:
Bonjour et bienvenue à la 8
e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Le sujet qui est à l'étude aujourd'hui porte sur les troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes.
La réunion se déroulera comme suit. Chaque ministère ou organisation aura un maximum de 10 minutes pour faire sa présentation et on passera par la suite aux questions. Je vous informe que les représentants de Condition féminine Canada seront ici pour répondre à nos questions après les présentations des autres témoins.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui ont pris le temps de venir nous rencontrer pour nous éclairer sur ce sujet très important. Nous recevons aujourd'hui les témoins suivants: de Condition féminine Canada, M. Sébastien Goupil, directeur général, Politiques et relations extérieures et Mme Linda Savoie, directrice générale, Programme de promotion de la femme et des opérations régionales; du ministère de la Santé, M. Hasan Hutchinson, directeur général, Bureau de la politique et de la promotion de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments; de l'Agence de la santé publique du Canada, Mme Marla Israel, directrice générale par intérim, Centre pour la promotion de la santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques. Enfin, par l'entremise de la vidéoconférence, j'aimerais saluer Mme Joy Johnson, des Instituts de recherche en santé du Canada, directrice scientifique, Institut de la santé des femmes et des hommes.
Madame Israel, vous pouvez commencer votre présentation. Vous disposez de 10 minutes.
:
Merci beaucoup, madame la présidente et membres du comité.
[Traduction]
Membres du comité, merci beaucoup de cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet des troubles de l'alimentation. Je m'intéresserai tout particulièrement aux activités de l'Agence de la santé publique du Canada dans ce domaine.
L'Agence de la santé publique du Canada se fait un devoir d'améliorer la santé et le bien-être des Canadiens. À cette fin, elle administre des programmes et des politiques qui visent à promouvoir la santé physique et mentale et à prévenir les maladies chez les Canadiens. L'agence cherche à réduire les facteurs de risque pouvant contribuer à une mauvaise santé, comme l'abus, la violence ou la négligence, tout en favorisant des facteurs de protection comme l'aptitude à surmonter l'adversité, l'estime de soi, les capacités d'adaptation et les relations saines.
[Français]
Les troubles de l'alimentation impliquent une perturbation grave de l'alimentation. Certains troubles comme l'anorexie, la boulimie et les frénésies alimentaires sont des maladies mentales qui peuvent être associées à la stigmatisation, à l'isolement et à la dévalorisation.
Les facteurs de risque liés aux troubles de l'alimentation comprennent un mélange de facteurs biologiques, psychosociaux et sociaux et de facteurs de développement associés notamment aux diktats de la minceur, à l'absence de mécanisme d'adaptation adéquat, à la négligence et à la surprotection.
[Traduction]
Le rapport du Sénat intitulé De l'ombre à la lumière, publié en 2006, a mis à l'avant-plan la question de la maladie mentale et a contribué à la création, en 2007, de la Commission de la santé mentale du Canada. La Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada mise au point par la commission décrit six orientations stratégiques visant à améliorer le continuum des services de santé mentale pour les Canadiens. La première orientation stratégique consiste à promouvoir le bien-être mental des gens toute leur vie durant, à la maison, à l'école et au travail, et à prévenir la maladie mentale et le suicide, dans la mesure du possible.
La promotion de la santé mentale consiste à accroître la capacité des individus et des collectivités à se prendre en main et à améliorer leur santé mentale, à renforcer leur capacité et leur aptitude à surmonter l'adversité afin de réagir positivement aux épreuves futures. C'est pourquoi nos programmes sont axés sur les populations les plus à risque, comme les enfants vulnérables et leur famille.
[Français]
Du point de vue de la santé publique, la prévention des troubles de l'alimentation commence par une solide assise en matière de bien-être mental. Je parle ici d'établir des relations saines, de favoriser de saines compétences parentales, d'acquérir de bonnes aptitudes à surmonter l'adversité et de se bâtir une bonne estime de soi et une confiance en soi.
Nous savons que les initiatives axées sur les premières années de vie des personnes et qui ciblent l'ensemble de leur environnement sont plus susceptibles de les protéger d'une mauvaise santé mentale et des maladies mentales plus tard dans leur vie.
[Traduction]
Pour aider à bâtir cette assise, l'Agence de la santé publique du Canada finance des programmes et des activités visant à maintenir et à renforcer la santé mentale et le bien-être. Nous réalisons des programmes pour les enfants vulnérables et à risque ainsi que pour leurs familles, qui visent principalement à favoriser un meilleur départ dans la vie. Ces programmes offrent aux participants une formation en compétences parentales et des outils permettant d'établir des relations saines afin de les aider à surmonter d'éventuelles difficultés. L'agence joue également un rôle de premier plan dans la surveillance en vue de mieux comprendre les facteurs qui influent sur la santé physique et mentale des jeunes au Canada. Ces facteurs comprennent notamment la violence et la négligence à l'égard des enfants, les blessures chez les enfants, les comportements autodestructeurs et la maladie mentale, notamment les troubles de l'alimentation.
En 2006, nous avons trouvé que 0,5 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus avaient reçu un diagnostic de troubles alimentaires au cours des 12 mois précédents, et que 1,5 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus avait signalé des symptômes qui répondaient aux critères pour un problème d'attitude à l'égard de l'alimentation. Ces renseignements sont essentiels pour mieux comprendre les taux d'incidence et de prévalence de la maladie, et pour mieux guider l'élaboration de politiques et de programmes.
L'agence finance également des projets visant à promouvoir des comportements plus sains au moyen d'attitudes positives et de l'activité physique, et nous travaillons étroitement avec nos collègues de Santé Canada pour favoriser des pratiques nutritionnelles saines.
Chaque jour, de nombreux facteurs influent sur notre santé physique et mentale — l'endroit où nous résidons, notre milieu de travail, nos relations avec nos amis, notre famille et nos communautés —, et, seuls ou ensemble, ces facteurs ont des répercussions considérables sur ce que nous ressentons et comment nous y réagissons.
Notre but est de prévenir — ou du moins de réduire — l'incidence de la maladie mentale et de la mauvaise santé mentale chez les Canadiens. Nous désirons aider les jeunes filles à grandir avec une image positive d'elles-mêmes et à développer la maîtrise et l'estime de soi. Une telle assise peut aider à réduire le risque de troubles de l'alimentation.
[Français]
L'Agence de la santé publique du Canada est déterminée à améliorer la santé générale et le bien-être de tous les Canadiens et Canadiennes. En renforçant et en maintenant notre santé mentale et physique, nous pouvons limiter les effets dévastateurs de la maladie mentale, y compris les conséquences des troubles de l'alimentation chez les jeunes filles, les garçons, les femmes et les hommes.
Je vous remercie.
:
Merci, madame la présidente et membres du comité. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui avec mes collègues de l'Agence de la santé publique du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada et de Condition féminine Canada.
Nous reconnaissons que les troubles de l'alimentation constituent un problème de santé mentale très préoccupant. Aujourd'hui, je vous parlerai des initiatives de Santé Canada en matière de saine alimentation. Bien que ces initiatives ne visent pas directement les troubles de l'alimentation, elles sont intentionnellement conçues et mises en oeuvre pour en minimiser les conséquences imprévues et néfastes, comme le fait d'encourager les mauvaises habitudes alimentaires.
[Traduction]
La saine alimentation est essentielle à la promotion de la santé et à la réduction du risque de contracter des maladies chroniques liées à la nutrition. Santé Canada se doit de jouer un rôle de chef de file à l'échelle nationale en soutenant la saine alimentation par l'élaboration de politiques et de lignes directrices nutritionnelles, en améliorant la base de données probantes à l'appui de la prise de décisions stratégiques, en prenant connaissance et en rendant compte de ce que consomment les Canadiennes et Canadiens, ainsi qu'en informant ceux-ci au moyen d'initiatives d'éducation et de sensibilisation qui les aideront à faire des choix alimentaires sains et éclairés.
Lorsque nous élaborons des politiques et des initiatives de promotion nationales en matière de nutrition, nous veillons à nous assurer qu'il n'y ait pas de conséquences imprévues et néfastes. Tous les efforts sont faits pour transmettre aux consommateurs des messages nutritionnels positifs qui sont axés sur la santé et le bien-être, et non sur le poids, puisque les préoccupations relatives au poids sont à l'origine des troubles de l'alimentation comme l'anorexie mentale et la boulimie mentale.
Voici quelques exemples d'initiatives de Santé Canada en matière de saine alimentation qui sont axées sur la santé et non sur le poids.
Bien manger avec le Guide alimentaire canadien est probablement la ressource nutritionnelle élaborée par Santé Canada la mieux connue à l'échelle nationale. Le Guide alimentaire propose un modèle d'alimentation qui répond aux besoins nutritionnels, qui favorise les choix santé et qui minimise le risque de contracter des maladies chroniques liées à l'alimentation. Il a été conçu pour expliquer à la population canadienne ce qu'est une saine alimentation. Il constitue également un outil important à l'appui des politiques et des normes en matière de santé et de nutrition à l'échelle du pays et le fondement d'une vaste gamme d'initiatives nutritionnelles.
Dans le cadre de l'élaboration du Guide alimentaire canadien, l'équilibre énergétique a été un facteur clé dans la conception d'un modèle d'alimentation, surtout à la lumière des taux croissants d'obésité chez les Canadiens. Malgré cela, Santé Canada ne s'est pas fondé sur le calcul des calories pour élaborer le Guide alimentaire. Notre approche a été appuyée par bon nombre de nos intervenants en santé publique.
En 2011, les ministres FPT de la Santé ont souscrit aux « Mesures de suivi et orientations futures » du document-cadre Freiner l'obésité juvénile: Cadre d'action fédéral, provincial et territorial pour la promotion du poids santé. Bien que le cadre ait comme but la réduction de l'obésité chez les enfants, aucune de ses dix recommandations ne favorise ni n'appuie les régimes d'amaigrissement, le calcul des calories ou d'autres efforts axés sur le poids.
L'Initiative de sensibilisation et d'éducation à une saine alimentation de Santé Canada diffuse des messages clairs et cohérents sur la saine alimentation destinés à la population canadienne. Les premières phases de la campagne étaient axées sur une meilleure compréhension de l'étiquetage nutritionnel. Bien que la phase actuelle de cette initiative de saine alimentation porte sur le poids santé, les messages publics et dans les médias encouragent les bonnes habitudes alimentaires, plus particulièrement en favorisant le développement des compétences alimentaires. L'accent ayant été mis intentionnellement sur le développement des compétences alimentaires, et non sur le poids corporel.
Je terminerai en soulignant une fois de plus que les troubles de l'alimentation constituent un problème de santé mentale grave. Les politiques, les programmes et les messages faisant la promotion de la nutrition, comme ceux élaborés par Santé Canada, qui sont axés sur la santé et le bien-être, et non sur le poids et les calories, jouent un important rôle dans la prévention de la mauvaise alimentation.
[Français]
Voilà ce qui met fin à mon intervention, madame la présidente. Ce sera un plaisir pour moi de répondre aux questions des membres du comité.
:
Merci beaucoup madame la présidente, honorables membres du comité.
J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à parler de la question des troubles d'alimentation chez les filles et les femmes.
En tant que directrice scientifique de l'Institut de la santé des femmes et des hommes, l'un des treize instituts des Instituts de recherche en santé du Canada, je suis ravie d'avoir l'occasion de vous informer de la manière dont le gouvernement du Canada à travers les IRSC, contribue à faire progresser les connaissances en recherche et à renforcer les capacités dans ce domaine.
Les troubles de l'alimentation sont des problèmes de santé complexes et multidimensionnels. Le spectre des troubles de l'alimentation varie considérablement, allant d'habitudes alimentaires s'écartant légèrement de la norme à des maladies chroniques potentiellement fatales. Les filles et les femmes - en particulier les jeunes femmes - courent un risque élevé de développer des troubles de l'alimentation comme l'anorexie et la boulimie et tendent à être davantage touchées par ces troubles que les garçons et les hommes, bien que ceux-ci en soient de plus en plus souvent victimes. Par exemple, dans une vaste étude américaine menée auprès d'enfants de 9 à 14 ans, 13,4 % des filles et 7,1 % des garçons ont adopté des comportements symptomatiques d'un trouble de l'alimentation. Les jeunes femmes de 15 à 19 ans affichent le plus haut taux d'incidence d'anorexie mentale, une maladie pour laquelle l'incidence globale augmente au fil du temps.
Les causes des troubles de l'alimentation sont complexes et étroitement liées au genre; elles sont le fruit d'interactions entre des aspects environnementaux, biologiques et développementaux de la personne. Les facteurs de risque comprennent: les antécédents familiaux de troubles de l'alimentation, d'obésité et de troubles de l'humeur; ainsi que les antécédents d'abus, en particulier de violence sexuelle. Par ailleurs, les jeunes filles qui connaissent une puberté précoce ou qui souffrent d'obésité courent un risque accru de développer un trouble de l'alimentation.
Avec les troubles de l'alimentation viennent les défis médicaux et psychologiques. Certaines des conséquences médicales sont irréversibles ou entraînent des répercussions à long terme, principalement au niveau du squelette, du système reproducteur et du cerveau.
Les auteurs d'une récente revue de la littérature sur les troubles de l'alimentation ont affirmé que, de tous les troubles mentaux, le taux de mortalité lié à l'anorexie mentale est le plus élevé. La même étude a indiqué que les femmes atteintes d'anorexie mentale sont 12 fois plus susceptibles de mourir durant un intervalle de temps donné que les autres femmes du même âge.
Les chercheurs et les cliniciens comprennent et traitent de mieux en mieux les troubles de l'alimentation. Cependant, cette question relative à cette maladie complexe, qui touche les femmes et les filles canadiennes de façon disproportionnée, n'est pas pour autant réglée: des défis persistants restent à relever.
Les IRSC ont pour mission d'appuyer l'élaboration et l'application des données de recherche nécessaires pour relever de tels défis. Les IRSC ont été établis en 2000 par le Parlement, conscient que les investissements dans la santé et dans le système de soins de santé font partie de la vision canadienne d'une société bienfaisante. Les objectifs des IRSC sont d'exceller, selon les normes internationales reconnues de l'excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances, et d'appliquer ces nouvelles connaissances en vue d'améliorer la santé de la population canadienne et d'offrir de meilleurs produits et services de santé.
En 2012-2013, le gouvernement du Canada a investi près d'un milliard de dollars afin d'appuyer le travail des IRSC. Environ 95 % de ces investissements, ou 940 millions de dollars, ont servi à financer plus de 13 000 des meilleurs chercheurs et stagiaires au pays à l'aide de subventions et de bourses.
Les IRSC intègrent la recherche au moyen d'une structure interdisciplinaire unique composée de 13 instituts dits virtuels. Plusieurs des instituts des IRSC appuient la recherche liée aux troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes.
Ainsi, l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies appuie la recherche visant à améliorer la santé mentale grâce à des stratégies de prévention, au dépistage, au diagnostic, au traitement, aux systèmes de soutien et aux soins palliatifs.
L'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète appuie la recherche visant à améliorer la santé relativement au régime alimentaire; l'un de ses quatre domaines de recherche prioritaires porte sur le rôle de l'alimentation dans la santé.
L'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents compte parmi ses domaines de recherche prioritaires le développement et la santé mentale des enfants et des adolescents.
Enfin, l'Institut de la santé des femmes et des hommes, dont je suis la directrice scientifique, appuie la recherche visant à approfondir notre compréhension de l'influence du genre et du sexe biologique sur la santé des femmes et des hommes tout au long de leur vie.
L'une des principales initiatives phares des IRSC est la Stratégie de recherche axée sur le patient du Canada, aussi connue sous le nom de SRAP. Cette importante initiative a pour objectif central de favoriser la prestation de soins de santé fondés sur des données probantes en intégrant des approches diagnostiques et thérapeutiques novatrices au lieu d'intervention. Par l'intermédiaire de la SRAP, les IRSC appuient des réseaux de recherche qui rassemblent des intervenants de différents secteurs en vue de produire des données et des innovations qui feront progresser les changements de pratiques et de politiques menant à des améliorations transformatrices et mesurables dans les soins de santé.
Le premier réseau de la SRAP soutenu par les IRSC oeuvre dans le domaine de la santé mentale chez les jeunes et les adolescents. Ce réseau vise à améliorer les soins offerts aux jeunes Canadiens aux prises avec une maladie mentale en transformant les découvertes prometteuses issues de la recherche en pratiques et en politiques. Il représente un investissement de 25 millions de dollars sur cinq ans, réparti à parts égales entre les IRSC et la Fondation Graham Boeckh, et vise à élaborer des solutions cliniques aux problèmes de santé mentale auxquels font face les jeunes Canadiens.
Par leurs investissements stratégiques et leurs programmes de recherche libre, les IRSC ont depuis 2006 consacré 4,5 millions de dollars à des projets de recherche portant sur les troubles de l'alimentation. En 2012-2013, les IRSC ont également accordé 56 millions de dollars en financement aux projets de recherche en santé mentale et 40 millions de dollars à ceux liés à la nutrition. Les IRSC ont par exemple financé des projets de recherche portant sur les liens entre la toxicomanie et les troubles de l'alimentation, les déterminants génétiques liés au faible poids corporel dans l'anorexie mentale, les tendances à long terme de rechutes et de rétablissements chez les femmes aux prises avec l'anorexie, l'influence de la relation avec le père sur le développement de troubles de l'alimentation chez les jeunes et les méthodes pour dépister les troubles de l'alimentation chez les enfants et les adolescents.
Les IRSC appuient les chercheurs qui souhaitent connaître l'efficacité de la dissémination en ligne des modèles de pratiques exemplaires aux cliniciens qui s'occupent de patients aux prises avec des troubles de l'alimentation et ceux qui souhaitent connaître l'efficacité des interventions thérapeutiques chez les femmes présentant une hyperphagie boulimique. Les IRSC sont fiers de financer la recherche canadienne d'avant-garde sur les troubles de l'alimentation. Les nouvelles connaissances qui en sont issues constituent une clé importante au problème des troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je vous remercie tous d'être avec nous aujourd'hui. Plus nous en apprenons sur la question, plus nous nous rendons compte de l'importance qu'il faut lui accorder.
Vous avez souligné qu'une saine alimentation est d'une importance primordiale. Nous sommes bien d'accord avec vous. Il y a 10 ans, j'avais une collègue dont la fille souffrait d'un trouble de l'alimentation, mais la famille ne voulait jamais en parler. Les amis ne savaient pas comment les aider. De plus, j'ai découvert que les autres enfants de la famille, qui n'avaient pas une grande différence d'âge, souffraient aussi. Nous savons, évidemment, que la personne atteinte de ce trouble souffre énormément, mais les membres de sa famille souffrent aussi, ne sachant pas comment réagir ni comment l'aider. Des études ont-elles lieu? A-t-on mis au point de nouvelles méthodes? Que fait-on, de nos jours, pour aider les parents et la fratrie?
:
Je pourrais peut-être commencer?
Vous soulevez des points fort intéressants, qui ne se rapportent pas uniquement aux troubles de l'alimentation, mais également à d'autres types de maladie mentale. C'est pourquoi je trouve nécessaire d'examiner cette question dans son contexte.
La Commission de la santé mentale du Canada a lancé une campagne de lutte contre la stigmatisation qui porte notamment, je crois, sur certains éléments auxquels vous vous intéressez: l'extrême réticence des parents à parler de la situation à leur entourage, la réticence même de certains jeunes adolescents à en parler et le fait qu'ils ne comprennent peut-être pas que leurs amis s'interrogent sur leurs symptômes. C'est pourquoi la Commission de la santé mentale du Canada a lancé une campagne de lutte contre la stigmatisation intitulée Changer les mentalités.
Les maladies mentales sont nombreuses. Cette campagne avait notamment pour but de réduire la stigmatisation et la discrimination dont ceux qui en souffrent font l'objet et de permettre d'en parler très ouvertement, de sorte que l'ensemble de la société commence à comprendre que, même si certains comportements sont considérés comme des troubles ou des maladies, notre santé et notre bien-être mentaux ne sont pas différents de notre santé et de notre bien-être physiques et que personne ne devrait souffrir en silence.
Les responsables de la campagne ont abordé la question en s'adressant aux professionnels paramédicaux et en traitant des problèmes de stigmatisation dans les médias, par exemple. Leur rapport provisoire vient d'être publié, en novembre. Ils y exposent certaines pratiques exemplaires utilisées pour mieux abattre les préjugés à l'égard de la maladie et des troubles mentaux.
:
Je vais commencer et la Dre Johnson pourra peut-être continuer.
Il est certain que... Je me suis penchée notamment sur les facteurs psychosociaux, sociaux, environnementaux et du développement qui influent sur le poids. Il est clair que les messages et la façon dont ils sont communiqués et perçus par les jeunes peuvent avoir une incidence négative sur la perception de soi et de sa propre image corporelle.
Tous les quatre ans, en collaboration avec l'Université Queen's, l'agence entreprend une étude sur les comportements de santé des jeunes d'âge scolaire. Le dernier rapport met l'accent sur la santé mentale. Un chapitre porte sur les troubles de l'alimentation. On cherche à comprendre comment les gens, surtout les jeunes, communiquent et comment ils se perçoivent comme étant trop minces ou trop gros. Les personnes sondées ont un IMC parfait, mais ne se perçoivent probablement pas comme elles le devraient. C'est là que l'effort concerté de la société entre en jeu.
La Dre Johnson aurait peut-être quelque chose à ajouter.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous d'être ici.
Je dois dire d'entrée de jeu que j'appuie fortement cette étude, mais je pense que ce n'est pas le bon comité qui en est chargé et cela me préoccupe. On nous a parlé très clairement aujourd'hui de troubles de santé complexes et multidimensionnels, de graves troubles de santé mentale, de troubles potentiellement mortels. Nous avons entendu parler d'une hausse de 7 % chez les garçons, selon une étude.
Je veux simplement m'assurer que cette question ne sera pas mise de côté — c'est une question de santé vraiment sérieuse — et que de vraies recommandations découleront du rapport.
Mes questions porteront essentiellement sur les recommandations.
Nous savons que les coûts humains des troubles de l'alimentation sont incalculables. Quelqu'un pourrait-il me dire quels en sont les coûts économiques chaque année au Canada?
:
Merci, madame la présidente.
Les témoins ont de la difficulté à trouver ces données, mais je voulais comparer le montant affecté à l'IRSC expressément pour les troubles de l'alimentation, qui est de 4,5 millions de dollars, et celui qui est consacré à l'ensemble de la question de la santé mentale, qui est de 40 millions de dollars. Je voudrais mettre ce rapport en évidence.
Il y a autre chose qui me préoccupe. Les représentants de l'ASPC et de Santé Canada nous ont signalé que l'accent est mis sur la prévention. Nous voulons évidemment tous qu'il y ait de la prévention. C'est primordial. Ce qui me préoccupe, c'est qu'à l'heure actuelle, des Canadiens sont aux prises avec des troubles de l'alimentation. Ils en souffrent et leur famille en souffre. Je vous demande donc, de but en blanc, comment améliorer le diagnostic, le traitement et la prévention des rechutes? J'aimerais que le comité obtienne de vraies recommandations.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur présence. Cette étude est très importante.
J'aimerais préciser l'une des observations que vous avez formulées au tout début de la réunion, Monsieur Hutchinson. Une grande partie de votre préambule était axée sur la santé et non sur le poids. Je vous remercie d'avoir fait cette distinction parce que, dans le passé — j'ai une fille de 15 ans —, nous avons tous souvent pensé en terme de poids. Toutefois, dans le cadre d'une réponse à une question de Mme Ashton, vous avez dit que vous avez effectué des travaux sur la question du poids santé et que vous sensibilisez les gens à ce sujet.
Comment conjuguez-vous ces deux facteurs? Vous ne parlez pas du poids, mais plutôt de santé, puis vous dites: « En passant, votre poids santé est de x. » Comment vous en tirez-vous?
Je vous prie d'être bref, car je veux aussi poser des questions à d'autres témoins.
Au cours des dernières années, tandis que nous nous concentrions sur la question du poids santé, soit l'embonpoint et l'obésité, nous avons déployé des efforts considérables pour ne parler ni de poids ni d'IMC comme tels. Cela dit, vous pouvez bien entendu vous rendre sur notre site Web pour consulter la mesure de l'IMC et calculer votre propre IMC pour savoir de quoi il s'agit.
Ce que nous tentons de faire avec tout cela, c'est d'en arriver au changement de comportement que nous souhaitons. Nous parlons de compétences alimentaires et d'essayer de développer de bonnes compétences alimentaires, qui s'appliqueraient concrètement à l'ensemble de la population canadienne, du moins aux gens qui ont de mauvaises habitudes alimentaires, qui font de l'embonpoint ou qui sont obèses.
Lorsque je parle de compétences alimentaires, je pense à l'essentiel: comprendre les lignes directrices en matière de nutrition, comprendre les étiquettes, acquérir des compétences en matière de planification et d'achat afin que, lorsque les gens sont au supermarché et tentent de planifier leurs repas...
:
C'est une excellente question.
Je dirais que l'expertise de la Dre Johnson est probablement meilleure que la mienne en ce qui concerne les données probantes. Soit dit en passant, en ce qui concerne les problèmes de santé mentale dans leur ensemble, je dirais qu'il y a eu un changement radical au Canada relativement à notre compréhension, d'une part, et notre capacité à parler publiquement de ces problèmes, d'autre part.
Il n'y a pas si longtemps, les gens étaient même réticents à parler de bien-être mental, même au sein des organismes. Je dirais que c'est une question de santé publique qui est encore relativement nouvelle. Nous collaborons avec les infirmières de la santé publique et d'autres intervenants communautaires pour situer ces problèmes dans une perspective de santé publique, du point de vue des interventions en amont qui nous permettraient de prévenir les effets à long terme, et ainsi faire en sorte que les gens n'aient pas besoin de traitement.
Sans vouloir évidemment diminuer l'importance du travail des provinces et des territoires en ce qui concerne les problèmes systémiques en cause, en matière de santé publique, nous nous intéressons à comprendre beaucoup de maladies et de troubles comme ceux-ci et à réaliser les bonnes interventions pour prévenir l'apparition de problèmes plus tard.
Cela comprend une image saine de soi, la confiance en soi et le respect de soi, la prévention des mauvais traitements infligés aux enfants et la prévention des agressions sexuelles. C'est-à-dire tous les facteurs de risque qui, comme l'a dit la Dre Johnson, contribuent à l'apparition de ce genre de troubles plus tard dans la vie.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins qui sont présents parmi nous aujourd'hui, bien que les gens de Condition féminine Canada n'aient pas encore pris la parole.
Ma question sera surtout axée sur la santé mentale et il est libre à chacun d'y répondre.
La Dre Johnson a dit au départ qu'il y a tout un éventail de troubles alimentaires, par exemple l'anorexie nerveuse. Ce sont des maladies chroniques, complexes et multidisciplinaires. Cela fait partie de la santé mentale.
[Traduction]
D'après ce que nous avons compris, la Commission de la santé mentale du Canada a élaboré une stratégie nationale il y a deux ans, mais celle-ci n'a pas encore été mise en oeuvre. Est-il toujours question de mettre en place une stratégie en matière de santé mentale? Dans l'affirmative, comment les progrès de cette mise en place sont-ils mesurés?
Vous avez raison. Il y a un an et demi, la Commission de la santé mentale du Canada a annoncé la mise sur pied d'une stratégie en matière de santé mentale. Il était très important que les provinces et les territoires fassent partie de cette stratégie. La commission a mené plusieurs consultations à cet égard. Il y a aussi des sous-ministres qui font partie de la commission. La commission a dit clairement que la stratégie en matière de santé mentale pour le Canada ne relevait pas seulement du gouvernement, mais également d'autres secteurs.
[Traduction]
Je pense que l'une des choses que la commission a entreprises est une série d'initiatives pour veiller à faire un suivi auprès des provinces et des territoires afin de mesurer efficacement la progression de la mise en oeuvre. En effet, comme d'autres intervenants l'ont souligné, la santé mentale ne tourne pas seulement autour des services, qui relèvent évidemment de la compétence des provinces et des territoires. Il y a aussi d'autres facteurs qui sont de compétence fédérale.
C'est pourquoi la principale orientation stratégique adoptée par l'Agence de la santé publique du Canada consiste à promouvoir la sensibilisation à la santé mentale. Nous examinons toutes les recommandations de la stratégie dans le but de déterminer quelles mesures nous pouvons mettre en oeuvre.
:
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Si je peux commencer par vous, docteure Johnson, ma question concerne votre expérience en tant que professeure à l'école des sciences infirmières. Cela m'intéresse parce que, la semaine dernière, un témoin nous a dit qu'on n'enseignait à peu près rien aux étudiants en médecine à ce sujet. Je n'arrive pas à retrouver mes notes, mais si je me souviens bien, le témoin disait que l'étude des troubles alimentaires compte pour à peu près deux heures sur les trois ans que les étudiants passent à l'école de médecine.
Je me demande si les infirmières en formation, les étudiantes en sciences infirmières, étudient davantage ce problème. J'imagine aussi qu'elles constituent le personnel de première ligne quant au diagnostic des troubles alimentaires, ou du moins au triage des cas. Je me demande si cela fait partie de ce que vous enseignez ou si vous pensez qu'il est important que cela fasse partie du programme de sciences infirmières au Canada.
:
Je pense que si nous parcourions le pays pour examiner les programmes de sciences infirmières, nous constaterions probablement que la situation est assez semblable à celle qui a été décrite pour les programmes de médecine. On s'apercevrait probablement qu'environ deux heures sont consacrées à ces troubles dans l'ensemble du programme. C'est l'un des problèmes: quel que soit le sujet, le temps est limité et il est très difficile de se battre pour obtenir un créneau pour des sujets précis dans les programmes.
Cela dit, je pense que c'est une question importante. Le gens doivent comprendre le problème. Les professionnels de la santé — les médecins, les infirmières et les travailleurs sociaux — doivent tous comprendre l'importance des mauvaises habitudes alimentaires.
Je dirais que, sur le terrain, nous devons aussi continuer de collaborer avec les médecins qui fournissent les soins primaires ainsi qu'avec d'autres intervenants du système, afin de veiller à poursuivre leur formation sur le terrain. De très bons programmes ont été élaborés pour fournir de l'information sur le dépistage, la prévention, etc. À certains égards, c'est pour cela que je suis vraiment satisfaite de la stratégie de recherche axée sur le patient. Grâce au réseau de la santé mentale chez les jeunes, nous espérons mettre les meilleures données probantes en pratique et offrir aux chercheurs et aux cliniciens de meilleures chances de travailler ensemble pour commencer à changer les choses dans la pratique.
Je pense donc que la formation des étudiants est importante, mais la formation pratique l'est aussi. Il est aussi très important de rassembler les chercheurs et les praticiens.
:
Je vous remercie pour cette réponse. Je crois que la deuxième partie va nous aider à cerner les lacunes. Je comprends ce que vous dites; vous devez tenir compte de l'ensemble de la population canadienne.
Nous avons entendu le témoignage du Dr Woodside, un spécialiste du domaine, la semaine dernière. Il a demandé si, d'une part, le fait que ce sont surtout les femmes qui sont touchées par les troubles de l'alimentation et, d'autre part, le peu d'attention accordée à ce grave problème, l'absence d'une stratégie nationale et les lacunes sur le plan de la sensibilisation relèvent de la simple coïncidence. Il a même expliqué que le nombre de personnes atteintes du cancer de la prostate — des hommes, bien entendu — est à peu près équivalent au nombre de personnes qui souffrent de troubles de l'alimentation. Pourtant, il y a beaucoup de recherches qui se font relativement au cancer de la prostate et énormément de sensibilisation; qu'on pense seulement à la campagne Movember. Or, les troubles de l'alimentation sont loin de recevoir le même genre d'attention.
Cela nous amène à nous poser des questions sur les conditions qui font que les femmes sont plus susceptibles de souffrir de troubles de l'alimentation, des conditions comme le patriarcat ou les inégalités. Votre équipe pourrait peut-être nous parler des liens entre les inégalités entre les hommes et les femmes et la mesure disproportionnée dans laquelle les troubles de l'alimentation ou d'autres maladies touchent les femmes.
J'aimerais poser quelques autres question, alors je vais vous demander d'en rester là. Merci.
Je voudrais aborder la question des causes psychosociales. Nous savons que le milieu de la mode et du vêtement est obnubilé par les mannequins minces, artificiellement minces. Nombre de ces mannequins suivent des diètes rigoureuses pour pouvoir faire leur chemin dans ce monde où la compétition est féroce. Certaines fument des cigarettes ou consomment de la cocaïne ou de l'héroïne pour rester minces.
J'ai été ébahi d'apprendre, il y a environ huit ans, que les mannequins qu'on voit sur les photos des magazines pour filles sont maquillées pour qu'elles aient l'air de prendre de la cocaïne ou de l'héroïne. Une sorte de style, si on veut.
J'étais sans doute un peu naïf, mais j'ai découvert — il y a des années, là aussi — que certaines boutiques de vêtements pour femmes ne vendent que les tailles les plus petites. J'ai trouvé cela plutôt méchant. Cette absence d'égards pour la santé mentale et l'estime de soi de clientes éventuelles traduit une grande insouciance. Ces vêtements de grandes marques sont peut-être très jolis, mais si votre indice de masse corporelle est supérieur à la moyenne, vous ne pouvez pas les acheter.
Avez-vous des idées ou des conseils que nous pourrions formuler aux magazines ou au secteur de la mode à propos de mesures qu'ils pourraient prendre conjointement? Les responsables de ces secteurs ont peut-être des êtres chers qui souffrent de troubles de l'alimentation, et ils pourraient vouloir leur venir en aide. Que pourraient-ils faire pour essayer de réduire l'influence négative artificielle qu'ils ont sur les jeunes filles relativement à l'idée qu'elles se font de leur corps?
:
Le plus triste, c'est que la plupart d'entre nous ont croisé ces gens.
Je suis entièrement d'accord; la situation est grave. Mais elle a beau être grave à Toronto, tentez d'obtenir des services de santé mentale à Fort McMurray. Nous devons aussi réfléchir aux défis que pose la géographie.
Je crois qu'on reconnaît que, de façon générale, les services de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents laissent à désirer au Canada. Voilà pourquoi il faut trouver des moyens d'améliorer l'accès aux traitements et de fournir des services.
Il n'est pas nécessaire que ce soit toujours par l'entremise de services hautement spécialisés. Nous savons que certaines personnes ont besoin de ceux-ci, mais il faut penser à un ensemble de services, à commencer par le dépistage des symptômes précoces... Il semble que la thérapie comportementale et cognitive donne d'excellents résultats dans le cas de certains troubles de l'alimentation. Il faut former les gens et rendre ces thérapies accessibles. Rien ne dit qu'elles doivent toujours être suivies dans le cadre de rencontres. Faisons appel aux nouvelles technologies. Nous devrions y penser, faire des essais, voir si elles sont efficaces et nous efforcer de les perfectionner.
Comme nous l'avons signalé, l'un des plus gros défis concerne les mandats du fédéral, des provinces et des territoires en matière de prestation de soins de santé. Dans ce dossier, il faut travailler avec les provinces.