Je vous souhaite la bienvenue à la 45e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
Aujourd'hui, nous reprenons notre étude sur les pratiques prometteuses pour prévenir la violence envers les femmes.
Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Michèle Audette — qui sera ici un peu plus tard —, présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, et Mme Dumont-Smith, qui en est la directrice générale.
Nous recevons également Mme Lana Wells, de la chaire Brenda Strafford pour la prévention de la violence familiale, à la Faculté de service social de l'Université de Calgary.
[Traduction]
Depuis Halifax, par vidéoconférence, nous accueillons les représentantes de l'Immigration Services Association of Nova Scotia, Mmes Gerry Mills et Nanok Cha, visibles sur l'écran de gauche. Depuis Toronto, nous accueillons la représentante de la South Asian Legal Clinic of Ontario, Mme Deepa Mattoo, qui est avocate-conseil à l'interne.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à toutes.
Les témoins disposent de 10 minutes pour faire leur présentation.
Madame Wells, vous pouvez commencer.
:
Je vous remercie, madame la présidente et les membres du comité, de votre invitation.
Comme je l'ai dit, j'occupe actuellement la chaire Brenda Strafford pour la prévention de la violence familiale, à la faculté de service social de l'Université de Calgary, où je dirige aussi une initiative appelée « Shift », qui vise à mettre fin à la violence familiale.
Depuis quatre ans et demi, notre recherche porte principalement sur la détermination, la conception et l'application de stratégies de prévention primaire contre la violence, c'est-à-dire avant qu'elle ne commence. En me préparant pour aujourd'hui, j'ai visionné beaucoup de vos séances antérieures et j'ai été frappée par la quantité de travaux de recherche qui vous ont déjà été présentés sur la fréquence et les causes premières de la violence contre les femmes.
Pour cela, je vais axer mon exposé sur 10 engagements que le gouvernement du Canada peut prendre et qui préviendront la violence contre les femmes.
Premier engagement: le gouvernement du Canada doit élaborer, appliquer et évaluer un plan d'action national pour combattre la violence contre les femmes et les enfants, en partenariat avec les provinces et les territoires. Le plan doit se concentrer sur les stratégies de prévention primaire, au moyen d'une démarche axée sur la durée de vie et, surtout, il ne peut pas être créé de manière isolée. Il doit être élaboré conjointement avec les principaux centres de recherche, le secteur privé et la société civile. Il doit aussi être adapté aux facteurs particuliers de risque et de protection correspondant à différentes populations comme les Autochtones, les communautés d'immigrants et de réfugiés ainsi qu'aux LGBTA (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et allosexuels).
Le deuxième engagement consiste à investir dans une stratégie nationale de protection de l'enfance, fondée sur les principes d'abordabilité, d'accessibilité et de soins de qualité. Cette stratégie subviendrait à la bonne santé des enfants pendant leur développement et améliorerait les choix des femmes qui souhaitent retourner sur le marché du travail ou sortir de relations malsaines ou de relations de violence.
Le troisième engagement consiste à investir dans la prévention de la maltraitance des enfants. Les enfants maltraités deviennent souvent des agresseurs. Nous pouvons prévenir la violence physique, la violence émotionnelle et la négligence par les mesures suivantes: D'abord garantir aux familles à faible revenu avec enfants un supplément de revenu. Nous savons que l'augmentation du revenu du ménage réduit le risque de maltraitance des enfants. Ensuite, interdire les châtiments corporels, en abrogeant l'article 43 du Code criminel. La recherche montre qu'ils sont nuisibles pour les enfants et qu'ils engendrent plus tard des actes de violence. Puis prévenir les grossesses accidentelles et l'imposition, à des jeunes, des responsabilités familiales. Les jeunes parents et les parents d'enfants conçus accidentellement sont plus susceptibles de maltraiter leurs enfants. Et c'est pourquoi le gouvernement du Canada doit envisager l'accès universel à des cours de santé sexuelle dès la 4e année, à la contraception gratuite et à l'avortement. Santé Canada devrait approuver immédiatement le médicament abortif mifépristone. Enfin, un moyen efficace de prévention de la maltraitance des enfants consiste à investir dans une stratégie nationale qui donnera à tous les parents la capacité et les compétences voulues, y compris l'investissement dans des programmes visant les personnes à risque. Nommons par exemple le programme triple P, le programme de pratiques parentales positives; le programme de renforcement des familles, dont vous avez entendu parler; le programme « Les années incroyables »; et je sais que vous examinez déjà les partenariats infirmière-famille dans deux provinces. Ils devraient être accessibles partout au Canada.
Le quatrième engagement consiste à investir dans une stratégie nationale de logement, pour que les femmes n'aient pas à choisir entre une relation de violence et le sans-abrisme. Je reprends ici à mon compte les recommandations de la YWCA of Canada, qui a témoigné ici sur la stratégie du logement d'abord et j'ajoute que l'augmentation des fonds consacrés au logement transitoire à court terme est essentielle à l'arrêt de la violence contre les femmes.
Le cinquième engagement consiste à élaborer et à appliquer une stratégie exhaustive de mobilisation des hommes et garçons comme alliés, partenaires et interrupteurs de la violence contre les femmes. Depuis quelque temps, nous faisons de la recherche dans ce domaine et nous avons trouvé cinq moyens pour rendre cette action plus efficace. Il s'agit d'abord de favoriser la santé mentale et le bien-être émotif des hommes; ensuite, favoriser la pratique de sports et de loisirs et des ambiances de travail favorisant l'adoption de normes et de comportements sains, et je sais que le ministère de la Condition féminine a déjà commencé à examiner certaines initiatives prises un peu partout au pays; il s'agit encore d'appuyer des réseaux et des rapports sains d'égalité entre hommes; puis, il faut aider les hommes à guérir de traumatismes qu'ils ont subis; enfin, il s'agit de promouvoir et de favoriser un rôle paternel positif.
Ce dernier point est d'autant plus important que les pères jouent un rôle plus important dans l'éducation des enfants. Des études montrent qu'ils sont aussi importants que les mères pour le développement des enfants. Nous apprenons maintenant quels sont les meilleurs types de programmes et de politiques pour aider les jeunes hommes et les pères à risque à devenir de bons pères. Le programme « caring dads », créé par Mme Katreena Scott, et le programme d'appui à la participation du père, des Drs Kyle Pruett et Marsha Pruett, sont deux pratiques prometteuses parmi beaucoup d'autres et, à Calgary, nous éprouvons actuellement deux programmes prometteurs avec des partenaires qui interviennent auprès des mères adolescentes. Bientôt, nous en saurons davantage sur les interventions efficaces auprès des jeunes pères à risque.
Le sixième engagement consiste à investir dans des soins qui tiennent compte des traumatismes, avec le concours de professionnels affiliés: enseignants, travailleurs sociaux, avocats, médecins. Des études ont montré qu'une expérience traumatisante pour l'enfant, par exemple une agression sexuelle, des violences familiales dont il est le témoin, de mauvais traitements et la pauvreté, peuvent conduire, chez l'adulte qu'il deviendra, à des risques graves sur le plan socio-économique ou pour sa santé. Pour neutraliser les traumatismes, le gouvernement du Canada peut investir dans la formation, dont bénéficieraient les facultés, les professionnels sur le terrain et leurs organisations pour mieux comprendre les répercussions répandues des traumatismes et les façons d'en guérir les victimes.
Le septième engagement consiste à élaborer, à appliquer et à évaluer un plan d'égalité entre les sexes. Il doit comprendre: une stratégie exhaustive pour assurer aux femmes l'accès aux soins de santé en matière de procréation, y compris aux avortements; des politiques qui facilitent l'égalité des salaires et un salaire décent en vigueur partout au Canada; une politique de congés parentaux semblable à celle de la Suède, qui accorde aux familles jusqu'à 18 mois de congé parental et aux pères au moins six semaines obligatoires de congé parental; des lois plus efficaces contre la pornographie, comme celles qu'a adoptées David Cameron, pour empêcher, au moyen de filtres Internet, les enfants de visionner des images pornographiques; une augmentation notable du financement du ministère de la Condition féminine Canada, pour lui-même et pour les fonds destinés aux organismes communautaires.
Il faut que nous réinvestissions dans les organisations féminines de partout au pays, pour mieux y appuyer le leadership, les stimuler, et les rendre capables de mettre en oeuvre les pratiques exemplaires et prometteuses. Enfin, nous avons besoin de politiques et de stratégies plus efficaces pour favoriser le leadership féminin dans tous les secteurs de la société. La recherche montre que les sociétés créées par des femmes sont plus susceptibles de réussir; les sociétés innovantes dont la direction compte plus de femmes sont plus susceptibles d'être rentables; et celles où la mixité est plus grande ont habituellement plus de revenus, plus de clients, plus de parts du marché et plus de profits. L'investissement dans le leadership des femmes dans tous les secteurs est indispensable à l'égalité des sexes.
Le huitième engagement consiste à réduire la violence dans les fréquentations en intervenant particulièrement auprès des écoles et des réseaux scolaires. L'application des pratiques fondées sur les faits chez les élèves de la 7e à la 9e année se révèle réduire cette violence. La recherche longitudinale montre l'efficacité de programmes comme celui du « Quatrième R », déjà adopté dans 4 000 écoles du Canada — certaines étant financées par l'Agence de santé publique du Canada et Santé Canada — pour la réduction de la violence dans les fréquentations, ce qui peut conduire à la réduction de la violence dans les rapports avec autrui, plus tard dans la vie. Nos enseignants et nos réseaux scolaires ont besoin d'une formation améliorée et accrue pour aider les enfants et les jeunes à privilégier des rapports sains.
Le neuvième engagement consiste à investir dans une stratégie exhaustive et importante de marketing social à long terme visant à changer les normes et les comportements qui, directement ou subtilement, engendrent la violence contre les femmes. Des faits survenus récemment sur des campus universitaires nous avertissent que, même après tous les progrès réalisés, ils restent très répandus dans notre société.
Le dixième engagement consiste à accorder un financement durable qui privilégie les initiatives à long terme. Un financement unique, à court terme, ne permettra pas d'approfondir une question importante, tandis que le financement à long terme et l'investissement dans la recherche et l'évaluation favoriseront de meilleures solutions.
Ç'a été pour moi un privilège et un honneur que de présenter ces idées au comité. Je vous remercie de m'avoir écoutée et de vous être engagés à mettre fin à la violence contre les femmes.
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Je vous présente mes excuses. Quand les interprètes ne se trouvent pas dans la pièce, on les oublie facilement. Je vais ralentir.
Alors nous savons aussi que, en général, les immigrantes veulent échapper aux agressions, pas à l'agresseur. À leur arrivée, elles sont très vulnérables. Elles ne connaissent personne en dehors de la famille immédiate, et cela présente des difficultés.
Nous savons aussi que nos processus de parrainage pour les immigrants et les réfugiés placent souvent les partenaires à des niveaux différents. Il y en a d'importants exemples. La résidence permanente conditionnelle des conjoints parrainés est devenue, pour nous, un problème de taille dans le secteur de l'installation des immigrants. Cela expose les nouvelles arrivées à un risque considérablement accru de violence et de mauvais traitements. C'est une forme de violence à laquelle seules les immigrantes sont exposées: la menace d'être signalées aux autorités de l'immigration qui les déporteront ensuite. Cette politique a eu des conséquences extrêmement graves pour la vie de nombreuses femmes et qui ne cessent pas de se répéter. On nourrit ainsi la violence familiale.
Nos pratiques exemplaires, ici, à l'ISANS, en matière d'éducation, nos ateliers, l'information en différentes langues, ne fonctionnent plus. Nous avions coutume de dire: « Ne vous inquiétez pas, rien n'arrivera », mais quelque chose risque d'arriver maintenant. Ce n'est pas vrai, mais de nombreuses femmes craignent beaucoup plus la déportation que la violence de leur conjoint. Il existe donc un besoin réel et extrême de réfléchir à nouveau à cette politique. Revoyez ses conséquences, examinez-la du point de vue de l'autre sexe, notamment pour déterminer comment elle met en péril la sécurité personnelle et économique des femmes.
Quant à l'isolement, et Lana en a également parlé, les immigrantes sont extrêmement susceptibles de le connaître, particulièrement quand on les empêche, par exemple, de suivre des cours d'anglais ou de français ou de travailler. Ce peut être une forme d'aliénation par rapport à la communauté culturelle, quand on les accuse d'être de mauvaises femmes, de mauvaises mères, ou d'abandonner ou de trahir leur culture, ce qui leur fait perdre la face dans la communauté.
La difficulté, ici, encore, est l'admissibilité aux services. Beaucoup de femmes dans nos communautés, par exemple les conjointes de travailleurs étrangers temporaires ou même les travailleurs étrangers temporaires eux-mêmes et, aussi, ceux qui revendiquent le statut de réfugié, sont inadmissibles à beaucoup de services que le secteur de l'installation des immigrants fournit.
Je suis heureuse que Lana ait soulevé la question du logement, qui est importante pour toute femme en situation d'insécurité, particulièrement si elle cherche à s'en sortir et qu'elle a des enfants. On a donc désespérément besoin d'une stratégie du logement.
La menace d'être coupée de ses enfants est un problème pour beaucoup de femmes dans cette situation, mais les immigrantes qui ne connaissent pas leurs droits y sont exposées. Sans autre contact ou appui, elles connaissent très peu les processus et les lois canadiens. Impossible d'en parler en faisant abstraction de la dimension culturelle et religieuse. La question est vraiment complexe.
Alors, quelles pratiques exemplaires pouvons-nous appliquer? La réponse se trouve dans la sensibilisation, encore et encore. C'est l'orientation des familles. C'est des ateliers donnés en groupes. Les gens se sentent beaucoup plus à l'aise de parler de sujets tabous. Prévoir aussi des programmes destinés aux femmes seulement. D'autres aussi pour les hommes seulement. Mais, à l'ISANS, les programmes les plus efficaces sont ceux qui s'adressent aux femmes et aux hommes ensemble. Nous avons réussi à balayer beaucoup de suppositions sur les hommes immigrants, grâce à des programmes familiaux qui, en fait, attirent beaucoup plus d'hommes que de femmes.
Notre position de départ n'est pas de parler de la nécessité de protéger les femmes ni de la violence contre elles, bien que nous saisissions la grande importance de cette question et la nécessité, parfois, d'en parler. Notre position de départ est que les parents veulent faire de leur mieux pour leurs familles. Nous ne commençons pas par la violence; nous commençons par dire: « Vous êtes un bon père, vous êtes une bonne mère. Vous aspirez à ce qu'il y a de mieux pour votre famille ». Nous envisageons la famille du point de vue holiste, pour trouver une façon pour que les immigrants vivent au Canada la plus belle partie de leur vie, grâce à tous nos programmes.
Mais nous avons besoin de programmes accessibles, avec des animateurs formés et de l'information en différentes langues. Quelle que soit sa situation au Canada, on doit pouvoir accéder à ces services.
À l'ISANS, nous travaillons en partenariat avec des hôpitaux, des organisations féminines et un certain nombre de centres de ressources familiales.
Enfin, les immigrantes victimes de violence peuvent se heurter aux préjugés lorsqu'elles demandent à la justice de les aider dans des affaires de violence familiale, de droit familial et de droit criminel. Ces préjugés les empêchent souvent d'obtenir des ordonnances efficaces de protection, la garde légale de leurs enfants, la pension alimentaire pour enfants et la collaboration dans les poursuites criminelles, parfois, contre leurs agresseurs. Nous avons besoin de donner de la formation pour améliorer la réaction de la justice aux problèmes des immigrantes victimes de violence.
En plus, nous devons nous assurer que les médecins de famille, les autres professionnels de la santé, les services sociaux, la police, les organismes de protection de l'enfance et les autorités de l'immigration comprennent les complexités mais aussi la culture dans laquelle ces actions ont lieu ainsi que les garanties juridiques auxquelles les immigrantes victimes ont droit. Il circule tellement de fausses suppositions sur la culture, les droits et les normes en vigueur au Canada que l'uniformité et la clarté des conseils s'en ressentent.
Les immigrantes dont nous parlons constituent l'un des groupes les plus vulnérables. Nous saluons certainement l'occasion qui nous a été donnée de parler au comité et nous avons hâte de voir les mesures et les missions qui en découleront.
Merci.
Je cède maintenant la parole à ma collègue, Mme Cha.
Le projet pour le leadership des jeunes immigrantes est un projet de deux ans financé par Condition féminine Canada. Son objectif est d'aider les jeunes immigrantes à développer leurs compétences en leadership, à apporter des changements positifs dans la collectivité et à se créer un réseau de soutien dans la population.
Les activités du projet ont été conçues pour développer l'estime de soi, renforcer les compétences en leadership, naviguer dans le système social et obtenir des ressources communautaires, enfin à traiter des enjeux sociaux en adoptant le point de vue des immigrantes. Les jeunes immigrantes sont parmi les populations les plus vulnérables et elles bénéficient d'un appui moindre de la collectivité pour s'attaquer aux problèmes sociaux importants comme la violence familiale, l'intimidation, le sexisme et le racisme dans la communauté.
En travaillant avec les jeunes leaders immigrantes, le projet a permis de constater à quel point il était important pour elles de compter sur un endroit sûr pour s'appuyer mutuellement et faire connaître leurs luttes personnelles comme moyens sûrs pour prévenir la violence contre les femmes et se refaire une nouvelle vie, saine et dynamique, au Canada. Le projet a offert des possibilités de mentorat par les pairs, pour développer l'estime de soi et créer un espace social et politique où il serait possible de parler de problèmes tels que les conflits de générations, le sexisme dans les rôles et la prise de décisions dans la famille, la violence familiale et la discrimination, dans la communauté, les rues et les écoles, contre les jeunes immigrantes. Ces meneuses ont établi un climat sûr, qui leur permet de s'appuyer mutuellement. Cela devrait diminuer leur vulnérabilité à la violence et à l'isolement dans leur famille et dans la communauté.
Grâce à des méthodes holistes, à leur leadership qui a permis d'établir un milieu plus sûr, elles ont pris l'initiative de modifications positives dans la communauté. Par exemple, le groupe a obtenu une subvention de Capital Health, de Nouvelle-Écosse, pour la santé et le mieux-être des jeunes immigrantes et il a créé des ateliers sur les enjeux propres aux femmes, notamment la violence dirigée contre elles, par exemple de la formation en autodéfense, des ateliers sur la santé sexuelle et l'établissement de relations saines, des cours de yoga. Elles créent aussi une brochure sur les ressources en santé communautaire pour les jeunes immigrantes, afin de réduire leur isolement et leur vulnérabilité, par la recherche de soutien dans la collectivité. Deux dirigeantes du groupe participent aussi au projet de l'YWCA touchant la cyberviolence.
Bref, ces jeunes meneuses immigrantes et le projet de l'ISANS ont permis de renforcer les réseaux pour faire connaître leurs expériences et s'appuyer mutuellement. Ces femmes ont amélioré leurs capacités individuelles et collectives de chefs de file pour contester les inégalités et les relations de pouvoir et devenir résilientes contre la violence faite aux femmes. Ce précieux projet d'une durée de deux ans se termine à la fin de mars 2015. Nous espérons avoir la possibilité de travailler encore avec ces jeunes immigrantes prometteuses et exceptionnelles.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous.
Je voudrais commencer en citant un travail de recherche auquel j'ai participé il y a quelques années — c'est-à-dire que la violence contre les femmes est un problème de citoyenneté qui touche fondamentalement l'intégrité corporelle et la personnalité des femmes; elle bafoue aussi leur droit à la dignité, à la sécurité et à la non-discrimination. Les deux personnes qui m'ont précédée en ont très éloquemment parlé. Plus simplement, j'essaie de dire que les programmes de sensibilisation, les programmes sociaux et les mesures prises au Canada pour prévenir la violence contre les femmes ont besoin d'être encadrés d'une manière qui englobe toutes les femmes, peu importe leur culture, leur religion, leurs antécédents, leur race ou leur orientation.
Mon exposé sera axé sur trois grandes idées: des programmes de sensibilisation et des programmes sociaux durables et cohérents; des programmes axés sur les pairs et dirigés par des survivantes; la nécessité de mesures intersectorielles et d'une stratégie nationale. Les témoins qui m'ont précédée ont parlé de la plupart de ces sujets d'une façon ou d'une autre. Voilà pourquoi j'essaierai d'être la plus brève possible.
En ce qui concerne la première idée, des programmes de sensibilisation et des programmes sociaux durables et cohérents, nous avons vu, au cours des 10 dernières années, beaucoup de programmes innovants lancés et exécutés dans le domaine de la violence contre les femmes. Ils sont utiles à la prévention de divers types de violence sexiste, qu'elle soit générale ou interpersonnelle. Par exemple, mentionnons le propre outil de la SALCO contre le mariage forcé; les ressources du Conseil canadien des femmes musulmanes pour, par exemple, les enseignants, des documents sur le droit familial, les contrats de mariage et beaucoup d'autres; le guide de l'organisme Éducation juridique communautaire Ontario ou CLEO, intitulé « Connaissez-vous une femme victime de violence? Manuel sur les droits que reconnaît la loi », qui est consulté des milliers de fois chaque année; les ressources de Barbra Schlifer sur la planification de la sécurité, l'évaluation des risques et un roman graphique créé par des survivantes; le programme d'éducation juridique du METRAC; et les documents de formation populaire du South Asian Women's Centre.
La liste est longue, et le travail produit ainsi que les programmes innovants de certains de ces organismes et de beaucoup d'autres encore de partout au Canada sont brillants, mais la plus grande partie de ce travail dépend d'un financement irrégulier. Le secteur des programmes sociaux reste reconnaissant de ce financement, mais il continue de se débattre pour sa survie. Même quand ses programmes couronnés de réussite pourraient avoir des répercussions à long terme, il n'obtient même pas la chance d'effectuer une étude complète de faisabilité de leurs répercussions.
Ma consoeur qui m'a précédée a parlé d'un brillant programme qu'elle dirige. Il correspond à ce que je voulais dire au sujet des programmes axés sur les pairs et animés par des survivantes. Beaucoup de ces programmes sont vraiment importants pour combattre la violence contre les femmes. Malheureusement, la responsabilité en est répartie entre beaucoup de ministères. Ils ne sont ni durables ni cohérents. Il s'agit davantage de solutions superficielles, qui ne s'attaquent pas aux causes. La pression constante qui s'exerce sur les organismes pour qu'ils élaborent des programmes innovants sans analyse digne de ce nom de certaines des ressources existantes traduit bien la méconnaissance commune de ces questions entre les ministères. Elle montre aussi qu'on ne donne pas à certains de ces programmes suffisamment la chance d'examiner les répercussions réelles qu'ils exercent dans les communautés.
En ce qui concerne ma deuxième idée, les programmes axés sur les pairs et animés par des survivantes, mon expérience à la SALCO et l'expérience de cet organisme montrent que lorsque nous formons un partenariat avec les organismes dotés de ce genre de programmes ou lorsque nous dirigeons nos clientes qui ont survécu à la violence vers ces programmes, ils fonctionnent vraiment bien et ils ont des répercussions considérables et positives sur la vie des survivantes. Beaucoup d'organismes de partout au Canada — nous avons entendu parler de l'un d'eux, aujourd'hui — ont exécuté avec succès ce genre de programmes et continuent d'en exécuter. Nous avons fait fonctionner nous-mêmes ce genre de programmes de sensibilisation et de prévention.
Il est très important que les femmes et les filles survivantes animent la discussion sur la prévention, la protection et l'autonomisation. Il importe de noter que les programmes animés par des survivantes donnent une dimension de plus à la prestation de services: ils leur permettent de développer leurs compétences, ce qui augmente leur employabilité et influe à son tour sur leur prise en main de leur propre destin. L'animation de la discussion sur soi en matière de prévention permet aussi de réfléchir véritablement aux suppositions qu'on se fait au sujet de leur culture, de leur communauté. Comme il s'agit d'histoires de résilience, dès qu'elles deviennent des leaders, cela permet indéniablement de hisser au premier rang un nouveau groupe de meneuses.
En ce qui concerne la nécessité d'une politique transsectorielle, d'une stratégie nationale qui n'oublie personne, il importe, pour la prévention de toutes les formes de violence contre les femmes, que les mesures créées soient transsectorielles et en accord avec toutes les sphères de la prestation de services, que ce soit dans les domaines du droit et de la justice, de la santé, de l'éducation, de l'immigration et de l'emploi.
Ma consoeur, avant moi, a parlé de la condition de résidence permanente qu'a créée récemment le ministère de l'Immigration et des conséquences vraiment dures de cette politique pour les immigrantes. Rappelons que la violence contre les femmes n'est pas l'affaire de seulement un ministère, un programme politique. C'est un mal qui se propage partout, et les mesures doivent être uniformes pour être sensibles, tout en en étant conscientes, aux besoins des femmes des communautés marginalisées, comme les femmes autochtones, les musulmanes, les femmes sud-asiatiques et les immigrantes.
Il importe vraiment de souligner quelques idées qui ont déjà été soulevées. L'une concerne des programmes qui s'adressent aux hommes. Bien qu'il s'agisse d'un changement évident, malheureusement tous les programmes ou tous les documents dont j'ai parlé ou tous les documents de sensibilisation proposés ont, jusqu'ici, visé presque exclusivement les femmes. Jusqu'ici, peu de financement est allé aux programmes de sensibilisation des hommes.
Un autre point vraiment important, sur lequel je tiens à insister, concerne la sensibilisation des écoliers et la modification des programmes d'études dans les écoles de partout au Canada.
La dernière idée consiste à ne pas considérer les immigrantes comme des personnes à sauver mais plutôt comme des alliées, des leaders et des personnes qui peuvent nous sensibiliser à la manière dont la prévention et la protection peuvent avoir de bons résultats.
Pour conclure, je tiens seulement à dire que pour la prévention de la violence contre les femmes, il importe, désormais, que les services, les programmes et les mesures destinés aux survivantes cessent de leur imposer la responsabilité de devoir se protéger elles-mêmes et la responsabilité des crimes commis contre elles ainsi que la nécessité de soit partir, signaler ou décider. On devrait plutôt leur promettre de les appuyer parce que nous les croyons. Je pense que c'est le changement de culture dont nous avons besoin maintenant pour une stratégie nationale visant à mieux prévenir la violence contre les femmes.
Merci.
[Français]
Je m'appelle Claudette Dumont-Smith, Algonquine de Kitigan Zibi. Bienvenue en territoire algonquin.
Le vol de notre présidente Michèle Audette a été retardé. Nous connaissons tous le caractère imprévisible de la météo au Canada. Elle partait de Québec. Elle pourrait arriver à tout moment.
Je suis la directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada, depuis 2010. Aujourd'hui, je devais être accompagnée de Gail Gallagher, qui est la gestionnaire principale de la division de la prévention de la violence de notre association, mais elle a été terrassée par la grippe. Je pense donc que, en étant ici, j'accomplis mon destin.
Je vous remercie d'avoir invité l'Association des femmes autochtones du Canada à parler de la question des pratiques prometteuses de prévention de la violence contre les femmes. C'est un enjeu important pour nos membres, nos enfants, nos familles et nos communautés.
L'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC, est l'organisation politique nationale représentative des 12 associations provinciales et territoriales qui la composent. On trouve ces associations dans deux des territoires et dans toutes les provinces. Le Nunavut n'en a pas, puisqu'il possède sa propre organisation. Nous toutes, les associations membres et l'AFAC, bien sûr, nous sommes vouées au mieux-être social, économique, sanitaire et politique des femmes métisses et de celles des Premières Nations du Canada.
L'AFAC est la voix nationale des femmes autochtones du Canada. Constituée en société en 1974, elle possède donc plus de 40 années d'expérience du travail auprès des femmes autochtones. Pendant ces 40 années, elle a entendu beaucoup de femmes, leurs histoires de violence, d'exploitation, de souffrance et de douleur, et ces histoires façonnent sa position, aujourd'hui, particulièrement sur le sujet dont nous traiterons.
Nous avons pensé profiter de l'occasion pour vous parler d'un certain nombre de pratiques prometteuses contre la violence contre nos femmes et nos familles des Premières Nations et des Métis. Comme la plupart d'entre vous le savent, la recherche faite par l'association a révélé que les femmes et les filles autochtones sont plus vulnérables à la violence que n'importe qui d'autre au Canada. Je sais que ce n'est pas un concours, mais nous sommes les plus vulnérables. Nous sommes plus susceptibles d'être victimes et moins susceptibles de recevoir les mesures d'appui nécessaires pour répondre à cette victimisation, en raison de l'emplacement de beaucoup de nos communautés, de l'obstacle de la langue, de la culture, etc.
Les femmes et les filles autochtones sont cinq fois plus susceptibles de subir la violence que tout autre groupe de la population canadienne. Souvent, cette violence n'est jamais signalée, notamment les agressions par les conjoints et d'autres formes de violence familiale. Les taux réels sont susceptibles d'être plus élevés que les taux officiels.
La recherche de l'association a révélé que les femmes et les filles autochtones sont plus vulnérables à la violence en raison des conséquences de politiques antérieures et actuelles de l'État. Par exemple, la Loi sur les Indiens, la politique des pensionnats, la rafle des années 1960 et le système actuel de protection de l'enfance sont tous reliés à la pauvreté, au racisme et à la violence contre nos femmes. Pas plus tard qu'en mai dernier, la GRC a révélé que 1 181 femmes et filles autochtones du Canada étaient disparues ou avaient été assassinées au cours des deux dernières décennies. Beaucoup de ces affaires restent non résolues.
Toute forme de violence est inacceptable et doit cesser. L'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada, les Premières Nations, les organisations de femmes autochtones et les familles des femmes autochtones assassinées et disparues réclament depuis longtemps une enquête publique nationale sur la violence contre les femmes et les filles autochtones, y compris sur les circonstances de leurs meurtres et de leurs disparitions. Nous avons besoin d'une telle enquête, pas moins, pour examiner la question sous tous ses angles et trouver des solutions exhaustives.
Pour les besoins de mon exposé, j'ai appliqué cette catégorie à la prestation de services. De plus, on peut subdiviser les programmes et services sur la violence contre les femmes autochtones en deux grands groupes: les refuges pour les femmes qui fuient la violence familiale et les refuges pour les femmes et les filles qui fuient la prostitution et la traite de personnes à des fins sexuelles. Nous parlerons d'abord des premiers refuges, puis de la sécurité qu'ils offrent aux femmes qui fuient la violence sexuelle ou aux filles qui fuient la violence familiale.
Pour les trop rares refuges pour les victimes de violence familiale, nous nous sommes fortement appuyées sur la recherche d'Anita Olsen Harper, qui a porté sur des refuges de plusieurs provinces — Ontario, Colombie-Britannique, Manitoba, Alberta, Québec, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et Nouvelle-Écosse —, l'objectif étant de s'inspirer de leurs pratiques exemplaires pour nous attaquer à la violence familiale dans les communautés autochtones.
Sa recherche renferme une liste très détaillée de recommandations ainsi que de découvertes troublantes. Si je revoyais toutes ces recommandations, je sortirais du cadre de mon exposé. Cependant, nous voulons attirer votre attention sur ses principales constatations et sur certaines des recommandations qui reflètent les principes des pratiques exemplaires qui se sont dégagées des discussions que nous avons eues avec les professionnels du domaine de l'intervention et de la prévention de la violence dans les familles autochtones.
Sur la sécurité, nos discussions avec le personnel des refuges de partout au Canada ont conduit à la liste suivante de pratiques exemplaires; il est sage d'investir dans des clôtures et d'autres mesures de sécurité telles que des alarmes de porte et de fenêtre ainsi que les caméras de sécurité; le besoin en est d'autant plus grand dans les petites communautés, que l'emplacement d'un refuge finit par y être connu de tous; les terrains de jeux des enfants doivent être clôturés et constamment surveillés; les responsables des refuges devraient envisager l'installation de serrures à codes pour les chambres des clientes: après leur départ, elles sont plus faciles à remplacer que les mécanismes traditionnels de verrouillage. Cette recommandation découle de la recherche de Mme Harper.
Dans le cadre des pratiques administratives, elle a recommandé les pratiques opérationnelles suivantes: s'abstenir de porter des jugements sur autrui, ce qui favorise les sentiments d'égalité; formuler des règles claires de confidentialité; envisager d'afficher une liste abrégée de ces règles en divers endroits, dans le refuge, pour servir de rappel.
Sur le plan de l'éducation, notre association a publié en 2011 un rapport du Forum national des femmes autochtones intitulé Ensemble, nous mettrons fin à la violence. Ce rapport renferme plusieurs recommandations relatives à la sensibilisation. On peut résumer comme suit le thème de ces recommandations: élaborer et lancer une campagne nationale qui livre principalement un message affirmant la tolérance zéro pour la violence familiale; pour les particuliers et organisations, prendre les mesures voulues pour sensibiliser les médias à la violence contre les femmes et les filles autochtones; encourager les médias à parler de façon responsable et respectueuse des peuples autochtones, de leur culture, de leur histoire, et, quand ils le font, le reconnaître et les honorer; se servir des médias sociaux et d'autres plateformes Web pour les campagnes de sensibilisation, d'information et de mise en commun des ressources axées sur les femmes et les jeunes; s'attaquer aux causes premières de la violence et ne pas oublier la prévention; s'inspirer, pour mettre fin à la violence, des méthodes traditionnelles et holistes.
Byrne et Abbott ont dégagé une série de recommandations qui visaient à améliorer la réussite de l'éducation des femmes autochtones en diminuant leur vulnérabilité aux causes premières de la violence comme la pauvreté. Globalement, ils ont préconisé un accès amélioré et plus abordable à l'éducation et une augmentation des ressources financières. Cet effort s'appuierait notamment sur les deux objectifs suivants: permettre aux filles et aux jeunes femmes de donner libre cours à leurs aspirations en matière d'éducation et appuyer les jeunes mères pour qu'elles puissent terminer leurs études. En outre, le rapport de Byrne et Abbott contient des recommandations découlant d'une recherche documentaire principalement axée sur l'éducation et l'apprentissage.
Les femmes autochtones ont besoin d'un accès plus facile et abordable à l'éducation ainsi que d'un appui financier. Les auteurs réclament une collaboration à grande échelle entre tous les gouvernements et les organisations autochtones pour mettre au point une stratégie d'éducation permanente qui favorisera la réussite des femmes et des filles autochtones dans leurs études. Cette stratégie devrait insister sur les domaines suivants: le développement dès la prime enfance; l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire; le perfectionnement des compétences.
Ensuite, les auteurs ont recommandé que cet apprentissage permanent comprenne les éléments suivants: financement de la recherche, conduite par des Autochtones, sur les cultures et l'histoire des Premières Nations, des Métis et des Inuits; programmes parascolaires visant les enfants de 6 à 12 ans; réécriture des livres d'histoire pour tenir compte du point de vue des Autochtones et de leur opinion sur la colonisation. Les auteurs ajoutent des recommandations selon lesquelles les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont besoin de revoir les systèmes scolaires pour évaluer la façon dont ils préparent les femmes autochtones à l'éducation permanente au niveau collégial et universitaire, de même qu'à l'emploi.
Dans le cadre de ce réexamen des systèmes scolaires et du recadrage de la préparation des élèves, les auteurs soulignent vigoureusement trois éléments importants: insistance accrue sur les métiers, accès accru à l'apprentissage en ligne et à l'éducation à distance; étude et prise de mesures pour supprimer les obstacles qui empêchent les femmes autochtones de concilier emploi, études et soin de leurs enfants.
Une mesure supplémentaire, pour le domaine de l'éducation, a été la recommandation faite à tous les gouvernements de collaborer avec les organisations autochtones à l'élaboration d'une stratégie permanente pour les principales étapes du développement des enfants; l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire; le perfectionnement des compétences. Cette stratégie doit tenir compte des situations particulières dans lesquelles se trouvent les femmes autochtones.
Ils ont recommandé la mise de côté de fonds pour les Autochtones...
Quand nous avons commencé à nous occuper du problème des mariages forcés, nous avons reçu beaucoup d'informations de femmes soumises à cette forme de violence. Je préciserais que quand nous avons commencé à nous intéresser à la question, nous avons constaté clairement dès le départ, soit en 2005, que c'est un problème qui s'inscrit dans un cadre de violence envers les femmes et rien d'autre. Il faudrait résoudre ce problème dans ce même cadre. Nous n'avons jamais voulu qu'il en soit autrement.
Ici encore, nous voulions que les systèmes soient attentifs et sensibilisés aux expériences distinctes des femmes victimes de cette forme de violence, mais nous souhaitions qu'on tienne compte du cadre de violence envers les femmes. Le problème a malheureusement été traité de manière... et nous savons en outre que le projet de loi fait actuellement l'objet d'un examen.
On présumera que le système juridique actuel ne dispose pas des moyens pour résoudre ce problème, alors que nos clientes, les survivantes et les communautés nous indiquent très clairement que les systèmes et les structures existants suffisent pour répondre aux besoins des gens s'ils veulent se prévaloir du droit et de la justice de cette manière.
Malheureusement, je pense que nous n'avons pas suffisamment appris de ce que nous voyons, et c'est que les femmes ne veulent pas nécessairement se manifester. Ma collègue du groupe de Nouvelle-Écosse a brièvement souligné que les femmes ne veulent pas nécessairement quitter leur famille ou leur... Je ne dis pas qu'elles le devraient ou ne le devraient pas, mais le fait est que la décision devrait leur appartenir. Ce sont elles qui devraient prendre la décision. Le système ne devrait pas s'attendre à ce qu'elles prennent la décision parce qu'il veut qu'elles le fassent, et c'est certainement à cela que mènerait la criminalisation, alors que nous tentons de leur faire assumer la responsabilité de se protéger elles-mêmes au lieu d'accepter qu'il nous incombe de prévenir toute forme de violence envers les femmes.
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Merci d'avoir posé la question.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral investit dans le partenariat infirmière-famille, un programme de visites à domicile qui s'adresse aux femmes enceintes et qui se poursuit jusqu’au deuxième anniversaire de naissance de l’enfant. Il s'agit d'un programme qui repose sur des données probantes et qui fait l'objet d'études depuis des décennies. Le gouvernement fédéral finance donc, en partie, le programme en Colombie-Britannique et en Ontario. Les visites à domicile constituent un des moyens de prévention les plus importants. Non seulement ce programme réduit le risque de maltraitance des enfants et de violence familiale, mais il aide aussi les soutiens de famille à trouver un emploi.
Si je devais faire une recommandation, ce serait de commencer par une approche globale et universelle. Dans l'état actuel des choses, le gouvernement fédéral accorde un financement à chaque province, et les provinces répartissent les fonds entre divers programmes, selon ce qu'elles jugent approprié. Or, ces programmes ne sont pas du tout fondés sur des données scientifiques. Ce que je veux que le comité retienne aujourd'hui, c'est qu'il existe une foule de programmes axés sur des données probantes.
Lors d'une de vos séances précédentes, des fonctionnaires étaient venus présenter de l'information sur le portail des pratiques exemplaires, dans lequel on trouve environ 80 programmes et politiques. Nous en connaissons beaucoup. Quelqu'un a parlé du développement de la petite enfance et des recherches scientifiques sur la façon dont le cerveau réagit au stress toxique chez les enfants qui, dès un très jeune âge, vivent dans l'adversité et sur les conséquences qui en découlent plus tard, dans leur vie relationnelle. Nous sommes au courant de beaucoup de données.
Je crois que le rôle du gouvernement fédéral est de garantir la présence de normes nationales, de s'assurer que les investissements sont suffisants et qu'ils servent aux fins prévues et d'exiger un niveau élevé de reddition de comptes au sujet des résultats et des moyens utilisés pour y arriver.
Mes collègues en Nouvelle-Écosse et en Ontario ont parlé du manque actuel de financement à long terme. C'est l'autre problème. Le gouvernement publie des annonces ou des demandes de propositions par l'entremise de Condition féminine Canada. Les gens présentent une proposition, mais ils ont deux ans pour prouver... Il faut parfois entre 10 et 15 ans pour créer une pratique fondée sur des preuves, au prix de recherches et d'évaluations très poussées. Par exemple, j'ai des collègues au Centre scientifique de prévention du CTSM à l'Université Western Ontario qui se concentrent sur le Quatrième R: « R » pour « relation ». Lecture, écriture, arithmétique et relation — voilà donc les quatre éléments de base.
Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans l'éducation? Nous savons que l'éducation relève des provinces, mais le fédéral accorde des transferts. En fait, il faudrait un apprentissage socioaffectif. Les enseignants doivent acquérir les compétences nécessaires pour comprendre les traumatismes et ils doivent être en mesure de transmettre des habiletés aux enfants. Si la famille ne les inculque pas à l'enfant, l'école devient alors le meilleur lieu de prévention. Selon moi, nous ne misons pas assez sur les écoles ou sur le système scolaire.
Premièrement, je tiens à souligner moi aussi qu'il faut un plan d'action national. Je pense que c'est ce que vous avez entendu dans toutes les séances. Cependant, il ne peut être conçu en vase clos, et je ne pense pas qu'il incombe au gouvernement fédéral de résoudre ce problème. Je pense que l'aspect de l'inclusion, de l'adaptation en fonction de toutes les populations différentes du Canada, est évident.
Je crois qu'il faut aussi un processus, pour que chacun puisse acquérir la capacité de comprendre les causes profondes, les risques et les facteurs de protection ainsi que les solutions. Comme mes collègues l'ont souligné, il se fait beaucoup d'excellent travail dans la communauté, et il est documenté de manière à être inclus dans les portails fondés sur les données scientifiques et tout cela. Je parle vraiment de l'utilisation de données scientifiques, car les choses changent au fil du temps.
Je pense que l'inclusion, le processus, est aussi importante que le plan. Je surveille tous les plans gouvernementaux à l'échelle du monde. Nous en avons 80. Nous les analysons. Nous essayons de comprendre ce que notre gouvernement fait, pourquoi il le fait, les données sur lesquelles il s'appuie, et la responsabilité.
Ce qui est intéressant, c'est que deux gouvernements à l'échelle mondiale font réellement le suivi et ont un cadre de responsabilité comportant des indicateurs et des mesures. Donc, souvent, nous avons de magnifiques plans que les gouvernements établissent, mais personne ne s'occupe de leur mise en oeuvre ou n'en est responsable, et personne ne s'occupe de l'évaluation du degré de conformité.
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Merci infiniment, et merci à tous nos témoins.
L'une des choses qui m'ont frappée, dans les témoignages, et vous avez tous soulevé d'excellents points que j'ai frénétiquement pris en note, c'est que nous avons des centaines, voire des milliers de programmes dont le but est d'enrayer la violence faite aux femmes. Nous y travaillons, au Canada, depuis 1965, je crois, à l'époque où nous avons commencé à créer des refuges. Je pense que la plupart des personnes ici présentes ont participé à ces efforts d'une manière ou d'une autre, et que beaucoup de sang, de sueur et de larmes ont coulé. Ce que nous essayons de savoir, c'est où nous en sommes par rapport à l'avant-garde. Dans quelle direction allons-nous?
J'ai trouvé que Lana avait soulevé d'excellents points au sujet des mesures requises et de la nécessité de déterminer ce qui fonctionne, car nous pourrions être assis à des tables de discussion et présents à des conférences pendant des années sans jamais savoir ce qui fonctionne.
J'ai aimé quand vous avez dit, Claudette, qu'il est vrai que bien des choses ont été mises en place, mais que les taux ne s'abaissent pas. Nous devons manifestement trouver de nouvelles façons de résoudre certains des problèmes.
Je pense que ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est que soutenir le leadership des femmes — Deepa l'a dit sans détour — et éduquer les hommes et les garçons sont, semble-t-il, des mesures avant-gardistes qui commencent à donner des résultats. Et il y a aussi l'éducation des personnes au sujet des aspects culturels, en particulier pour nos nouveaux arrivants. Il semble que vous dites que nos deux populations les plus vulnérables sont les femmes autochtones et les femmes immigrantes.
C'est drôle, car je parlais justement à hier du genre d'attentes que nous pouvons transmettre à nos nouveaux immigrants pour qu'ils comprennent qu'il n'est pas acceptable, au Canada, de battre sa femme ou de vendre sa fille, ou de la forcer à se marier avec quelqu'un.
Je tiens à souligner en passant que la Calgary Immigrant Women's Association fait de l'excellent suivi. J'ai pensé que Gerry Mills, de la Nouvelle-Écosse, souhaiterait communiquer avec elle, car elle réussit très bien à obtenir le financement continu de ses programmes grâce à l'élément de suivi qu'elle intègre dans chaque programme pour pouvoir dire lesquels sont les plus efficaces.
Lana, avez-vous de la recherche sur les programmes qui fonctionnent pour les femmes immigrantes en particulier?
Toutes mes excuses pour la longueur de ma question.
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L'Association des femmes autochtones du Canada comptait différents départements.
Celui de la santé, par exemple. En avril 2012, Santé Canada nous a informés que nous avions perdu tout notre financement. Nous ne pouvions rien faire dans le secteur de la santé pour les femmes autochtones. Huit de nos employées ont été licenciées, et nous n'avons jamais pu les réembaucher parce que nous n'avons pas réussi à obtenir de financement supplémentaire de la part de Santé Canada. Ce fut une compression importante.
Les autres compressions ont, bien sûr, touché le financement de Condition féminine Canada. Pendant la vigile Soeurs d'esprit, l'Association des femmes autochtones du Canada recevait environ 1 million de dollars, information qui a été rendue publique. Le financement a baissé régulièrement depuis. Nous en recevons beaucoup moins qu'à l'époque et même que l'an dernier. Encore une fois, ces compressions ont des répercussions sur la dotation. Le nombre d'employés dans ce département a aussi baissé.
Le financement de base de l'ensemble des OAN et des organismes autochtones régionaux a aussi baissé en général l'an dernier. Afin d'obtenir du soutien financier pour nos projets dans divers secteurs, nous avons dû présenter une demande à un fonds de 20 millions de dollars comme les quatre autres OAN et tous les organismes autochtones régionaux au Canada. C'était un processus très concurrentiel.
Nous y avons participé et avons présenté nos 10 propositions le 20 février l'an dernier, je crois — c'était la date limite de chaque proposition — et nous n'avons pas su avant octobre-novembre que nous avions obtenu du financement pour certains de nos projets. En ce moment, nous menons des travaux qui doivent être achevés le 31 mars au plus tard. Nous avons donc trois ou quatre mois pour abattre une année de travail avant cette date.
C'est très difficile pour moi et mon personnel de travailler dans ces conditions. Bien sûr, comme ma collègue l'a mentionné, il n'est pas facile de garder un personnel dévoué qui veut travailler, qui veut être sur le marché du travail et qui aime son travail. Mais nous ne pouvons pas leur offrir de stabilité. Côté financement, c'est ma situation à moi ainsi qu'à tous les autres OAN et OR.