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Merci de m'avoir invitée à témoigner devant vous.
Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Jocelynn Cook. Je suis la directrice scientifique de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, une organisation qui représente quelque 3 000 membres, dont des médecins de famille, des infirmières, des sages-femmes, des obstétriciens et des gynécologues.
Aujourd'hui, je vais vous parler de la violence durant la grossesse, ainsi que de la santé mentale après l'accouchement. Je vais ensuite parler brièvement de nos lignes directrices concernant la violence exercée par le partenaire intime — dont vous allez recevoir une copie si ce n'est pas déjà fait —, puis du rôle des médecins et des pratiques exemplaires pour la prévention de la violence contre les femmes.
Tout le monde sait que la violence durant la grossesse pose des risques pour la santé maternelle et infantile, de même que pour la santé du nouveau-né. La grossesse une période unique dans la vie d'une femme et qui rend cette dernière particulièrement vulnérable.
L'incidence de la violence conjugale durant la grossesse est de 4 à 17 %. Les données montrent que la violence peut s'intensifier ou s'atténuer durant la grossesse, ou encore demeurer au même niveau. On observe également différents types de violence.
Nous savons qu'il y a récidive dans la plupart des cas et que la violence prend de l'ampleur au fil du temps.
La violence durant la grossesse peut laisser des séquelles physiques et psychologiques chez la femme. Elle peut entraîner des complications de grossesse, des conséquences morbides et la mort, tant pour la mère que pour le bébé. Elle peut également avoir des conséquences néfastes pour le bébé.
Des données démontrent qu'il y a un retard ou une absence de soins prénataux chez les femmes victimes de violence. Nous savons que cela s'accompagne de conséquences néfastes. Il y a un risque accru de consommation de tabac, d'alcool et de drogues illicites, qui nuisent aussi à la grossesse et à la santé foetale. La violence peut causer le décès de la mère, le faible poids du bébé à la naissance et des complications de grossesse, comme une hémorragie, une infection, un faible gain pondéral, une fausse couche, un accouchement prématuré et un retard de croissance intra-utérine. On constate également une incidence de violence prénatale, qui peut elle aussi avoir des conséquences.
Il existe quelques études, pas beaucoup, mais il y en a quelques-unes, qui établissent une relation entre la violence et la santé mentale après l'accouchement, un sujet qu'il est impératif d'aborder selon moi.
Nous savons que la violence accroît les risques de dépression post-partum, de trouble d'anxiété généralisée, de trouble obsessionnel compulsif, de trouble de stress post-traumatique et d'autres formes de psychose. Ces conclusions ont été confirmées.
Les données montrent également que l'occurrence de troubles de santé mentale post-partum est plus élevée chez les femmes qui sont victimes de violence avant ou pendant la grossesse. Plus les formes de violence sont diverses, plus les conséquences sur la santé mentale sont grandes. La violence psychologique, la violence physique et la violence émotionnelle viennent multiplier les conséquences néfastes.
Les problèmes de santé mentale sont associés à l’arrêt précoce de l’allaitement, aux troubles de l’attachement, à des comportements parentaux moins positifs, à l’abus de substances et à des comportements autodestructeurs, en plus des autres indications touchant spécifiquement les femmes que vous connaissez probablement tous et dont il a été question plus tôt.
Quel est le rôle des médecins à l'égard de la violence faite aux femmes, et que peuvent-ils faire pour améliorer le sort des femmes et de leurs enfants?
Nous savons que seuls 3 % des cas environ sont dépistés par les omnipraticiens. C'est très peu. Nous savons également que le pourcentage de cas dépistés par les obstétriciens et les gynécologues est encore plus faible.
Il est très important, voire essentiel, que les médecins acquièrent les compétences voulues pour dépister les femmes à risque d'être victimes de violence ou de mauvais traitements au cours de leur vie, de même que durant la grossesse et la période postnatale. Il est primordial de créer un environnement dans lequel les femmes se sentent à l'aise de parler de ce qu'elles vivent, de façon à ce que les médecins puissent enfin comprendre la complexité de la situation dans laquelle elles se trouvent et les diriger vers les bons traitements et les bons intervenants.
Il est très important de noter que les visites prénatales de routine sont une occasion pour les professionnels de la santé de reconnaître les femmes à risque, de leur parler et de tisser des liens avec elles afin de pouvoir les aiguiller vers des intervenants efficaces. Il faut également élaborer et appliquer des pratiques exemplaires pour aborder des questions complexes liées au mode de vie et aux comportements, mais aussi à la grossesse.
Que pouvons-nous faire pour mieux comprendre les répercussions postnatales de la violence et des mauvais traitements infligés durant la grossesse? La période postnatale est unique. Comment pouvons-nous améliorer le sort des femmes et de leurs enfants?
Comme vous pouvez sans doute l'imaginer, les directives de la SOGC avancent qu'il est très important pour les professionnels de la santé de créer un milieu sûr, de chercher à bien comprendre le contexte de vie des femmes, de même que les corrélations avec les déterminants sociaux de la santé et les répercussions, et la manière dont la situation propre à chacune pendant ou après la grossesse... Quelles sont les meilleures interventions possibles pour assurer la sécurité de la femme et de son bébé?
Savoir si une femme a été victime ou non de violence facilitera l'établissement d'un plan d'intervention en santé mentale après la naissance, une étape critique. Des études se penchent sur les conséquences à long terme de la violence et des mauvais traitements sur la santé maternelle et infantile, mais il est impératif d'accentuer ces recherches et de procéder à des études longitudinales qui nous permettront d'examiner les contextes particuliers rattachés à la violence et de cerner les pratiques qui produisent les meilleurs résultats.
Il est très encourageant de voir l'émergence de nouvelles données — vous m'excuserez d'être aussi enthousiaste devant l'émergence de données, mais je suis une scientifique après tout — qui montrent que les facteurs environnementaux, dont le stress et l'alimentation, peuvent altérer le cerveau de la femme. Ces troubles cérébraux peuvent être transmis aux générations futures et ces enfants pourraient plus tard être plus vulnérables aux agressions toxicologiques et physiologiques et ainsi être plus à risque de développer un problème de santé mentale. On parle d'altérations épigénétiques lorsque l'environnement peut modifier les gènes qui sont transmis aux générations futures. Nous devons pousser les recherches de ce côté. Nous devons mieux comprendre les événements de la période périnatale qui ont des répercussions sur le développement de l'enfant plus tard.
Nous devons concevoir, mettre en oeuvre et évaluer des stratégies pour réduire la violence durant la période périnatale. À l'heure actuelle, avec les informations que nous possédons et les meilleures pratiques en place pour l'évaluation des démarches employées, il est difficile de déterminer quelles interventions sont les plus efficaces en période postnatale. Vous vous en douterez, tout dépend de la situation de la femme et des ressources disponibles. Le contexte, dans toute sa complexité, est déterminant.
Il faut davantage de données tirées d’études réalisées en bonne et due forme pour déterminer les interventions optimales. Il est également primordial pour notre organisation de reconnaître les répercussions de la violence et des mauvais traitements sur la femme et son bébé, le foetus, et toutes les conséquences que cela suppose. Nous devons travailler en collaboration afin de créer des possibilités d'apprentissage pour les professionnels de la santé, de façon à ce qu'ils connaissent les ressources offertes pour bien aiguiller les femmes et les aider à naviguer dans le système de santé. C'est très important selon moi. Nous songeons à créer de telles possibilités pour nos membres de tous les secteurs de la santé qui touchent à la santé périnatale.
Merci.
Bien des choses ont changé depuis que la députée Margaret Mitchell a déclenché l'hilarité chez ses collègues masculins au début des années 1980 en demandant que le gouvernement intervienne pour freiner la violence conjugale. Malgré tout, 25 ans après les meurtres de l'École Polytechnique, même si bien du chemin a été fait depuis, l'enjeu de la violence faite aux femmes et aux filles est encore bien d'actualité.
Merci de vous pencher encore sur la question et de permettre à YWCA Canada de se joindre à la discussion.
Dans le sillage d'une année où la violence a inondé les nouvelles, nous savons qu'il est urgent de prendre des mesures préventives. La quasi totalité du pays peut compter sur un réseau de services sociaux bien établi qui vient en aide aux femmes fuyant la violence. Des refuges indépendants créés par des activistes féministes dans les années 1970, nous avons maintenant des réseaux de maisons d'hébergement pour femmes violentées offrant toute une gamme de services de soutien et desservant la majeure partie de la population canadienne.
Le bien-fondé de ces refuges n'est plus à prouver dans la lutte contre la violence faite aux femmes et nous devons les conserver. Les maisons d'hébergement ne sont pas toujours faciles d'accès, et il faut corriger cela pour prévenir les récidives de violence. C'est le cas pour les femmes des territoires du Nord et des régions rurales, les femmes malentendantes et handicapées, les femmes des Premières Nations, des Métis et des Inuits, et des femmes issues de toutes les communautés culturelles du Canada. Agrandir le réseau de refuges et accroître leur offre de services en vue de remédier à la situation est une avenue prometteuse.
Il faut notamment faciliter l'accès au réseau de refuges pour les femmes violentées aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance. Les refuges ont commencé à adapter leurs services en vue de desservir cette population et a adopté pour ce faire une approche conceptuelle claire vouée à rejoindre toutes les femmes, y compris celles vivant des problématiques complexes. Ce nouveau modèle implique l'adoption d'une approche de réduction des méfaits qui repose, entre autres, sur la possibilité d'intervenir aisément en zone grise, guidé par les circonstances et les besoins des femmes et des enfants plutôt que par les règles et les procédures. Cela implique également de savoir dire oui le plus souvent possible et de comprendre et d'appliquer une méthode de travail qui tient compte des traumatismes subis.
Ces pratiques sont documentées dans l'étude de mars 2014 de YWCA Canada intitulée « Savoir dire oui », et dans les travaux de recherche et de formation pour réduire les barrières de la BC Society of Transition Houses. Les refuges sont de plus en plus nombreux à vouloir adopter ce genre d'approche et des fonds sont nécessaires pour offrir la formation sur ces pratiques prometteuses.
Les associations provinciales, territoriales et nationales de refuges et de maisons de transition facilitent la recherche, la formation, l'innovation, l'élaboration de politiques et l'échange de connaissances. Ces associations font partie des pratiques exemplaires pour prévenir la violence faite aux femmes et devraient bénéficier du soutien du gouvernement.
Les services post-hébergement supposent qu'il faut veiller à ce que les femmes aient accès à un logement sûr, abordable et permanent, à des services de garde de qualité et à un revenu adéquat. Les recherches menées par YWCA Canada auprès des femmes hébergées ont révélé que les conditions dans lesquelles se fait le départ du refuge sont essentielles pour éviter que les femmes soient de nouveau victime de violence. Neuf femmes sur dix qui quittent le refuge n'ont pas l'intention d'aller retrouver leur conjoint, mais quatre femmes sur dix ne savent pas où elles vont vivre.
Au Canada, on estime que plus de 200 000 personnes sont sans abri, et environ la moitié d'entre elles sont des femmes. La violence, combinée à la pauvreté, est le principal déterminant de l'itinérance chez les femmes, et les femmes sans abri sont grandement vulnérables à la violence. Pour prévenir la violence, il faut prévenir l'itinérance chez les femmes.
Les femmes qui quittent les refuges doivent avoir accès à un logement abordable et permanent. Une vaste gamme de pratiques éprouvées doivent être appliquées pour leur faciliter l'accès à des logements abordables, dont: accorder la priorité aux femmes pour les logements sociaux, assurer le contrôle des loyers, offrir des subventions au logement, soutenir les organismes sans but lucratif dans la création de logements, exiger l'établissement d'unités de logement abordables dans tout développement domiciliaire, et pour le gouvernement, assurer directement le développement de logements sociaux.
Lorsque c'est une solution sécuritaire, les femmes victimes de violence devraient garder la maison et les hommes qui ont commis les actes de violence devraient être tenus de se reloger. C'est une pratique prometteuse en place dans certaines provinces canadiennes. Au Manitoba, la Loi sur la location à usage d'habitation a été modifiée pour permettre aux femmes de mettre fin à leur bail lorsqu'il devient risqué pour elles de demeurer dans leur logement en raison de la violence conjugale dont elles sont victimes.
La rue n'est pas un endroit sûr pour les femmes, et celles-ci n'osent pas avouer qu'elles sont sans abri. Le transfert en bloc du financement de la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance au profit du modèle Logement d'abord, dont les critères d'admissibilité sont fondés sur les besoins épisodiques ou chroniques des sans-abri, doit s'accompagner d'une stratégie réfléchie visant à rejoindre les femmes en général et, pour cibler particulièrement les femmes violentées, les femmes en maison d'hébergement. La maison communautaire de YWCA Calgary en est un bon exemple, et My Sister's Place, à London, a également lancé un projet pilote à cet effet.
Les mères qui ont quitté un conjoint violent doivent pouvoir accéder au monde du travail. Des services de garde de qualité et abordables permettent aux mères d'avoir un emploi pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs enfants.
Des études sur le système de garde universel à prix modique du Québec indiquent que les services de garde favorisent considérablement le retour au travail des mères célibataires. En voyant ce qui se passe au Québec, on peut difficilement négliger l'incidence positive qu'a ce type de régime pour les femmes élevant des enfants seules.
Entre 1996, année où est entré en vigueur le programme de garderies à contributions réduites au Québec, et 2008, le nombre de mères célibataires bénéficiant de l'aide sociale a chuté de moitié, passant de 99 000 à 45 000. Le revenu médian après impôt des mères célibataires a grimpé de 81 %. Le taux de pauvreté chez les familles monoparentales dirigées par une femme est passé de 36 % à 22 %, soit de plus du tiers à moins du quart. Offrir des services de garde à prix modique est une pratique éprouvée pour prévenir la violence faite aux femmes.
Pour prévenir la violence ou la récidive de violence, les femmes doivent bénéficier d'un niveau de vie adéquat. Le soutien au revenu et l'aide sociale doivent sortir les femmes et les enfants de la pauvreté, pas les y garder. On ne devrait pas réduire les prestations d'aide sociale de la mère en fonction des versements reçus pour le soutien d'un enfant. Les tribunaux débattent de cette question actuellement en Colombie-Britannique. Éliminer cette pratique à l'échelle du pays serait une avenue prometteuse.
Les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle sont une excellente pratique en place depuis longtemps pour aider les femmes victimes de violence sexuelle. Leur rôle dans la prévention de la violence a longtemps été sous-estimé. Les recherches démontrent que 460 000 agressions sexuelles sont commises chaque année au Canada: sur 1 000 agressions, 33 sont dénoncées à la police, 29 sont répertoriées en tant que crime, des accusations sont portées pour 12 d'entre elles, 6 font l'objet de poursuites et 3 mènent à une déclaration de culpabilité. Bon nombre de ces femmes reçoivent le soutien des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle.
Depuis un mois, des femmes parlent publiquement de la violence sexuelle dont elles ont été victimes. Les femmes qui prennent la parole doivent savoir que les forces policières et les tribunaux vont prendre leur dénonciation au sérieux et intervenir comme il se doit. La police et le système judiciaire doivent enfin travailler plus fort pour les femmes qui ont été victimes de violence que pour les hommes qui ont commis ces agressions. L'accès à la justice est un combat pour toutes les femmes violentées. Les femmes qui frappent aux portes des refuges sont souvent confrontées à une multitude de processus légaux sans pouvoir compter sur l'aide d'un avocat, vu les contraintes du régime d'aide juridique. L'accès à la justice est particulièrement déficient pour les femmes autochtones.
Dans le cadre du projet de renforcement des capacités de deux ans de YWCA Canada, de la formation a été donnée aux travailleurs des services d'aide aux victimes de violence dans le but d'accroître l'accès à la justice pour les femmes autochtones aux prises avec la violence. Le matériel de formation utilisé pour ce projet est disponible sur le site Web vawlawinfo.ca. Le manuel d'information juridique des services aux victimes de violence du Nunavut explique pour la première fois aux travailleurs, en anglais et en inuktitut, en quoi consiste la Family Abuse Intervention Act du Nunavut.
Offrir de la formation de nature juridique au personnel des services d'aide aux victimes de violence est une pratique prometteuse qui doit être financée pour être maintenue. Nous recommandons au comité de jeter un oeil au travail de Luke's Place, en Ontario, de l'avocate Pamela Cross, et du programme des travailleurs des tribunaux du gouvernement de l'Ontario.
La prévention de la violence doit passer d'abord par la réduction de la violence faite aux femmes autochtones. Selon des rapports produits récemment concernant la faible incidence sur les femmes autochtones des projets subventionnés par Condition féminine Canada, tout indique que l'organisme devrait lancer des appels de propositions qui portent précisément sur les femmes autochtones. Il a toujours été bénéfique d'injecter des fonds là où les besoins sont les plus criants.
Il est primordial de changer le comportement des hommes et des garçons pour prévenir à long terme la violence contre les femmes et les filles. À YWCA Canada, nous espérons que cette période où des femmes osent faire des révélations brutales et briser le silence marquera un tournant dans notre lutte sans fin contre la violence faite aux femmes et aux filles. Lorsque les hommes au pouvoir se lèvent en public pour affirmer que la violence faite aux femmes est inacceptable, ils donnent de la force au vent de changement qui s'amorce et contribuent à enrayer le sexisme.
Cette semaine, en plus de notre campagne annuelle des roses pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, nous avons lancé une nouvelle initiative, #PAScorrect, qui s'adresse au grand public. Pour prévenir la violence faite aux femmes et aux filles, nous devons instiguer un changement d'attitude, comme cela a été fait pour l'alcool au volant et la cigarette dans les endroits publics. Il a fallu mener des campagnes de sensibilisation à long terme pour que ces changements s'opèrent, et ce sera la même chose pour la prévention de la violence.
Les sites Web pascorrect.ca et notokay.ca ont été mis en ligne cette semaine, et le logo, un X rouge, a fait le tour des médias sociaux. Nous espérons que ces efforts pourront s'ajouter aux nombreuses campagnes déjà en place pour sensibiliser la population à cette problématique et faire comprendre aux gens que lorsqu'ils sentent que quelque chose n'est pas « correct », c'est le temps de le dire.
Pour combler ces lacunes, pour coordonner les politiques et les services d'un endroit à l'autre, pour continuer d'évoluer afin de rendre la vie plus sûre et pour prévenir, réduire et éventuellement mettre un terme à la violence, le Canada doit se doter d'un plan d'action national sur la violence envers les femmes. Celui-ci doit commencer par une enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées.
Merci.
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Premièrement, j'aimerais remercier le comité d'avoir invité L'Association des centres contre les agressions à caractère sexuel, que je vais appeler l'ACCCACS, à venir vous présenter son point de vue aujourd'hui.
L'ACCCACS a été fondée en 1975, et les centres qui en font partie n'ont jamais cessé d'offrir du soutien et des services de première ligne en situation de crise aux femmes victimes de la violence des hommes, de Halifax à Vancouver, en anglais et en français, dans les centres urbains comme dans les plus petits villages.
L'une des fonctions de base de l'Association est de se faire le porte-voix des milliers de femmes qui nous racontent leurs histoires en composant les numéros de nos lignes téléphoniques confidentielles. Chaque femme qui appelle un centre contre les agressions à caractère sexuel prend le risque de parler volontairement et en toute honnêteté de la violence qu'elle a vécue. Je ne rendrais pas service à ces femmes si je n'en faisais pas autant ici aujourd'hui.
Toute discussion sur les mesures prometteuses pour prévenir la violence envers les femmes doit se fonder sur une définition honnête et reconnue de ce que nous voulons essayer de prévenir exactement. L'expression « violence envers les femmes » élude un fait central dans cette étude, c'est-à-dire que ce sont des hommes qui sont responsables des viols, des coups, du harcèlement, de l'inceste et de la prostitution que subissent les femmes.
Le 6 décembre prochain, 25 ans se seront écoulés depuis que 14 femmes ont été séparées de leurs professeurs et de leurs pairs masculins à l'École Polytechnique pour tomber sous les balles d'un tireur précisément parce qu'elles étaient des femmes. Il n'y a pas un endroit public ou privé au Canada, à part les centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles et les maisons de transition, où les femmes sont totalement en sécurité et à l'abri de la menace de la violence des hommes.
En Colombie-Britannique, des maris ou ex-maris violents ont tenté d'assassiner des femmes et parfois même leurs enfants, chez elles, à 17 occasions différentes jusqu'à maintenant cette année.
En mai, la GRC a confirmé 1 181 cas de femmes autochtones disparues et assassinées, des morts et des disparitions pour lesquelles des hommes sont de loin les principaux responsables. Depuis, les attaques mortelles contre des femmes autochtones par sexisme ou racisme continuent. Nous savons qu'il y a au moins Rinelle Harper, à Winnipeg, et Marlene Bird, en Saskatchewan, qui ont été agressées sexuellement, battues sauvagement et abandonnées, mortes, par de petits groupes d'hommes dans des endroits publics.
En février dernier, au moins deux athlètes et étudiants masculins de l'équipe de hockey de l'Université d'Ottawa ont violé une jeune femme à Thunder Bay. L'an dernier, des étudiantes de UBC et de St. Mary's ont été accueillies à l'université lors d'une initiation par des hommes qui scandaient des chants afin d'inviter les gens à les violer.
Rehtaeh Parsons a été violée par des jeunes hommes, et des jeunes hommes continuent de l'attaquer en créant et en distribuant des images pornographiques de ce viol.
Ceux qui achètent des services sexuels et qui seront bientôt criminalisés par le projet de loi sur l'exploitation des femmes par la prostitution, dans les bordels comme dans les rues, sont pour la très grande majorité des hommes.
Plus de 330 femmes agentes et employées de la GRC ont déclaré faire l'objet de harcèlement sexuel systématique dans le cadre de leur travail de la part de leurs collègues masculins.
Des femmes ont osé porter plainte et dire officiellement que Jian Ghomeshi avait utilisé son pouvoir et son statut à CBC pour attaquer différentes femmes avec qui il travaillait ou qu'il fréquentait.
Ces cas récents de violence d'hommes envers des femmes, qui ont été très publicisés, font écho à ce que nous entendons lorsque nous répondons aux femmes qui appellent nos lignes de crise, aux femmes qui dénoncent, et y résistent, la routine et la myriade d'actes violents qui créent une iniquité entre les pouvoirs civils, politiques, économiques et sociaux des femmes et ceux des hommes et qui les placent dans une relation d'exploitation. Les inégalités découlant de la pauvreté et du racisme rendent encore plus vulnérables les femmes pauvres, les femmes de couleur et les femmes autochtones aux effets de la violence des hommes.
Pour qu'une mesure ou une politique destinée à prévenir la violence envers les femmes soit vraiment prometteuse, elle doit se fonder sur la promesse du droit des femmes d'être protégées de toute forme de discrimination sexiste et de violence. Cette promesse est inscrite dans la Charte des droits et libertés et exprimée dans diverses conventions internationales, dont la CEDAW, dont le Canada est signataire.
J'aimerais saisir occasion de rappeler aujourd'hui deux modifications aux politiques sur la violence envers les femmes que l'ACCCACS réclame depuis des dizaines d'années: un, la responsabilité du système de justice pénale de prévenir la violence des hommes et de la contrer; deux, l'investissement du gouvernement dans les mouvements de femmes indépendants et des consultations actives et respectueuses.
Comme notre association regroupe des centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles et que le temps est limité, je vais me concentrer sur les outils que prévoit le droit criminel pour réagir aux agressions sexuelles.
Différentes améliorations ont été apportées aux lois et aux politiques du Canada en matière pénale sur les agressions sexuelles parce que des femmes et des groupes de femmes ont exigé que le droit criminel protège leurs droits à l'égalité et qu'il prévienne et sanctionne la violence perpétrée par des hommes à leur encontre. Je peux vous donner deux exemples de réalisations durement gagnées, soit la criminalisation du viol dans le contexte du mariage, par le Code criminel et par la Cour suprême, grâce à l'établissement de l'obligation juridique d'obtenir un consentement explicite pour chaque activité sexuelle.
L'agression sexuelle est un crime extrêmement lié au genre. Les femmes sont les victimes les plus probables de ce type de crime et elles sont les moins susceptibles de le commettre. La réponse de la justice criminelle à l'agression sexuelle est épouvantable. Seulement 0,3 % des viols commis mènent à une condamnation au criminel. Selon les statistiques, la réponse de la justice criminelle au viol en est pratiquement une d'impunité.
Depuis les années 1970, la statistique selon laquelle 70 % des femmes qui signalent une quelconque forme de violence sexiste aux travailleurs de première ligne des services anti-violence ne portent pas plainte à la police est toujours la même. Moins de 10 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. Bon nombre des affaires que j'ai mentionnées ont ravivé le débat public sur le fait que le régime pénal laisse constamment tomber les femmes violées. Le mot-clic #AgressionNonDénoncée a permis aux femmes de dire dans les médias sociaux ce que les intervenants des centres d'aide aux victimes de viol et les femmes violées savent et affirment publiquement depuis des années: les femmes ne se fient pas et ne peuvent pas se fier aux autorités canadiennes pour s'acquitter de leur responsabilité de faire appliquer les lois qui criminalisent les agressions sexuelles et la violence envers les femmes.
Dans l'affaire Ghomeshi, de nombreuses femmes ont exposé les gestes d'un homme violent et expliqué pourquoi elles n'avaient pas porté plainte à la police pour ces attaques. Cette affaire a retenu beaucoup d'attention médiatique, ce qui a généré une grande pression publique. Les féministes ont réitéré nos critiques sur l'inaptitude à faire respecter les lois criminelles pour imposer des conséquences aux hommes trouvés coupables de violence envers des femmes. Hier, Jian Ghomeshi a été arrêté sous plusieurs chefs d'accusation pour agression sexuelle et un pour avoir étranglé une femme. Cela montre que lorsque la volonté politique est vraiment là, les services de police et le système de justice pénale peuvent faire quelque chose, qu'ils ont le pouvoir d'enquêter rapidement et de porter des accusations lorsqu'un homme attaque une femme.
Rehtaeh Parsons avait signalé son viol à la police avant que l'affaire ne devienne publique et qu'elle fasse les manchettes nationales. Après son suicide, les pressions de ses parents endeuillés et du public outré, y compris des féministes, qui réclamaient une intervention judiciaire du régime pénal ont augmenté. Ainsi, cette semaine, deux jeunes hommes ont plaidé coupables à des accusations de fabrication et de distribution de pornographie infantile dans cette affaire. La création et la distribution des images de cette attaque ont été reconnues comme des crimes. Personne n'a été accusé pour l'attaque elle-même.
Le viol est ultimement de la responsabilité des hommes qui le commettent. Le système de justice pénale ne permet pas de sévir convenablement contre les agressions sexuelles, ce qui démontre clairement l'échec systémique du système à prévenir les injustices commises contre les femmes, individuellement et collectivement, et à y réagir. Les lois pénales promettent que les hommes seront tenus responsables des violences qu'ils commettent. Si les lois pénales étaient appliquées assidûment pour les tenir responsables, on pourrait croire que le gouvernement est vraiment déterminé à prévenir la perpétuation endémique de ce genre de crime.
Les recherches de l'ACCCACS montrent que lorsqu'une femme est bien informée, qu'elle est accompagnée et qu'elle est défendue par un centre d'aide aux victimes de viol, ses faibles chances d'obtenir une enquête policière en bonne et due forme et que des accusations soient portées augmentent.
Les centres contre les agressions à caractère sexuel du Canada sont nés à une période où les femmes de tout le pays unissaient leurs voix pour dénoncer et transformer les conditions de vie des femmes depuis longtemps. Ils ont été établis dans les années 1970, avec, par et pour des femmes de tout âge, de toutes les races, de toutes les classes sociales et de toutes les provenances, qui intervenaient directement contre la violence des hommes. Ces centres ne reçoivent pas de fonds de fonctionnement du gouvernement fédéral. En Colombie-Britannique, où je vis et je travaille, aucun centre d'aide aux victimes de viol, y compris celui où je réponds à des appels, ne reçoit de fonds de fonctionnement du gouvernement provincial.
La pauvreté accrue des femmes et le démantèlement systématique des systèmes de bien-être social font en sorte que les centres des femmes indépendants restent sous-financés et qu'ils n'ont pas le choix d'essayer de composer avec tous les effets de l'épouvantable iniquité des femmes, comme la faim, l'itinérance, la dépendance et les problèmes de santé mentale. Malgré tout, les centres membres de l'ACCCACS continuent d'offrir aux femmes le maigre appui auquel elles ont droit, les renvoient aux services pertinents et leur permettent de se rencontrer. Ils font le lien entre l'expérience des femmes victimes de la violence des hommes et les mesures prises en conséquence pour mener des campagnes de sensibilisation et réclamer des réformes et des changements sociaux systémiques aux échelles locale, provinciale et nationale.
En 2012, la plus grande étude mondiale jamais menée sur la violence envers les femmes a conclu ce qui suit:
La mobilisation autonome des féministes dans des contextes nationaux et transnationaux — pas de partis gauchistes, d'élues ou de riches citoyens — est le principal facteur qui contribue aux changements politiques.
Il ne servira donc à rien d'élaborer des politiques et des pratiques destinées à prévenir la violence envers les femmes si elles ne s'accompagnent pas d'un investissement substantiel dans le mouvement féministe indépendant et de consultations proactives et respectueuses.
Les projets à la pièce et le financement promis jusqu'à maintenant dans le cadre de ces audiences par le gouvernement fédéral ne suffisent pas pour remplacer un engagement réel et soutenu de tous les ministères, à tous les ordres de gouvernement, afin de prévenir et d'éliminer l'inégalité civile, économique, sociale et politique des femmes.
Merci.
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Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui. Je suis heureuse d'être ici pour vous parler de pratiques exemplaires et de prévention de la violence envers les femmes.
Comme vous le savez, je suis la directrice exécutive du West Coast LEAF. Cet organisme a pour mandat de réaliser l'égalité par la transformation de la discrimination systémique historique qui s'exerce contre les femmes, ce qui passe par des procédures judiciaires pour défendre l'égalité des droits en Colombie-Britannique, par la promotion de la réforme du droit et par l'éducation du public à la loi.
Je suis personnellement formée en droit constitutionnel et ma spécialité est l'égalité réelle des femmes. Je le mentionne parce que je serai heureuse de répondre à vos questions de nature juridique et que je vais m'exprimer de ce point de vue aujourd'hui.
J'aimerais commencer par parler de ce que je considère comme le point de départ de cette conversation sur la recherche de solutions. De par sa nature, la violence envers les femmes se fonde sur le genre. On ne peut pas comprendre la violence envers les femmes, ni la prévenir, sans comprendre qu'elle prend racine dans le sexisme et le déséquilibre des pouvoirs dans la société entre les hommes et les femmes, mais également dans les déséquilibres fondés sur la race, l'invalidité, l'indigénéité, le lieu d'origine et le statut économique.
Il est absolument essentiel de comprendre que la violence envers les femmes est une manifestation de l'inégalité des femmes. En moyenne, une femme est tuée tous les six jours par son partenaire intime au Canada. La moitié des Canadiennes ont été victimes d'au moins un incident de violence physique ou sexuelle après l'âge de 16 ans. Quatre-vingt-trois pour cent de toutes les agressions conjugales signalées à la police visaient des femmes. Les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes d'être victimes d'actes de violence graves comme l'étouffement, les coups, les menaces au couteau ou au fusil et la violence sexuelle. Ce n'est pas parce que les hommes se comportent mal, c'est un phénomène sociologique qui appelle une solution systémique et systématique.
Bien que nous sachions qu'il faut que des changements sociaux s'opèrent pour que la violence envers les femmes diminue, le droit joue un rôle important dans la manifestation et la création du changement. Notre Constitution garantit l'égalité au regard de la loi, pour les deux sexes, en plus de garantir la même sécurité de la personne aux hommes et aux femmes. Cela signifie que le gouvernement a l'obligation de veiller à ce que ses lois et ses politiques aient au moins pour effet de ne pas perpétuer l'inégalité ou la violence et à ce qu'elles ne représentent pas des obstacles pour les femmes qui cherchent à fuir une relation abusive. C'est pourtant exactement l'effet de bien des lois et des politiques.
J'ai eu du mal à déterminer de quelles lois et politiques je voulais parler en priorité aujourd'hui, mais je vais expliquer assez en détail comment les modifications apportées récemment à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés limitent le pouvoir d'une femme de quitter une relation abusive en toute sécurité. C'est au moment où elles quittent ce genre de relation que les femmes sont le plus vulnérables. En fait, presque 60 % de tous les cas de violence dans les fréquentations surviennent après que la femme ait rompu, et 25 % des femmes assassinées par leur conjoint avaient déjà quitté cette relation au moment des faits. Il est absolument essentiel, pour prévenir la violence, de créer des conditions de sécurité dans lesquelles les femmes n'ont pas peur pour leur propre sécurité et celle de leurs enfants, elles n'ont pas peur de se faire déporter, de se retrouver à la rue ou de perdre la garde de leurs enfants. C'est ce que nous enseignent les pratiques exemplaires.
Certaines modifications récentes apportées à la loi et aux politiques en matière d'immigration exposent les femmes à des risques. En regard des pratiques exemplaires, ces modifications sont clairement des pratiques à proscrire et à renverser. Prenons d'abord les règles sur les pays d'origine sûrs. La liste de désignation des pays d'origine sûrs vise 35 pays, que le Canada juge sûrs pour les réfugiés. Lorsqu'une demandeuse vient de l'un de ces pays, la procédure est accélérée, si bien qu'elle a deux fois moins de temps pour se préparer aux audiences et rassembler la preuve nécessaire pour appuyer sa requête. Dans ces circonstances, les demandeuses ne sont pas admissibles à certaines mesures de protection procédurales, comme le processus d'appel auquel les demandeurs ont droit dans le système ordinaire, des mesures essentielles pour assurer l'équité procédurale dans tout processus judiciaire administratif.
Selon les dispositions sur les POS, le ministre a le pouvoir discrétionnaire exclusif d'inscrire un pays à la liste des pays sûrs. Pour ce faire, le ministre tient compte des taux de rejet et d'abandon des demandes en provenance du pays en question, de même que des institutions gouvernementales et judiciaires du pays, mais ne consulte pas les spécialistes des droits de la personne.
Ces règles mettent la vie des femmes en péril. Par exemple, la violence envers les femmes est un problème énorme au Mexique, et sa structure judiciaire ne suffit pas pour assurer la sécurité des femmes, comme en atteste le rapport mondial de 2014 de Human Rights Watch. Par exemple, il y a des lois selon lesquelles la gravité des sanctions pour des infractions à caractère sexuel dépend de la chasteté de la victime, ce qui va à l'encontre des normes internationales, et les tribunaux canadiens condamnent ce genre de normes et les estiment contraires aux droits des femmes. Ainsi, même si le Mexique est considéré comme un pays d'origine sûr, il est profondément dangereux pour les femmes victimes de violence dans ce pays. Une femme qui se tourne vers le Canada pour fuir de la violence n'a que très peu de protections procédurales, aucun droit d'appel et peu de temps pour se préparer aux audiences, tout cela parce que le Mexique est un pays démocratique et que les réfugiés mexicains accusent un taux de rejet élevé lorsqu'ils demandent le statut de réfugié au Canada. La liste des POS expose clairement les femmes à un risque de plus grande violence.
Il faut cesser de désigner sûrs des pays du tiers monde pour toutes les femmes qui présentent des demandes pour cause de discrimination fondée sur le sexe. À tout le moins, il faudrait imposer une plus grande imputabilité à la personne qui décide qu'un pays est sûr. Cette décision doit se fonder sur une analyse de la façon dont ce pays gère la violence envers les femmes.
Pour ce qui est de la résidence permanente conditionnelle, le gouvernement fédéral a modifié le règlement du Canada en matière d'immigration en octobre 2012 afin de créer le statut de résidence permanente conditionnelle pour les conjoints. Ainsi, les conjoints doivent, pour garder leur statut de résident permanent conditionnel, cohabiter avec leur conjoint dans une relation conjugale pendant une période continue de deux ans après obtention de la résidence permanente, sauf lorsque le conjoint parrain adopte un comportement abusif ou négligent ou si le conjoint décède.
Cette exemption pour cause de violence ne suffit pas. La menace de déportation revient constamment dans la documentation comme outil utilisé par les agresseurs pour que les victimes gardent le silence sur leur violence. Le caractère conditionnel de la résidence permanente expose les femmes et les enfants vulnérables à un plus grand risque de violence puisqu'il constitue un obstacle pour la femme qui voudrait sortir de cette relation.
Le fait d'associer un statut d'immigration à l'obligation de rester dans une relation conjugale présente divers risques pour les groupes vulnérables, malgré la présence de cette exemption. Par exemple, une femme confrontée aux obstacles de la langue et de la culture pourrait très bien ne pas comprendre qu'il existe une exemption, et celle-ci ne fait pas l'objet de grande publicité. Les agresseurs peuvent toujours utiliser la menace de la déportation pour empêcher la femme de partir. Les agresseurs peuvent menacer la femme de raconter aux agents d'immigration qu'elle ment au sujet de ces abus ou que toute cette relation est une fraude. Beaucoup ne sont pas prêtes à courir ce risque. Elles vont perdre leur statut puisqu'il n'y a pas de garantie qu'un agent d'immigration va convenir que cette exemption s'applique à elles.
Il est clair que cette politique expose les femmes à des risques, puisqu'elle mine leur aptitude à quitter une relation violente, et elle doit être abrogée.
Je tiens à signaler quelques autres éléments sur lesquels vous pourrez me poser des questions plus tard. Je ne les expliquerai pas en détail.
Il y a d'abord la sécurité économique. D'autres témoins en ont déjà parlé aujourd'hui. Les femmes se heurtent à des obstacles importants lorsqu'elles quittent leurs relations parce qu'elles n'ont pas de sécurité économique. À divers endroits au Canada, on arrive à offrir un filet de sécurité aux femmes qui quittent ce genre de relation grâce à de l'aide juridique, à des garderies, à la sécurité du logement et à des prestations suffisantes de sécurité du revenu. À d'autres endroits, il manque cruellement de services, je pense notamment à l'aide juridique en Colombie-Britannique. Il n'y a pas de normes nationales en la matière, pour que toutes les femmes puissent être suffisamment indépendantes financièrement pour quitter une relation abusive et subvenir à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leurs enfants pendant qu'elles gèrent leur rupture.
Par exemple, les règlements ne prévoient plus de paiements de transfert fédéraux pour l'aide juridique. Ils ne sont plus liés à l'aide juridique, comme l'exigeait le gouvernement fédéral auparavant. Cette obligation contribuerait à ce que les femmes aient accès à un avocat pour régler les questions liées à la garde des enfants, aux droits d'accès, à la pension alimentaire et à la répartition des biens. Si les femmes savaient qu'elles ont accès à un avocat, à un logement ou à un emploi, elles seraient mieux soutenues dans leur décision de partir.
J'aimerais mentionner brièvement quelque chose au sujet de l'éducation. Il ressort clairement du récent dialogue national sur la violence sexuelle que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas la loi pour ce qui est du consentement à une activité sexuelle, ni les dynamiques de pouvoir qui ouvrent la porte à la violence sexuelle. Il est fondamental que cette éducation se fasse très tôt dans la vie, qu'elle se fonde sur une compréhension des pouvoirs et de l'équilibre de la dynamique homme-femme, ainsi que de la violence sous-jacente envers les femmes; et il faut que cela s'enseigne dans toutes les écoles du Canada.
De par les activités de West Coast LEAF, nous sommes aux premières loges pour observer un déclic chez les jeunes dans le cadre de notre campagne « Non c'est non ». Il s'agit d'un atelier destiné aux jeunes de la septième à la neuvième année sur le consentement sexuel ainsi que sur les droits et obligations des jeunes et des adultes dans leurs relations intimes.
J'aimerais également parler brièvement de la cybermisogynie et de la cyberintimidation des femmes et des filles, des enjeux qu'il me semble important de comprendre dans le contexte du genre. Nous avons publié cette année un rapport intitulé #CyberMisogyny : Using and strengthening Canadian legal responses to gendered hate and harassment online. Nous avons lancé ce projet en réaction au grand nombre de cas tragiques et très médiatisés de filles et de jeunes femmes victimes de cyberviolence et au phénomène plus invisible, mais de plus en plus commun, des sites pornographiques de revanche, sur lesquels des gens partagent des images intimes sans consentement, font du cyberharcèlement et tiennent des propos haineux.
Dans ce rapport, nous faisons un certain nombre de recommandations au gouvernement et...