation, les commandites et le placement de produits, y compris dans les contextes de vente au détail, doivent être interdites à l'échelon fédéral, interdiction qui sera complétée par des restrictions similaires à l'échelon provincial.
L'emballage des produits devrait être neutre et inclure des mises en garde claires et percutantes au sujet du risque.
Aux points de vente, les produits préemballés, comme des joints similaires à des cigarettes ne devraient pas être permis, puisque de tels produits peuvent faciliter la commercialisation, la promotion et l'idéalisation de la consommation de cannabis.
Le nombre, l'emplacement et la densité des points de vente au détail, ainsi que les heures d'ouverture, doivent être définis avec soin pour que l'on puisse trouver un juste équilibre entre l'accès aux produits légaux — en tenant compte des permissions prévues dans le projet de loi actuel concernant la culture personnelle et les achats en ligne ou par la poste — et les objectifs de prévention.
À plus long terme, un âge minimal établi à 21 ans serait préférable à 18 ou 19 ans pour tenter de trouver le juste équilibre entre attirer les jeunes adultes vers des sources d'approvisionnement légal et réduire la consommation par les jeunes âgés de moins de 18 ans. Je vais expliquer cette recommandation un peu plus en détail, parce que c'est un point qui est constamment soulevé.
Nous savons qu'un des objectifs, c'est de pousser les gens à abandonner le marché illégal et à adopter le marché légal. De toute évidence, à court terme, le fait d'établir l'âge minimal à 19 ou 18 ans attirera les jeunes adultes vers le marché légal, mais si l'un de nos principaux objectifs est de réduire la consommation chez les jeunes qui ont moins de 18 ans, et ils resteront toujours trop jeunes, peu importe si on établit l'âge à 18 ans, s'ils veulent consommer du cannabis; ils devront l'obtenir d'une source illégale. Des données probantes claires liées au tabac et à l'alcool nous montrent qu'en établissant l'âge minimal à 21 ans plutôt que 18 ou 19 ans, au fil du temps, on pourrait mieux réussir à abaisser les taux de consommation de cannabis et, par conséquent, à éloigner ceux qui sont âgés de moins de 18 ans de tous les types de marchés du cannabis. Si l'un de nos objectifs principaux, c'est de mettre en place un ensemble d'éléments permettant de réduire la consommation du cannabis par ceux qui sont trop jeunes, il est de loin préférable d'opter pour 21 ans plutôt que 19 ans.
Poursuivons. Le fait de fumer ou de vapoter du cannabis en public devrait, au minimum, être visé par l'approche actuellement imposée à ceux qui fument ou vapotent du tabac en public, pour prévenir toute banalisation supplémentaire de la consommation de cannabis et une nouvelle banalisation des comportements liés au tabagisme de façon générale.
L'approche utilisée pour intégrer des produits comestibles et d'autres produits concentrés et dérivés dans le marché légal doit être extrêmement prudente pour réduire au minimum la banalisation de la consommation de cannabis et protéger les enfants et les jeunes. En ce qui a trait aux produits comestibles, il faut indiquer clairement grâce à des exigences législatives que les produits qui contiennent du matériel végétal de plants de cannabis ainsi que des extraits et des ingrédients actifs ne sont pas des produits alimentaires.
Puisqu'il est plus facile d'assouplir la réglementation que de la resserrer, les approches réglementaires initiales devraient privilégier un cadre plus restrictif. Des rajustements pourront être apportés au fil du temps à la lumière d'un contrôle exhaustif et de recherche. Il faudra affecter les ressources adéquates pour bien mettre en place de telles activités de contrôle et de recherche.
Les programmes qui définissent les environnements sociaux et physiques pour soutenir la santé et le bien-être de façon générale, comme le fait de soutenir de saines grossesses, d'améliorer le développement de la petite enfance et de s'assurer d'offrir des logements et des revenus adéquats, sont tous des mesures importantes pour assurer la prévention primaire de la consommation de substances problématiques en général et seront des éléments importants pour prévenir la consommation problématique de cannabis.
En plus du présent mémoire, je suis heureux de joindre un exposé de principes plus détaillé des médecins hygiénistes en chef des provinces et des territoires et du Réseau canadien pour la santé urbaine, un réseau qui réunit des médecins hygiénistes qui oeuvrent dans des centres urbains. Ce rapport plus détaillé a été fourni au Comité.
En ce qui a trait au traitement, je n'ai pas d'expérience ni d'expertise dans le traitement des troubles liés à la consommation de cannabis, mais je peux dire qu'il n'y a pas d'approche en matière de traitement ni de thérapie conçue précisément pour un trouble associé à la consommation de cannabis. Il faut améliorer l'accès approprié au traitement pour les personnes qui ont un problème de consommation de cannabis aujourd'hui dans le cadre des efforts nécessaires pour améliorer les traitements et l'accès à ces traitements pour les personnes qui ont toutes une gamme de troubles liés à la toxicomanie. La question de savoir si le besoin pour des traitements augmentera ou diminuera dépendra vraiment des décisions prises et de la mise en oeuvre des politiques dont nous avons discuté précédemment.
En ce qui concerne la consommation à faible risque, un ensemble mis à jour de lignes directrices sur la consommation de cannabis à faible risque, lignes directrices qui ont été élaborées par des experts canadiens, ont été publiées en juin, cette année. Ces lignes directrices ont été approuvées en principe par le Conseil des médecins hygiénistes en chef. En bref, ces lignes directrices recommandent que la façon la plus efficace de réduire les risques est l'abstention, que plus une personne commence tardivement à consommer du cannabis, moins élevés sont les risques de développer un usage qui pose des problèmes et d'avoir des répercussions néfastes sur la santé durant la vie. Les produits affichant une concentration élevée de THC sont aussi plus risqués, et il serait donc préférable d'utiliser des produits à faible concentration de THC. Les cannabinoïdes synthétiques, comme le shatter, exposent les consommateurs à des risques plus graves et plus aigus et devraient être évités.
Pour protéger la santé des poumons, les modes d'absorption qui consistent à fumer ou qui misent sur la combustion de cannabis devraient être évités. De plus, il faut aussi éviter des méthodes comme l'inhalation profonde et le fait de retenir son souffle, des méthodes qui augmentent l'absorption des ingrédients psychoactifs. La consommation fréquente et intensive est associée au plus haut risque de préjudice, et il est donc recommandé aux gens de choisir une consommation occasionnelle, une seule fois par semaine ou durant la fin de semaine. Il est extrêmement important d'éviter de conduire après avoir consommé de l'alcool et/ou du cannabis.
Les populations qui sont plus à risque de préjudice lié à la consommation de cannabis et qui devraient, par conséquent, éviter d'en consommer, sont les femmes enceintes, les personnes qui ont des antécédents ou des antécédents au sein de leur famille proche de psychose ou de problèmes de toxicomanie. La combinaison de comportements à risque, comme le fait de commencer à consommer jeune et une consommation fréquente est susceptible d'amplifier le risque. Ces lignes directrices sur la consommation à faible risque devraient être un élément clé des initiatives de sensibilisation et d'éducation publique liée à la légalisation du cannabis et devraient être intégrées dans l'étiquetage des produits en plus d'étayer les décisions stratégiques liées à la légalisation prises par les trois ordres de gouvernement.
En ce qui a trait au projet de loi , les médecins hygiénistes en chef des provinces et des territoires et le Réseau canadien pour la santé urbaine ont recommandé dans le document que je vous ai fourni que cette initiative soit encadrée par des buts et des objectifs liés à la santé publique enchâssés par écrit dans la loi. Nous avons été très heureux de voir l'orientation axée sur la santé publique adoptée par le gouvernement fédéral dans le cadre de cette initiative et la communication explicite d'objectifs en matière de santé publique, qui ont été codifiés dans l'article de l'objet de la loi, l'article proposé 7. Nous encourageons les provinces et les territoires à adopter une orientation similaire liée à la santé publique et à inclure explicitement des objectifs similaires dans leurs lois.
Pour terminer, nous suggérons de modifier le projet de loi pour remplacer le mot « illicite » par « illégal ». Le terme « illicite » est de nature stigmatisante, et puisque la réduction de la stigmatisation et de la discrimination sont des aspects importants de cette initiative, nous suggérons d'éviter d'utiliser le terme « illicite » lorsque c'est possible. Nous suggérons d'utiliser plutôt le terme « illégal », puisque c'est un terme simple, clair et sans ambiguïté qui renvoie au caractère légal de la possession de la substance en évitant la nature stigmatisante du mot « illicite ».
Merci de votre temps et de m'avoir offert cette occasion. Je serai heureux de participer à la discussion.
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, le présent exposé s'appuie sur mes 40 années d'expérience dans la prévention et le traitement des problèmes liés à la toxicomanie. J'ai été conseiller, responsable du développement communautaire, enseignant et analyste de politiques. Je crois que je m'intéresse de façon générale aux politiques en matière de drogue, c'est-à-dire les politiques qui touchent l'alcool, le tabac et les produits pharmaceutiques, et c'est dans ce contexte que j'examine cette nouvelle industrie de la drogue que nous créons.
Lorsqu'on pense à la prévention des problèmes liés à la drogue, on pense habituellement au fait de fournir aux gens des renseignements pour les aider à prendre des décisions éclairées. Un autre aspect nécessaire d'un programme efficace de prévention de la toxicomanie consiste à élaborer un cadre réglementaire pour étayer les pratiques au sein de l'industrie de la drogue. Il s'agit d'un aspect crucial de ce dont on parle lorsqu'il est question de réglementation stricte.
L'alcool, le tabac, les produits pharmaceutiques et le cannabis ne sont pas des produits ordinaires. Chaque année, au Canada, l'alcool et le tabac à eux seuls sont associés à environ 40 000 décès prématurés, à 6,5 millions de jours d'hospitalisation et à un coût de plus de 30 milliards de dollars pour l'économie canadienne. Je tiens à rappeler qu'on parle ici de données annuelles. Les crises de l'alcool et du tabac nous suivent depuis longtemps, alors on ne les voit plus comme des crises. Malgré nos efforts de prévention et de traitement, les problèmes persistent année après année.
Nous avons récemment assisté à l'émergence d'une nouvelle épidémie de toxicomanie. La crise des opioïdes a débuté après le lancement, par une entreprise pharmaceutique, d'une campagne de publicité dynamique et trompeuse pour un analgésique opioïde appelé oxycodone. La même entreprise propose maintenant le même médicament dans les pays en développement en fournissant les mêmes renseignements trompeurs. Durant la campagne de légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, les Canadiens ont été assurés à plusieurs reprises que la nouvelle industrie serait réglementée de façon stricte, comme les autres industries pharmaceutiques légales, et qu'on pourra ainsi mettre en place les mesures de protection nécessaires pour assurer la santé publique.
Cinquante ans de données probantes sur les politiques internationales en matière de drogue nous disent que ce n'est pas aussi simple. Au sein de nos industries pharmaceutiques légales bien établies, nous constatons souvent des cas où il n'a pas été possible de trouver le juste et important équilibre entre les revenus de l'industrie et la protection de la santé publique. Cela entraîne d'énormes préjudices qui exercent des pressions sur nos collectivités, nos familles et nos programmes de traitement.
La situation actuelle est la suivante: le pays compte trois industries de drogue légale réglementée et trois crises de santé publique. Selon les premières indications, l'industrie naissante du cannabis légal semble se diriger dans la même direction.
Il est peut-être temps d'adopter une nouvelle approche. Bon nombre des décisions prises dans le cadre du projet de loi exigent qu'on trouve un juste équilibre; il faut parfois faire des choix, entre faciliter la réussite d'une nouvelle industrie de la drogue et protéger la santé publique. La logistique qui sous-tend la légalisation du cannabis, comme je suis sûr que tout le monde s'en rend compte maintenant, est extrêmement complexe. Les enjeux sont élevés, et les résultats, incertains, et la prudence est de mise. Par conséquent, j'espère que le Comité permanent de la santé attribuera la priorité à la protection de la santé publique et à la prévention des méfaits.
Je vais vous fournir quatre suggestions précises pour y arriver.
Le premier enjeu, c'est l'établissement d'un âge légal minimal pour consommer du cannabis. Les recherches montrent que les jeunes obtiennent du cannabis auprès des gens dans leur réseau social. C'est très important. Les réseaux sociaux des jeunes, disons, âgés de 15 à 17 ans, sont plus susceptibles d'inclure des jeunes de 18 ou 19 ans que d'inclure des jeunes de 21 ans. Par conséquent, à long terme, l'âge minimal de 18 ou 19 ans, comme on l'a entendu, permettra aux jeunes de 15 à 17 ans de se procurer plus facilement du cannabis que si l'âge minimal était établi à 21 ans.
Ma première recommandation, c'est que le gouvernement devrait privilégier la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en faisant passer l'âge minimum à 21 ans.
Le deuxième enjeu, c'est l'importance d'une interdiction complète de la publicité et des autres formes de promotion de produits. Les recherches révèlent que la publicité augmente la consommation d'une drogue et que l'augmentation de la consommation d'une drogue est associée à une augmentation des problèmes connexes. La publicité, même dans des limites strictes, augmentera la consommation de cannabis et les problèmes connexes.
Ma deuxième recommandation, c'est que le gouvernement devrait choisir la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en adoptant une loi interdisant toute forme de publicité de produits à base de cannabis.
Le troisième enjeu, c'est l'importance d'un modèle ou d'options sans but lucratif pour l'approvisionnement en cannabis. Nous avons déjà trois industries pharmaceutiques légales, réglementées et à but lucratif, et nous n'avons pas réussi à protéger la santé publique. Nous pouvons réduire le risque de créer une quatrième industrie de la sorte en éliminant le motif du profit des ventes de cannabis. Une différence essentielle serait qu'un modèle de vente au détail sans but lucratif s'en tiendrait au marché actuel, sans faire de promotion des produits ou sans innover dans le but d'accroître la taille du marché.
Ma troisième recommandation, c'est que le gouvernement devrait choisir la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en limitant la vente au détail du cannabis à un organisme sans but lucratif axé sur une gouvernance visant à assurer la santé publique.
Le quatrième enjeu, c'est l'importance de la justice sociale dans le contexte de la prévention et du traitement. D'ici à ce que le cannabis à usage récréatif soit disponible à grande échelle, ce qui exigera un certain temps bien après juin 2018, on s'attend à ce que les gens continuent à simplement refuser de consommer du cannabis à des fins récréatives. Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que ce soit le cas. Le nombre d'accusations pour possession simple de cannabis portées contre des Canadiens était de plus de 17 000 en 2016. Le fait d'augmenter le nombre de casiers judiciaires continuera d'avoir une incidence dévastatrice sur les déterminants sociaux de la santé des Canadiens visés, surtout des jeunes. L'interdiction pose aussi problème aux personnes qui ont une dépendance au cannabis et qui cherchent un traitement pour améliorer leur vie. Lorsque j'étais conseiller, je n'ai jamais rencontré un patient pour qui un casier judiciaire avait été avantageux. En fait, le casier judiciaire mine ses efforts.
Ma quatrième recommandation, c'est que le gouvernement devrait immédiatement décriminaliser la possession de petites quantités de cannabis.
Monsieur le président, voilà qui conclut ma déclaration préparée. Je vous remercie encore une fois de l'occasion que vous m'avez offerte. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions des membres du Comité.
:
Mesdames et messieurs, bonjour.
[Traduction]
C'est un grand honneur pour moi qu'on m'ait demandé de comparaître devant une instance aussi illustre dans le cadre d'un processus véritablement historique. Je m'intéresse aux politiques sur le cannabis depuis près de 40 ans maintenant. Ma firme a conseillé le Washington State Liquor Control Board lorsque ce dernier a mis en oeuvre la légalisation du cannabis dans l'État de Washington.
Dans le cadre du présent processus, je vous prie de porter attention aux résultats, pas aux slogans. La justification de la légalisation du cannabis n'est pas liée à l'absence de risque, comme d'autres témoins l'ont dit ce matin. La raison qui sous-tend la légalisation, c'est l'incapacité de contrôler le marché illicite et les préjudices de ce marché illicite. C'est aussi lié au fait que beaucoup de personnes aimeraient consommer du cannabis et peuvent le faire, en fait, sans préjudice.
On a tendance dans les débats sur les politiques publiques et les politiques elles-mêmes de passer d'un extrême à l'autre. Au moins aux États-Unis, nous sommes en voie de sauter d'un extrême à l'autre, où nous cessons de considérer le cannabis comme une plante diabolique pour commencer à le traiter comme une herbe sans danger. Malheureusement, la caractérisation est erronée dans les deux cas.
Pour la plupart des drogues, la majeure partie des gens les consomment sans problème et, en fait, ils en tirent certains avantages. C'est la raison pour laquelle ils continuent de consommer. Une minorité finit par perdre contrôle de sa consommation et finit par consommer de façon problématique. Le tabac sous forme de cigarettes est une exception à la règle, c'est une situation où la plupart des utilisateurs en consomment de façon problématique.
Cependant, cette minorité de grands consommateurs est responsable non seulement de presque tous les méfaits liés à la consommation des drogues, quelles qu'elles soient, mais aussi de la plus grande partie de la consommation des drogues en question. Je n'ai pas les chiffres pour le Canada, mais aux États-Unis, plus de la moitié de l'alcool est consommé dans le cadre de beuveries, même si la plupart des occasions de consommer de l'alcool ne mènent pas à l'intoxication et sont inoffensives. Au total, 80 % de l'alcool consommé aux États-Unis est consommé par des personnes qui consomment trop pour leur bien. Nous constatons des chiffres comparables pour ce qui est du cannabis.
L'objectif de la légalisation, à mon avis, devrait être la disponibilité de cannabis pour ceux qui veulent en consommer de façon raisonnable, tout en réduisant au minimum le nombre de personnes qui finissent par avoir des problèmes. Par conséquent, on parle d'un accès sans excès. Comme d'autres témoins l'ont dit ce matin, il ne s'agit pas d'un objectif qui est atteint automatiquement grâce à un libre marché, parce que la même règle des 80-20 que celle qui fonde les préoccupations liées à la santé publique — comme je l'ai dit, 20 % des plus grands consommateurs s'infligent la plupart des dommages — est aussi à l'origine des préoccupations liées à la commercialisation.
Si vous vendez une drogue dont certaines personnes deviennent dépendantes, ce sont vos meilleurs clients. Ce qui, du point de vue de la santé publique, est un diagnostic, est, du point de vue de la commercialisation, un objectif démographique cible. C'est tout aussi vrai pour British American Tobacco, pour l'Imperial Distillery que pour la Régie des alcools de l'Ontario. Si l'objectif est de maximiser les revenus, on misera sur la génération de grands utilisateurs, ce qui va précisément à l'encontre de l'objectif de santé publique qu'il faut tenter d'atteindre.
Beaucoup pensent que nous devrions réglementer le cannabis comme on fait pour l'alcool, comme si la réglementation de l'alcool avait été un succès. Cette affirmation semble être fallacieuse dès qu'on la formule. Je crois qu'il serait plus sage, si on veut imiter un marché actuellement illicite, d'imiter le marché du tabac, ou, sans imposer une interdiction, le gouvernement fait des efforts marqués pour réduire au minimum toute consommation problématique. C'est un régime de politique que j'ai appelé la tolérance à contrecoeur. Selon moi, nous devrions tolérer à contrecoeur le cannabis, et ne pas en permettre la promotion.
Un aspect clé de la promotion ou du contrôle de la consommation excessive est le prix, encore une fois, comme d'autres l'ont souligné. Il est important de comprendre que la tendance naturelle du prix du cannabis en tant que produit légal est se rapprocher de zéro. Un joint est une petite quantité de matière végétale séchée dans un emballage. Le produit légal qui s'en approche le plus est un sachet de thé. Si on permet un libre marché du cannabis, le prix d'un joint aura tendance à rejoindre le prix d'un sachet de thé, et ce n'est pas là où on veut en venir. On note déjà au Colorado et à Washington des diminutions stables et rapides des prix dans les magasins légaux. Mes collègues Jon Caulkins, de Carnegie Mellon, et Steve Davenport, de la RAND Corporation, estiment que les prix légaux au Colorado et à Washington diminuent de 2 % par mois sans qu'un prix plancher ne pointe à l'horizon.
La façon de contrecarrer cette tendance, si on n'adopte pas un monopole public, c'est par une taxation agressive. La taxation ne peut pas être fondée sur le prix de vente au détail, parce que puisque le prix de vente au détail a tendance à aller vers zéro, il en sera de même pour la taxe. La bonne façon de taxer le cannabis, du point de vue stratégique et du point de vue de la santé, c'est de taxer l'agent actif, le THC. Il faut imposer une taxe d'accise précise, pas une taxe ad valorem. La taxe doit être importante. Une taxe d'environ 50 $ par gramme de THC permettrait plus ou moins de maintenir les prix illicites actuels dans le nouveau marché licite, et il semble s'agir selon moi d'un objectif raisonnable.
L'information est un autre aspect clé de toute politique de prévention où l'on tente de prévenir les problèmes de toxicomanie. Le fait de limiter les activités de commercialisation semble, selon moi, une idée très importante, pas seulement parce que la publicité en tant que telle attirerait de nouveaux utilisateurs — c'est son objectif —, mais parce que la présence de budgets de publicité influera sur le contenu rédactionnel des médias publicitaires. Il est frappant que, aux États-Unis, la première revue grand public à avertir les gens des dangers du tabagisme était le Reader's Digest. Ce n'est pas parce qu'il s'agissait d'une revue plus progressiste ou aventureuse intellectuellement, c'est parce que c'était la seule qui était soutenue par les abonnements des lecteurs, plutôt que par la publicité. Le fait de contrôler la commercialisation du cannabis aura un impact important sur la façon dont le cannabis est décrit dans le contenu rédactionnel.
Chaque acheteur de cannabis doit interagir avec un vendeur, que ce soit quelqu'un qui prend sa commande au téléphone ou un commis dans un magasin. Le contact au point de vente est l'un des endroits où l'on peut s'assurer d'interagir avec chaque consommateur. Selon moi, il serait sage d'exiger que ces personnes suivent un cours de formation en pharmacologie et en prévention de la toxicomanie afin que les personnes, surtout les nouveaux consommateurs, n'obtiennent pas leurs premiers renseignements au sujet du cannabis de quelqu'un qui vend du cannabis pour gagner sa vie et est très souvent lui-même un grand consommateur. Ces préposés à la vente au détail devraient avoir une qualification professionnelle et une obligation professionnelle de prodiguer des conseils qui sont dans l'intérêt du consommateur, pas l'intérêt du propriétaire du magasin. Ils devraient ressembler plus à des pharmaciens qu'à des vendeurs de marchandises emballées.
Il y a deux choses qu'on devrait peut-être encourager, tant au point de vente, que dans les renseignements financés publiquement. L'une est la notion de consommer sans se rendre à l'intoxication. La différence marquée entre le cannabis d'aujourd'hui et l'alcool d'aujourd'hui, c'est que la plupart des occasions de consommer de l'alcool ne mènent pas à l'intoxication. Ce n'est pas le cas du cannabis. « Se geler » est un synonyme courant de la consommation de cannabis. On pourrait peut-être présenter à la population la notion qu'une personne peut prendre une bouffée afin d'améliorer le goût des aliments ou le son de la musique ou encore le caractère plaisant d'une conversation plutôt que de faire de l'intoxication au cannabis l'activité principale à laquelle les gens s'adonnent. Je n'ai aucune raison de croire qu'une telle chose fonctionnerait, mais c'est quelque chose qu'on pourrait essayer.
L'autre chose sur laquelle j'aimerais qu'on mette l'accent, tant aux points de vente que dans les médias de masse, c'est l'importance de s'abstenir de consommer plus d'une substance à la fois. Il y a 40 ans, aux États-Unis, le cannabis, d'un côté, et l'alcool, de l'autre étaient quasiment aux antipodes sur la scène sociale. Ils représentaient des forces culturelles différentes. Maintenant, dans les sondages, on constate que les grands consommateurs de tabac, d'alcool et de cannabis forment la même population.
La légalisation du cannabis pourrait permettre de substituer une drogue à une autre qui est plus dangereuse. Nous entreprenons des politiques pour encourager cette tendance bénéfique possible.
Merci.
:
Exactement, monsieur le président.
Je vais poser ma question en français. Je vous conseille de mettre vos écouteurs si vous avez besoin d'interprétation.
[Français]
Monsieur le président, j'ai justement participé hier soir à une séance de discussion ouverte dans ma région. Plus de 150 personnes y étaient venues pour s'informer. Or les faits sont troublants. Avant de vous en faire part, je veux souligner que je suis très impressionné par le groupe que nous recevons ce matin. Il est formé de gens d'expérience issus de diverses sphères d'activité.
Dans ma circonscription, Thérèse-De Blainville, qui est située au nord de Montréal, dans la région des Basses-Laurentides, 45 % des jeunes de 17 à 24 ans ont avoué avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année. Or la moyenne québécoise est de 35 %. Dans le cas des jeunes de 11 à 17 ans, ce pourcentage est de 28 % alors que la moyenne québécoise est de 24,9 %.
Hier, il ne s'agissait pas d'un cri d'alarme, mais j'ai dit qu'il était urgent d'agir. Ce matin, cette urgence s'avère plus forte encore. Malgré tout le respect que je dois à mes collègues d'en face, qui veulent retarder les choses, il est clair que toutes les approches adoptées au cours des 100 dernières années ont été un échec lamentable pour ce qui est de la prévention en matière de consommation de cannabis chez les jeunes. Les conséquences, dont on parle abondamment, sont graves. On souligne notamment que le cerveau se développe jusqu'à l'âge de 25 ans.
Hier, on m'a fait part de certaines questions que vous avez également soulevées. Pour ma part, l'enjeu important n'est pas l'argent mais la prévention et la santé de nos jeunes. Or nous sommes en train de les inciter à se tourner vers le marché illicite, le crime organisé. Il s'agit de revendeurs non seulement de cannabis mais aussi d'autres drogues dont nous voulons encore moins que nos jeunes fassent l'expérience.
La question de l'âge me préoccupe. Si l'on décide que, pour des raisons médicales, l'âge requis doit être de 25 ans, cela ne sera pas un problème. En effet, nous sommes tous d'accord pour dire que la consommation a des conséquences. Cependant, on semble oublier qu'à partir de 18 ans, on confie aux jeunes la responsabilité de voter pour des représentants tels que nous, qui adoptons des lois.
Allons-nous leur dire qu'ils ont le droit de voter, mais qu'ils n'auront pas suffisamment de conscience sociale pour faire un choix, en toute connaissance de cause et pour leur propre santé, avant l'âge de 21 ans ou, dans d'autres cas, de 19 ans ou de 25 ans?
Je ne comprends pas la logique de tout cela.
Chaque province est autonome pour ce qui est du choix de l'âge. On établit une différence entre l'alcool et le cannabis, mais allons-nous le faire pour chacun des produits qui seront éventuellement sur le marché?
Cela dit, j'aimerais bien entendre le point de vue des infirmières. J'ai beaucoup aimé l'intervention de M. De Villaer. J'étais presque entièrement d'accord avec vous, bien qu'un peu moins sur la question de l'âge. J'aimerais en savoir un peu plus sur ce genre de questions. Pour ce qui est du prix sur le marché, dans les rues, on parlait hier de 20 $ pour 3,5 grammes. Le prix est un facteur important. Si on propose des prix qui ne correspondent pas à ceux du marché, on ne changera rien.
J'ai utilisé quatre minutes, mais je peux vous dire que la soirée d'hier a été très informative.
J'aimerais entendre vos commentaires sur la question de l'âge, sur la logique qui l'entoure et sur les conséquences qui sont en cause.
:
Je crois qu'il y a certains aspects positifs dans le projet de loi qui découlent du rapport du groupe de travail. Par exemple, on dirait qu'on permettra seulement la publicité des produits du cannabis dans les endroits fréquentés par des adultes. Cela inclura les points de vente au détail du cannabis, peut-être les points de vente au détail d'alcool, les casinos, peut-être dans le cadre de publicités avant des films pour adultes. Il y a un certain nombre de possibilités, ici.
Je crois que cette approche présume que seuls les jeunes sont touchés par la publicité et la commercialisation, eh oui, nous devrions absolument faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les efforts de publicité et de commercialisation ne rejoignent pas les jeunes. C'est quelque chose que nous ne faisons toujours pas pour l'alcool, par exemple. La publicité pour des produits alcoolisés est partout actuellement, et il n'y a aucune façon de protéger les jeunes contre cette publicité.
Les adultes seront tout de même exposés à la publicité, et il faut faire très attention de ne pas sous-estimer le pouvoir de cette industrie d'influer sur les comportements. N'oubliez pas, on parle ici de l'industrie qui, dans les années 1960, a convaincu tout le monde que fumer des feuilles séchées enroulées dans du papier allait accroître la réussite sur le plan romantique et permettre d'avoir de meilleures carrières sans aucun préjudice pour la santé. La moitié de la population adulte l'a cru. Je crois que nous en savons plus de nos jours qu'à cette époque, et cela aidera, mais les adultes restent très sensibles à la publicité. La publicité fonctionne.
Les responsables de la santé publique le disent depuis longtemps, maintenant, et on voit que le message commence à avoir un impact. Nous voyons de réputés journalistes du domaine de la santé, comme André Picard, par exemple, écrire sur la façon dont l'alcool fait l'objet d'une promotion et d'une publicité extrêmement dynamiques. Même dans l'industrie de la publicité, Terry O'Reilly est une icône dans l'industrie de la publicité canadienne, il a récemment formulé certains commentaires dans le cadre de son émission sur la façon dont l'alcool cible de façon très marquée les femmes. Les données du CAMH montrent que la consommation d'alcool chez les femmes a augmenté au même niveau que la consommation des hommes.
C'est la raison pour laquelle je propose qu'on fasse tout en notre pouvoir pour complètement interdire les publicités de toutes sortes. L'utilisation d'emballages neutres est très importante. Je suis heureux de voir qu'on en parle. En ce qui a trait aux points de vente au détail, l'une des choses que j'aimerais bien voir, c'est l'adoption d'une approche d'emballage neutre dans les points de vente au détail aussi, en raison du principe qu'un emballage de cannabis ou peu importe, comme c'est le cas des cigarettes, est une publicité. Chaque fois que quelqu'un le sort, c'est une publicité. Un emballage neutre réduit cet effet au minimum de façon importante, et j'aimerais qu'on fasse la même chose dans les points de vente au détail aussi.
Vous savez, nous en sommes à notre quatrième jour de réunion, et il devient évident qu'un des principaux sujets des témoignages et une des choses qui suscitent le plus l'intérêt des membres du Comité, c'est l'impact du cannabis et de la légalisation du cannabis sur les jeunes. Nous avons entendu dire que les Canadiens comptent parmi les plus grands consommateurs de cannabis du monde. Ils arrivent peut-être au deuxième rang. Nous avons entendu parler de l'impact sur leur santé et leurs perspectives professionnelles et de l'incidence de la légalisation et de la criminalisation sur eux. Nous avons entendu parler de développement du cerveau. On nous a aussi dit que, apparemment, ils ont des mythes et de mauvais renseignements au sujet du cannabis. Certaines personnes nous ont prodigué des conseils sur la façon de communiquer efficacement avec les jeunes au sujet du cannabis. Nous avons eu droit à des opinions différentes sur leur accès au cannabis et la question de savoir s'il est plus ou moins facile d'avoir accès à du cannabis qu'à de l'alcool. On nous a parlé de leurs attitudes à l'égard du cannabis, mais nous n'avons encore rencontré aucun jeune dans le cadre de nos réunions.
Des millions de Canadiens consomment du cannabis et l'ont reconnu. Ils en consomment aujourd'hui, ils en ont consommé et ils continueront de le faire. Le directeur parlementaire du budget a estimé qu'entre 5 et 7 millions de Canadiens consommeront du cannabis une fois le projet de loi en vigueur et, bien sûr des millions de Canadiens, je crois, ont voté clairement durant les dernières élections pour la légalisation du cannabis, mais, encore là, nous n'avons rencontré aucun Canadien ordinaire dans le cadre de nos travaux.
Il y a de grands producteurs de cannabis bien établis au Canada actuellement et qui sont responsables, depuis une décennie, si je ne m'abuse, de produire du cannabis pour le marché thérapeutique. Il y a des dispensaires un peu partout au pays, en Ontario et en Colombie-Britannique, et peut-être dans d'autres provinces, qui servent très activement le marché, et, en grande partie, ils l'ont fait pendant que les politiciens et les forces de l'ordre leur tournaient le dos doucement. Nous n'avons rencontré aucun producteur de cannabis ou responsable de dispensaires qui puissent nous parler de leur expérience au cours des 10 dernières années.
Enfin, le projet de loi, c'est ce qu'on a entendu, semble aussi, à dessein, exclure les produits comestibles et les concentrés ainsi que les produits du cannabis qui ne se fument pas, malgré les préoccupations liées à la santé et malgré l'évidente contradiction associée au fait que l'objectif même du projet de loi, c'est de retirer les produits du marché illicite, d'éliminer la présence du crime organisé et de réglementer ces produits pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Et malgré tout, nous n'avons rencontré aucun producteur de ces produits.
Selon moi, ce sont des groupes d'intervenants très importants, et j'estime qu'il est important pour le Comité de les rencontrer s'il veut avoir accès au plus de données probantes possible sur le projet de loi. Par conséquent, chers collègues, je tiens à vous avertir que je vais présenter la motion suivante, qui sera débattue, plus tard, à un moment opportun durant la journée, parce que je veux donner à mes collègues l'occasion d'y réfléchir. La motion sera la suivante:
« Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité se réunisse deux jours de plus dans le cadre de l'étude du projet de loi , et que le président soit autorisé à coordonner la comparution d'un minimum de 32 témoins (huit par groupe d'intervenant), les ressources et la mise au rôle nécessaire pour ce faire conformément aux lignes directrices suivantes: 1) les témoins doivent représenter les groupes d'intervenants suivants dans quatre groupes de témoins de deux heures par jour: (i) producteurs et dispensaires canadiens autorisés; (ii) producteurs de produits de cannabis comestibles et d'autres formes de cannabis qui ne se fument pas; (iii) Canadiens ordinaires qui ont présenté un mémoire au Comité concernant le projet de loi C-45; (iv) jeunes Canadiens âgés de 15 à 24 ans; 2) que les témoins dans chaque groupe soient attribués comme suit: deux des libéraux, un des conservateurs et un du NPD; 3) qu'on demande aux témoins de préparer une déclaration de 10 minutes et qu'on invite les témoins à présenter leurs observations écrites avant la comparution; 4) que les réunions aient lieu avant le 30 septembre 2017. »
Chers collègues, pour conclure, mon objectif ici n'est pas de retarder les audiences. Je comprends l'échéancier du gouvernement. Nous sommes le 14 septembre. Je crois que nous nous réunissons la semaine prochaine pour accueillir les ministres. Je veux donner au greffier, au président et aux partis le temps de présenter leurs témoins, mais je crois que prolonger ces audiences pour une autre semaine et demie afin de pouvoir rencontrer ces groupes importants est vraiment de mise.
Je vais conclure en disant que j'ai seulement entendu des personnes de 50 ou 60 ans parler de la façon dont il faut interagir avec les jeunes. Je crois que l'heure est venue de rencontrer des jeunes pour savoir ce qu'ils pensent du projet de loi.
:
Monsieur le président et membres du Comité, je suis très heureuse de comparaître devant vous afin de discuter de sécurité dans les milieux de travail.
Je suis accompagnée de mon collègue, M. Eric Advokaat, directeur principal de Santé et sécurité au travail.
[Traduction]
Au Canada, la question du travail, y compris la sécurité au travail, est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Depuis maintenant plus d'un siècle, le Programme du travail protège les droits et le bien-être des travailleurs et des employeurs dans les secteurs sous réglementation fédérale, ce qui représente environ 8 % de la main-d'oeuvre canadienne. Cela inclut la création et le maintien de milieux de travail sains et sécuritaires.
[Français]
Dans le cadre de son mandat, le Programme du travail est également responsable de l'application et de l'administration de la Loi sur la santé des non-fumeurs.
[Traduction]
Promulguée en 1989, la Loi sur la santé des non-fumeurs et le Règlement sur la santé des non-fumeurs vise à protéger les non-fumeurs de la fumée secondaire dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, c'est-à-dire les entreprises privées relevant de la compétence fédérale, les sociétés d'État fédérales, les organismes fédéraux désignés, la Gendarmerie royale du Canada, la fonction publique fédérale, le Parlement, ainsi que certains modes de transport, comme les navires, les trains et les aéronefs.
L'administration de la Loi sur la santé des non-fumeurs est une responsabilité conjointe du ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail et du ministre des Transports. Le premier est responsable de l'application de la loi dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, et le deuxième, de son application auprès des transporteurs publics de ressort fédéral.
Il revient en outre au ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail de nommer des inspecteurs qui s'occupent de la mise en application de la loi. En cas d'infraction à la Loi sur la santé des non-fumeurs, les amendes varient de 1 000 à 10 000 $ pour les employeurs et de 50 à 1 000 $ pour les particuliers.
Depuis 2007, au cours des 10 dernières années, il y a eu en tout 39 plaintes déposées en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs, pour une moyenne de 2 par année au cours des 5 dernières années. Cela représente 1 % des plaintes liées à la santé et à la sécurité associées à seulement une partie du Code canadien du travail. Il y a très peu de plaintes déposées en vertu de cette loi.
[Français]
À ce jour, aucune poursuite judiciaire n'a été intentée en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs.
[Traduction]
Depuis l'adoption de la Loi sur la santé des non-fumeurs et le Règlement sur la santé des non-fumeurs en 1989, l'opinion publique a grandement évolué à l'égard du tabagisme et de la fumée secondaire.
À la lumière des preuves scientifiques sur les dangers de la fumée secondaire, le Règlement sur la santé des non-fumeurs a d'ailleurs été modifié en 2007 afin de supprimer les dispositions qui autorisaient la désignation de fumoirs ou de zones fumeurs dans les milieux de travail sous réglementation fédérale. Depuis ce temps, il est interdit à tout le monde y compris aux employés et au public de fumer dans un lieu de travail sous réglementation fédérale ainsi qu'à bord de certains moyens de transport, à l'exception des zones fumeurs d'accès très restreint, comme les logements ou les véhicules motorisés auxquels une seule personne a accès pendant un quart de travail.
[Français]
Plus récemment, de nouvelles modifications à la Loi sur la santé des non-fumeurs ont été proposées dans le projet de loi .
[Traduction]
La Loi proposée sur le tabac et les produits de vapotage, le projet de loi , aurait pour effet de modifier la Loi sur la santé des non-fumeurs afin d'interdire l'usage des produits du tabac et des produits de vapotage dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, de même qu'à bord de certains moyens de transport. De plus, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a recommandé aux administrations fédérale, provinciales et territoriales d'étendre les limites actuelles relatives à l'usage du tabac dans les lieux publics pour englober la consommation des produits du cannabis. C'est pourquoi le projet de loi propose d'apporter les modifications correspondantes à la Loi sur la santé des non-fumeurs.
Le projet de loi propose par ailleurs de modifier la définition de « usage du tabac » dans la Loi sur la santé des non-fumeurs pour inclure l'usage du cannabis. Il reviendrait aux gouvernements provinciaux ou territoriaux de décider s'ils interdisent l'usage et le vapotage de tabac et de cannabis dans les espaces publics non réglementés par le gouvernement fédéral. Si le Parlement adopte ces deux projets de loi, l'usage et le vapotage de tabac et de cannabis seront alors réglementés par la Loi sur la santé des non-fumeurs dans l'ensemble des milieux de travail sous réglementation fédérale, de même qu'à bord de certains moyens de transport, comme les trains, les avions et les bateaux qui traversent des frontières provinciales ou internationales.
Les modifications que nous proposons contribueraient à protéger la santé et la sécurité au travail des employés qui relèvent de la compétence fédérale.
Merci, monsieur le président.
Dans un bref instant, je vais formuler à votre intention cinq recommandations de changements à apporter au projet de loi. J'ai conseillé et représenté des employeurs et des associations d'employeurs sur cet enjeu pendant de nombreuses années et j'ai écrit un livre sur le sujet de l'alcool et des drogues en milieu de travail. Je crois que ces changements sont essentiels si, en fait, on légalise bien la marijuana consommée à des fins récréatives le 1er juillet 2018, comme le projet de loi le propose. Essentiellement, à l'heure actuelle, il n'y a aucun cadre législatif en place ou proposé qui sera nécessaire pour que l'on puisse s'assurer que cette modification n'entraînera pas de blessure, d'accident et de décès.
Je vais vous fournir un peu de renseignements contextuels. Tout est dans le mémoire, et les notes de bas de page sont là pour prouver les faits que je vous fournirai.
Au Canada, en 2015, soit la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, il y a eu plus de 232 000 accidents entraînant une perte de temps et 852 décès. Il y environ un peu moins de 3 000 décès liés à des accidents de la route chaque année au Canada. Nous savons en raison de l'expérience au Colorado que, du moins durant la première année complète suivant la légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, le nombre de décès dans le cadre d'accidents de la route, y compris des travailleurs des transports, a augmenté de 225 %. Il a plus que doublé. Sans l'ajout d'un cadre législatif rigoureux, ce qui n'est pas encore proposé dans le projet de loi, cette modification qui a pour effet de légaliser la consommation de marijuana à des fins récréatives au Canada provoquera des tragédies.
Les autres statistiques qui préoccupent les employeurs sont les suivantes: 93 % des entreprises composent actuellement avec des cas quelconques de toxicomanie de leurs travailleurs. Il s'agit d'un problème grave et important. Plus de 38 % des demandes d'indemnisation présentées par des travailleurs sont liées à la consommation excessive d'alcool ou de drogue. Le risque qu'un travailleur se blesse — encore une fois, les notes de bas de page font état des documents de référence qui le prouvent — est 2,7 fois plus élevé lorsqu'il consomme de l'alcool ou de la drogue. La supposition dans mon mémoire, c'est que la légalisation de la marijuana consommée à des fins récréatives non seulement augmentera l'acceptation sociale et le niveau de consommation, mais exacerbera aussi ce que mes clients constatent déjà, soit une consommation accrue puisque la légalisation est imminente.
Les tribunaux, et en fait le juge en chef, lorsqu'il faisait valoir son point de vue dans l'affaire Irving Pulp & Paper, nous a laissé entendre, à moi et à l'autre avocat dans ce dossier sur les alcootests aléatoires, que l'Assemblée législative et le Parlement sont les meilleurs endroits pour créer un cadre complet plutôt que de traiter ces dossiers au cas par cas, devant les tribunaux et devant des arbitres. Laissez-moi maintenant vous fournir — et, je le répète, j'espère que le mémoire a été fourni aux membres du Comité — les cinq recommandations qui figurent dans notre mémoire et que nous vous demandons de prendre en considération. Ces recommandations visent essentiellement à assurer la sécurité des lieux de travail, des travailleurs et des membres du public qui interagissent avec les travailleurs.
Premièrement, le Code canadien du travail, évidemment, vise seulement un nombre limité de travailleurs, environ 8 ou 9 %, mais il y a une obligation qui figure dans toutes les autres lois provinciales, et c'est l'obligation de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les travailleurs ont aussi des devoirs, mais notre première recommandation, c'est de reconnaître la réalité actuelle et reconnaître qu'elle sera exacerbée par la légalisation de la marijuana. Il n'y a absolument rien qui empêche un travailleur d'arriver au travail sous l'effet du cannabis ou d'une autre drogue, alors la première recommandation consiste à interdire à tous les travailleurs d'entrer au travail après avoir consommé du cannabis ou d'autres drogues sans avoir obtenu une autorisation médicale et après avoir consulté l'employeur. Il s'agit d'une suggestion logique qui, selon nous, devrait être prise en considération.
Deuxièmement, on discute et on débat des postes critiques pour la sécurité sans avoir établi une définition juridique de ce terme. Un poste critique pour la sécurité inclut évidemment le pilote qui nous amène dans les nuages et doit être sobre, le camionneur qui chemine sur une route internationale ou interprovinciale, et qui est donc visé par la réglementation fédérale, ou peut-être un opérateur de grue-tour qui relève de la réglementation provinciale. La notion de poste critique pour la sécurité n'a pas encore été définie dans le Code canadien du travail. Il faut le faire, parce que certaines choses en découleront. Il faut faire l'objet d'un examen plus minutieux et d'une surveillance réglementaire accrue des postes critiques pour la sécurité. Notre deuxième recommandation est donc de définir le terme « poste critique pour la sécurité ».
Troisièmement, nous faisons valoir qu'il doit y avoir une obligation positive en vertu de laquelle tous les travailleurs, superviseurs et gestionnaires qui se sont vu légalement prescrire de la marijuana thérapeutique pour composer avec une affection médicale — ou d'autres médicaments — de déclarer cette situation à l'employeur s'ils sont des titulaires de postes critiques pour la sécurité. Il doit y avoir un lien entre la divulgation, la transparence et — je vais l'expliquer plus tard — la protection de ces travailleurs afin que l'on puisse s'assurer qu'ils ne font pas l'objet d'une discrimination injuste.
Quatrièmement, — il s'agit probablement de la chose la plus controversée que je vais recommander —, c'est l'idée de permettre des tests de dépistage aléatoires des travailleurs, tant pour le cannabis que pour les autres drogues, s'ils occupent un poste critique pour la sécurité. La loi, comme vous le savez, n'a pas été établie en vertu du leadership du Parlement, mais par les tribunaux, de façon réactive, à la suite d'analyses au cas par cas.
La décision la plus récente sur les tests de dépistage d'alcool et de drogues est l'affaire Irving Pulp & Paper. Je suis intervenu dans ce dossier. C'est à moment-là que le juge en chef m'a demandé s'il ne serait pas préférable que l'assemblée législative assume un leadership dans ce dossier pour mettre en place un cadre législatif plutôt que d'avoir à réagir au cas par cas. Je n'ai pas pu être en désaccord avec celui qui est maintenant l'ancien juge en chef. Mais la Cour a fini par trancher que le dépistage aléatoire d'alcool, alors qu'il y a un seuil juridique très clair prévu dans le Code criminel dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, n'était pas permis dans une usine dangereuse de pâtes et papier du Nouveau-Brunswick à trois coins de rue d'une école publique, parce qu'il n'y avait pas suffisamment des personnes en état d'ébriété qui causent des accidents. Essentiellement, c'est le point de vue de l'employeur sur la décision, dans l'affaire Irving Pulp & Paper. C'est troublant.
Cependant, la décision Irving Pulp & Paper affirme qu'on peut tester une personne qui cause un accident, après l'accident, ou si l'employeur détermine que la personne a les facultés affaiblies au travail. Pourquoi faut-il attendre? Pourquoi ne pouvons-nous pas, comme on le fait dans les programmes de sobriété au volant, durant le temps des Fêtes, utiliser un moyen de dissuasion et un processus de détection au moyen de tests aléatoires en milieu de travail? La suggestion concerne seulement les postes critiques pour la sécurité, alors ce n'est pas une mesure qui ratisse trop large.
Enfin, pour compléter ce que je viens de dire et l'obligation redditionnelle, nous recommandons de modifier le Code canadien du travail pour exiger des travailleurs qu'ils déclarent d'eux-mêmes le fait qu'ils prennent légalement des drogues. Il s'agit d'une disposition liée aux mesures d'adaptation. Certains pourraient dire qu'il y a des précédents sous-entendus liés à l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, et c'est vrai, une telle jurisprudence existe.
Je crois qu'un cadre législatif complet pourrait donner clairement aux employeurs et aux syndicats l'obligation légale de prendre des mesures d'adaptation pour les travailleurs qui déclarent avoir un problème de dépendance ou de toxicomanie; cela est aussi conforme au cadre des postes critiques pour la sécurité. Si l'employé déclare de lui-même qu'il a un problème, il est protégé. Il aura sa sécurité d'emploi, on l'aidera, espérons-le, en l'aiguillant vers un programme de réadaptation constructif.
Je crois que cette exigence, comme on peut le voir dans l'arrêt Elk Valley Coal, la décision de la Cour suprême sur le devoir de prendre des mesures d'adaptation, devrait être que la personne doit déclarer d'elle-même avoir un problème avant de causer un accident, parce que, après un accident, l'employeur doit avoir le droit d'invoquer la responsabilité du travailleur.
Pour conclure, j'espère que ces cinq recommandations seront prises en considération pour créer un cadre législatif complet sur la sécurité au travail, un cadre qui sera juste pour les travailleurs, qui protégera les travailleurs d'eux-mêmes et des autres travailleurs et qui réduira les risques juridiques qu'on fait injustement courir aux employeurs lorsque, en fait, on les blâme parce qu'ils ne se sont pas assurés qu'un travailleur arrivait au travail sobre et qu'il travaillait de façon sécuritaire.
Il est évident que le projet de loi est controversé: il est controversé de légaliser la marijuana consommée à des fins récréatives. Je ne veux pas me prononcer sur ce sujet, puisqu'il s'agit d'une expérience sociale très complexe, mais si le gouvernement va de l'avant, nous espérons que vous tiendrez bien compte des enjeux liés à la sécurité au travail et des recommandations que nous vous avons formulées.
Merci.
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Monsieur le président et membres du Comité, merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
Je vais aborder le sujet de notre groupe, la sécurité en milieu de travail, d'un point de vue différent, du point de vue des employés, et plus précisément du point de vue d'un groupe précis d'employés, soit les milliers de travailleurs de partout au pays qui oeuvrent actuellement dans l'industrie illicite du cannabis.
On estime que plus de 13 000 personnes en Colombie-Britannique seulement participent à l'industrie du cannabis illicite et y travaillent. On estime qu'ils empochent en salaire plus de 600 millions de dollars. Évidemment, il s'agit seulement d'une estimation. Nous n'avons pas de statistiques fiables, mais je crois qu'on peut dire sans se tromper que, à l'échelle du pays, on parle de dizaines de milliers de travailleurs qui participent à la culture, à la transformation et à la vente du cannabis illicite. La sécurité de ces travailleurs est menacée d'un certain nombre de façons. Dans le secteur de la vente au détail, les travailleurs de dispensaires font face à des menaces à leur sécurité personnelle en raison du risque de vol par effraction. Les dispensaires sont une proie facile pour les voleurs en raison de l'argent comptant qu'on y trouve et en raison du fait que les voleurs savent qu'il y a de bonnes chances que le vol ne sera même pas déclaré aux forces de l'ordre. Il peut y avoir des risques environnementaux liés au fait de travailler dans une installation de culture ou un laboratoire non réglementé et, bien sûr, la liberté personnelle de ces travailleurs est menacée par le risque de poursuites criminelles.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire qu'il est possible d'atténuer les risques auxquels sont confrontés ces travailleurs tout en faisant simultanément la promotion des objectifs de la légalisation, tandis qu'on fournira à ces travailleurs une occasion valable de participer au marché légal. On peut y arriver en codifiant dans le projet de loi et la réglementation liée au projet de loi une tolérance pour les candidats dont on sait parfaitement qu'ils ont participé préalablement au marché illicite.
Le paragraphe 62(7) du projet de loi prévoit que le ministre peut refuser de délivrer un permis de production si le demandeur a contrevenu, au cours des 10 dernières années, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRDS. Cette interdiction, à elle seule, exclut quiconque a été déclaré coupable de production, de trafic ou même de possession de cannabis au cours des 10 dernières années. Le projet de loi prévoit aussi que des motifs supplémentaires de refus peuvent être établis par réglementation.
Nous ne savons pas encore à quoi la réglementation ressemblera, mais nous pouvons regarder l'actuel Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales, le RACFM, pour nous faire une idée. À l'article 36 du RACFM, il est indiqué que non seulement les ministres doivent refuser de délivrer une licence de producteur lorsqu'il y a eu infraction à la LRDS au cours des 10 années précédentes, mais le ministre doit aussi refuser de le faire lorsque les organisations d'application de la loi ont fourni des renseignements qui donnent des motifs raisonnables de croire que le demandeur a participé au détournement d'une substance désignée vers un marché illicite. L'utilisation du thème « motif raisonnable », ici, est importante, parce que cela signifie qu'une déclaration de culpabilité n'est pas nécessaire. Il n'est même pas nécessaire que des chefs d'accusation aient été portés. Un simple soupçon raisonnable est suffisant pour entraîner le refus d'une demande.
De plus, le RACFM prévoit que tous les directeurs et dirigeants d'un producteur autorisé ainsi que certains employés clés doivent obtenir une habilitation de sécurité. L'article 67 du projet de loi parle aussi d'habilitation de sécurité; il semble donc que cette notion sera incluse dans la Loi sur le cannabis et, encore une fois, au titre de l'article 112 du RACFM, de simples motifs raisonnables de soupçonner qu'un demandeur a participé au détournement d'une substance contrôlée vers un marché illicite est un facteur dont le ministre doit tenir compte lorsqu'il détermine d'octroyer une habilitation de sécurité.
Il est évident que le RACRFM contient un cadre qui, essentiellement, empêche les participants de l'ancien marché illicite du cannabis d'obtenir un permis pour produire du cannabis thérapeutique tout en les empêchant d'occuper de nombreux postes importants auprès d'un producteur autorisé. Cela crée aussi un effet paralysant sur les producteurs autorisés qui hésiteront avant d'embaucher des personnes ayant déjà été déclarées coupables d'infractions liées au cannabis, et il semble bien qu'on s'en aille dans la même direction avec le projet de loi .
On peut opposer cette approche à celle qui est adoptée aux États-Unis. Des huit États américains qui autorisent la production de cannabis à des fins récréatives, sept ont une loi qui contient ce que j'appellerais des dispositions d'amnistie au sujet des déclarations de culpabilité préalables liées à des infractions associées au cannabis. Le Massachusetts, le Nevada et le Colorado refusent de délivrer des permis à des personnes ayant des condamnations criminelles, mais ils excluent expressément certaines infractions liées à la marijuana de cette règle. L'Oregon, le Maine et Washington excluent certaines déclarations de culpabilité liées à la marijuana complètement dans le cadre du processus d'octroi d'un permis. Le libellé de la réglementation californienne est le plus inclusif. Il prévoit qu'une déclaration de culpabilité préalable pour la possession, la vente, la fabrication ou la culture d'une substance contrôlée, si aucun mineur n'est impliqué, ne doit pas être l'unique motif pour rejeter une demande de permis. Au moins 11 États qui ont légalisé le cannabis thérapeutique ont aussi mis en place certaines formes de disposition d'amnistie dans leur loi.
Je soutiens que c'est la direction que nous devons prendre au Canada aussi. Nous devons tenir compte et débattre des paramètres d'une participation préalable acceptable au marché illicite. Bon nombre de ces personnes aimeraient saisir l'occasion d'oeuvrer en toute légalité. Elles respecteraient la réglementation. Bien sûr, certains choisiraient de continuer à oeuvrer hors du cadre légal, afin de ne pas être accablés par la réglementation gouvernementale, ainsi soit-il. On s'occupera d'eux du côté des infractions et de l'application de la loi, mais on devrait offrir l'occasion aux gens de se conformer et de participer.
À tout le moins, de simples infractions pour possession ne devraient pas interdire la participation au marché légal, mais selon moi, nous devrions aller plus loin que ça, parce que les entrepreneurs du cannabis auxquels je fais référence produisent et vendent des produits du cannabis, et ils seraient donc encore exclus. Nous avons besoin d'une approche plus nuancée dans le dossier de la délivrance de permis et au moment de déterminer à qui il faut refuser un permis. Par exemple, nous pouvons exclure les personnes déclarées coupables d'infraction faisant intervenir des jeunes. Nous pouvons exclure ceux qui ont des liens établis avec le crime organisé. Nous pouvons aussi exclure les personnes déclarées coupables d'infractions liées à des armes à feu, à la violence ou à des substances contrôlées autres que le cannabis. Nous pouvons définir des paramètres raisonnables qui excluent ceux qui sont susceptibles d'être une menace pour la santé et la sécurité publique, tout en fournissant l'occasion de participer à ceux qui ne constituent pas une telle menace.
Je suis une avocate d'affaires. Je conseille l'industrie du cannabis thérapeutique depuis la privatisation, il y a trois ans et demi grâce au RMFM. J'ai vu les limites du système, mais j'ai aussi vu le potentiel de cette industrie. Les producteurs autorisés actuels ne sont pas contre une industrie inclusive. Ce qu'ils veulent, c'est que tout le monde soit sur un pied d'égalité et soit assujetti aux mêmes règles. Sachez que je ne vous suggère pas ça parce que je suis une militante procannabis et je ne dis pas non plus que les participants sur le marché illicite ont, en quelque sorte, gagné leur droit de participer pour récompenser leur désobéissance civile. Je le suggère parce que je crois que c'est la seule façon dont la légalisation fonctionnera vraiment. Les objectifs énoncés dans le projet de loi incluent la réduction du marché illicite, et on tente d'y arriver en imposant des sanctions criminelles aux personnes qui oeuvrent à l'extérieur du cadre légal, mais cette approche, à elle-même, ne fonctionnera pas. Nous le savons, parce que ça n'a pas fonctionné dans le passé. Ceux qui sont exclus continueront d'oeuvrer hors du cadre légal. Une meilleure approche serait de concevoir un cadre de légalisation qui permet l'inclusion des anciens participants du marché illicite. De cette façon, on renforcera l'objectif lié à la santé et à la sécurité publique en assujettissant ces personnes à la surveillance et à la réglementation gouvernementales. On augmentera aussi ainsi les revenus fiscaux, puisque ces personnes déclareront leur revenu et paieront de l'impôt. Cette mesure permettra à l'industrie légale de bénéficier de toutes les connaissances possédées par ces personnes et protégera ces personnes en leur permettant de travailler dans un environnement sécuritaire et réglementé, sans risque de sanctions criminelles. Si nous ne réussissons pas à créer une industrie du cannabis inclusive, le marché noir s'en portera mieux et, si c'est le cas, les mineurs continueront d'avoir facilement accès à du cannabis, l'objectif lié à la santé et la sécurité publique qui consiste à limiter l'accès aux produits du cannabis non réglementé sera compromis, et nous continuerons d'imposer un fardeau inutile au système de justice pénale.
J'ajouterais aussi qu'une réelle occasion d'assurer la transition vers le marché légal exige des règlements qui ne sont pas tellement contraignants que, concrètement, ils excluent les petits exploitants. En fait, le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a recommandé au gouvernement d'encourager la diversité du marché en créant un espace pour les petits producteurs. En ce qui a trait au RACFM, ce que je constate, c'est que le coût de la conformité, en particulier en ce qui a trait aux exigences liées à la sécurité, est un réel obstacle pour les petits producteurs, et une réelle occasion de transition exige aussi d'élargir la portée des produits du cannabis pour inclure les produits comestibles et d'autres produits dérivés. C'est ce que le marché veut et demande, et c'est ce qu'il faudra offrir pour assurer la transition des producteurs actuels de ces produits dérivés vers le marché légal.
Merci.
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Selon moi, monsieur, non. Le projet de loi complémentaire semble présumer que c'est seulement les membres du public qui peuvent être blessés ou tués par quelqu'un sous l'influence du cannabis. Le projet de loi fait fi de tous les travailleurs canadiens qui se rendent au travail chaque jour, surtout ceux qui occupent des postes critiques pour la sécurité ou des postes qui y sont rattachés.
Puisqu'il n'y a pas encore de seuil pour mesurer les facultés affaiblies par le cannabis et que la technologie évoluera peut-être, il est difficile de toujours convaincre les gens qu'on peut effectuer des tests aléatoires en milieu de travail qui donnent des résultats concrets, mais la TTC l'a fait. Les tribunaux ont maintenu le programme de test aléatoire de dépistage d'alcool et de drogue de la TTC, mais les procédures se poursuivent, et elles pourraient se poursuivre pendant de nombreuses années. S'il faut se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada, il faudra peut-être attendre encore 10 ans.
Les intervenants en milieu de travail ont besoin d'un cadre, et si c'est un projet de loi fédéral qui entraîne la légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, il serait seulement logique que, même si la compétence fédérale ne s'étend pas à tous les milieux de travail, le gouvernement fédéral assure aussi un leadership relativement aux risques graves pour la sécurité. Je pourrais vous ennuyer avec un exemple après l'autre. Il y a trois dossiers qui m'occupent actuellement devant les tribunaux, des cas où une personne est décédée parce qu'elle avait les facultés affaiblies. Dans tous les cas, c'est l'employeur qui est blâmé.
Il faut procéder à un examen plus rigoureux, et je vous suggère d'apporter des modifications au Code canadien du travail liées précisément à la sécurité au travail. Pour ce qui est de l'aspect du projet de loi lié à ce qui se passe sur les routes, il s'attache aux questions de sécurité publique, dans une certaine mesure, et un petit peu, indirectement, à la sécurité au travail des travailleurs du secteur des transports, mais personne ne veut se promener près d'un chantier de construction où une grue à tour est installée et où un travailleur ne fait l'objet d'aucun dépistage et n'a pas à s'inquiéter du fait qu'il ne respecte pas le système en étant défoncé au travail et en échappant une benne à béton sur la tête de quelqu'un.
C'est une pensée terrible, et ce sont des situations dont je m'occupe plus souvent que je l'aimerais dans le cadre de ma pratique. Si on se contente de dire que, en vertu de la clause d'obligation générale visant les employeurs, il faut trouver une façon de bien faire les choses, alors que les tribunaux ne permettent généralement pas les tests aléatoires, je crois qu'on passe à côté du fait qu'il y a déjà une augmentation de la consommation et de l'acceptation, surtout dans l'industrie de la construction en Ontario. Cette situation sera encore plus prévalente lorsque la consommation sera légale et que l'acceptation sociale augmentera. Je ne crois pas que le projet de loi actuel permet de dissiper les préoccupations que j'ai soulevées.
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Encore une fois, vous êtes d'excellents invités. J'aurais aimé avoir plus de temps avec vous.
J'aimerais commencer par Me Keith.
Je suis d'Oshawa, et il y a dans mon coin beaucoup de syndicats, beaucoup de travailleurs. J'étais heureux de vous entendre dire ce que vous avez dit, parce que vous vous faites l'écho de ce que me disent les syndicats aussi.
Il y a un certain nombre d'autres choses dont ces gens m'ont parlé et que vous n'avez pas incluses. Ce sont des choses, comme des tests sanguins, la collecte d'ADN, à qui reviendrait la gestion des coûts et qui payerait pour assurer la conformité.
Il y a de nouvelles technologies. J'imagine qu'il y a d'autres technologies pour l'alcool qu'on pourrait intégrer directement sur l'équipement lourd. Une personne doit souffler dans un tube, et la machine fonctionne. Si ces nouvelles technologies voient le jour, encore une fois, qui payera? En ce qui a trait à la collecte de données, qui sera propriétaire? Il y a beaucoup de questions liées à ce projet de loi. Vous avez seulement souligné certaines des insuffisances.
Vous avez très justement souligné que c'est une expérience sociale complexe, mais c'est aussi un processus de mise en oeuvre d'une politique publique mal réfléchie. Je crois que, en accueillant des témoins, ici, aujourd'hui... c'est important de pouvoir regarder la situation et de dire que la responsabilité du gouvernement, c'est d'assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Le présent groupe de témoins est le seul, si je ne m'abuse, qui se penche précisément sur les travailleurs.
Je vais vous poser quelques questions. Nous savons que, si quelqu'un fume du cannabis durant la fin de semaine, il peut encore avoir des traces dans son système pendant des jours. Nous avons entendu dire que l'effet peut être cumulatif, même des semaines plus tard. Est-ce que cette situation sera problématique si les tests obligatoires deviennent la norme en milieu de travail? Encore une fois, qui définira la notion de facultés affaiblies? Vous avez mentionné des niveaux dans le sang. Il y a beaucoup d'incohérence à ce sujet.
Ne sera-t-il pas difficile de punir ou de réprimander des employés qui ont du cannabis dans leur système parce qu'ils ont fait quelque chose de tout à fait légal durant la fin de semaine ou le soir dans l'intimité de leur foyer? Pouvez-vous nous prodiguer certains conseils sur la façon dont il faudrait gérer cette situation?
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Je ne suis pas un médecin et je n'en joue même pas un à la télévision, mais j'ai beaucoup lu sur cette question.
J'encourage le Comité à regarder l'injonction de l'honorable juge Frank Marrocco sur la politique de la TTC concernant l'« aptitude au travail ». Essentiellement, ce qu'il fait, c'est qu'il prend le consensus d'experts médicaux du monde entier sur l'affaiblissement des facultés causé par le cannabis. Il trouve ensuite une moyenne statistique qui fait consensus quant au niveau de THC — le tétrahydrocannabinol, l'ingrédient psychoactif en jeu dans la marijuana et le hachisch —, puis double cette moyenne. On détermine ensuite que tout ce qui est inférieur au seuil est considéré comme un résultat négatif, et tout ce qui est supérieur, comme un résultat positif.
Pour protéger et atténuer les préoccupations des travailleurs et des leaders syndicaux liées à la vie privée, les résultats ne sont pas communiqués à l'employeur. C'est la norme pour tous les tests réalisés au Canada, si limités soient-ils.
Puis, les résultats sont passés en revue par un médecin examinateur et parfois il y a une explication légitime ou une autorisation médicale — en bon français, une ordonnance — et il y a une conversation entre le travailleur et l'examinateur médical ou le médecin. C'est seulement après la réalisation de l'évaluation que, pour protéger la vie privée et les intérêts personnels médicaux du travailleur, on peut déclarer un résultat positif à l'employeur.
Si l'employeur obtient un résultat positif, le travailleur — en compagnie d'un représentant syndical, s'il est syndiqué — a l'occasion de dire ou de déclarer de lui-même qu'il a une dépendance ou une toxicomanie. S'il emprunte cette voie, les lois sur les droits de la personne de partout au pays exigent que l'employeur traite son problème comme une invalidité et prenne des mesures d'adaptation dans la mesure où il ne subit pas ainsi de contrainte excessive. Ce sont des mots juridiques compliqués pour dire qu'on l'envoie en réhabilitation. S'il se rétablit et qu'il reste sobre, il peut revenir.
C'est quelque chose qui se passe souvent actuellement. Le problème, cependant, c'est qu'il n'y a pas de détection ni d'effet dissuasif en raison de l'incapacité de mener des tests aléatoires, ce qui est la règle, établie par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Irving, lequel est contesté par la TTC.
Toutes les procédures...
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Beaucoup de statistiques, qui viennent principalement des États-Unis, indiquent que dès qu'on met en place un programme de dépistage aléatoire d'alcool, la consommation diminue de plus de 50 %. Le fait de permettre les tests réduira le risque pour tout le monde, un point c'est tout, mais ensuite il y a le problème de la personne qui est testée. Est-ce que c'est l'employeur qui payera? De façon générale, c'est ce qui arrive, s'il le désire.
Les employeurs devraient-ils avoir le droit de tester tout le monde? À notre avis, non, il faut seulement le faire dans le cas des titulaires de postes critiques pour la sécurité, en d'autres mots, des postes où le titulaire, comme un conducteur d'autobus de la TTC ou un pilote d'avion, peut se blesser gravement et blesser aussi les autres et le grand public.
Le cas de Sunwing, qui a été très médiatisé, en est un qui est troublant, parce qu'il a fallu que ce soit les agents de bord qui dénoncent un pilote ivre et inapte qui, sinon, ne faisait pas l'objet de tests. Aucun de nous ne veut s'imaginer prendre un avion s'il ne fait pas confiance à l'équipage.
Pour ce qui est du mécanisme, je crois que c'est un choix qui reviendra aux employeurs, lorsqu'ils oeuvrent dans des milieux de travail dangereux où il y a des postes critiques pour la sécurité. Les employeurs, cependant, choisiront probablement d'investir et d'assumer les coûts, en raison du coût des blessures dans le cadre des régimes d'indemnisation des accidentés du travail, de l'impératif moral, de la perte d'un bon travailleur, mais, avant tout, du risque de poursuite.
Je ne sais pas si vous connaissez le cas de Metron Construction. Quatre travailleurs sont morts, dont trois avec les facultés très affaiblies par le THC, la veille de Noël, en 2009. L'employeur a été puni par un juge de première instance et s'est vu imposer une amende de 200 000 $. Il a aussi été puni parce qu'il n'a pas empêché les travailleurs d'être défoncés au travail. C'est ce que la Cour d'appel a dit. C'est l'une des trois raisons dans le cas de Metron. Je vous ai fourni la citation.
En d'autres mots, un employeur qui n'empêche pas ses travailleurs de venir travailler avec les facultés affaiblies et de menacer la sécurité court un réel risque financier. Cela fait partie de la motivation d'un bon employeur. Il veut prendre soin de ses travailleurs. Il a à coeur le public et il ne veut pas causer de préjudice. Cependant, les employeurs ont aussi à coeur leurs résultats financiers: ce n'est pas bon pour les affaires lorsque des travailleurs viennent au travail sous l'effet du cannabis ou d'autres drogues et causent des accidents, des blessures ou encore pire.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins.
Maître Keith, je crois que vous avez souligné une réelle lacune dans le projet de loi qui fera en sorte que les travailleurs et les employeurs ne seront pas bien protégés lorsque la marijuana sera légalisée. Je le dis parce que je crois avoir une certaine expérience dans ce domaine. J'ai été directrice de l'ingénierie et de la construction chez Suncor. Nous voulions mettre en place une politique de tolérance zéro en matière de drogue.
Je vis dans une collectivité relativement petite. Il y a là beaucoup de gens de métier, et nous savons très bien quels gens de métier consomment de la marijuana de façon chronique. Nous ne pouvions rien faire à leur sujet au travail ni réaliser une quelconque évaluation. Il n'y avait pas de test aléatoire permis, tout comme les tests obligatoires n'étaient pas permis, ce que j'opposerais à certaines des pratiques exemplaires qu'on voit ailleurs.
J'ai travaillé aux États-Unis, pour Dow Chemical, Shell, ExxonMobil et un certain nombre d'organisations. Non seulement ils font des tests aléatoires, qui génèrent les résultats dont vous avez parlé en ce qui a trait à la réduction de la consommation, mais, très souvent, il y a aussi un examen de santé obligatoire dans le cadre duquel on procède à des tests de dépistage du cannabis avant que la personne puisse mettre les pieds sur le chantier de construction.
Je crois qu'il y a des exemples qui existent. J'aimerais bien qu'on ajoute quelque chose dans le projet de loi à cet égard.
Si nous décidons que nous allons permettre les tests, alors, je me demande quels seront les coûts qui seront imposés aux organisations. Chez Suncor, si quelqu'un utilisait un médicament sur ordonnance, il avait l'obligation de le dire au personnel infirmier. Nous avions une infirmière ou un infirmier en service qui pouvait réaliser un test sanguin, mais, si une telle mesure n'est pas possible, de quelle façon va-t-on mettre ces ressources en place?
Je crois que l'autre préoccupation est liée aux données que vous avez mentionnées sur la CSPAAT, soit que 38 % des incidents sont liés à ce problème. C'est un très grand nombre de réclamations qui sont refusées. Lorsque le cannabis sera légal, et il y a beaucoup de controverse quant à savoir si une personne est vraiment sous l'effet du cannabis ou non et ce que la technologie permet de faire, je crains que cela n'entraîne une augmentation du nombre de demandes présentées à la CSPAAT.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de l'incidence sur les ressources pour les entreprises?
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Les amendements que nous proposons d'apporter au Code canadien du travail ont pour but, selon moi, d'autoriser les employeurs à faire subir, au hasard, un test de dépistage à leurs employés qui occupent un poste critique pour la sécurité. Encore une fois, on veut cela surtout à des fins de dissuasion et, dans une moindre mesure, à des fins de détection. En outre, cela suppose des coûts, comme vous l'avez dit.
Je doute que tous les employeurs se réjouissent à l'idée de dépenser de l'argent pour cela. Ils vont probablement vouloir partager le coût, et ils pourront essayer, si leurs employés sont syndiqués, en négociant cela dans la convention collective. Mais il est peu probable, selon moi, qu'ils trouvent un terrain d'entente.
J'imagine que les petites entreprises avec peu de ressources seront probablement hésitantes, mais je me dis que la plupart des employeurs, en particulier lorsqu'il s'agit d'emplois dangereux ou de postes critiques pour la sécurité, comprennent que la prévention des accidents est également un énorme fardeau sur le plan juridique ainsi que sur le plan économique. Ça me rappelle le vieux dicton « vaut mieux prévenir que guérir ». Je crois que la plupart des employeurs — même si je ne peux pas m'exprimer en leur nom collectif ou au nom d'aucun d'entre eux en particulier — accueilleront probablement volontiers ces frais additionnels s'il leur était permis par la loi de faire ce genre de choses.
Ce qui est troublant pour les employeurs — et j'ai entendu le même son de cloche de la part d'un grand nombre d'employeurs et d'associations patronales —, c'est que même si nous avons de bons arguments en faveur des tests de dépistage aléatoires, en particulier vu la décision du tribunal relativement à ce qui s'est passé avec la TTC, personne ne veut passer les 8 à 10 prochaines années à débattre devant les tribunaux, et c'est ce qui risque d'arriver. C'est pourquoi nous avons besoin d'un cadre législatif, même s'il s'agit d'un encadrement restrictif et équitable, avec des dispositions intégrées visant à protéger la vie privée. C'est exactement ça... J'aimerais que le Comité prenne en considération la décision du tribunal relativement à la TTC. La politique de la TTC a été très clairement définie et judicieusement approuvée, même si un appel a été interjeté contre la décision.
Qui peut dire comment tout cela va finir sur le plan juridique? Fondamentalement, ce qu'on doit se demander, c'est combien de nouveaux accidents vont être provoqués par des gens travaillant dans un lieu de travail dangereux? Jusqu'à quel point la société peut tolérer de sacrifier un peu de sa vie privée si cela peut prévenir un grand nombre d'accidents de travail?
J'ai aussi un autre argument. Je ne l'ai pas abordé plus tôt, mais cela concerne votre question à propos des coûts. Simplement, même si l'employeur assume la totalité des frais, il demeure un problème fondamental dont les dirigeants syndicaux ont fait fi dans une grande mesure. Je parle du fait que les syndicats, autant à l'échelon fédéral que provincial, ont, selon la loi, le devoir de représenter équitablement tous les travailleurs syndiqués, et pas seulement les consommateurs de drogues. Et devinez justement qui sont les employés qui subissent des blessures ou qui perdent la vie? Ce sont des travailleurs syndiqués, à cause de travailleurs syndiqués. Il y a un manque de leadership de la part des dirigeants syndicaux; ils disent qu'ils ont des comptes à rendre à tous, mais ce n'est pas le cas. Ils devraient encourager l'idée de réduire la consommation de drogues ou d'alcool en milieu de travail. Si les tests s'avèrent des moyens de dissuasion efficaces, on devrait travailler avec les employeurs pour renforcer cette méthode.
Comme nous l'avons recommandé, un bon départ serait d'encadrer cela dans la loi de façon à ce que les employeurs puissent le faire.
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C'est un scénario hypothétique.
Laissez-moi vous répondre, en partie, avec un exemple. J’ai un client qui est entrepreneur de coffrage. C’est le plus gros entrepreneur de coffrage de la province de l’Ontario, et il estime qu’entre 45 et 55 % de ses employés consomment du cannabis illégalement à l’heure actuelle. Il n’a aucun moyen de le vérifier. Il y a eu quelques cas de congédiement parce que les gens fumaient ouvertement pendant leur pause cigarette. Voilà ce qui arrive présentement.
Les gens s'allument un joint pendant leur pause cigarette sur le chantier de construction parce que ce n'est pas interdit et parce qu'ils sont à l'air libre. Pour eux, fumer du cannabis est comparable à fumer la cigarette, mais le fait est que cela affaiblit les facultés différemment. C'est un peu comme s'ils décidaient de sortir la bière pendant leur pause cigarette. Je crois que c'est plus approprié, comme métaphore ou comme comparaison.
Les employeurs ne veulent pas être mêlés aux enquêtes criminelles liées au travail. Ils ne veulent pas que leurs employés se blessent. Tout ce qu'ils veulent, c'est que leurs employés se présentent au travail à jeun, qu'ils soient en mesure de faire leur travail de façon productive et sécuritaire.
L'intention qui sous-tend l'encadrement législatif est... je n'arrête pas de citer l'ancien juge en chef, parce que je crois que les tribunaux en ont assez du fait qu'il n'y a ni leadership ni loi pour trancher cette question épineuse et trouver un juste milieu entre ce dont nous avons discuté précédemment, les droits relatifs au respect de la vie privée et le droit des travailleurs de travailler en toute sécurité.
La réalité, c'est que les services de police ne sont pas suffisants pour surveiller tous ceux qui vont fumer ou consommer de la cocaïne ou boire de l'alcool et mettre d'autres personnes en danger. Certains consomment des substances légales, d'autres, des substances illicites.
Ce n'est pas tant une question de légalité ici... mais il est vrai que la légalisation du cannabis aura pour effet d'augmenter son acceptabilité sociale et son utilisation, ce qui entraîne un risque plus grand pour les travailleurs et leurs collègues qui occupent des postes critiques pour la sécurité. L'intention qui sous-tend l'encadrement juridique que j'ai recommandé est de veiller, par l'intermédiaire de mesures de protection nouvelles ou améliorées, à la sécurité des gens au travail et à la sécurité du public tout en protégeant le droit au respect à la vie privée des travailleurs.
Les employeurs ne veulent tout simplement pas des problèmes qu'entraînerait la tenue d'une enquête criminelle sur le lieu de travail. Ils vont résister. Je donne des conseils aux employeurs depuis longtemps, et il semble que ce soit un thème récurrent, peu importe l'industrie ou l'endroit où ils se trouvent au Canada.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous avoir invités à participer à la séance d'aujourd'hui. Je m'adresse à vous ici en tant que ministre de la Santé du Ralliement national des Métis. Je suis également la présidente de la Métis Nation British Columbia. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour exposer le point de vue de la nation métisse sur le projet de loi .
En guise de contexte, les Métis sont un peuple autochtone distinct, conformément à l'article 35 de la Constitution. La nation métisse a développé au cours de l'histoire sa propre identité collective, sa propre langue, sa propre culture, son propre mode de vie et sa propre autonomie gouvernementale dans le Nord-Ouest historique avant l'expansion vers l'ouest qui a suivi l'établissement de la Confédération. Aujourd'hui, la nation métisse est toujours un peuple autochtone distinct, et nous voulons défendre notre droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale au sein du Canada.
Le Ralliement national des Métis est dirigé par cinq organisations membres. Il s’agit de la Métis Nation British Columbia, la Métis Nation of Alberta, la Métis Nation of Saskatchewan, la Fédération des Métis du Manitoba et la Métis Nation of Ontario. Les organisations dirigeantes du Ralliement, par l’intermédiaire de leurs membres et de leurs représentants élus démocratiquement aux échelons locaux, régionaux et provinciaux, ont le mandat et l’autorité de représenter les gens qui appartiennent à la nation métisse.
Environ un tiers des Autochtones du Canada s'identifient comme Métis. Selon le recensement de 2011, plus de 450 000 personnes se sont déclarées métisses, et près de 85 % d'entre elles vivaient dans les provinces de l'Ouest et en Ontario. Plus de 70 % des Métis vivent en centres urbains, et les plus grandes proportions vivent à Winnipeg, à Edmonton, à Vancouver, à Calgary, à Saskatoon et à Toronto.
J'aimerais vous parler sommairement de l'état de santé général de la population métisse. Dans ce contexte, les Métis adoptent une approche fondée sur les « déterminants sociaux de la santé ». Tout est interrelié, c'est-à-dire que les sphères s'influencent mutuellement.
Par exemple, les événements historiques et actuels comme l'affaire des pensionnats et des externats, la rafle des années 1960, le racisme, la perte de la sécurité familiale, l'affaiblissement de l'unité et de l'intégrité de la collectivité et la disparition de notre culture et de notre langue ont un impact persistant sur la santé et le bien-être des Métis.
Les Métis sont vulnérables aux maladies chroniques et aux troubles de santé mentale. Je parle entre autres de la dépression, de l'anxiété, de la toxicomanie et de la douleur chronique, y compris la souffrance émotionnelle. Par exemple, nous savons, à la lumière de l'étude sur la santé et l'accès aux soins de santé des Métis qui a été menée au Manitoba en 2010, que les taux de dépression, d'anxiété et de toxicomanie étaient statistiquement plus élevés chez les Métis que dans la population en général.
Le groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis a abordé la question des risques pour les populations vulnérables. Compte tenu de l'état de santé de la population métisse en général, nous sommes une population vulnérable. Pour cette raison, il est important que nous participions aux travaux à venir en tant que partenaire égal.
J'aimerais aussi saisir l'occasion de féliciter le du Canada d'avoir signé l'Accord entre le Canada et la Nation des Métis en avril dernier. Cet engagement confirme la relation nation à nation et gouvernement à gouvernement entre le Canada et la nation métisse. En vertu de l'Accord, nous nous sommes engagés conjointement à travailler pour atteindre une gamme d'objectifs prioritaires, dont la santé et le bien-être des Métis.
Je vais maintenant aborder plus précisément le sujet du projet de loi. Le Ralliement national des Métis appuie l'objet du projet de loi , y compris l'intention de protéger la santé des jeunes en limitant leur accès au cannabis, en réduisant les incitatifs de consommer du cannabis, en allégeant le fardeau qui pèse sur le système de justice pénale et en améliorant les programmes de sensibilisation du public à l'égard des risques pour la santé associés à la consommation de cannabis.
Malheureusement, nous n'avons pas eu l'occasion de consulter les membres de nos collectivités ni de leur parler relativement au projet de loi et à son cadre réglementaire. Il y a hors de tout doute un certain nombre d'aspects importants qui touchent la nation métisse, par exemple les impacts éventuels de la légalisation de la marijuana sur la santé et le bien-être, sur le système juridique et le système correctionnel ainsi que sur la croissance économique.
Le Ralliement national des Métis a donc quatre recommandations à vous proposer pour faire en sorte que la nation métisse participe convenablement à la mise en oeuvre.
Recommandation un: le gouvernement du Canada doit s'assurer que la nation métisse participe concrètement à l'élaboration et à la mise en oeuvre du cadre réglementaire entourant le cannabis.
Le groupe de travail a avisé le gouvernement du Canada qu’il faudra du temps pour mettre en œuvre un cadre réglementaire convenable; les gouvernements vont devoir régler un certain nombre de problèmes relativement à leurs capacités et à leurs infrastructures, à la surveillance, à la coordination et à la communication. Selon le groupe de travail, les gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux et autochtones vont devoir collaborer, échanger renseignements et données et coordonner leurs efforts pour mettre en place et surveiller le nouveau système. Les organisations qui ont témoigné devant le Comité reconnaissent l’importance de consulter les collectivités autochtones lorsqu’il est question de lois, de mesures préventives et d’interventions, dans le but de respecter les conditions et les exigences culturelles locales. Nous soutenons ces recommandations.
Recommandation deux: que le gouvernement du Canada fournisse à la nation métisse des ressources qui lui permettront de réduire au minimum les méfaits du cannabis sur la population métisse.
Le Ralliement national des Métis souscrit à l’opinion du groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, soit qu’on devrait adopter une approche en matière de santé publique visant à promouvoir la santé et à réduire les méfaits. De cette façon, on ne fait pas fi des risques liés à la consommation de cannabis, comme les impacts défavorables sur le développement des jeunes. Il est impératif de fournir des ressources aux gouvernements métis afin d’atténuer les méfaits liés à la consommation du cannabis. La nation métisse est disposée à travailler avec tous les ordres de gouvernement sur les activités visant à promouvoir la santé et à élaborer les approches de réduction des méfaits dans la population métisse. Le gouvernement fédéral devrait fournir aux gouvernements métis un soutien financier afin de lui permettre d’entreprendre cette tâche.
Recommandation trois: que le gouvernement du Canada fournisse du soutien financier afin de soutenir les activités de prévention, d'éducation et de traitement, en particulier pour les jeunes Métis. La nation métisse se préoccupe tout particulièrement de la santé et du bien-être de ses jeunes.
Nous savons que la légalisation du cannabis aura un impact sur les Métis, en particulier les jeunes, et la population métisse est une population jeune. Selon Statistique Canada, 41 % de la population métisse est âgée de moins de 25 ans. Dans la population non autochtone, ce taux est de 30 %. Un grand nombre des jeunes Métis sont déjà aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de dépendance. Nous savons, grâce à une étude sur les Métis menée par la McCreary Centre Society en Colombie-Britannique en 2013 qu'environ la moitié, 48 %, des jeunes Métis ont déjà consommé de la marijuana. Parmi ceux qui en avaient déjà consommé, 23 % en avaient consommé pendant six jours ou plus le mois précédent. De ces 48 %, 30 % étaient de sexe masculin et 18 %, de sexe féminin.
Nous voulons nous assurer que les Métis, y compris les enfants et les jeunes, aient accès à de l’information qui leur permettra de prendre des décisions éclairées. Nous voulons également veiller à ce que les enfants et les jeunes métis aient accès à des moyens de prévention, des programmes de sensibilisation et des traitements qui soient adaptés à eux. À cet égard, nous adhérons à l’avis du groupe de travail selon lequel les gouvernements devraient s’engager à utiliser les recettes tirées de la réglementation du cannabis afin de financer en partie la prévention. Les gouvernements métis devraient également recevoir du financement afin qu’ils puissent répondre à ce genre de besoins.
Dans l'objectif de réduire au minimum les méfaits, nous aimerions que l'âge minimum prévu par la loi soit fixé à 19 ans, ce qui s'aligne sur l'âge minimum pour consommer de l'alcool dans la plupart des provinces.
Recommandation 4: que le gouvernement du Canada travaille avec la nation métisse afin de faire appliquer les mesures relatives à la sécurité et à la protection du public. La nation métisse appuie les recommandations du groupe de travail selon lesquelles le gouvernement fédéral doit assumer un rôle de leadership afin de veiller à ce que tous les ordres de gouvernement, y compris les gouvernements métis, disposent de capacités adéquates avant la mise en oeuvre de la réglementation; qu’il élabore et coordonne des activités de recherche et de surveillance à l’échelle nationale, y compris des activités de ce type visant la population métisse en particulier; qu’il mette en place un système pour la surveillance qui soit inclusif à l'endroit des Métis; qu’il demande la participation des gouvernements autochtones, y compris les gouvernements métis, afin de cerner des façons dont ceux-ci pourront participer au marché du cannabis; et qu’il collabore avec les collectivités autochtones, y compris les collectivités métisses, afin de mettre au point une communication ciblée et adaptée à la culture.
Plus précisément, des ressources devraient être affectées à la mise en place d'une campagne de sensibilisation publique qui utilise des données scientifiques et axées spécialement sur la population métisse. Les Métis sont des experts en ce qui concerne leur propre santé et leurs propres besoins en matière de santé, et ils devraient assumer une grande part de responsabilité en ce qui concerne l'éducation du public.
La nation métisse souhaite être un partenaire égal dans l’élaboration et la mise en œuvre des aspects liés à la réglementation et améliorer autant que possible l’aide offerte aux Métis du Canada. La nation métisse s’engage à travailler avec tous les ordres de gouvernement afin de veiller à ce que la légalisation et la réglementation du cannabis se fassent avec rigueur et en toute sécurité. Les gouvernements métis ont la capacité de vraiment toucher le peuple et les collectivités métisses, d’une façon qui serait impossible pour les autres gouvernements. Nous sommes enthousiastes à l’idée de contribuer aux travaux à venir.
Laissez-moi vous remercier à nouveau de nous avoir invités à témoigner devant le Comité. Nous répondrons à toutes vos questions avec plaisir.
Marsi.
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Avant de commencer, j'aimerais offrir mes condoléances à la famille, aux collègues et aux amis du député , qui est décédé ce matin. Je suis sûr qu'il manquera beaucoup à ses collègues du caucus libéral de l'Ontario et aux autres députés fédéraux, lui et sa contribution avisée au processus démocratique du Parlement. Personnellement, j'ai connu Arnold Chan il y a 15 ans, lorsqu'il travaillait avec Dalton McGuinty et dans le secteur privé. C'était un homme intègre, et il nous manquera énormément. À nouveau, mes condoléances.
Je veux également souligner que nous nous trouvons en territoire algonquin non cédé. Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de chef régional de l'Ontario. Je suis également le président national du Comité des chefs sur la santé de l'Assemblée des Premières Nations.
Comme nous le savons tous, le projet de loi , la Loi concernant le cannabis, prévoit de fournir aux Canadiens un accès légal au cannabis et de contrôler et de réglementer la production, la distribution et la vente de cannabis. La loi a pour objectif de restreindre l’accès des jeunes au cannabis, de protéger la santé et la sécurité du public par l’intermédiaire d’exigences rigoureuses quant à la qualité et à l’innocuité du produit et d’affaiblir les activités criminelles par l’imposition de sanctions pénales sévères à ceux qui dérogent du cadre légal. Un autre objectif de la loi est de soulager le système de justice pénale des affaires liées au cannabis.
La semaine dernière, le Comité a reçu les représentants des services de police qui ont déclaré qu’ils ne seront pas prêts à faire appliquer le projet de loi lorsque la loi entrera en vigueur le 1er juillet 2018. Le même son de cloche a été entendu dans un grand nombre de provinces, de territoires et de collectivités. Il est juste de dire que les Premières Nations ne sont pas non plus prêtes à composer avec les impacts découlant du projet de loi C-45. À dire vrai, vu l'importance énorme que la légalisation aura sur les Premières Nations et tous les Canadiens, nous ne sommes toujours pas en mesure de déterminer l'ensemble des conséquences ainsi que la façon dont nous pourrons y réagir.
À ce stade de mon exposé, je vais probablement devoir poser un grand nombre de questions au Comité, puisqu'il y a un certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse, comme vous le savez.
Premièrement, le Canada est-il au courant actuellement de tous les impacts du cannabis? Il semble que nous serons perdants dans tous les cas dans cette situation, et cela reflète bien où nous en sommes à l'égard de la préparation. La vérité, c'est que nous sommes confrontés à une tâche colossale, vu la complexité générale du processus. Par exemple, il faut tenir compte des lois environnementales et chercher à obtenir la coopération des collectivités afin de pouvoir prendre des décisions pertinentes sur n'importe quelle modification législative. Par sa nature, c'est quelque chose de très complexe.
L'Assemblée des Premières Nations n'a pas encore pris de position en ce qui concerne le cannabis. Il a été proposé de tenir un sommet national des Premières Nations sur le cannabis très prochainement.
En Ontario, il est vrai que les Premières Nations participent beaucoup au plan de la province pour mettre en place une Régie du cannabis de l'Ontario d'ici le 1er juillet 2018. Vendredi dernier, le gouvernement de l'Ontario a annoncé ses projets à l'égard du cannabis. La et le en avaient informé à l'avance les chefs de l'Ontario. Au cours des prochains mois, nous prévoyons établir une relation de travail bilatérale afin de concevoir ensemble une loi sur le contrôle du cannabis en Ontario. Une réunion avec la ministre d'AANC est prévue le 2 octobre, juste avant la réunion des premiers ministres. Soyez assurés qu'il s'agira d'un des principaux sujets de discussion.
Jusqu'ici, les réunions que nous avons eues avec l'Ontario se sont passées dans le respect et étaient surtout axées sur les difficultés et les problèmes réels auxquels font face les Premières Nations relativement à la vente au détail et à la distribution prochaines du cannabis. Il y a un grand nombre de problèmes qui vont devoir être réglés, et nous allons devoir examiner beaucoup de possibilités. D'abord, comment les collectivités des Premières Nations vont-elles réglementer la vente et la consommation de cannabis à l'échelle locale? Certaines de nos collectivités vont peut-être vouloir essayer de mener des activités conjointes avec le gouvernement concernant le cannabis. Il va falloir que le gouvernement fédéral se prononce là-dessus.
Ce que je veux dire, c’est que les provinces et les territoires vont avoir des questions à poser et des problèmes à régler. Comme vous le savez, contrairement à nos frères et nos sœurs de la nation métisse, nous sommes visés par un régime foncier très précis en vertu de la Loi sur les Indiens. Certaines collectivités vont peut-être vouloir interdire la vente et la consommation de cannabis, à l’instar des collectivités prohibitionnistes qui interdisent les boissons alcoolisées, vu certaines dispositions déjà contestées de la Loi sur les Indiens.
Contrairement à nos frères et nos sœurs métis, nous allons devoir affronter, encore une fois, des problèmes directement liés aux régimes fonciers. Vous n’avez qu’à penser aux problèmes que nous avons déjà dans certaines provinces en ce qui concerne le tabac. Ce que je dis ne s’applique qu’à l’Ontario, mais nous avons passé des années à essayer de régler ce genre de problèmes dans les collectivités.
Tout projet de loi doit être suffisamment flexible pour permettre aux collectivités des Premières Nations de se développer en harmonie avec leurs propres valeurs collectives et culturelles, par exemple le fait d’interdire le cannabis à des fins récréatives pendant les événements et les cérémonies communautaires. Nous accordons une très grande importance à nos protocoles et à nos cérémonies, et dans une large mesure, le cannabis ne fait pas partie de ces cérémonies et de ces protocoles communautaires. Donc, que pouvons-nous faire? De quelle façon pourra-t-on s’assurer que notre autorité administrative est intacte si les collectivités peuvent décréter leurs propres lois là-dessus?
Je demeure toutefois optimiste que les Premières Nations vont être avantagées directement par les recettes générées par ces entreprises. Même si, historiquement, les Premières Nations de l’Ontario ont été négligées dans le partage des revenus tirés des ressources avec la province de l’Ontario, cette nouvelle industrie nous offre l’occasion de tourner la page et d’examiner des possibilités novatrices qui s’offrent à nous quant au partage des recettes. Nous devrons seulement éviter les embûches qui se dressent sur notre chemin.
Malgré tout, le projet de loi soulève de grandes préoccupations chez les Premières Nations de l'Ontario et dans l'ensemble du pays en ce qui a trait à la santé et à la sécurité de notre peuple. Selon le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, le cannabis se classe au deuxième rang après l'alcool parmi les substances les plus utilisées, suivi de la cocaïne et des opioïdes. Même en 2003, il était estimé qu'il faudrait 33 millions de dollars de plus par année pour traiter la toxicomanie et l'alcoolisme chez les Premières Nations de l'Ontario. Voilà ce que donnent des décennies de sous-financement.
Que va-t-il se passer lorsque le cannabis sera légalisé et que notre peuple y aura accès facilement? Nous savons qu’il y aura une augmentation des besoins en ce qui concerne le traitement de la toxicomanie. Nous savons également qu’il faudra renforcer les services de police. Quand les États du Colorado et de Washington ont légalisé la vente de cannabis en 2013, cela a eu un impact défavorable sur les tribus autochtones aux États-Unis. Vous devriez étudier cet aspect. Les produits du cannabis étaient vendus illégalement dans les réserves, aussi loin que le Nouveau-Mexique, l’Arizona, le Dakota du Nord et le Dakota du Sud. Les vendeurs ciblaient surtout les jeunes Amérindiens.
Je vais citer un article du Denver Post daté du 25 juillet 2014:
[...] les chefs de tribu défendent héroïquement une cause perdante, à mesure que certains produits du cannabis, des produits comestibles, des liquides, des cartouches pour cigarettes électroniques ainsi que d'autres types de produits qui sont vendus légalement dans certains États comme le Colorado et Washington sont accessibles aux jeunes.
Comment ferons-nous en sorte que cela n'arrive pas au Canada? Par exemple, les services de police dans les Premières Nations souffrent d'un manque persistant de financement et de personnel. Au cours des dernières décennies, les chefs de l'Ontario ont adopté au bas mot 43 résolutions réclamant davantage de fonds pour les services de police dans les collectivités des Premières Nations.
Je vais citer une partie de notre exposé de position, « Strategy for a Safer Ontario », datant de mai 2017:
Le Programme des services de police des Premières Nations du gouvernement fédéral ne répond pas aux besoins des Premières Nations en matière de services de police en Ontario, et ses préjugés archaïques posent un risque pour la sécurité des agents et des citoyens des collectivités des Premières Nations.
La Loi sur les services policiers de l’Ontario prévoit un cadre général pour la prestation de services de police dans la province de l’Ontario. Cependant, les services de police dans les Premières Nations ne jouissent pas de la même protection que les autres services de police de la province, puisqu’il n’y a aucune loi équivalente pour eux en particulier. Nous continuons d’avoir besoin de financement stable et durable pour améliorer la prestation des services de police au sein des Premières Nations. Nous avons besoin de fonds pour renforcer notre capacité de veiller à la sécurité des agents qui répondent à des appels dans les collectivités des Premières Nations, de mettre en place des services spécialisés et de nous assurer que les services de police dans les Premières Nations ont accès à des locaux et à une infrastructure appropriés.
Nous avons aussi besoin d’offrir une formation plus poussée que la formation de première ligne à nos agents de police; il s’agit d’une nécessité pour les services de police dans notre collectivité. La formation devrait comprendre de la sensibilisation aux différences culturelles, autant pour les agents autochtones et non autochtones, afin qu’ils soient au courant des normes culturelles dans les collectivités des Premières Nations. La formation devrait également être axée sur les services sociaux, y compris les façons de réagir aux cas de toxicomanie et d’autres problèmes sociaux courants dans les collectivités des Premières Nations.
Pour conclure mes citations, j'aimerais mettre en relief le fait que les chefs des organisations policières fédérales que vous avez reçus récemment vous ont dit qu'ils ne seront pas prêts à la date prévue, alors je vous laisse imaginer ce qui reste à faire pour les Premières Nations. Nous allons être pris complètement au dépourvu si on ne fait rien, si on n'examine rien.
Du point de vue du développement économique à ce jour, les ententes de répartition des revenus tirés des ressources ont été en grande partie laissées aux gouvernements provinciaux relativement aux ressources géologiques et environnementales, comme les ressources minières et forestières et l'hydroélectricité. Le projet de loi a complètement négligé toute possibilité précise pour les Premières Nations de participer de façon significative aux conséquences de ce nouveau marché ou de disposer de ressources leur permettant de réagir adéquatement à ces conséquences.
L'article 60 du projet de loi prévoit que le procureur général du Canada peut conclure une entente avec le gouvernement d'une province ou avec toute autorité provinciale, municipale ou locale concernant le partage des amendes et des frais qui sont recueillis relativement aux poursuites concernant des infractions et aux fins de l'indemnisation, de l'administration et de l'application du projet de loi.
Si le gouvernement du Canada est sérieux au sujet de sa détermination à établir une relation de gouvernement à gouvernement, les Premières Nations doivent être incluses dans cet article afin qu'elles puissent réagir adéquatement aux conséquences du projet de loi à l'intérieur et autour des collectivités autochtones. Cette relation pourrait comprendre le fait de soutenir les intervenants d'urgence autochtones, comme les policiers, les ambulanciers et les pompiers, qui seront touchés par la fabrication et par les ventes dans cette nouvelle industrie. La conclusion d'une entente de répartition avec les Premières Nations garantirait des interventions d'urgence de qualité afin de promouvoir la sécurité communautaire, qui est un facteur important de l'autonomie gouvernementale.
Même si certaines nations autochtones pourraient ne pas être disposées à prendre part à l'industrie, ce qui est leur prérogative, d'autres voudront le faire en tant que partenaire important, voire eux-mêmes en tant que seuls propriétaires des entreprises connexes. Selon l'alinéa 6.1a), le ministre peut prévoir des catégories de demandes de licences et de permis. Les Premières Nations devraient être une catégorie distincte, et un nombre désigné de licences et de permis devrait être associé à leur catégorie. Le projet de loi permet au ministre de révoquer les licences si la société est constituée, formée ou organisée à l'étranger.
Au moment où le procureur général continue de travailler sur les lois fédérales qui ont une incidence sur la capacité des Premières Nations de s'autogouverner, un plus grand nombre de ces nations commenceront à affirmer leur souveraineté et leurs compétences. Cela pourrait comprendre l'autoréglementation à l'égard du cannabis, mais aussi à l'égard des permis d'exploitation et de la constitution en société.
Pour l'instant, laissez-moi simplement formuler une observation et une suggestion très rapides. En ce qui concerne la taxation de la province de l'Ontario, nous savons avec certitude que, sous les régimes provinciaux et territoriaux, pour ce qui est de la vente au détail et de la distribution, il s'agira d'un élément important. Ces taxes feront partie de l'essentiel. Nous estimons qu'il est très important d'examiner ce qui s'est passé en Ontario.
Nous voudrons certainement étudier la question de la taxation, et nous savons que la seule façon de le faire dans le contexte de la taxe de vente harmonisée du Canada, c'est dans le cadre d'une EIGCF. Les négociations ont été intensives, en Ontario. Le projet de loi et les décideurs compétents devraient étudier cette question de très près, car la taxation va devenir un problème.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
En outre, je veux remercier le groupe de témoins de sa présence aujourd'hui, mais, encore une fois, le fait que nous passions une si courte période avec vous exacerbe ma frustration. J'ai beaucoup de questions, mais je n'aurai le temps que d'en poser quelques-unes.
Je songe aux 289 jours. Nous avons eu l'avantage de voir le Colorado et Washington emprunter cette voie avant nous, et ils ont affirmé que, pour réussir, avant d'arriver à la date de mise en oeuvre, il faut avoir une éducation appropriée — ou, autrement dit, dans votre cas, une éducation très importante qui soit adaptée à la culture —, des mesures de prévention et une collecte de données. Vous devriez être en train de travailler sur les données de base, puis déterminer comment recueillir ces données dans l'avenir. Concernant le traitement, vous devriez savoir comment amener, surtout nos jeunes, à recevoir un traitement, et il y a aussi la recherche.
Ce que j'ai trouvé très troublant de votre témoignage, c'est qu'il semble que le gouvernement fédéral n'ait fait appel à aucun autre ordre de gouvernement afin de mettre ces éléments en place, et il nous reste 289 jours. Selon moi, quand nous voyons certains des députés libéraux critiquer d'autres ordres de gouvernement et organismes d'application de la loi parce qu'ils ne sont pas encore prêts, ils ont eu deux ans pour mettre cela en place... Je suis très préoccupé, mais, encore une fois, j'ai beaucoup de questions à poser, et je voudrais vous parler probablement de certains des éléments difficiles et controversés.
Chef Day, vous avez soulevé quelque chose qu'aucun autre témoin n'a soulevé au sujet de l'autonomie et de la situation unique de certaines de vos collectivités. Vous avez évoqué cette idée de communautés prohibitionnistes. Je me demandais si vous pouviez en expliquer un peu la justification, mais aussi, comme je n'aurai probablement pas le temps de vous poser une autre question, peut-être que vous pouvez intégrer ce prochain volet qui, selon moi, est très important, car le projet de loi ne prévoit manifestement pas l'autonomie nécessaire dont vous avez besoin. Si vous pouviez ajouter un élément au projet de loi, que voudriez-vous voir?
Ce sont deux choses. Premièrement, pourriez-vous me parler de la controverse... au sujet des communautés prohibitionnistes? Personne n'a abordé cette question. Je veux vous entendre à ce sujet. En outre, que voudriez-vous voir? Parce que, si on doit faire les choses de cette façon... nous voulons produire le meilleur projet de loi possible afin de protéger la santé et la sécurité de nos enfants. Ce que nous avons appris du Colorado et de Washington — et le chef Day avait raison à ce sujet —, c'est que le crime organisé ciblait les jeunes. Nous voulons nous assurer que le projet de loi est le meilleur que nous puissions obtenir. Là-dessus, je vais me taire et vous laisser prendre la parole, chef Day.
Je suis un scientifique et, depuis près de 20 ans, je mène des recherches sur l’incidence des avertissements en matière de santé et de l’étiquetage des produits et sur l’effet de la stratégie de marque et du marketing dans les domaines du tabac, des aliments et, plus récemment, du cannabis. Je veux préciser que je n’accepte aucun financement de l’industrie et que je ne représente aucune organisation qui milite pour ou contre la légalisation du cannabis. J’ai également été conseiller à l’Organisation mondiale de la Santé et au sein d’organismes réglementaires de partout dans le monde, et j’ai été témoin expert dans des litiges relatifs au tabac, notamment au nom du gouvernement du Canada.
Je voudrais me concentrer sur les conséquences en santé publique de trois aspects. Le premier, ce sont les contraintes liées à la stratégie de marque et à l'emballage; le deuxième, ce sont les avertissements relatifs à la santé; et le troisième, c'est l'étiquetage des produits.
De tous les aspects abordés dans le projet de loi, le marketing et la promotion peuvent avoir l'incidence la plus directe sur qui consomme du cannabis, quels types de produits sont consommés et pour quelle raison. Les contraintes relatives au marketing proposées dans le projet de loi sont en grande partie inspirées de celles qui s'appliquent aux produits du tabac au Canada. Comme la loi qui régit le tabac, la loi sur le cannabis cherche à établir un équilibre entre le fait de permettre aux renseignements sur le produit d'atteindre les consommateurs adultes tout en interdisant un marketing qui encourage la consommation, surtout chez les jeunes.
Bien entendu, la question consiste à déterminer comment établir cet équilibre et comment y arriver, et je voudrais aborder plusieurs leçons tirées de notre expérience en ce qui a trait au marketing du tabac sur de nombreuses décennies.
La première leçon, c'est que la stratégie de marque a la plus grande incidence sur les jeunes, que le projet de loi cherche à protéger.
La deuxième, c'est que des contraintes limitées en matière de marketing ont une efficacité limitée. Quand la plupart des formes traditionnelles de publicité du tabac étaient interdites, les dépenses en marketing n'ont pas cessé. Elles sont simplement passées à d'autres voies, y compris l'emballage et l'environnement de vente au détail. Voilà pourquoi le Canada et d'autres pays mettent en œuvre ce que nous appelons l'emballage normalisé ou neutre des produits du tabac, qui retire les logos et les images de marque des paquets, mais qui permet aux renseignements sur le produit d'être affichés.
L’emballage neutre est une mesure de santé publique efficace. Non seulement elle réduit l’attrait promotionnel pour les jeunes, mais elle améliore également l’impact des avertissements concernant la santé. Si le gouvernement cherche à atteindre ces objectifs sans mettre en oeuvre l’emballage neutre, il se retrouverait avec la responsabilité de contrôler des milliers d’emballages afin de s’assurer que l’image de la marque n’augmente pas l’attrait chez les jeunes ou ne fait pas la promotion d’un style de vie positif. Il s’agit d’une tâche incroyablement exigeante en ressources et difficile qui s’est avérée inefficace dans le cas des produits du tabac et qui le serait presque certainement dans celui des produits du cannabis.
La troisième leçon tirée du tabac, c’est que, une fois que le marketing et la promotion sont permis, il est très difficile de revenir en arrière au moyen d’un règlement ou d’une nouvelle loi. N’oubliez pas qu’il a fallu 50 ans et de multiples contestations juridiques avant que le Canada obtienne les contraintes actuellement imposées relativement au marketing du tabac. Il est bien plus difficile de limiter le marketing après qu’il a été permis que d’assouplir les contraintes, et, une fois que la promotion et le marketing sont permis, leurs effets peuvent persister longtemps après leur retrait. En bref, il est très difficile de renvoyer le génie dans la bouteille.
La quatrième leçon, c’est que le retrait de la stratégie de marque n’encourage ni les ventes illégales ni la contrebande. Un témoignage présenté au Comité plus tôt cette semaine a laissé entendre que la limitation de la stratégie de marque du cannabis ferait en sorte qu’il serait plus difficile pour les consommateurs de faire la distinction entre les produits illégaux et légaux. Ce n’est tout simplement pas exact. Les produits du cannabis obtenus par l’intermédiaire de points de vente au détail légaux se distingueront clairement par des avertissements relatifs à la santé et d’autres exigences en matière d’étiquetage. Il n’est tout simplement pas crédible que l’on associe une stratégie de marque réduite à un avantage pour les produits illégaux. Le même argument a été formulé par les entreprises de tabac pour s’opposer aux lois sur l’emballage neutre, et ces arguments ont été réfutés dans de multiples décisions judiciaires. En général, si le gouvernement souhaite prévenir la publicité et la promotion concernant un style de vie auprès des jeunes, le projet de loi devrait comprendre l’emballage neutre.
Les avertissements sur la santé sont un autre élément essentiel de la politique relative à l’étiquetage. La question est la suivante: quel aspect devraient prendre les avertissements concernant le cannabis? Qu’est-ce que le Canada veut dire au sujet des risques? Le fait de conduire avec les facultés affaiblies par la drogue est-il vraiment très risqué? Est-ce vraiment préjudiciable pour un bébé lorsque sa mère consomme du cannabis pendant qu’elle est enceinte? La plupart des Canadiens ne sont pas certains des risques potentiels de ces produits, et ils veulent obtenir cette information.
Les avertissements sur la santé sont la façon la plus rentable et autosuffisante de communiquer avec les Canadiens au sujet du cannabis. Les avertissements concernant le cannabis devraient-ils ressembler à ceux qui figurent sur les paquets de cigarettes? Eh bien, s’ils ne leur ressemblent pas, ils devraient au moins comprendre les mêmes éléments de base que les avertissements efficaces. C’est-à-dire qu’ils devraient être gros, utiliser de la couleur et comprendre des images. Les gros avertissements illustrés sont le moyen le plus efficace de joindre les enfants et les jeunes ainsi que les membres les plus vulnérables de notre société, qui sont peu alphabétisés.
Les avertissements ne sont pas seulement une question de faire peur aux consommateurs au sujet d’un produit. Il s’agit de les informer, mais ils donnent également la possibilité d’offrir du soutien aux personnes qui en ont besoin et en cas de dépendance. Au Canada, tous les paquets de cigarettes comprennent un numéro de ligne d’aide téléphonique et l’adresse d’un site Web pour aider les Canadiens à abandonner le tabagisme. Nous avons évalué ces éléments, et ils fonctionnent bien. J’exhorterais le gouvernement à afficher les mêmes services sur les emballages de cannabis afin de témoigner de son engagement à l’égard de la réduction de la dépendance.
Enfin, je voudrais aborder brièvement l’étiquetage concernant le contenu et la dose du produit. Je pense qu’il y a un fort consensus selon lequel les taux de THC devraient être affichés sur les emballages, mais nous ne pouvons pas simplement compter sur le fait de présenter des chiffres aux consommateurs. Combien de personnes dans la salle aujourd'hui comprennent intuitivement ce que signifient 50 milligrammes de THC? Est-ce que c’est un peu? Est-ce que c’est beaucoup? Qu’est-ce que cela veut dire du point de vue des divers produits ou des voies d’administration?
N’oubliez pas que le Canada est sur le point de commencer à utiliser ce que nous appelons les étiquettes de feux de circulation ou symboles élevé/faible sur les emballages d’aliments. Nous allons faire cela parce que c’est plus facile à comprendre et à utiliser pour les consommateurs. Les mêmes principes devraient s’appliquer à l’étiquetage du cannabis. Si c'est assez important d’utiliser des symboles pour la soupe en conserve et les boissons sucrées, c’est assez important pour les produits du cannabis.
Je ferai valoir que l’étiquetage du THC et de la dose devrait également se refléter dans l’emballage. Lorsque les produits comestibles finiront par être vendus sur notre marché, chaque dose devrait être emballée individuellement. Songez aux morceaux de gomme qui sont emballés à l’intérieur du grand emballage, ou à ces petites barres de chocolat d’Halloween que nous distribuons, qui, encore une fois, sont vendues dans un emballage plus gros.
Pour conclure, en général, les conséquences du cannabis sur la santé publique seront en grande partie déterminées non seulement par le fait qu’il est devenu légal, mais aussi par la façon dont il est réglementé sur le marché légal. On devrait accorder la priorité dans le projet à des contraintes complètes relativement au marketing et à la promotion, et il devrait comprendre l’emballage neutre. De gros avertissements clairs sur la santé qui utilisent des images fourniront aux gouvernements un moyen efficient et très rentable de communiquer avec les consommateurs. Ces avertissements devraient également être utilisés pour soutenir les Canadiens qui ont besoin d’aide en raison d’une dépendance.
La réglementation devrait également tenir compte des leçons tirées de Washington, du Colorado et d'autres États qui ont légalisé le cannabis afin que l'on puisse s'assurer que les normes relatives à l'étiquetage des produits comestibles et de diverses formes de cannabis sont efficaces. Ensemble, ces mesures témoigneront de l'engagement du gouvernement à veiller à ce que la légalisation du cannabis soit avantageuse pour la santé publique.
Merci beaucoup.
Bon après-midi. Je m’appelle Mike Hammoud et je suis président de l’Atlantic Convenience Stores Association, l’ACSA. Au nom de l’ACSA, je remercie le Comité permanent de la santé de nous avoir invités ici aujourd’hui à parler de l’étiquetage et de l’emballage du cannabis vendu au détail, dans la mesure où ce sujet se rapporte au projet de loi .
Dans le contexte de mon exposé d’aujourd’hui, je crois comprendre que la Loi a pour objectifs d’empêcher les mineurs d’accéder au cannabis, de protéger la santé et la sécurité publiques en établissant de rigoureuses exigences quant à l’innocuité et à la qualité des produits et de décourager l’activité criminelle en imposant de lourdes pénalités à quiconque exerce des activités en dehors du cadre défini par la Loi. Nous croyons aussi comprendre que la Loi a pour but de réduire le fardeau que les violations des règles relatives au cannabis imposent au système de justice pénale.
Plus précisément, l’accent est mis aujourd’hui sur l’étiquetage et l’emballage des produits réglementés du cannabis vendus au détail. À cette fin, je crois que notre expérience dans le secteur de la vente des produits du tabac au détail revêt une pertinence considérable par rapport aux questions que vous étudiez.
Je vais pour commencer vous donner quelques renseignements sur l’ACSA, sur ses membres et sur ses collaborateurs. Ensuite, je m’attarderai aux questions concernant expressément l’étiquetage et l’emballage des produits réglementés du cannabis vendus au détail et sur notre expérience relative à l’emballage et à l’étiquetage des produits du tabac.
L’Atlantic Convenience Stores Association a été fondée en 2009 en tant qu’entité commerciale sans but lucratif pour promouvoir la vente au détail responsable dans les dépanneurs et pour représenter les intérêts économiques de ses membres. Aujourd’hui, plus des deux tiers des dépanneurs du Canada atlantique ont adhéré à l’ACSA.
En collaboration avec l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation, la Western Convenience Stores Association, l’Ontario Convenience Stores Association, l’Association québécoise des dépanneurs en alimentation et l’Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires, nous possédons une expérience considérable de la vente au détail dans les dépanneurs et une bonne connaissance de ce secteur.
Les dépanneurs sont fortement réglementés, qu’il s’agisse de points de vente de billets de loterie, de services alimentaires, de commerces de boissons alcooliques là où il y en a, ou, en particulier, de magasins de produits du tabac. En ce qui concerne la vente de tabac au détail, nous avons vécu d’énormes changements au fil des années et nous avons collaboré avec les organismes de réglementation de notre secteur pour atteindre ce que nous croyons être deux grands objectifs : réduire au minimum la consommation de tabac chez les mineurs et freiner la distribution endémique de tabac illégal.
Cela dit, mesdames et messieurs, je suis convaincu que nous pouvons vous apporter des points de vue pertinents dans le cadre de vos délibérations. Passons donc à l’étiquetage et à l’emballage du cannabis vendu au détail et réglementé par le gouvernement fédéral ou les provinces.
À l’heure actuelle, un projet de loi — le projet de loi — a été déposé qui assujettirait les produits du tabac vendus au Canada à l’emballage banalisé. Comme il a déjà été dit, cette loi éliminerait les marques de produits, c’est-à-dire les marques de commerce, les logos individuels, les éléments de graphisme et les couleurs qui différencient les produits les uns des autres. Avec un emballage générique normalisé, seul le nom imprimé dans une police de caractères petite, simple et normalisée identifierait le produit. À l’intérieur, tout le reste serait semblable.
À cet égard, le catalyseur a été la loi australienne sur l’emballage banalisé qui est entrée en vigueur à la fin de 2012. Cependant, cet exemple — et d’autres également — montre que l’emballage banalisé ne produit pas les résultats escomptés. Dans le cas de l’Australie, la réalité est la suivante: un examen de toutes les données publiques pertinentes et fiables, après cinq ans, aboutit à la même conclusion, à savoir que la prévalence du tabagisme en Australie n’a pas diminué sensiblement du point de vue statistique. Dans le contexte australien de l’emballage banalisé, il s’est produit un changement dynamique dans la répartition des parts du marché entre les produits du tabac licites et les produits illicites, la consommation de ces derniers allant en augmentant.
Y a-t-il une corrélation entre l’emballage banalisé et la consommation illicite? Nos collègues australiens estiment, et nous abondons dans le même sens, que l’emballage banalisé favorise une tendance à rechercher le prix le plus bas, qui devient alors le principal motif de l’acheteur. Or, quand le prix devient le principal motif de l’acheteur, cela ouvre la porte aux achats illicites que le consommateur peut faire à une fraction du prix du produit vendu légalement.
Au Canada, nous estimons que les produits illicites représentent environ 20 % de la consommation globale de cigarettes, la part du marché illicite se situant à au moins 33 % du marché en Ontario. En fin de compte, aux yeux de nombreux consommateurs de tabac, l’étiquetage et l’emballage importent peu, comparativement à l’accès aux cigarettes bon marché. Pourquoi en serait-il autrement des ventes de cannabis au détail?
Nous savons que de nombreuses cigarettes illégales sont vendues sans marque de commerce, en vrac dans des sacs de polyéthylène. Cependant, il convient de souligner que l’emballage banalisé favorise la distribution et la vente accrues de cigarettes emballées contrefaites ou d’imitation, tout simplement parce qu’il est d’autant plus facile aux producteurs illégaux de reproduire l’emballage en question. Pensez-vous que le fumeur ordinaire saura faire la différence? C’est peu probable.
Plus récemment, soit le 1er janvier de cette année, l’emballage banalisé du tabac est devenu obligatoire en France, et les défenseurs de cette solution ont fait valoir que c’était une arme décisive contre le tabagisme. Beaucoup ont été surpris et choqués en apprenant qu’au cours du premier trimestre de 2017, les ventes de cigarettes en France avaient augmenté de 7 % par rapport à la même période en 2016. Le ministère français de la Santé a minimisé l’importance de cette augmentation en affirmant que l’emballage banalisé n’influerait pas sur les habitudes des fumeurs invétérés, qu’il visait principalement les jeunes et que son incidence ne serait apparente qu’à moyen ou à long terme. Bref, un défenseur de l’emballage banalisé affirme que celui-ci n’aura aucun effet sur les fumeurs « endurcis » et qu’il vise plutôt le groupe démographique que composent les jeunes.
Examinons cette situation dans le contexte canadien. Dès 2003, le Canada a adopté des règles rigoureuses touchant la commercialisation du tabac; ces règles interdisent d’annoncer ou de promouvoir le tabac, des témoignages en faveur du tabac, des accessoires et de tout autre article lié au tabac dont on pourrait dire qu’il présente un attrait aux yeux des jeunes. Aujourd’hui, les points de vente doivent obligatoirement ranger les produits du tabac dans des armoires verrouillées, ou les dissimuler derrière un écran pour qu’ils ne soient pas visibles.
Parallèlement, la grande majorité des détaillants font preuve de vigilance pour repérer les acheteurs mineurs, en appliquant la pratique très répandue consistant à demander aux acheteurs éventuels une pièce d’identité prouvant leur âge. Notre secteur est très fier d’être un partenaire responsable et diligent du gouvernement lorsqu’il s’agit de contrôler la vente de produits tels que le tabac que les mineurs n’ont pas le droit d’acheter. Les programmes de formation tels que « Pièce d’identité — C’est la loi » concrétisent un engagement à aider les détaillants et leur personnel à respecter les plus hautes normes de professionnalisme et d’éthique et à favoriser la santé et la sécurité publiques. En réalité, les mineurs au Canada sont aujourd’hui très peu exposés à l’emballage et à l’étiquetage des cigarettes. Selon nous, les conséquences involontaires de l’emballage banalisé, par exemple la recherche du prix le plus bas par les consommateurs, ou l’augmentation éventuelle des ventes de cigarettes de contrebande, sont beaucoup plus grandes que tout avantage perçu.
Au Canada, le taux de consommation du cannabis est deux fois plus élevé que le taux de tabagisme chez les jeunes, ce qui est remarquable. Selon Santé Canada, le taux national de tabagisme chez les jeunes était de 10 % en 2015, tandis que leur taux de consommation du cannabis atteignait 21 %. L’emballage banalisé ne serait pas un outil efficace pour atteindre un objectif que nous partageons tous, à savoir des taux négligeables de tabagisme et de consommation de cannabis chez les jeunes. Nous pensons que, si les gouvernements veulent vraiment réduire le tabagisme ou la consommation de cannabis, il y a encore beaucoup à faire dans des domaines tels que l’éducation et l’abandon du tabagisme.
Les propriétaires de dépanneur croient que les initiatives existantes visant la vente de tabac au détail au Canada peuvent être reproduites efficacement pour la vente de cannabis au détail, sans que l’on doive recourir à la banalisation de l’emballage et de l’étiquetage, dont la valeur et l’effet sont douteux. Et, comme dans le cas du tabac, le secteur, les groupes militant contre le cannabis, les organismes fournissant des soins de santé et les gouvernements doivent travailler ensemble pour réduire au minimum le nombre de jeunes et d’adultes qui consomment du cannabis.
En conclusion, nous recommandons au Comité d’autoriser l’application de la marque sur les emballages de cannabis vendu au détail, et ce, pour deux raisons importantes: premièrement, pour réduire la capacité des criminels de confectionner et de distribuer des produits de contrebande, et deuxièmement, pour réduire au minimum l’effet du prix le plus bas en éduquant les consommateurs licites et en leur permettant de prendre des décisions éclairées sur les choix qu’ils font quand ils achètent des produits.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Bon après-midi aux honorables membres du Comité. Merci de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.
Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Melodie Tilson et je suis directrice des politiques à l'Association pour les droits des non-fumeurs. Je suis accompagnée de Pippa Beck, analyste principale en matière de politiques. Nous avons ensemble plus de 40 ans d'expérience relativement au contrôle du tabac.
Notre organisme, l'Association pour les droits des non-fumeurs, est au premier plan des réformes visant le tabac au Canada depuis sa création en 1974; il mène des campagnes touchant la loi réglementant les produits du tabac et la loi qui lui a succédé, la Loi sur le tabac, du gouvernement fédéral et aussi pour un emballage neutre depuis 1994 — ce n'est donc pas l'Australie qui a donné en 2012 le coup d'envoi de l'adoption d'un emballage neutre par tous les États du monde, y compris le Canada; je tenais à corriger cette information erronée — et aussi pour que l'on ajoute aux emballages des messages relatifs à la santé soutenus par des images, une première mondiale, et les exemples sont nombreux.
Nous vous demandons donc de tenir compte de notre vaste expérience touchant une réglementation efficace d'un produit nocif qui crée l'accoutumance, un produit que l'on fume, lorsque vous étudierez les enjeux d'une réglementation appropriée du cannabis et, en particulier, de l'emballage et de l'étiquetage de ces produits.
Laissez-moi vous dire pour commencer que nous sommes ravis que le gouvernement ait reconnu l'importance d'adopter une approche axée sur la santé publique au moment de réglementer le cannabis. Une telle approche donne la priorité aux mesures visant la conservation et l'amélioration de la santé par la réduction des méfaits associés à la consommation du cannabis. Toutefois, si la vente de la drogue vise à générer des profits, la santé publique est menacée. Ne vous y trompez pas.
Nous avons bien vu, dans le cas de l'industrie du tabac, ce qu'un secteur non réglementé est prêt à faire pour réaliser des profits. Les grands fabricants de tabac sont un vecteur de maladies, et leurs activités et comportements sont la cause d'une épidémie tout à fait évitable contre laquelle nous luttons toujours aujourd'hui. La légalisation du cannabis doit être imperméable aux intérêts commerciaux, à défaut de quoi le Canada pourrait se retrouver aux prises avec la nouvelle incarnation des grands fabricants de tabac, de grands fabricants de cannabis. De fait, les administrations qui ont déjà légalisé le cannabis ont recueilli des indications selon lesquelles ce risque est bien réel.
Le gouvernement fédéral a la possibilité de tirer des leçons de la triste histoire du tabac et d'établir dès le départ, pour le commerce du cannabis, un cadre légal solide ou, du moins, plus solide.
Donc, que suppose l'adoption d'une approche visant la santé publique quand il est question de la réglementation du cannabis? Nous sommes tout à fait d'accord avec les objectifs du gouvernement, soit d'empêcher les jeunes d'avoir accès au cannabis et protéger la santé et la sécurité publiques en établissant de rigoureuses exigences touchant ce produit. Soulignons que l'expansion du secteur et du marché du cannabis ne devrait pas faire partie des buts.
Étant donné l'objectif de votre comité, je vais consacrer la plupart de mes remarques aux questions touchant l'emballage. Avant de commencer, cependant, j'aimerais attirer l'attention sur quelques autres aspects de la réglementation du cannabis où il serait souhaitable de mettre à profit les leçons tirées du contrôle du tabac.
Si l'on veut empêcher les jeunes d'avoir accès au cannabis, nous allons devoir y consacrer des ressources adéquates pour faire respecter l'interdiction de vente à des mineurs et imposer, dans le cas de non-respect, des pénalités suffisamment élevées pour qu'elles aient un effet dissuasif.
Pour protéger la santé publique, il faudra des mesures ciblant la fumée secondaire du cannabis. Il faudra donc inclure dans toutes les lois fédérales et provinciales sur les milieux sans fumée des dispositions relatives à la fumée du cannabis, comme l'a recommandé la Société canadienne du cancer et d'autres témoins qui ont comparu devant votre comité.
Enfin, il est essentiel d'assurer une bonne éducation du public en ce qui concerne non seulement les risques liés à la consommation, mais également les risques liés à la fumée secondaire et les risques relatifs. Le public comprend très mal le fait que la fumée, c'est de la fumée, et que le plus grand risque tient à l'inhalation de la fumée, que ce soit de la fumée de tabac ou de cannabis, ou encore le fait que le vapotage est beaucoup moins dangereux pour la santé que le tabagisme.
L'une des raisons qui expliquent que le Canada a réussi à faire baisser le taux de tabagisme tient aux initiatives à multiples volets que nous appliquons depuis des décennies dans le but d'ôter au tabac et aux produits du tabac leur caractère normal, puisque nous voulons que le tabagisme ne soit plus considéré comme un comportement normal en société. Cette évolution des normes sociales est indissociable des sévères restrictions imposées sur la publicité et la promotion du tabac.
Le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a formulé la conclusion suivante, avec raison, dans un document de discussion:
Étant donné que les activités de commercialisation, de publicité et de promotion de la marijuana ne serviraient qu'à « normaliser » sa présence dans la société et encourageraient et augmenteraient sa consommation, il est proposé de les limiter formellement afin d'empêcher la consommation de marijuana à grande échelle et d'atténuer les méfaits qui y sont associés.
Dans son rapport final, le Groupe de travail recommande que l'on impose des restrictions exhaustives à la publicité et à la promotion des produits du cannabis et que l'on exige un emballage neutre.
Notre organisme est favorable à une interdiction complète de la promotion du cannabis, en permettant cependant une publicité informative dans les commerces interdits aux mineurs. Puisque l'emballage est une des principales formes de promotion, l'Association pour les droits des non-fumeurs est tout à fait en faveur de l'exigence que les produits du cannabis ne soient vendus que dans des emballages neutres.
Cette recommandation touchant l'emballage neutre est fondée sur un grand ensemble de solides recherches, y compris des recherches sur les produits de consommation et des documents internes des producteurs de tabac.
On a réalisé plus d'une centaine d'études, dans au moins 10 pays, ce qui comprend les 25 études empiriques menées en Australie depuis que le pays a adopté l'emballage neutre et normalisé, il y a cinq ans et il y a aussi l'expérience des administrations qui ont déjà légalisé le cannabis.
J'aimerais vous donner quelques exemples d'emballages du cannabis qui sont utilisés dans les pays où le produit est légal, mais où l'emballage n'est pas vraiment réglementé.
Comme vous le voyez, la gamme des consommateurs visés est assez large; il y a des jeunes, comme cela ressort clairement de ces exemples, de jeunes adultes, mais aussi des consommateurs adultes plus avertis. Ce n'est pas étonnant que l'on dise qu'un produit est seulement un produit. La marque, c'est l'emballage. Si tous les autres moyens de promotion sont inaccessibles, il n'est pas étonnant que l'emballage devienne le véhicule de promotion le plus important. Les fabricants de cigarettes ont compris dès les années 1970 que le jour allait venir où ils ne pourraient assurer la promotion de leur produit que par le truchement de son emballage.
Voici un extrait d'un document de l'entreprise British American Tobacco qui date de 1979:
[Traduction] Dans l'éventualité d'une interdiction complète [de la publicité], l'aspect visuel des paquets... revêt une énorme importance. [...] il faudra donc entreprendre des recherches poussées pour déterminer les symboles, les motifs, les couleurs, les éléments graphiques et toutes les autres caractéristiques de marque qui se révéleront les plus efficaces. L'objectif, c'est que les paquets puissent en eux-mêmes véhiculer tout le message associé au produit.
Les études de marché nous ont permis de réunir des éléments de preuve solides selon lesquels un emballage efficace entraîne une augmentation des ventes. Par exemple, lorsque les cafétérias scolaires ont commencé à vendre le lait dans des contenants en plastique plutôt que dans les contenants de carton traditionnels avec bec verseur que nous connaissons tous, les ventes ont fait un bond de 24 %. Les élèves affirmaient que le lait avait meilleur goût et, du jour au lendemain, c'était une boisson à la mode.
La forme et la couleur sont deux éléments de la conception qui influent énormément sur l'image de marque et sur l'efficacité de l'emballage. C'est par la couleur de l'emballage qu'un cigarettier cible des sous-groupes spécifiques de la population.
Le paquet de cigarettes Vogue Super Slims que voici est de couleur pastel à l'extérieur comme à l'intérieur. C'est un des meilleurs exemples qui soit d'une marque qui cible les jeunes femmes. Le nom de la marque, Vogue Super Slims, exploite clairement les préoccupations des jeunes femmes quant à leur image corporelle, « Slims » voulant dire « minces ». Notons également que c'est un petit paquet. Plusieurs études ont prouvé que les consommateurs avaient l'impression que les cigarettes vendues dans de petits paquets étaient moins nocives que celles vendues dans un paquet ordinaire. Les fabricants de tabac jouent en outre avec les dimensions du paquet pour déjouer les objectifs des messages relatifs à la santé imposés par le gouvernement, qui occupent un bon espace sur les paquets. Comme vous pouvez le voir, sur un paquet de si petite taille, l'image n'a pour ainsi dire aucun impact et le texte est illisible, en comparaison avec l'image et le texte d'un paquet à étui coulissant ordinaire.
Puisqu'ils ne peuvent plus mettre à profit des éléments d'emballage pour promouvoir leurs ventes, les fabricants de tabac ont dû se faire plus créatifs quant à la marque et aux noms de la gamme de produits, et ils choisissent des noms qui connotent un style de vie auquel les gens aspirent, un risque réduit ou de fausses caractéristiques. Par exemple, les noms de marque LD Club Night et Peter Stuyvesant New York Blend évoquent tous les deux l'image d'un style de vie urbain et branché.
Nous nous inquiétons de la possibilité que, si le Canada n'impose pas de restriction, les fabricants de produits du tabac procéderont de la même manière. Une rapide recherche sur Internet révèle quelques noms évocateurs, par exemple Suicide Girls, Pura Vida Health et Everyone Does it.
Les recherches de plus en plus nombreuses sur l'emballage neutre et normalisé du tabac révèlent que cet emballage réduit la capacité de créer et de communiquer grâce à un paquet une image de marque, augmente l'efficacité des messages relatifs à la santé, réduit les possibilités de tromperie liées au paquet et, au bout du compte, entraîne une réduction du tabagisme. En fait, la prévalence du tabagisme en Australie, malgré ce que mon collègue a dit, atteint un creux historique, d'après une évaluation indépendante selon laquelle la réforme de la réglementation des emballages explique le quart de la diminution totale des taux de tabagisme observés au cours des trois années qui ont suivi la mise en oeuvre de cette réglementation.
Puisque le gouvernement a déclaré qu'il avait l'intention d'adopter une approche axée sur la santé publique au moment de réglementer le cannabis, dans le but de réduire les méfaits, il serait justifié d'interdire totalement la promotion, de contrôler strictement les noms de marque et d'exiger que les produits du cannabis soient vendus dans des emballages neutres, sans aucun élément de promotion, allégation en matière de santé ou un quelconque énoncé faux ou prêtant à confusion. Les emballages de produits du cannabis ne devraient afficher que des informations essentielles.
Pour terminer, nous voudrions que la légalisation et la réglementation des ventes de cannabis au Canada s'accompagnent d'un cadre de santé publique. Nous croyons que les mesures que nous avons proposées seront très efficaces et protégeront encore davantage les intérêts de la santé publique.
Comme l'a dit M. Hammond, « il est [beaucoup] plus facile d'assouplir la réglementation » visant la publicité, la promotion et l'emballage après coup, si c'est justifié, plutôt que d'essayer de serrer la bride à un marché florissant et à un secteur puissant.
Merci. Nous allons répondre avec plaisir à vos questions.
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D'abord, un énorme merci au Comité et au président de m'avoir lancé cette aimable invitation à présenter un exposé. C'est vraiment un grand honneur d'être ici.
Je suis ici en tant que simple particulier ayant une expertise en droit international. En guise de contexte, je suis professeur titulaire à la Faculté de la santé à l'Osgoode Hall Law School de l'Université York. Pour autant que je sache, je suis le seul juriste en droit international public au Canada qui se concentre sur des questions de santé. Je suis vraiment ravi d'être ici pour parler de cet aspect qui, je crois comprendre, est un aspect de la question qui n'a pas encore été présenté au Comité. Je vous en remercie donc beaucoup.
Mon témoignage aujourd'hui est fondé non seulement sur mes propres recherches, mais aussi sur mon expérience préalable, puisque j'ai travaillé dans le système international pour l'Organisation mondiale de la Santé, ainsi qu'au bureau du Secrétaire général des Nations Unies. J'ai également publié des ouvrages sur cette question. De fait, un de mes courts articles a été distribué aux membres du Comité à des fins de traduction et de consultation. Je m'y reporterai plus tard dans mon témoignage.
Ce pourquoi je suis ici aujourd'hui, c'est que je tiens à ce que nous ne violions pas le droit international dans le cadre du processus de légalisation du cannabis. Je souhaite que, lorsque nous essaierons d'atteindre un objectif particulier, le droit international et le multilatéralisme ne deviennent pas des dommages collatéraux dans le cadre du processus.
J'irai droit au but: je pense qu'il est très clair qu'en ce moment, la législation proposée violerait les trois traités des Nations unies sur le contrôle des drogues et les obligations juridiques internationales du Canada en vertu de ceux-ci. Mais la bonne nouvelle, c'est que nous avons des options, et je vous les décrirai. Certaines d'entre elles ne sont pas excellentes. Quelques-unes sont un peu plus faisables, mais, au final, j'espère que le Comité et le législateur insisteront pour que le gouvernement ait un plan permettant de répondre à ces obligations juridiques internationales avant l'adoption du projet de loi dans la législation canadienne.
Permettez-moi de vous expliquer ces traités dont j'ai fait mention, les trois traités des Nations unies sur le contrôle des drogues qui régissent la façon dont le monde gère les stupéfiants. Je vous demanderais de vous reporter au document que j'ai distribué. La dernière feuille est une annexe qui énumère certaines des principales dispositions figurant dans les traités. De façon générale, il y a trois traités. Le premier est la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Le deuxième est la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et le troisième est la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
Permettez-moi d'insister sur le fait que les obligations issues de traités dans ces lois sont très claires. Parmi les avocats en droit international, il n'y a vraiment aucune controverse au sujet de cette situation particulière qui est la nôtre. Je serai très heureux de me pencher sur les aspects juridiques durant la période de questions et de réponses, mais pour l'instant, je souhaite seulement mettre en évidence certaines sections clés.
La première figure à l'alinéa c) de l'article 4 de la Convention unique, qui limite « exclusivement aux fins médicales et scientifiques » l'utilisation de stupéfiants. Plus loin dans l'annexe, vous verrez l'alinéa 36(1)a), qui prévoit un châtiment d'État pour leur détention, leur production, leur vente et leur livraison.
Vers la fin de l'annexe distribuée, vous verrez que le paragraphe 3(2) de la Convention contre le trafic criminalise tout particulièrement la détention de stupéfiants, même si ce n'est que pour une consommation personnelle. Toutefois, au début de cette disposition, il y a une très grande brèche, car les pays sont autorisés à ne pas être tenus responsables si cette disposition viole leur loi fondamentale. C'est une grande brèche par laquelle un pays même de la taille du Canada pourrait se faufiler.
Dans l'ensemble, si on examine les traités, tout le monde s'entend pour dire qu'ils exigent globalement des pays l'imposition de châtiments d'État, mais pas nécessairement la criminalisation d'une substance comme le cannabis.
Bien sûr, lorsque nous examinons les traités, nous découvrons qu'il y a toujours des assouplissements quant à la façon dont ils sont mis en oeuvre. Par exemple, les traités ne précisent pas en réalité le genre de châtiments d'État exigés. Le Portugal serait un exemple de pays qui continue d'interdire les drogues, mais où les gens ne sont pas envoyés en prison et ne font pas face à des sanctions criminelles, mais doivent plutôt se soumettre à un traitement obligatoire, obtenir l'accès à l'éducation ou acquitter une amende.
Une autre mesure d'assouplissement dans les traités, c'est qu'ils ne précisent pas que les dispositions doivent être appliquées. Un pays comme les Pays-Bas prévoit encore une disposition concernant l'interdiction criminelle de posséder, de consommer et de fabriquer des drogues, sauf qu'il est largement répandu que la police ne va pas appliquer ces dispositions. C'est admis en vertu du droit international.
Le troisième assouplissement, c'est une dérogation constitutionnelle en vertu de laquelle si la constitution d'un pays prévoit particulièrement quelque chose que le traité n'autorise pas, la disposition constitutionnelle l'emporte sur le traité. Par exemple, la Bolivie a profité de cet assouplissement en 2009 lorsqu'elle a ajouté un droit constitutionnel pour ses citoyens de posséder et de consommer de la feuille de coca, qui revêtait une importance culturelle, comme façon de profiter à ce moment-là de cette mesure d'assouplissement.
Toutefois, les mesures d'assouplissement ont des limites. Si nous examinons le cas de l'Uruguay, nous voyons que c'est un pays qui enfreint dans les faits le droit international à l'heure actuelle. Le pays fait valoir que les normes générales relatives aux droits de la personne l'emportent sur les exigences particulières des traités des Nations unies sur le contrôle des drogues. Cela pourrait être une excellente déclaration politique, mais ce n'est tout simplement pas ainsi que fonctionne le droit international.
De même, si nous regardons l'exemple des États-Unis, ceux-ci seraient aussi en train d'enfreindre le droit international. Cependant, il est plus difficile de critiquer les États-Unis, puisque dans ce pays, le gouvernement fédéral a la capacité juridique de signer des traités, tandis que les États ont le pouvoir en matière de droit criminel de les mettre pleinement en application. Dans ce cas, aux États-Unis, oui, le pays viole le droit international, mais il y a une interdiction fédérale, et c'est plus difficile de le tenir responsable. Au Canada, c'est le même ordre de gouvernement — le gouvernement fédéral — qui a la compétence de signer les traités ainsi que celle de les mettre en application, par l'intermédiaire du droit criminel ou d'autres mécanismes.
Nous avons des options au Canada. Premièrement, nous pouvons changer notre Constitution. Deuxièmement, nous pouvons renégocier les traités. Troisièmement, nous pouvons obtenir des exceptions spéciales. Quatrièmement, nous pouvons essayer d'utiliser la créativité de certains avocats pour nous sortir de cette situation, ou cinquièmement, nous pouvons nous retirer de ces traités.
Je pense que quatre de ces options ne sont pas particulièrement faisables; trois en particulier ne le sont pas. Je pense que le fait de convaincre les 32 pays qui imposent actuellement la peine de mort pour la contrebande de drogues de renégocier les traités ou d'accorder au Canada une exception spéciale semble aussi politiquement impossible que d'ajouter un droit constitutionnel à notre Charte canadienne des droits et libertés pour la possession de cannabis. Je pense que tout le monde ici serait d'accord pour dire que cela n'est probablement pas faisable sur le plan politique, bien que je m'en remette à vous à ce sujet.
J'ai vraiment tenté d'être un avocat créatif. Si on m'embauchait pour que j'essaie de réfléchir à une façon de contourner cette obligation juridique internationale, la meilleure solution de rechange créative que je pourrais trouver, c'est qu'on essaie de se prévaloir de l'exception touchant les fins scientifiques des traités. Comme je l'ai mentionné, dans le traité, il y a généralement une interdiction, et les États doivent interdire les stupéfiants, sauf aux fins médicales et scientifiques. De façon théorique, nous pourrions imaginer que, si le gouvernement et si le Canada indiquaient que la légalisation du cannabis faisait partie d'une vaste expérience scientifique consistant à observer les effets intergénérationnels de la consommation de cannabis, ou quelque chose du genre, nous pourrions en réalité faire valoir cet argument juridique. Toutefois, pour que la Cour internationale de justice soit en mesure de respecter cela, il faudrait que ce soit vraiment une chose réelle. Pour que cela se produise, des investissements majeurs devraient être consentis dans la recherche.
L'autre solution de rechange possible que certaines personnes ont fait valoir concerne quelque chose que l'on appelle la « non-conformité fondée sur des principes ». C'est lorsqu'un gouvernement ou un pays dirait que, par principe, il ne va pas se conformer, puis il violerait les traités. Je pense que c'est une stratégie politique fort jolie, mais, en tant qu'avocat en droit international, je peux vous dire que ce n'est tout simplement pas la façon dont le droit international fonctionne. Essentiellement, cela serait l'équivalent de la désobéissance civile, mis à part le fait que, lorsque c'est une personne qui fait preuve de désobéissance civile, celle-ci n'est pas en mesure de se soustraire à la loi, tandis que le Canada comme pays peut se retirer des traités.
Cela m'amène à la cinquième option que nous avons, qui est la plus faisable à mon avis, c'est-à-dire nous retirer réellement de ces traités des Nations unies sur le contrôle des drogues. Je ne pense pas que cela soit nécessairement un problème. Je pense que le fait d'adhérer à un traité est un exercice de souveraineté, tout comme le fait de nous en retirer est un exercice de souveraineté. Bien sûr, c'est un peu étrange pour un avocat en droit international comme moi de recommander le retrait de traités. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas la solution idéale à mes yeux, mais c'est certainement mieux que de violer des traités, qui est quelque chose que personne d'entre nous ne voudrait voir se concrétiser, à mon avis.
De plus, ces traités dont nous parlons ne sont pas les meilleurs qui existent. Comme je l'ai mentionné, le premier date de 1961. Il est plutôt désuet. Il date d'une autre époque et il est en réalité plutôt méchant, c'est-à-dire qu'il considère la toxicomanie comme un fléau plutôt que de considérer les toxicomanes comme des gens méritant d'être traités avec dignité pour leur problème de santé.
Maintenant, le problème avec le retrait des traités, c'est que nous devons fournir un avis. En l'espèce, si le but était que le cannabis soit légalisé au Canada à des fins non médicales le 1er juillet 2018, le Cabinet aurait dû fournir un avis de retrait avant le 1er juillet 2017.
Si le Cabinet se retire aujourd'hui du traité, cela veut dire que nous pourrions légaliser le cannabis au plus tôt le 1er janvier 2019. Si le Cabinet attend au printemps qui s'en vient, le Canada pourrait légaliser le cannabis en vertu du droit international au plus tôt le 1er juillet 2019.
Les gens me demandent souvent pourquoi cette question de droit international compte réellement. Je dois dire qu'il y a en réalité une raison pratique. Ce n'est pas seulement que cela ternirait notre réputation. En ne respectant pas le droit international, nous compromettons dans les faits le meilleur mécanisme que nous avons au Canada pour régler les grands problèmes auxquels le monde est confronté. Le Canada ne peut condamner d'autres pays pour avoir enfreint le droit international s'il prévoit lui-même le faire. À la seule lecture du journal, nous constaterions le réel besoin d'un ordre fondé sur des règles dans notre monde aujourd'hui.
Pour conclure, je souhaite simplement insister sur le rôle important que le Comité a à jouer dans toute cette question. Beaucoup de gens considèrent le droit international comme quelque chose qui a été négocié dans des endroits chics, comme New York et Genève, mais en réalité, la pratique du droit international se fait dans des salles comme celle-ci, dans le cadre de comités comme celui-ci, par des personnes comme vous. C'est un recueil de microdécisions qui déterminent si nous allons autoriser l'adoption de la législation qui va enfreindre le droit international, ou sinon, prendre les petites mesures nécessaires pour nous assurer que nous légalisons le cannabis d'une façon qui ne viole pas le droit international.
Je suis vraiment heureux d'être ici pour communiquer mon expertise juridique en matière de droit international. Ma dernière recommandation serait que le Cabinet fournisse immédiatement un avis de retrait de ces traités, avant l'approbation de toute législation.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Bonsoir. Je tiens tout d'abord à remercier les membres du Comité permanent de la santé ainsi que MM. Casey, Davies et Webber, le président et les vice-présidents, de m'avoir invité à vous présenter aujourd'hui un témoignage.
Je suis chercheur principal en politiques pour la RAND Corporation, organisation à but non lucratif et non partisane, dont je suis également codirecteur du centre de recherche sur les politiques en matière de drogue. Ces deux dernières années, j'ai eu le plaisir de venir plusieurs fois au Canada pour rencontrer des chercheurs, des décideurs et des membres du groupe de travail afin de leur parler des politiques du Canada et de présenter une évaluation objective par rapport à ce qui se produit avec la légalisation du cannabis aux États-Unis.
J'ai été invité aujourd'hui à faire part de mes réflexions générales sur le projet de loi et sur les répercussions possibles de son adoption sur la scène internationale. Je veux être bien clair sur le fait que RAND ne prend aucunement parti pour ou contre des projets de loi d'initiative parlementaire ou populaire. Mon objectif aujourd'hui, c'est simplement d'éclairer le débat sur la politique auquel participent les intervenants fédéraux, provinciaux et municipaux. Je présenterai mes commentaires en trois parties: les prix, les taxes et les répercussions sur la scène internationale.
En ce qui concerne les prix, dans les débats sur la légalisation du cannabis, on fait une large part aux résultats sous l'angle du prix de détail. Par exemple, les gens qui cherchent à réduire l'emprise du marché du cannabis illicite voudraient que le prix de détail soit assez compétitif pour que les consommateurs se tournent vers le nouveau marché licite. Par ailleurs, les gens qui se préoccupent du problème de la toxicomanie et des troubles causés par la consommation du cannabis refusent une diminution importante du prix de détail, faisant valoir que les consommateurs sont sensibles au prix.
On s'attend à ce que, avec le temps, la légalisation du cannabis entraîne une réduction notable des coûts de production et de distribution du produit, et ce, pour de nombreuses raisons. Le plus important, c'est d'éliminer le risque. En ce moment, lorsque des gens achètent de l'héroïne, de la marijuana ou de la cocaïne, une bonne partie de ce qu'ils font, c'est de compenser les trafiquants de drogue et toutes les autres personnes le long de la chaîne d'approvisionnement pour le risque d'arrestation et le risque d'incarcération. Avec la légalisation, cela disparaît. De plus, les entreprises pourront profiter d'économies d'échelle à mesure qu'elles passeront d'une production dans des cours et des sous-sols à une production dans de grandes usines et de grands établissements. De plus, une fois cette activité devenue légale, il sera plus facile de tirer profit des progrès de la technologie.
Pour ceux qui se préoccupent de l'augmentation de la consommation du cannabis et des troubles liés à cette consommation qu'une chute des prix pourrait entraîner, les administrations ont plusieurs options à envisager. Je vais brièvement exposer six de ces options. La première option pour aider à gonfler les prix serait de mettre en place un monopole gouvernemental, et on a l'impression que c'est ce que l'Ontario songe à faire. Lorsque le gouvernement a ce contrôle, il peut fixer le prix. La deuxième option est de réduire la concurrence au minimum. Si le gouvernement autorise des entreprises privées à participer, on peut réduire au minimum le nombre d'acteurs sur le marché, réduisant ainsi la chute du prix.
La troisième option serait d'imposer des quotas de production. Une quatrième option serait d'imposer des droits de permis élevés ou de réglementer le marché, par exemple en mettant en place des protocoles de test exigeants. Par exemple, le gouvernement pourrait obliger les producteurs ou les transformateurs de cannabis à soumettre leur produit à des tests rigoureux de contrôle de la puissance et des adultérants, ce qui impose des coûts supplémentaires à l'entreprise, qui les fera assumer par le consommateur, d'où des prix plus élevés. Ce serait également une façon de protéger la santé publique. La cinquième option si l'on souhaite garder les prix élevés serait d'imposer un prix minimal, et le Canada a une expérience à cet égard en ce qui concerne l'alcool. La dernière option serait de taxer le cannabis.
Avant que je parle plus en détail des taxes sur le cannabis, j'aimerais être bien clair au sujet des compromis qui entrent en jeu lorsque nous parlons des prix. Vous devez vous rendre compte du fait que, si votre but est d'éliminer le marché illégal le plus rapidement possible, vous voudrez réduire au minimum les règlements et vous voudrez que cette chute des prix se produise le plus rapidement possible. Ensuite, si vous vous préoccupez des répercussions sur la santé publique d'une chute des prix, vous voudrez agir pour gonfler le prix de détail. C'est important de reconnaître ce compromis et le fait que des gens ont des buts différents pour la légalisation. Le seul fait de reconnaître cela peut mener à des discussions plus productives partout au pays.
Revenons aux taxes. Soyons clairs: personne ne sait quelle est la meilleure façon de taxer le cannabis, et toutes les options supposent un compromis. Par exemple, l'établissement d'une taxe en fonction du prix est une option attrayante, parce qu'elle est très facile à appliquer. Par exemple, l'État de Washington prélève une taxe de 37 % chez les détaillants, mais le principal inconvénient de cette option particulière, c'est que les recettes provenant des taxes par transaction diminueront en même temps que les prix.
Une autre option est l'établissement d'une taxe en fonction du poids. Par exemple, l'Alaska applique une taxe de 50 % l'once sur le prix de gros. De nouveau, c'est aussi une option facile à appliquer, mais certains craignent que cela n'incite les producteurs à vendre des produits de cannabis plus puissants. Nous n'en savons pas beaucoup au sujet des conséquences sur la santé — les risques et les avantages — des produits de cannabis plus puissants qui sont vendus dans les magasins à Washington et au Colorado. Nous nous rendons compte que la plus grande partie de la recherche qui a été effectuée au sujet des effets du cannabis sur la santé était principalement fondée sur des personnes qui fumaient du cannabis moins puissant dans les années 1980 et 1990. Nous avons beaucoup de recherches à faire.
Une autre option consiste à taxer le cannabis en fonction de sa teneur en THC, ce qui permettrait au gouvernement de pousser les consommateurs vers des produits moins puissants. C'est une approche semblable à celle qu'ont adoptée de nombreux pays quant aux taxes sur l'alcool, puisqu'une taxe plus élevée est imposée pour les produits dont le contenu en éthanol est plus élevé. Le dernier rapport du groupe de travail recommandait que le Canada élabore des stratégies pour encourager la consommation de cannabis moins puissant, y compris un régime de prix et un régime fiscal fondés sur la puissance pour décourager l'achat de produits très puissants, mais le projet de loi ne dit presque rien sur cet enjeu.
J'aimerais clore ma déclaration en m'attachant aux répercussions sur la scène internationale. Ma dernière partie s'intéresse au mouvement des gens et du cannabis qui traversent les frontières internationales, et je veux dire quelques mots au sujet de la situation des banques en Uruguay.
Je ne parlerai pas des obligations du Canada relativement aux traités internationaux ni des diverses options que le Canada pourrait mettre en oeuvre s'il décidait de légaliser le cannabis à des fins autres que thérapeutiques, y compris de la possibilité qu'il ne prenne aucune mesure. Je soulignerai toutefois que les décisions que prend le Canada — et, ce qui est peut-être plus important, la façon dont les autres pays réagissent à ces décisions — pourraient envoyer un signal aux autres pays au sujet de leurs propres obligations relativement aux traités sur les drogues. Étant donné la taille du Canada, sa proximité avec les États-Unis et son statut de membre du G7, la légalisation du cannabis à l'échelle nationale pourrait avoir des répercussions bien plus importantes sur la scène internationale que la légalisation du cannabis en Uruguay.
En ce qui concerne le mouvement des personnes qui traversent les frontières internationales, le phénomène du tourisme de la drogue se produira si les provinces et les territoires ne restreignent pas la vente aux résidents canadiens. Si les provinces et les territoires autorisaient la consommation du cannabis dans des lieux publics, des cafés ou des bars-salons, ils attireraient encore plus de touristes.
Il y a en outre la question des Canadiens qui se voient refuser l'entrée aux États-Unis en raison de leur consommation de cannabis ou d'arrestations précédentes. Il n'est pas clair si les États-Unis changeront d'approche, advenant que le Canada légalise le cannabis, ni si, le cas échéant, leur approche serait plus ou moins stricte.
En ce qui concerne la circulation du cannabis d'un pays à un autre, nous devons reconnaître qu'elle se fait déjà, par les voies légales comme par les voies illégales. À l'heure actuelle, le Canada exporte vers certains pays des produits du cannabis à des fins thérapeutiques ou de recherche. En ce qui a trait à la contrebande de cannabis et d'argent à la frontière américaine, le volume et la destination dépendront des coûts de production du cannabis, de son prix au détail, des risques d'arrestation et de la surveillance des deux côtés de la frontière.
Enfin, le Canada devrait s'intéresser au problème des banques que le cannabis a causé en Uruguay. Bien que ce pays ait légalisé le commerce de cannabis à des fins autres que thérapeutiques en décembre 2013, les résidents du pays n'ont pas pu acheter ce produit dans les pharmacies avant juillet 2017. En août 2017, les banques américaines auraient déclaré qu'elles cesseraient de faire affaire avec les banques uruguayennes qui offraient des services aux pharmacies vendant du cannabis. En réaction, The New York Times a signalé que les banques uruguayennes avaient averti certaines pharmacies ces dernières semaines que leurs comptes seraient fermés.
On ne sait pas si les banques américaines exerceront des pressions semblables sur les institutions financières canadiennes qui font affaire avec des entités canadiennes qui fournissent du cannabis à des fins autres que thérapeutiques, mais, si le projet de loi était adopté, il faudrait tenir compte de cette possibilité.
En résumé, les gouvernements fédéral et provinciaux auront des décisions fort difficiles à prendre si le projet loi était adopté. Comme il est ardu de prédire les conséquences de ces choix sur la scène internationale et la scène nationale, les administrations qui envisagent une solution de rechange à l'interdiction du commerce du cannabis devront faire preuve de prudence et intégrer une grande flexibilité — surtout au regard des prix et des taxes — dans leur projet de réglementation.
Sur ce, je conclus, et je suis impatient d'entendre vos questions et vos commentaires.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je m'appelle Kirk Tousaw. Je suis un avocat établi en Colombie-Britannique. J'ai pratiqué officiellement aux États-Unis, ce qui explique peut-être pourquoi je me retrouve dans le groupe international. Je représente des clients de l'ensemble du Canada, exclusivement en ce qui concerne les lois et les politiques touchant le cannabis, et ce, depuis les 10 dernières années.
Mon cabinet agit en ce moment pour des centaines de personnes accusées d'infractions liées au cannabis au Canada, dont de nombreux jeunes; quelques-uns ont d'autres casiers judiciaires, et tous ne méritent pas d'être traités comme des criminels pour leurs activités liées au cannabis.
J'ai fait partie de l'équipe juridique qui a réussi à remettre en question l'ancien régime sur la consommation de cannabis à des fins médicales pour des motifs fondés sur la Charte dans l'affaire Allard et le litige R c. Smith, seule affaire sur le cannabis à des fins médicales portée devant la Cour suprême du Canada. Cette affaire a débouché sur une décision unanime par le tribunal, qui a conclu que la LRDAS était inconstitutionnelle parce qu'elle interdisait l'accès à des produits dérivés du cannabis à des fins médicales.
Je félicite le gouvernement du Canada de sa décision d'adopter un modèle rationnel et fondé sur des données empiriques concernant la production, la distribution et la possession de cannabis par les Canadiens.
Avant de formuler des commentaires de fond sur le projet de loi , j'aimerais prendre un moment pour expliquer pourquoi le Canada fait ce pas important. Le gouvernement du Canada postule deux raisons principales pour la légalisation: protéger les jeunes et éliminer le marché noir.
En tant que père de quatre enfants, âgés de 7 à 17 ans — et vous les entendrez peut-être à l'extérieur de la salle — je suis certainement d'accord pour dire que le fait de protéger les jeunes est un but social important. La meilleure façon de protéger les jeunes est de cesser de les criminaliser. De loin, le plus grand tort causé aux jeunes relativement au cannabis tient au système de justice pénale, non pas à la consommation de la substance même.
À titre d'avocat ayant représenté des centaines, voire des milliers de personnes injustement accusées de violation des lois sur le cannabis aux États-Unis et au Canada, je soutiens l'élimination du marché noir dans le but de permettre à ceux qui participent maintenant à l'industrie du cannabis ou qui souhaitent le faire de le faire en toute légalité.
Lorsque nous parlons du marché noir par rapport à la production et à la consommation de cannabis canadien, nous ne parlons pas de ce que la plupart des Canadiens entendent par « crime organisé ». Nous ne parlons pas de gangs. Le marché noir canadien est plutôt formé presque exclusivement de Canadiens ordinaires, autrement respectueux de la loi, qui gagnent leur vie, payent leurs factures et subviennent aux besoins de leur famille en travaillant dans l'industrie du cannabis. Ils le font pour diverses raisons. Ils sont engagés à l'égard de la plante et de la cause. Certains sont entrepreneurs, employeurs et gens de petites entreprises qui souhaitent simplement faire partie d'une industrie dynamique qui produit une substance qui rend les gens joyeux et a très peu d'effets négatifs. Presque aucun d'entre eux n'est violent ni autrement dangereux pour la société de quelque façon que ce soit.
Même si j'admets que l'élimination du marché noir est un but essentiel, je presse fortement le Comité et le gouvernement du Canada et ceux des diverses provinces et divers territoires de comprendre que l'élimination est synonyme de transition et non pas d'incarcération. Cela comprend des provinces comme l'Ontario, qui se dirige vers un monopole gouvernemental mal avisé et inapplicable par rapport aux ventes au détail. Les dispensaires privés sont privilégiés par les consommateurs, tant au pays que dans d'autres administrations étrangères, et font déjà un excellent travail pour fournir un accès raisonnable en toute dignité au cannabis.
Il y a d'autres raisons plus importantes pour mettre fin à l'interdiction touchant le cannabis. Le Canada est une démocratie constitutionnelle qui a à coeur des notions de liberté individuelle et de responsabilité individuelle. Cela suppose de permettre aux Canadiens de prendre des décisions autonomes au sujet de leur propre intégrité corporelle, sans interférence ni criminalisation indues de l'État par rapport à leurs choix. L'interdiction a causé des dommages incalculables, tant à la société qu'aux personnes prises dans le système de la justice criminelle. L'an dernier seulement, 26 000 Canadiens ont été accusés de possession simple de cannabis. Bon nombre d'entre eux auront du mal à traverser la frontière américaine.
Au cours de la mise en oeuvre de cette politique ratée, des centaines de milliers de Canadiens seront criminalisés à mauvais escient. Chaque fois qu'un Canadien est arrêté, menotté et emprisonné pour une activité liée à du cannabis, une injustice est causée, un tort est causé, et nous souffrons tous. De plus, l'interdiction du cannabis nuit au respect de la primauté du droit. Chaque année, des millions de Canadiens violent la loi en possédant du cannabis. Certains de ces citoyens en sont venus à occuper des positions de grande importance dans notre société. Que ce soit en raison d'un accident de droit, d'un privilège social ou racial ou de liens puissants, ils ont été en mesure d'éviter d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Des centaines de milliers de Canadiens ne sont pas si privilégiés.
Lorsque des millions de personnes autrement respectueuses de la loi et honnêtes sentent qu'il n'est pas nécessaire, pratique ni salutaire d'obéir à la loi, le respect de la primauté de ce droit en souffre. Lorsque des agents de police sont chargés d'appliquer des lois dont font fi des millions de Canadiens, la relation entre la police et les citoyens en souffre. Il est déjà bien tard pour réparer ces torts. L'amnistie pour les Canadiens accusés d'infractions liées au cannabis est attendue depuis très longtemps, et j'invite le Comité à recommander des modifications du projet de loi qui permettraient d'éliminer le casier judiciaire de personnes accusées, à tout le moins, de possession simple de cannabis. Cela contribuerait grandement à restaurer leur capacité de voyager, particulièrement aux États-Unis.
Pour ce qui est de la substance du projet de loi , je dois dire avec regret qu'il reste encore beaucoup de travail à faire. Ce projet de loi nous amène dans la bonne direction, mais, sous sa forme actuelle, il n'atteint pas ni ne permet d'atteindre les buts que j'ai recensés ni les buts que le Canada cherche à atteindre.
Le projet de loi continue de criminaliser les jeunes qui possèdent plus de cinq grammes de cannabis, ce qui est une quantité extraordinairement petite. Il est fort probable que, après la légalisation, des milliers de jeunes Canadiens continueront d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale, ce qui leur causera un tort irréparable pour le reste de leur vie. J'approuve les limites d'âge liées à la vente de cannabis aux Canadiens par des entités commerciales. Ce sont les parents, et non pas les commerçants, qui devraient prendre ces décisions. Les limites d'âge concernant les ventes, toutefois, sont une chose entièrement différente de celle qui consiste à imposer des sanctions criminelles à des jeunes pour possession simple. Je presse les membres du Comité à recommander des modifications du projet de loi C-45 pour retirer toute possibilité de sanctions criminelles imposées à des jeunes au pays pour des activités liées au cannabis.
Le projet de loi prévoit également d'imposer des sanctions criminelles à des adultes canadiens qui possèdent plus de 30 grammes de cannabis ou cultivent plus de quatre plants de 100 centimètres par ménage. Ces chiffres sont arbitraires.
Ces restrictions criminelles sont assurément contraires à la façon dont notre pays réglemente l'alcool, substance énormément et indubitablement plus dangereuse que le cannabis. À l'heure actuelle, au Canada, une personne de 19 ans peut entrer dans un magasin d'alcool et acheter assez d'alcool pour se tuer et tuer tous ses amis et toutes ses connaissances. En fait, il y a assez d'alcool dans une bouteille de vodka pour tuer le consommateur. De même, il n'y a pratiquement aucune restriction sur les droits individuels des Canadiens pour ce qui est de brasser de la bière ou de faire du vin pour leur consommation individuelle ou pour partager cette boisson de façon non commerciale avec des amis et des connaissances. Les Canadiens peuvent aussi actuellement faire pousser 15 kilogrammes de tabac par année, ce qui est assez pour produire 15 000 cigarettes.
Étant donné cette réalité, c'est invraisemblable ou, pour le dire en termes juridiques, arbitraire, exagéré et indûment disproportionné de permettre que des Canadiens soient arrêtés et emprisonnés pour possession simple de toute quantité de cannabis ou pour possession de cannabis jugée illicite, ce qui est, dans tous les cas, une distinction absolument inapplicable. Il n'y a aucune bonne raison empirique, morale ni légale pour laquelle le cannabis devrait être traité plus strictement que l'alcool.
Il y a aussi des difficultés pratiques liées à ces restrictions arbitraires. Le cannabis, particulièrement à l'extérieur, peut pousser facilement jusqu'à cinq mètres ou plus de hauteur dans son état naturel. Avons-nous vraiment besoin d'une règle qui exigerait que les Canadiens qui souhaitent faire pousser quelques plants dans leur jardin doivent continuellement attacher les branches ou autrement manipuler artificiellement un plant durant sa croissance de manière à ce qu'il ne dépasse pas 99 centimètres de hauteur? Les limites de 100 centimètres sont le comble de l'absurdité.
En outre, la limite de quatre plants par ménage pénalise de façon arbitraire ceux qui vivent dans de grands ménages. Ces limites, appuyées par des sanctions criminelles, entraîneront certainement des contestations judiciaires fondées sur l'article 7 de la Charte des droits et libertés, lequel prévoit que l'on ne peut porter atteinte à la liberté des Canadiens au moyen de lois arbitraires, exagérées ou exagérément disproportionnées.
Les restrictions touchant les quantités qu'une personne peut posséder et le nombre et la taille des plants pour la production non commerciale et personnelle de cannabis nuisent également à l'objectif d'éliminer le marché noir. Le fait de permettre aux Canadiens d'être autosuffisants et d'obtenir leur cannabis en le faisant pousser eux-mêmes soutient la transition qui vise à éloigner les gens de la dépendance au marché noir.
J'invite le Comité à recommander des modifications qui éliminent les limites concernant ce que les Canadiens peuvent posséder ou faire pousser à des fins non commerciales et à éliminer la distinction artificielle et inapplicable entre le cannabis licite et illicite. À tout le moins, les limites concernant la possession devraient être augmentées de façon importante, et les limites touchant les plants devraient être augmentées et calculées par personne, et non par ménage.
Une autre façon essentielle d'assurer une transition réalisable par rapport au marché actuel, dynamique et énorme — mais illégal — du cannabis au pays, c'est de faciliter le plus possible le processus permettant de devenir producteur et distributeur commercial de cannabis. La plupart des détails liés à la façon de devenir producteur commercial de cannabis ne figurent pas dans le projet de loi et sont plutôt laissés aux règlements qui doivent être déterminés. Si ces règles reflètent la situation actuelle concernant la production à des fins médicales, elles seront trop astreignantes, il n'y aura pas assez de gens ni d'entreprises en mesure de participer, il y aura un nombre insuffisant de cannabis produit légalement pour les Canadiens, et le marché noir continuera de prospérer.
Le marché noir va également continuer de prospérer tout au long de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, depuis la production jusqu'au traitement et à la vente, si la légalisation ne permet pas d'inclure des produits qui deviennent de plus en plus populaires. Les produits comestibles, les produits concentrés et les produits comme les cigarettes servant au vapotage doivent être légaux. Les tendances au Canada et dans d'autres administrations juridiques internationales, particulièrement aux États-Unis, démontrent la popularité accrue de ces méthodes de consommation, qui sont aussi peut-être moins néfastes pour le consommateur et moins gênantes pour les non-consommateurs.
Sur le plan pratique, il y a littéralement des centaines d'entreprises qui exercent leurs activités au Canada et qui fabriquent ces produits de manière professionnelle, sécuritaire et élaborée à l'heure actuelle. Ces produits ne vont pas disparaître, et ils dépendent tous d'une personne qui cultive la matière végétale à l'état brut aux fins de la fabrication. S'ils ne sont pas légaux, bien, comme toujours, les demandes des consommateurs devront être comblées par des personnes qui exercent leurs activités dans l'illégalité. Il vaut mieux permettre à l'industrie existante de sortir du marché noir.
J'exhorte le Comité à recommander qu'on apporte des amendements au projet de loi afin que l'on puisse légaliser les produits dérivés du cannabis, éliminer les obstacles qui empêchent les personnes actuellement sur le marché noir d'entrer dans l'industrie légale et exclure la production et la vente de petites quantités de cannabis artisanal de la surveillance du gouvernement fédéral.
Merci de m'avoir donné la possibilité de m'adresser au Comité. J'attends vos questions.
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Merci de me donner la possibilité de m'adresser à vous sur cette question importante.
Je suis analyste principal en matière de politiques à la Transform Drug Policy Foundation, qui est un centre d'études et de recherches caritatif situé au Royaume-Uni. Nous prenons part à des activités d'analyse de politiques et de défense des intérêts dans le domaine des politiques sur les drogues, particulièrement la réforme des politiques sur les drogues. Nous nous spécialisons dans les modèles de réglementation juridique et nous militons pour les faire instaurer.
Nous exerçons ce genre d'activités depuis plus de 20 ans maintenant. Notre travail est en grande partie axé sur le cannabis depuis les dernières années en raison de la nature du débat. Nous avons réalisé un ouvrage détaillé, accessible en ligne, téléchargeable en format PDF, qui aborde les détails concernant les modèles de réglementation du cannabis, comme les éléments qui touchent la production, la façon de réglementer les produits en ce qui a trait à la préparation, au prix et à l'emballage, les questions de fiscalité, certains éléments abordés par Beau, la façon de réglementer les fournisseurs en matière de formation et de permis, la façon de réglementer les points de vente où le cannabis sera accessible du point de vue des heures d'ouverture et des comptoirs de service et la façon de réglementer l'accès, les gens qui ont accès au marché et les questions concernant la vérification de l'âge ou l'appartenance à des clubs.
Bien entendu, je serai heureux de répondre à toutes les questions particulières qui intéressent le Comité lors de la période de questions qui suivra. Nous avons aussi rédigé des chapitres qui portent précisément sur la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis, le tourisme lié au cannabis et le cannabis et les traités internationaux, dont je vais parler dans un moment.
Avant d'entrer dans les détails, je dois dire que j'ai quelques commentaires généraux qui vont, en grande partie, se faire l'écho d'éléments déjà abordés par d'autres témoins ce soir et pendant la semaine.
L'importance d'une politique fondée sur des données probantes est évidente pour tout le monde; par conséquent, il est essentiel de mettre en place des mécanismes adéquats d'évaluation et de surveillance qui sont intégrés dès le début au cadre stratégique. Il est manifestement important de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et de mettre en place un système capable de répondre à ces données de manière flexible. Peut-être que le système est trop flou et qu'il doit être renforcé. Peut-être que le système est trop restrictif et qu'il doit être plus permissif d'une certaine manière. Toutefois, nous devons surveiller les données en permanence, observer ce qui fonctionne et intervenir d'une manière scientifique et responsable.
Puis, il y a clairement cette tension entre les intérêts pour la santé publique et les intérêts pour les commerces et les entités commerciales. En matière de santé publique, on cherchera à modérer et à réduire l'utilisation, tandis que les entités commerciales chercheront essentiellement à réaliser des profits et elles pourraient donc chercher à accroître les ventes ou à inciter les gens à en consommer. Je ne veux pas dire que toutes les entités commerciales vont se conduire de manière irresponsable ni qu'elles adopteront une approche sans scrupules, mais il y a manifestement une tension à cet égard. Il est essentiel que nous puissions tirer des leçons de la réglementation de l'alcool et du tabac à l'échelle mondiale et que nous examinions les points forts et les points faibles. C'est en grande partie ce qui a orienté les travaux de Transform Drug Policy Foundation du point de vue de l'élaboration de nos propositions et de l'analyse de la réglementation sur le cannabis.
On s'intéresse particulièrement à la publicité et à la commercialisation; il ne faut pas oublier ce qui a été évoqué précédemment, soit le besoin de réglementer la vente au détail du cannabis et l'accès aux marchés du cannabis en particulier. Même si je soutiens fermement la liberté des gens de consommer du cannabis, de pouvoir y accéder et d'en acheter, je suis moins emballé par l'idée que les entités commerciales à but lucratif soient libres de commercialiser de façon énergique des produits potentiellement dangereux comme s'ils étaient des accessoires à la mode. Encore une fois, je repense à l'expérience vécue avec la réglementation de l'alcool et du tabac dans le bon vieux temps, je pense que nous devons en tirer des leçons et nous assurer de ne pas répéter ces erreurs.
Mon dernier point, une simple entrée en la matière générale, concerne la nécessité d'être prudent dès le début. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'adopter de manière hâtive un programme de légalisation. Il est tout à fait correct de privilégier la prudence au début, de voir comment fonctionnent les choses, de mettre en place un système initial et d'avancer avec prudence sur cette base, en examinant les points forts et les points faibles. Il n'est pas nécessaire de rendre tout disponible du jour au lendemain. Nous pouvons le faire graduellement.
Une partie du travail que j'ai fait sur la question consistait à travailler avec le groupe de travail canadien. Le rapport était remarquable, et j'étais très heureux d'agir à titre de conseiller. Beau était également conseiller pour ce groupe.
En plus des autres travaux de Transform Drug Policy Foundation, nous avons également appuyé des travaux qui ont été réalisés en Uruguay. J'ai conseillé le gouvernement uruguayen, j'ai élaboré ses modèles de réglementation et j'ai travaillé avec un certain nombre d'autres gouvernements de diverses manières. J'ai participé très activement au débat au Mexique, dans divers pays européens, en Jamaïque et ailleurs.
J'ai trouvé que le groupe de travail avait fait un excellent travail, et les aspects du projet de loi qui me préoccupent, d'après ce que j'ai pu examiner — en surface, je dois le dire — sont généralement ceux qui divergent des recommandations du groupe de travail.
Je vais répéter certains commentaires de Kirk au sujet de la criminalisation des jeunes. Ce n'est vraiment pas raisonnable. Cela ne permettra pas d'obtenir les résultats recherchés.
Je pense aussi qu'il y a des propositions de peines ridiculement sévères dans le projet de loi. J'ai remarqué que la peine la plus sévère possible est une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans pour avoir fourni de la drogue à des mineurs. Même s'il est évident que ce doit être une infraction, j'ai regardé dans la loi canadienne et j'ai vu que la peine était de un an pour la même infraction avec de l'alcool, et je pense que c'est une peine de 90 jours pour le tabac; c'est donc clairement disproportionné et incohérent. Je pense que ce genre de choses mine la primauté du droit et n'appuie pas les objectifs énoncés au début du projet de loi, et cela ne va certainement pas aider à protéger les jeunes. J'aimerais qu'on apporte des amendements afin de modifier ces peines ridiculement disproportionnées.
Pour revenir brièvement à la question des traités, il y a certaines choses qui ne me plaisent pas dans ce qu'a dit M. Hoffman au sujet de la stratégie politique, même si je suis plutôt d'accord avec la plupart de ses déclarations. Manifestement, les traités ont été rédigés dans les années 1940 et 1950, cela fait près de 60 ou 70 ans — le traité de 1961 —, et bon nombre d'entre eux sont fondés sur des traités qui remontent à plus loin encore, la Convention internationale de l'opium de La Haye de 1912 et d'autres. Ce sont des traités affreusement dépassés qui ont été écrits à une autre époque où le paysage politique, social et culturel était extrêmement différent de celui d'aujourd'hui et ils ne conviennent tout simplement pas.
Je ne pense pas que les tensions qui sont apparues pour le Canada soient imputables au Canada. Je crois qu'elles sont le résultat d'un système juridique international défaillant et désuet en matière de contrôle de la drogue et qui a cruellement besoin d'être modernisé.
Comme l'a mentionné M. Hoffman, il existe un certain nombre de manières de résoudre ces tensions, mais je suis tout à fait d'accord avec M. Hoffman quand il dit que, si le Canada va de l'avant, le projet de loi mettra le Canada en situation de non-conformité à l'égard de ses obligations, ou à tout le moins, de certaines de ses obligations en vertu des traités touchant le cannabis.
Les traités peuvent être modifiés, mais il faut un consensus, et il est très improbable qu'on arrive à dégager un consensus à l'ONU, compte tenu du manque de soutien entre de nombreux pays en ce qui a trait à ce genre de réforme. Les traités peuvent être modifiés. Il n'est pas nécessaire d'obtenir un consensus pour inscrire le cannabis dans une nouvelle annexe, donc le cannabis pourrait être retiré complètement des traités si l'on prend la décision de l'inscrire dans une nouvelle annexe. Cela exige un vote majoritaire à l'ONU, mais encore une fois, cela semble très improbable en raison de l'opinion prépondérante chez les États membres de l'ONU.
Chaque État membre a des options, et M. Hoffman en a présenté quelques-unes. Le retrait en est une. Je ne suis pas d'accord avec l'option du retrait. Il me semble que cela s'assortit d'importantes conséquences politiques. Il y a des accords commerciaux internationaux associés à la participation aux traités. L'ONU a tout de même son système permettant de juger les pays en fonction de leur application des traités de l'ONU relatifs aux drogues. De plus, certaines parties des traités sont très utiles et importantes et font l'objet d'un consensus; la plus évidente concerne le contrôle et la réglementation du commerce des médicaments. Nous ne voulons pas voir cela menacé par le retrait des États.
Il y a toujours la possibilité de se retirer et d'adhérer de nouveau en émettant des réserves quant au cannabis, mais cela comporte son lot de questions et de problèmes. Je pourrais certainement en parler durant la période de questions si cela intéresse les gens.
M. Hoffman a abordé une autre option, qui est peut-être, à mon avis, la plus favorable du point de vue stratégique selon mon analyse, soit de poursuivre la mise en oeuvre des réformes nationales dans ce que nous pourrions appeler la non-conformité fondée sur des principes. Clairement, la non-conformité ouverte avec les obligations juridiques internationales n'est pas souhaitable. Toutefois, dans certaines circonstances, des périodes temporaires de non-conformité peuvent être nécessaires. En effet, les changements relatifs aux lois et aux pratiques nationales dans un large éventail de domaines et la non-conformité qui s'ensuit sont une caractéristique assez commune de l'évolution et de la modernisation du régime international.
Pour être très clair, le problème qui nous occupe ne concerne pas le fait que le Canada opte pour une approche réglementaire à l'égard du cannabis. En fait, c'est le cadre juridique des traités désuets qui engendre cette nécessité de période temporaire et transitoire de non-conformité fondée sur des principes qui pose problème. Ainsi, la reconnaissance du fait que le Canada peut ne plus se conformer aux obligations des traités en matière de cannabis ne doit pas être vue comme un manque de respect du droit international, selon moi. Au contraire, si elle est accompagnée d'arguments raisonnables et d'une intention explicite de régler la situation avec le temps, la prise d'une position de non-conformité fondée sur les principes peut en fait confirmer que les engagements du traité ont de l'importance et qu'ils doivent être examinés avec soin.
Le Canada pourrait procéder de différentes manières. Par exemple, il pourrait tenter, parallèlement à ses réformes nationales, d'envisager des modifications à l'égard des traités. Maintenant, il pourrait y avoir des problèmes, et il se peut que le Canada ne réussisse pas, mais cela montrera son engagement à régler ses problèmes et à s'acquitter de ses obligations. Il peut aussi...
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Certainement. Il y a différentes manières d'appliquer une taxe sur le cannabis, et je tiens à préciser que personne ne connaît la meilleure approche à adopter. Durant mon exposé, j'ai seulement mis en évidence trois d'entre elles. Il existe de nombreuses autres approches, mais j'aimerais prendre le temps de discuter de ces trois approches dont j'ai parlé.
La plus populaire aux États-Unis est la taxe sur la valeur. La taxe est établie en fonction du prix. Comme je l'ai dit durant mon exposé, l'avantage réside dans le fait qu'elle est facile à déterminer. Nous sommes à l'aise de le faire. Nous le faisons pour d'autres produits. La taxe fondée sur le prix présente deux inconvénients potentiels. D'abord, vous devez être malin lorsqu'il est question d'offre groupée. Si vous ne l'êtes pas, quelqu'un peut simplement vous dire: « Je vais vous vendre cette pipe pour 30 $ et je vais vous donner gratuitement le cannabis ». Les gens pourraient faire cela afin d'éviter la taxe, vous devez donc être malin à cet égard.
L'autre enjeu est le suivant: comme les prix sont à la baisse, le montant en recettes fiscales que vous allez générer ne sera pas aussi élevé que vous le croyiez. C'est important, puisque maintenant, il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à la question, différents experts et des personnes qui tentent de faire des prévisions à propos de ce qui se passe, ce qui se passera avec les recettes fiscales d'ici 2025 et 2030. Vous devez vous méfier de certaines de ces estimations qui sont présentées, parce que je ne pense pas qu'elles tiennent nécessairement compte du fait qu'il pourrait y avoir cette importante baisse de prix.
Une deuxième approche consisterait à établir la taxe en fonction du poids. Comme je l'ai dit, l'Alaska le fait. Il applique une taxe sur le prix de gros. C'est une taxe de 50 $ l'once. L'avantage, c'est que cette taxe est très facile à appliquer et elle est très facile à percevoir. L'inconvénient potentiel avec cette approche tient au fait qu'elle risque d'inciter les producteurs à vendre des produits de cannabis plus puissants pour éviter la taxe. Comme je l'ai dit, nous en savons très peu au sujet des conséquences sur la santé des produits de cannabis très puissants qui sont vendus.
Pour vous donner une idée de ce qui se passe dans l'État de Washington, je travaille avec une équipe qui analyse toutes les données provenant de son système de traçabilité, son système de suivi de la semence à la vente. L'équipe fait le suivi des plants jusqu'à la vente finale et surveille les prix et la puissance. Washington vend pour environ 100 millions de dollars de produits dérivés du cannabis chaque mois. De ce nombre, probablement 70 % des ventes sont des fleurs de cannabis, et de ces fleurs vendues, on rapporte que plus de la moitié présentent un taux de THC de 20 % ou plus. Le taux est peut-être amplifié, alors disons qu'il n'est que de 18 %. Mais à la fin, certaines fleurs peuvent avoir un taux de THC de 10 à 12 %, mais nous n'en voyons pas beaucoup dans les commerces.
De plus, le segment du marché à Washington qui connaît la croissance la plus rapide n'est pas celui des produits comestibles, bien qu'ils mobilisent une grande attention. Il s'agit en fait des produits concentrés, ce sont les cires, les huiles et aussi les vaporisateurs stylos ou les cigarettes électroniques, mais au lieu d'une solution à base de nicotine, c'est une solution à base d'huile de haschich. C'est le secteur qui croît le plus rapidement, et pour être honnête, nous n'en savons pas beaucoup au sujet des conséquences sur la santé de ces produits très puissants, qu'il s'agisse de fleurs ou d'huiles.
J'aimerais aussi être très clair en ce qui concerne les conséquences sur la santé: nous devons parler à la fois des risques et des avantages.
C'est aussi une question de titrage. Par le passé, quelqu'un pouvait fumer tout un joint dont la teneur en THC était de 5 %; peut-être que si la teneur avait été de 15 %, il n'en aurait fumé que le tiers. Il s'avère que nous n'avons pas beaucoup de recherches sur la question du titrage. Je sais que quelques études ont été publiées en Europe, mais il n'y en a ni au Canada ni aux États-Unis. Il existe certaines préoccupations quant au fait que la taxe fondée sur le poids incite les gens à consommer des produits plus puissants, ce qui nous amène à la troisième option, soit la taxe en fonction du niveau de THC. En fait, c'est ce que font de nombreuses administrations lorsqu'elles créent leurs taxes sur l'alcool; la taxe est établie en fonction de la teneur en éthanol. Cela donne aux administrations la capacité d'amener certains consommateurs à utiliser des produits moins puissants.
L'avantage avec cette approche c'est que vous établissez une taxe en fonction du degré d'intoxication. Dans la mesure où nous croyons que le degré d'intoxication est associé à un certain nombre d'effets néfastes sur la santé publique, cela pourrait aider à réduire ces préjudices. Par ailleurs, le système pourrait être plus difficile à établir. Tout va dépendre de la qualité que vous accordez à la rigueur de votre régime actuel de mise à l'essai et d'étiquetage. Si vous faites confiance aux étiquettes qui figureront sur ces emballages et à l'information diffusée, alors il sera facile d'établir la taxe en fonction du niveau de THC. Toutefois, si vous n'avez pas confiance en votre régime d'analyse, si vous n'avez pas confiance en l'exactitude des renseignements qui figurent sur ces emballages, vous avez tout de même d'autres options.
L'une des choses dont j'ai parlé concernait le fait que, à court terme, si vous ne croyez pas que votre régime d'analyse fournit des renseignements utiles au sujet de la teneur en THC ou en CBD de la matière végétale, il est facile d'établir la taxe des produits concentrés et des huiles en fonction du THC. Mais en ce qui concerne les fleurs, vous pourriez en fait imposer une taxe minimale de remplacement. La taxe pourrait être déterminée en fonction du niveau de THC indiqué par l'entreprise sur l'emballage, ou elle pourrait être établie en fonction du poids. C'est la taxe la plus élevée que vous auriez à payer.
C'est une solution que vous pourriez mettre en place de manière provisoire en attendant la mise en place d'un régime d'analyse rigoureux.
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Certainement. Un monopole du gouvernement jumelé à une compétence fédérale sur la production posent un certain nombre de problèmes sur le plan pratique.
Prenons un exemple simple. Disons que le gouvernement de l'Ontario cherche à exercer son pouvoir d'achat pour essayer de négocier un meilleur coût par gramme en achetant du cannabis auprès de producteurs fédéraux autorisés. Si ces producteurs fédéraux autorisés, qui disposent tous à l'heure actuelle d'un réseau de distribution au détail direct, ne sont pas satisfaits de l'offre d'achat du cannabis de l'Ontario, ils peuvent simplement refuser de lui en vendre, auquel cas, les consommateurs en Ontario n'auraient essentiellement pas accès au cannabis à l'aide du modèle de monopole gouvernemental de l'Ontario.
Chose certaine, si j'exerce des activités à titre de producteur autorisé et que l'Ontario vient me voir et me suggère de lui vendre un gramme pour 3 ou 4 $ alors que je vends directement aux consommateurs des autres provinces pour 8 à 12 $ le gramme, pourquoi est-ce que j'en vendrais à l'Ontario? Puis on se retrouverait dans une situation où les résidants ontariens n'auraient pas accès au cannabis ou devraient obtenir une ordonnance artificielle d'un médecin afin d'avoir accès au modèle de cannabis médicinal, ce qui leur donnerait un accès direct aux producteurs autorisés. C'est un petit problème parmi tant d'autres.
Un autre problème tient au fait qu'il y a déjà un système de distribution très dynamique qui fonctionne sur le marché gris en Ontario. À l'heure actuelle, il y a probablement dans les environs de 100 à 200 fournisseurs privés qui vendent du cannabis aux consommateurs en Ontario. Ces entités ne vont pas seulement disparaître, et si vous ne faites pas passer les gens du marché noir au côté légal, vous allez créer un système concurrentiel. La seule façon de mettre un terme à la concurrence serait peut-être de recourir à des tactiques draconiennes dignes d'un État policier. La prohibition n'a pas empêché ces gens de faire ce qu'ils faisaient. En fait, la prohibition a directement mené à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, il n'y a tout simplement pas de manière pratique de faire les choses.
Je crois savoir quelle est l'idée fondamentalement fausse. Je pense que beaucoup de gens croient que la légalisation du cannabis tient à la création d'une industrie. Il ne s'agit pas de créer une industrie. L'industrie existe déjà. Elle est dynamique. Elle est énorme. Il y a littéralement des milliers et des milliers de personnes qui travaillent dans cette industrie dans toutes les provinces du pays. Il existe des millions de produits différents. Il y a des entreprises très haut de gamme qui travaillent dans ce secteur à l'heure actuelle, alors il ne s'agit pas de créer une industrie.
Le mieux que l'on peut espérer est de soutenir la concurrence avec l'industrie existante. La meilleure façon d'y arriver, comme je le dis, c'est d'assurer la transition des gens qui ont déjà l'expertise, qui font déjà ce travail, qui le font bien et qui réussissent vers le marché légal. Toute autre option est vouée à l'échec.
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Je pense que nous allons inévitablement avoir des problèmes avec le maintien de l'approche criminalisée dans le projet de loi. Je ne crois pas que ce soit un peu malavisé; c'est extrêmement malavisé.
Je pense qu'il y a probablement certaines raisons pratiques et politiques pour lesquelles le gouvernement a choisi de procéder de cette manière. Les raisons politiques visent clairement à légaliser le cannabis et à tenter d'esquiver les critiques politiques de la droite, habituellement, mais aussi de la gauche pour certains aspects, notamment le processus et les mesures que nous prenons et, par conséquent, pour essayer de le faire de la façon la plus conservatrice possible.
La considération pratique pourrait bien venir du fait que nous savons que la Cour suprême du Canada a statué dans l'arrêt Malmo-Levine que le Parlement conservait le pouvoir d'interdire la possession simple de cannabis comme un aspect du pouvoir en matière de droit pénal. S'il ne s'agit pas d'un élément de droit criminel, il devient moins évident de déterminer le fondement juridictionnel qui sous-tend la participation du gouvernement fédéral dans ce secteur de commerce.
Je crois que ce sont des obstacles insurmontables. Au bout du compte, je pense que nous devons nous pencher sur l'équité fondamentale. Le cannabis est plus sécuritaire que l'alcool. Fondamentalement, empiriquement, cela ne fait aucun doute. Le cannabis est plus sécuritaire que le tabac. Aucune bonne raison n'explique pourquoi nous traiterions le cannabis de manière considérablement plus rigoureuse que l'alcool. L'alcool, au sein de notre société, est une source de tort énorme, et c'est aussi une source de plaisir et de joie considérables. J'aime boire un bon verre de vin. J'aime visiter les vignobles locaux. Je suis un client régulier du petit pub de bières artisanales en bas de ma rue. J'ai un tonneau de sa bière dans mon garage. Je ne suis pas contre l'alcool, mais je reconnais les torts qu'il cause à notre société.
Toutes ces choses, en passant, les vignobles sur la route ici dans Cowichan Valley — nous avons probablement 20 merveilleux vignobles, il y en a de nombreux autres à l'intérieur de notre province — l'industrie de bières artisanales qui croît rapidement ici en Colombie-Britannique sont des entreprises réglementées à l'échelle provinciale, et c'est très bien comme ça. Le rôle du gouvernement fédéral devrait vraiment être réduit au minimum dans ce secteur, et bien franchement, avec tout le respect que j'ai pour le gouvernement pour ce qu'il a fait jusqu'à présent, il n'a pas fait un très bon travail au chapitre de la réglementation de l'accès au cannabis médicinal. Le système de cannabis médicinal qui a été mis en place à la suite d'une ordonnance du tribunal en 2001 a été invalidé à de multiples reprises par les tribunaux, ce qui, j'en suis sûr, a coûté au gouvernement des dizaines de millions de dollars.
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Nous avons étudié longuement les divers modèles que les administrations pourraient adopter si elles envisageaient de légaliser l'approvisionnement en cannabis. Plus tôt, il a été question du monopole du gouvernement. Nous pouvons tirer des leçons des recherches menées sur l'alcool. Il est évident que le monopole de l'État qui touche l'alcool est bien mieux sur le plan de la santé publique qu'un marché de l'alcool mené par des entreprises à but lucratif.
Nous pouvons appliquer à ce phénomène la loi de Pareto ou le principe des 80-20. Dans le cas de l'alcool, 80 % de la consommation et des dépenses sont associées à 20 % des consommateurs. Les producteurs d'alcool visent ces 20 %. Ils visent les grands consommateurs.
Dans le cadre de travaux pour l'Office of National Drug Control Policy de la Maison-Blanche auxquels j'ai participé, nous nous sommes rendu compte que 80 % des dépenses sont associées à 20 % des consommateurs de cannabis. Il s'agit des consommateurs réguliers ou quasi réguliers. Si l'on permet aux entreprises à but lucratif de produire, de vendre et de commercialiser du cannabis, ce sont ces consommateurs qu'elles viseront. Elles vont cibler les grands consommateurs. C'est un aspect qu'il ne faut pas négliger si l'on envisage de permettre la participation d'entreprises à but lucratif.
Un des avantages du monopole de l'État est que le prix est contrôlé par le gouvernement. Ainsi, il pourrait être plus facile de limiter les produits. Cela pourrait également limiter les campagnes de marketing, mais il ne faut pas oublier que — pensez aux jeux de hasard — les gouvernements font de la publicité. Ces deux options ont des désavantages, et entre les deux se trouve l'option des organismes sans but lucratif. Au lieu d'autoriser les entreprises à but lucratif à produire, distribuer et vendre du cannabis, vous pourriez autoriser seulement des organismes sans but lucratif dont les activités sont axées sur la santé publique ou la protection de l'enfance, par exemple.
Au bout du compte, cela contribue à créer une nouvelle industrie légale. Le marché du cannabis mène ses activités depuis des dizaines d'années au Canada et aux États-Unis, et vous avez maintenant la chance de créer cette nouvelle entité. J'espère que j'ai été clair durant mon témoignage: nous n'avons aucune idée du résultat final en ce qui a trait particulièrement à la santé publique. Il existe plusieurs approches. Si l'on décide de passer de la prohibition à un marché mené par des entreprises à but lucratif et que, 10 ans plus tard, on veut adopter une autre approche, il sera beaucoup plus difficile de renverser la vapeur vu la puissance de ces entreprises et de leurs lobbyistes.
Si vous préférez prendre le moins de risques possible, la solution serait de commencer par le monopole du gouvernement, d'évaluer la situation et de laisser ensuite la place à des organismes sans but lucratif, si c'est ce que le gouvernement souhaite. Il serait ensuite possible de passer à des entreprises à but lucratif, particulièrement pour les produits à dosage élevé. C'est comme cela que je vois la situation. D'après moi, c'est ce que l'on va voir en magasin, à moins que des limites soient imposées.
Pour l'instant, nous connaissons peu les conséquences sur la santé, et c'est pourquoi je crois qu'il faut faire preuve de prudence.
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Lorsqu'il est question de produits comestibles, les gens pensent aux fleurs et aux produits comestibles. Mais il est important que nous nous penchions sur les concentrés et les cires que contiennent les produits qui ne sont pas à base de fleurs. Il peut y avoir jusqu'à 80 % de THC dans un vaporisateur stylo. Je tiens à souligner très clairement que les conséquences sur la santé sont encore inconnues. Je sais que beaucoup de personnes pourraient en consommer, mais nous ne savons vraiment pas grand-chose sur ces produits et leurs conséquences sur la santé, que ce soit les avantages ou les dangers.
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, si nous permettons aux entreprises à but lucratif de produire et de vendre ces produits sans leur imposer de limite et que, disons dans 5 ou 10 ans, nous décidons d'interdire certains de ces produits ou d'interdire l'aromatisation des liquides pour vaporisateurs, il sera beaucoup plus difficile de le faire puisque l'industrie sera déjà bien implantée et que les lobbyistes sont puissants.
Je recommanderais d'adopter une approche très progressive et de ne pas nécessairement autoriser certains de ces produits. Effectivement, il y a peut-être une demande pour ces produits sur le marché noir, mais il faut faire des compromis, comme je l'ai déjà mentionné, et, si votre seul et unique but était de réduire l'importance du marché illégal, vous n'appliqueriez pas une réglementation imposante. Vous auriez avantage à baisser les prix le plus possible afin de nuire à tous les producteurs. Cependant, cette mesure pourrait entraîner des conséquences sur la santé publique, notamment une consommation accrue de cannabis et une augmentation du nombre de cas de troubles de dépendance au cannabis. C'est ça, le problème.
Par exemple, si vous interdisez certains produits, ceux-ci demeureront effectivement en demande sur le marché illégal, mais, au moins, ils ne seront pas offerts en magasin et ils ne feront l'objet d'aucune publicité. C'est un compromis. Au final, ce qui compte, c'est les valeurs, la tolérance au risque et les priorités des personnes. Si votre priorité est la santé publique, je vous recommande d'y aller très progressivement.
Pour ce qui est d'une approche à l'emporte-pièce et de la situation du Colorado, je me pencherais sur les mesures prises également par d'autres administrations. Le Colorado a adopté une approche progressive axée sur l'attentisme, et l'administration n'autorise pas autant de produits que l'État de Washington. En fait, les deux États n'autorisent pas la même teneur en THC par portion individuelle. Dans quelques États, la limite est de 10 milligrammes, et dans deux autres États, elle est de 5 milligrammes. Je ne sais pas si des chercheurs se sont penchés sur cette question.
Par conséquent, je ne serais pas porté à prendre les mêmes mesures que le Colorado et à les appliquer au Canada. J'examinerais également ce que font d'autres États et j'adopterais une approche très progressive. Si vous autorisez des entreprises à but lucratif à participer, il sera beaucoup plus difficile d'apporter des changements par la suite, alors prenez votre temps.